Nul besoin de préciser qu’il a ouvert la porte avec une certaine appréhension, Swann, à en juger par le simple fait qu’ils n’avaient aucune visite de prévue pour aujourd’hui - et, surtout, qu’il existe toujours des paparazzis plus aventureux que d’autres. Néanmoins, et même si la surprise est réelle lorsqu’il retrouve Marley de l’autre côté de la porte, il n’en est pas moins heureux pour autant. « Surprise ! » Pour être une surprise, effectivement, sa venue en est bien une. Il esquisse un sourire, le soulagement prônant pourtant encore sur tout le reste lorsqu’il fait un pas de côté pour la laisser rentrer dans la maison. « Promis, le thé n'est pas périmé et... Ce n'est pas aux fruits rouges ! » Elle lui tend déjà des offrandes et s’explique avant même qu’il ait eu le temps de lire et comprendre qu’il s’agit de chocolats et de thé. Au moins, cela prouve bien que l’alcool avait commencé à redescendre lorsqu’il ont parlé, parce qu’elle s’en souvient parfaitement. “Alors il vaut sûrement la peine qu’on l’infuse. Merci.” Les remerciements sont sincères, même s’ils ne retirent rien à toute l’interrogation qui est la sienne quant à la venue de son amie jusqu’à chez lui. Déjà, il anticipe qu’elle ne vient pas simplement pour faire amende honorable.

“Fais comme chez toi.” Il annonce simplement, sans tarder à refermer la porte derrière elle, ses pas déjà portés en direction de la cuisine. Son petit doigt lui dit qu’ils auront le temps de boire au moins une tasse de thé, et c’est une parfaite excuse pour déjà infuser celui qu’elle vient de lui offrir. Rory est à l’agence, dernièrement occupé par les négociations pour que son métier corresponde à ses nouvelles envies cinématographiques. Ça, et le besoin de partager la nouvelle de leur dossier d’adoption accepté une bonne fois pour toutes, ce qui signifie qu’ils devraient être parents dans les semaines à venir. Ils n’ont jamais été aussi proches de l’être, ce qui est bien suffisant pour que Swann s’estime être sur son parfait petit nuage. “Tu fais du sport ?” Il demande, curieux, posté dans la cuisine alors qu’il a simplement pointé du doigt le canapé pour qu’elle puisse s’y faire une place si elle le souhaite. “J’ai pas l’habitude de te voir dans ce genre d’habits.” Il n’ajoute pas un sans vouloir te vexer, simplement parce qu’il est déjà évident. Il ne juge pas la façon dont elle s’habille ou se maquille, elle ni personne, mais l’anglais note cependant les différences qui existent entre ce qui a toujours semblé être une habitude et les habits bien plus amples qu’elle arbore aujourd’hui, comme s’il n’y avait finalement rien de plus normal en ce monde. Peut-être que ça l’est et, dans ce cas, Marley pourrait le lui dire aussi simplement et lui de passer à un autre sujet. “Je te présente Brownie.” Il commence l’arrivée du Border Collie, toujours aussi heureux de découvrir une nouvelle personne (aka ami) arriver chez lui, tel en témoigne le simple fait qu’il soit déjà aux pieds de Marley, occupé à quémander des caresses.

Il ne s’attendait pas à voir qui que ce soit, mais il s’attendait sans doute encore moins à voir Marley, n’ayant pas même souvenir de lui avoir donné sa nouvelle adresse. Et pourtant, rien de tout ceci n’est une mauvaise nouvelle aux yeux de l’anglais qui, au contraire, se réjouit de la retrouver dans un moment bien moins alcoolisé, et sans avoir à se battre contre elle pour la faire rentrer chez elle. « Un ami m'a dit qu'il fallait que je fasse attention à moi... J'ai un peu changé mon hygiène de vie ces derniers temps. » Il a besoin d’une seconde pour comprendre qu’il est l’ami en question, lui qui allait pourtant foncer tête baissée en pensant qu’elle parle plutôt d’un petit-ami. Il s’en garde, fort heureusement, et se contente d’observer avec amusement le clin d'œil qu’elle lui tend. “Tu devrais le garder. Ça a l’air d’être un bon ami.” Il s’en amuse délicatement, préférant l’ironie plutôt que l’idée d’ajouter de nouveaux conseils sur des anciens: elle était peut-être alcoolisée ce soir-là, mais il doute qu’elle ait oublié un seul instant de leur discussion. “Tu fais quoi comme sport, alors ?” Et cette fois-ci, déjà, le souci reprend le dessus, parce qu’il n’est pas sans avoir remarqué qu’elle a l’air fatiguée, ce qui est sans parler de son corps qui semble être douloureux. Il ne le note pas, il ne le souligne pas non plus. Swann n’est pas certain de lui au point d’en mettre sa main au feu et tant que tout n’en est encore qu’au stade de doutes, il se contente de questions ouvertes et de simples regards en coin, comme il en donnerait à n’importe qui présent dans son salon.

