Les raisons d’être inquiet au sujet de mon retour à Brisbane sont nombreuses, et elles n’ont pas même attendu que je commence à me rapprocher de mon pays d’adoption pour exister. La disparition de Ginny n’avance toujours pas et maintenant, des messages de Damon viennent s’ajouter à l’équation. Il semble vouloir parler sans que j’en connaisse le sujet, mais je jure être capable de sentir la tension palpable au travers des maigres mots échangés. Il a été aussi bref et expéditif que parfaitement flou, parce que je devine aisément que c’est un sujet assez grave et/ou important pour qu’il refuse de l’aborder uniquement par message. Et en des temps tels que ceux d’aujourd’hui, cela n’a rien d’une sorte de bonne nouvelle, que ce soit de près ou de loin. Peu importe ce dont il veut me parler, je ne sais faire autre chose que de déjà craindre le pire, à pester contre un avion qui ne franchit pas assez rapidement la moitié du globe. Le retour en classe business est payé par Weatherton, comme l’aller l’avait été, à la seule différence que l’absence de sommeil prend cette fois la forme de brefs coups d'œil que je laisse dévier du côté de James, qui peine aussi à pleinement profiter de ce long trajet pour se reposer. Nous avons chacun un poids différent sur les épaules, et le mien prend finalement la forme d’un long, très long soupir que j’improvise contre sa nuque lorsque nous faisons enfin la queue dans l’allée du couloir pour sortir de l’avion. La vérité, c’est que je n’ai aucune envie de retourner à la vie réelle.

La suite est mécanique. Récupérer la valise, la poser à la maison, repartir aussitôt pour retrouver Damon. Peut-être qu’il aura Sloan avec lui, peut-être que non. Je n’en sais rien, et j’imagine encore une fois que tout dépendra de ce dont il doit me parler. Le garçon ne se souviendra de rien, il ne comprendra sûrement pas non plus, mais parfois nous nous retenons de certaines discussions devant les enfants, avec le besoin impérial de les protéger. Et je sais qu’il ne veut que le meilleur pour son tout jeune frère, tout comme je n’ai aucun doute quant au fait que tout se soit parfaitement bien passé avec lui durant la (longue) semaine écoulée. Il doit me parler d’autre chose, c’est évident, et mes suppositions ne peuvent aller plus loin, ce qui est une raison supplémentaire pour faire fit du décalage horaire et rencontrer mon fils à l’heure prévue, au restaurant donné. Déjà, les souvenirs européens se dissipent tous. Tout se passe trop vite.

“Damon.” Je souffle lorsque j’observe sa silhouette à l’entrée du restaurant, n’ayant aucune envie qu’il perde son temps avec un serveur avant de trouver notre table. Je me lève pour le saluer, ma main se posant brièvement contre sa nuque pour ce faire. “J’ai vraiment envie de te demander comment tu vas et si tes cours se sont bien passés, mais je veux surtout savoir pourquoi tu voulais me parler.” Je demande sans détour, sans que cela ne soit une surprise pour quiconque.

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Il avait déjà failli annuler au moins quatre fois. Dit comme ça, c’était peut-être dramatique alors qu’il s’agissait là d’un simple déjeuner avec son père, mais c’était pourtant la vérité. Rien qu’à l’idée d’avoir ce rendez-vous au milieu de sa journée avait empêché à Damon de trouver un sommeil réellement réparateur, si bien qu’il s’était levé en ayant l’impression de ne pas avoir fermé l’oeil de la nuit. Pas que ça aurait été bien grave si tel avait été le cas; les jours où il avait cours n’étaient pas ceux où il était nécessaire qu’il soit le plus éveillé et réactif, ayant depuis longtemps maitrisé les sujets abordés et ne se rendant en cours que pour faire acte de présence et valider ses examens en fin de semestre et d’année. En tous cas, ce n’étaient pas les cours le soucis de la journée et ce fut donc avec la boule au ventre qu’il quitta l’appartement alors que le soleil était déjà levé sur la ville - il pouvait admirer le joli spectacle depuis le balcon de chez lui, un café et déjà sa deuxième cigarette de la journée accrochée à ses lèvres.

La terrasse du restaurant été déjà pleine lorsqu’il se pointa sur place, avec peut-être une à deux minutes de retard - ce qui ne lui ressemblait pas, mais l’enseignant qui dispensait le dernier cours de la matinée n’avait pas de notion du temps et avait lâché le groupe réuni dans l’amphithéâtre aujourd’hui avec un peu de retard. Cela laissa donc quelques minutes supplémentaires à Damon pour se préparer à la discussion qu’il s’apprêtait à avoir avec Auden, qui lui était présent dans le restaurant. A peine avait-il approché de l’entrée de l’établissement que déjà ce dernier lui faisait signe de la main. « Damon. » Une place à l’intérieur pour déjeuner, donc - cela ne lui laisserait pas l’occasion d’allumer une clope quand la conversation serait de trop chargée en émotions de son côté. Aux risques et périls des deux Williams, pour le coup. Parcourant les quelques mètres le séparant de son père, ce fut avec un sourire qu’il ne sut tout de même pas dissimulé qu’il reçut son accueil. Même s’il savait que la discussion ne serait pas des plus agréables à avoir - il espérait se tromper sur toute la longueur, en réalité, mais il savait que croire en une telle chose serait idiot de sa part -, il ne pouvait s’empêcher d’être content de partager un moment avec son père, et ce alors qu’ils étaient réellement que tous les deux sans personne d’autre pour accaparer la moindre minute. « J’ai vraiment envie de te demander comment tu vas et si tes cours se sont bien passés, mais je veux surtout savoir pourquoi tu voulais me parler. » Cela aurait étonné Damon qu’il perde du temps à s’embêter avec des banalités de la sorte en réalité. « J’espère quand même que ton vol s’est bien passé. » Que le cadet ajouta tout de même, alors qu’il tirait la seconde chaise pour s’asseoir à table également.

Cependant, si Auden était pressé d’apprendre les détails du sujet que Damon souhaitait aborder, ce n’était pas son cas à lui. Le stress n’avait cessé de ronger son estomac ces dernières vingt-quatre heures, et il avait tourné et retourné dans son esprit toutes les façons qui lui étaient venues à l’esprit afin d’amener le sujet sans que ce dernier ne ressemble à un cheveux sur la soupe; il n’en était rien, en réalité, cela sortirait forcément de nulle part. Hésitant encore un instant, gardant le silence surement trop longtemps au gout d’Auden, Damon finit par gratter l’arrière de sa nuque avant de sortir une enveloppe de la porte de sa veste. Cette dernière comportait les traces de elle qui avait été ouverte et fermée bien trop de fois, trahissant le fait que le jeune homme avait surement passé bien trop de temps à lire les lignes inscrites sur le papier à l’intérieur. « Tu peux ouvrir et lire. » Auden reconnaitrait surement l’écriture de son propre père bien plus rapidement qu’il ne faudrait, même si cela ne lui donnerait pas réellement d’indice sur la raison qui avait poussé Damon à organiser ce déjeuner. Mais c’était de cette façon là que lui-même avait appris la nouvelle, alors peut-être que cela était plus judicieux de répéter le mécanisme pour que le brun face à lui comprenne d’où il revenait de son côté. « Juste: si jamais ça t’énerve ce que tu lis, déchire pas la feuille. » Il connaissait le tempérament Williams - celui dont il n’avait pas hérité -, et savait qu’il était facile pour un représentant de cette famille de s’énerver rapidement.

