Don't be a bitch

    @Mabel Griffiths    ft. Marley Lynch

Ce fut avec une certaine nervosité que Marley poussa les portes du studio ABC. On l'avait contactée à peine deux jours plus tôt suite au désistement de l'une des maquilleuses. Depuis février 2015, la métisse avait définitivement délaissé les barres de pole dance afin de se consacrer à ce qui était désormais son métier : le maquillage. Pendant plus de deux ans elle avait enchaîné les petits contrats en parallèle de son métier de strip-teaseuse. Après plusieurs réussites, et après que Jackson l'ait poussée à se lancer, elle avait choisi de garder ses sous-vêtements provocants pour elle et de sortir ses plus beaux pinceaux et ses plus belles palettes. L'année 2015 commençait sous les meilleures auspices, la brune commençait à se faire un nom dans son nouvel univers et prenait petit à petit confiance en elle.

L'opportunité de maquiller une mannequin pour un défilé ayant lieu dans les studios d'ABC était une chance inouïe à côté de laquelle elle ne pouvait définitivement pas passer. Si elle était quelque peu angoissée, elle parvenait à le dissimuler avec facilité. Sa démarche était assurée lorsqu'elle se dirigea vers la loge qu'on lui avait indiquée. Lorsqu'elle entra dans la pièce, un large sourire illuminait son visage. Elle aperçut de dos une jeune femme assise. Ce devait être la mannequin dont elle avait la charge. Elle s'approcha et joyeusement lança : « Bonjour, c'est moi qui vais m'occuper de vous aujourd'hui ». Lorsque la mannequin se tourna, les sourcils de Marley se froncèrent. Oh. Si elle ne se trompait pas, elle avait face à elle Mabel Griffiths. Elle l'avait déjà aperçue à quelques reprises sur certains défilés et le moins que l'on puisse dire c'était que la mannequin n'était pas des plus faciles avec qui travailler. Sa réputation de fille capricieuse la précédait et son comportement sur les défilés n'était pas toujours très respectueux. Elle choisit néanmoins de balayer d'un revers de main ses pensées négatives et ses à priori.

Elle posa sa mallette sur une table à proximité et reporta son attention sur la jeune femme : « Avant de commencer, j'aimerais savoir... Il y a des choses que vous ne supportez pas au niveau du maquillage ? ». Si Mabel ne pouvait pas imposer ses choix elle pouvait néanmoins faire part à Marley de ce qu'elle n'appréciait pas. La maquilleuse essaierait alors de faire au mieux. Elle commença à sortir son matériel qu'elle étala méthodiquement devant elle. Elle avait besoin que tout soit en ordre sous ses yeux pour que tout soit plus clair dans son esprit. Organisée comme rarement elle l'avait été dans sa vie, la jeune femme avait à cœur de réussir en tant que maquilleuse professionnelle. Pour la première fois depuis très longtemps, elle se sentait véritablement à sa place.  

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I forgot I was a bad bitch, tragic ; breaking all the rules 'cause they were only habits ; Cinderella's dead now, casket ; you thought the shoe fit, but I ; I forgot I was a bad bitch ∆ Emeline, Cinderella's dead

Il y avait le retour en Australie, imposée par la marque avec laquelle elle travaillait. Le décalage horaire, et le long voyage en avion depuis l'Europe. Le fait qu'elle devait aller manger avec ses parents le lendemain, parce qu'elle n'avait pas pu leur cacher son retour au bercail malgré l'hôtel mis à disposition par la marque, et le fait qu'elle n'était pas celle qui leur avait annoncé ses dates australiennes.

Alors il y avait la fatigue, la frustration, l'angoisse de revoir ses parents. Le manque de Rhett aussi, qui savait la calmer, même quand il ne savait pas exactement quel était le problème. Et puis sa manager lui avait appris que ce ne serait pas Lauren qui la maquillerait ce jour-là. Mabel n'avait pas saisi pourquoi - un virus qui la clouait au lit ? ou juste des engagements ailleurs -, mais la nouvelle ne l'avait pas ravie.

« Oh, c'est vous la nouvelle ? » demanda-t-elle, la voix traînante et démotivée, quand une inconnue débarqua dans sa loge.

