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Raelyn Blackwell & @Amos Taylor & @Solas Forthys

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C’est donc de ça qu'il s'agit, lorsqu’on parle du recul des armes à feu.

Je m’y attendais, à la brûlure dans mon épaule gauche. J’avais sous-estimé la puissance sonore de la détonation, et le sifflement dans mes oreilles me fait serrer la mâchoire et contracter ma gorge. La montée d’adrénaline aussi, je ne l’avais pas anticipée. Je n’ai jamais pris le moindre cours de tir. Je sais ôter la sécurité d’une arme, la pointer en direction de ma cible, et appuyer sur la détente.

Mais à moins d’un mètre de distance d’Aberline, je n’aurais pas pu la rater.

Je connais mal l’emplacement du cœur, si tant est qu’elle en ait un. Alors j’ai visé le front. Je ne m’attendais pas à ce que du sang gicle sur mon visage, et je ne m’attendais pas à ce qu’il soit chaud. Pourtant, cela ne devrait guère me surprendre, puisque l’ancienne prostituée, désormais ex leadeuse de la Ruche a toujours été impulsive et imprudente. J’ai agi sans laisser le temps à son chien de garde d’intervenir, j’ai tiré le pistolet de sa cachette - coincé sous mon t-shirt et à l’arrière de mon jean – d’un geste bref et sans trembler. J’ignore si Amos m’avait vue le prendre en quittant le loft. Je n’ai pas tenté de le cacher, que j’emportais ce dernier vestige de la petite console de l’entrée de mon ancien appartement. S’il l’a vu, il n’a rien dit. Il savait de toute façon quelles étaient mes intentions. J’ai provoqué cette rencontre, mais je n’en attendais pas grand-chose. Je crois qu’au fond, je savais que rien ne pourrais la ramener à la raison. Je crois que je savais, qu’elle me tiendrait un discours gorgé de venin, teinté de folie et d’illusion de grandeur. Je l’ai condamnée en un battement de cil. Je me suis posé une question : Micah sera-t-elle toujours en danger suite à cette rencontre ? J’ai croisé le regard d’Amos, j’ai lu dans son regard que sa réponse à cette question était la même que la mienne. Oui. Rien ne l’arrêtera dans sa folle quête de vengeance. Elle se sent dépouillée de ce qui, selon elle, lui appartient. Le Club, je le mérite. Je l’ai porté à bout de bras après l’arrestation de Mitchell et pendant sa descente aux enfers. Je l’ai maintenu à flot à la sueur de mon front et, aidée d’Amos, je lui ai fait retrouver sa grandeur d’antan après me l’être accaparé. Alors elle ne me prendra ni mon dû, ni ma fille, certainement pas ma fille. Elle ne me prendra plus rien. Pas alors qu’elle est étendue au sol, les yeux grands ouverts, et qu’une flaque de sang s’étend progressivement tout autour d’elle.

J’aimerais m’attarder sur ce que je ressens. Sauf que l’heure n’est pas à l’introspection. Si bien que lorsque je croise le regard d’Amos, le mien ne reflète que de la détermination. Si discussion il y a à avoir, elle ne se tiendra qu’en comité restreint et pour cause : nous ne sommes pas seuls à nous pencher sur le cadavre de la reine des abeilles. Son garde du corps, ami, amant, chevalier servant, soupirant ou que sais-je – et je m’en moque – se tient là, un pas derrière elle, le visage fermé. D’extérieur, on pourrait croire qu’une étincelle suffirait à mettre le feu aux poudres. Sauf qu’après Amos, c’est lui que je regarde, et je ne décèle aucune velléité de vengeance ou d’agressivité dans le fond de ses yeux. Il a l’air aussi résigné que résolu, et si un tic nerveux agite sa lèvre supérieure, je me garde bien de l’interpréter. Pendant une seconde, le temps semble s’arrêter, et je suis la première à réactiver la course des aiguilles. Le canon du pistolet est encore brulant, trop pour que je le glisse à nouveau contre ma peau, en bas de mes reins. Je le garde à la main pour cette raison autant que pour être capable de répondre à une agression de la part de Forthys, même si je doute qu’elle vienne. Du revers de ma main, j’essuie comme je peux les éclaboussures de sang sur mon visage. Je n’y parviens qu’en partie : globalement, je les étale, si bien que j’abandonne, essuyant finalement ma main sur mon jean noir.