A peine Damon arrivé, je ne sais cacher une certaine crainte et lui demande déjà à en venir aux faits, pour que je sache au moins à quoi m’en tenir. Plus tard, je prendrai le temps de jouer mon rôle de père. « J’espère quand même que ton vol s’est bien passé. » J’hoche vaguement la tête, la seule réponse à donner à cela étant bien sûr positive. Le vol s’est passé, je ne dirai cependant pas qu’il était le meilleur de ma vie, pour un bon millier de raisons différentes. Nous avons atterri au bon endroit et au bon moment, cela devrait me suffire. Ce qui ne me suffit pas, en revanche, c’est d’observer Damon avec tout le souci qui le compose. Je jurerais qu’il a perdu une teinte sur le visage tant il est blême. Ses cernes, à leur tour, ne peuvent mentir.

Le garçon n’ajoute rien de plus et je me fais silencieux à mon tour, même lorsqu’il finit par sortir une lettre de la poche intérieure de sa veste. Toute la gestuelle est bien trop cérémonieuse pour l’allure de ladite lettre, abîmée et froissée un bon nombre de fois. « Tu peux ouvrir et lire. » Par je peux, je comprends que je le dois. Damon ne me dira rien, parce qu’il en a honte, parce qu’il en a peur, parce que Dieu sait quoi encore. Pendant un instant, j’imagine cette lettre être la sienne, tout comme j’imagine qu’il dit à l’intérieur des mots qu’il n’oserait pas prononcer. Rapidement, pourtant, je comprends être loin du compte. Je fronce une fois les sourcils en lisant Cosimo sur l’en-tête, prénom que plus personne n’utilise pour parler de lui aujourd’hui. Je fronce les sourcils une seconde fois en reconnaissant l’écriture et m’assurant de cela en lisant directement la signature en bas de la lettre: Elon. Mon regard se reporte un instant sur le jeune garçon, juste assez de temps pour qu’il y lise toute ma surprise et mon incompréhension, mais pas assez pour entamer la moindre discussion. « Juste: si jamais ça t’énerve ce que tu lis, déchire pas la feuille. » Et de tout ce qu’il aurait pu me dire, cela n’a absolument rien de rassurant. Pourtant, je comprends rapidement pourquoi il anticipe ma colère, bien que ma lecture soit ponctuée de maigres rires lorsqu’Elon reproche à Saül ses qualités (absentes) de père ou lorsqu’il trouve la parfaite description pour Elise. Toute once d’amusement fout le camp à la seconde où il parle de la mère de Damon, partie de la lettre que je devine être celle sur laquelle je dois me concentrer.

Lentement, très lentement, trop lentement, je replie la lettre et la fait glisser sur la table entre nous, mon regard retrouvant ensuite celui du garçon. Les calculs sont rapides: il est au courant depuis plus de deux ans, maintenant ; et il est difficile de ne pas associer son silence à une trahison, parce qu’il sait que de mon côté non plus je n’ai aucune nouvelle de sa mère. Quand bien même notre union n’avait rien d’amoureuse, j’aurais aimé savoir ce qu’elle est devenue. “Pourquoi est-ce que tu me montres ça maintenant ?” Je demande et fais au mieux pour contrôler ma voix et tenter de paraître le plus calme possible. Les seules choses aidant, ce ne sont que le manque de sommeil autant que le décalage horaire. J’ai bien assez de problèmes à gérer en cet instant, je n’avais certainement pas besoin qu’il en rajoute tel un cheveu sur la soupe. Je ferme finalement les yeux pendant plusieurs secondes et pose mes doigts par dessus, tout en soufflant un instant. “Tu l’as retrouvée ? Ça fait deux ans, tu l’as bien cherchée, non ?” J’espère. J’espère sincèrement qu’il n’a pas laissé cette information pourrir sur un putain de bout de papier, parce que toute la patience que je peux avoir à son égard connait aussi ses limites.

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Bien sur que les banalités avaient été balayées d’un revers de la main sans cérémonie, alors que le sujet principal de cette rencontre était bien plus important. Auden n’avait aucun tenant, ni aboutissant pour le moment mais rien que le fait que son fils demande à le voir alors qu’il savait pertinemment que son père se tenait à l’autre bout de la planète pour le moment, le troisième Williams de cette branche séjournant chez son ainé le temps de l’absence de leur père, indiquant le degré d’importance de la discussion qui allait suivre. Dans un autre monde, Damon aurait pu en vouloir à Auden de passer au vif du sujet aussi rapidement; mais ce n’était pas celui dans lequel ils évoluaient présentement. Alors, il finit par lui tendre la lettre qui lui avait appris, deux ans plus tôt, les derniers détails de son arrivée sur cette planète. C’était surement maladroit de la part d’Elon de l’avoir fait de la sorte à l’époque, ça l’était surement tout autant de la part du blond d’agir de la même façon aujourd’hui; mais il ne saurait mettre les mots aussi facilement sur la situation, il n’aurait pas forcément la bonne intention pour expliciter ce que la lettre retraçait déjà toute seule. Au mois, Auden aurait les mêmes informations que lui avait eu au moment où il avait découvert l’envers du décor.

La lenteur avec laquelle il replia la lettre par la suite n’annonçait rien de vraiment bon. Auden n’était pas calme, il faisait partie même de ses personnes laissant aller leurs émotions facilement - mais, au contraire de son fils face à lui qui extériorisait ça avec des larmes, ce dernier se rabattait sur la colère et l’expression de cette dernière facilement avec ses poings. Etait-ce de cette façon là que le début de leur échange allait se solder ? Allait-il démontrer à son fils qu’il n’étiat pas spécialement heureux de ce qu’il venait d’apprendre en user de la manière forte ? Un autre l’aurait fait; Damon avait davantage confiance pour savoir se retenir lorsqu’il avait Auden face à lui, mais après tout, ils avaient été forgés dans le même moule. Peut-être l’idée de l’endroit public n’était vraiment pas mauvaise, in fine. « Pourquoi est-ce que tu me montres ça maintenant ? » Il l’entendait, la colère, dans le fond de la voix d’Auden. D’instinct, il baissa le regard, se concentra sur n’importe quel autre élément qui lui permettrait de ne pas croiser le regard de son ainé. Damon pinçait les lèvres, cherchait les mots les plus justes pour s’exprimer sans que cela ne paraisse trop maladroit. La raison était aussi simple qu’idiote, et il se doutait qu'elle n’allait pas davantage plaire à son père. « La disparition de Ginny me fait un peu paniquer. » Le blondinet tentait de s’exprimer de façon audible et surtout sur un ton qui se voulait le plus neutre possible - mais toute l’émotion qu’il ressentait s’entendait, à l’instar d’Auden, dans ses mots. « Je me mets à la place de Sloan, qui va peut-être devoir grandir sans sa mère, et… » Il soupira, fronçant les sourcils. « Et je me suis dit que si ça m’arrivait, je m’en remettrais pas. Et puis je me suis rappelé que ça m’est arrivé, en quelques sortes. » Il aurait pu inventer n’importe quelle excuse, mais il ne le ferait pas; il se contenterait de maintenir le cap sur la voie de la vérité parce-que c’était ce qui serait le plus efficace pour tout le monde dans cette situation.