Elle se retourna pour la dévisager, s'attardant sur le visage encore jeune et l'attitude trop joyeuse. Elles devaient être du même âge, à quelques années près. Difficile d'estimer l'âge exact de la maquilleuse, avec sa peau lisse et son air trop aimable, même si Mabel avait envie de la placer comme plus vieille. Juste par pur dépit, sans réelles explications.

« J'imagine que vous devez avoir un brief très précis de ce qu'ils veulent ? Faites donc ça. »

Des choses qu'elle ne supportait pas ? Mabel ne s'était jamais posé la question. On ne lui avait jamais posé la questions. Elle s'installait, on lui faisait le maquillage décidé par les stylistes ou les chefs de projet, et elle faisait ce qu'on lui demandait pour le mettre en valeur. Jamais elle n'avait eu à choisir les produits ou les coloris - même si elle avait pu glaner des conseils de maquillage au fil des années, ou avait écouté ses maquilleurs débattre pour utiliser telle ou telle couleur et pas telle autre sur son visage. Des conseils qu'elle utilisait les rares fois où elle devait se maquiller seule.

« Vous travaillez là depuis longtemps ? »

Sans doute pas, si Mabel devait en juger par le temps de préparation de la jeune femme. Lauren ne sortait que peu de produits, ceux qu'elle était sûre d'utiliser pour un make-up. Nul besoin de tout étaler, surtout qu'elle devait généralement tout ranger avant d'aller magnifier un autre visage, et que ranger et déranger tout à chaque fois faisait perdre du temps.

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Le manque d’enthousiasme et d'entrain dans la voix de Mabel lorsqu'elle lui dit : « Oh, c'est vous la nouvelle ? » piqua l'échine de la maquilleuse mais pourtant elle ne montra aucune émotion. La déception se lisait sur le visage de la blonde et Marley ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle non plus n'était pas ravie de devoir la maquiller. Elle essayait de rester focaliser sur son boulot et sur l'opportunité qu'elle avait eu d'être appelée. Si elle devait prendre sur elle et passer un très mauvais moment en compagnie de Mabel, elle le ferait. Le regard de la brune s'assombrissait néanmoins de plus en plus. Elle sentait que la mannequin la dévisageait de la tête aux pieds et cela la crispait. Le petit air supérieur qu'elle abordait l'agaçait au plus haut point mais Lynch choisit d'ignorer son comportement. Il fallait qu'elle s'habitue. Elle avait choisi de travailler dans un monde où les apparences et les paillettes régnaient en maîtres. Il fallait qu'elle accepte de travailler avec des personnes imbues d'elle-même. Les mannequins, chanteurs, acteurs, présentateurs télé, tous ceux qui passaient devant l'écran et non derrière avaient tendance à avoir une haute opinion d'eux-même. A Marley désormais de faire abstraction. « J'imagine que vous devez avoir un brief très précis de ce qu'ils veulent ? Faites donc ça. ». La métisse se mordit l'intérieur de la joue pour ne pas se montrer désagréable. Elle avait l'impression que l'autre la traitait comme une moins que rien. Peut-être se faisait-elle des idées. Son peu d'expérience dans le domaine la rendait parfois fébrile. Elle savait qu'elle était douée dans ce qu'elle faisait mais par moments elle avait besoin d'une piqûre de rappel. Elle finit néanmoins par hocher la tête. En effet on lui avait donné des consignes sur les couleurs et sur le rendu désiré. La question posée concernait plus les produits en eux-même : Mabel préférait-elle la poudre ou au contraire des produits plus liquide ? Supportait-elle d'avoir plusieurs couches ou préférait-elle quelque chose de plus léger ? Tant pis pour elle, Marley lui avait donné l'opportunité de s'exprimer mais elle n'avait pas saisi cette chance.

