Archie ment bien, mais Archie n’est pas un habitué du jeu. Sa main est mauvaise, les cœurs, les carreaux, le et les deux trois ne forment aucune suite lucrative. Ses yeux sont impassibles mais une légère pointe d’incertitude fait siller son sourcil et le joueur en face de lui la capte, s’en empare, en profite. « Tu bluffes. » Lui, il est un habitué. L’équipe de l’Octopus doit connaître son visage par cœur. Sa pile de jeton est faramineuse, celle d’Archie plus discrète. Autour de la table, les autres joueurs se sont retirés judicieusement. Il ne s’agit plus que d’un duel qui fait trembler le sol parce que l’actionnaire ainsi que son égo (qui l’a gentiment accompagné au casino) ne veulent pas perdre la face et abandonner. Une petite voix au fond de sa tête lui dit que, si son adversaire ne se résigne pas, c’est seulement pour l’humilier – mais il n’est pas fait pour ce genre de jeu, Archie, parce qu’il ne sait pas quand se mettre de retrait et laisser l’eau couler sous les ponts. Alors il insiste, fait glisser une autre pile de jetons devant lui, petite montagne dont la valeur atteint le palier des milles, puis il hausse les épaules. L’attablée a cessé de respirer. Le silence flotte, les deux derniers joueurs se fixent comme des loups prêts à bondir l’un sur l’autre. Le meilleur dévoile sa main : devant lui, trois rois et deux éparses forment un brelan. La gouttelette de sueur roule enfin sur le front du perdant, qui jette ses cartes sur la table en lâchant : « Une putain de paire. » L’autre loup a gagné. Il s’en frotte les mains, des rires de bon jeu s’élèvent, l’épaule d’Archie accueille une large main et il se pince les lèvres pour ravaler sa fierté. « Haha. C’est hilarant. » Qu’il bredouille ironiquement en passant sa main dans ses cheveux gélifiés pour les ramener vers l’arrière. « Tu commences à peine. Tu ne devrais pas jouer aussi dangereusement. » Propose son voisin en récupérant toutes les cartes pour préparer la prochaine partie. Et il a envie de lui faire savoir qu’il n’a pas besoin de pratique, qu’il a toujours été un surdoué, qu’il apprenait en deux temps trois mouvements et que ça faisait de lui un homme bien mieux que tous les autres. La réalité se dévoile devant ses yeux, ce soir, tout comme il apprend qu’il n’est pas aussi solide qu’il le pensait maintenant que ses relations se dégradent et qu’il paye enfin pour les torts qu’il a causés. Il ne manquerait plus qu’il l’attrape pour de bon, ce fichu cancer des os, qui le guette là où il peut se dissimuler dans les ombres.

Il fait signe à une serveuse qui passait par là. Jeune, blonde, costaude, un regard qui perce les âmes; il ne prend pas le temps de la détailler plus que ça qu’il lui commande un whiskey double. « Pas trop de glace. » Il précise avant qu’elle ne tourne les talons. « J’ai pas envie de payer vingt balle pour un tas de glace. » Son ton est désagréable, il ne prend même pas la peine de la regarder dans les yeux comme s’il se prenait pour un Dieu. Après tout, c’est lui qui joue son argent, ce soir, pas la serveuse passant de table en table pour ramasser les verres vides et en apporter de nouveaux. Il se permet même une sorte de mouvement de la main hautain, un balayement de l’air qu’il exagère pour prouver à ses adversaires qu’il a de l’autorité même s’il perd sans cesse sa mise. Il faut bien qu’il compense ailleurs.

La prochaine partie se déroule exactement de la même manière. La seule différence : Archie perd le semblant de retenue qu’il avait encore. Lors du dévoilement des mains, la sienne encore plus pourrie que la précédente, il balance un juron à voix haute, fait trembler le chandelier au-dessus du groupe. « Mais c’est une putain de blague ! » Il s’emporte, déverse sa colère sur la première personne qui passait par là ; la serveuse qu’il avait interceptée plus tôt : « Il arrive bientôt, ce Whiskey, ou j’ai payé pour te regarder te déhancher dans la salle comme une imbécile qui ne sait pas où elle va ? » Son regard de flammes s’accorde à la dureté des mots lancés, des yeux gênés se tournent vers lui et il les ignore. Sa tablée ne prononce pas un mot mais quelques sourcils se froncent. Archie a bien droit de se plaindre, après tout : il vient encore de perdre l’équivalent d’un vol allée et retour en classe affaire. Plutôt mettre la faute sur les autres que sur lui-même qui, visiblement, n’est pas né avec tous les talents du monde, contrairement à ce qu’il pensait. Ça fait mal, d’entrer dans la réalité.

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Spencer Blackwell & @Archie Kwanteen

Y a des jours où vraiment, il vaudrait mieux rester au fond de son lit. La journée a commencé avec la douloureuse collision entre ton orteil et le pied du lit, s’est enchaînée avec la machine à café qui refusait de coopérer, a continué avec le retard de ce foutu bus et pour couronner le tout, les clients de ce soir sont tous exécrables. Absolument tous. Ou alors c’est juste ton humeur globale qui fait que t’as pas la patience ou l’envie de les trouver sympa, qui sait. Techniquement t’as l’habitude des journées qui se déroulent plus mal qu’elles ne devraient, mais il faut croire que celle-là en particulier était celle de trop. T’as essayé de négocier avec le chef de salle pour retourner à la préparation des cocktails derrière le bar ou même carrément à la plonge juste pour ne pas voir les gens et éviter les déconvenues. Sauf que voilà, t’étais prévue en salle pour cette fois alors c’est là que tu vas bosser et subir les humeurs des clients mauvais joueurs qui claquent l’équivalent de dix fois ton salaire en à peine quatre heures de temps. Ce que tu donnerais pas pour avoir la capacité de faire ça. Tous ceux qui clament haut et fort que l’argent ne fait pas le bonheur sont clairement des cons qui essaient de se rassurer sur leurs vies misérables.
Parlant de client plein aux as, y a ce grand type, là, qui ne fait que perdre et qui a tout l’air sauf ravi. T’es passée plusieurs fois à proximité de sa table et tu l’entends pester ou soupirer, tu jettes un oeil aux cartes qu’il tient et à celles étalées sur la table et en même temps, qu’est-ce qu’il veut faire avec une main pareille ? A moins d’être un génie du bluff, il ferait mieux de se coucher. Il joue et perd, se fait chambrer par ses camarades de tablée pendant que tu ramasses les verres vides à proximité.
L’autre t’interpelle, tu te retiens à grand peine de rouler des yeux et de cacher ton agacement à l’idée de devoir le servir, mais tant pis. C’est à peine s’il te prête attention en vérité, t’aurais pu être un simple client qui passait par là que c’était pareil pour lui. Néanmoins, tu prends note de sa commande, agissant le plus professionnellement possible. « Pas trop de glace. J’ai pas envie de payer vingt balle pour un tas de glace. » Tu réponds d’un sourire poli bien qu’un peu pincé et tu t’éloignes pour prendre d’autres commandes, pas vraiment ravie de devoir faire les frais des humeurs de l’autre, t’es pas son chien, merde.  
Une fois le plateau plein, tu retournes au bar pour le vider et transmettre les nouveaux verres à préparer. Ca s’active derrière, c’est efficace et même plutôt rapide sauf que la salle est bondée alors chacun devra patienter un peu. Tu fais au mieux et les délais s’allongent un peu malgré toi à mesure que certains mettent plus ou moins de temps à payer leurs consommations. Le pire c’est que tu peux même pas les presser parce qu’il paraît que c’est quelque chose qui ne se fait pas.
T’es presque de retour à l’autre, d’ailleurs, et t’as assez hâte qu’il se barre vu comme il a l’air pénible à gérer, même pour les pauvres croupiers qui se trouvent à sa table. « Mais c’est une putain de blague ! » Et allez. Bref coup d’oeil dans sa direction, tu devines qu’il a encore perdu. « Il arrive bientôt, ce Whiskey, ou j’ai payé pour te regarder te déhancher dans la salle comme une imbécile qui ne sait pas où elle va ? » Et là c’est sans doute la goutte d’eau qui fait déborder le vase. T’as plus la patience, t’as plus envie de supporter ce genre de type imbu de sa personne ou d’être son défouloir. Pas de chance pour lui, t’étais assez proche avec son verre à la con pour malencontreusement perdre l’équilibre et faire glisser sa boisson sur le bord du plateau pour que ça vienne se renverser sur son costume qui vaut probablement plus cher que ta propre vie. Ca leur apprendra à mettre des vêtements qui coûtent trop cher pour aucune raison, tiens. « Oh non, je suis vraiment désolée, monsieur. » N’importe qui te connaissant assez peut sans aucune difficulté discerner la fausseté de ton excuse. T’es en train de faire genre de sortir ton torchon pour l’aider à s’essuyer, sauf que du coin de l’oeil tu vois le responsable de salle qui se pointe l’air mécontent. Bien joué, Spencer, t’as tout gagné à faire la conne. « Tout va bien monsieur ? » qu’il demande tout de suite à l’insupportable loser, tout en te fusillant du regard. « Bien sûr qu’il va bien, c’était un accident je- » ta gueule ta gueule ta gueule. Le regard de ton chef, l’air de dire “n’aggrave pas ton cas”, est suffisant pour te faire taire. Mâchoire serrée, tu poses les yeux sur l’autre con qui doit être tout sauf ravi d’avoir été arrosé au whisky. Bien fait.