Celui qui n’en manque pas une miette, aussi, c’est le chiot devenu adulte, déjà occupé à quémander des caresses de la part de la nouvelle invité du jour. Il faut dire que le couple tient encore beaucoup à son intimité pour oser inviter plus régulièrement des amis, et toutes les interactions de l’animal se résument à Swann et Rory - et à toutes les personnes qui osent croiser son regard durant ses balades, aussi, ce qui n’est pas rien. Et si l’anglais observe la scène avec un sourire plus sincère que jamais, il remarque plus que jamais la grimace de douleur qu’est celle de Marley lorsqu’elle esquisse un geste rapide pour caresser l’animal. « Rory n'est pas là ? » Sans doute un peu trop occupé à la détailler, il accuse une seconde d’un silence dont elle profite pour continuer. « Il doit avoir un sixième sens. Dès qu'il sent que j'arrive, il disparaît. » Bien qu’il sache qu’elle se contente d’user d’ironie, Swann reprend tout de même la parole pour expliquer les choses telles qu’elles sont réellement. “Il travaille sur un nouveau projet qui lui prend beaucoup de temps. Il est à l’agence.” Beaucoup de temps est sans doute exagéré quand on sait qu’il ne part en réalité que quelques heures par jour, mais c’est un peu l’impression qu’il en a en l’absence de son fiancé. Pour autant, il est le premier à pousser Rory à poursuivre ses rêves et notamment cette idée de se lancer dans la réalisation, même si cela lui demande pour l’heure un peu plus de temps. Ils y gagneront tous les deux, et son fiancé n’en sera que plus heureux encore, tel qu’il le mérite. « Je pense qu'il a un instinct de survie développer. Il évite les problèmes ! » - “Bientôt tu apprendras que c’est une intrigue à la Sixième Sens ou Fight Club et qu’il n’existe en réalité pas depuis tout ce temps.” Il commente dans un sourire, uniquement pour désamorcer les mots de la brune face à lui. Pour autant, l’humour ne peut pas panser toutes les plaies, et c’est la raison pour laquelle il reprend rapidement. “C’est au sport que tu t’es blessée ?” Son ton la questionne maintenant qu’il est revenu à la normale et qu’il se rapproche d’elle, ses mains occupées par les deux tasses brûlantes. “Je sais à quoi on ressemble quand on veut donner l’air de pas avoir mal.” Il a longtemps été têtu au même titre qu’elle, malheureusement pour Marley qui peine terriblement à lui cacher certaines choses - à défaut qu’il soit bien loin de tout connaître à son propos. “Tu sais, mon conseil c’était pas vraiment de remplacer une habitude nocive contre une autre.” Personne ne lui fera croire que le sport est forcément plus sain que l’alcool: pas quand il est pratiqué trop intensément. Il peut mener aux mêmes conséquences désastreuses.

