Lena s'était réveillée tôt pour entamer une journée dont elle attendait la fin avec impatience. Elle se sentait perdue et ignorait sur quel sujet se pencher en priorité pour le régler, alors à défaut d'avoir une stratégie convenable pour réussir à tout gérer, elle avait décider d'avancer petit à petit, tâche par tâche, et de se noyer sous le flot de choses qu'elle avait à faire et de personnes qu'elle avait à rencontrer. Certainement pas le meilleur moyen d'arriver à ses fins, mais c'était la seule chose qu'elle pouvait faire pour éviter de rester prostrée face à la liste plutôt conséquente de choses qu'elle avait à faire. Sur sa liste du jour : deux rendez vous en ville pour des futurs contrats, des dizaines de mails auxquels répondres, plusieurs achats à aller récupérer pour le lancement d'une marque à laquelle elle était conviée, un shooting photo et, par dessus tout : éviter les appels de Micah. C'était sûrement cette situation avec son faux-petit-ami qui embrouillait tout son esprit et l'empêcher de penser correctement, et lui faire face pour avoir une conversation lui permettrait certainement de se sentir bien mieux, d'éclaircir les choses. Mais Lena n'en avait aucune envie, alors elle se jetait corps et âme dans sa journée, comme elle l'avait fait depuis son retour de Los Angeles, persuadée que rester dans son déni de la situation un peu plus longtemps ne risquait pas d'empirer les choses. Après avoir passé la majeure partie de sa journée à travailler pour ne penser à rien d'autre, il ne lui restait qu'une robe à récupérer avant d'enfin rentrer chez elle, de s'y enfermer pour se couper du monde et faire comme si rien ne pouvait l'atteindre tant qu'elle était réfugiée. C'était sans compter sur le sms qu'elle venait de recevoir, qui lui rappelait qu'elle avait promis de passer boire un verre avec une équipe de communication avec laquelle elle espérait travailler à l'avenir - rendez vous qu'elle ne pouvait pas rater, donc. C'est les bras pleins de sacs de shopping qu'elle se dirigeait vers le lieu où elle était attendue et qui, heureusement pour elle, ne se trouvait qu'à trois rues de là où elle se trouvait. Et c'était à ce moment précis qu'une voix vint la sortir de ses pensées ; une voix qu'elle reconnut immédiatement, et qu'elle ne s'attendait pas à entendre aujourd'hui. Lena !?! Un sourire illuminait instantanément son visage alors qu'elle aperçu Cesar, à quelques pas d'elle seulement. Elle s'arrêtait pour le laisser la rejoindre. Salut ! Comment tu vas ? Eh salut ! Je vais bien et toi ? Elle était sincèrement heureuse de le voir. Il avait l'air d'aller mieux qu'à leur dernière rencontre. J'ai souvent pensé à venir vous voir mais j'avais aucune envie d'imposer ma présence alors... Rien ne donnait plus le droit à Lena de venir sonner à la porte des Gutiérrez, même si cette famille avait largement fait partie de sa vie pendant plusieurs années. Ça me fait plaisir de te voir en tout cas. Qu'elle lançait, l'air joyeux, souhaitant éviter par dessus tout d'aborder le sujet de Maria ou celui de sa vidéo complètement sou en train d'emballer une jolie brune. S'il lui avait demandé de l'aide elle se serait rendue disponible, mais puisque ce n'était pas le cas, elle ne voulait surtout pas se mêler de quoi que ce soit. Tu vas où ? T'as quelque chose de prévu ? Je vais au canvas, si jamais ça te dis. Embarquer un visage amical pour avoir un peu de compagnie ne lui aurait pas fait de mal, bien qu'elle n'avait jamais su dans quelle case ranger Cesar : étaient-ils amis, ou juste liés par un bout du passé ?