C’est la honte qui transforme la bonne figure en créature crasseuse. De perdre, c’est une chose, mais de perdre devant des têtes aussi hautes que celles de ses spectateurs, c’en est une autre. S’il jouait contre des inconnus dans un bar branché du quartier, il aurait levé les yeux au ciel ainsi que la main avant de disparaître sans jouer de seconde partie, prétendant avoir mieux à faire. Mais, au casino, il est venu consciemment, et voulait consciemment repartir avec le double de ses mises. Son travail est plus rentable que cet établissement qui le ridiculise. Toutes les caméras suspendues au plafond doivent être rivées vers lui, et les gardiens en train de se foutre de sa gueule à l’unisson. Heureusement pour les spectateurs, ils sont gâtés : un verre tombe du plateau de la serveuse que ciblaient les insultes d’Archie. C’est peut-être seulement dans sa tête, mais la salle se voit assourdie par un silence conséquent quand il se dresse sur ses jambes tel le cheval fouetté au fessier. « PUTAIN DE MERDE ! » Ça s’échappe de ses lèvres de monstre, un ouragan qui déracine toute trace de vie à son pied. Les bras surélevés à l’horizontale, la gueule grande ouverte, l’air indigné qui l’enlaidit, Archie attrape la serviette que lui tend son voisin de table. Mais il les voit, tous ces sourires crispés étirant les visages des joueurs. Ils pensent toute la même chose. C’est mérité. « Oh non, je suis vraiment désolée, monsieur. » Les éclairs que lancent ses yeux en direction de la serveuse sont presque tangibles. Il grogne, animal qui ne peut pas contrôler ses pulsions primitives, consterné, lapidé au milieu d’une bande de paysans qui ne peuvent qu’en rire, faute d’avoir envie de l’aider. Sa chemise ivoire est foutue, tâchée par le bronze du whiskey, une ligne bien criarde qui sépare son torse en deux. C’est sans parler de la flaque humide qui imbibe le tissu de son pantalon là où l’incontinent aurait laissé fuir une ou deux gouttes. « Tout va bien monsieur ? » S’inquiète (enfin) un autre membre du personnel. « Bien sûr qu’il va bien, c’était un accident je- » Il se fait couper, n’a pas le temps de donner son avis alors qu’il est l’interrogé. L’insolence de la jeune femme l’offusque, il soulève la main pour interrompre son discours fait de jolies paroles dégoulinantes : « Non, ça ne va pas ! » Qu’il beugle, pointe le plateau vide de la serveuse, ajoute : « Elle a fait exprès de renverser le verre sur moi. » Il le sait, il en est certain, parce que malgré son caractère de cochon, il est encore assez lucide pour savoir qu’il est désagréable. En fait, il n’acte jamais de cette façon dans l’ignorance. Il en impose pour faire taire mais, parfois, il tombe nez-à-nez avec un autre caractère fort, et le clash est inéluctable. Ils pourront s’aboyer dessus, tous les deux, jusqu’à ce que la clôture qui les sépare ne se soulève et qu’ils repartent chacun dans le sens inverse pour éviter la confrontation pure et dure, celle qui casse des dents et fend des lèvres. « C’est vraiment de la merde, comme place. » Il en profite, histoire d’enfoncer le couteau dans la plaie, de montrer à ce qui ressemble au responsable de la salle qu’il vient de perdre un client par la faute de son employée capricieuse. Aussi, il conçoit que c’est l’occasion parfaite pour plier bagage et cesser de jeter de l’argent par les fenêtres. Il avait besoin de cette claque pour se réveiller, sortir de sa bulle égocentrique qui l’enfonçait, prolongeait sa descente en enfer. D’un geste brusque, il récupère sa veste qu’il avait entreposée sur le dossier de sa chaise, l’enfile, remarque tous les yeux rivés vers lui, bredouille une autre insulte puis se dirige vers la sortie d’un pas solide et assuré. En chemin, il replace ses cheveux qui avaient subi un mauvais traitement lors de son emportement. Il entend des rires, voit des mains qui cachent certainement des rictus amusés, mais il ne dit pas un autre mot sur tout le chemin jusqu’à la sortie. Dehors, dans le spatiaux parking, l’actionnaire ne prend même pas la peine de remplir ses poumons d’air frais qu’il les condamne à la fumée noire du tabac. Adossé contre la façade du casino, il observe les voitures de luxe qui font face à lui tels des soldats au garde à vous, crache de la cendre au sol, s’étouffe au milieu d’une latte, se racle la gorge comme un vieillard sur son lit de mort. « T’es con. » Il murmure pour lui-même tandis qu’un sourire nerveux soulève la commissure de ses lèvres, puis il ricane, se détend, laisse aller toute la tension qui bandait ses muscles jusqu’à présent. « Une vraie merde. » Il ajoute, pince l’embout de sa cigarette entre ses dents, balaie le tissu mouillé de sa chemise avec sa paume, le décolle de sa peau chaude, pleine de vie, de trop de vie, d’un mélange de haine mais aussi d’espoir que, un jour, il trouvera la véritable façon de devenir heureux, parce que l’hypothèse de l’argent vient d’être infirmée.        