« Tu l’as retrouvée ? Ça fait deux ans, tu l’as bien cherchée, non ? » Toute cette partie là de sa vie lui paraissait déjà tellement loin, à Damon. Il avait l’impression de faire un bond de dix ans en arrière là où seulement deux années s’étaient écoulées. Lentement, il hocha la tête, évitant toujours le regard de son paternel. « Je l’ai cherché, je l’ai retrouvé. » Il avait eu du mal, mais il y était parvenu. « Elle a changé de nom, depuis. Elle se fait appeler Alice Ferragni, et… » Ce ne fut qu’à ce moment là qu’il releva ses azurs vers Auden, tentant d’analyser un instant les traits de son visage, la colère s’y tissant en silence à travers ces derniers. Il déglutit, se rendant compte qu’il avait été autant égoïste de garder cette information là pour lui que de lui jeter à la figure aujourd’hui alors qu’il avait surement bien d’autres préoccupations à gérer - dont un enfant en bas âge perdant sa mère de jour en jour, justement. Il pinça les lèvres. « C’est égoïste de ma part de t’en parler, c’est ça ? » Ce n’était pas sur ça qu’il souhaitait s’exprimer à la base, Damon, mais les mots lui avaient échappé. Sauf que s’il n’en parlait pas son père, à qui d’autre dans ces conditions et dans cette situation ?

J’ai énormément de questions et autant de reproches à partager avec Damon et je peine à les classer dans un ordre d’importance ou un autre. Rapidement pourtant, une première question passe la barrière de mes lèvres. Je ne sais pas s’il s’agit vraiment du pourquoi le plus important mais il l’est à mes yeux. « La disparition de Ginny me fait un peu paniquer. » Il avoue, sa voix bercée d’émotions. Et puisque je ne m’attendais pas à ce que le prénom de ma femme se retrouve mêlé à sa réponse, je serre les dents. Bien sûr que j’ai à mon tour une réaction particulière suite à sa disparition, suite à l’absence totale de nouvelles aussi. Cela ne lui ressemble pas - au contraire de la mère de Damon, qui n’a pas vraiment essayé de se faire connaître au cours des dernières décennies écoulées. Maintenant qu’il a prononcé le prénom de ma femme, je souffle simplement et ne cherche plus à rencontrer son regard. Il panique peut-être, mais de mon côté elle me manque surtout. « Je me mets à la place de Sloan, qui va peut-être devoir grandir sans sa mère, et… » - “Dis pas ça Damon.” Je souffle et demande. L’enquête n’avance pas, personne n’est optimiste. Oui. Peut-être. Mais il ne peut pas déjà dire que Sloan grandira sans sa mère. Je me suis promis de ne pas l’imposer à nouveau à mon enfant, et je ne veux pas avoir menti. « Et je me suis dit que si ça m’arrivait, je m’en remettrais pas. Et puis je me suis rappelé que ça m’est arrivé, en quelques sortes. » Ca lui est arrivé, oui. Sans que personne ou presque ne soit au courant, Damon a effectivement grandi en l’absence d’une mère, simplement supervisé par une chimère qui tentait de faire au mieux, à sa façon. Une fois de plus, je serre les dents. Une fois de plus, s’il a subi cette situation, ce n’est que par ma seule faute.

Ainsi, à défaut de me concentrer sur les pourquoi, je cherche plutôt refuge dans les comment, à commencer par lui demander s’il a mené ses recherches. Il est au courant de son existence autant que de son nom depuis deux ans, cela lui a laissé tout le loisir du monde que d’utiliser un peu d’argent de son père pour envoyer quelqu’un mener une enquête digne de ce nom. Eliana n’est personne pour moi, mais elle est tout pour lui. « Je l’ai cherché, je l’ai retrouvé. » Et il évite toujours mon regard, ce qui aurait tendance à me faire craindre le genre de réponse qu’il pourrait me donner. Par ses mots, pourtant, je comprends au moins qu’elle est toujours en vie, et cela suffit à me donner un brin d’espoir. Il mérite de connaître sa mère, peu importe s’il compte ou non tisser avec elle un lien ensuite. « Elle a changé de nom, depuis. Elle se fait appeler Alice Ferragni, et… » Alice Ferragni. J’hoche la tête, imprime le prénom. Mon regard, maintenant calmé, remonte enfin dans les prunelles du garçon qui ose enfin me regarder droit dans les yeux. Et quoi, Damon ? « C’est égoïste de ma part de t’en parler, c’est ça ? » J’esquisse un sourire fatigué. “Disons que ton timing est un peu à chier.” S’il énonce la disparition de Ginny comme un levier pour oser m’en parler, de mon côté cela ne fait qu’évoquer l’immense problème que je dois gérer au quotidien, en plus de celui qu’il vient ajouter tel un cheveu sur la soupe. “Et j’aurais aimé que tu m’en parles avant, sans doute.” Mes mots prennent une forme différente quand ils sont destinés à Damon. N’importe qui d’autre aurait reçu insultes et reproches pour avoir eu en sa possession une information aussi importante et ne pas me l’avoir partagée. Je me redresse dans ma chaise et souffle un instant. “Tu lui as pas encore parlé, pas vrai ?” Il parle d’elle comme d’une inconnue, ce qu’elle est. Le connaissant, j’imagine qu’il cherche encore à amasser toutes les informations possibles à son égard. “Elle vit encore en Italie ?” La distance pourrait expliquer l’absence de discussion, et pourtant nous savons tous deux qu’il aurait pu emprunter un jet pour aller rendre visite à sa mère. En réalité, il gagne du temps.

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« Dis pas ça Damon. » Il aurait préféré, ne pas le dire, il le jurerait devant qui voulait l’entendre. Mais c’était pourtant la réalité, aussi dure pouvait-elle être à admettre: il y avait désormais une possibilité dans laquelle Sloan grandissait sans sa mère. Ce n’était bien sur pas celle qu’il désirait voir se réaliser, loin de là, mais c’était celle qui le faisait réfléchir depuis des semaines désormais et qui avait enclenché de nouveau une machine qu’il pensait pourtant éteinte et prête à rester en sommeil. Comme quoi, quand il était question de sa mère, un enfant se voyait revenir aux instincts primaires. Pinçant les lèvres, alors, il n’osa tout de même pas relever son regard vers son père à ce moment là. « Pardon. » Et bien sur qu’il s’excusa, dans un souffle, à demi-mots; il avait toujours été bon pour sortir des excuses et des supplications plus que le reste de tous les mots qu’il connaissait dans le dictionnaire.