ça va super! Lena aurait eu envie de creuser pour s'assurer que c'était bien le cas, mais elle n'avait aucun droit de le faire et Cesar n'aurait eu aucune raison de se confier à elle. S'il l'avait déjà fait dans le passé, il fallait bien admettre que les limites de leur amitié étaient floues et que Lena n'avait aucune envie de dépasser une limite. De toute façon, l'objectif n'était pas de lui plomber la soirée en demandant trop de nouvelles de sa famille ou en abordant le sujet Maria. Je comprends mais t’es toujours la bienvenue chez nous. Les Gutiérrez avaient été comme une famille pour elle, alors même qu'elle était dans une période de doutes et d'intense solitude. Si sa relation chaotique avec Rudy lui avait apporté une chose, c'était bien la sensation d'être, au moins juste un peu, entourée. Elle lui offrait un sourire pour seule réponse, incapable de savoir si elle aurait la force de rendre une visite à la mère de Cesar. ça me fait trop plaisir aussi ! Alors elle se permettait de lui demander quel était son programme pour la soirée, quitte à espérer pouvoir profiter de leur rencontre hasardeuse pour rattraper une peu le temps perdu. Ah bah j’y allais aussi, j’ai un date là-bas. Sa réponse fit sourire Lena. J’espère que ça se passera bien, elle est canon. Si les hommes de cette famille avaient bien un point commun, c'était probablement leur passion pour les femmes. Oh non maintenant je vais être obligée de jeter un œil pour voir ça. Juste un coup d'œil rapide parce qu'il venait de piquer sa curiosité et qu'elle avait envie de voir à quoi elles ressemblaient, ces filles d'applis de rencontre. Lena n'avait jamais sauté le pas de s'y inscrire, trop occupée déjà avec les hommes qu'elle avait dans sa vie et les problèmes qu'ils lui causaient. Ce n'était certainement pas avec sa situation du moment qu'elle pourrait se le permettre : ça risquait de mettre très à mal leur image de faux couple parfait avec Micah. Bon, promis je ne vous espionnerai pas. Qu'elle lançait en riant. Elle en avait déjà bien trop vu de Cesar sur les réseaux à son goût ; inutile d'en voir plus. L'avantage c'est que si ça se passe trop mal, tu seras pas sorti pour rien. T'auras toujours le droit de venir boire un verre avec moi. Ne dit-on pas qu'il faut toujours avoir une solution de repli pour fuir un énorme malaise, dans ce genre de rencontres ? Le bar approchant au fur et à mesure de leurs pas, Lena s'interrogeait un instant. Faudrait sûrement qu'on entre pas en même temps, ça le fait pas non ?

La fin du revival a été un putani de roller coaster et tout ne s’est pas déroulé comme prévu, c’est même carrément tout le contraire. Midas a perdu, non pire, il a vendu sa victoire sans même l’assumer et s’est offusqué à l’instant où son plan à la con a été dévoilé au grand jour à la concernée. Elle était capable de gagner, Jo, elle a le coffre pour et même si son attitude n’est pas mieux que celle d’une diva en mal de drama puéril, elle l’aurait mérité. Elle l’aurait mérité à la loyale, parce qu’elle a du talent, qu’elle est une adversaire redoutable et que face à Midas, elle fait complètement le poids. Seulement voilà, sa victoire et les conditions dans lesquelles elle l’a eue font que le tout est particulièrement fade et sans saveur. Ca t’emmerde qu’il ait pensé un seul instant que c’était une bonne idée, ça t’emmerde qu’il ait jugé bon de lui offrir ce genre de cadeau empoisonné dont elle ne voulait visiblement pas.
Et bien évidemment, toute la mascarade révélée, c’est toi qui en a fait les frais parce “mais putain tu pouvais pas fermer ta gueule ?” Il le sait, pourtant, que non. Que ton boulot, ton aspiration, ton but, c’est que lui gagne et qu’il soit sur le devant. S’il avait perdu à la loyale, t’aurais un peu râlé, mais hé, c’est le jeu et la compétition aurait été belle et intéressante à regarder. Là ça ne vaut rien du tout. Cette victoire vaut que dalle et c’est particulièrement décevant de la part du chanteur. L’autre aussi, elle est déçue, sûrement même plus en colère que toi et c’est carrément mérité. Ce qui ne l’est pas, en revanche, c’est que tous les deux te blâme toi pour avoir osé sortir la vérité.
