Les shows se rapprochent et tu es de plus en plus pressé autant que stressé. Tout s’est vendu. Les deux shows en Australie. Ca commence par un à Brisbane, puis vous filez à Melbourne et puis quelques jours après vous filez en Europe. Plus précisément en Angleterre où vous allez faire une petite tournée. Vous avez rajouté des dates car ça a été un succès et tu n’en reviens toujours pas. C’est un très bon signe pour les semaines à venir mais du coup tu te mets une sacré pression sur les épaules. Tu as répété plus qu’à l’ordinaire. Tu sais qu’avec du travail tout va bien. Tu ne veux rien louper. Rien laisser au hasard. Tu veux continuer dans cette direction qui a l’air pavée de lauriers. Tu ne veux pas t’avancer trop non plus et c’est pour ça que tu es venu dans les gradins pour observer d’autres personnes qui sont en train de s’entrainer au rugby. Pour changer d’air. C’est pas la première fois que tu viens ici pour te changer les idées ça fonctionne toujours très bien et ça a tout à fait à voir avec le coach qui est beaucoup trop canon à ton goût. Ca ne devrait pas exister les personnes aussi attirantes comme ça. Tu pourrais pas vivre si tu étais trop beau. Heureusement t’es tout petit et ça enlève un sacré tas de points niveau séduction. Le gars sur le terrain à ce moment précis, il est très grand. Tu n’as jamais été à côté de lui mais ça se voit qu’il fait presque deux mètres.
Y’a un ballon qui atterrit dans les gradins et tu te lèves pour aller le chercher et le lancer de nouveau sur le terrain pour les jeunes qui jouent. Ton lancé est plutôt très bon. Ca se voit que tu t’entraines depuis quelques mois maintenant. T’es plutôt fier d’avoir réussi un si beau lancé sous les yeux d’autres personnes qui sont aussi friand de ce sport. Le ballon arrive droit dans les bras du coach, Angus. Si tu avais voulu le faire volontairement tu aurais sûrement pas réussi, mais c’est beau.
Ca doit faire trois semaines que j'ai commencé à donner des cours de rugby pour les plus jeunes, mais ça me fait toujours bizarre d'y remettre les pieds après autant d'années passées à devoir m'en tenir éloigné. Le club n'a pas changé, cependant l'absence de mon grand-père est plus difficile à accepter en étant ici qu'en étant pris par le ronron quotidien de la vie. Je m'arrête quelques secondes devant une photo de lui tout sourire en présence de ses acolytes avant d'attraper le sac d'entraînement, et de me diriger vers le terrain qui m'a été réservé pour la séance. Je suis venu un peu plus tôt afin de pouvoir installer les plots et faire quelques drops. Il n'y a pas que le coach qui me manque, le rugby, aussi. L'adrénaline, la fierté d'avoir tout donné, les coéquipiers et toutes les autres choses qui faisaient que j'étais passionné. Par réflexe, je me retourne vers les gradins pour chercher le regard approbateur de celui qui m’a tout appris, mais c'est celui de son ancien et vieil ami que je trouve. Je salue Rob de la tête avant de courir en direction du ballon ovale pour le ramasser.
Les enfants ne mettent pas longtemps à arriver et l'endroit ressemble désormais au point de rendez-vous d’un départ en colonie de vacances plutôt qu'à un terrain de rugby. J'aide le petit Joseph à faire ses lacets, avant qu'un autre enfant ne me demande de l'aider. "Bon, asseyez-vous." Je propose, avant que la situation ne finisse par me dépasser et que je me retrouve à devoir passer l'heure à lacer des chaussures plutôt qu'à leur apprendre à jouer. "Vous faites une oreille de lapin et puis une deuxième. "Je dis tout en mimant le geste. "Petit lapin est maladroit, alors il finit par s'emmêler les oreilles, une fois, puis deux." J'ajoute en faisant un double nœud."Tadam, c'est magique ! Et vous savez ce qu’il y a d’encore plus fantastique ? Les baskets à scratch, vous devriez en parler à vos parents, c'est une sacrée invention." J'observe certains imiter mon geste avant de me lever et de sortir les ballons du sac ainsi que les dossards. "Aujourd'hui, c'est course de relais. Vous êtes motivés ?" Ils acquiescent de la tête tandis que je secoue la mienne. "J'ai rien entendu. Quel est le nom de votre équipe ?" Je répète en tendant l'oreille. "Les mini poussins de Logan City !" Ils crient à l’unisson. "Et quel est votre super pouvoir ?" - "On est petit, mais on est solide sur nos appuis.” Je leur fais signe de se lever pour qu’ils puissent faire le aka version enfant qu'on a inventé lors du premier entrainement tout en prononçant notre cri de guerre. “On prend soin de nos amis et qu’importe la défaite, tout ce qu’on veut c’est jouer au rugby !” Je tape dans mes mains pour les motiver avant de faire deux groupes pour ne pas qu'un des gosses se retrouve à être choisi en dernier par le chef d'équipe. Y'a pas plus humiliant que d'avoir l'impression d'être le boulet de service. Ici, il n'y a pas de capitaine et même si je peux voir quelques affinités se créer au fil des séances. Je suis plutôt satisfait de voir qu'aucun des garçons ne se retrouve mis de côté. J'attrape le sifflet qui trône autour de mon cou une fois qu'ils sont en fil indienne et siffle le lancement de la course.