La maquilleuse se tourna vers ses produits et observa ce qu'elle avait à disposition. Si sa préparation était plutôt longue c'était parce qu'elle ne voulait pas se tromper. Une fois qu'elle serait lancée néanmoins, plus rien ne l'arrêterait. « Vous travaillez là depuis longtemps ? ». La brune fronça les sourcils. La question portait-elle sur sa présence dans les studios ou dans le monde du maquillage ? Tandis qu'elle réfléchissait à la question posée, elle saisit un tube pour faire la base du teint. Avec délicatesse elle déposa du produit sur le visage de Mabel et à l'aide de son pinceau commença à l'étaler de manière uniforme. Tandis qu'elle appliquait la lotion sur le visage de la mannequin elle répondit : « Je ne travaille pas exclusivement pour ABC ou pour votre agence de mannequinat. Ils ont mon contact en cas de besoin. » Pour pouvoir se faire un nom et une réputation dans ce domaine, Marley avait choisi de se diversifier. Elle se montrait dans tous les événements importants, passait sa carte, maquillait à droite à gauche. Grâce au bouche à oreille et à sa volonté de faire, la jeune femme parvenait à se faire une place et à gravir les échelons.

Alors qu'elle venait de terminer la base de teint et que tout était homogène, elle demanda à son tour : « Et vous, ça fait longtemps que vous défilez ? ». Elle faisait la conversation plus par politesse qu'autre chose, en réalité elle n'en avait pas grand chose à faire. Elle se dit néanmoins que si elle se montrait à l'écoute et intéressée par ce que la blonde lui dirait, alors peut-être qu'elle se montrerait coopérative et non exécrable comme elle semblait savoir l'être. En attendant qu'elle lui réponde, Marley mit une goûte de fond de teint sur le dos de sa main et à l'aide d'un autre pinceau tapota. Elle commença alors à étirer le liquide de l'intérieur du visage de Mabel jusqu'à l'extérieur. Il fallait que le tout soit discret mais aussi lisse que possible. Cherchant à se montrer toujours aimable elle interrogea à nouveau : « Vous défilez souvent dans ce genre de lieu ? ». Dans l'esprit de Lynch, les défilés n'avaient pas lieu dans des studios télévisés mais peut-être faisait-elle fausse route.

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Ce n'était pas comme si Mabel avait un avis précis et arrêté sur le maquillage. Elle avait tendance à porter des maquillages lourds et pigmentés quand elle le faisait seule pour aller en soirée, mais sinon, elle s'en remettait totalement aux mains des maquilleuses, qui connaissaient leurs produits et comment les utiliser pour la mettre en valeur.

Celle-là posait des questions auxquelles Mabel n'avait pas l'habitude de répondre, et qui la faisaient se tendre. Est-ce que la petite nouvelle qu'on lui avait attribué connaissait son travail, au moins ? Elle commençait à en douter. Et si elle ne pouvait pas aller râler auprès de sa manager, elle pouvait au moins tenter d'en savoir plus sur la jeune femme.

« Vous êtes une extra alors ? Quelqu'un qu'ils embauchent quand ils leur manque du personnel ? »

D'un côté, c'était assez logique. Tous les événements ne nécessitaient pas le même nombre de personnel, et en garder le maximum en salariés n'était pas très responsable, financièrement parlant. De l'autre, Mabel était déçue d'avoir la maquilleuse non officielle, et moins aguerrie. Elle fronça le nez quelques instants devant cette réalisation, avant de forcer son visage à se détendre, histoire de ne pas abîmer le maquillage qui était en train d'y être apposé.

« Oh, ça fait quatre ans que je suis mannequin » répondit-elle, tout en laissant son regard dériver vers le matériel de Marley, se préparant pour la prochaine étape de maquillage.

Enfin, quatre ans qu'elle était mannequin, mais elle avait passé son enfance et son adolescence dans des concours de beauté, plus maquillée qu'aujourd'hui, son teint bronzé artificiellement, engoncée dans des robes rigides de poupée. Elle préférait largement les tissus fluides et sa peau naturelle, brillant doucement sous la lumière des projecteurs - une idée qu'elle évitait de partager à sa mère.

Marley prenait son temps pour faire le teint, forçant Mabel à rester concentrée pour ne pas tressaillir sous les mouvements du pinceau, qui commençait à la chatouiller. Elle avait hâte que cette partie soit finie, histoire de ne plus sentir les petits frissons qui lui donnaient envie de réagir - mais elle ne pouvait pas, si elle ne voulait pas compliquer le travail de la maquilleuse, et augmenter leur temps ensemble.

