Le réveil est douloureux. Le réveil est douloureux, et ce n’est pas la première fois. Lexie aimerait pourtant que ce soit la dernière, sans trop y croire. Pourtant, cette fois-ci, contrairement aux autres fois, elle en a envie. Elle ouvre doucement les yeux, les referment immédiatement, éblouie par les rayons du soleil qui caressent son lit. Sa tête cogne douloureusement, et elle tend difficilement sa paume pour appuyer sur ses tempes. Elle sent les draps bouger à côté d’elle, et elle étire son autre bras qui rencontre un corps chaud.
« Dehors. »
Elle marmonne, sa voix est rauque, sa gorge semble irritée. Elle ne sait pas si elle a du mal à articuler en raison de l’alcool et de la cocaïne qui flottent encore dans son organisme, ou si elle a crié hier soir. Il n’est pas impossible qu’elle ait chanté à tue-tête en se déhanchant sur des musiques entrainantes. Elle essaie de convoquer les souvenirs de la veille, en vain. Elle réunit le peu de forces qui l’habitent encore pour pousser son partenaire hors du lit, à l’aide de ses pieds. Un bruit sourd se fait entendre quand le corps de l’homme heurte le sol et, si elle avait plus d’énergie, elle aurait ri. Mais aujourd’hui, la brunette se contente de se lever et de tanguer jusqu’à la porte de la salle-de-bains.
« Quand je reviens, tu seras parti ! »
Sa voix reste faible mais son ton est sans appel. Quelques instants plus tard, elle se glisse sous la douche et laisse l’eau chaude dissiper la brume qui l’entoure. Petit à petit, les souvenirs reviennent, et la descente s’amplifie. En même temps que la tristesse s’insinue petit à petit en elle, elle se rappelle de la soirée de la veille, des verres qu’elle a enchainés, de la dose qu’elle a sniffée. Et quand elle se remémore avoir été virée deux jours plus tôt, l’état dépressif la submerge. S’adossant à la paroi glacée, elle se laisse glisser sur le sol. L’eau chaude dissimule les larmes qui lui strient les joues, mais ne lave pas la honte qu’elle ressent. Elle reste un long moment sous le jet, incapable de se relever. L’eau chaude a disparu depuis longtemps, et des cascades d’eau glacée lui martèlent la tête. Elle tremble de froid, mais elle est convaincue qu’elle le mérite. Il lui faut encore de longues minutes avant de réussir à s’extirper de la douche et à attraper un peignoir. Avant de se glisser à nouveau entre ses draps, elle attrape son téléphone et, blottie sous la couette, elle compose le numéro d’Alexandra. Elle aurait pu appeler Channing, mais il n’est pas en Australie. Elle aurait pu appeler Elijah, mais elle a trop honte pour se montrer ainsi. Alexandra sait. Alexandra sait ce qu’elle ressent. Elle espère simplement qu’elle acceptera de venir, alors qu’elles n’ont plus été en contact depuis juin 2022, une réunion à laquelle elles avaient toutes les deux participées, avant que Lexie ne perde son bébé. L’angoisse envahit la brunette pendant que ça sonne, et les secondes qui passent la font douter que la jeune mère décroche. Mais elle répond, et c’est déjà très important pour Lexie, dont la voix s’étrangle dès le premier mot.
« Alex ? »
Les larmes roulent sur ses joues sans qu’elle puisse les arrêter.
« Viens, je t’en prie … J’ai … »
J’ai besoin de toi. Elle aimerait le dire, mais les mots se coincent dans sa gorge. Elle est incapable de verbaliser ce sentiment, de montrer davantage de vulnérabilité, alors qu’elle est déjà au plus bas. Lâchant le téléphone, elle se roule en boule sous sa couette. Les minutes passent, peut-être les heures. Elle a perdu toute notion du temps, alors que les mots de son ancien chef repassent en boucle dans sa tête, les termes de son renvoi résonnant dans son esprit. Elle est incapable de bouger au premier coup de sonnette, mais finit par s’extirper des draps quand la personne insiste. Derrière la porte, Alexandra, et la surprise qui se lit sur le visage de Lexie, strié de larmes.
« Tu es venue ?! »
C’est elle qui l’a appelé, oui, mais, elle n’était pas sûre qu’elle viendrait. Elles ne sont pas réellement amies, et elle ne peut promettre que, si les rôles étaient inversés, elle aurait répondu à un appel à l’aide d’Alexandra. Après un instant d’hésitation, elle s’efface pour laisser la blonde pénétrer dans son salon. En temps normal, elle lui proposerait quelque chose à boire, mais elle est déjà incapable de savoir comment elle arrive à tenir sur ses deux jambes aussi longtemps. Resserrant son peignoir contre elle, elle se blottit sur le canapé et attrape un coussin qu’elle serre dans ses bras. Ses yeux bleutés trahissent toute la douleur qu’elle ressent lorsqu’elle les plonge dans ceux de la journaliste. Il y a tant de choses à dire et pourtant, elle est incapable de les verbaliser. Il y a tant de choses à dire qu’elle ne saurait même pas par où commencer.
I need somebody, Help, not just anybody - @Lexie Walker
Lexie. Voilà un nom qu'elle n'a pas a vu souvent s'afficher sur son écran de téléphone, et pourtant quand elle voit le nom de la jeune femme, Alex regarde tout en fronçant les sourcils son écran avant de décrocher soucieuse de découvrir la raison de ce coup de téléphone. Il y a plusieurs mois qu'elles ne se sont pas revues, l'une devenue mère, l'autre ayant du faire le deuil de cet état. Deux vies qui ont prit des trajectoires différentes, la sobriété et la vie de famille pour Alex, l'alcool et la solitude pour Lexie. Alex ne le sait pas tout ça, elle aurait pu être plus présente, elle aurait pu se donner plus de mal pour soutenir Lexie au moins dans sa sobriété. C'est ce qu'elle a tenté de faire, au début. Quand la grossesse donnait un objectif, quand la grossesse donnait la force de lutter, mais Lexie a tout perdu, et du jour au lendemain les efforts, les réunions, elle a cessé d'être présente dans la vie d'Alex et l'Anglaise n'a pas insisté. Prise par sa grossesse, par le retour de son premier fils dans sa vie, par ses jumelles, par la vie tout simplement. Est-ce qu'elle s'en veut ? Oui, peut-être un peu, mais elle n'est pas responsable de Lexie et elle a comprit depuis longtemps qu'on ne peut pas aider quelqu'un qui ne veut pas l'être. Parce qu'elle a été comme ça Alex. Mais aujourd'hui en décrochant elle entends la voix de la jeune femme qui prononce son prénom. Elle entend les pleures, elle devine les larmes qui coulent en entendant les sanglots dans la voix. « Lexie ? Qu'est-ce qu'il se passe ? » Et c'est avec un vent de panique qu'elle répond Alex. Elle a bien trop conscience que la vie peut prendre fin, que les gens peuvent décider d'y mettre fin pour ne pas penser au pire. Elle ne se demande même pas pourquoi ce serait elle que Lexie appellerait dans un tel cas, elle ne se demande pas non plus pourquoi c'est elle qu'elle appelle là maintenant. « Viens, je t’en prie … J’ai … » La fin de la phrase n'arrive jamais, mais elle sait Alex. Elle sait que trop bien ce que ce coup de téléphone signifie, elle reconnait que trop bien l'émotion qu'elle entends dans les quelques mots que réussit à prononcer Lexie. Elle sait aussi que si c'est elle que la jeune femme a appelé, ce n'est pas anecdotique finalement. Ce n'est pas un appel de courtoisie, mais un appel de détresse et les mots qui s'étouffent dans les silences ne sont que plus forts finalement. Viens je t'en pris. Elle a déjà prononcé ces mots Alex, elle a déjà été dans cette position et elle sait ô combien c'est violent, ô combien c'est douloureux de se montrer aussi vulnérable et elle sait que si c'est elle que Lexie a appelé, c'est sans doute pire encore que ce que le coup de téléphone laisse déjà penser. Parce qu'elles ne sont pas amies, elles pourraient l'être, elles se ressemblent tellement. Ou plutôt elles ont les mêmes penchants, les mêmes habitudes de vie, la même faculté à se détruire, et Alex n'a pas besoin de voir la jeune femme pour comprendre au travers de cet appel toute l'ampleur de la situation. Elle parle au téléphone, elle parle à Lexie, elle l’interpelle, lui demande des précisions, lui dit qu'elle va arriver et faire au plus vite, elle parle mais elle semble parler toute seule et c'est à nouveau avec une certaine panique qu'elle annonce à Caleb qu'une amie a besoin d'elle. Il le saura. Il saura que cette amie c'est Lexie Walker, mais pour l'heure, elle ne veut pas l'inquiéter alors qu'elle même est bien inquiète.