“À ta gauche, Noah !” Je l’observe courir dans la direction opposée en me mordant la lèvre pour ne pas rire. “Ton autre gauche …” Je n’ai pas le temps d’en dire plus que je vois le ballon voler dans les gradins. Noah, c’est le plus grand et le plus costaud des petits. Il me rappelle un peu moi au même âge. Lorsqu'il court, certains de ses coéquipiers font des écarts par peur de se faire plaquer. Son lancer aurait pu être beau, si le ballon n’avait pas atterri en dehors du terrain. Je m’apprête à aller le récupérer lorsque je vois un jeune homme dans les gradins s’en charger avant que je ne puisse atteindre les gradins. Son visage ne m’est pas étranger, il me semble l’avoir déjà croisé à plusieurs reprises sans vraiment prendre le temps d’aller lui parler. Il me renvoie le ballon que je rattrape sans grande difficulté. Les parents commencent à arriver, je prends le temps de discuter avec ceux qui n’ont pas l’air d’être préssés. Ce n’est qu’une fois que les enfants sont rentrés chez eux que je me mets à ranger les accessoires de relais. “Merci pour le ballon.” Je lance au blond tout en faisant passer le sac de sport par-dessus la barrière qui délimite le terrain. “Belle passe, tu fais partie du club ?” Je demande tout en espérant une réponse positive de sa part. Non parce que sinon je me verrais dans l’obligation de faire appel aux autorités. Un homme qui regarde des gamins jouer et qui n’est ni un parent, ni un membre, c’est louche, quand même. Il n’a pas la gueule du type complètement dérangé, bien au contraire, mais si tous les psychopathes avaient un physique spécifique ça se saurait. “On se partage un doliprane ?” Je propose en sortant une tablette de médicaments pour calmer la migraine que je sens arriver. Les cris, les piaillements, c’est encore plus fatiguant que d’avoir à cracher ses poumons sur le terrain pendant un match. Et je parle même pas de la pression que ça représente, j’ai toujours peur qu’un gamin se fasse mal en étant sous ma surveillance. Une heure à être hyper vigilant, ça demande beaucoup trop d’attention et il arrive à mon cerveau d’avoir envie de me faire payer le prix fort pour me punir du surplus d’informations que je lui ai demandé d’analyser. “T’habites dans le quartier ?” On se connaît tous plus ou moins ici ou on a tous dans notre entourage une connaissance en commun, c’est l’avantage -et parfois l'inconvénient- d’habiter dans un quartier aussi convivial.
Tu es impressionné par ton lancé et il passe comme une lettre à la poste. Comme si c’était normal que les gens se trouvant autour du terrain soient capable d’un si beau tir. Non tu rages pas, non tu n’avais pas spécialement envie de faire sensation mais peut être un petit peu. Ou alors ton lancé n’était peut être pas si beau que ça ? Tu sais juste viser en fait Asher, y’a pas de quoi en faire une montagne. Tu continues de regarder la séance d’entraînement alors que tu essaies de faire taire ton esprit. Tu es encore en train repasser en boucle la suite des évènements pour la tournée et ce que tu as prévu de faire d’ici là pour continuer de préparer tout ça de la meilleure des façons possible. Pour être au top. Pour ne pas te décevoir. Tu te moques si les autres sont déçus par toi, l’important c’est que toi, tu ne te déçoives pas. Tu es certainement la personne qui te juge le plus durement de tous car tu sais tout le boulot que tu as mis derrière. Tu sais de quoi tu es capable. Tu sais aussi que le jour j, une fois sur scène, y’a beaucoup d’autres éléments qui entreront en jeu car le stress et le public c’est pas une blague. Même si la scène c’est la meilleure chose, c’est aussi le plus dur nerveusement, ou du moins, pour les premières chansons. Tu es encore en train de débattre si tu bois autant que d’habitude ou non. Tu dois jouer de la guitare sur deux chansons. Tu n’es pas sûr de pouvoir gérer si tu ne fais pas attention à ton niveau d’alcool. Mais ça rentre en conflit avec ce qui t’aide à gérer la pression. “Merci pour le ballon.” Tu sors de tes pensées en entendant ses mots. « Y’a pas de quoi. » C’est la chose la plus naturelle que de rendre le ballon si t’es le plus proche de celui ci. “Belle passe, tu fais partie du club ?” Ah. Ton visage se déride un peu. Tu oublies tout ce qui cogitait dans ton cerveau et tu prends le compliment que tu attendais comme un petit prétentieux. « Ouais je m’entraine les mardis et jeudis avec le club. »
“On se partage un doliprane ?” Tu es amusé autant que surpris par cette proposition. « Non merci. Pour une fois que j’ai pas de gueule de bois. » Tu essaies de ne pas avoir l’air trop impressionné par la grandeur - et la splendeur - de ce type qui est bien proche de toi à présent. Première fois que tu le vois de si près. “T’habites dans le quartier ?” Tu fais non de la tête. « Je suis à Redcliffe. Pas la porte à côté mais j’aime le club ici. » Tu es déjà en train de te justifier. « J’étais à Fortitude Valley avant. J'ai déménagé. » Ce qui explique, tu étais bien plus proche à ce moment là. T’as une voiture, tu t’en moques en réalité de la distance. Tu as aussi l’argent pour payer l’essence. Y’a aucun problème, tu seras mort avant que la planète n’explose. « J'aime bien venir ici pour me changer les idées et utiliser la salle de sport si la motivation me prend. » Tu t'expliques un peu plus, pourquoi tu fais ça Asher ? Tu as tout simplement pas envie qu'il capte que tu viens parce que c'est sa belle gueule qui t'apaise bien en réalité. « Tu joues dans le club aussi ? » Tu comprendrais que vous ne soyez pas dans la même catégorie vu son jeune âge et son profil très athlétique. « Ou juste tu entraines les petits ? »
Un instant c'est le foutoir sur le terrain de rugby à un rien de chanter 'si tu as de la joie au coeur frappe des mains' et de lancer une partie de loup glacé tellement ça ressemble plus à de la garderie. Entre celui qui a envie de faire une pause pipi, celui qui prend son dossard pour un mouchoir usagé et le petit Stanley qui a un sérieux problème de psychomotricité. Et puis, l'intant d'après c'est le calme plat. Les enfants sont rentrés chez eux accompagnés de leurs parents et je ne peux m'empêcher de repenser aux rares moments où mon père me faisait la surprise de venir me chercher après les entrainements. Gamin, j'essayais de me convaincre que s'il ne venait pas ici plus souvent, c'était parce que j'avais la chance d'avoir mon grand-père pour coach. C'est fou ce qu'on peut être tolérant en étant enfant et super doué pour trouver des excuses à nos parents. Je lève la tête vers les gradins, le seul qui persiste à rester c'est le mec qui a fait un beau lancé. Je sais pas trop ce qu'il fout encore ici, il a l'air perdu dans ses pensées ou alors il est complètement perché. « Y’a pas de quoi. » Un peu quand même. Il m'a évité de devoir quitté la pelouse pour aller chercher le seul ballon qui se trouvait être encore sur le terrain. Non pas que ça m'aurait déranger de faire une pause de 5 minutes en m'écartant du chahut que peuvent faire un groupe d'enfant, mais bon j'en aurais perdu un en détournant les yeux, c'est certain. Les gosses, c'est comme des étoiles filantes, il suffit de détourner le regard une seconde pour qu'ils ne soient plus là. « Ouais je m’entraine les mardis et jeudis avec le club. » Je peux rayé l'hypothèse du psychopathe ou tout du moins la mettre en dernière position. "ça fait longtemps ?" Je demande en rangeant le dernier ballon dans le sac de sport. Rares sont les personnes qui se mettent au rugby à son âge. C'est une passion qui commence généralement durant l'enfance et qui nous colle à la peau même après avoir quitté le maillot.