Curieux autant que soucieux, Swann ne tarde pas davantage avant de déjà demander à la jeune femme le sport qu’elle fait, elle qui semble s’être soudainement décidée à s’y essayer. C’est sûrement une bonne chose ; il veut le croire, tout du moins. « Un peu de course à pieds. » Ce qu’il tente lui aussi de reprendre chaque jour, maintenant que sa vie est bien plus en ordre qu’elle l’était à l’hiver précédent. Il hoche la tête pour lui prouver qu’il l’écoute, quand bien même il comprend qu’elle s’apprête à reprendre la parole. « Et je me suis mise au sport de combat. » Ce qui explique donc sa douleur à l’épaule, chose qu’elle tente de cacher derrière tout un cinéma auquel l’anglais ne porte attention que par pure politesse. Le sourire qui s’ensuit n’a lui-même aucune autre signification, tout comme le silence qui s’ensuit. Il ne cherche pas à l’accabler ni à la faire se sentir de la sorte, alors il cherche des alternatives là où il craint qu’il n’en existe pourtant pas. Après avoir brièvement laissé le sujet de la conversation dériver durant un instant, l’anglais reprend donc le cours de ses pensées et, surtout, de ses craintes. Il demande donc à son amie comment elle en est venue à se blesser, l’épaule n’étant pas le genre d’endroit qu’on se blesse facilement, à cause d’un mauvais mouvement ou un autre - contrairement à la cheville, par exemple.

Il avoue avoir lui-même joué à ce jeu là durant sa jeunesse (et il n’y a pas si longtemps encore) en mimant de ne pas avoir mal, et de ne jamais s’être blessé. Avec cet aveux, il espère soutirer ceux de Marley à son tour, ne serait-ce pour qu’elle comprenne qu’ils sont dans la même équipe. « Touché. » La jeune femme avoue donc, sous le regard de Swann qui se pare d’un mince sourire, la remerciant ainsi de ne pas tenter de lui mentir. « J'en ai besoin » Elle commente et argumente après la remarque de Swann, ce que l’anglais n’a malheureusement aucun mal à comprendre. Il souffle doucement, le regard toujours posé sur son amie. « Tu crois que tu pourrais me soulager ? » La question, osée, le prend définitivement de court, et cela se lit sans mal sur son regard qui vacille désormais des yeux de la jeune femme, jusqu’à son épaule qu’il se contente de deviner sous ses habits. “Je fais pas de miracle.” Il annonce déjà, pourtant soucieux de vouloir l’aider autant que possible. Simplement, il ne veut pas qu’elle s’attende à sortir d’ici en pouvant déjà recommencer ce qu’elle fait durant ses séances intensives - peu importe ce que c’est exactement - parce qu’elle doit garder les pieds sur Terre. Sans attendre la suite de sa réponse, elle enlève pourtant déjà son pull pour qu’il puisse juger par lui-même de la situation, ce qui lui fait dire qu’elle avait prévu de venir lui demander son aide depuis le début. « Pardon, t'as peut-être pas le temps ! » Et tel un balais précipité, elle commence déjà à sa rhabiller, face à un anglais qui a à peine trouvé le temps d’en placer une. “Non, c’est pas ce que je dis. Je peux jeter un coup d’oeil.” Mais il est supposé travailler avec ses patients pendant plusieurs semaines, si ce ne sont des mois voire même des années: ce ne sont pas quelques manipulations sur son canapé qui pourraient tout régler, tel un coup de baguette magique. “Tu as vu un médecin pour ça ?” Il connaît déjà la réponse, mais il ne sait faire autre chose que de tout de même poser la question et avoir un certain espoir. Sait-on jamais, elle pourrait peut-être le surprendre un jour.

Un jour, mais sûrement pas aujourd’hui. Il pose délicatement ses mains autour de son épaule, tentant d’utiliser ses années de médecine pour se rendre compte du problème autant que de son étendue, lui dont le travail consiste uniquement à prendre soin de Rory depuis près d’un an maintenant. Il est rouillé mais n’a rien oublié, et tout se passe d’autant mieux alors qu’il prend le temps de se concentrer, assuré que le temps ne joue pas contre eux. “Tu t’étais déjà fait mal à cette épaule ? Et comment c’est arrivé, ça ? C’est pas une blessure anodine.” Ce n’est pas une blessure d’effort, ce n’est pas quelque chose de parfaitement anodin non plus. Elle a dû y aller terriblement fort pour que son épaule fasse des siennes, et Swann mentirait s’il disait ne pas s’en inquiéter. “Peu importe avec qui tu t’entraînes, dis-lui d’y aller mollo.” Elle ne prendra pas en muscles si elle se blesse au moindre entraînement, voilà tout ce qu’il en dit. “Je suis sérieux, dis lui vraiment.” Il annonce, plongeant ses yeux naturellement sombres dans ceux de la jeune femme, dont le visage est plus près du sien que jamais.