Ce que je lis dans ses yeux doit le terrifier. J’y lis une détermination, pas à protéger Aberline, mais la personne la plus innocente dans toute cette histoire : l’enfant d’à peine plus d’un an que ma Némésis voulait m’arracher. Il me donne l’impression d’être un propriétaire de chien dangereux, résolu à abattre son fidèle animal parce qu’il est à présent hors de contrôle. Sa main est sur son pistolet, mais il n’a pas achevé son geste : ce n’est pas contre moi qu’il allait s’en servir. Ou en tout cas, je n’en ai pas l’impression. Bien sûr, Amos amorce un geste protecteur : se placer entre moi et le bras droit de celle qui s’est écroulée au sol. Je l’arrête en enroulant mes doigts autour de son bras et en collant mon corps au sien. Je ne crois pas que Solas représente une menace pour nous, je ne le crois plus ou en tout cas, pas sur l’instant. J’échange un regard avec mon complice, mon amant, moitié et mari, avant de le reporter sur l’ancien garde du corps, l’ancien membre du Club, l’ancien flic. « Lou a causé la perte de Lou. » Autrement dit : elle est seule responsable de sa chute. « Est-ce qu’on est d’accord ? Est-ce que c’est clair ? » A-t-il la clairvoyance de considérer que j’ai fait ce qu’il fallait faire ? Ce qu’il aurait fait, puisqu’il se targue lui-même de posséder un sens moral aigu qui lui impose de protéger les innocents ?

Je n’ai jamais été aussi consciente de ma propre respiration, de mon souffle plus court que d’ordinaire.
 

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“Lou a causé la perte de Lou.”

Est-ce que je suis mort où est-ce que je suis toujours en enfer c’est pour ça que c’est Raelyn qui me parle ? J’ai pas écouté, j'entendais l'acouphène provoqué par le tir et j’ai pas lu sur les lèvres non plus. J’ai compris Lou, mais c’est peut-être moi en état de choc qui remplace tous les mots que j’entends par son prénom.

“Est-ce qu’on est d’accord ? Est-ce que c’est clair ?”

Je devrais pas hésiter à répondre oui parce que j’ai pas compris ce qu’elle demande. Je pourrais répondre non par principe comme on signe pas un contrat sans l’avoir lu mais c’est pas le moment de mourir personne n’a envie de rire, même pas moi. Pas alors que j’aurais pu tuer Lou moi-même. Par survie et par bon sens j’ai pas envie de me venger sur la personne qui l’a fait à ma place. Je suis d’accord, je le fais comprendre en éloignant la main de mon arme dont je ne me servirais pas donc et en répondant clairement:

“Oui.”

J’ai une collection de mauvais souvenirs auxquels vient de s’ajouter la mort de Lou, je dirais même que ça ne me dérange pas de ne pas l’avoir tuée moi-même et c’est Raelyn qui porte la responsabilité de son exécution. Ça se termine moins mal pour moi que ce que je pensais. Espérer la paix en se préparant à la guerre, je pourrais résumer le travail comme ça. Espérer le meilleur mais s’attendre au pire surtout de la part de ceux qu’on aime comme une leçon, à ce stade j’ai vraiment pensé que j'allais la tuer de mes propres mains.

C’est ça de moins sur ma conscience mais je vais pas mentir on en a gros. I should have known I’d leave alone tralala, Lou n’existe plus et la solitude je la connais elle sera faite de tourments dramatiques à me demander des trucs qui servent à rien. Est-ce qu’elle a vu que j’allais tirer et compris que c’était pour elle ? Au lieu de la descendre j'ai vu Raelyn faire comme moi et j’ai rien fait, tué personne.

J’ai pas tué Lou ni arrêté Raelyn c’est le moment de penser à rien de tout ça, le travail n’est pas terminé la réalité me rappelle qu’il faut nettoyer les conséquences. À commencer par moi j'aimerais me débarrasser de l’odeur de Lou en m’essuyant aussi mais c’est une erreur que je ne fais qu’étaler comme la mare qui s’étend par terre. Je baigne dedans en me demandant si j’ai un hommage à rendre à Lou après tout le mal qu’elle a fait pour mériter ça. Heureusement je trouve pas les mots il est pas question de prononcer un discours c’est pas non plus le moment de prier, je me demande si elle mérite que quelqu’un se penche encore sur elle avec amour voilà à quoi je pense en me disant que non. Je ne sais pas ce que je vais faire d’elle mais je sais où elle n’ira pas et où on ne se retrouvera pas conformément à sa volonté d’aller ailleurs.

En attendant le Valhalla, plus vraisemblablement les Champs-Élysées en formation noire autour de l'Étoile ou je ne sais pas ce qui m’est promis à moi, je dois toujours m’occuper du corps de Lou mais avant, j’oublie pas que pendant que je sors les violons ni Raelyn ni Amos ne me tire dans le dos quand même au cas ou, ça devrait me rassurer mais c’est difficile pour moi aussi de pas me méfier.

“Au revoir.”