Ce n’était de toutes façons pas sur cette partie là de la situation que leur attention avait besoin de se concentrer pour le moment, puisque ce n’était pas pour parler de Ginny qu’il avait donné rendez-vous à Auden aujourd’hui. Si ce dernier désirait en parler, ou partager des nouvelles de l’enquête en cours, bien sur que Damon écouterait sans sourciller - ou en tous cas sans se plaindre. Mais il avouerait volontiers que ce n’était pas de cette femme là qu’il désirait discuter, alors il enchaina ses réponses afin d’apporter celles qui intéressaient le brun face à lui. Oui, il avait retrouvé sa trace; il n’avait trop que sur faire de l’information comme quoi celle qui l’avait mis au monde faisait toujours partie de ce dernier finalement, mais avait décidé qu’il préférait encore avoir toutes les cartes en mains plutôt que d’avoir une seule partie des informations. Alors, il s’était rendu sur place pour en apprendre d’avantage et retrouver sa trace, pour connaitre un peu plus qu’un simple nom de celle dont il portait la moitié du patrimoine génétique.

L’autre moitié de ce tout se trouvait justement en train d’écouter ses paroles, devant lui, alors qu’il relevait ses azurs sur un visage qu’il aurait du connaitre par coeur et pourtant qu’il redécouvrait de jour en jour. Ce ne fut qu’à ce moment là que la réalité, la véritable, le frappa de plein fouet: il se montrait égoïste, une fois de plus. Parce-que son propre coeur avait du mal à contenir la vérité, qu’il se trouvait être nécessaire pour soulager cette peine qu’il ne saurait expliquer à l’intérieur de lui d’extérioriser ces informations, et tout un tas de choses sur lesquelles il ne savait mettre les mots. Mais en regardant son père, il se rendait compte que ce dernier n’avait pas à subir les caprices émotionnels d’un enfant qu’il n’avait pas forcément désiré non plus. « Disons que ton timing est un peu à chier. » Bien sur qu’à ces mots là, il ne sut garder son regard haut et que ce dernier se reportera partout ailleurs que face à lui. « Et j’aurais aimé que tu m’en parles avant, sans doute. » Il pinça ses lèvres un instant, esquissant une moue désolée d’avance. « J’aurais surement du t’en parler plus tôt en vrai. » Mais les choses avaient été tellement compliquées entre tous les membres de la famille Williams qu’il avait pensé qu’ainsi, à garder ça pour lui au mois au début, ce serait plus simple. « Je voulais pas que la nouvelle soit connue de tout le monde aussi. » A demi-mots, bien sur, mais c’était sa façon d’avouer qu’il ne voulait pas que Saül obtienne également l’information comme quoi la personne qui l’avait mis au monde se trouver toujours parmi eux; même à distance, après des années, il serait capable d’agir et de tout gâcher.

« Tu lui as pas encore parlé, pas vrai ? » Sans hésiter un instant, il secoua la tête de gauche à droite, venant faire reposer sa tête contre son poing fermé, coude désormais appuyé sur la table; cela lui donnait à la fois une moue boudeuse et un air enfantin, qu’il méritait de porter en cet instant alors qu’il parlait de sa mère avec son père - comme c’était étrange de penser ça. « J’ai pas eu le courage. » Il plissa quelque peu le bout de son nez. « J’avais peur d’être déçu. » Et c’était là la pure et entière vérité. Après tout, les parents qu’il avait pourtant connu toute sa vie avaient réussi à le décevoir de bout en bout. « Elle vit encore en Italie ? » - « Elle… » Il prit un instant pour terminer sa phrase, sachant pertinemment que la réponse n’allait de nouveau pas plaire à Auden. Il le savait, tout simplement parce-qu’il se sentait idiot d’avance d’avoir ce type d’informations en sa possession et de ne rien en faire, de les laisser posées là en attendant qu’elles agissent d’elles-mêmes et qu’elles lui apportent des réponses qu’il n’était même pas sure de vouloir. « Elle a déménagé en Australie je crois, mais c’est vraiment récent. » Comme si cela pouvait pardonner d’avoir eu accès à cette information sans la partager avant aujourd’hui. « J’ai pas eu plus de courage d’aller la voir en apprenant ça. » Parce-que tout le problème résidait là, en réalité: lui manquant de courage d’en apprendre plus sur ceux qui étaient à l’origine de son histoire. C’était idiot, il le savait, et c’était lâche; il espérait juste qu’Auden n’oserait pas le souligner à haute voix, car si c’était de ce type de réponse que Damon attendait, il serait allé voir Saül pour les obtenir sans avoir besoin de faire le moindre effort.

« Pardon. »
Dis pas ça non plus, Damon.

« J’aurais surement du t’en parler plus tôt en vrai. » C’est ce que je viens de dire, oui, et j’aurais sans doute apprécié qu’il ait cette illumination plus tôt. Il a eu tout le temps du monde pour y penser, en réalité, parce que cette information est en sa possession depuis ce qui semble être une éternité. Pourtant, parce qu’il est lui, je me contiens et je ne réponds rien de plus, malgré la ribambelle de sentiments qui sont les miens en cet instant. Tout est déjà difficile lorsqu’il est question de Ginny, mais tout le devient soudainement plus lorsque… Eliana se mêle à l’équation, sans même prévenir. Je suis certain de ne même jamais avoir pris la peine de lui demander son prénom. « Je voulais pas que la nouvelle soit connue de tout le monde aussi. » - “Et maintenant ?” Ils finiront par tous le savoir, et lui comme moi savons qu’il a tout à y gagner à ce que cela soit révélé de façon volontaire. Particulièrement si Saül l’apprend de lui-même, les conséquences seront nombreuses et terribles. S’il ne veut pas leur en parler, je pourrais le faire, mais je m’en chargerais uniquement s’il m’en fait la demande. Aussi simplement que cela.

Je cours après plusieurs chevaux à la fois, je tente de savoir tout et son contraire, et je ne relâche pas la cadence de mes questions. Alors, je me concentre à nouveau sur l’identité de sa mère, à laquelle il avoue ne pas avoir sauté le pas d’une moindre discussion pour l’heure. « J’ai pas eu le courage. J’avais peur d’être déçu. » Et à mon tour, je ne peux pas le rassurer à ce sujet, simplement parce que je ne tiens aucune sorte de souvenir de cette soirée, et de facto encore moins de la femme dont il est question. Elle est peut-être décevante, c’est une possibilité que je ne peux pas me permettre de rayer de la carte uniquement parce que je voudrais rassurer mon fils. “J’en sais rien. Je peux rien te dire à son sujet.” J’avoue et je confesse, empli de culpabilité.

Face à ses doutes, je relève instinctivement mon regard dans le sien. « Elle… » Elle quoi, Damon ? Si elle ne vit plus en Italie, où est-elle ? Est-ce qu’il le sait, au moins ? Est-ce que ses recherches sont allées jusque là ? Ont-elles porté leurs fruits ? « Elle a déménagé en Australie je crois, mais c’est vraiment récent. » - “Où ça ?” Je demande avec bien trop d’empressement pour un homme qui assure ne rien vouloir avoir à faire avec cette femme dont je ne connais rien, sauf peut-être les traits du visage qui se retrouvent chez Cosimo. « J’ai pas eu plus de courage d’aller la voir en apprenant ça. » - “Où ça, Damon ?” Il n’a peut-être pas le courage d’aller la voir, mais moi je l’ai. Sauf qu’à sa différence, j’ai plusieurs mois de retard et autant d’heures de recherche en moins. Je ne sais pas qui elle est, je ne sais pas où elle vit, j’ignore à quoi elle ressemble et je ne sais même pas à quoi elle occupe son quotidien. Nerveusement, je passe une main dans mes cheveux tout en inspirant longuement, pour tenter de garder mon calme. “Qu’est-ce que tu sais à son sujet ? Je sais pas si tu comptes lui parler un jour, mais je peux pas faire semblant de rien maintenant que je sais que la mère de mon fils se trimbale sur le même foutu pays.” Il y arrive peut-être, et grand bien lui fasse, mais de mon côté je ne sais pas me la fermer, et encore moins jouer à l’innocent.