« Je défile plutôt sur des podiums, dans des défilés de mode qui se trouvent être filmés. C'est étrange de le faire juste pour la télé, honnêtement... »

Même si l'émission parlait de mode, et plus précisément du mannequin, Mabel trouvait ça étrange de les faire venir jusqu'à Brisbane pour les faire défiler. Sans doute que les grandes marques n'avaient pas donné leur accord pour que leurs créations soient montré dans une émission australienne qui les concernaient peu ?

« Vous n'avez pas eu d'explications quand ils vous ont donné la mission ? Ou ils ont juste préféré vous dire juste ce que vous aviez à faire sans vous donner plus d'explications ? »

Mabel était plutôt d'avis qu'une maquilleuse ne faisant partie ni de studios télévisés, ni de l'organisation du défilé, n'avait pas à savoir tous les détails du tournage. Et son ton légèrement moqueur, même si elle essayait de rester polie, devait certainement l'avoir vendue. Pas qu'elle s'en préoccupe vraiment, puisqu'elle ne serait sans doute jamais amenée à revoir Marley...

« Vous avez toujours voulu travailler dans la mode ? »

Elle était curieuse de savoir comment Marley, si différente des maquilleuses qui travaillaient habituellement avec elle, avait pu se diriger dans cette voie. Elle ne faisait pas sérieuse et appliquée comme les autres - sans doute plus âgées -, et il y avait quelque chose. Quelque chose sur lequel elle n'arrivait pas à mettre le doigt dessus, mais qui ne lui donnait pas envie d'être gentille avec la jeune femme.

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Alors que la maquilleuse tentait de faire son boulot au mieux, les remarques et le ton qu'employait la mannequin commençaient sérieusement à la crisper. Elle avait beau se focaliser sur son travail, la brune avait du mal à ravaler toutes les remarques acerbes qui lui venaient en tête. Un léger sourire crispé orna son visage lorsque la blonde lui demanda : « Vous êtes une extra alors ? Quelqu'un qu'ils embauchent quand il leur manque du personnel ? » En soit c'était ça, pourtant venant de la bouche de Mabel cela ressemblait à un reproche, à une critique. Lynch se sentit piquée au vif et répondit en haussant les épaules :  « Exactement. » Elle continua à maquiller le visage de la demoiselle et ne put s'empêcher d'ajouter :  « Apparemment personne ne voulait remplacer l'autre maquilleuse... » Le sous-entendu était à peine voilé. Marley glissait discrètement mais efficacement que le comportement de diva de la mannequin en agaçait plus d'un. Elle exagérait quelque peu lorsqu'elle disait cela, elle savait que deux autres maquilleurs avaient refusé avant elle, arrivée en troisième position sur la liste, Lynch ne s'était pas faite prier pour accepter. C'était en acceptant ce genre de défi au pied levé qu'ils penseraient par la suite à elle en premier. Elle cacha sa satisfaction lorsqu'elle repéra le nez de la blonde se froisser. Etait-elle agacée par sa remarque ou bien était-elle vexée d'avoir eu un second voire un troisième choix en tant que maquilleuse ? La métisse s'en fichait royalement. Qu'elle ne plaise pas à Mabel ne lui posait aucun problème, après tout, ce n'était pas elle qui l'avait engagée, pas elle qui la paierait à la fin du défilé.

« Oh, ça fait quatre ans que je suis mannequin » Marley hocha la tête pour montrer qu'elle avait entendu l'information. En réalité la seule chose qui lui venait à l'esprit était la suivante : Comment au bout de quatre ans pouvait-on péter à ce point plus haut que son cul ? Elle se mordit la langue pour garder ses remarques pour elle. Pas besoin de partir sur un clash avec la jeune femme. Cette dernière semblait néanmoins contrariée. Lynch se rendait bien compte que ses traits se tiraient de plus en plus. Elle nota néanmoins que Mabel prenait sur elle pour ne pas bouger et la métisse devait admettre qu'elle lui en était reconnaissante. Une fois le fond de teint entièrement posé, la jeune femme reposa son pinceau et se recula de quelques pas pour s'assurer que tout était lisse et que le rendu était presque invisible. Mabel reprit ses explications et cette fois-ci la maquilleuse écouta avec plus d'attention. Cela l'intéressait réellement de savoir où elle défilait. Elle aussi avait trouvé cela étrange de venir dans les studios. C'était plutôt rare de devoir défiler pour la télévision mais après tout Marley était encore débutante dans ce domaine, elle ne connaissait pas tout loin de là.