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Spencer Blackwell & @Archie Kwanteen

« PUTAIN DE MERDE ! » Bien fait. Difficile de masquer le rictus satisfait qui menace de se dessiner sur ton visage. Pourtant tu résistes, tu gardes la face et t’évites de dévoiler ton jeu. Ça n’a pas l’air suffisant, pourtant, et ce ne sont pas tes protestations qui changeront quelque chose. « Non, ça ne va pas ! » Il en fait beaucoup là, non ? C’est qu’une chemise et un peu d’alcool, rien de grave ou de véritablement dommageable. Il ne va pas te faire croire qu’il en a pas quinze similaires dans son foutu placard ou qu’il ne peut pas la laisser à un pressing hors de prix où ça sera réglé en dix minutes de temps. « Elle a fait exprès de renverser le verre sur moi. » Toi forcément, tu joues les outragées. Bouche entrouverte, t’es probablement assez convaincante pour que le reste de l’assemblée tienne avec toi. T’es même certaine qu’ils le font déjà et qu’ils viendront te filer des pourboires juste pour avoir fait taire le mauvais joueur etl es avoir amusés au passage. « C’est vraiment de la merde, comme place. » Allez Karen, tire toi et fous la paix aux honnêtes gens. Cette fois c’est plus fort que toi, tu roules des yeux en soupirant. Sauf que t’aurais peut-être pas dû crier victoire si tôt. Déjà, tu sens le regard meurtrier du responsable de salle qui te toise comme si tu venais d’insulter le client avec des mots. « C’est vrai ce qu’il dit ? Tu l’as fait exprès ? » Bien évidemment qu’il est mécontent, ton supérieur. Tu viens de faire une connerie et c’est probablement sur sa tronche que ça va retomber parce qu’il est supposé maîtriser ses sous-fifres et ne pas laisser ce genre de débordement arriver. Manque de chance pour lui, t’étais dans son équipe ce soir et t’avais aucune patience à revendre. « Mais tu vas pas croire un connard pareil ! » Tu lâches, complètement outrée par la tournure des événements. C’est vrai quoi, tu devrais même avoir le droit à des remerciements. Un peu plus et c’était le croupier qui lui faisait avaler les cartes, t’en es certaine. « Écoute moi bien, ce genre de connard justement on les connaît bien et c’est ceux qui sont capables de ramener leurs avocats pour un incident pareil. » Ouais, bon, dans le feu de l’action c’est pas tellement le genre de détails auxquels t’as pensé. Merde. « Mais je- » « Je veux rien entendre, va te calmer dehors. » Qu’il te coupe, et encore une fois, t’es à ça de protester, de te défendre jusqu’à ce qu’il lâche l’affaire et que tu puisses retourner bosser. Sauf que de nouveau, t’as le droit à un regard noir qui ne laisse pas place à la discussion. Alors tu serres les dents et tu t’éloignes, reposant ton plateau au passage avant de dénouer ton fichu tablier pour te ruer dans les vestiaires et chopper tes clopes. Il a raison, finalement, aller respirer un coup ça te fera du bien et ça te permettra de réfléchir un peu. Quelle conne, vraiment, y a pas d’autres mots. Un connard pareil risque effectivement de foutre la merde et de coller un procès au cul du casino si ça lui chante. Il a claqué tu sais pas combien de milliers de dollars rien que ce soir, bien plus que ce que tu peux espérer gagner en un an. Tu te doutes qu’il n’aura aucun scrupule à payer quelques avocats pour qu’ils viennent remuer un peu l’endroit et qu’ils viennent chopper la débile de serveuse qui a malencontreusement ruiné une chemise Louis Vuitton ou Gucci, pour c’que t’en sais et surtout c’que t’en as à foutre. En bref, tu ferais mieux de préparer tes meilleures excuses parce que t’es certaine qu’il va les attendre de pied ferme, l’autre. Sauf que dehors sur le parking, il ne fait pas frais et l’air encore haud du début de soirée te donne instantanément envie de rentrer à l'abri des climatiseurs. A la place, tu t’énerves sur ton briquet qui fait des siennes et tu grommelles, désespérée de n’avoir même pas le droit de fumer ta foutue cigarette pourtant méritée. Comme pour en rajouter une couche, tu remarques seulement qu’il est aussi là, l’autre. Mâchoire crispée, tu continues à t’acharner sur ton briquet avant de finalement abandonner. Journée de merde jusqu’au bout. « Je suis pas là pour m’excuser encore, hein. » Autant qu’il le sache, si c’est ce qu’il pense. Non, attends, tu devrais prendre sur toi et la boucler en fait.  

Un trompe-l’œil. Une illusion d’optique qui cache un procédé bien plus simple qu’il ne paraît. Archie modifie l’opinion qu’ont les gens de lui comme bon lui semble. Ainsi, il paraît hautain quand c’est le ressenti qu’il veut invoquer et, souvent, il utilise cette même carte parce que la couronne qu’il pose sur sa tête agit comme un trompe-l’œil. Il n’est pas ici pour se faire des amis. Il ne cherche jamais à s’en faire, d’ailleurs. Les amis sont ceux qui risquent de le regarder trop longtemps dans le blanc des yeux et de voir la couronne disparaître peu à peu comme l’oasis qui berne les assoiffés. Il perd de l’argent – une goutte d’eau dans l’océan de ses richesses – et il protège ses apparences en jurant et en retournant sa rancœur contre une personne qui ne peut pas l’attaquer en retour. Quoique.

L’éruption d’hostilité fait trembler la moitié de la salle. Certaines têtes restent concentrées sur leur main gagnante, d’autres préfèrent se changer les idées en assistant au spectacle qui offre un peu de diversité à la soirée. Archie profite de la perche qui lui est tendue pour quitter les lieux. Ainsi, il ne part pas parce qu’il est mauvais perdant mais parce qu’une serveuse a arrosé son veston plutôt que son gosier. À l’extérieur, dans le parking, la pression retombe. Miette par miette. La fibre de ses muscles se détend. Il pose l’arrière de son crâne contre le mur sur lequel il s’appuie, fume pour embrouiller ses pensées noires. Il ne va pas bien, mais il préfère en rire que de confronter cette réalité qui fait partie de son quotidien depuis quelques mois. Il pense peut-être à se tromper l’œil en prétendant jusqu’au bout. Il se laissera tomber dans la folie, si ça peut le protéger de ce nouveau siècle qui déroule son tapis gris devant lui.

À sa droite, un mouvement s’accompagne du son de talons qui claquent contre le béton. Son crâne bascule en sa direction, s’écroule comme une grosse roche qui ne supporte plus son poids. C’est un sourire ironique qui anime ses traits quand il reconnait sa nouvelle compagnie. Il n’a pu l’oublier aussi rapidement. Elle aussi souhaite enfumer ses poumons mais son briquet semble manquer d’huile. Elle joue avec la mort comme lui. « Je suis pas là pour m’excuser encore, hein. » Son explication a le mérite de lui arracher un rire. « Et je ne suis pas resté dans cette optique. » Il reporte sa clope à ses dents tout en observant plus longuement la jeune femme sous la lumière tamisée des néons. Il n’est plus en colère – parce qu’il ne l’a jamais été réellement. « Mon briquet fonctionne encore. » Et il en a dix autres dans sa voiture. Sans demander son avis, il s’approche d’elle, ses semelles râpant contre le sol, la fatigue traduite par ses mouvements las. Il fait apparaître une flamme sous le nez de la serveuse, la laisse se servir, note chacune de ses caractéristiques physiques tel l’amateur de peintures qu’il n’est pas. « Tu vas perdre ton boulot si tu réagis comme ça avec tous les connards. » Il vient de l’admettre. Il est dans son camp. Il a toujours joué la comédie. « Ça doit bien payer, pour une fille comme toi. » Ça ressemble à une insulte mais ce n’est pas son intention. Avant qu’elle ne le gobe tout rond ou qu’elle ne lui envoie son genou dans les couilles, il rectifie : « Ce que je veux dire, c’est que les clients ici sont prêts à tout pour mettre une jeune femme dans leur poche. Tu dois avoir de très bons pourboires. » Et, pour cette raison, elle ne devrait pas laisser son ardeur lui voler son travail. « Rassure-toi, je n’ai pas l’intention d’aller écrire un mauvais review sur Google. Je me contenterai de pisser sur le mur de l’établissement. » Un commentaire qu’il accompagne d’un autre sourire sarcastique pour lui transmettre ses intentions.  