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« Et maintenant ? » Maintenant, il n’était plus sur de rien. C’était déjà là d’ordinaire une vérité le concernant, mais le fait de discuter à haute voix d’un sujet qu’il avait gardé pour lui tant de temps, il n’y avait plus aucune vérité qui semblait trouver grâce à ses yeux. Maintenant, il avait surtout l’impression que ce que les autres autour de lui pouvaient penser n’avait plus autant d’importance que ça avait pu être le cas pendant trop longtemps. Ou plutôt: ce que Saül pourrait penser de tout ça ne lui faisait ni chaud, ni froid, et c’était de lui qu’il était question dans ce débat interne - comme dans beaucoup d’autres qui se trouvaient plus ou moins l’être. « Maintenant, il faudrait que je prévienne maman. » Qu’il avait fini par souffler, à demi-mots. Parce-que s’il s’était dit qu’Auden se devait d’être au courant rapidement, à partir du moment où il s’était laissé aller à l’idée de révéler cette information, bien sur qu’Elise était seconde sur la liste - voire même première à égalité. Elle était, pour sur, la seule personne que Damon tenterait de protéger autant qu’il le pourrait dans cette révélation parce-qu’il n’était pas question à ses yeux de blesser sa mère d’une quelconque façon. Pour le reste de la famille… « Et je lui parle plus, donc il l’apprendra quand il l’apprendra. » Il n’y avait pas besoin d’ajouter là de précision quelconque, Auden saurait parfaitement à quoi il faisait référence en cet instant - et si ce n’était pas le cas, Damon savait qu’il le ferait comprendre rapidement de toutes façons.

Il ne pourrait fournir énormément d’informations, en réalité, qu’importe qui en venait à lui poser des questions - comme cela se voyait en cet instant avec la discussion en cours entre les deux italiens -, puis que le blond n’vrai pas eu le courage d’aller à la rencontre de celle qui l’avait pourtant mis au monde. La raison n’était pas bien plus compliquée que simplement il avait eu peur d’être déçu; après tout, dès qu’il s’agissait de parentalité, les choses s’étaient toujours trouvées être douces-amères, pour lui. Maintenant, il avançait à tâtons pour ne pas se retrouver déçu encore et encore. « J’en sais rien. Je peux rien te dire à son sujet. » - « Oh, d’accord. » Et de toutes les personnes qui auraient pu lui donner des informations à ajouter à sa maigre collection, bien sur qu’Auden était tout en haut de la liste - et apparemment, même lui ne pourrait pas l’aider dans cette nouvelle quête. Comme dit: dès que cela touchait à sa parentalité, pour une raison comme pour une autre, il finissait par être déçu à un moment. Il préférait donc rester dans une certaine obscurité que de trouver la lumière qui permettrait d’éclairer en totalité cette situation; pourtant les choses auraient pu être explicitées depuis longtemps et de façon assez simple, puisque celle qui tait en réalité sa mère avait déménagé en Australie et se trouvait non-loin d’eux depuis quelques temps désormais. « Où ça ? » Et apparemment, la réponse à cette question n’était pas intéressante que pour lui puisqu’Auden souhaitait l’avoir aussi. « Où ça, Damon ? » Mais face à l’insistance de ce dernier, là où il était entré dans ce restaurant plein de courage, Damon se dégonflait. Il n’avait jamais été très à l’aise avec les figures d’autorité, mais face à son père c’était encore trop neuf pour qu’il réussisse à comprendre quel comportement adopter exactement, ce qui le faisait assez rapidement perdre ses moyens malheureusement. Il n’était plus un enfant pourtant, et ce n’était pas Saül devant lui: il pouvait répliquer. Pourtant, il garda les lèvres pincées encore un instant, un autre également, et ce ne fut qu’au bout d’un silence qui parut durer une éternité qu’il reprit la parole. « A Brisbane. Il fallait forcément que ce soit ici. » Il haussa les épaules d’une façon quelque peu distraire, comme si l’évidence était même; apparement, lorsqu’il s’agissait des italiens de leur entourage plus ou moins proches, ils ne savaient venir que dans cette ville et nulle part ailleurs en Australie.

« Qu’est-ce que tu sais à son sujet ? Je sais pas si tu comptes lui parler un jour, mais je peux pas faire semblant de rien maintenant que je sais que la mère de mon fils se trimbale sur le même foutu pays. » Damon pouvait souligner l’énervement qui prenait part des fibres musculaires d’Auden face à lui, il n’y avait pas besoin d’être expert pour le voir de toutes façons. Et comme il ne désirait pas non plus que cette entrevue tourne vinaigre, il se fit violence pour ne pas se terrer encore davantage dans un silence qui n’apporterait pas grand chose si ce n’était que de la frustration de chaque côté; ce n’était pas aisé, ni un comportement habituel, mais étant donné qu’il était celui qui avait attendu des mois et même des années pour en parler, il pouvait se faire violence un minimum. Il inspira quelque peu. « Je compte lui parler, tu sais. Juste… J’ai l’impression qu'il s’est passé mille choses depuis que j’ai appris qu’elle était toujours vivante, et après j’ai pris peur, et… » Il n’existait pas réellement de raison, en réalité - simplement de fausses excuses derrière lesquelles il s’était habilement caché jusque maintenant. « Ce que je sais, et qui peut servir, c’est qu’elle bosse chez Weatherton. Elle est attachée de presse. » Attrapant une des cartes de visite de la MHI dans sa poche - il en avait toujours une ou deux qui trainaient ici et là -, il la retourna pour griffonner au dos le peu d’informations qu’il avait, incluant le nom sous lequel elle se faisait connaitre désormais. « Elle a changé de prénom, et elle est mariée. J’ai pas son adresse ici par contre, mais ça permet de la retrouver facilement. » Il glissa ensuite sur la table le petit carton, pour qu’Auden puisse s’en saisir. La faiblement avec laquelle il était venu écrire ces informations démontrait qu’il les connaissait par coeur depuis bien trop longtemps désormais pour que ce soit sain pour lui-même. Il savait qu’il franchirait le pas assez rapidement, dès le premier jour; mais il lui manquait cette légère impulsion pour aller jusqu’au bout des choses, qu’il avait surement trouvé dans le malheur de la vie conjugale de son père, ironiquement.

« Maintenant, il faudrait que je prévienne maman. » Ce garçon a un bien trop grand cœur pour être capable de survivre par lui-même, c’est évident. Je me moque de sa mère, je me moque de cette femme, et je me moque même qu’il ne cherche pas à vouloir prévenir Saül. Je me moque de l’un autant que l’autre, tout comme je me moque qu’ils soient mis au courant de cette nouvelle qui ne les regarde pas ; et qu’ils connaissaient même sans doute déjà, vue leur capacité à garder des secrets qui nous regardent tous. Je tente de rester impassible mais contiens difficilement l’agacement qui est le mien. « Et je lui parle plus, donc il l’apprendra quand il l’apprendra. » - “C’est pas important.” Ce n’est pas important s’il ne veut pas lui parler, et c’est encore moins important s’il n’en parle pas à Saül. Je ne serai pas celui qui lui reprochera cette attitude. Au contraire, je suis sans doute soulagé qu’il soit parvenu à prendre des décisions par lui-même, notamment celle qui le pousse à ne pas tout pardonner à un homme qui lui a menti toute sa vie durant, et ce sans la moindre vergogne.