Soit, qu’ils fassent la gueule, toi t’as autre chose à foutre et ça commence par sortir t’aérer l’esprit. Logan est occupé, personne n’est dispo et bon, tant pis pour eux. Tu trouves autre chose pour passer le temps et ça commence par un date Tinder. Tu sais même pas trop si t’y crois et à vrai dire, t’es même pas tellement dans le mood si t’es tout à fait honnête, t’es juste contente de la distraction occasionnée et qui sait, une rencontre intéressante c’est vite arrivé. C’est comme ça que t’arrives au Canvas, pas tout à fait en retard mais que tu te retrouves tout de même à patienter quelques minutes après le fameux Cesar, donc, supposément maçon à la recherche de rien en particulier, qui lâche des catch phrases un peu débiles mais qui prêtent toujours à sourire. En bref, exactement ce qu’il te faut pour penser à autre chose qu’au boulot. Au moins il ne tarde pas trop, s’excuse presque alors que t’acquiesces quand il demande confirmation de ton prénom. T’es à moitié rassurée de voir que lui non plus, n’a pas l’air d’avoir menti sur ses photos. Quoi que, y a peut-être juste la coupe de cheveux à mettre à jour sur son profil, mais rien de bien alarmant. « Hey heu, Cesar ? Ca va, j’viens d’arriver. » Tu réponds en demandant à ton tour confirmation sur son identité, et, pour une fois, tu te félicites d’avoir traîné à venir à sa rencontre, clairement ça t'aurait fait chier de te pointer à l’heure tout ça pour poireauter comme une conne. « Okay, ouais, un moscow mule alors, s’te plait. » Clairement, tu fais à peine d’effort pour masquer ton accent, t’as un peu la flemme. Le pseudo gentleman s’exécute et s’éclipse jusqu’au bar pour aller chercher les consommations, te laissant l’opportunité de te délester de ta veste. Réflexe d’attente, tu jettes un oeil à ton téléphone, espérant presque avoir un mot d’excuse de la part de Midas, mais rien. Tu soupires en reposant ton arme de travail face contre la table, là où tu peux le surveiller, et quand tu relèves la tête pour jeter un oeil aux alentours, tu crois voir flou en apercevant un visage familier qui fait son entrée dans l’établissement. Avec la distance et la chaleur, t’es pas sûre de toi dans un premier temps, mais ça semble vite se confirmer lorsqu’elle se fraye un chemin et qu’elle passe à proximité. « Lena ? Hey, j’pensais pas te voir dans le coin. » Pas dans une soirée aussi peu mondaine, quoi.

Lena n'avait aucune envie de rendre les choses compliquées en imposant sa présence dans une famille qui avait certainement bien plus à gérer que l'ex de leur aîné. Alors elle chérissait les moments où elle pouvait prendre des nouvelles des Gutiérrez - de certains plus que d'autres - sans dépasser les limites du convenable. Passer un bout de chemin avec Cesar avait fait plaisir à la blonde et elle n'aurait pas refusé de profiter de l'occasion pour boire un verre avec lui, mais ils avaient chacun leurs projets pour la soirée. C’est ça, si elle est pas marrante je viendrai te tenir compagnie au bar. Un bon compromis à son sens. Elle s'était rendue compte qu'arriver ensemble au bar où son date risquait de l'attendre serait certainement mal vu, alors elle le lui précisait. Elle, en tout cas, aurait mal interprété la chose si elle se retrouvait dans cette situation et à la place de cette inconnue tinder. Ouais, si elle est arrivée j’ai pas envie qu’elle le prenne mal. Elle jetterait un œil par curiosité en entrant mais se ferait discrète par la suite, inutile de s'encombrer l'esprit avec une situation gênante qui aurait pu être largement évitable. Bon je te laisse du coup pour pas que ça ait l’air suspect. Passe une bonne soirée. ça m’a fait plaisir de te voir en tout cas. Elle lui souriait en retour. A moi aussi. Bonne soirée ! Lena s'arrêtait un instant, laissant Cesar prendre quelques minutes d'avance pour entrer au Canvas. Elle entrait ensuite, cherchant du regard les personnes qu'elle devait retrouver de son côté, et se dirigeait vers eux sans réfléchir alors qu'une voix connue vint l'interrompre en chemin - celle de sa sœur. Lena ? Hey, j’pensais pas te voir dans le coin. Il lui arrivait presque d'oublier qu'elle n'était pas la seule fille Edwards a vivre sur le continent, aussi elle avait envie de lui retourner sa remarque. Elle s'en empêchait pourtant. Salut Cass. Et oui, comme tu vois je ne passe pas tout mon temps en gala. Qu'elle lançait l'air amusée, comme si on venait de dévoiler son plus grand secret. De manière surprenante, elle était moins agacée de revoir sa demi sœur que ce qu'elle aurait pensé après leur première rencontre. Lena avait peur que Cassie ne se sente forcée de nouer des liens avec elle par esprit de famille - ou pour profiter de son réseau professionnel - mais elle s'était faite assez discrète pour que leurs quelques rencontres hasardeuses ne soient pas une plaie à subir. Tu vas bien ? Elle ne comptait pas rattraper le temps perdu ni rester trop longtemps à tenir la jambe à la blonde, mais un minimum de politesse n'avait jamais fait de mal à personne. Et c'est alors qu'elle aperçu Cesar s'approcher d'elle, deux verres à la main. Elle se tournait vers lui sans réfléchir. Oh merde, elle t'a planté et tu cherches de la compagnie pour boire ? T'inquiètes, je suis là. J'irais dire aux autres que je les rejoins plus tard. Elle voyait le visage de Cesar se décomposer et comprit qu'elle avait parlé trop vite. Son regard oscillait entre sa demi-sœur et le mexicain, toujours debout, ses deux verres à la main. A moins que... c'est elle que tu venais voir ?