Peace and love la famille, mon destin est fait d’autre chose c’est pour ça qu’on se bat. Une phrase de blockbuster à la con dans le genre de Vin Diesel parce que moi j’ai toujours pas les mots et un air d’enterrement.

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La détonation résonne dans la pièce, le bruit ricoche contre les murs, mes oreilles sifflent et, pourtant, je suis mu par un réflexe, un seul. Je récupère l’arme du crime d’entre les doigts, je l’essuie sur ma veste - comme si ça pourrait suffire, mais c’est toujours mieux que l’inaction -   et je me déplace, juste devant elle, prêt à prendre une balle qui sortirait du chien du revolver de Solas. Rae, elle s’approche de moi : plus que jamais nous ne formons qu’une unique entité soudée devant l’adversité. Je ne la regarde pas, ce n’est pas nécessaire. Je devine à son contact toutes les émotions qui la traverse. Celui que je détaille afin d’évaluer la menace, car sur l’instant, mon seul but est de la protéger d’une vengeance. Le corps minuscule de la reine des abeilles gît à ses côtés, dans la mare de son sang et, quoique ce soit ma femme qui ait tiré, celui qui se présentait comme son chevalier servant n’est pas exempt de responsabilité. N’est-ce pas lui qui l’a trahi ? En nous alertant des projets de celle qu’il était supposé aimé, il a réveillé les lions endormis chez les Taylor-Blackwell. Dès lors non, je ne m’inquiète pas encore des conséquences sur ma compagne - il y en aura, c’est évident. Tuer un Homme n’est pas anodin, qu’il soit ennemi ou non, c’est comme toutes les premières fois, ça laisse des traces indélébiles en nous. Nul doute qu’il sera question de traiter les séquelles éventuelles, mais chaque chose en son temps. Le tout, sur l’heure, c’est d’éviter d’offrir à Sola un quelconque moyen de pression sur mon épouse ou sur moi. Son “oui”, je m’en cogne : il ne me contente pas. Son “au revoir”, il m’arrache un sourire narquois. D’où pense-t-il pouvoir nous mettre dehors et nettoyer seul la pièce ? Qu’il ait besoin d’un temps de recueillement, je pourrais l’entendre. Des années liaient ces deux personnages. Des années et un passif. Du reste, je ne prendrai pas le risque qu’il cache le corps à proximité du Club - casino - afin d’attirer l’attention des flics. Il est hors de question que je me fie à un homme qui aura trahi son bras droit. A mon sens, il est prêt à tout et peu me chaut son air hébété des suites de cet assassinat. En est-ce bien un ? N’était-ce pas plutôt un suicide ? Etait-elle lasse de vivre ?  N’aurait-elle pas été un péril pour mon bébé que j’aurais ressenti de la pitié pour elle. Au lieu de ça, je suis aux aguets et disposé à participer au ramassage des corps. « Non !» ai-je lancé, presque craché d’une voix basse, mais ferme. «Personne ne s’en ira maintenant, pas tant qu’on n’aura pas décidé ensemble ce qu’on fait d’elle.» De cette femme au coeur inanimé, de celle qui sera certainement mieux là où elle est, même si c’était l’enfer. Elle en vivait déjà un sur Terre. Bien sûr, j’adorerais pouvoir exiger de ma complice qu’elle rentre à la maison sous la bonne garde d’un garde-du-corps. Sauf qu’elle refusera et que c’est une conversation que je refuse de conduire devant un étranger. Cette solidité n’est pas que le fruit de l’apparence et il n’est pas envisagé d’induire l’inverse. «Maintenant. Pas plus tard.» Nous avons tous, dans cette pièce, notre lot de sacrifices et de peine. Solas a perdu quelqu’un, nous sommes séparés de notre enfant. J’entends, mais l’heure n’est pas au sentimentalisme. « Pas de corps, pas de crime. Je suis ouvert à toutes tes proposition, Solas, mais décide-toi vite.» Où elle finira dans le fond de l’océan, transformée en nourriture pour les requins.
 

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Ce sont les doigts d’Amos qui glissent sur mon avant-bras, puis sur ma main pour récupérer l’arme qui forcent le temps à reprendre son cours classique. Je me demande s’il le fait pour me protéger des conséquences d’une mauvaise manipulation de ma part – j’ai pourtant remis le cran de sécurité avant de laisser mon bras pendre le long de mon corps – ou bien des conséquences psychologiques potentielles de mon geste.