Le trajet jusqu'à chez Lexie semble interminable, heureusement c'est dimanche et Alex évite les embouteillages mais elle reste pourtant à l’affût de son téléphone. D'un nouvel appel de Lexie qui pourrait venir lui donner des explications. Elle arrive enfin, et elle se demande à quoi elle va avoir à faire une fois présente. Si la jeune femme ne répond pas, si elle ne lui ouvre pas, qu'est-ce qu'elle va bien pouvoir faire ? Trop de questions et si peu de réponses, alors qu'Alex a déjà en tête tout un tas de scénario qui seraient sans doute bien trop alarmiste et négatif aux yeux du commun des mortels mais qui pour elle a du sens. Parce que l'alcool, parce que les larmes, parce que les drames, parce que la vie fait qu'Alex a apprit, a vu, a comprit que le pire pouvait arriver et elle espère simplement que tout ira bien pour Lexie Walker. Pour le moment elle sonne Alex, tambourine sur la porte aussi, et sonne encore quand elle voit la porte rester close. Pendant quelques minutes, et enfin c'est une Lexie en peignoir, le visage terne, les yeux rougies par les larmes et surprise qui se montre devant Alex. « Tu es venue ?! » Elle secoue la tête Alex, sa présence étant une réponse suffisante, puisque oui, elle est venue. Elle n'est pas du genre à secourir le monde, pas du genre à vouloir aider n'importe qui mais Lexie n'est pas n'importe qui. Pas vraiment une amie, mais loin d'être une inconnue et c'est peut-être pour ça qu'elle est là. Parce qu'elle sait par quelle étape est passée Lexie, parce qu'elle sait les problèmes de consommations de la journaliste, parce qu'elle ne peut pas faire semblant de ne pas avoir été touchée par cet appel de détresse. « Tu avais besoin d'aide, je n'allais pas te laisser seule. » Elle n'a pas prononcé les mots Lexie, elle n'a pas dit qu'elle avait besoin d'aide, mais Alex lui montre qu'elle a comprit et qu'elle n'attends pas que Lexie le dise, qu'elle n'attends pas qu'elle trouve la force de le demander oralement, son coup de téléphone étant un geste suffisant. « Je peux entrer ? » Elle compte entrer, elle n'a pas fait tout ce chemin pour rien, mais elle ne veut pas brusquer Lexie, elle ne veut pas s'imposer de force dans son espace alors qu'elle semble plus vulnérable que jamais.
L'hésitation se lit dans le regard de Lexie, mais elles finissent par rejoindre le salon, Alex en profite pour scruter un peu les lieux puis surtout l'hôte qui vit ici. Le regard d'Alex croise celui de Lexie alors qu'elle se blottie dans son canapé, se cache derrière un oreiller. Les yeux brillants d'émotions, le regard triste, le regard plein de douleur de Lexie touche l'Anglaise. Elle se revoit quelques années plus tôt. Elle se rappelle les réveils après des soirées alcoolisées durant laquelle sa seule limite/règle était de ne pas en avoir justement, dépassant à de multiples reprises les limites de son propre corps. Elle se rappelle avoir eu ce même regard plus d'une fois en se regardant dans le miroir le lendemain alors que les souvenirs flous de la soirée revenaient par brides et lui donnaient la nausée si fort qu'elle finissait par vomir le mélange d'alcool, de drogue et de honte. Elle se revoit dans les yeux de Lexie et si elle ressent un fort sentiment de honte envers elle même, elle ressent en même temps beaucoup de tendresse pour la femme qui se tient devant elle. Debout, entière, vivante.
Elle n'est pas à l'aise dans cette maison qui n'est pas la sienne mais pourtant elle s'autorise à se lever du canapé, d'abord pour aérer l'espace qui en a vraiment besoin puis pour rejoindre la cuisine. Elle cherche dans les placards un verre pour servir de l'eau à Lexie. Ça aussi elle connaît. Les symptômes de la gueule de bois, elle ne sait pas ce que Lexie a consommé mais pour l'alcool elle n'a aucun doute. « Bois ça, tu as pris quelque chose pour le mal de tête ? » L'état physique d'abord, soulager les maux physiques, ils sont concrets, plus simples aussi à aborder, laisser le temps à Lexie pour ne pas la brusquer, pour ne pas risquer de la fermer. Éviter d'aggraver son état aussi. Elles ne sont pas vraiment amies, mais si Alex a pu ressentir des choses négatives pour Lexie à une époque, ce n'est plus le cas et en voyant la jeune femme aussi vulnérable, elle ne peut qu'essayer de vouloir se montrer présente et douce. Patiente et compréhensive aussi parce qu'elle sait que ce genre de moment peut-être un tournant, parce que c'est elle qu'on a appelé à l'aide, alors elle veut se montrer digne et à la hauteur. Tu aurais du appeler Caleb, c'est ce qu'elle aurait pu dire à Lexie en riant, parce qu'il est bien plus doué qu'elle pour ça, mais c'est elle que Lexie a appelé et c'est à elle d'assurer désormais. « Je dois te le demander, qu'est-ce que tu as consommé hier soir ? » Il n'y a aucun jugement dans la voix d' Alex, il y a même une étonnante douceur alors que le sujet qu'elle aborde est grave et lourd, mais tout ce qu'elle veut c'est pouvoir agir et réagir de façon adaptée si jamais l'état physique de Lexie vient à se dégrader. « Il s'est passé quelque de grave ? » Pour que tu m'appelles, aujourd'hui. Pourquoi aujourd'hui ? Pourquoi tu es dans cet état ? Pleins de questions se posent dans l'esprit d'Alex, mais elle sait qu'elle doit être patiente, qu'elle doit se contenir parce que son flot de questions et de paroles n'auraient aucun effet pour aider Lexie, si ce n'est sans doute lui aggraver son mal de tête.