Non, bien sûr qu’elle n’a pas vu de médecin. Il connaissait déjà la réponse avant de le lui demander, pour être honnête, mais il voulait qu’elle dise les mots par elle-même, espérant sans doute par la même occasion qu’elle se rendrait compte de la bêtise de son geste. Il ne cherche pas à la blesser, simplement à lui faire comprendre les choses telles qu’elles sont, ce qui ne l’empêchera jamais de faire au mieux pour elle, notamment alors qu’il tente d’utiliser ses connaissances pour jauger la douleur à son épaule et les problèmes inhérents à cette dernière. « Il y a quelques mois je suis tombée dans les escaliers. » Il ferme les yeux un instant, souffle celui d’après. Elle sent le mensonge à des kilomètres, de toute évidence. « Mais là j'ai senti une douleur en frappant contre un sac de boxe. » La raison est valable cette fois-ci, mais une vérité ne saurait rattraper un mensonge, parce que les choses ne peuvent fonctionner de façon aussi binaire parfois. Finalement, Swann retire ses mains de son épaule pour les reposer près de lui, la mâchoire serrée et le regard profondément désolé. “Je préfère que tu ne me dises rien plutôt que tu me mentes, tu sais.” En tant qu’ami, c’est ce qu’il souhaite. Il peut comprendre qu’elle ne lui dise pas tout, tout comme il peut comprendre qu’elle a elle aussi ses limites et qu’ils ne sont pas nécessairement très proches non plus. “Et si tu veux que je t’aide pour ton épaule, j’ai besoin de comprendre comment t’en es arrivée là.” En tant que kiné de fortune, c’est sa demande. Maintenant, le choix final n’appartient qu’à elle, et elle peut décider quel camp choisir, parce que c’est un choix qu’il ne fera jamais pour elle. Marley est une adulte, et quand bien même elle ne prend pas toujours les bonnes décisions, il a quand même envie de croire qu’elle y arrive l’immense majorité du temps.

« C'est pour pouvoir me défendre. »
“Tu ne pourras pas te défendre en étant blessée.”

Il comprend l’idée, il le jure. Il comprend aisément le sentiment d’insécurité qui peut parfois être le sien, il comprend qu’elle peut ressentir le besoin si ce n’est l’envie de pouvoir se défendre sans l’aide de personne. Pourtant, à trop le vouloir, elle semble s’éloigner de son but bien plus qu’autre chose. Avec une épaule dans cet état, elle peine même à caresser un chien, alors il doute fortement qu’elle puisse faire le moindre geste défensif ou Dieu sait quoi encore. Sans la retenir, il l’observe reprendre la tasse de thé entre ses mains, conscient d’avoir enfoncé des portes ouvertes et sans doute remué le couteau dans la plaie par la même occasion. « Je suis un peu cabossée mais ça va Swann... » - “Tu essaies de me rassurer ou de te convaincre ?” Son ton n’est pas accusateur, mais il ose sans doute des mots que tout le monde lui épargne, parce que personne ne veut être ce quelqu’un qui aborde les sujets difficiles, le genre qui ne mène pas vraiment à des rires ou des sourires. “Tu vas avoir besoin de repos pour te remettre de ça. Pas de cours d’auto-défense ou Dieu sait quoi encore.” Il ne précise pas la durée, souhaitant déjà entendre ce qu’elle a à dire sur le sujet. Elle va refuser, dire qu’elle va bien, nier tout problème ; et il doit d’abord apprendre à gérer le début du problème avant de continuer à donner d’autres ordres médicaux. “Si t’es venue me voir, c’est que tu veux t’en sortir, pas vrai ?” Il veut le croire, du moins, tout comme il espère qu’elle n’a pas sonné à sa porte parce qu’il est le seul médecin de son entourage, ce qui est pourtant parfaitement probable.