Je sors un doliprane de mon sac à dos et en prend un avant de l'avaler à l'aide d'une gorgée d'eau. J'ai pas dormi la nuit dernière et je sais pas si c'est la fatigue ou les beuglements des gamins, mais j'ai la tête en compote. « Non merci. Pour une fois que j’ai pas de gueule de bois. » J'hausse les épaules en rangeant la boite comme si c'était un paquet de gâteau et que j'étais ravis d'en avoir plus pour moi ou abasourdi par le fait qu'il refuse une telle offre. Ce qui me surprend par contre, c'est sa facilité à me confier qu'il a tendance à trop forcer sur la bouteille. "L'alcool et le sport, ça fait pas bon ménage." Je réponds avant de sauter la rambarde pour venir le rejoindre. Est-ce que la phrase que je viens de prononcer est complètement débile ? Tout à fait. L'alcool sans le sport, c'est tout aussi pourri. Le pire dans tout ça, c'est que même en se tapant la gerbe et les maux de têtes, les gens continuent à remettre ça. C'est dire à quel point la boisson est addictive, mais c'est le vice de la dépendance, ça a beau faire mal, les gens préfèrent passer par là plutôt que d'avoir à s'en passer. "Tu viens ici pour décuver ?"Je demande en fronçant les sourcils. On est ni mardi, ni jeudi alors ma question c'est : qu'est-ce qu'il fout là ? « Je suis à Redcliffe. Pas la porte à côté mais j’aime le club ici. » C'est clair que c'est pas le quartier le plus proche de Logan City. Il faut vraiment aimer le ballon ovale pour venir jusqu'ici. "On a les meilleurs coachs de la ville." Je rétorque avec un fin sourire. Pour une fois, c'est pas mon égo que je tente de flatter, mais celui d'Hassan et de ceux qui sont passés avant lui. Et sans parler des entraineurs, l'ambiance familiale qui siège au sein du club suffit à s'y sentir bien. Il y a tout un tas de génération qui ont parcouru ce terrain et tout un tas d'autres qui se sont assis sur ces gradins. « J’étais à Fortitude Valley avant. J'ai déménagé. » Je vois, ça fait tout de suite moins désespéré. Je suis tenté de lui demander si c'est parce qu'il a dévaliser toutes les bouteilles de Redcliffe qu'il a migré vers un nouveau quartier, mais je suis pas certain que ça le fasse marrer alors je préfère me la fermer. « J'aime bien venir ici pour me changer les idées et utiliser la salle de sport si la motivation me prend. »Ce qui nous fait un point commun. Le sport et le boulot, y'a rien de mieux pour penser à autre chose. Ca a toujours été mes deux executoires préférés et c'est sûrement pour ça que j'ai fini par être doué pour les deux. "Mauvaise passe ?" Je demande sans vraiment attendre une réponse de sa part. Rares sont les fois où on répond sincèrement à ce genre de question de toute façon. « Tu joues dans le club aussi ? » J'aimerais que oui, mais je mime une négation de la tête tout ramenant le goulot de ma bouteille d'eau jusqu'à mes lèvres. "J'ai dû arrêter pendant mes années à l'université, mais avant ça je passais le plus clair de mon temps ici, ouais." Je dis après avoir bu une gorgée. Il faut croire qu'on ne quitte jamais vraiment cet endroit parce que même Hassan a fini par y revenir. « Ou juste tu entraines les petits ? » - "Je sais pas trop si on peut appeler ça des entrainements..." Je rétorque en rigolant. J'ai beau me plaindre, j'adore ces gamins et j'ai hâte de les voir évoluer, mais ça demande une énergie que j'ai parfois du mal à gérer avec le manque de sommeil. "Qu'est-ce qui t'a donné envie de te mettre au rugby ?" Je me suis jamais vraiment posé la question parce que ce sport s'est imposé à moi. Je ne l'ai pas choisi, je suis né dedans et j'ai juste eu la chance d'y prendre goût.
"ça fait longtemps ?" « Six mois par là. Depuis septembre. » Tu es précis dis donc. Toujours en train de te justifier comme tu le peux Asher, c’est mignon à voir quand on sait ce qui se trame dans ta tête. Ca passe inaperçu autrement, juste la conversation, ou du moins c’est ce que tu espères fort.
"L'alcool et le sport, ça fait pas bon ménage." L’alcool sans un semblant d’hygiène de vie non plus. C’est ce que tu essayes de retrouver en te mettant au sport. Ca évolue dans le bon sens des choses petit à petit. Tu bois bien moins qu’avant, mais la tournée arrive et ça c’est un tout autre contexte. Tu ne sais pas trop comment ça va se passer encore. Oui tu appréhendes pas mal. C’est ce qui est dans tes pensées constamment ces derniers temps. Le type passe de l’autre côté de la rambarde, se retrouvant à présent à tes côtés. Il est encore plus près et plus grand de ce point de vue là. Ton mètre soixante dix fait tellement pitié. Il doit faire deux mètres à vue de nez. "Tu viens ici pour décuver ? » « Ca m’est déjà arrivé. Mais pas aujourd’hui. Plus pour… me changer les idées. » Que tu avoues sans peine.
"On a les meilleurs coachs de la ville." Et les meilleurs camarades d’entrainement aussi. C’est une très grande partie de pourquoi tu reviens là. Tu as tissé des liens avec un nouveau groupe de personne qui te fait plus que du bien. Des gens qui savent pas forcément ta vie, que tu découvres juste maintenant. Pas des gens qui te ramènent à des souvenirs que tu n’aimes pas te remémorer. Tu veux un nouveau chapitre. "Mauvaise passe ? » Tu fais oui de la tête car c’est bien le bon terme. Mauvaise vie peut être aussi. Mauvaise famille également. Y’a beaucoup de mauvais dans ce qui t’a entouré pendant ta jeunesse. Ces choses là qui t’ont façonné avec un état d’esprit qui est pas compatible avec bien des choses.
Il est plus aisé de parler des autres alors tu retournes la question au gars. "J'ai dû arrêter pendant mes années à l'université, mais avant ça je passais le plus clair de mon temps ici, ouais." Tu te dis qu’il doit y avoir une histoire de capacité physique là dessous pour qu’il arrête alors qu’il a l’air très clairement passionné par ce sport. "Je sais pas trop si on peut appeler ça des entrainements..." Tu n’avais jamais vu ça comme autre chose de ton coté. Il fait la garde d’enfant ? C’est tellement moins glamour de dire ça comme ça. Mais ça le fait rire alors tu comprends qu’il plaisante. Un sourire s’affiche également sur tes lèvres.