Elle a déménagé en Australie, donc. De tous les foutus pays du monde, c’est l’Australie qu’elle a choisi pour y vivre, et personne ne saurait me faire croire que ce n’est qu’une coïncidence de plus. Damon garde le silence et retient la ville précise, raison pour laquelle j’insiste en lui posant davantage de questions, parce que ce pays ne compte pas réellement un grand nombre de villes habitant plus d’humains que d’animaux en tout genre. « A Brisbane. Il fallait forcément que ce soit ici. » Il hausse les épaules comme si la coïncidence ne l’atteignait pas, et j’esquisse un rire amer. Evidemment, il fallait jouer avec le Destin jusqu’au bout des choses. « Je compte lui parler, tu sais. Juste… J’ai l’impression qu'il s’est passé mille choses depuis que j’ai appris qu’elle était toujours vivante, et après j’ai pris peur, et… » Il se pince les lèvres et démontre tous les signes possibles et innimaginables de stress, ce que je ne peux plus et ne veux plus ignorer désormais. J’avance brièvement ma main pour la poser contre son avant-bras, sans rien faire de plus pour autant. “Je suis désolé. J’aurais aimé être d’une meilleure aide.” J’aurais aimé aider, tout simplement. Je ne cherche pas à retrouver sa mère à titre personnel, parce que je n’ai rien partagé avec elle autre qu’une simple nuit, mais je n’ai aucun mal à comprendre pourquoi tout est parfaitement différent pour lui. “J’étais pas moi-même ce soir-là, ni la plupart de ceux de cette époque. C’est pas vraiment le genre d’exemple que je veux donner.” Je lui précise sans vraiment entrer dans les détails, simplement pour qu’il comprenne que je suis bien incapable de faire mieux.

« Ce que je sais, et qui peut servir, c’est qu’elle bosse chez Weatherton. Elle est attachée de presse. » Et juste comme ça, ma main reprend place de mon côté de la table, se détachant de sa peau par la même occasion. Au lieu de ça, je souffle longuement, mes doigts se reposant contre mes paupières fermées. A Weatherton, sérieusement ? De tous les jobs du pays, et même ceux de la ville, il a fallu que ce soit celui-ci ? « Elle a changé de prénom, et elle est mariée. J’ai pas son adresse ici par contre, mais ça permet de la retrouver facilement. » J’observe le nom noté sur la carte de visite, sans pour autant le reconnaître. Sans doute que c’est un certain soulagement pour moi de ne pas avoir déjà côtoyé la mère de mon enfant sans savoir qu’elle l’était, ou qui elle est. “Tu sais que je travaille à Weatherton quasiment quotidiennement, pas vrai ?” Il sait que j’ai collaboré avec la maison de mode pour un défilé, mais je lui précise que tout est encore d’actualité, à un certain niveau et pour des raisons qui me sont propres - et que je ne risque pas de partager avec lui, surtout. “Je garderai le secret si je la croise avant que tu lui aies parlé, mais ne fais pas traîner ça vingt ans de plus Damon.” Parce que je peux garder le secret quelques jours, semaines et sans doute mois, mais de mon côté aussi je veux connaître la vérité, et je veux apprendre à la connaître, même après tout ce temps. “Tu lui en veux ?” Il ne sait pas ce qu’il veut lui dire, mais est-ce qu’il sait au moins ce qu’il ressent à son égard ?

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« C’est pas important. » A cette phrase, Damon haussa les épaules. Lorsque cela concernait Saül, que ce soit de près ou de loin, il n’arrivait plus à savoir si cela était vraiment important ou non. Une grande partie de lui désirait réellement que ce ne soit pas le cas, mais il restait tout un côté qui était encore trop fragile face à celui qui était son père, malgré tout, et il rendait la lutte contre ce dernier bien plus compliquée. Dans les faits, avec tout ce qu’il avait pu lui faire subir et toutes les choses qu’il lui avait caché à travers les années, ce n’était fondamentalement pas grave si Damon ne lui en parlait pas et laissait la nouvelle venir à lui sans provoquer cette rencontre. Mais il se connaissait assez pour savoir que sa volonté d’agir ainsi pouvait également vaciller à tout moment; cela l’attristait plus qu’il ne le laissait percevoir, étonnement.

De toutes façons, il n’était pas venu à la rencontre d’Auden aujourd’hui pour discuter de l’italien qu’ils avaient en commun, mais pour parler de celle qui aurait du remplir son rôle de mère auprès d’un Williams qui tentait de remplir son rôle de père avec des années de retard. Ce dernier était insistant, désireux de savoir dans quelle ville elle avait fini par poser ses valises - comme si la réponse ne résidait pas déjà dans le silence et l’hésitation de la part du blond. La réponse de Damon arracha un petit rire en rien enjoué de la part d’Auden; oui, la coïncidence était assez grosse pour avoir envie d’en rire, effectivement. Ce n’était pas quelque-chose dont était capable le jeune homme pourtant, tantale tournure de la discussion était difficile pour lui. Certes, il avait eu en sa possession l’information comme quoi sa mère était finalement en vie et qui plus était, habituait dans la même ville qu’eux mais ce n’était pas pour autant qu’il avait trouvé le courage à aucun moment de faire le premier pas. Il le voulait, promis cela le rongeait de l’intérieur, mais il lui manquait un petit quelque-chose pour aller au bout de ses idées.

Le soutien d’un père, par exemple. « Je suis désolé. J’aurais aimé être d’une meilleure aide. » Auden avait posé sa main sur l’avant bras de l’ainé de ses fils, et ce ne fut qu’à ce moment là que ce dernier réussi à remonter son regard dans celui de son père. « J’étais pas moi-même ce soir-là, ni la plupart de ceux de cette époque. C’est pas vraiment le genre d’exemple que je veux donner. » Il bâtit des paupières un peu plus fort, un peu plus vite, l’espace d’un moment avant d’hausser légèrement les épaules de nouveau. « Ca pourra pas être pire. » Que l’exemple qu’il avait eu jusque maintenant. « Et je suis plus un petit enfant, tu sais. Je suis capable d’entendre la vérité. » Peut-être qu’il s’avançait un petit peu de trop sur ce point - mais ce qu’il désirait transmettre ici, c’était qu’il avait passé l’âge d’être protégé des vérités que les adultes de sa famille gardaient pour eux depuis tant de temps.