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Spencer Blackwell & @Archie Kwanteen

A force de grincer si fort des dents, tu vas finir par attraper une crampe à la mâchoire, du coup ça sera forcément bien plus compliqué de râler après les clients pénibles ou de contester les ordres ou les réprimandes qu’on te donne. T’y peux rien, pourtant, et surtout pas lorsque ton briquet fait des siennes et que ton seul sauveur apparaît sous la forme du type de tout à l’heure. T’essaies de clarifier les choses sans pour autant lui donner raison, préférant garder tes distances plutôt que d’empirer la situation. S’il devait se passer quelque chose parce qu’il a mal pris ta petite intervention de plus tôt, nul doute que les vigiles seraient à l’extérieur en un claquement de doigts, mais après quoi ? Il va porter plainte et ça fout la merde pour rien ? Juste parce que t’as pas su encaisser la mauvaise humeur d’un mec trop aigri par ses problèmes de riche ? T'aimerais bien en avoir, des soucis comme ça. « Et je ne suis pas resté dans cette optique. » Tant mieux, l’affaire est réglée, donc, inutile de tergiverser ou de rester là à faire le planton. Toi, tu peux pas encore rentrer sinon tu risques de te faire taper sur les doigts par ton responsable, à tous les coups il va penser que tu te fous de sa gueule à juste avoir fait un aller-retour à l’extérieur. « Mon briquet fonctionne encore. » Le colérique n’a techniquement plus rien à faire ici, alors t’es pas tellement sereine lorsque tu le vois se rapprocher.  De quoi il se mêle, en fait ? A peine le temps de souffler ton agacement qu’il se rapproche et inconsciemment, tu te tends. Mais rien, son pouce fait rouler la pierre du briquet et la flamme valse sous ton nez. Okay, un bon point pour lui, faut croire. La clope enfin allumée, tu peux enfin profiter de ton poison et c’est dingue le bien que ça fait. Rien de comparable avec ce que t’as pu connaître avant, mais c’est mieux que rien. Bien que toujours remontée et surtout méfiante, tu le remercies tout de même d’un bref signe de tête. « Tu vas perdre ton boulot si tu réagis comme ça avec tous les connards. » Un ricanement amer s’échappe d’entre tes lèvres et tu ne retiens pas tes yeux de rouler. « Ouais, merci du conseil. » Que tu balances ironiquement. De quoi il se mêle ? Sérieusement, il n’a pas une lamborghini à aller chercher chez le voiturier ? Ou mieux, tiens, un costume à aller porter au pressing ? Merde, si jamais il te demande de payer les frais ou carrément de lui en racheter un, et dans les deux cas, c’est le genre de dépenses que tu peux pas te permettre. « Ça doit bien payer, pour une fille comme toi. » Sa remarque te fais lever un sourcil, pas certaine de comprendre l’implication derrière. « Ce que je veux dire, c’est que les clients ici sont prêts à tout pour mettre une jeune femme dans leur poche. Tu dois avoir de très bons pourboires. » Donc il est de ce genre là ? A croire que tout est bon pour obtenir le plus gros pourboire possible ? Ou alors il ne se rend juste pas compte de la façon dont ça peut être interprété, même si pour le coup t’as un énorme doute. « Clairement pas assez pour le dépenser comme ça. » Pique évidente à la façon dont il a dilapidé des sommes astronomiques ce soir. « Rassure-toi, je n’ai pas l’intention d’aller écrire un mauvais review sur Google. Je me contenterai de pisser sur le mur de l’établissement. » Ca a au moins le mérite de t’arracher un rire franc. Si encore ce n’était qu’une mauvaise appréciation sur internet, ça irait, c’est pas tellement ce genre de répercussion qui te fait peur ou qui va inquiéter la réputation de l’établissement. Au moins il ne parle pas de poursuites ou d’avocats et ça, tout le monde ne l’aurait pas fait. « J’éviterai, y a des caméras partout et les vigiles risqueraient de ne pas trop apprécier. » Simple conseil, hein, il peut bien en faire ce qu’il veut pour le coup, mais il doit être assez malin pour savoir que c’est une mauvaise idée et que même si c’était de l’ironie, c’est pas le genre de blague qui passe très bien ici. « Faut croire que la chance du débutant était pas avec toi ce soir » T’as pas souvenir de l’avoir déjà vu dans les parages, mais tu peux te tromper. En tout cas, tout dans sa façon de jouer ou dans ses réactions indique que ce n’est pas le genre de chose dont il a l’habitude. « T’aurais été plus inspiré d’aller directement boire un verre au bar, ça aurait coûté moins cher. » Quitte à passer une mauvaise soirée, autant le faire à moindre prix. 

Les tensions s’évacuent à chacune des lattes que les lèvres d’Archie tirent avec précision et longueur, et il s’enfume la cervelle et les poumons afin d’empêcher les pensées quotidiennes de le retrouver ce soir. Certaines personnes jouent pour se sortir de la réalité mais il faut croire que cet univers du casino n’a pas été conçu pour celui qui préfère gagner de l’argent que d’en jeter par les fenêtres. L’expérience ne sera pas réitérer et, de toute façon, il se doute que la place ait envie de revoir le bout de son nez au milieu des jetons, des cartes et des verres de bourbon. Du moins, la serveuse qui l’a suivi dehors sans savoir qu’il tarderait un peu contre la façade de l’établissement pour calmer son cœur battant et ses poings blanchis. « Ouais, merci du conseil. » Son ton hautain lui arrache un autre rictus amusé et il ne la quitte pas du regard pour lui faire savoir qu’il n’est pas intimidé, qu’elle soit armée d’un couteau ou pas. Il ne se laisse pas marcher sur les pieds, Archie, et c’est bien là une qualité autant qu’un défaut. S’il épargne sa peau, il effrite celle des autres jusqu’à ce que la chair soit mise à nue. « Clairement pas assez pour le dépenser comme ça. » Il se doute qu’elle voit assez de roues tourner, ici, et qu’elle n’a pas envie d’en faire tourner davantage quand elle termine de travailler. Elle a sûrement constaté que toutes ces machines basées sur la chance sont truquées, construite de manière à ce qu’elles appâtent une proie le plus longtemps possible, l’aveuglant de ses lumières clignotantes et l’assourdissant de ses musiques tintamarresques. Elle assiste à plus de défaites que de victoires. « Trop c’est comme pas assez. » Archie susurre du bout des lèvres avec une inflexion mielleuse, couvrant la jeune femme d’un regard joueur. Dans tous les cas, s’il lui a fait la gueule à l’intérieur, il préfère la rassurer sur une chose : le casino n’entendra pas parler de lui. Certes, le millionnaire a toujours apprécié de jeter des pierres lorsque le service qui lui est offert est médiocre mais cette mésaventure du soir a été sponsorisée par son manque de savoir-faire en poker. S’il connait les règlements du jeu, il n’a jamais pris le temps d’en exploiter les recoins. « J’éviterai, y a des caméras partout et les vigiles risqueraient de ne pas trop apprécier. » C’est gentil de l’en avertir, il pense en étouffant son rire derrière sa clope à moitié bouffée par la braise. « Faut croire que la chance du débutant était pas avec toi ce soir » Il secoue la tête à la négative, laissant ses yeux contempler la grandeur du parking et le grand nombre de voitures hors de prix qui occupent chaque espace. La sienne se cache un peu plus loin, à travers les autres Tesla, BMW et Audi. « T’aurais été plus inspiré d’aller directement boire un verre au bar, ça aurait coûté moins cher. » Il répond, vif : « Ou de me bourrer la gueule seul chez moi, avec une bouteille que j’ai déjà payée. » C’est ce qu’il fait depuis un moment déjà. « Mais je ne fais pas tout ça dans le but d’économiser ou de compter mes gains à la pièce près. » Il avale le dernier nuage de fumée et éteint sa cigarette contre le mur. À défaut de pisser dessus, il peut le tacher d’un peu de poussière de tabac. « L’adrénaline, c’est pas mal comme médecine. J’préfère risquer de perdre un gros chèque que de me lancer dans la course automobile illégale. Je ne suis pas encore prêt à mourir. » S’humectant les lèvres, il regarde à nouveau la serveuse et l’interroge : « Peut-être que tu aurais une combine à me filer. Ce ne doit pas toujours être la vie de rêve, de bosser dans ce genre de trou. » Il laisse ses paroles les survoler un instant puis précise le fond de ses pensées : « C’est quoi ton adrénaline, à toi ? »