"Qu'est-ce qui t'a donné envie de te mettre au rugby ?" « Besoin de prendre soin de ma santé pour la première fois de ma vie. » Car tu n’as jamais été un grand sportif avant. « Ca défoule bien, j’ai besoin de ça. Et puis j’ai toujours aimé le rugby. Je regardais juste avant, maintenant je mange le gazon de temps en temps. » Asher c’est quoi cette tentative d’humour qui est pas ouf mais qui te fait rire quand même. « Faut avoir de la patience pour entrainer des petits comme ça. Je pourrais pas. Bravo. » Tu te dis qu’il doit avoir des petits dans son entourage pour être autant à l’aise. Ce qui n’est pas ton cas. « Je peux te demander pourquoi t’as arrêté le rugby ? Blessure ? » Ca peut être un sujet très sensible mais apparemment t’as pas froid aux yeux aujourd’hui Asher.
« Six mois par là. Depuis septembre. » Ce qui explique pourquoi je ne l'ai pas croisé avant. Si avril a été le pire mois de l'année dernière, septembre se trouve être juste derrière. Contrairement au blond, je ne suis de retour sur le terrain que depuis peu. Avant d'accepter le poste d'entraîneur, je fuyais ce lieu comme la peste. En six mois, il a pas mal évolué à en juger par la passe qu'il a faite quelques minutes plus tôt. Je lui propose un doliprane qu'il refuse poliment en se vantant de ne pas avoir la gueule de bois, pour une fois. Une information qui ne me laisse pas de marbre puisque mon père avait pour habitude de les enchaîner, lui aussi. « Ca m’est déjà arrivé. Mais pas aujourd’hui. Plus pour… me changer les idées. » En même temps y'a pas pire comme endroit pour décuver que celui ou l'on peut entendre des gosses gueuler. Enfin, il faudrait vraiment maso pour s'infliger une telle souffrance. La conversation suit son cours et je me retrouve rapidement à faire de la propagande pour les coachs du club alors qu'il en fait déjà partie. Un défaut professionnel, sûrement ou peut-être que ça me manque de bosser dans la communication, tout simplement. La page de publicité terminée, je me mets à jouer les psychologues indiscrets comme s'il allait s'empresser de me faire part de ses soucis ou que j'avais la solution à tous les problèmes de la terre. Faudrait-il encore que j'arrive à gérer les miens. Il acquiesce de la tête lorsque je lui demande s'il traverse une mauvaise passe ce qui attise forcément ma sympathie. On est dans le même bâteau, c'est ce que je tente de lui faire comprendre en levant ma gourde vers lui. Je ne vois pas pourquoi on ne devrait trinquer qu'en l'honneur d'heureux événements. Y'a plus de gens qui boivent parce qu'ils sont malheureux que l'inverse. Et le mec qui se tient devant moi semble en être l'exemple parfait.
« Besoin de prendre soin de ma santé pour la première fois de ma vie. » Il n'est jamais trop tard pour penser à soi. Je ne saurais pas lui donner d'âge, un peu plus âgé que moi, peut-être. J'ai toujours trouvé que les blonds aux yeux clairs faisaient plus jeunes que leur âge. Sûrement parce que ça leur donne un air angélique ou alors c'est sa taille qui le rajeunit de quelques années. Je dois mesurer presque 30 cm de plus que lui, un peu moins si on enlève les crampons. « Ca défoule bien, j’ai besoin de ça. Et puis j’ai toujours aimé le rugby. Je regardais juste avant, maintenant je mange le gazon de temps en temps. » Je me pince les lèvres un instant avant de mêler mon rire au sien. "Je comprenais pas pourquoi il manquait des touffes un peu partout sur le terrain. Merci d'avoir tiré cette affaire au clair, l'herbivore." Je rétorque avec un sourire en coin. Est-ce que je compte utiliser ce surnom à chaque fois que je le croiserai au club ? Évidemment. « Faut avoir de la patience pour entraîner des petits comme ça. Je pourrais pas. Bravo. » Une qualité que je dois à Samuel. À mes vieux, aussi. J'ai jamais eu le luxe de pouvoir avoir ce je veux dans des délais respectables. J'ai appris à économiser en étant môme ou à prendre mon mal en patience en construisant ou rénovant ce que ma famille n'avait pas les moyens de m'offrir. "Ils me le rendent bien. Y'a des enfants dans ton entourage ?" Je demande en me doutant de la réponse. Je ne connais pas son âge exact, mais il oscille sûrement autour de la trentaine. Je m'en rapproche dangereusement et je suis déjà l’heureux parrain de deux enfants. Ce n'est pas tant de vieillir qui me fait peur même si oui, j'angoisse à l'idée de perdre la mémoire. C'est surtout de voir tout le monde autour de moi se marier, avoir un bébé et être le seul à ne pas vouloir avancer. « Je peux te demander pourquoi t’as arrêté le rugby ? Blessure ? » C'est à son tour de se montrer indiscret. Je ne peux pas le lui reprocher puisque j'ai moi-même déjà utilisé la carte de la curiosité. "Je me suis retrouvé à devoir m'occuper de mon petit-frère et de ma mère donc je pouvais plus me permettre de prendre des coups à la tête." Je ne peux pas faire grand chose contre la génétique, mais je peux essayer de préserver mes neurones le plus longtemps possible. "Et toi ? Pourquoi tu bois ?" Je demande en déposant mon sac à mes pieds avant de m'asseoir sur le banc en bois. "On est pas obligé d'en parler, mais j'ai décidé d'aller un peu plus vers les autres." Et de me montrer plus honnête, aussi. Pas facile à faire, mais pour le moment ça a l'air de fonctionner un peu plus avec les étrangers. Je mens moins, même s'il m'arrive encore de jouer la comédie quand j'ai pas le coeur à être moi-même. "T'as des résolutions pour cette année ? À part abîmer le gazon avec tes dents ? " Je demande en me retenant de rire.
Ta boutade le fait sourire et même rire. Tu n’aurais pas cru et tu t’es senti stupide, mais tu as bien fait de te laisser aller à ta clownerie le temps de quelques secondes. "Je comprenais pas pourquoi il manquait des touffes un peu partout sur le terrain. Merci d'avoir tiré cette affaire au clair, l'herbivore." Et il est aussi maladroit et gênant que toi dans sa tentative d’humour, ce qui te plait bien trop. Vous êtes tous les deux du même moule. L’herbivore. Ca sonnerait presque comme un nom de tueur en série. Ou juste un surnom en fait Asher, pourquoi tu pars direct sur les serial killer ?