Il est quelqu’un de naturellement doux, Swann, mais ça ne l’empêche pas de toujours avoir à coeur de dire la vérité. Il est de ceux qui pensent que la vérité n’est pas toujours bonne à dire mais qu’elle l’est tout de même l’immense majorité du temps, comme en cet instant. Marley accuse le coup et il comprend que la situation est loin d’être facile pour elle à vivre en cet instant, mais il refuse de la voir s’enfoncer dans ses mensonges, surtout alors que ces derniers semblent être particulièrement liés à ses blessures, et peut-être même à cette envie de boire qui la caractérisait tant, il y a quelques nuits de ça. Il ne peut pas la regarder se noyer dans un bocal, il refuse. « J'ai besoin de le croire. Si je n'y crois pas, je vais m'effondrer. » Si ses fondations sont basées sur des mensonges et des chimères, ce sont elles qui finiront par s’effondrer, sans doute bien plus tôt que tard. Swann l’écoute avec empathie, lui qui affiche déjà une moue désolée, parfaitement incapable de se montrer insensible à la détresse d’autrui et surtout de ses proches. « Je ne peux pas. Je veux bien ralentir, mais c'est tout ce que je peux te promettre. » - “Alors ralentis.” Il est le premier à ne pas écouter son corps et à se faire du mal dans son esprit, alors il comprend que tout ne peut pas être facile pour Marley. Ralentir et non pas arrêter, c’est déjà un très bon début, et il serait fier d’elle si elle arrivait bel et bien à suivre cette pente.

« Je me suis jetée contre une porte... » L’expression de Swann change aussitôt pour se muer en un mélange imparfait d’empathie et de chagrin. « Je pensais qu'il était en danger. » De toute évidence, il ne cherche pas à savoir de quel il il est question: toutes les choses stupides de ce monde sont faites par amour. Ce dernier a beau ne pas avoir de prénom, Swann comprend qui il est sans le moindre mal. « Il ne l'était pas, mais je me suis démise l'épaule. Il me l'a remise sur place. » - “Il est médecin ?” Aussi stupide que cela puisse paraître, c’est bel et bien la première question qui vient à l’esprit de Swann. Peu sont ceux qui auraient osé remettre une épaule en place, et encore moins nombreux sont ceux qui y seraient arrivés. Il doit donc avoir une formation médicale et, pour ce que ça vaut, cela semble au moins rassurer l’anglais, à défaut qu’il puisse comprendre comment elle a pu le penser en danger et vouloir se jeter contre une porte pour lui. A ses yeux, c’est une scène de film d’action, et rien qui ne puisse être réel. Pas dans son monde qu’il tente de mettre en ordre, du moins. « C'était stupide, tout était stupide. » - “Tu pensais faire la bonne chose et le protéger. C’est ce qu’on fait avec les gens qu’on aime.” Généralement, les conséquences se dénombrent autrement, mais c’est une précision qu’il ne trouve pas utile de lui préciser. De toute évidence, Marley souffre déjà assez et elle s’en veut tout autant, il n’a pas à en rajouter. “J’ai pas les compétences nécessaires pour m’assurer que ton épaule va guérir naturellement. Tu devrais aller à l’hôpital.” Il ne souhaite pas s’inventer des compétences et, surtout, il ne souhaite pas laisser Marley souffrir impunément. Elle a besoin que quelqu’un lui donne la marche à suivre, sans trop lui donner la possibilité de changer de chemin. “Parle d’un accident de sport.” Personne ne posera d’autres questions, surtout alors que la blessure n’est pas récente. Elle s’en sortira sans le moindre problème.

En parlant d’accident de sport, c’est sa cheville qu’elle finit par lui montrer. « Pour ça, j'ai perdu l'équilibre bêtement pendant un échauffement. » Et il sourit, parce qu’il veut la croire, et parce qu’il préfère avoir des amis qui se blessent sans conséquence à cause de gestes du quotidien plutôt que n’importe quoi d’autre. “Le repos est ton meilleur ami mais je peux te montrer quelques exercices, si tu veux.” Pour qu’elle ne perde pas ses muscles, pour que sa cheville reste mobile sans empirer la situation. Il ne peut toujours pas faire de miracles mais il peut aider, au moins. Malgré tout. “Je recommence à courir, depuis quelque temps. C’est peut-être pas ce qui va te défouler, mais si jamais tu veux changer d’exercice, t’es la bienvenue.” A ses côtés, elle ne risquerait pas de se démettre une épaule ou de se tordre la cheville, il le jure. Et au moins, il serait rassuré de l’avoir près de lui, parce qu’il sait qu’au moins jamais il ne lui souhaitera du mal. “Mais si tu veux juste passer aussi, t’es toujours la bienvenue.” Pour discuter, pour demander conseil, pour n’importe quoi. Elle est toujours la bienvenue, et Rory en penserait de même sans l’ombre d’un doute. Elle est en sécurité, ici.