Alors que la maquilleuse sortait sa palette pour déposer du fard à paupières sur les yeux de la jeune femme celle-ci poursuivit avec ses questions :  « Vous n'avez pas eu d'explications quand ils vous ont donné la mission ? Ou ils ont juste préféré vous dire juste ce que vous aviez à faire sans vous donner plus d'explications ? » Avant de répondre, Lynch choisit la couleur vert foncée. Le maquillage devait être dans les teintes sombres sans être trop obscure.  « J'ai eu carte blanche. » mentit-elle pour déstabiliser davantage à la mannequin. Cette dernière avait tendance à se croire supérieure à elle, Marley allait donc prendre un malin plaisir à la faire tourner en bourrique. Elle commença à déposer la poudre sur les paupières de Griffiths lorsque celle-ci se paya le culot de demander sur un ton moqueur :  « Vous avez toujours voulu travailler dans la mode ? ». Marley continua de maquiller la blonde tout en lui disant le plus naturellement du monde :  « Oh non, avant ça j'étais strip-teaseuse. » Elle sentit le visage de la blonde se crisper et la métisse faussement inquiète lui dit dans un souffle :  « Attention aux mouvements brusques, un accident est si vite arrivé. Ce serait dommage que je vous crève un œil. » et elle rit légèrement comme si les deux étaient en train de plaisanter, ce qu'elles n'étaient définitivement pas en train de faire. Le fard déposé, la brune prit son mascara et une nouvelle fois faussement taquine elle intima à Mabel : « Cette fois, aucun mouvement ! » Et elle lui offrit son plus joli sourire. Si Mabel était une garce, Marley pouvait l'être tout autant si ce n'était plus.

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Visiblement, la maquilleuse essayait d'avoir du répondant. Dommage pour elle, Mabel n'était pas une petite innocente, et elle savait avoir des réparties acides, elle aussi, bien camouflées sous un sourire hyprocrite.

« C'est de la pression pour remplacer une collègue qu'on estime. Mais vous ne connaissez pas Lauren, vous ne pouvez pas comprendre. »

Un petit regard en coin vers le matériel étalé partout par Marley, loin de l'organisation de Lauren, celle avec qui Mabel avait l'habitude de travailler. Et qui savait travailler sans irriter la mannequin, au tempérament imprévisible. Une perle rare, donc, que Marley n'était pas prête de remplacer.

Elle doutait même sérieusement de ce que la jeune femme pouvait avancer. Carte blanche ? Pour un défilé ? Elle avait du mal à y croire. Tout était pensé et coordonné en amont, pour que le rendu final soit harmonieux. Enfin, tout dépendait de la sensibilité du créateur, mais les couturiers de haute couture étaient généralement attentifs au moindre détail, de la couleur de cheveux des mannequins choisis à la moindre paillette déposée sur leurs visages pendant le maquillage. Et pas juste leurs tenues.

Mais ce défilé n'était pas un vrai. Mabel trouvait dommage s'ils avaient effectivement donné carte blanche aux maquilleurs plutôt que de recréer la véritable harmonie d'un défilé de haute couture. Mais n'ayant pas de quoi vérifier la véracité de l'information donnée par la maquilleuse, elle ne pouvait pas vraiment renchérir sur ce sujet, et elle se renfrogna légèrement.