Première surprise de la soirée, Lena. Inattendu mais pas déplaisant de la croiser dans un lieu comme ça. Dommage que le moment soit tout sauf opportun pour célébrer des retrouvailles ou tenter de rattraper le temps perdu. Sa plaisanterie te fait sourire doucement tandis que tu hausses les épaules, « faut bien changer d’air un peu. » Les galas c’est bien, mais avoir des activités moins formelles, ça l’est tout autant. « Ca va, oui. Le boulot se passe bien, j’ai enfin emménagé dans un appart digne de ce nom et bon, j’ai pas à me plaindre quoi. Et toi ? » Dieu que c’est bateau, et en même temps tu ne te vois pas tellement lui déblatérer que t’attend quelqu’un, ça donnerait l’impression que t’essayes de la chasser. De toute manière, à peine le temps de dire ça que Cesar revient, un verre dans chaque main. Et là, c’est une scène des plus étranges qui s’apprête à se dérouler. Lena s’adresse à lui, comme si elle le connaissait, lui propose même de rester jusqu’à ce que la personne qu’il attend se pointe. Pause.
Deuxième surprise de la soirée, ton date connaît ta soeur. Et forcément, c’est bien moins plaisant que juste croiser la blonde après des mois sans même un message autre que pour souhaiter un bon anniversaire. Dans un premier temps, Lena, qui semble être au courant que le jeune homme a un rendez-vous, n’envisage pas que ça puisse être avec toi. Elle finit néanmoins par additionner deux et deux et pose la fameuse question alors qu’il dépose l’un des verres qu’il vient d’aller chercher devant toi et qu’il confirme de vive voix. De ton côté, tu tentes d’analyser la situation et tout ce qui sort c’est un « vous vous connaissez ? » Question bête tant la réponse est évidente en vue des circonstances et de l’attitude qu’ils ont l’un envers l’autre. Et là c’est la débâcle. T’observes, circonspecte, pendant que Cesar est en train de tenter de se démerder comme il peut pour expliquer pourquoi et comment il connaît Lena, il bafouille des trucs incohérents sans trop savoir où il fout les pieds et ça serait presque attendrissant si toute la situation n’était pas aussi bizarre, du coup. Loin d’être convaincue par ses vaines tentatives, t’as la vague impression de te retrouver prise entre deux feux et c’est une sensation particulièrement désagréable. Lena, de son côté, ne semble pas broncher, elle a l’air surprise, au plus, mais loin d’être aussi embarrassée que le jeune homme. « C’est ma soeur, » que tu balances sans même cligner des yeux, ton regard perçant se posant sur le garçon. Soeur reste un bien grand mot, néanmoins ; aujourd’hui, vous n’avez en commun qu’un paternel qui est allé jusqu’à expatrier sa fille aînée pour se détacher le plus possible de sa première femme. Un homme charmant, en somme, le genre qu’on évite d’évoquer à un premier date avec un pas si parfait inconnu que ça, visiblement. « Et donc vous deux vous vous connaissez parce que… » La question reste en suspens, ton regard vagabondant de l’un à l’autre en attendant de voir lequel prendra l’initiative de te répondre. D’un côté, t’aimerai bien entendre la version de ton aînée, ça te changera des cafouillages du mexicain qui n’a pas l’air de trop savoir quoi dire ou comment le faire sans bégayer.