Lexie ne s’est pas rendormie après sa douche et le coup de fil à Alexandra. Frigorifiée, les cheveux mouillés, les pieds glacés, elle frissonne sous sa couette. Même le sommeil ne vient pas la prendre à nouveau et apaiser, le temps de quelques instants, sa douleur et sa peine. Alors elle attend simplement que ça passe, endure le tout, alors que les larmes roulent silencieusement sur ses joues. Elle supporte les maux de tête, l’estomac en vrac, et cette sensation de déprime qui la cloue dans son lit. Elle se sent comme une moins que rien, et se remémore les souvenirs horribles de ces derniers jours, de ces dernières semaines, de ces derniers mois, même. Elle se souvient de son renvoi, il y a 2 jours à peine, pour des raisons multiples : des retards incessants, des gueules de bois trop présentes, et une mauvaise image d’elle sur les réseaux sociaux, alors qu’elle a affiché volontairement ses sorties en boîte pour faire enrager Noah et lui faire savoir le bar dans lequel la trouver. Elle se remémore les soirées, ces fêtes emplies d’excès qui se ressemblent toutes, dans lesquelles l’alcool et la cocaïne circulaient à foison pour l’aider à supporter son quotidien, sa solitude. Elle se souvient de son bébé, qui ne vivra jamais, du deuil de sa famille qu’elle a dû faire, la famille qu’elle aurait pu former avec Noah et le petit homme qui aurait dû les rejoindre. Elle se souvient, et elle se sent plus mal qu’elle ne l’a jamais été. Lexie ne s’est pas rendormie après sa douche, et elle ne peut pas louper les nombreux coups de sonnette et le tambourinement contre sa porte d’entrée. Et pourtant, elle met plusieurs minutes à réussir à se lever. Ce doit être Alexandra, et elle sait qu’elle a besoin d’elle. Elle l’a appelé pour obtenir son aide, pour se sortir de cette spirale infernale dans laquelle elle est piégée. Elle a fait un premier pas en lui téléphonant, mais le suivant, celui qui consiste à quitter son lit pour aller ouvrir à la journaliste semble au-dessus de ses forces, pendant un moment au moins. Finalement, elle se lève, trouvant la blonde sur le palier.
« Tu avais besoin d’aide, je n’allais pas te laisser seule. »
Les larmes redoublent et strient les joues de la brunette, sensible à cette déclaration. Alexandra allait l’aider. Alexandra n’allait pas la laisser tomber. Elle ne la laisserait pas affronter seule l’adversité. Et si Lexie n’est en principe pas sentimentale, à cet instant présent, déboussolée par toutes les substances qui hantent encore son organisme, elle se sent dépassée.
« Je peux entrer ? »
Lexie semble enfin réaliser que la blonde se trouve à l’extérieur de l’appartement, et que la politesse voudrait qu’elle l’invite à entrer. C’est également ce qu’elle devrait faire, pour permettre à Alex de l’aider, et parce qu’au final, c’est elle qui l’avait appelé. Et pourtant, même si cela semble stupide, Lexie hésite. Elle a osé demander du soutien, elle a avoué à voix haute être vulnérable, et avoir besoin d’aide. Mais faire entrer Alex dans son logement, c’est lui permettre de mettre en place cette aide dont elle a besoin. C’est un pas supplémentaire qui la fait soudain hésiter, et les secondes passent pendant que la brune sonde de son regard bleuté celui de la journaliste. Finalement, Lexie s’efface, une moue sur le visage, et rejoint le canapé. Là, elle attrape un oreiller et le serre contre elle, comme un bouclier qui pourrait la protéger et lui éviter de se disloquer. Elle le serre fort, comme elle aurait sans doute besoin d’être enlacée, si elle tolérait davantage le contact avec les autres. Elle ne dit rien, se contente de suivre du regard Alexandra qui aère l’appartement puis qui fouille dans les placards de sa cuisine. Cette scène glacerait Mary Walker, sa mère, qui la fustigerait pour son impolitesse : Lexie aurait dû proposer à boire à Alexandra, elle ne devrait pas laisser une invitée faire le service. Mais toute notion de politesse ou de politiquement correct a déserté la brunette, alors que seule la noirceur qui l’entoure l’obsède.
« Bois ça, tu as pris quelque chose pour le mal de tête ? »
Le regard bleuté de Lexie passe du verre au visage d’Alexandra, et elle hésite un instant à prendre le verre, à nouveau touchée par tant de sollicitude. Finalement, elle s’empare du verre et en boit une gorgée, qui semble faire un gros flop dans son estomac. Elle le repose sur la table basse au prix d’un effort surhumain et se contente de secouer la tête : elle n’a rien pris, et n’est pas certaine de mériter qu’on apaise ses douleurs physiques.
« Je dois te le demander, qu’est-ce que tu as consommé hier soir ? »
Lexie fait de son mieux pour réunir les souvenirs de la veille, tente de réfléchir, et c’est d’une voix pâteuse qu’elle répond.
« Alcool. Beaucoup d’alcool. Et de la cocaïne. »
Beaucoup de cocaïne ? Non, pas spécialement. Elle n’avait pas fait de bad trip, et encore moins d’overdose. Elle avait déjà consommé plus, à plusieurs reprises. Finalement, cette fois-ci, ce n’était pas la quantité ou les effets de la consommation qui l’effrayaient, mais les raisons qui l’avaient amené à se droguer, encore et encore : le bébé, Noah, son job. Tout était fichu, rien n’était rattrapable.
« Il s’est passé quelque chose de grave ? »
Spontanément, elle secoue la tête pour dire « non ». Mais son corps entier crie « oui », son comportement entier crie « oui », alors qu’elle a sollicité l’aide de la blonde. Lexie arrive à un nouveau cap à franchir, à un nouveau pas à faire, et elle n’est pas sûre d’y arriver. Si demander de l’aide et avouer sa vulnérabilité est une étape importante, expliquer le pourquoi du comment et se mettre à nue semble encore pire, à cet instant présent. La situation est peut-être encore pire pour Lexie qui, en règle générale, a des difficultés à se confier et à faire confiance. Même sobre, elle ne confierait rien à Alexandra. Et pourtant, elle le doit. Les secondes passent et le silence s’éternise. Lexie est reconnaissante à Alex de ne pas la brusquer.
« J’ai … j’ai perdu le bébé … alors Noah est parti. J’ai fait la une des tabloïds pour mes soirées … alors j’ai perdu mon job. »
C’est un bref résumé, mais c’est tout ce dont elle est capable à l’heure actuelle. Dans sa tête, les mots faisaient plus de sens, et elle espère qu’ils seront compréhensibles pour Alex. Lorsque Chan a eu son accident de moto en juin et qu’il a été plusieurs jours entre la vie et la mort, Lexie avait accouché prématurément d’un bébé qui n’avait pas survécu. Noah n’était même pas venu lui rendre visite à l’hôpital : il avait disparu, tout simplement. C’est ainsi que Lexie avait oscillé entre horreur et soulagement, entre la disparition d’une future histoire et la possibilité de redevenir elle-même, seule, sans attache, sans responsabilité. Elle était retombée rapidement dans la drogue et les différents excès, et avait publié des photos de ses soirées sur les réseaux sociaux dans l’espoir, qu’un soir, Noah viendrait la rejoindre. Et si Noah n’était jamais venu, les publications n’étaient pas passées inaperçues à ABC, et le contrat de Lexie avait brutalement pris fin il y a quelques jours. Maintenant, elle avait tout perdu. Elle se sentait désœuvrée, sans but. Elle venait de passer deux jours à errer entre son appartement et diverses soirées, à consommer ce qu’elle pouvait pour oublier que sa vie venait de partir en morceaux.