Il n’y en a pas. Ou, plus vraisemblablement, elles arriveront plus tard, lorsque nous seront seuls et que je prendrais conscience de la portée de ce dernier. Pour l’instant, je ne me dis pas que la seule pression de mon doigt sur la détente de ce pistolet qui n’avait pas servi depuis plus de dix ans a ôté une vie, aussi simplement que ça. Je ne me soucie que du sang qui a éclaboussé mon visage, et de celui qui macule ma paire d’escarpins griffée. Il m’agace parce qu’il est rouge, chaud et poisseux et que je ne parviens pas à l’enlever. Il m’agace parce que je tiens à le tenir le plus éloigné possible de mes lèvres : l’idée qu’il s’en approche me donne la nausée. Je n’ai pas de mouchoirs, pas de manches longues pour tenter de l’absorber et le retirer de mon visage, la seule chose que j’ai pour tenter de le retirer est ma main, et je ne parviens qu’à l’étaler un peu plus. Ce ne sont que quelques gouttes, mais j’ai l’impression qu’elles sont composées d’acide. Amos s’avance pour se placer devant moi, mais je dépose une main sur son épaule et je reviens à son niveau. A ses côtés, pas derrière. Je n’ai pas besoin de protection, j’ai croisé le regard de Solas et j’ai compris ce qu’il s’apprêtait à faire pour protéger un bébé. Il a vendu son associée pour la fille d’une femme qu’il méprise de toute son âme. Je n’ai pas la noblesse d’âme qu’il faut pour respecter son geste. En revanche, je sais que j’ai une dette envers lui et si je déteste habituellement ça, aujourd’hui je suis en paix avec ce constat : Micah est en vie, et bientôt à nouveau en sécurité.

« Oui. » Est-il en état de choc ? Certainement. Est-il en train d’essayer d’endormir ma méfiance ? J’en doute, pour la simple et bonne raison que Forthys est le spécialiste des grands discours moralisateurs qui ne font sens que pour lui, et qu’il est étrangement silencieux, pour l’instant. L’ancien homme de main de Lou Aberline est beaucoup de chose, mais il n’est pas à mes yeux un fin manipulateur. « Au revoir. » Je lève un sourcil, mais Amos intervient avant que je n’ai le temps de dire quoi que ce soit. Le stratège en lui reprend le dessus et je sais qu’il ne pense qu’à une seule chose : me protéger, protéger notre famille des conséquences de mon acte. « Non ! Personne ne s’en ira maintenant, pas tant qu’on n’aura pas décidé ensemble ce qu’on fait d’elle. » Elle. C’est étrange de parler de quelqu’un qui était encore bien vivant il y a deux minutes à peine et qui est encore là, étendue au sol et les yeux grand ouverts. Je me moque de ce que Forthys fera du corps de Lou, qu’il l’empaille, mais Amos a raison : nous devons nous protéger des conséquences d’une potentielle vengeance, qu’il n’ait pas envie de m’abattre sur le champ maintenant ne signifie pas que lui ou un autre n’en aura pas envie plus tard. Je peux faire disparaître un corps. Ce ne serait pas la première fois que le Club s’y emploie et je me moque de respecter la mémoire de l’ancienne prostituée ou le lien qui l’unissait à son bras droit. Il ne disposera d’elle comme il le désire que si j’ai la certitude qu’il ne l’utilisera pas contre moi. J’ai besoin de savoir comment il disposera de son corps, et pas parce que je crève d’envie de me recueillir sur sa sépulture. « Maintenant. Pas plus tard. Pas de corps, pas de crime. Je suis ouvert à toutes tes proposition, Solas, mais décide-toi vite. » Je jette un regard froid au cadavre de ma victime, avant de le planter dans celui du brun. « Il a raison. » Evidemment, nous sommes une équipe, nous présentons un front uni et au-delà des apparences, j’en suis également intimement persuadée. « Le Club peut en disposer, si tu n’as pas les moyens de la faire disparaître. » Je peux appeler Erik, rompu depuis longtemps à la tâche ingrate de faire disparaître toutes les preuves gênantes de ce genre de cas de figure. « On peut t’aider à en disposer. » Je me moque de ses sentiments et de sa sensibilité. En revanche, je préfèrerais éviter de déclarer une guerre ouverte, si je peux encore le faire. « Et j’ai besoin de savoir ce que tu diras. » Ce qu’il dira si on l’interroge, que ce soit le reste des membres de la ridicule association de malfaiteur qu’il appelle la Ruche ou bien les forces de l’ordre.

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"Personne ne s’en ira maintenant, pas tant qu’on n’aura pas décidé ensemble ce qu’on fait d’elle. Pas de corps, pas de crime. Je suis ouvert à toutes tes propositions, Solas, mais décide-toi vite."