Si elle s'était attendue à ça, Lena ne serait probablement jamais entrée dans ce bar pour éviter le malaise dans lequel ils étaient tous les trois plongés au moment où elle venait de comprendre ce qui était en train de se passer. « Bah euh en fait... Oui, c’est elle que je venais voir. » Elle aurait rêvé pouvoir s'enfoncer dans un trou de souris ou de disparaître de la surface de la Terre, mais puisque c'était impossible elle n'avait d'autre choix que de subir cette rencontre. Quoi que vu la tête que Cesar tirait, elle n'était certainement pas la plus gênée du trio. « vous vous connaissez ? » La blonde s'apprêtait à répondre très simplement mais Cesar prit la parole avant qu'elle n'en ait le temps. « Lena et moi on est pas… » Pourquoi avait-il choisi la pire façon d'aborder la chose ? « Enfin on a pas… » Lena fronçait les sourcils, presque dégoûtée que quiconque puisse penser qu'il se soit passé quelque chose entre eux. Mais elle devait surtout se retenir d'exploser de rire de voir Cesar se débattre ainsi avec lui même. « On est amis mais c’est tout et… Vous vous connaissez comment ?? » « C’est ma soeur, » Elle grinçait des dents mais ne la corrigeait pas de suite. Le plus urgent était de démêler tout malentendu. « Et donc vous deux vous vous connaissez parce que… » Après avoir lancé de gros yeux accusateurs à Cesar pour qu'il n'essaie pas de se relancer dans des explications chaotiques, elle répondait tout simplement. « J'étais avec son frère pendant plusieurs années. » Inutile de préciser que ces années avaient été ponctuées de nombreuses ruptures, disputes, accidents et même séjours en prison. L'essentiel était d'appuyer le fait que la relation ait durée assez longtemps pour qu'elle ait pu rencontrer sa famille dans son intégralité et à de nombreuses reprises à tel point qu'elle s'était liée d'amitié avec certains, attachée à d'autres, et qu'elle avait appris à rester à distance de ceux avec qui elle avait le moins d'atomes crochus. Difficile de s'imaginer que Lena avait à ce point eu sa place chez les Gutiérrez à une période alors même que Cassie - ou les Edwards dans leur globalité - n'avaient même jamais entendu parler de Rudy. « Et après la rupture on a gardé contact. Voilà, tu sais tout. » Il n'y avait rien de compliqué dans son amitié avec Cesar, rien à dire de plus à ce sujet. Le fait qu'il ait été perdu dans ses explications un peu plus tôt laissait présager le contraire, alors Lena espérait avoir éclairci la situation. Pour rien au monde elle n'aurait voulu que sa demi soeur puisse penser qu'il se soit passé quoi que ce soit d'intime avec Cesar - elle avait déjà suffisamment donné s'agissant des hommes Gutiérrez. « Cass et moi on est demi-sœurs. Elle était encore en Écosse à l'époque. » Qu'elle avait lancé en se retournant clairement vers Cesar, comme si elle lui devait une explication sur le fait de ne jamais lui avoir dit qu'elle n'était pas fille unique. La réalité c'est qu'ils avaient beau s'apprécier, ils n'étaient pas si proches que ça ; pas assez pour que Lena se confie. Elle a toujours été là pour lui et sa famille lorsqu'ils en avaient besoin, mais n'a jamais voulu s'imposer ou chercher du réconfort auprès d'eux, sachant ô combien ils avaient déjà assez à régler sans devoir supporter en plus ses problèmes à elle. « Et donc... j'espère que je ne viens pas de ruiner la soirée... » La gêne se lisait clairement sur le visage de Lena et pourtant elle n'aurait su dire ce qui la dérangeaient le plus : se dire que les femmes Edwards avaient clairement une attirance pour les hommes Gutiérrez, les imaginer tous les deux ensemble ou, pire, imaginer que leurs chances de réussir leur date et de passer du bon temps venait d'être ruinées par elle.