I need somebody, Help, not just anybody - @Lexie Walker
L'hésitation se lit dans les pupilles brillantes de Lexie, elle ne devrait pas être surprise de voir Alex sur le palier de sa porte et pourtant elle met du temps avant de se décaler pour laisser entrer l'Anglaise. Alex sait, Alex comprend, elle devine que ce geste n'est pas anodin. Demander de l'aide est déjà pas chose aisée, l'accepter est encore une autre étape. Et si Alex reste là, silencieuse et patiente, c'est bien parce qu'elle n'a aucun mal à se mettre à la place de Lexie. Pas qu'elle comprenne la raison de son appel, ou même ce qui a entraîné cette situation dans laquelle se trouve Lexie aujourd'hui, mais elle sait à quel point il peut être difficile de se montrer ainsi. Alors, elle ne la brusque pas, ne s'impose pas, attends le moment ou Lexie se sentira prête à laisser Alex se faire une place dans son espace de vie. Le silence est loin d'être apaisant ou agréable alors qu'Alex sent le regard de Lexie sur elle. Elle jauge, elle juge sans doute à savoir si elle peut se fier à l'Anglaise, c'est en tout cas ce qu'Alex ferait si elle était à la place de Lexie, alors elle attend. Jusqu'au moment ou sans un bruit, Lexie se décale et ouvre l'accès à son logement. Sans un mot, elles n'ont pas besoin de se parler, pas encore, le moment des paroles viendra bien assez vite, quand elles seront prêtes, quand Lexie sera prête surtout. Et à cet instant précis, elle semble loin d'être prête. Elle semble si vulnérable les yeux rougis par les larmes, le visage blanc et cerné, et ce coussin qu'elle tient devant elle si fort. Lexie, cette femme qu'Alex a jugé, détesté aussi sans doute pour tout ce qu'elle représentait quand elles se croissaient dans les studios, cette femme semble aujourd'hui complètement différente. L'arrogance, la confiance, l'insouciance que dégageait la jeune femme ont disparu et Alex a l'impression d'avoir une tout autre femme devant elle. Fragile, vulnérable, détruite qui pourrait s'écrouler à tout moment et qui s'accroche à son coussin avec le peu de force qui lui reste. Alex est touchée par cette vision, par ce bout de femme qu'elle semble presque découvrir pour la première fois, sans filtre, sans faux-semblant, une réalité qui bouleverse l'Anglaise par cette douleur qui semble émaner du regard de Lexie. Une douleur qui la touche au plus profond d'elle alors qu'elle se revoit des années en arrière, elle aussi tenant fermement le premier objet qu'elle trouvait pour garder contact avec la réalité.
Le silence est toujours de mise entre les deux femmes, quelques mots échangés, ou plutôt une phrase prononcée par Alex, une phrase qui reste sans réponse verbale, mais elle arrive néanmoins à attirer l'attention de Lexie qui ne refuse pas le verre d'eau, mais elle boit trop peu pour que ça soit suffisant aux yeux d'Alex. Pourtant, elle n'insiste pas, pas pour le moment tout en se notant de surveiller l'état de Lexie. Et sans un mot de plus, Alex se dirige vers son sac à main, en ressort une boîte de médicaments qu'elle pose sur la table à côté du verre de Lexie. Elle ne peut pas la forcer à le prendre, mais elle lui met à porter de main sans un mot lui laissant le choix ou non de venir soulager un peu ses douleurs physiques. Le reste ça risque de prendre du temps, mais ce cachet peut au moins intervenir positivement sur les effets d'un corps qui a été poussé dans ses derniers retranchements. Jusqu'à ou ? C'est une autre question à laquelle Alex va avoir besoin de réponses. Parce qu'elle a maintenant la responsabilité de la santé de Lexie, pas qu'elle soit à l'aise avec ça, elle a bien plus souvent été de l'autre côté. Celle dont on prend soin, celle pour qui on s'inquiète, celle qui fait passer des nuits blanches aux autres parce qu'il y a cette peur que le corps ne finisse par lâcher. Elle réalise d'autant plus aujourd'hui à quel point elle a pu être une source d'inquiétude mais elle n'avait que faire de ce qu'il pouvait lui arriver. D'abord inconsciente des risques qu'elle prenait avant vingt ans, c'est ensuite parce qu'elle n'en avait que faire des risques qu'elle n'en tenait pas compte. Et elle se demande dans quel état d'esprit est Lexie aujourd'hui, ou plutôt dans quel état d'esprit elle était la veille. « Alcool. Beaucoup d’alcool. Et de la cocaïne. » Et si pour certains entendre ce cocktail pourrait faire froid dans le dos ou faire paniquer, le passé d'Alex lui permet de gérer cette information sans sourciller. C'est un cocktail affreusement classique, malheureusement pour Alex et pour Lexie, qui donne cette information avec un peu trop de détachement. Elles n'ont pas besoin de se le dire, elles savent toutes les deux que ce n'est pas la première fois et pourtant si ce cocktail est banal pour elles, se retrouver toutes les deux dans l'appartement de Lexie, est loin de l'être. « Tu te souviens de toute ta soirée ? Tu n'as pas perdu connaissance ? » Encore une fois, pas de jugement, pas de remontrance, juste de l'inquiétude dans l'intonation et les questions d'Alex. Parce que ce cocktail peut faire des ravages, parce que ce cocktail peut être dangereux pour soi-même, et source de danger pour les autres aussi. Parce que ce cocktail peut pousser à se retrouver dans des situations malheureuses.