Je n’en ai qu’une de proposition et je n’ai pas l’intention de la faire. Je décide à la place de passer volontairement pour un paumard. Dans l’urgence si j’avais été laissé seul j’aurais sorti mon téléphone pour appeler une société de nettoyage, du genre bien sûr de celles dont on ne trouve pas le numéro sur 3615 fin dramatique. Du genre qui répond dans les délais de la Trauma Team à un adhérent Platinum et ensuite personne ne saurait ce qui lui est arrivé même pas moi. Clairement, une société qui intervient dans des cas comme le nôtre elle est au service de tout un tas de malades les criminels, les hors la loi, les chevaliers… Et je suis pas d’humeur à avoir envie de partager mes bons plans on va dire alors qu’il s’agit surtout de tenir des gens qui me veulent potentiellement du mal aussi éloignés de mes affaires personnelles qu’ils se foutent de ce qui arrive à ce corps, du moment qu’il ne leur pose pas encore problème à retardement, je connais bien.

"Il a raison."

Je suis d’accord mais je préfère donc les laisser croire que je n’ai que de grands airs mais en réalité très peu de grands moyens, pas de grandes compétences quand il s’agit de faire disparaître un corps, preuve en est la remontée à la surface du corps de Victoire que j’ai lesté comme un trou du cul.

"Le Club peut en disposer, si tu n’as pas les moyens de la faire disparaître."

Bien. C’est la meilleure solution puisque moi je ne propose rien d'intéressant et si c'est eux qui s’en occupent ils seront plus serein pour leur sécurité.

"On peut t’aider à en disposer."

Et puis c’est pas tous les jours que Raelyn et Amos vont me proposer leur aide hein, pour l’improbabilité du geste ça se refuse pas. Si j’étais pas surpris qu'ils ne me laissent pas m’occuper seul du corps de Lou qu’ils proposent de l’aide au lieu d’imposer les procédés du Club tout simplement c’est pas quelque chose que j’attendais de leur part.

"Et j’ai besoin de savoir ce que tu diras."

Je serais bien resté dans le déni quelques instants de plus c’est vrai qu’il y a des gens qui vont s’inquiéter comme si ce n'était pas un grand soulagement pour nous tous quand on regarde les choses avec objectivité, il va falloir répondre de sa disparition. J’ai pas grand enthousiasme à me projeter dans les cas de figures qui me viennent en tête et viendront me faire chier bien assez tôt dans la réalité: répondre aux membres d’un gang en perdition, apprendre la nouvelle à Mitchell, répondre aux chinois qui ont une raison de me demander ce qu’il se passe d’une manière qui va me déplaire, surement me menacer. En ce qui concerne la police il n’y a pas que Lou qui va disparaître de la circulation alors pour eux aussi la chute du nombre de décès de crackheads causés par le fentanyl vu comme ça, ce sera une bonne nouvelle ? La disparition de Lou est bénéfique pour tout le monde, si je ne me raccrochais pas à cette idée peut-être que je n’aurais aucune considération pour la sensibilité de Raelyn et Amos qui en auront de toute manière vues plus d’une, et que je les soulagerais encore plus en me collant une balle dans la tête puisque je sers à rien. Au lieu de ça, je vais aller dire à tous que par la force maintenant je sers à quelque chose c’est moi qui commande maintenant. Et qu’au lieu d’en avoir peur c’est la meilleur chose qu’il puisse arriver que quelqu’un tente de remettre de l’ordre dans le chaos que Lou a laissé dans les deux sens du terme.

"Je dirais que j’ai besoin d’aide oui."

Pour commencer. Heureusement que je ne suis pas seul avec un cadavre et un gang sur les épaules j’ai l’Armurerie ou Amelyn au choix et je choisis de faire comme si je n’avais qu’eux c’est délibérément pathétique, ça m’arrange.

"Merci.”