Parce-que si Auden n’avait pas davantage d’informations à lui transmettre sur celle qui lui avait donné la vie, Damon allait vite arriver à court de celles qu’il avait récolté de son côté. Certes, il avait réussi à retrouver sa trace, son nouveau nom et l’endroit où elle travaillait à Brisbane depuis son arrivée sur le territoire, mais les pistes s’arrêtaient là - ce qui était là bien maigre. Apparement cependant, ce n’était pas quelque-chose d’anodin aux yeux d’Auden, puisque ce dernier se remit finalement à sa place initiale sur sa chaise, fermant les yeux et frottant ces derniers d’un main appuyée; cette réaction fit froncer les sourcils de Damon, qui ne fit pas seul le lien entre ce qu’il venait de dire et les informations qu’il avait déjà en sa possession. « Quoi ? » Un brin déçu de lui-même de ne pas comprendre ce qui paraissait apparemment évident. « Tu sais que je travaille à Weatherton quasiment quotidiennement, pas vrai ? » Ecarquillant les yeux et laissant échapper un petit « Oh. » dans un soupire, sa réaction parlait d’elle-même: il ne savait pas effectivement que cette collaboration était toujours d’actualité. « Tu penses… » Il n’osa pas aller au bout de sa phrase, au bout de sa pensée; car désormais il y avait une possibilité que ses parents se soient déjà croisés sur le sol australien sans qu’ils ne sachent l’un ou l’autre qui était la personne en face. Ce fut au tour de Damon de s’adosser lentement à sa chaise, le regard quelque peu dans le vague. Il n’avait pas anticipé cette possibilité là, il fallait avouer. « Je garderai le secret si je la croise avant que tu lui aies parlé, mais ne fais pas traîner ça vingt ans de plus Damon. » C’était là tout un pan de cette nouvelle réalité qu’il n’avait pas pensé pouvoir arriver. « Je vais lui en parler, promis. » Il avait murmuré du bout des lèvres, comme on formulerait un voeu qu’on aurait peur de devoir venir réalité.

« Tu lui en veux ? » A ces mots, son coeur se pinça quelque peu et bien sur qu’un voile de tristesse se posa sur son regard. Lui qui pensait avoir préparé cette discussion du mieux qu’il l’avait pu avant de se trouver face à son père, se rendait compte en réalité qu’il n’était pas du tout préparé à tout ça. Et s’il n’arrivait pas à maintenant la face devant Auden, comment pourrait-il le faire devant Alice ? Damon déglutit avec difficulté, baissant son regard sur ses mains qui jouaient nerveusement entre elles, posées sur la table. Il aurait bien allumé une clope, là, maintenant. « Je sais pas. » Il haussa une nouvelle fois, une énième fois, les épaules en prime. « Je t’en veux pas à toi. » Qu’il laissa échapper un peu trop rapidement du bout des lèvres - c’était pour autant la vérité. Il n’en avait pas voulu à Auden de ne pas s’être manifesté plus tôt dans sa vie, là où il avait été mis bien tardivement au courant du réel lien de parenté qui les unissait. Dans le cas d’Alice, les choses étaient bien sur différentes mais comment pourrait-il réellement lui en vouloir ? « Je sais pas si elle sait que j’existe. Je veux dire, on m’a bien dit qu’elle était morte en me donnant la vie au début, alors qui sait… » Qui pouvait savoir ce qu’elle avait reçu de son côté comme vérité. Si ça se trouvait, elle était très à l’aise avec l’idée que son fils ait rendu l’âme à peine avait-il vu le jour et là était la raison qui l’avait poussé à ne pas chercher à le trouver. « Ou si ça se trouve elle sait où je suis et neveu pas me connaitre. » C’était de ça dont il avait peur. « Je lui en voudrais là, je crois. »

« Et je suis plus un petit enfant, tu sais. Je suis capable d’entendre la vérité. »
“T’es plus un enfant, mais je reste ton père.”

Peu importe à quel point j’ai été absent, je reste son père, et seul mon sang coule dans ses propres veines. Il y a des choses que je ne veux pas annoncer à Damon, tout comme je ne souhaite pas en parler à qui que ce soit. Cela changera peut-être un jour, mais ce n’est certainement pas envisageable pour l’heure encore. Pour l’heure, nous avons déjà beaucoup à faire en nous contentant du présent, surtout alors que chaque mot de Damon m’informe qu’il en sait bien plus au sujet de sa mère que ce que je pouvais le penser à première vue. « Oh. » Il se contente d’ajouter, lorsque j’avoue continuer de travailler à Weatherton, sans pour autant ajouter de détails à ce sujet. Je ne manque pas de confiance envers lui, mais c’est justement parce que j’en ai beaucoup trop et parce que je le respecte que je veux le protéger à ma manière. Et à mon niveau. « Tu penses… » Je balance ma tête de gauche à droite, pour qu’il ne se fasse pas trop d’idées, ni même d’espoirs. “J’en sais rien.” Je ne connais pas beaucoup de noms, et je me contente surtout de me souvenir des visages. Mais celui d’Eliana, ou Alice, je n’en ai jamais gardé le moindre souvenir, et cela ne risque pas de revenir maintenant. « Je vais lui en parler, promis. » Il l’annonce sans la moindre joie, et je n’en éprouve pas davantage non plus. Il a peut-être passé une vie entière à se demander comment se passerait le moment où il retrouverait sa mère, mais de mon côté ce n’est pas la même, raison pour laquelle je me contente d’hocher la tête.

Ma question ne nécessitait qu’une réponse binaire, mais elle n’obient qu’une réponse à la Damon: « Je sais pas. » Il ne veut vexer personne. Jamais. « Je t’en veux pas à toi. » Je m’en veux pour deux, ce n’est pas grave. Je m’en veux pour des raisons différentes qu’il pourrait peut-être imaginer, mais cela n’enlève aucun poids à la culpabilité. « Je sais pas si elle sait que j’existe. Je veux dire, on m’a bien dit qu’elle était morte en me donnant la vie au début, alors qui sait… » - “T’as peur qu’elle ait jamais cherché à te retrouver ?” Cacher un enfant mort né à un père absent le jour de l’accouchement, et à autant d’autres personnes qui l’étaient tout autant est une chose, mais en faire de même face à une mère qui a entendu son enfant crier en venant au monde, c’est différent. Cela demande beaucoup plus de pouvoir de manipulation ; ou cela expliquerait qu’elle n’ait jamais voulu de lui non plus. « Ou si ça se trouve elle sait où je suis et ne veut pas me connaitre. » Nous en venons aux mêmes conclusions, donc. « Je lui en voudrais là, je crois. » - “T’es un homme, maintenant, tu n’es plus le gamin qu’elle a mis au monde. Peu importe ce qu’elle pouvait en penser y’a vingt ans, tout a changé maintenant.” Je ne veux pas lui promettre qu’elle cherche à le connaître, parce que je n’en sais rien, mais je peux au moins lui raconter les faits tels qu’ils sont. “Je suis bien placé pour le savoir.” Voilà pourquoi je me permets de lui raconter tout ça.

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« T’es plus un enfant, mais je reste ton père. » Et c’était peut-être un point sur lequel ils allaient devoir plus souvent travailler, puisque de son côté Damon n’avait pas eu le meilleur des exemples à suivre jusque maintenant, et Auden n’avait pas su tenir ce rôle de façon très récurrente ces vingt dernières années. Alors effectivement, il restait son père, mais il fallait prendre en compte que le jeune homme n’avait jamais réellement été considéré comme un enfant au milieu d’adultes responsables de lui, et que certains rôles étaient encore à appréhender.