"Ils me le rendent bien. Y'a des enfants dans ton entourage ?" Tu fais non de la tête aussitôt car c’est une question bien simple à répondre. Tu aimerais bien que toutes les questions de ton existences soient aussi évidentes que celle ci. La vie serait bien plus tranquille si tout était aligné parfaitement dans ta petite tête. Et puis tu retournes une question car c’est mieux de parler de lui que de toi. Tu es d’ailleurs bien agréablement surpris qu’il reste avec toi aussi longtemps. Il doit avoir besoin d’échapper à la suite de sa journée, en tout cas c’est ce que toi tu ferais à sa place. C’est ce que toi tu es en train de faire en ce moment même ouais. "Je me suis retrouvé à devoir m'occuper de mon petit-frère et de ma mère donc je pouvais plus me permettre de prendre des coups à la tête." Hmmm. Tu as le visage un peu plus sérieux car tu comprends bien que ce n’est pas drôle du tout ce qu’il te raconte. Elle était abusée ta question mais il a quand même répondu. "Et toi ? Pourquoi tu bois ?" Et c’est naturellement que tu te prends une question comme ça en retour. "On est pas obligé d'en parler, mais j'ai décidé d'aller un peu plus vers les autres." Et cette information supplémentaire te touche plus que tu n’aurais pensé. "T'as des résolutions pour cette année ? À part abîmer le gazon avec tes dents ? " Tu vois qu’il t’offre une porte de sortie discrète avec cette nouvelle question mais nan, tu ne vas pas te défiler. Il a eu du cran, c’est ton tour d’en avoir aussi.
« Je sais pas si je saurais mettre des mots pour expliquer pourquoi je bois. » Tu avoues. Tu réponds sans vraiment répondre là Asher, tu te rends compte ? C’est un début, certes. « La vie est trop compliquée et ma tête trop remplie. » Mouais, peut mieux faire. « J’ai aussi décidé d’aller plus vers les autres depuis quelques mois. La solitude n’est pas mon amie… » Elle est même ta pire ennemie. « J’ai pas spécialement de résolution mais je me suis mis à apprendre la guitare depuis l’an dernier et je veux continuer dans cette trajectoire. Je me rends compte que je suis doué en plus donc ça aide bien de voir des résultats… » Tu te passes une main dans les cheveux machinalement, t’es juste en train de former le reste de tes pensées. « Et continuer le rugby aussi, faire un peu plus de sport même si j’ose. Prendre soin de moi. » Tu te sens… stupide après avoir dit ces quatre derniers mots. « Boire moins du coup. » Tu en as dit des choses dis donc Asher. « Pourquoi t’as décidé d’aller un peu plus vers les autres ? » Oui ça t’a vachement marqué ça. « J’aime beaucoup cette conversation… » Que tu lui avoues sans être trop trop sûr de toi malgré tout. Tu dis pas ce genre de chose d’habitude mais il s’est ouvert, tu fais de même et tu apprécies réellement le moment. Ca te fait cogiter dans le bon sens.
Quand on prend de nouvelles résolutions, le plus difficile c'est de s'y mettre. D'enclencher le processus sans attendre d'avoir un déclic. Et quand les résolutions sont liées à des peurs qui sont ancrées en nous depuis des années, c'est d'autant plus compliqué à envisager. Je ne suis pas solitaire de nature, ni même introvertie. Môme, j'étais le premier à dévaler les allées des vides greniers pour m'entrainer à marchander auprès du premier venu. J'étais aussi celui que mes camarades désignaient comme chef d'équipe, non pas parce que j'étais le plus fort, mais parce que j'étais celui qui faisait le plus de bruits; qui amusait la galerie. Et puis j'ai fini par changer, je me suis fait plus discret, moins présent. « Je sais pas si je saurais mettre des mots pour expliquer pourquoi je bois. » Je m'installe sur le banc et étire mes jambes pour ne pas me réveiller avec des courbatures. "C'est peut-être parce que t'as pas envie d'en connaître la cause que tu t'es mis à boire ?" Je demande en relevant les yeux vers lui. Y'a plusieurs façon de faire l'autruche, comme il y a plusieurs moyens de prendre la fuite. L'alcool en fait partie. « La vie est trop compliquée et ma tête trop remplie. » Le problème c'est qu'une bouteille de scotch coûte beaucoup moins cher qu'un suivi psychologique. La boisson ne demande aucun compte à ses consommateurs et une personne n'est pas cataloguée comme étant folle en poussant la porte d'un bar. « J’ai aussi décidé d’aller plus vers les autres depuis quelques mois. La solitude n’est pas mon amie… » J'ai longtemps pensé que c'était la mienne et il m'arrive encore d'y croire, par moment. Au début, j'étais persuadé que c'était un signe de bonne santé d'aimer être seul; que ça voulait forcément dire que je m'aimais assez pour pouvoir me suffire. Le mois passé loin de la ville et les conversations que j'ai pu avoir avec Jim m'ont permis d'ouvrir les yeux. Si je passe mon temps à rechercher la solitude, ce n'est pas parce que je m'aime assez pour préférer ma présence à celle d'autrui, mais parce qu'à force de voir les gens se barrer, j'ai fini par fermer la porte à double tour.« J’ai pas spécialement de résolution mais je me suis mis à apprendre la guitare depuis l’an dernier et je veux continuer dans cette trajectoire. Je me rends compte que je suis doué en plus donc ça aide bien de voir des résultats… » Sa réponse me fait sourire. J'ai dû faire partie d'un groupe dans une autre vie pour apprécier autant la compagnie de ceux qui sont doués pour la musique. Enfin, je dis ça, mais j'ai jamais su jouer d'un instrument et je suis pas doué pour le chant. Il faut voir la vérité en face, je n'étais sûrement qu'un fanboy, le style à suivre à ses artistes préférés lors des tournées. Je pense notamment à Cam et Nicky, deux personnes diamétralement différentes, mais qui sont habitées par la même passion. La musique possède un aspect thérapeutique qui n'est plus à prouver. Quand mon grand-père a commencé à perdre la tête et qu'il lui arrivait de n'être plus que l'ombre de lui-même. La seule façon de le sortir de son état léthargique, c'était d'utiliser mon vieux walkman et de lui mettre l'album de Blue Hawaii à fond dans les oreilles. C'est ce qui fait qu'aujourd'hui, j'aime Elvis autant que je peux le détester. Je l'ai jalousé durant des années et en même temps, il m'est aussi arrivé de le remercier à chaque fois que je voyais le visage de mon grand-père s'égayer. « Et continuer le rugby aussi, faire un peu plus de sport même si j’ose. Prendre soin de moi. » On pourrait trouver le moyen de s'aider. On a tous les deux besoin de se changer les idées. « Boire moins du coup. » Il a l'air décidé et c'est de loin le point le plus important. C'est du moins ce qui me donne envie de l'encourager dans cette direction.