« Vous vous connaissez ? » Quand elle pose cette question j’ai l’impression que c’est fichu pour moi et je sens bien que cette discussion va devenir un véritable bourbier. Je m’enfonce je le sens alors je décide de lui retourner la question : comment est-ce qu’elle connaît Lena ? A tous les coups elles sont amies et elle est en train de  s’imaginer que je drague son amie sous son nez. « C’est ma sœur. » J’ai un petit rire nerveux, alors celle-là c’est la meilleure. Quelles étaient les chances pour qu’une telle coïncidence se produisent ? Cette réponse ne me rassure pas, je ne veux pas que Cassie pense que je drague une autre fille, qui plus est sa sœur, pendant notre date. Il m’est arrivé d’enchaîner deux dates à la suite mais je n’oserais quand même pas lui faire un coup comme ça. Donc j’essaie de lui expliquer que Lena est une connaissance, une amie de la famille et puis c’est tout mais je m’y prends comme un pied. Plus ça va et plus je pédale dans la semoule, c’est ridicule. « Et donc vous vous connaissez parce que… » Je n’ai seulement pas le temps de donner encore une explication foireuse puisque Lena prend la parole pour essayer de dissimuler le malentendu. « J’étais avec son frère pendant plusieurs année. » Et quelle histoire. Elle a eu du courage de supporter un type comme mon frère pendant autant d’années. Rudy a toujours été un con, il avait des qualités bien sûr comme…Bon il devait en avoir quelques-unes, je ne saurais pas en faire une liste mais par contre je pourrais facilement faire la liste de toutes les crasses qu’il nous a faites. On a pas entendu parler de lui depuis plusieurs mois, il a disparu des radars et c’est pas plus mal. Lena mérite quelqu’un de bien et pas quelqu’un comme Rudy. Je suis du genre à toujours défendre ma famille mais dans ce cas là défendre Rudy serait une belle connerie. « Et après on a gardé contact. Voilà tu sais tout. » Lena a fait partie de la famille, on se voyait beaucoup, elle m’a vu grandir et on a toujours eu une bonne entente ce qui explique qu’on ait gardé contact. « Oui voilà, c’est ce que je voulais dire. » Mais en plus court et beaucoup plus clair. « Cass et moi on est demi-sœurs. Elle était encore en Ecosse à l’époque. » Je hoche la tête : ceci explique cela. « Et donc j’espère que je ne viens pas de ruiner la soirée. » Je regarde Cassie du coin de l’œil qui a l’air plutôt agacée par la situation donc je réponds pour désamorcer la situation et aussi pour mettre fin à cette conversation. « Non t’en fais pas. Bon…on boire ça là-bas ? » Je demande à Cassie en désignant de la tête notre table au fond du bar avant d’attraper les deux verres. « En tout cas ça m’a fait plaisir de te croiser Lena, n’hésite pas à passer à la maison, tu manques beaucoup à Ale. » Mon petit frère était très attaché à Lena qu’il a connue quand il était tout petit, il nous parle souvent de Lena. La première fois qu’il l’a vue avec Rudy il lui avait même dit « wooow tu sors avec BARBIE » Les yeux tout pétillants, c’était drôle et c’est le genre de souvenir qui me fait sourire.

***

La discussion n’est pas extrêmement fluide avec Cassie. Il faut dire que j’ai proposé un peu vite qu’on se voit et qu’on a pas forcément pris le temps de discuter et de créer une complicité avant de se voir. C’était peut-être trop rapide, ou peut-être tout simplement qu’on ne se correspond pas tant que ça. Avec mon téléphone sous la table je vérifie discrètement si ma story des deux cocktails a fait beaucoup de vues. Enfin, pour être honnête je regarde surtout si Emery a vu la story et bingo. Mon cœur rate un battement. Elle a vu ma story, ça c’est une bonne chose. Je sais que c’est complètement con, sûrement immature de faire ça pour la rendre jalouse mais je ne peux pas m’en empêcher. La raison et la maturité c’est pas vraiment caractéristique des Gutiérrez (sauf pour Alma et Diego qui sont des exceptions à cette règle bien sûr). J’éteins mon écran avant de reporter mon attention sur Cassie. « T’as vécu en Ecosse du coup c’est ça ? » Une question bateau mais vu que Lena a balancé cette information  tout à l’heure c’est l’occasion de faire la discussion. Au même moment une notification fait vibrer mon téléphone et j’incline mon téléphone pour vérifier en un coup d’œil de quoi il s’agit : un message instagram d’Emery. Je repose mon téléphone en essayant de résister à la tentation de regarder par politesse pour Cassie mais je n’arrive pas à penser à autre chose.