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Spencer Blackwell & @Archie Kwanteen

« Trop c’est comme pas assez. » Alors celle là, t’en doutes un peu. Encore que, t’en connais certains qui, malgré leur situation financière déplorable, n’ont pas hésité un seul instant à continuer à s’endetter en jouant juste parce qu’ils étaient persuadés que la chance allait tourner et qu’ils allaient se refaire à la prochaine partie. Y en a souvent, des comme ça, au casino, et au fil du temps, t’as appris à les repérer, à observer leurs doigts tremblants et leurs faces crispées par la concentration et l’anticipation. Ils dégagent une tension supplémentaire que celle des joueurs ordinaires, y a quelque chose chez eux qui donne l’impression qu’ils sont en train de jouer leur vie et dans un sens, c’est plutôt proche de la vérité.
Et regardez la, Spencez Blackwell en train de donner des conseils sur comment gérer sa vie ou passer ses soirées, à croire que le monde a fait un turnover à 180° et que t’es soudainement devenue qualifiée pour ce genre de conversation. « Ou de me bourrer la gueule seul chez moi, avec une bouteille que j’ai déjà payée. » Tu ricanes en secouant la tête, ne pouvant t’empêcher de te demander si le gens riches ont au moins le bon sens de ne pas se rendre ivres avec des breuvages hors de prix. Est-ce que ça leur arrive aussi, d’aller acheter une bouteille de vodka ou de tequila premier prix pour la vider sans modération et sans même avoir à se soucier de chaque centime dépensé ? Ou alors si c’est tout le contraire, est-ce qu’ils se moquent complètement des chiffres dépensés et que ça leur passe complètement au dessus comme le reste des dépenses qu’ils peuvent engendrer ? « Mais je ne fais pas tout ça dans le but d’économiser ou de compter mes gains à la pièce près. » « Encore heureux, parce que t’étais pas franchement très bon dans l’exercice. » Sans vouloir l’offenser, quoi. Le contre-point n’est même pas délivré de façon désagréable ou agressive, c’est un simple constat sur ce que t’as pu observer de sa façon de jouer. « L’adrénaline, c’est pas mal comme médecine. J’préfère risquer de perdre un gros chèque que de me lancer dans la course automobile illégale. Je ne suis pas encore prêt à mourir. » Sourcil arqué, tu jauges ton camarade d’infortune en te demandant quel genre de soucis il peut bien avoir à combattre s’il se retrouve à chercher des sensations fortes comme ça ? « Peut-être que tu aurais une combine à me filer. Ce ne doit pas toujours être la vie de rêve, de bosser dans ce genre de trou. » « C’est pas si mal, en vrai. » C’est sans doute même le meilleur job que t’aies jamais eu, et de loin. Tant au niveau de la paye que du reste. « C’est quoi ton adrénaline, à toi ? » « Franchement ? Je cherche encore, pour l’instant j’ai pas tellement trouvé mon truc. » C’est pas tout à fait vrai, en fait. Ton adrénaline à toi, elle s’appelle héroïne ou cocaïne, elle te fait lâcher prise jusqu’à t’oublier complètement et même si ça fait quasiment un an que tu les as plus côtoyées, y a toujours cette part de toi qui en a envie et qui cherche à te faire basculer. « J’ai pas de bagnole alors je risque pas de m’engager dans des courses illégales et tant qu’à faire, j’aimerai assez rester du bon côté de la loi. » Pour changer, tiens. Tu vas pas commencer à parler de ce qui se trame sous le casino ou de ce que t’as pu faire par le passé, c’est pas le genre de chose qu’on aborde avec un parfait inconnu. « T’as quand même un autre truc que les jeux d’argent, j’espère, paraît que c’est pas super sain comme passe-temps. » Pas que tu te permettes de juger, mais une addiction reste une addiction et t’es plutôt bien placée pour savoir à quel point ça peut tout foutre en l’air si on n’y prend pas garde. « Tu dois bien avoir les moyens de t’offrir des trucs un peu exaltants et excentriques, non ? Genre je sais pas, tu peux tester le saut à l’élastique depuis un hélico, paraît que c’est mortel. » Tu plaisantes en ayant tout à fait conscience que c’est sans doute pas un truc qui existe réellement, du coup ça doit littéralement être mortel comme activité, le genre qu’on ne fait qu’une fois dans sa vie et qu’on a pas l’opportunité de re-tester ensuite.

Même si Archie peut faire preuve d’autodérision, il y a des limites aux jugements qu’il peut se prendre dans les dents. « Encore heureux, parce que t’étais pas franchement très bon dans l’exercice. » Il doit bien défendre le peu de dignité qu’il possède encore ce soir. « Oh, crois-moi, je suis très bon dans l’exercice quand j’en ai pas rien à foutre. » S’il n’était pas bon, il n’aurait pas le luxe de pouvoir s’en foutre au casino, justement. Derrière cette descente en enfer d’une nuit se cachent des années de travail acharné, d’études de marché, de tableaux Excel et d’essais et erreurs pour trouver la formule la plus lucrative. Il a réussi, ça c’est certain, et ce ne sera pas la prétention d’une serveuse qui lui fera perdre son assurance. Il ne sert personne, lui. Ce sont les autres qui cirent ses chaussures et triment sa barbe. « C’est pas si mal, en vrai. » Un gloussement secoue sa poitrine mais il ne tire aucun jugement à voix haute ; il se contente de les penser. Il ne pourrait jamais être l’esclave de personne. Ça ne fait pas partie de son ADN, de se contenter du minimum. Il a visé des gratte-ciel et il les a atteints d’un coup de grappin. « Franchement ? Je cherche encore, pour l’instant j’ai pas tellement trouvé mon truc. » Il la détaille de bas en haut tout en enfonçant ses mains libres dans ses poches, l’air nonchalant. Maintenant qu’elles ne manient plus sa clope, il doit les occuper autrement. « J’ai pas de bagnole alors je risque pas de m’engager dans des courses illégales et tant qu’à faire, j’aimerai assez rester du bon côté de la loi. » Nouveau rictus amusé alors qu’il détourne les yeux vers les rangées de bagnoles luxueuses qui les regardent de leurs fars éteints. « Il faudra que tu cherches un peu mieux. Quoique, ça doit refiler un bon rush d’adrénaline, de jeter de l’alcool sur les clients. » C’est l’équivalent de balancer son poing au milieu du visage d’un adversaire, sans que du sang ne s’écoule ou des dents ne s’envolent. « T’as quand même un autre truc que les jeux d’argent, j’espère, paraît que c’est pas super sain comme passe-temps. » Haussant un sourcil, il la lorgne à nouveau. Serait-elle en train de s’inquiéter pour le type qui lui a gâché sa soirée et qui lui en gâchera d’autres, puisque c’est dans sa nature de cracher sur les autres ? « C’est mignon de t’en faire pour moi, mais t’es pas obligée de faire du service à la clientèle jusque devant la porte d’entrée. » Il pose l’arrière de son crâne contre le mur, observe le dessous de l’auvent qui les protégera de la pluie si pluie il y a. « C’est pas mon passe-temps, le casino. J’y vais jamais. Je m’ennuyais et je passais par-là, alors j’ai décidé de venir tirer les cheveux à la première serveuse qui mordrait à l’hameçon. » Il la gratifie d’un sourire ironique ; si elle est toujours là, c’est bien parce qu’elle apprécie le goût de l’appât ? « Tu dois bien avoir les moyens de t’offrir des trucs un peu exaltants et excentriques, non ? Genre je sais pas, tu peux tester le saut à l’élastique depuis un hélico, paraît que c’est mortel. » Ses lèvres se retroussent à leur commissure. Il y réfléchit un instant, à la question pertinente, puis il finit par secouer la tête : « J’ai pas envie de mettre ma vie en danger à chaque fois que je m’ennuie. » Il se laisse rêvasser, repenser à son adolescence souvent accompagnée de ses gants de boxe, de la sueur sur son front, de son mouth-piece qu’il pressait de ses dents à chaque coup porté à sa mâchoire. « Je fais de la boxe, mais ça fait longtemps que j’ai pas fait de vrai combat. Je me contente de taper dans un sac chez moi et de temps en temps à la salle. Mais je n’ai trouvé personne à mon niveau qui pourrait se mesurer contre moi pour que ça reste intéressant. » Ce n’est pas seulement de la prétention. Il était un champion, il connait encore la danse et les réflexes à adopter, il est simplement un peu moins habile qu’avant. Les trente années se font ressentir dans ses muscles les lendemains matins. « Les sports de combat, c’est pas mal pour obtenir sa dose d’adrénaline, et pour fermer la gueule à un con. »    