«Pourquoi t’as décidé d’aller un peu plus vers les autres ? » - "Parce que le temps est compté ?" La trentaine approche à grands pas et quand je regarde derrière moi, tout ce que je vois, c'est les regrets qui se sont accumulés. Plus le temps passe et plus je suis terrifié par ce que je vais bien pouvoir laissé à Sam. Je veux pouvoir lui transmettre bien plus que des objets. J'aimerais qu'il se vante des valeurs que j'ai pu lui inculquer et même si je veux pas qu'il marche dans mes pas, j'aimerais quand même lui montrait le chemin à emprunter pour devenir quelqu'un de bien. "L'art de ne rien laisser transparaître; les mensonges; la solitude; les peurs. C'est pas vraiment ce que je veux léguer à mon petit frère." J'ajoute dans un rire qui m'est propre. Celui qui ne dégage rien d'autre que de l'amertume à mon égard. Je peux pas continué à lui demander de s'ouvrir au monde, de ne pas avoir peur d'être qui il est vraiment, si je suis incapable de lui montrer l'exemple. "Il se passe quoi dans ta tête ?" Je demande à mon tour tandis que je sors un paquet de tim tam de mon sac. C'était censé être pour les enfants, mais j'ai pas eu le temps de le dégainer qu'ils étaient déjà tous sur le chemin du retour. « J’aime beaucoup cette conversation… » - "Oui, moi aussi. C'est bien mieux que d'avoir à converser avec notre ancienne amie. Je dis avec un sourire en coin. Miss Solitude n'apprécierait pas cet échange. Je peux presque l'entendre me gueuler de ne plus jamais lui parler. "On pourrait créer un club anti-solitude ?" Je propose en croquant dans le biscuit avant de lui tendre le paquet. "Deux membres maximum du moins pour le moment et pas d'alcool autorisé." Libre à lui d'ajouter d'autres règles s'il le souhaite. Pour ma part, je suis pas encore prêt à proposer plus de places que celle qui lui est réservée. "Je suis un piètre cuisinier, mais je fais les meilleurs Mocktails." Un talent que j'ai consolidé lors de mes années passées à l'université. C'est dur de ne pas être tenté de boire de nos jours. Je connais personne qui ne s'est pas senti forcé de le faire à un moment donné. Le pression sociale, ça peut nous pousser à faire n'importe quoi."On a de la chance. Les activités autour du sport et de la musique, c'est pas ça qui manque à Brisbane. T'écoutes quoi en ce moment et tu sais jouer d'autres instruments ?" J'ai pas assisté à un match depuis des années et je ne suis jamais allé à un concert en dehors de ceux de mon meilleur ami. Ça me ferait pas de mal de sortir de l'appartement pour faire autre chose que d'accompagner Samuel aux quatre coins de la ville ou pour aller bosser. Bonnie serait même heureuse de pouvoir le garder un peu plus puisque ça fait une éternité que je n'ai pas fait appel à elle pour veiller sur mon frangin.
Il s’assoit alors que tu commences tes confidences. "C'est peut-être parce que t'as pas envie d'en connaître la cause que tu t'es mis à boire ? » Tu l’écoutes, tu cogites, tu t’asseoir à côté de lui car visiblement vous êtes à l’aise ici, à discuter. Tu ne réalises pas vraiment que ça a des airs de thérapie car tu n’en as jamais eu qui ont fonctionné. Au fond de toi tu sais pourquoi tu bois. Parce que ça calme tes pensées. Ton cerveau se détend dans ces moments là alors qu’il est constamment en surchauffe de toutes tes pensées qui vont et se contredise énormément. Dire à voix haute pourquoi tu bois ça rend bien des choses réelle et visiblement, tu n’en es pas capable là tout de suite.
Il écoute vraiment ce que tu racontes. Pas que ce n’est pas le cas quand tu parles à d’autres, mais il est véritablement plus simple de parler librement à un inconnu. Il ne connait rien de ta vie, ni de tes proches. Ce que tu dis, il ne pourra le répéter à personne et c’est ça qui te fait du bien. C’est ça qui délie ta langue sans même que tu le réalises vraiment. "Parce que le temps est compté ? » Et ses réponses continuent de te toucher car tu comprends trop bien ces mots. Tu sais pas ce qu’il a vécu mais ça a l’air similaire à toi d’une certaine façon. Vous avez l’air de vous comprendre sans même vous connaitre. "L'art de ne rien laisser transparaître; les mensonges; la solitude; les peurs. C'est pas vraiment ce que je veux léguer à mon petit frère." Ouf. Tu sens une grande vague émotionnelle te traverser. Ca doit se voir dans tes yeux mais tu ne dis rien, tu essayes également de ne pas le montrer. "Il se passe quoi dans ta tête ? » Une autre question à un milliard de dollar. Tu ne sais pas trop comment formuler ça non plus. Tu considères ses mots malgré tout car ça t’intéresse de voir si tu vas parvenir à mettre des mots sur ce qu’il se passe dans ta tête. « Un peu trop de chose. » C’est vague mais, encore une fois, c’est un début. Tu ne loupes pas la sortie de son paquet de Tim Tam. C’est clair que vu sa carrure il doit être de ceux qui mangent comme quinze.