« Strip-teaseuse ? J'imagine que passez du podium d'un club à celui d'un défilé doit faire un gros changement ? » demanda-t-elle, avec une politesse mielleuse dans la voie. « Et le plus dommage si vous me crevez un œil serait sans doute tout ce que vous devrez payer en assurance... »

De quoi retourner arpenter les clubs de la ville pour gagner de quoi la rembourser. Le salaire de Marley ne ferait pas le poids face à toutes les assurances - celle du défilé comme celle de Mabel - allaient demander en dommages et intérêts. Mais la maquilleuse était nouvelle dans le milieu, et ne savait sans doute rien des énormes sommes qui pouvaient être en jeu dans de tels événements. Mabel, avec ses années d'expérience, en avait parfois elle-même le vertige.

Elle se laissa pourtant faire pour le mascara, baissant les yeux puis les levant au ciel suivant les gestes de Marley. Elle avait été de trop nombreuses fois dans ce fauteuil pour ne pas le faire d'instinct, surtout que beaucoup de maquilleuses partageaient les mêmes réflexes quand il s'agissait du mascara.

« Ne vous inquiétez pas, je sais comment me positionner quand on me maquille, j'ai fait ça toute ma vie. »

A peine une exagération, ses parents ayant mis toute son enfance en scène, dans un rôle de famille parfaite qui ne leur allait pas du tout. Et les concours de miss de son enfance avaient comme point commun un maquillage lourd et compliqué, totalement inapproprié pour des enfants - et même adulte, Mabel n'en mettait pas autant sur son visage... Mais Marley ne devait pas la connaître tant que ça, et n'avait donc aucune idée de quand remontait sa célébrité.

« Vous avez fini ? »

Elle avait hâte de pouvoir s'échapper loin des mains de la désagréable maquilleuse, mais elle voulait s'assurer avant que tout était parfait, pour ne pas avoir à revenir la queue entre les gens. Insupportable, peut-être, mais professionnelle quand même.

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    @Mabel Griffiths    ft. Marley Lynch

« C'est de la pression pour remplacer une collègue qu'on estime. Mais vous ne connaissez pas Lauren, vous ne pouvez pas comprendre. » Un léger rictus sarcastique orna le visage de Marley tandis qu'elle prenait volontairement un air faussement niais : « Mais oui, suis-je bête. » Si la mannequin pensait que ses propos pouvaient l'atteindre, elle se mettait le doigt dans l'oeil et bien profondément. Lorsqu'elle lui avait dit qu'elle avait carte blanche, la blonde n'avait rien répondu, mais après tout c'était bien normal. Elle ne pouvait pas savoir si ce que disait Marley était vrai ou non. En réalité, on avait demandé à la jeune femme d'accentuer le maquillage au niveau des yeux. Il fallait que le maquillage des lèvres soit léger pour que le regard des spectateurs soit attiré par les iris des mannequins. Le regard devait capter leur attention afin qu'ensuite ils baissent la tête pour détailler leur tenue du haut vers le bas. Rien de bien compliqué en soit mais Marley avait à cœur de faire parfaitement ce qu'on lui demandait. Si elle n'était pas une professionnelle aguerrie elle avait néanmoins des capacités. C'était presque instinctif chez elle.

« Strip-teaseuse ? J'imagine que passer du podium d'un club à celui d'un défilé doit faire un gros changement ? » Le ton exagérément poli crispa la mâchoire de Marley qui ne parvint pas à contrôler le réflexe de son corps. Néanmoins elle haussa les épaules et d'une voix parfaitement détendue lui répondit : « Pas vraiment non. On reste de la chaire fraîche sous le regard des spectateurs. » Mettre le travail des mannequins au même niveau que celui des strip-teaseuses était un peu exagéré mais mentait-elle ? A y réfléchir de plus près, les deux métiers avaient de nombreux points communs : Les filles étaient choisies pour leur physique, elles devaient plaire, elles devaient se taire, les gens étaient là pour les observer, les reluquer sous toutes leurs coutures. Pour peur que Mabel se mette à défiler en sous-vêtements et elle serait à deux doigts de ressembler à Marley, le talent pour la danse en moins.