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Spencer Blackwell & @Archie Kwanteen

« Oh, crois-moi, je suis très bon dans l’exercice quand j’en ai pas rien à foutre. » Dans d’autres domaines, peut-être, tu ne le connais certainement pas assez pour savoir qui il est ou ce dans quoi il est doué. Mais t’en as suffisamment vu ce soir pour savoir que ce n’est pas le cas au poker. Ou alors il est particulièrement fort pour faire semblant d’être mauvais. Après il fait ce qu’il veut, t’es personne pour questionner ses passe-temps ou juger ce qu’il fait de ses soirées libres. Enfin ça c’est tant que ça ne te concerne pas directement comme ce soir quoi. « Il faudra que tu cherches un peu mieux. Quoique, ça doit refiler un bon rush d’adrénaline, de jeter de l’alcool sur les clients. » Le pire c’est que même pas tant que ça, en vrai. « Ouais, la perspective de se faire virer ça ajoute tout de suite un quelque chose. » Que tu railles. Bon, sur le papier, tu doutes te retrouver remerciée pour si peu, au pire tu risques juste de te faire tirer les oreilles par tes supérieurs mais rien de bien méchant. T’as même pas sûre que l’histoire remontera jusqu’aux oreilles des patrons de l’établissement, ils ont sûrement mieux à faire que gérer ce genre de petites esclandres sans intérêt. « C’est mignon de t’en faire pour moi, mais t’es pas obligée de faire du service à la clientèle jusque devant la porte d’entrée. » « C’est la conscience professionnelle qui veut ça, que veux-tu. » Ou plutôt ton responsable de salle qui t’a explicitement fait comprendre que si tu ne sortais pas te calmer un coup, ça allait barder pour toi. Enfin il doit être assez malin pour capter l’ironie à peine voilée, le brun. « C’est pas mon passe-temps, le casino. J’y vais jamais. Je m’ennuyais et je passais par-là, alors j’ai décidé de venir tirer les cheveux à la première serveuse qui mordrait à l’hameçon. » Le trait d’humour a au moins l’avantage de te tirer un rire amusé derrière ta cigarette presque entièrement consumée. La plupart des employés du casino n’auraient pas bronchés et auraient continué à se plier en deux au client se comportant comme un petit roi, quant aux autres, tout dépend. Y en a qui se seraient contenté de cracher dans son verre ou de simplement noyer son whisky avec suffisamment de glaçons pour diluer le breuvage et lui faire perdre son goût. Le genre de vengeance un peu mesquine mais pas forcément dommageable, quoi. « J’ai pas envie de mettre ma vie en danger à chaque fois que je m’ennuie. » A deux doigts de lâcher un “dommage” un peu insolent, mais tu te retiens. T’as eu le temps de te calmer un peu et visiblement lui aussi, la conversation en est presque devenue agréable alors autant ne pas relancer d’huile pour attiser le feu. « Je fais de la boxe, mais ça fait longtemps que j’ai pas fait de vrai combat. Je me contente de taper dans un sac chez moi et de temps en temps à la salle. Mais je n’ai trouvé personne à mon niveau qui pourrait se mesurer contre moi pour que ça reste intéressant. » « J’aurai pas parié sur la boxe, » tu commentes simplement en le détaillant un instant. Non, les types dans son genre ils jouent au croquet ou ils font des courses hippiques, enfin ce genre de sport un peu cliché pour gens riches, quoi. Ils ne se salissent pas les mains, généralement, ou en tout cas c’est ce que tu croyais. « Les sports de combat, c’est pas mal pour obtenir sa dose d’adrénaline, et pour fermer la gueule à un con. » Effectivement, l’idée est loin d’être stupide. T’as déjà songé à t’y mettre, juste pour voir et pour canaliser ton trop plein d’énergie, mais t’as jamais vraiment réussi à t’y tenir, faute de moyens ou de temps. Aujourd’hui t’as la chance d’avoir les deux, alors tu vas garder l’idée dans un coin de ton crâne pour plus tard. « Peut-être que je devrai essayer alors, ça évitera de gâcher de l’alcool la prochaine fois. » Et ça évitera des esprits trop vite échauffés ou une note de pressing bien trop élevée pour ce que c’est. « Tu pratiques en club ou juste comme ça ? » Sûrement juste comme ça, sinon il aurait probablement des adversaires à son niveau à disposition.

Une fois sorti du cadre, Archie redevient – presque – bon vivant. Il a laissé tomber ses manières de cancre, et le voilà à se formater à la société telle qu’elle est, et non telle qu’il se l’imagine. Ils sont peu nombreux à vivre dans ce petit monde bordé de dorure, et la majorité s’est regroupée entre les quatre murs de cet immense casino au personnel plus que patient. Le millionnaire tombe rarement sur la perle rare qui se dresse devant lui et qui s’enfume à ses côtés. Il a l’habitude des employés respectueux qui se plient à sa moindre demande, aussi postiche soit-elle. Ça fait changement, de se faire balancer sa commande à la gueule. Au moins ça occupera sa journée de demain, lorsqu’il devra passer chez le nettoyeur pour réparer ce dégât. « Ouais, la perspective de se faire virer ça ajoute tout de suite un quelque chose. » Ils ont le mérite de s’entendre sur un point : ils détestent l’ennui. Ils ont besoin d’occuper leur esprit de quelconque manière. Il n’y a pas meilleur ingrédient que l’adrénaline pour alimenter leur moteur. « Je te souhaite un tas d’autres clients ignivomes alors. » Des dragons cracheurs de feu sur lesquels jeter l’alcool. Quoique. Le gin et les flammes ne font certainement pas bon ménage.