Et après ce brève échange sur les événements très factuels de la soirée que vient de passer Lexie, c'est sur les raisons qui ont poussé la jeune femme à aller boire que la discussion se tourne. Le temps semble s'arrêter quelques instants, le regard d'Alex oscille entre Lexie et ses propres mains, ne voulant pas que son regard ne se fasse trop lourd sur Lexie. Elles ont le temps, et Alex sait mieux que quiconque qu'évoquer ses faiblesses ne soit pas chose aisée bien au contraire. Elle a passé des années à se taire, à enfouir en elle tout ce qui la poussait le soir à pousser son corps dans les extrêmes. Elle n'a jamais rien dit, jamais voulut faire face et aujourd'hui elle demande à Lexie de le faire, alors le moins qu'elle puisse faire c'est de lui accorder ce temps dont elle a besoin. Ce silence n'est pas rassurant surtout pour l'Anglaise qui n'est pas à l'aise avec les longs silences, mais celui-ci semble plus que nécessaire. Alors, elle patiente, silencieuse, presque immobile, ne voulant pas risquer de perturber Lexie dans ses pensées et dans cette force qu'elle doit réunir pour réussir à s'exprimer. Ce qu'elle finit par faire, les yeux d'Alex se levant doucement vers ceux de Lexie au moment ou la voix de l'Australienne vient mettre fin à ce silence. « J’ai … j’ai perdu le bébé … alors Noah est parti. J’ai fait la une des tabloïds pour mes soirées … alors j’ai perdu mon job. » Elles étaient enceintes en même temps et Alex ne peut pas imaginer comment elle aurait pu réagir si elle avait perdu son bébé. Elle ne peut pas l'imaginer, rien que d'y penser ça lui semble impossible à gérer. Alors apprendre la suite lui semble encore plus insupportable. Perdre un bébé est déjà immensément insoutenable mais devoir le gérer seule. Elle s'en veut Alex. De ne pas avoir été là, bien que personne lui ait demandé d'être présente. Mais, elle connaissait Lexie, elle voulait l'accompagner dans sa sobriété, et la vie les a éloignés. Elles étaient enceintes, sobres, et quelques mois plus tard, elle retrouve Lexie détruite, seule et en plein deuil dans son canapé. La descente aux enfers a dû être longue pour Lexie et aujourd'hui, Alex se retrouve face à cette femme et sans lui dire, sans lui faire cette promesse, elle se la fait à elle-même. Elle ne laissera pas tomber Lexie une deuxième fois, pas alors que la vie semble lui avoir tout pris en si peu de temps. « Je suis tellement désolée pour le bébé. » Elle ne va pas pleurer Alex, pourtant l'émotion est sincère, bien que peu utile ou réconfortante, elle l'est sincèrement. Elle ne pourra pas prétendre savoir ce que ressent Lexie, elle a perdu un bébé mais elle a découvert le jour même qu'elle en portait encore deux en elle, deux biens en vie et deux bébés qui ont occupé toutes ses pensées pour ne pas focaliser son esprit sur la perte. Mais Lexie n'a pas d'autres bébés en vie, elle a perdu son bébé, son copain, son job et c'est finalement presque un miracle qu'elle soit encore debout. C'est du moins ce qu'Alex pense, parce qu'elle a fini par se détruire complètement après avoir renoncé à son bébé et à l'homme de sa vie, mais par choix, par ses propres décisions, alors que Lexie n'a rien voulu de tout ça. « Mais, Lexie, te faire du mal ne les ramènera pas. » C'est une phrase que l'ancienne Alex aurait détesté entendre. Parce qu'elle en avait bien conscience, mais à défaut de ramener ce qu'elle avait perdu, ça pouvait au moins lui donner, le temps d'une soirée, l'insouciance et l'impression de n'avoir rien perdu. Pendant quelques minutes, juste un peu de répit, embellir sa vie, lui donner l'impression d'exister encore même si plus rien ne semblait la maintenir en vie. Alors oui cette phrase elle l'aurait détestée et pourtant aujourd'hui, Alex sait que c'est ça la réalité et qu'il faut l'affronter pour aller un peu mieux. « Tu vas juste réussir à te détruire encore un peu plus et je ne pense pas que ce soit ton objectif. » Sinon elle n'aurait pas appelé Alex non ? Et c'est d'ailleurs la suite logique dans les questions que se pose Alex (et pose à Lexie). « Pourquoi tu m'as appelé ? Pourquoi moi et pourquoi maintenant ? De quoi as-tu besoin là tout de suite ? » Elles ne sont que toutes les deux, le reste du monde n'existe pas à cet instant précis, il n'y a que les besoins de Lexie qui comptent. Ses besoins et son ressenti. « Quelque soit ce dont tu as besoin, je suis là et je ne vais pas te laisser tomber. » Pas encore, pas après ce qu'elle vient d'annoncer, pas alors que la vie a semble-t-elle déjà en parti abandonnée Lexie. Alex ne la laissera pas, ni aujourd'hui, ni les jours à venir parce que Lexie a trop perdu et qu'elle mérite que quelqu'un se batte un peu à ses côtés et tant qu'elle acceptera qu'Alex reste à ses côtés, alors l'Anglaise restera là parce qu'elle a vu dans le regard de Lexie quelque chose qui a réussi à la toucher sincèrement et c'est assez rare pour qu'Alex se sente prête, pour une fois, à être celle qui écoute, qui soutient, qui épaule, qui accompagne, qui aide, qui engueule, qui encourage, qui surveille. Quelle que soit la mission qui est la sienne, elle ne lâchera pas Lexie.
Alexandra est là, dans son appartement. Elle est venue, elle a répondu à son appel à l’aide, et c’est déjà une preuve incroyable de l’intérêt qu’elle porte à la jeune Walker, elle qui n’a jamais obtenu l’amour de ses parents. La blonde déambule dans le logement de la brune, se l’approprie le temps de quelques instants, pendant que Lexie est recroquevillée sur le canapé, un coussin serré contre elle en guise à la fois de réconfort et de bouclier. Elle se sent particulièrement vulnérable, et cette sensation ne fait que se renforcer lorsque Alexandra se met à l’interroger. Elle a fait preuve de patience, n’a rien dit pendant un long moment. Et quand elle se lance, ce n’est pas pour brusquer la brunette. Lexie l’entend à son ton doux mais ferme. Elle ne se sent pas acculée, mais elle se sent nue. Et si la nudité de son corps ne l’a jamais dérangé, celle de ses pensées et de ses sentiments la terrifie. Gardant le silence un long moment, la brunette a le regard fixé sur la boîte de médicaments qu’Alex a posé sur sa table basse. Elle devrait sans doute les prendre, au moins pour apaiser la douleur physique. Mais elle hésite à mettre une nouvelle substance dans son organisme et n’est pas certaine de mériter un quelconque soulagement. Elle s’est volontairement intoxiquée, elle s’est mise toute seule dans cet état, sans que personne ne l’ait contrainte ou forcée. De quel droit pourrait-elle voir ses souffrances diminuer ? Après de longues minutes, la brunette détache son regard de la boîte de médicaments pour se porter sur Alex. Les yeux bleus de Lexie, rougis par les larmes qui ont finalement cessé de couler, glissent rapidement sur la journaliste, pour se perdre sur un fil imaginaire sur le coussin : elle n’a pas la force d’affronter son regard, redoute de pouvoir y lire un quelconque jugement. Et c’est en grattant le polochon du bout de son index qu’elle révèle avoir consommé de l’alcool et de la cocaïne lors de la soirée de la veille.
« Tu te souviens de toute ta soirée ? Tu n’as pas perdu connaissance ? »
Lexie fronce les sourcils, tentant de convoquer les souvenirs de la veille, mais rien n’est certain. Quelques passages semblent perdus, d’autres sont peut-être des réminiscences de soirées précédentes : après tout, elles se ressemblent toutes.
« C’est flou. Je … je ne sais pas. Je ne pense pas. Je n’ai pas abusé sur la quantité. »
Elle ne pense pas avoir perdu connaissance pour autant, mais n’en est pas certaine. Elle ne pense pas non plus avoir exagéré quant à sa consommation de cocaïne. Elle en a pris, oui, mais dans des quantités habituelles. Et cette notion d’habitude n’est pourtant pas en mesure de susciter de l’inquiétude chez la brunette, pas encore. Se livrer sur sa consommation est un jeu d’enfant à côté de la suite de la conversation. Alexandra finit par l’interroger, de manière parfaitement logique, sur les raisons de cette consommation. Derrière cette question se cache sans doute les interrogations de la blonde sur les raisons de sa présence ici. Pourquoi Lexie l’avait-elle appelé ? Pourquoi aujourd’hui ? En quoi ce lendemain de soirée différait-il des autres ? Une nouvelle fois, le silence s’installe entre les deux jeunes femmes, encore plus long que les précédents, encore plus lourd, tel un suspense insoutenable qui annonce une suite tragique. Et finalement, les informations finissent par franchir les lèvres de Lexie. L’essentiel y est, en aussi peu de mots qu’il est possible pour la brunette d’en prononcer. Elle se contente des faits, sans s’exprimer sur ce qu’elle a pu ressentir lors de ces différentes épreuves : la perte du bébé, le départ de Noah, et finalement son renvoi. Ce dernier élément est le déclencheur de cet appel à l’aide, la goutte d’eau qui fait déborder le vase, le signal d’alarme qui a permis à Lexie solliciter Alex. La perte de son emploi est loin d’être l’événement le plus traumatisant dans la vie de la brunette ces derniers mois. C’est pourtant celui qui lui a donné envie de remettre en question cette spirale infernale dans laquelle elle s’était enfermée, à défaut d’être certaine de vouloir en sortir. Sans emploi, sans aucune occupation pendant ses journées, elle partira à la dérive. Sans raison de se lever le matin, elle passera sa journée sous sa couette, à revivre en boucle les épreuves qui ont parsemé son chemin. Sans possibilité d’occuper son esprit ou de se concentrer sur un sujet professionnel, ses pensées vont dériver inlassablement vers le passé douloureux et l’avenir perdu. Elle a dorénavant conscience d’avoir touché le fond. Et elle sait qu’elle doit réagir si elle ne veut pas s’enfermer dans les abysses.