Il lui pose la question sans arrières pensées, Swann, quand il demande si son ami est un médecin. Il se dit seulement qu’il semble s’y connaître et ne cherche pas plus loin, parce qu’il croit Marley et parce qu’il ne risque pas de soupçonner par lui-même qu’il existe une immense baleine sous des fichus gravillons. « Non. Il est agent dans les forces de l'ordre. On l'a formé sur le terrain. » Elle est nerveuse et il se contente d’hocher la tête, parce qu’il veut croire que sa réaction est simplement dû au dédain général pour les forces de l’ordre, dédain auquel Swann n’adhère évidemment pas. Au contraire, il veut croire que s’il travaille dans un tel corps de métier, c’est parce qu’il veut aider son prochain, et qu’il aide tout autant ses semblables. Il fait simplement des erreurs, comme n’importe qui, mais ce n’est pas pour autant que l’anglais cherche à le défendre et bien au contraire. Sa priorité est et reste Marley, raison pour laquelle il ne lui conseille rien d’autre que de se rendre à l’hôpital, quitte à maquiller la raison de sa blessure. « J'irai passer des examens. » Il hoche la tête, soulagé qu’elle ne lutte pas davantage, et persuadé qu’elle pense réellement ce qu’elle est en train de lui dire.

Sur un ton plus léger, bien que le problème soit persistant, il propose de lui donner simplement des exercices pour aider à la guérison de sa cheville mais surtout pour la muscler et éviter autant que possible que ce genre de blessure n’arrive à nouveau. « Je ne dis pas non ! Enfin on est d'accord que ce sont des exercices pour renforcer mes chevilles et pas autre chose... Pas d'exercices de gainage, pas d'abdos, pas de pompes ou je ne sais quoi hein ?! » Et s’il ne comprenait pas où elle venait en venir en premier lieu, il rigole de bon coeur lorsqu’elle précise le fond de sa pensée. “Non, promis.” Il mentirait s’il disait que cela ne lui ferait pas du bien, à elle comme à qui que ce soit d’autre, mais il ne lui préconiser rien qui ne soit pas en rapport avec sa cheville. Swann a beau être un sportif, il n’a aucun mal à comprendre que cela ne puisse pas être le cas de beaucoup d’autres, et il serait bien le dernier à juger cette mentalité. A défaut de le lui imposer, il se contente donc simplement de lui dire qu’il y a toujours une place de libre à ses côtés lorsqu’il s’en va courir, ou même que la porte lui sera toujours ouverte si elle le désire. Rory et lui ont beau avoir mis un point d’honneur à rendre aussi privée que possible leur vie de couple, les amis sont une éternelle exception à la règle. « Merci. Je pense que tu n'imagine pas à quel point j'avais besoin d'entendre ça. » Swann sourit et hoche la tête, sans rien rajouter. Il ne veut pas enfoncer des portes ouvertes.

« Vous vous en sortez avec vos procédures d'adoption ? On n'est pas obligé d'en parler si tu ne préfères pas ! » Elle boit son thé et ajoute la précision en hâte, Swann prenant face à elle le temps de la réflexion. Il voudrait lui partager de bonnes nouvelles, mais il n’en a pas beaucoup à sa disposition, en réalité. L’agence d’adoption est avare en nouvelles. “Notre dossier est pas vraiment le plus facile à défendre.” Il n’en parle pas vraiment parce que les choses n’évoluent pas non plus, mais il ne fait pas un secret de leur envie d’être parents. Rory est une personnalité publique, ce qui rend frileux les agences, et ils sont qui plus est un couple homosexuel, ce qui leur ferme les portes de nombreux pays et rend encore plus frileux ceux où les démarches sont pourtant parfaitement légales. Le père de Rory aide à son niveau, la mère de Swann au sien, et chacun garde son téléphone allumé durant la nuit pour pallier au décalage horaire avec Londres, ville dans laquelle ils ont fait leurs démarches. Pourtant, rien n’évolue. “On a toutes les conditions, mais…” Il hausse les épaules et esquisse une moue triste. Mais il n’y a aucune bonne nouvelle à annoncer, même après tous les mois écoulés. “On nous a dit que ce serait long et difficile, mais ça me fait mal au coeur dès que je vois Rory avec ses neveux et que je me rends compte à quel point il est heureux quand ils sont là.” Il voudrait être capable de lui offrir cette famille qu’il désire tant, lui aussi, et il déteste l’idée de devoir s’en remettre à des inconnus qui les méprisent et n’accordent que peu d’importance à leur vie. “On trouvera un moyen, j’en suis certain.” Il reprend pourtant, reniflant brièvement. Il s’est efforcé de voir le côté positif des choses pour Marley, alors il s’efforcera aussi d’en faire de même pour sa personne. “Je te préviendrai à la seconde où les choses changent.” Son sourire renaît doucement alors qu’il n’utilise même pas un si: les choses changeront, c’est une certitude. Il ne s’imagine pas ne pas avoir une famille auprès de son futur mari, c’est impensable. "Et toi tu me tiens au courant pour ton épaule, ok ?" Donnant-donnant.