Celui qu’il devait être alloué à la femme qu’il n’avait pas encore rencontré était lui aussi à définir, à comprendre. Et peut-être que la tâche allait s’avérer être plus compliquée que prévue, là où apparemment Auden travaillait encore chez Weatherton - l’endroit où Eliana, dite Alice désormais, avait décidé d’être embauchée également pour mener sa vie en Australie. Les coïncidences étaient nombreuses, lorsque les événements touchaient les Williams, mais il était vrai que pour une fois il aurait été sympathique qu’elles les laissent un peu tranquilles. « J’en sais rien. » Auden n’était pas sur de pouvoir dire si son chemin n’avait pas déjà croisé celui d’Alice, et une partie du blond ne put s’empêcher de s’inquiéter que ce soit le cas en réalité. Il avait cette impression que si c’était déjà effectivement le cas, ce n’était pas qu’annonciateur de bonnes choses pour la suite. Promis, il comptait se rapprocher d’elle et il comptait le faire avant que l’absence d’initiative ne devienne un problème pour tout le monde. Juste… Il ne savait pas comment s’y prendre, il avait peur, il ne voulait pas gâcher la seule opportunité qu’il avait de rencontre pour la première fois sa mère. Dans son esprit, il avait toute cette image qui s’était formée malgré lui à travers les mois qui avaient suivi la nouvelle, et dont il n’arrivait pas à se détacher. Et s’il s’était fait des idées ? Et si elle n’était pas à la hauteur de ce qu’il attendait désormais ? C’était facile, de s’imaginer quelqu’un tant que vous ne l’aviez pas rencontré - mais si les qualités et les défauts que vous aviez osé lui accorder n’étaient pas les détails qui lui étaient caractéristiques ? « T’as peur qu’elle ait jamais cherché à te retrouver ? » - « J’ai peur qu’elle n’ait pas eu envie de me retrouver. » Les mots étaient chargés d’un sens qu’il avait préféré garder pour lui jusque maintenant. Il ne savait pas si elle était au courant de son existence, d’une quelconque façon. Il n’avait pas peur qu’elle n’ait pas su où le trouver, parce-qu’elle ne connaissait pas son existence: il était terrifié à l’idée qu’elle ne veuille pas l’avoir dans les pattes. Après tout, n’était-ce pas là un schéma que d’autres avant elle avait emprunté ?

« T’es un homme, maintenant, tu n’es plus le gamin qu’elle a mis au monde. Peu importe ce qu’elle pouvait en penser y’a vingt ans, tout a changé maintenant. » Damon pinça les lèvres. « Je suis bien placé pour le savoir. » - « C’est quand même long, vingt ans. » Ses mots allaient surement ressortir bien plus durs qu’il n’aurait jamais voulu et que ce qu’il ressentait réellement. « Si elle sait que j’existe depuis tout ce temps, je veux dire… » Il savait qu’Auden était bien placé pour savoir que tout moment n’était pas parfait pour prendre son rôle de parent à coeur, et qu’il n’en aurait d’après ses dires pas été apte au moment où son fils avait pointé le bout de son nez. Mais il avait appris que bien tard par la suite qu’il avait effectivement un fils déjà présent dans sa vie, dans son quotidien presque. Et si Alice le savait depuis le début, mais qu’elle avait toujours eu ce sentiment qu’elle n’avait pas besoin de lui ? Que Cosimo était purement et simplement un boulet qu’elle n’avait pas envie d’attacher à sa cheville ? « Ca fait long, vingt ans sans se dire que les choses peuvent changer, oui. » Et il s’en voulait déjà, de prononcer à haute voix ce type de paroles, ce type de pensées car elles le rendaient nerveux et faisaient remonter des émotions qu’il préférait garder pour lui. C’était rare, mais c’était assez prenant à l’intérieur pour le souligner. « Mais oui, non. Les choses peuvent changer. T’as surement raison. » Il n’ne savait rien, mais peut-être que se raccrocher à cette idée ne pouvait pas lui faire de mal. « Je dois être aveuglé par la peur, rien de plus. Je suis désolé. » Parce-que forcément cette carte Joker allait sortir à un moment donné dans cette discussion. C’était même d’ailleurs un miracle qu’il n’ait pas sorti la moindre excuses jusque maintenant, là où c’était d’ordinaire sa spécialité.

J’essaie de me souvenir du moindre visage rencontré à l’atelier, comme si l’un d’eux pouvait me remémorer mon propre fils, comme si je pouvais retrouver en elle tout ce que je vois en Damon en cet instant. Pour autant, aucun visage en particulier ne me revient, ni même aucun nom. « J’ai peur qu’elle n’ait pas eu envie de me retrouver. » Je serre les dents, incapable de répondre à ses doutes de la façon dont le je voudrais. Je ne comprends pas pourquoi elle n’aurait jamais voulu le retrouver, même (surtout ?) après toutes ces années, surtout alors qu’elle vit désormais dans la même putain de ville que lui, à l’autre bout du monde. Je comprends sans mal qu’elle ne veuille pas me revoir, moi, tout comme je ne cherche pas à la retrouver elle en particulier, mais pour ce qui concerne Damon, tout est différent. « C’est quand même long, vingt ans. » Je sais. Mais pour ce que ça vaut, je ne peux pas imaginer une seule personne en ce monde qui aurait pu garder le cœur léger durant vingt années après avoir abandonné son propre enfant. Elle ne ressent peut-être pas exactement la même chose que lui, mais je veux croire qu’elle s’en veut, et peut-être même qu’elle en souffre. “Je sais.” Je souffle sans amertume. C’est presque autant de temps que j’ai passé en le pensant mort, et c’était déjà bien trop long à mes yeux.

« Si elle sait que j’existe depuis tout ce temps, je veux dire… Ca fait long, vingt ans sans se dire que les choses peuvent changer, oui. » - “Hey, Damon. Attends de la connaître avant de te faire des idées.” Parce que ce moment arrivera forcément, pas vrai ? Alors il vaudrait mieux pour lui qu’il ne se fasse pas de faux espoirs, ni même qu’il s’imagine déjà le pire. Maintenant, il est certain qu’il rencontrera sa mère tôt ou tard, et l’échelle est incomparable face aux vingt ans qu’il a passés dans l’inconnu. « Mais oui, non. Les choses peuvent changer. T’as surement raison. Je dois être aveuglé par la peur, rien de plus. Je suis désolé. » Evidemment, il ne saurait tenir toute une discussion sans s’excuser à un moment ou à un autre. Je le prends comme un signe de la fin de notre échange, sans doute aussi parce que je ne tiens pas à avoir toute une discussion autour de “pourquoi tu devrais arrêter de t’excuser à tout va”. Je le pense, et j’imagine qu’il le sait déjà, alors cela ne servirait à rien. Ce n’est pas non plus le genre de discussion que je veux avoir avec lui alors que j’ai l’impression de l’avoir à peine retrouvé. Et que ce n’est pas qu’une impression. “Ne le sois pas.” Je tranche simplement, déjà occupé à me relever. “Tiens moi au courant.” Je n’en fais pas une question, ma main pressant brièvement son épaule lorsque je passe à ses côtés, bien conscient que l’exercice n’est pas agréable pour lui et qu’il a au contraire tout de stressant.