« Je suis tellement désolée pour le bébé. »
Lexie se surprend à laisser échapper un rire dédaigneux et spontané.
« C’est peut-être mieux comme ça … »
Elle le pense en partie. D’un côté, c’est la réponse qu’elle est habituée à servir à tous : elle ne va pas si mal. De l’autre s’y cache une horrible vérité : elle n’aura pas à être une mère catastrophique. Elle qui a eu une mère détestable a toujours été convaincue qu’elle n’aurait pas su comment s’y prendre. Elle redoutait de devoir avoir la responsabilité d’un petit être, de l’éduquer, autant qu’elle rêvait de le voir grandir.
« Mais, Lexie, te faire du mal ne les ramènera pas. »
A ces mots, la brunette fronce les sourcils et, un instant, son regard interrogatif se plonge dans celui de la blonde. Elle tente de la sonder, de lire en elle, de comprendre les raisons de ses mots. Elle se demande si elle est réellement à côté de la plaque, ou si ce sont les mots qu’on prononce simplement dans de telles circonstances. Elle se demande un instant si Alex se souvient de sa propre descente aux enfers, et des raisons qui l’avaient poussé à agir ainsi : était-ce réellement de l’autodestruction ? Lexie finit par secouer la tête.
« Ce n’est pas ce que je cherche … Je veux juste oublier, Alex. »
Les soirées, l’alcool, la cocaïne … ils n’étaient que des outils pour s’échapper de la réalité, un moyen d’oublier, le temps de quelques heures.
« Tu vas juste réussir à te détruire encore un peu plus et je ne pense que ce soit ton objectif. »
Vraiment ? Est-ce que ça l’était, avant son renvoi ? Lexie n’a pas les idées assez claires pour se pencher sur la question, celles posées par Alex suffisant à accentuer son mal de crâne.
« Pourquoi tu m’as appelé ? Pourquoi moi et pourquoi maintenant ? De quoi as-tu besoin là tout de suite ? Quelque soit ce dont tu as besoin, je suis là et je ne vais pas te laisser tomber. »
Lexie fixe un instant Alex, interdite, avant de secouer la tête. Les questions étaient trop nombreuses, trop profondes. On avait dépassé de loin les simples interrogations factuelles sur la consommation de Lexie de la veille. Et la brunette ne semblait pas en mesure de répondre à toutes des demandes.
« Je … »
Les mots semblent lui manquer, simplement parce qu’elle n’a aucune idée de ceux qui pourraient franchir ses lèvres.
« Chan est en vacances, et Elijah … ce n’était pas possible. »
La dernière fois que Lexie et Elijah avaient abordé la question de la drogue, l’aîné des Walker avait révélé à la brunette avoir abusé de diverses substances par le passé, pour soigner un chagrin d’amour. Et Lexie avait dénigré les raisons de son frère, estimant que cette épreuve n’était pas suffisamment intense et triste pour justifier de tomber dans la drogue. Il n’était donc pas envisageable d’appeler Elijah. Quant à Channing, il était à l’étranger, et elle ne voulait pas le déranger, pas alors qu’il avait réellement besoin de ce séjour pour se ressourcer. S’il avait été en ville, sans doute aurait-elle fait appel à lui. Alexandra semble pourtant le choix logique, alors que les parcours des deux jeunes femmes sont si similaires sur de nombreux points. Et cette réponse factuelle de Lexie lui donne l’impression d’avoir accompli une partie de sa mission et satisfait certaines des interrogations de la blonde. La suite est plus difficile à sortir, simplement parce que Lexie n’est pas certaine d’avoir la réponse à cette question : pourquoi maintenant ?
« Faut que ça s’arrête. J’aimais mon job, c’était tout ce qui me restait … Comment je vais passer les journées, maintenant ? Comment je vais faire pour ne pas y penser ? »
Qu’allait-elle pouvoir faire pour oublier, le temps de quelques minutes, qu’elle avait perdu l’homme dont elle était amoureuse et leur bébé ? Quelle autre solution s’offrait à elle, à l’heure actuelle, que de se lancer à corps perdu dans la consommation de cocaïne, même en journée, pour soulager sa douleur ? Mais il devait y avoir une autre solution, non ? Il y avait une autre solution, sans aucun doute, et c’est pour cela que Lexie avait demandé de l’aide : pour survivre.
I need somebody, Help, not just anybody - @Lexie Walker
L'état de Lexie est préoccupant et sans doute ça le serait encore plus pour d'autres personnes. Pour des gens dont la vie n'a pas été aussi intimement lié à la drogue et l'alcool. Pour quelqu'un a la vie normale en somme. Mais Alex a conscience de ne pas avoir vécu une vie normale, d'avoir infligé à son corps des choses anormales, et elle n'a pas de mal à voir que Lexie aussi a infligé à son corps des choses pas banales la veille. Mais ce qui n'est pas banal pour d'autres, le sont (ou l'ont été) pour elles. « C’est flou. Je … je ne sais pas. Je ne pense pas. Je n’ai pas abusé sur la quantité. » Elle le prouve Lexie. Pas abusé sur la quantité, pour qui ? Sur quel critère elle se base pour juger l'abus ou non ? Elle se base sans doute sur sa propre consommation, même si dans ces moments difficile de savoir ses limites sans les franchir, sans les dépasser, sans se retrouver plusieurs fois dans un sale état. Lexie est chez elle, un bon point. Elle est consciente, elle réagit, son état montre que la soirée n'a pas été de tout repos mais si ses yeux sont brillants et rougies, physiquement elle a l'air d'aller relativement bien. Bien mieux qu'émotionnellement.