Ce ne sont pas des termes qu’il ose souvent prononcer, ceux qui expliquent à quel point il ressent un pincement au coeur lorsqu’il voit Rory auprès des jeunes bambins de sa famille et qu’il se rend compte qu’ils ne savent toujours pas si leur projet d’adoption connaîtra une réponse positive. Et parfois, parfois il se dit qu’il aurait pu parler famille lorsqu’il était avec Murphy ; et parfois encore il se dit que s’il était resté à ses côtés et si Swann avait laissé leur couple être, peut-être que Rory serait aujourd’hui déjà parent d’un merveilleux. Peut-être. Cette idée lui brise le coeur à bien des égards, à commencer parce qu’il ne s’imagine pas une vie sans lui à ses côtés en tant que moitié, ce qui le pousse à vouloir continuer à se battre au jour le jour pour leur future famille, qui verra le jour quoiqu’il en coûte. Ils ne baisseront pas les bras, pas alors qu’ils ont déjà traversé beaucoup d’épreuves ensemble. L’étreinte de Marley est bienvenue et sans doute même nécessaire, au point où Swann ne réfléchit pas un seul instant avant d’à son tour passer ses mains derrière son dos, prenant grand soin de ne pas appuyer pour ne pas réveiller un muscle douloureux. « Vous l'aurez votre famille » Ils sont déjà une famille à deux, Swann en est persuadé. Ils souhaitent seulement l’agrandir un peu plus.

Lorsque chacun reprend sa place, Swann lui promet de la tenir au courant de l’avancée du projet d’adoption, contre en retour des informations sur la guérison de son épaule. Le marché est conclu sans plus de négociation, ce qui a au moins le mérite de rassurer quelque peu l’anglais, désormais convaincu qu’elle agira au mieux, ne serait-ce pour pouvoir lui donner de bonnes nouvelles. « Je te remercie Swann. Promis, la prochaine fois qu'on se verra, je n'aurai pas besoin de toi... » Et tant qu’elle n’a pas besoin de ses services pour quelque chose de grave, cela ne le dérange pas de toujours répondre présent pour ses proches. Simplement, il espère qu’elle se contentera de l’appeler à l’aide parce qu’elle a une envie soudaine de thé à la camomille et qu’il est évidemment la seule âme de Brisbane à en avoir. Ce genre de service, ça lui plaît. Les autres, bien qu’il réponde toujours présent, n’aident qu’à lui briser le coeur, encore et encore. « T'es vraiment mon super héros préféré. » Elle lui sourit et il en fait de même, pourtant pris de court par la remarque. “Arrête de dire n’importe quoi, je vais douter de t’avoir seulement donné du thé.” Il s’en amuse simplement, ayant encore bien du mal à accepter certains compliments. Il se contente de répondre présent, au même titre qu’elle aurait à son tour répondu présente s’il l’avait appelé à l’aide, sans doute. C’est tout du moins ce qu’il veut croire, et c’est dans ce simple état d’esprit qu’il lui ouvre la porte et la regarde s’éloigner, comme pour s’assurer qu’elle trouve le bon chemin. Maintenant, il ne rêve plus que de pouvoir lui partager une bonne nouvelle, et d’en entendre à son tour.