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Quelque chose ne colle pas dans l’attitude de Solas. Où est-elle, la colère ? L’expression de sa culpabilité d’avoir conduit Lou vers sa mort ? La rage de n’avoir pu la protéger ? D’avoir lui-même songé à se débarrasser d’elle ? Mon regard tombe sur la reine des abeilles et, autant je la déteste d’avoir menacé mon enfant, autant je suis heurté par la preuve de sa solitude. Je ne peux rester insensible puisque l’émotion m’a accompagné un jour et que je l’ai craint. J’ai redouté de crever comme un chien sans que d’aucuns ne s’en soucient. Dès lors, agacé par le flegme suspicieux de Forthys, irrité que mon épouse ait à tout gérer - du crime jusqu’au nettoyage des lieux - je suis à deux doigts de secouer le poteau que m’évoque le nouveau boss de la Ruche. Mon instinct me souffle qu’il a une idée derrière la tête, une idée qui ne nous plaira pas. «Merci ? » ai-je répété, interloqué, me déplaçant vers la porte d’entrée qui conduit à la scène de crime. « C’est tout ? » Le ridicule de la situation m’arracherait volontiers un éclat de rire. Au lieu de ça, je le toise, mauvais, frustré parce que je suis incapable de lire en lui. Que se passe-t-il dans sa tête ? Rae, qui est douée pour cet exploit, en a-t-elle une idée ? Je lui jette un coup d’oeil interrogatif quand, dans mes pupilles, danse la flamme de la colère. « Très bien.» ai-je adressé à ma complice. Elle comprendra le sous-entendu : mettons-nous en route. Agissons. Fais ce qui doit être fait. Aussitôt transmis, aussitôt effectué. Rae dégaine son téléphone et, moi, j’acte de garder un oeil sur la taupe au milieu de ce bureau. A celle-là, je ne parlerai pas. Je ne creuserai pas pour saisir l’étendue de ses états d’âme. Bien sûr, je le garderai dans le collimateur. Son comportement vient d’agrandir la cible que je lui avais déjà collée dans le dos. J’y songerai plus tard, cependant. Sur l’heure, j’accueille Erik qui n’a pas tardé à apparaître, à croire qu’il campait dans la rue d’à côté. A peine reconnaissable dans sa tenue noir, il nous propose une stratégie pour sortir le corps inanmié des lieux dans la plus grande discrétion. Si Rae et moi sommes d’accord - l’avis de Solas compte-t-il encore ? - il s’exécutera et nous abandonnerons l’indifférent avec ses émotions, si tant est qu’il en ressente. Les miennes, elles ressemblent à un mélange d’excitation et de soulagement. Plus d’épée au-dessus de la tête de ma gamine. Rae et moi, nous la retrouverons ce soir et j’ai hâte. J’ai hâte que disparaisse à jamais les restes de Lou et de sa folie, Lou qui méritait mieux finalement, Lou qui était trop abîmée par la vie pour se construire autrement que sur le terrain en friche de son passé. C’est triste, mais je ne la plains pas cependant. Les limites de mon empathie se bornent aux dangers que les autres représentent pour mon équilibre et mon foyer.
 

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Solas semble plongé dans une léthargie qui ne colle pas à l’image que j’avais de lui. Où est l’homme qui, fou de rage d’avoir été évincé, s’est introduit chez moi pour me faire passer l’envie de le doubler et, accessoirement, celle de respirer également. Où est passée sa fureur, où est passée sa combativité, son instinct de protection, où est donc sa fierté ?

Face à moi, à nous, se trouve un enfant, un homme dont le monde vient de s’écrouler. Un gamin qui vient de perdre sa mère et qui ne sait plus dans les jupes de qui pleurer et, si je suis désarçonnée, c’est faute à la surprise, pas à une subite empathie à son égard. Me sentir redevable à son égard ne veut pas dire que je me préoccupe de ce qui peut lui arriver ou de ce qu’il peut ressentir. Je n’ai guère d’estime et que du mépris pour la femme qui dont les cheveux sont en train de se gorger de sang à mes pieds, mais je suppose qu’elle méritait mieux. Elle ne serait pas en train de se morfondre, elle, si c’était son armoire à glace qui se vidait de son sang. « Je dirais que j’ai besoin d’aide oui. » Je hausse un sourcil, presque surprise que ma proposition soit acceptée sans ciller, sans tentative de négociation. Si c’était Amos qui se tenait là… L’envisager seulement me colle un frisson qui me parcourt l’échine et que je tente de réprimer. « Merci. » Merci ?