« C’est peut-être mieux comme ça … » Est-ce le rire de Lexie ou sa réponse qui interloque le plus Alex ? Sans doute l'association des deux, mais les mots ne sont pas anodins. Mieux qu'elle ait perdu son bébé? Alex est la dernière personne à pouvoir juger une femme sur son rapport à la maternité, elle qui a un passif loin d'être glorieux avec ce rôle de mère. Elles avaient évoqué par le passé ce début de maternité difficile pour Lexie, les mots ne devraient pas surprendre Alex et pourtant, elle ne peut pas rester sans réaction face à cette remarque de Lexie. « Tu le penses vraiment ? C'est mieux pour qui ? » Pour elle ou pour ce bébé à naître qui ne verra jamais le jour ? Si c'était vraiment mieux comme ça sans doute que Lexie ne serait pas dans cet état aujourd'hui, alors même si Alex sait que ce bébé n'a pas toujours été une source de bonheur dans la vie de Lexie, elle aimerait comprendre comment elle vit cette perte désormais. Est-ce qu'elle s'autorise à être triste ? A regretter ce bébé qu'elle ne voulait pas ? Est-ce qu'elle s'autorise même à ressentir les choses ? C'est à en douter puisque le comportement de Lexie et surtout ses propres mots montrent qu'accepter ses pertes, elle ne semble pas être à cette étape encore la brune. « Ce n’est pas ce que je cherche … Je veux juste oublier, Alex. » Les mots, leurs sens renvoient à Alex une réalité qu'elle a que trop bien connu. Oublier. Faire taire son esprit, ses pensées, ses souvenirs, le temps d'une soirée. Avec un inconnu, oublier celui que l'on a perdu. Avec l'alcool faire taire les souvenirs d'une vie dans laquelle on a touché du bout des doigts, et à pleines mains, le bonheur. Oublier. Oublier d'être, de penser. Ne faire que taire cette souffrance qui alourdit le corps et le cœur. Faire taire sa culpabilité, sa peine, sa haine, sa colère. Faire taire les espoirs qui n'existent plus mais qui sont là au travers des souvenirs d'une vie gâchée, d'une vie qui n'existe plus. Juste oublier, voilà ce que cherche Lexie et Alex n'a malheureusement pas à chercher à comprendre, elle comprends. Les raisons sont différentes. Le chemin de vie est différent, mais elle comprends. Elle n'a pas à se mettre à la place de Lexie, elle a encore des souvenirs parfois de cette vie d'avant. Celle ou l'alcool, la drogue, le sexe et la fête faisait partie de son quotidien, d'elle. Sauf que si Alex se déteste d'avoir été celle fille là. Se déteste pour ce qu'elle a pu faire, se dégoûte aussi quand elle repense à toutes ses soirées ou elle a laissé des hommes inconnus la toucher, si elle s'en veut d'avoir été cette fille, elle n'a pas une once de reproche à faire à Lexie. Parce qu'elle a tout perdu. Et pas par choix. Elle n'a pas abandonné son enfant, elle l'a perdu. Elle n'a pas quitté son homme, il est parti. « Et est-ce que ça fonctionne ? » Elle sait la réponse Alex, elle ne juge pas. Sa voix reste douce malgré la violence des souvenirs de ses propres démons qui refont surface au détour de cette discussion. Mais Lexie n'a pas besoin qu'on la secoue maintenant, il suffit de le voir à cet instant précis, si fragile, si vulnérable, si mal pour voir que sa manière de faire ne fonctionne pas. Que ce répit induit par la drogue et l'alcool n'est qu'éphémère et n'apporte aucun réconfort. « Si tu entres la dedans, tu vas avoir besoin de toujours un peu plus pour oublier, tu vas aller toujours un peu plus loin pour avoir quelques minutes, ou quelques heures au mieux de répit, mais à quel prix ? » Ça commence avec les soirées, avec l'alcool, la cocaïne arrive, les conduites à risques se multiplient parce que le corps s'adapte, le corps en redemande, le corps s'habitue, et aux souvenirs douloureux s'ajoutent l'addiction, s'ajoutent la honte au réveil. La culpabilité, la solitude. Parce que cette vie n'a pas cinquante issues possibles. Et l'une de ces issues est irrémédiable et Alex ne peut pas voir Lexie ainsi, elle ne peut pas la laisser se faire du mal, se détruire pour quelques minutes d'apaisement.
Mais, est-ce qu'elle peut faire quelque chose ? Elle en a l'intention, aider Lexie, l'accompagner, la soutenir, être là pour elle, elle lui promet. Mais est-ce que Lexie le veut ? Est-ce que la Walker est prête à recevoir l'aide ? Cet appel semble le prouver mais peut-être qu'Alex a tord ? Après tout, elle ne sait pas pourquoi Lexie l'a appelé. Pourquoi elle ? Pourquoi maintenant ? Un appel à l'aide, mais est-ce que Lexie l'a fait en toute conscience ? Est-ce qu'elle est prête à s'engager dans une telle démarche ? Alex sera là et elle sait par expérience que parfois Lexie ne voudra pas qu'elle soit là, qu'elle ne voudra pas de son aide, qu'elle ne voudra pas la voir parce qu'elle rappellera sans doute tout un tas de choses difficiles, mais l'Anglaise a le mérite de comprendre, de connaître, d'avoir été à la place de Lexie et si c'est loin d'être une fierté et que ça reste une faiblesse pour elle, elle peut en faire une force dans l'aide qu'elle peut apporter à Lexie. « Faut que ça s’arrête. J’aimais mon job, c’était tout ce qui me restait … Comment je vais passer les journées, maintenant ? Comment je vais faire pour ne pas y penser ? » La réponse fut longue à venir, Lexie ayant sans doute besoin de temps pour mettre de l'ordre dans ses pensées, pour comprendre son geste, sans doute plus impulsif que réfléchis. Mais, elle explique un peu, elle veut que ça s'arrête, elle ne veut pas y penser, autant d'éléments qu'Alex comprends, même si pendant longtemps, l'Anglaise a tout fait pour que ça ne s'arrête pas, qu'elle a tout fait pour prolonger sa souffrance par pur culpabilité et pour se punir. Mais, Lexie veut que ça s'arrête et c'est déjà une bonne chose non ? Même si pour ça, elle devra faire face à la réalité et si elle ne veut pas penser à ce qu'elle a vécu et perdu, ça sera sans doute compliqué pour elle d'aller mieux. « Lexie, je sais que ce que je vais te dire risque d'être difficile à entendre pour toi, mais par expérience, crois moi, tu ne pourras pas tout simplement oublier, ça fait partie de toi, de ton histoire et tu peux continuer à te défoncer autant que tu le veux tu finiras toujours par y penser encore et encore. » Rien de tout ça n'est positif ou joyeux non ? Mais elle ne veut pas mentir à Lexie. Elle ne veut pas lui promettre que par miracle un jour elle se réveillera et elle aura oublié. Que du jour au lendemain, après une énième soirée, après un énième mélange de drogue et d'alcool, elle se réveillerai et sa vie pourra reprendre joyeusement avec cette épreuve derrière elle. La vie n'est pas aussi simple. Et elle l'est encore moins en ce moment pour Lexie qui a vu toute sa vie s'effondrer en quelques mois. « Mais, par contre, tu peux apprendre à vivre avec, tu peux apprendre à accepter la douleur, à accepter la colère, à faire le deuil de ce que tu as perdu. On n'oublie jamais totalement, mais tu peux apprendre à y penser différemment pour que tu puisses y penser sans que ça ne soit insupportable. » Apprendre à vivre avec le deuil, avec la douleur, avec la peine de cœur, avec les espoirs déchus. Apprendre à avancer sans eux, dans une vie totalement différente de celle que l'on avait rêvé, envisagé, espéré. Relever la tête et sourire alors que le cœur est lourd et que la vie semble un peu plus terne qu'elle ne pouvait l'être avant. « Tu viens de vivre beaucoup de pertes, mais tu es encore là toi, et je te lâche pas et si tu as réussi à trouver la force et le courage de m'appeler c'est bien qu'une part de toi veut s'en sortir. Je te dis pas que ça sera simple, mais tu vas trouver la force, pas à pas, et je t'assure que je vais pas te lâcher. » Elle lui redit, lui fait cette promesse la voix pleine de certitude et de douceur. Elle ne l'abandonne pas, et ce quoiqu'il arrive. « Est-ce que tu voudrais revenir à quelques réunions avec moi ? » C'est une première étape, le début de quelque chose, parce qu'il faut bien commencer quelque part non ? « Je sais que tu n'aimes pas ça et si tu préfères, on peut se faire nos propres réunions toutes les deux, discuter, faire du sport, sortir faire du shopping, ce que tu veux. » Elle imagine le tableau Alex, sait que ça peut être dangereux pour elle, ou au moins une situation à risque de se replonger dans le passé, dans ses souvenirs, dans son addiction, mais elle se sent assez forte pour gérer cette situation et être un soutien pour Lexie, parce qu'elle a peut-être juste besoin que quelqu'un lui tende la main, lui serre fort et la tire hors de l'eau, et c'est ce que l'Anglaise essaye de faire.