Lorsque Griffiths lui parla des assurances à rembourser en cas d'accident, Lynch se pinça les lèvres. Elle devait bien admettre qu'elle n'avait pas pensé à ce « léger détail ». Elle ne dit donc rien, enregistrant simplement dans un coin de son esprit qu'elle n'avait pas intérêt de blesser quiconque et encore moins une mannequin, aussi insupportable soit-elle. La maquilleuse s'appliqua donc à mettre le mascara et ne put s'empêcher de souffler un : « Vous voulez une médaille peut-être ? » qu'elle orna d'un petit sourire pour faire passer cela sur le ton de la plaisanterie lorsque Mabel lui annonça qu'elle avait fait ça toute sa vie. Si c'était réellement le cas, si cette femme avait défilé dès son plus jeune âge alors son enfance avait dû être bien triste. Qui imposait ça à son enfant ? La pression des podiums, des photographes, des juges ? Et puis quelle image de son corps la blonde devait-elle avoir ? Marley ne préférait même pas y penser.

« Vous avez fini ? » La langue de la métisse claqua d'agacement contre son palais. Non elle n'avait pas terminé, elle jeta un coup d'oeil à l'heure : il lui restait trente minutes et elle était parfaitement dans les temps. Elle n'aurait besoin que d'une dizaine de minutes grand maximum pour faire les lèvres de la jeune femme mais si cette dernière continuait ainsi, alors oui, elles risquaient d'être en retard. Les poings posés sur ses hanches Marley observait la blonde. Finalement elle tendit l'une de ses mains en direction de la porte et avec sarcasme lui répondit : « Bien sûr, allez-y. Si vous voulez vous pointer les lèvres nues. » Mabel ne bougea pas ni ne cilla. La brune prit donc un rouge à lèvres rose pâle tout en murmurant : « C'est bien ce que je me disais. » Qu'est-ce qu'elle croyait l'autre ? Qu'elle passait un moment de plaisir en sa compagnie ? Jamais elle n'avait maquillé une personne aussi exaspérante et crispante. Lynch s'appliqua néanmoins à poser l'artifice sur les lèvres de la jeune femme et lorsque ce fut fait se recula. Elle l'observa : C'était parfait.

« La princesse peut désormais se retirer. » dit-elle en mimant une courbette ridicule. Qu'elle se casse et vite.

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« Enfin, moi, je les garde mes vêtements » lança Mabel, un sourire hiprocryte aux lèvres.

De comparer le job de strip-teaseuse au métier de mannequin... Elle hésitait entre s'énerver et rire, parce que vraiment, les deux n'avaient pas vraiment de point commun à ses yeux. Et elle doutait sincèrement que Marley ait signé des contrats à plusieurs milliers de dollars pour ses quelques soirs d'effeuillage. Si la maquilleuse était millionnaire, elle ne resterait certainement pas se faire humilier par les mannequins préparant le défilé.

« Je n'ai pas besoin de médailles, j'ai assez de souvenirs de tout ça. »

Son ton s'était fait plus sérieux, même si Marley n'avait sans doute aucune idée des souvenirs qu'elle en avait. Des semaines à ne manger que des pommes pour être sûre de rentrer dans ses tenues, et des soirées à pleurer pour ne pas avoir atteint la première place que voulait tant sa mère...

Des pensées que Mabel n'allait certainement pas partager à cette maquilleuse un peu trop impertinente et qui semblait se croire ingénue. Il n'y avait plus qu'à espérer que le maquillage soit vite fini, et que chacune reparte de son côté, dans le calme, et en priant pour ne plus jamais avoir à se recroiser.

Elle laissa Marley poser avec application le rouge à lèvres - un rose pâle qu'elle trouvait jolie, et elle dut se mordre l'intérieur de la joue pour ne pas demander à l'exaspérante maquilleuse de quelle marque et de quelle collection il venait.

« Merci pour votre travail » put-elle enfin dire - parce que Mabel Griffiths était peut-être insupportable, mais on lui avait appris à toujours remercier avant de partir, et c'était autant un réflexe que sa démarche dès qu'elle montait sur le podium ou son sourire commercial devant les flashes des photographes.

Elle se redressa avec toute la grâce acquise par des années de mannequinat, avant de sortir de la loge pour rejoindre les autres mannequins et se mettre en place pour le défilé, laissant Marley seule pour ranger tout son matériel.