Décidément, rien ne va dans ce date. Ce qui devait être une soirée sympa s’est vite transformé en fiasco. Croiser Lena dans ce genre d’endroit est une chose, qu’elle sache qui est le type avec qui t’avais rendez-vous en est une autre. Cesar ne semble pas extrêmement doué pour s’exprimer et expliquer la raison qui fait qu’ils se connaissent. Le pauvre garçon a l’air extrêmement gêné et Lena, de son côté, ne semble pas plus à l’aise. Toi, t’es surtout agacée, même si tu le masques remarquablement bien compte tenu de la situation. Si en d’autres circonstances tu aurais été ravie de taper la discute avec ta demi-soeur, ce n’est pas le cas ce soir. Tu restes courtoise malgré tout et c’est probablement tout ce qu’on peut attendre de toi dans une situation pareille. « Oh, je vois, c’est marrant quand même. » Tu termines par dire en maintenant ton sourire poli et parfaitement maîtrisé après toutes ces années à le peaufiner. Ça ne l’est pas, marrant. C’est même tout l’inverse. Rien ne fait sens ce soir, et t’es déjà à deux doigts de planter le jeune homme sur place pour rentrer chez toi, t’en as déjà marre. Mais en même temps, ça serait mentir que de dire que tu n’es pas curieuse d’en savoir plus. « T’inquiète, tu pouvais pas savoir. » Sans rire, c’était quoi les probabilités pour que tu matches avec le frère de son ex ? Comme quoi, on sait jamais à l’avance sur qui on va tomber. « Ça fera une anecdote sympa à raconter pour la prochaine fois, » soit dans deux ans vu la fréquence à laquelle Lena et toi vous croisez, preuve que la proximité géographique ne fait pas toujours tout. Bien vite, le brun tente une esquive en récupérant les verres et en désignant une autre table un peu plus loin, et t’es pas non plus contre l’idée de mettre un terme à cette rencontre des plus étranges. « Ca m’a fait plaisir aussi de te croiser, Lena. » Sourire entendu, pas tout à fait franc mais pas non plus si forcé, c’est surtout que tu ne sais pas quoi lui dire d’autre, à ta frangine. T’es maintenant sûre qu’elle a eu plus d'interactions avec Cesar et sa famille qu’avec toi, ces dix dernières années ; c’est le genre de constat qui fait mal à admettre. « Bonne soirée ! » T’ajoutes, un peu plus joviale en suivant que précédemment avant de suivre le garçon.

A quoi bon, en vérité ? Le mood est passé, t’as plus trop la tête à même tenter l’expérience, mais pourquoi pas lui laisser une ultime chance, allez. Il sera peut-être plus intéressant que ce qu’il n’a laissé paraître jusqu’à maintenant, parce qu’à part sa belle gueule, t’as pas tellement le sentiment qu’il y ait la moindre accroche entre vous.
Preuve en est, la discussion est presque robotique, des banalités du genre qu’on échange avec des collègues de boulot. Pire même, tu le vois jeter des coups d’oeils absolument pas discrets à son téléphone, à croire qu’il se fait chier ou qu’il est sur d’autres coups. Tu ne peux pas vraiment le blâmer, mais c’est chiant et extrêmement impoli. Pourtant, tu fais mine de ne rien voir, tu te contente de siroter ton verre, « je suis née et j’ai grandi là-bas, oui. » T’es à peu près sûre que c’était marqué dans ta bio Tinder, mais qui s’embête à les lire, de nos jours ? Pas lui, visiblement. T’étais à deux doigts de renchérir, mais son téléphone vibre et il ne peut s’empêcher de regarder, c’est sans doute la goutte d’eau pour toi. Déjà agacée, tu ne peux t’empêcher de lâcher un soupir. « Ecoute, Cesar, t’es sympa et tout mais je pense qu’on ferait mieux d’en rester là pour ce soir, tu crois pas ? » L’air de rien, l’apparition de Lena a tout de même jeté un sacré froid. « T’as l’air bien occupé, en plus. » Tu pourrais sortir l’excuse du boulot, du fait que tu te lèves tôt demain matin, mais ça serait être particulièrement malhonnête. « Merci pour le verre, » léger sourire histoire de, puis tu te lèves, prête à partir.