Un coup d’œil avec Amos me suffit à confirmer que, comme moi, il est suspicieux. Je ne m’attendais pas à grand-chose comme réaction de la part de Solas Forthys, mais certainement pas celle-là. Dans ces conditions, ne sommes-nous pas forcés de douter du bienfondé de sa docilité ? Il s’estime trop noble pour laisser une enfant mourir des mains de sa dulcine, mais en est-il de même pour faire de cette enfant une orpheline, qui gamine que n’aurait l’occasion de passer du temps avec ses parents qu’au parloir ? Je serre la mâchoire, et c’est Amos le premier qui décide de mettre la pression à notre interlocuteur, à cet ennemi que je ne sais plus exactement où situer. « Merci ? C’est tout ? » Si pour l’instant je reste silencieuse, j’observe la scène en tentant de jauger l’homme que j’ai en face de moi, celui qui n’a plus que l’étoffe de son reflet. Aussi petite était-elle, Lou méritait mieux qu’on homme qui remercie son bourreau. « Très bien. » Amos n’a rien besoin de dire : je décroche mon téléphone pour passer un appel à Erik. L’échange est codé au cas où nous serions sur écoute mais, de toute façon, ce n’est pas la première fois que l’homme de main du Club, lui qui m’est toujours resté fidèle, gère ce genre de situation. Ce n’est pas non plus la première fois que je suis celle à blâmer, seulement la première fois que je le suis aussi… Directement. Je n’ai pas non plus besoin de lui faire un topo lorsque, une poignée de minute plus tard, il passe les portes du bureau dans lequel nous sommes enfermés, et s’exécute. Il ne prononce que peu de mots, également. « C’est l’arme ? » Il désigne du menton le pistolet qu’Amos m’a pris des mains, et je confirme d’un hochement de tête. Il tend alors la main, et je n’ai pas besoin de répéter mon geste pour qu’Amos la lui confie. Elle disparaîtra de la plus efficace et définitive des façons, tout comme le corps de la métisse que l’homme de main glisse à présent dans un sac en tissu hermétique noir. « J’en ai pour un moment, vous feriez mieux de quitter la pièce. » Ce n’est plus du corps de Lou que l’homme de main s’inquiète maintenant, mais de l’importance flaque de sang et, je le sais, de toute trace d’ADN qui pourrait nous placer Amos et moi dans cette pièce et l’incriminer. « On sort. » Je désigne Solas du menton. « Mais toi, tu viens avec nous. Emmène-nous dans un autre bureau. » Nous n’en avons pas fini avec lui. « Les caméras de surveillance du bowling ? » Que je lui demande, à peine la porte refermée.

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"Merci ?"

C’est pas contrariant du tout de voir Amos et Raelyn s’échanger un regard pour savoir si c’est normal de remercier les gens pour leur service, dans l’immédiat s’occuper du corps de Lou dans les règles de l’art c’est ma préoccupation comme la leur non ? C’est pas non plus le moment du tout d’être contrarié j’ai pas envie de leur expliquer le concept ni de m’énerver, mais il me cherche:

"C’est tout ?"

Ben, je veux pas jouer les acteurs difficiles mais c’est dans le script ça ? Il devrait pas m’encourager à garder mon calme tant que je dis rien lui ? Parce que si on me demande d’y réfléchir bien sûr je peux en trouver plein des dingueries comme les saloperies que j’ai pu sortir à ta femme affichées sur la CB un soir de “qui a dit ça” évidemment, que je vais te répondre oui monsieur c’est tout monsieur merci monsieur et avec le sourire en plus c’est pas un comportement suspect, ca s’appelle l’instinct de survie je veux ressortir d’ici vivant et plus jamais vous revoir.

"Oui."

Ils viennent de me proposer de l’aide dans l’unique but d’être chiants, à deux doigts de se plaindre d’avoir à le faire maintenant et en étant écoeurés que je leur dise merci de le faire c’est déjà trop pour moi, pas la peine de pousser l’idée d’une entente entre nous au-delà de toute espérance et de ce que je suis capable d’observer sans me fâcher: je préfère rien dire.

Au lieu de trouver que c’est une chance que je la ferme alors que moi-même je le pense, Amos cherche ce qui ne va pas chez moi je crois mais moi, comme dirait Isabelle Adjani je ne suis pas folle vous savez, je veux juste qu'on me laisse tranquille. Alors au lieu de m’énerver pour pas que la situation dégénère encore je prends sur moi quitte à rester incompris, c’est plus important de maintenir une ambiance dans laquelle personne d’autre ne va mourir surtout pas moi qui ai une légende à rédiger à la base et celle du prince aux ailes noires elle me plaisait bien moi reviens, I will show you the dark side.

Je viens de perdre Lou dans des conditions sur lesquelles j’ai du mal à mettre des mots et ça tombe bien parce qu’aux dernières nouvelles, y’a aucune raison pour que je me mette à pleurer ou pire, à confier qu’elle ne méritait pas tant d’amour chevaleresque à des personnes qui de toute façon s'en foutent de mes feels ou de ma version d’une relation ou j’étais le seul à pas m’en rendre compte que je me fatiguais pour rien. Ma peine de cœur et l’agression qui va s’en suivre au volant de ma voiture dans les rues de votre cité ne les concerne pas je ne suis pas un danger pour eux, c’est tout.

"Très bien."

C’est Raelyn qui s’occupe du ménage je vais pas rater une occasion de remarquer que quelque part j’en suis ravi, ainsi j'observe le procédé que choisit la patronne de la pègre de Brisbane puis l’arrivée de l’agent qui s’occupe réellement du nettoyage.

"C’est l’arme ?"