Ils ressemblent à deux amis de longue date qui savent s’adapter à l’humour de l’autre. Le ton devient anodin tandis que leurs échanges se rallongent, alors qu’ils auraient dû s’essouffler rapidement. Si Archie ne s’attendait pas à parler de son activité compétitive préférée, ça ne lui enlève pas le plaisir de vanter ses mérites. À la moindre occasion, il détaillera ses victoires parce qu’elles font office de piqure de rappel lorsqu’il se met à douter de ce qu’il vaut vraiment. C’est facile de se valoriser en additionnant toutes les médailles. Lorsqu’il faisait encore de la boxe tous les jours, il avait là un moyen de se comparer. Et qu’est-ce qu’il était meilleur que les autres. Ça lui manque, de se faire adresser les compliments et les encouragements. Aujourd’hui, l’adulte qu’il est devenu ne jouit plus des mêmes traitements. On l’admire de loin, on le jalouse aussi. Mais on ne vient jamais lui taper l’épaule. « J’aurai pas parié sur la boxe, » C’est vrai qu’il n’a pas vieilli avec ce sport. Sa silhouette détonne dans le milieu. Il n’a pas le gabarit des champions. Plus petit, il a toujours misé sur la vitesse et l’agilité, tandis que ses adversaires comptaient sur leur force brute. Il était le lièvre à travers les ours, et c’est ce qui faisait de lui le plus reconnaissable. Jeune, la différence était moins flagrante. « Disons que je n’ai pas hérité des meilleurs gènes pour gonfler comme une montgolfière. » Il pouffe, bien conscient de ce fait. Sa petitesse l’a toujours complexé mais il a appris à s’adapter à ce qu’il possède. Ce n’est pas faute d’avoir essayé de soulever des poids à la salle. Il n’a jamais réussi à multiplier sa masse. Alors il a concentré toute sa vie sur son métier et son compte en banque, qu’il pouvait alourdir. « Peut-être que je devrai essayer alors, ça évitera de gâcher de l’alcool la prochaine fois. »  La couvrant d’un regard amusé, il s’humecte les lèvres. Il y a quelque chose dans l’intonation de sa voix qui lui laisse penser qu’il a piqué son intérêt. Ses réparties ne sont plus seulement inspirées par la politesse et les formalités. « Je ne peux pas t’assurer que tu ne perdras pas vraiment ton empli si tu casses les palettes d’un millionnaire. » C’est le conseil qu’il peut lui donner : pour le reste, elle est bien assez grande pour prendre des décisions responsables. La boxe n’est pas seulement un moyen de frapper. C’est aussi de la discipline et de la confiance. Il suffit à Archie de soulever ses poings de la bonne façon pour qu’on cesse de lui tirer les poils. Ça inspire le respect. Et, il ne pourra pas parler pour Spencer, mais de savoir frapper pourrait lui sauver de moult prédateurs qui se permettraient de la dévisager trop longtemps. « Tu pratiques en club ou juste comme ça ? » « J’ai un gym chez moi. » Et il observe sa réaction, parce qu’il l’attend, le soupir condescendant et les yeux qui se lèvent vers le ciel. Bien sûr que ça ne l’impressionne pas. Elle n’est pas là pour le charmer en se pliant d’admiration. « Je vais au club à Logan City, parfois, mais j’ai pas trop le temps. » Occupé comme il est, il peut rarement sacrifier trois heures de sa journée, et c’est sans compter le trafic pour s’y rentre et pour rentrer. « Mais si ça t’intéresse un jour, je peux te donner mon numéro. J’ai de l’équipement qui te conviendrait. Tu as le même gabarit que ma sœur et ça fait un moment qu’elle m’a abandonné pour le Volley-Ball. » Haussant les épaules, il se permet une petite vanne : « Ne t’avise pas te refuser parce que c’est pas tous les jours qu’on se fait proposer le numéro d’un type de mon niveau. » Bien sûr qu’il plaisante – un peu. Ses paupières qui battent comme les ailes d’un papillon viennent aplatir son arrogance.  

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Finalement, toute la situation qui n’était pas du tout à ton avantage et qui aurait probablement pu très mal tourner, s’avère prendre un tournant inattendu. L’homme semble être plus détendu, moins enclin à laisser sa mauvaise humeur dûe aux défaites enchaînées à prendre le dessus. Toi aussi, t’as eu le temps de te calmer, la pression est redescendue presque d’un seul coup et forcément, tu te retrouves moins sur la défensive. Ce n’est pas pour autant que tu te sens moins méfiante à son égard, mais c’est un début. La joute verbale continue, presque bonne enfant, et au moins tu pourras dire au responsable de salle que t’as pu réfléchir à tes actions et tout ce qu’il veut entendre pour te lâcher la grappe. « Je te souhaite un tas d’autres clients ignivomes alors. » Un rire soufflé s’échappe alors que tu secoues la tête d’un air presque amusé. « Ah, trop aimable. » Comme si tu avais besoin d’autres cracheurs de feu pour pimenter tes soirées au casino. Clairement si tu peux t’en passer, tu le feras sans hésiter.
Alors voilà, tu renchéris, t’étonnant de son activité sportive de prédilection et forcément, il reprend également. « Disons que je n’ai pas hérité des meilleurs gènes pour gonfler comme une montgolfière. » Dans le fond, ce n’est peut-être pas plus mal. De mémoire, les boxeurs n’ont pas forcément des physiques si imposants que ça. Ils sont robustes, souvent trapus et ont pour la plupart les oreilles abîmées par les nombreux coups reçus lors des combats souvent trop violents. Ton premier réflexe, du coup, est de jeter un oeil aux siennes sans trop savoir à quoi t’attendre. Mais rien. Soit il porte un casque de protection à chaque fois, soit il a des adversaires capables de ne pas lui en foutre plein la tronche. « C’est pas forcément le plus important dans la boxe, si ? » T’en sais rien du tout en vérité, mais pour le coup t’es curieuse. Peut-être qu’il existe une catégorie pour les grands musclés gonflés de partout, mais à ton sens un plus petit gabarit est sans doute plus efficace. « Je ne peux pas t’assurer que tu ne perdras pas vraiment ton emploi si tu casses les palettes d’un millionnaire. » L’argent n’excuse pas tout, et certainement pas un comportement de connard fini. Mais soit, passons, même les types pleins aux as sont sujets à passer une mauvaise journée et à avoir besoin d’évacuer la pression. D’un côté, mieux vaut ça que de se tourner vers des hobbies étranges ou dérangeants. « Peut-être. Ca n’en restera pas moins satisfaisant pour autant. » Enfin tout dépend des circonstances quoi. Pour le coup c’est plus une question d’égo qu’autre chose. « J’ai un gym chez moi. » Bien évidemment que c’est le genre de personne qui a sa propre salle à domicile, à quoi tu t’attendais. Est-ce qu’il a aussi un coach personnel qui vient lui faire ses entraînements, juste histoire de ne pas se mêler avec le reste de la plèbe ? « Je vais au club à Logan City, parfois, mais j’ai pas trop le temps. » Ah tiens, tu t’y attendais pas à celle-là. Tout le tableau que tu as pu imaginer de lui est peut-être faussé ; l’homme se donne de grands airs alors que finalement, ce n’est probablement rien de plus qu’un masque. Toujours compliqué, de trouver le temps pour les activités diverses et variées. T’as toujours l’impression de courir après le tien sans jamais réussir à le rattraper pour autant. « Mais si ça t’intéresse un jour, je peux te donner mon numéro. J’ai de l’équipement qui te conviendrait. Tu as le même gabarit que ma sœur et ça fait un moment qu’elle m’a abandonné pour le Volley-Ball. Ne t’avise pas te refuser parce que c’est pas tous les jours qu’on se fait proposer le numéro d’un type de mon niveau. » Un ricanement amer t’échappe et tu secoues la tête en tirant une dernière fois sur la cigarette. « J’avoue, quel coup de chance ce soir, » que tu réponds sur le même air amusé que lui. « Allez, admettons que je marche, y aurait des conditions ? » Y a toujours des conditions, rien n’est jamais gratuit. « Je sais pas vraiment me battre, non plus. » Faux. Enfin quand tu te bats, il n’y a pas tellement de cadre, c’est plus façon chat sauvage qui sort les griffes et qui tente d’impressionner qu’autre chose.