"Oui, moi aussi. C'est bien mieux que d'avoir à converser avec notre ancienne amie. Tu mets un petit temps avant de capter qu’il parle de la solitude. "On pourrait créer un club anti-solitude ?" Ton sourire se fait plus large, amusé car c’est déjà ce que tu fais de ton côté depuis des mois. Tu multiplies les rencontres et les liens avec des gens pour toujours avoir un numéro de téléphone à contacter pour pas être seul à tout moment. Tu as même déménagé de ton studio à une coloc. "Deux membres maximum du moins pour le moment et pas d'alcool autorisé. » La dernière partie te surprends, puis tu te souviens que vous avez parlé d’alcool un peu plus tôt. "Je suis un piètre cuisinier, mais je fais les meilleurs Mocktails." « Hmmm… » Tu sais pas trop ce que tu penses des mocktails. Ca te fait pas du tout envie là tout de suite. « Je préfèrerai les bières sans alcool quite à choisir. »
"On a de la chance. Les activités autour du sport et de la musique, c'est pas ça qui manque à Brisbane. T'écoutes quoi en ce moment et tu sais jouer d'autres instruments ?" Il n’a pas tort du tout et tu as du mal à croire que Angus est en train de devenir une option supplémentaire dans ton répertoire de numéro de téléphone. Tu penses même qu’il va passer tout en haut de la liste de tes choix pour passer du temps avec autrui. La conversation avec lui est bien trop agréable. Elle te fait cogiter dans le bon sens des choses. « J’écoute toujours autant Sleep Token. Ils jouent en ville en avril. » Tu es clairement le plus grand fanboy de ce groupe que la terre connaisse. Rien que ça oui. « Je joue pas d’autre instrument non. Pas encore en tout cas. » Car tout est possible tant que tu es vivant. « T’écoute quoi toi ? » Car t’es curieux aussi. « Ca me dirait vraiment qu’on fasse un autre truc comme ça là… » Un autre truc comme ça Asher ? Discuter ? Oui. « Ouvrons officiellement le club anti-solitude. » Tu lâches un léger rire car… « Je me sens tellement pathétique. » Mais c’est la réalité et le dire à voix haute fait mal ouais. « Ca fait des mois que j’appelle tout mon répertoire quotidiennement pour pas me retrouver à passer une journée seul si je peux l’éviter. » Tu secoues la tête en même temps que tu dis ces mots là. Tes yeux qui ne sont pas dans ceux de Angus, nope. Très loin de là, tu regardes de l’autre côté du terrain au loin. « Le rugby m’a bien aidé. J’ai rencontré plein de personnes. » Tu relèves les yeux vers lui. « Un de plus avec toi maintenant. » Au cas où y’avait besoin de le préciser. « Tu fais quoi pour contrer la solitude? » Sûrement une question bête ça Asher mais… tant pis. Tu lui as confesser que toi tu appelles tout ton répertoire, tu attends de voir s’il fait comme toi.
« Un peu trop de chose. » Mon regard croise le sien avant que je ne reporte mon attention sur le paquet de Tim Tam que je viens de sortir. Il n’a pas besoin d’ajouter quoique ce soit pour que j’arrive à vaguement discerner le nombre de choses qui doit lui trotter dans la tête. Il n’a pas dit ‘beaucoup’, mais ‘un peu trop’ ce qui à mon sens est bien plus parlant que s’il avait cherché à amplifier son ressenti. Or, il s'est contenté de faire tout le contraire et c'est lorsqu'on essaye de minimiser les choses que ça devient inquiétant. Il m’arrive de le faire bien trop de fois par semaine pour en être conscient. On réduit nos soucis jusqu’à flirter avec le déni pour ne pas que nos proches se fassent du souci. Au final, on se retrouve seul avec nos problèmes et c’est là qu’on se met à faire des conneries. Je lui propose de créer un club et, même si la proposition peut paraître assez égoïste puisque je le fais avant tout pour essayer de m’ouvrir aux autres, plus que pour lui tenir compagnie. La démarche, elle, reste on ne peut plus sincère. « Hmmm… » Je m’attends à me prendre un stop. Après tout, on vient à peine de se rencontrer et maintenant que j’y pense, c’est une proposition que j’aurais sûrement refusée. « Je préfèrerai les bières sans alcool quite à choisir. » Je feinte une grimace avant d’hocher la tête. “Tu sais pas ce que tu rates, mais d’accord.” Les bières, c’est dégueulasse, j’ai toujours cru que les gens en buvaient simplement pour se mettre la mine à un prix raisonnable.
« J’écoute toujours autant Sleep Token. Ils jouent en ville en avril. » Je sors mon portable pour chercher le groupe sur Spotify et lance la première chanson que l’application me propose. Je m’attends à ce que le chanteur commence à gueuler d’une minute à l’autre, parce que ça a tout l’air d’être du métal. Ça plairait certainement à mon meilleur pote, mais j’ai du mal avec ce style musical. Il n’a vraiment pas la gueule du type qui écoute ce genre de groupe, j’essaye de cacher mon étonnement, mais ça doit forcément se lire sur mon visage. L’année dernière j’aurais soit fait mine d’adorer ou alors j’aurais trouvé la première occasion pour couper court à la conversation et me barrer, mais j’ai une résolution à tenir et pour se faire, il faut que j’arrête de mentir. “Tu refuses d’entrer dans le club si je te dis que j’aime pas trop quand ça gueule ?” Je confesse en rangeant mon portable dans mon sac de sport. “On peut toujours aller les voir en avril, si tu veux. Je mettrai le casque anti-bruit de mon frangin.” J’ajoute pour me rattraper, même si c'est pas le meilleur mois de l'année et que ça risque d'être un peu compliqué à planifier. Après tout, il m’est déjà arrivé de changer d’avis sur un sujet et toute nouvelle expérience est bonne à prendre. Enfin, non, pas toutes, mais un concert ne peut pas faire de mal. « Je joue pas d’autre instrument non. Pas encore en tout cas. » Un, c’est déjà bien. Je viens m'asseoir à ses côtés et étire mes jambes avant de les recroqueviller en tailleur. « T’écoute quoi toi ? » Question difficile. “Ça dépend de mon mood.” Je réponds en haussant les épaules. “Je peux écouter la même chanson en boucle durant une semaine.” Ce qui a le don d’agacer Samuel. “J’ai pas d’artiste préféré, j’écoute de tout tant que ça me parle.” Je pourrais m’inventer quelques idoles pour paraître cool, mais ma playlist est tout sauf stylée. Elle contient plus de chansons tristes que de chansons qui bougent et tout autant de petits artistes que de grosses têtes d’affiches. « Ca me dirait vraiment qu’on fasse un autre truc comme ça là… » Comme quoi ? Discuter ou squatter les gradins du