Moi c’est l’arme du crime que je regarde de travers en raison de son lore détestable. Je l’ai eu entre les mains ce pistolet un jour pour m’en servir pour jouer contre Raelyn et le plus mauvais souvenir qu’il m’en reste est de m’être demandé si elle allait oser appuyer sur la détente pour m’en mettre une ou pas quand je lui ai rendu. Ce soir contre Lou ce pistolet était chargé et je ne savais toujours pas si Raelyn allait être capable d’appuyer sur la détente dans le doute, j’étais prêt à le faire à sa place. C’est possible d’attendre que l'adrénaline s'en aille et me laisse seul avec le traumatisme de ce qui vient de se passer avant de se poser des questions sur comment je me sens ?

"J’en ai pour un moment, vous feriez mieux de quitter la pièce."

"On sort."

Avec plaisir. Si j’étais amoureux de Lou c’est que j’ai aussi de bons souvenirs, meilleurs que ce qui se déroule encore sous mes yeux ce serait dommage d’entendre la glissière du sac mortuaire qui va se refermer sur elle chaque fois que je penserait à elle.

"Mais toi," Le contraire m’aurait étonné "tu viens avec nous. Emmène-nous dans un autre bureau. Les caméras de surveillance du bowling ?"

"Sur le serveur."

Je dis ça avec le moins d’enthousiasme possible ça m’a tout de suite moins fait plaisir de devoir leur faire visiter le coeur de la sécurité d’un gang qui vient de se prendre une balle dans la tête et qui ne tient encore debout que parce qu’ils ne m’ont pas tué moi aussi quel est le projet de cette sorcière dans mon bureau, achever la Ruche avec du vaudou numérique ?

Parce que dans la main j’ai un ssd retiré de son emplacement dans une tour maintenant, et je le tends dans leur direction sans pour autant qu’il soit à leur portée. C’est sans perdre plus de temps que j’ai plongé sur sur l’ordinateur dès que je suis entré dans cette pièce au cable management déplorable, me rendant compte très vite que je préfère en fait la présence de Raelyn et Amos dans mon bureau que les images que j’avais sous les yeux pour m’assurer que l’enregistrement de la mort de Lou est bien là. Je ne m’y suis pas attardé, je tarde par contre à remettre à Raelyn ce qu’elle demande.

Pour plein de raisons mais par exemple, si on avait fait appel à un service que je connais moi pour s’occuper du corps de Lou, j’aurais eu la certitude qu’il n’y aurait plus eu la moindre trace de personne ni celles de Lou ni les miennes ni les leurs. Est-ce une courtoisie dont je bénéficie quand il s’agit d’une tâche qui leur revient permettez moi d’en douter alors qu’il en sont encore en train d’apprendre à dire merci alors je doute, regardant tour à tour Amos:

"C’est tout ?"      

Et Raelyn.

"Je veux dire, et puis quoi encore ?"

the monster you created
Raelyn Blackwell & @Amos Taylor & @Solas Forthys

tw assassinat & violence & sang

Au moins, toutes traces du crime auront-elles été effacées. L’homme du main du Club s’est présenté rapidement pour emporter le corps de Lou. Quant à Solas, il nous conduit sans attendre ou rechigner vers la salle du serveur. Les données sont effacées. Les caméras de surveillance ont perdu toutes les données sur plusieurs semaines pour noyer le poisson de notre intrusion. Suis-je néanmoins en paix ? Pas tout à fait. J’ai commis une erreur au cours des jours précédents et, subrepticement, tandis que le sbire du Club s’apprête à débarrasser le plancher, je lui glisse à l’oreille que le fond ne suffira pas - le corps pourrait être remonté à la surface faute à un hasard qui ne m’a pas toujours été favorable. L’incinération m’apparaît comme plus adaptée, plus sécurisée pour m’éviter des insomnies dans les jours précédents. Je ne suis pas à l’aise avec cette disparition. Je me sens coupable de m’être montré imprudent et, bien malgré moi, quoique soulagé par l’idée de retrouver bientôt ma fille, je ne suis pas complètement serein lorsque mon regard croise celui de Solas. Son comportement, je ne le comprends pas. Je n’arrive pas justifier son attitude et je le range dans la case des hommes à éviter, de ceux dont il faut se méfier à tout prix. Quand est arrivé l’heure de nous éclipser -  Rae et moi n’avons plus rien à faire ici - je l’ai salué par politesse et nul autre sentiment. J’aurais pu lui présenter de sincères condoléances, sauf que ça aurait résonné comme de la provocation, si bien que je me suis abstenu. J’ai préféré m’approcher de ma dulcinée, glisser une main dans le creux de ses reins et de la guider vers la sortie. Les empreintes ou toute autre preuves pourront nous mener vers la piste du casino seront effacées elle-aussi. Nous n’avons aucune raison de douter de l’efficacité du gars qui travaille pour Rae depuis des années et, si mon anxiété ne disparaît pas dans la seconde, elle s’échappe à mesure que nous avançons vers Kilcoy

Sujet terminé.