« C’est pas forcément le plus important dans la boxe, si ? » Un sourire surpris étire la commissure de ses lèvres alors qu’il lui jette un regard entendu. Effectivement. Il y a plusieurs écoles de pensée à ce sujet. Archie fait partie de ceux qui ont dû s’adapter à leur physique moins imposant afin et exploiter leurs autres ressources. Entre autres, sa vitesse, son adresse et sa précision. Sur le ring, Archie a toujours ressemblé à un livre svelte qui se faufile dans tous les coins et qui évite de justesse chacun des coups de crocs des ours. « En effet. Ça peut même handicaper ceux qui pensent qu’ils n’ont besoin de rien de plus que leurs muscles pour se mériter une victoire. » Lui, il a dû travailler plus que les autres. Il a dû développer des techniques, avec l’aide de son coach, pour adapter son style de combat à celui des autres. Certes, il y a avait des limites à sa façon de faire ; un jour, il a vu les progrès décélérer alors il a levé les voiles du champ compétitif. De toute façon, ça n’a jamais été bien vu, pour un homme d’affaire, de ses présenter aux rencontres avec une oreille déchirée et une arcade sourcilière fendue. La boxe avait fait son temps ; elle lui est restée chère, il occupe encore ses journées avec des poings et un sac de sable, mais l’adrénaline que propose la compétition s’est évaporée. Au fond, ça lui manquera toujours. Quelque part au fond de son ventre, les souvenirs continuent de vibrer.  

C’est peut-être cette vibration réconfortante qui lui donne envie d’observer Spencer avec un peu plus d’intérêt. Même, il évoque ce gym à domicile dont il n’est pas peu fier, cherche sa réaction dans ses prunelles. Elle n’est pas complètement désintéressée. Il y a quelque chose qui brille dans son regard maintenant que les hostilités ont pris fin. Alors il lance la perche. L’hameçon. Non sans détourner sa proposition avec un peu d’humour pour cacher la source noble de ses intentions. Il ne se montrera pas tendre avec elle. Pas encore. « J’avoue, quel coup de chance ce soir, » Il bascule la tête sur le côté, impatient d’entendre la suite de sa phrase. Il l’a entendue, la virgule. Elle déploie une infinité de possibilités devant elle, tel un tapis rouge. Y’aura-t-il une suite ? « Allez, admettons que je marche, y aurait des conditions ? » Pour dissimuler son contentement, il se mord la lèvre inférieure. « Naaaaah. Ce sera pour me faire pardonner d’avoir mis ton boulot en danger. » Il n’a pas besoin de son argent. Elle se mélangerait au reste de sa fortune et se ferait aussitôt oublier. Le caractère éphémère de cet échange ne l’intéresse pas, ceci dit... « Mais tu dois t’engager. Sur le long terme. » Il hausse les épaules, constatant que ce contrat est un peu sévère, alors il précise : « Si ça te plaît, bien sûr. Mais je suis certain que ça te plaira. » Il en mettrait sa main à couper. Son caractère est parfaitement adapté à ce sport de combat.    

« Je sais pas vraiment me battre, non plus. » Il glousse simplement, levant les yeux au ciel et posant l’arrière de son crâne contre la façade du casino. « Bien sûr que tu sais te battre. » Le débat ne se prolongera pas. Il ne changera pas d’avis. Puis, du bout des lèvres, il commence à fredonner : « Zéro, quatre, neuf, un... » Un numéro de téléphone aussitôt prononcé, aussitôt envolé ; elle doit faire vite.  

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Spencer Blackwell & @Archie Kwanteen

A faire genre que tu t’y connais en sports de combats, on pourrait presque te prendre au sérieux sur le sujet. Ce que tu sais, c’est ce que tu as pu constater par toi-même, soit parce que tu as été témoin, soit parce que tu as été actrice. Ceux qui sont gonflés de partout sont du genre à impressionner par leur carrure, ils ont l’air forts et dangereux, mais de manière générale ils sont faciles à voir venir et à contrer. Beaucoup l’ont appris à leurs dépens, mais les véritables menaces, ceux dont il faut se méfier, ce sont justement ceux qui donnent l’air de rien. Celui qui reste silencieux dans son coin et qui ne fait pas tout un show au moment de passer à l’action. Il frappe quand on s’y attend le moins, prend par surprise et c’est terminé avant même qu’on ne sache ce qui s’est passé. « En effet. Ça peut même handicaper ceux qui pensent qu’ils n’ont besoin de rien de plus que leurs muscles pour se mériter une victoire. » T’as aucun mal à croire que les types tous secs mais un tant soit peu agiles n’ont rien à envier à ceux taillés comme des statues grecques. Lui là, avec ses airs de mec ayant baigné toute sa vie dans l’argent et le luxe, le genre de gars qui a peur d'abîmer sa manucure et qui fera régler ses problèmes par ses hommes de main, c’est typiquement le genre de personne dont tu ne te méfierais pas. Et c’est dans ces cas-là, qu’il y a des mauvaises surprises. Maintenant que vous avez pris le temps de discuter, tu sais à quoi t’attendre. « Naaaaah. Ce sera pour me faire pardonner d’avoir mis ton boulot en danger. » Pour le coup, tu n’as jamais été en danger. Enfin pas vraiment. Contrairement à la plupart des autres employés du casino, tu as un avantage indéniable qui est que tu partages le même nom que la patronne. Bien évidemment, les clients ne sont pas au courant et tu évites d’en user et d’en abuser, mais les faits sont là. Au pire, tu risques une remontrance de la part du responsable de salle, mais dans les faits, tu n’es pas tellement inquiète quant à ton avenir dans ce milieu. Et puis coup de chance pour les consommateurs désagréables, tu ne feras plus tellement de service en salle à partir de très bientôt. Qui sait, peut-être que ceux que tu as mal regardé et qui ont quelque chose à reprocher à ton comportement verront ça comme une punition à ton égard. La véritable raison, tu la garderas pour toi et elle ne sera pas ébruitée. « Mais tu dois t’engager. Sur le long terme. » Légèrement surprise, tu hausses un sourcil en l’observant, cherchant à déterminer si oui ou non il est sérieux dans ses propos. Il tient vraiment tant que ça à avoir quelqu’un à bastonner dans un ring sur une base régulière ou alors il te fait marcher ? Qui sait. « Si ça te plaît, bien sûr. Mais je suis certain que ça te plaira. » « T’as l’air bien sûr de toi. » Certains pourraient qualifier ton attitude d’inutilement insolente, surtout en vue de la situation que vous venez de démêler, mais ce n’est pas le cas. Il s’agit d’un simple constat. Après tout, si sa soeur a eu de l’équipement à un moment donné et a arrêté, c’est qu’elle n’y a pas trouvé son compte. Peut-être ne s’entendent-ils pas bien et que ça a coupé court à leurs entraînements, peut-être qu’il lui est arrivé quelque chose et qu’elle n’est plus de ce monde, tu n’en sais rien et tu préfères ne pas risquer de froisser qui que ce soit plus que de raison. « On verra ça. » Autant ne pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Déjà, faut que tu t’y pointes, à ses entraînements. Et faut que tu réussisses à continuer à y aller, et ça, c’est une autre histoire. « Bien sûr que tu sais te battre.  » Encore une fois, il a l’air bien sûr de lui. « Je sais frapper et porter des coups, c’est différent. » Tu sais aussi les encaisser, plus ou moins en tout cas. Forcément, tu fais bien moins la fière dès qu’il s’agit d’un passage à tabac où tu ne peux même pas te défendre et peut-être que des cours de boxe, ça aurait pu t’aider. « Zéro, quatre, neuf, un... » Tu vois l’air qu’il arbore et tu comprends qu’il ne répétera pas ; d’un geste vif, tu sors ton téléphone pour commencer à y noter le numéro, ça pourra servir plus tard.