Après les premières interrogations d’Alex sur sa consommation de la veille, viennent les questions sur les raisons de son intoxication. Et, comme elle en a l’habitude, Lexie prétend en laissant échapper un petit rire sans joie que c’est peut-être mieux ainsi : au moins, son bébé n’aura pas à souffrir d’une mère horrible comme elle a pu souffrir. Son enfant ne vivra pas dans l’attente que l’on s’occupe de lui, qu’on lui accorde de l’attention, qu’on l’aime, tout simplement. Il ne deviendra pas un adulte souffrant à la fois de la peur de la solitude et de celle de l’abandon, repoussant tous ceux qui tenteraient de s’approcher d’un peu trop près.
« Tu le penses vraiment ? C’est mieux pour qui ? »
Lexie hausse les épaules : pour tout le monde. Pour Noah, qui ne sera pas coincée avec elle pour toute sa vie. Pour le bébé, qui ne deviendra pas un adulte bancal. Pour elle, qui ne vivra pas dans l’angoisse permanente. Son regard bleuté se relève et se plonge dans celui d’Alex. Elle retient difficilement ses larmes lorsqu’elle reprend la parole d’une voix tremblante.
« Pour tout le monde. Noah aurait fini par partir, et l’enfant n’aura pas à être élevé par une mère dysfonctionnelle … »
Peut-être qu’il l’avait tous échappé belle. Peut-être que Noah et elle étaient en train de commettre une énorme erreur. C’est en tout cas plus simple de penser cela, que d’imaginer la vie perdue, celle qu’ils auraient pu construire ensemble, celle qui, avec une chance sur un million, aurait pu fonctionner et être heureuse. Se convaincre que la situation aurait dégénéré, c’est un outil, un moyen comme d’autres de tenter de continuer à avancer, de ne pas s’effondrer, comme sa consommation de cocaïne.
« Et est-ce que ça fonctionne ? » « Bien sûr. »
Cette fois-ci, la réponse fuse sans que Lexie n’ait besoin d’y réfléchir.
« Le temps de quelques minutes, de quelques heures parfois, j’oublie … »
C’était la seule raison de sa consommation, et ce depuis le premier jour, alors qu’elle n’avait que 16 ans. A l’époque, c’était la mort de son père qu’elle voulait dépasser, et l’absence de son frère aîné. Aujourd’hui, c’était le départ de Noah et la perte du bébé. Des épreuves qui lui avaient fait perdre des êtres chers et qui la laissaient seule et démunie.
« Si tu entres là-dedans, tu vas avoir besoin de toujours un peu plus pour oublier, tu vas aller toujours un peu plus loin pour avoir quelques minutes, ou quelques heures au mieux de répit, mais à quel prix ? »
Lexie se contente de hausser une nouvelle fois les épaules et de laisser le silence s’installer. Il n’y a pas de bonne réponse à cette question rhétorique. Alex a raison, et c’est évident. Et c’est aussi pour cela qu’Alex était le choix idéal, la personne à appeler. Elle s’y connait. Elle sait ce que sait. Elle l’a vécu. Tout ce par quoi Lexie passe, elle s’en souvient. Elles ont affronté les mêmes épreuves, et ont fait les mêmes mauvais choix, dans le même but : survivre. Et maintenant que la miss météo a osé prendre son courage à deux mains et appeler à l’aide, elle n’a plus qu’à écouter Alex et appliquer ses conseils. Ce ne sera pas de tout repos. Ce ne sera pas simple. Mais c’est nécessaire, et sans aucun doute la meilleure chose à faire.
A la demande de la blonde, la brune justifie son appel : une demande d’aide, l’envie que cette spirale infernale cesse, maintenant qu’elle a touché le fond et qu’elle a tout perdu … L’envie d’oublier, également. La volonté de s’en sortir, finalement.
« Lexie, je sais que ce que je vais te dire risque d’être difficile à entendre pour toi, mais par expérience, crois moi, tu ne pourras pas tout simplement oublier, ça fait partie de toi, de ton histoire et tu peux continuer à te défoncer autant que tu le veux tu finiras toujours par y penser encore et encore. »
Alors que ses yeux bleutés s’emplissent à nouveau de larmes, Lexie esquisse un sourire triste.
« Je le sais. »
Parce qu’elle n’a pas oublié le décès de son père. Parce qu’elle pense à lui tous les jours ou presque, parce qu’il lui manque toujours. Parce qu’elle regrette ne plus avoir la présence d’un parent aimant. Parce qu’elle regrette qu’il ne soit plus là pour la conseiller et la guider. Parce qu’elle regrette qu’il ne soit plus là pour la soutenir, la conforter dans ses choix. La réponse d’Alex est dure. Le moins que l’on puisse dire, c’est que la blonde n’a pas mâché ses mots, et qu’elle a fait preuve de sincérité. Et c’est une nouvelle raison qui rassure Lexie quant à sa démarche : Alex est la bonne personne pour l’aider. Alex ne lui mentira pas. Alex ne lui fera pas miroiter une vie facile et heureuse. Alex va lui apprendre à regarder la vérité en face, et à y survivre. Et c’est le principal.
« Tu viens de vivre beaucoup de perte, mais tu es encore là toi, et je te lâche pas et si tu as réussi à trouver la force et le courage de m’appeler c’est bien qu’une part de toi veut s’en sortir. Je te dis pas que ça sera simple, mais tu vas trouver la force, pas à pas, et je t’assure que je vais pas te lâcher. »
Les mots d’Alexandra la réconfortent, enfin. Enfin, elle fait des promesses, de celles qui réchauffent le cœur. Lexie y est sensible, elle qui souffre de la peur de l’abandon et refuse catégoriquement de s’engager. Elle a tendance à repousser les gens : s’ils ne rentrent pas dans sa vie, ils ne peuvent pas lui briser le cœur en en sortant. Elle a érigé tout autour d’elle des murailles presque infranchissables, mais pour Alex, pour elle, pour aller mieux, elle est prête à faire une brèche. Pour Alex, elle ouvre une porte, et de suite, la blonde la rassure : elle ne compte pas l’abandonner. Peu importe les épreuves, peu importe les difficultés, elle sera là. Lexie hoche la tête et esquisse, pour la première fois, un vrai sourire dans lequel perce son soulagement.
« Est-ce que tu voudrais revenir à quelques réunions avec moi ? Je sais que tu n’aimes pas ça et si tu préfères, on peut se faire nos propres réunions à toutes les deux, discuter, faire du sport, sortir faire du shopping, ce que tu veux. »
Elle est reconnaissante à Alex de vouloir faire l’effort de s’adapter à elle et, à cet instant, Lexie se promet elle aussi de faire des efforts. Ce sera difficile, ce ne sera pas agréable, mais elle tiendra. Elle écoutera Alex et ses recommandations, quand bien même elle rêvera de l’envoyer balader. Un petit sourire étire son visage, et elle se penche pour attraper les médicaments préparer par Alex et les avaler avec un verre d’eau.
« Disons réunions et shopping, ça me semble pas mal. Mais par pitié, pas de sport ! »
Elle détestait tous les types de sport, à part le sport de chambre. Et si elle n’est pas fan des réunions en groupe, elle reconnait l’intérêt de l’exercice.