terrain de rugby ? « Ouvrons officiellement le club anti-solitude. » Mes lèvres s’étirent en un sourire tandis que je lève mon Tim Tam en l’honneur du club que nous venons de créer. “À nous les bières sans alcool, les mocktails, les concerts et les discussions intéressantes.” Je dis la bouche à moitié pleine. « Je me sens tellement pathétique. » Je fronce les sourcils puis me met à rire parce que s’il est pathétique alors c’est que je dois l’être aussi. “Écoute, c’est ce qu’il y a de bien à propos du club. On a pas besoin d'être toujours au top de notre forme.” Je réponds en haussant les épaules. C’est l’avantage de faire équipe avec un parfait inconnu, si quelque chose se passe mal, on pourra toujours prendre des chemins différents et ne plus jamais avoir à en parler. « Ca fait des mois que j’appelle tout mon répertoire quotidiennement pour pas me retrouver à passer une journée seul si je peux l’éviter. » Je pointe du doigt son portable avant de tendre la main et de lui passer le mien. “T’auras qu’à m’appeler quand t’auras envie de chasser la solitude.” Je dis en attendant qu’il rentre son numéro dans mon répertoire. « Le rugby m’a bien aidé. J’ai rencontré plein de personnes. » Des personnes qui seront toujours là pour lui s’il fait pas le con comme moi et qu’il ne quitte pas les lieux sans donner de nouvelles. « Un de plus avec toi maintenant. » Son regard croise le mien alors que j’acquiesce de la tête. «Tu fais quoi pour contrer la solitude? » - “Je bosse beaucoup et je m’occupe de mon frangin.” Pathétique, ouais. C’est à peu près tout ce que je fais de mes journées. J’ai peu de temps à consacrer au reste même si je sais qu'au fond c'est sans doute parce que je ne m'autorise pas à le faire. Je pourrais libérer du temps libre si j’en avais vraiment envie. Mes proches se comptent sur les doigts d’une main, mais ils ne seraient pas contre voir Sam un peu plus souvent. J’ai beau dire que mon frangin a besoin d’une routine, qu’il est bien mieux chez nous, entouré des choses qu’il connaît plutôt qu’ailleurs, mais plus il grandit et plus ça sonne faux. “Je devrais peut-être essayer ta technique.” J’ajoute sans réellement y croire. Je me plains de me sentir seul, mais c’est toujours mieux que d'être déçu par ceux qu’on pensait connaître. “Bon va falloir qu’on se trouve un truc à faire pour inaugurer l’ouverture du club, tu crois pas ?” Je secoue mes mains et range le paquet de biscuit avant de me lever.
“Tu sais pas ce que tu rates, mais d’accord.” C’est toujours intéressant de voir les gens qui ont des goûts diamétralement opposés aux tiens. Il grimace, toi tu souris, amusé par la situation. Il sort son téléphone quand tu mentionnes Sleep Token, tu le regardes faire essayant d’oublier combien il fait deux fois ta taille et combien il est absolument un plaisir des yeux. “Tu refuses d’entrer dans le club si je te dis que j’aime pas trop quand ça gueule ?” Plus tu en apprends sur lui, plus vous êtes opposés pour l’instant. Tu fais non de la tête. « On peut écouter Shawn Mendes. » Car tu es fan également. S’il aime pas ça non plus, tu en auras d’autre à lui proposer, c’est pas un problème ça.
“On peut toujours aller les voir en avril, si tu veux. Je mettrai le casque anti-bruit de mon frangin.” Tu es absolument surpris de cette proposition. « Ow nan. » Ca se sent que tu t’y attendais pas. « Tu n’auras pas à te faire subir ça j’y vais avec des potes mais… Merci d’avoir proposé malgré ce que ça t’aurait coûté. » Tu trouves ça absolument incroyable et… Un peu trop beau pour être vrai. Asher, ok il a l’air très sincère et peut être il est autant désespéré que toi de trouver de la compagnie mais ne t’accroche pas trop, pas si vite en tout cas. Tu viens tout juste de lui parler pour la première fois. Tu es très touché en tout cas. Peut être qu’il ne s’agissait que d’une parole en l’air, mais tu n’y penses pas là. Tu veux y croire.
“Ça dépend de mon mood.” Tu vas en apprendre plus sur lui avec ses goûts musicaux. Tu attends l’info avec anticipation. “Je peux écouter la même chanson en boucle durant une semaine.” Ah ça, t’es pareil. “J’ai pas d’artiste préféré, j’écoute de tout tant que ça me parle.” Tu hoches la tête, tu comprends bien, toi t’as quelques artistes qui te parlent si fort que tu n’écoutes plus qu’eux. Comme Sleep Token par exemple.
Et puis vient un moment assez incroyable. C’est que vous allez vraiment le faire, ce club anti solitude. Il a l’air aussi enjoué que toi. “À nous les bières sans alcool, les mocktails, les concerts et les discussions intéressantes.” Ce type te met naturellement au défi dans vos conversations et tu n’avais jamais vraiment eu ça avant. Ou bien c’était il y a longtemps. Avec Tovi. Mais c’était différent. “Écoute, c’est ce qu’il y a de bien à propos du club. On a pas besoin d'être toujours au top de notre forme.” Tu confirmes d’un hochement de tête. Ouais. Ca c’est certain. Il prend tout ça si bien Angus. Il n’a pas peur de se montrer vulnérable avec toi.
“T’auras qu’à m’appeler quand t’auras envie de chasser la solitude.” Tu lui inscris ton numéro dans son téléphone. Tu vérifies plusieurs fois que tu t’es pas trompé car c’est important. Car tu as du mal à croire ce qui est en train de se passer. C’est pas du bluff. Il a l’air de vouloir tenir parole. Toi aussi. « Ce sera fait. » Tu lui rends son téléphone en parlant du rugby. « Un de plus avec toi maintenant. » Il insiste et ça te réchauffe le coeur. Y’a un sourire presque timide sur tes lèvres.
“Je bosse beaucoup et je m’occupe de mon frangin.” Il s’occupe avec des activités bien différentes des tiennes. “Je devrais peut-être essayer ta technique.” Tu n’es pas sûr de quelle technique il parle ? Faire le tour de son répertoire ? C’est une bonne idée ? Apparemment vu qu’il le considère. « T’as mon numéro. » Tu soulignes, sous entendant qu’il peut t’appeler quand il veut. Tout comme il te l’a offert. Tu es sincère dans ta démarche. “Bon va falloir qu’on se trouve un truc à faire pour inaugurer l’ouverture du club, tu crois pas ?” Tu le regardes se lever. « On peut se prévoir un resto. La bouffe a l’air d’être un point commun. » Tu te lèves aussi car il faudrait que tu bouges également. Tu verras de cette façon là si les actions vont accompagner les mots. Si vous allez réellement vous revoir pour palier à vos solitudes respectives. Tu espères que oui.