toowong, st vincent's hospital

Why if you're doing so well
Did you build a wall between you and us?

Je produis nerveusement d'innombrables pas dans la pièce refermant les automates du laboratoire. Mes doigts se portent à mes lèvres, une expression d'horreur accompagné d'un regard choqué figée sur mes traits. Je malmène sans vergogne mes ongles déjà férocement rongés, les souvenirs de cette nuit s'abattant sur ma mémoire telles des houles dévastatrices.

***

« Ji, ça va ? Ji ?! » je fais à la coréenne tandis que ses longs doigts fins se tordent contre son abdomen, serrent sa tenue désespérément. La douleur qui l'envahit brutalement paraît telle qu'elle absorbe goulument l'entièreté des couleurs rescapées des dernières semaines de peine de cœur à son teint. L'image d'un trou noir inversé s'impose en mon esprit : Jiyeon est désormais aussi blême qu'alarmante et j'ignore quel monstre est en train de dévorer sa vie de la sorte. Un véhément râle de souffrance s'échappe des lippes fines de la jeune femme et je bondis de mon siège pour réduire promptement la distance entre nous. « Jiyeon ? Jiyeon ! » Je l'appelle sans parvenir à capter son regard. Plutôt, je cueille sa silhouette qui s'effondre, poupée de chiffon animée de spasmes de douleurs, l'attention des clients présents au Saucibar attirée instantanément sur notre sinistre duo par les manifestations de peines extrêmes produites par l'influenceuse. Je dégage ses longs cheveux d'ébène qui recouvrent son portrait de porcelaine en sueur. Un mélange de bile, d'alcool et de chips se déverse sur ma chemise et je la hisse de la banquette pour l'allonger en position latérale de sécurité. Ma main se glisse dans son cou et mon sang se glace de palper la rapidité avec laquelle son pouls pulse sous sa chaire. Mon rythme cardiaque s'accélère en constatant la respiration aussi superficielle que rapide de mon amie. Une femme que j'estime d'une quarantaine d'années s'agenouille à mes côtés et je l'entends péniblement m'indiquer qu'elle est urgentiste alors que Jiyeon est positionnée en chien de fusil pour l'aider à surmonter la douleur qui la tétanise sans vergogne.

J'attrape le smartphone dans la poche arrière de mon jeans et compose le numéro d'urgence. Mon palpitant tonne violemment contre ma cage thoracique tandis que les secondes deviennent des éternités. Je m'applique à suivre les recommandations de la médecin que la destinée a postée dans ce bar pour venir en aide à Jiyeon, ma voix ne cesse d'assurer à la vingtenaire que je suis présent et que ça irait, que ça passerait.

***

Je m'avachis sur le tabouret à roulettes, rangé par la culpabilité. Les paroles du médecin qui a pris en charge Jiyeon dès son arrivée aux urgences retentissent dans ma boîte crânienne telles des invocations cauchemardesques. Les termes employés me terrifient, tout comme les statistiques présentées et la confusion qui persiste sur le mal précis dont souffre Jiyeon, en attente des résultats des examens qui ont été effectuées sur sa personne, quand bien même ses comportements précédents tendent vers une pancréatite. Je sais présentement que je triche éhontément, que je parcours le laboratoire de long en large car je tire profit de mon rôle de biologiste pour découvrir ce que les échantillons prélevés sur sa personne peuvent me révéler sur son organisme, sans compter que je n'aurais jamais eu la patience que le technicien d'astreinte se manifeste. Je me languis de découvrir si les autres organes de Jiyeon défaillent, de mesurer la sévérité de son état, d'apprendre à quel point elle va mal, à quel point elle allait mal depuis des semaines et que j'étais prodigieusement incapable de le remarquer pour la préserver, la protéger de cette sordide finalité.

Peut-être égoïstement, je m'accable d'innombrables torts. Je m'en veux d'avoir cru que Jiyeon gérait, que même si elle buvait à outrance, qu'elle n'excédait pas ses limites, qu'elle ne jouait pas avec le feu, elle qui nous avait toujours habitués à être fêtarde et excessive. Je m'en veux de lui avoir fait confiance alors que j'aurais pu l'estimer vulnérable suite à sa rupture avec Marceline, cette starlette blondasse que j'abomine encore plus désormais quand bien même elle n'est pas responsable des actes de ma meilleure amie. Je m'en veux parce que j'aime Jiyeon de tout mon cœur et que l'odieuse l'impression de lui avoir failli, trop obnubilé par mes propres problèmes pour réaliser à quel point elle sombrait, me serre aussi indéniablement que douloureusement le cœur.

***

Je m'autorise à respirer uniquement lorsque Jiyeon est installée dans un box du service des urgences et plusieurs professionnels s'affairent autour d'elle. Planté à la porte coulissante de celui-ci, je ne dispose que des ordres véhiculés aux différents professionnels pour me procurer une idée de l'état de ma meilleure amie. Les mains tremblantes, je saisis mon téléphone et j'éprouve toutes les peines du monde à appuyer simplement sur le "S" et le "O" de mon clavier pour lancer un appel à l'aide sur la conversation Whatsapp de notre groupe de meilleurs potes. Je me dégage du passage et m'appuie fébrilement au mur de l'autre côté du box puis j'inspire profondément, récupérant maladroitement l'usage de mes doigts pour informer les five de la tournure dramatique de cette soirée. Je soupçonne que Dani et Noor dorment, comme elles l'avaient annoncé en quittant le Saucibar quelques heures plus tôt. Hugo s'est probablement couché il y a peu également. Je déverrouille l'écran de mon smartphone pour lire une énième fois l'heure puis contacte un à un les membres de la bande sur leur numéro de téléphone personnel. Le soulagement est incommensurable lorsque j'entends un à un le son de leur voix.

***

Les dents sévèrement plantées dans ma lèvre inférieure, j'envoie à Noor les instructions pour rejoindre le box où se trouve présentement Jiyeon, en attente d'un lit dans le service des soins intensifs, conscient que la Guerrero serait la première sur place. J'inspire profondément, gomme de mon expression toute la peur et la culpabilité que je ressens vis-à-vis de la Park puis pénètre dans le box. Mon regard passe machinalement des perfusions à sa silhouette enfoncée sur le matelas, mon cœur se pince d'être témoin de la misère qui la happe, quand bien même je suis rassuré de la percevoir moins douloureuse. « Bon, Jiji, la prochaine fois, on laisse Hugo choisir l'hôtel parce que de nous deux, on fait pas top, » je lance en tentant la légèreté avant de m'installer juste à côté de la coréenne. « Comment tu te sens ? » Je lui demande avec attention, devinant au regard noir qu'elle me lance à quel point ses foudres risquent d'éclater. Cela doit probablement être la première fois que je suis si heureux de la percevoir furieuse. « Eh tu fais quoi, là ? Non non non. Tu touches pas à ça. C'est pour que tu aies moins mal, pour que tu te sentes mieux. » Je saisis doucement mais fermement la main de Jiyeon, l'empêchant de la sorte d'arracher sa perfusion.

lavender haze
 

 Au début ça ressemblait à de simples crampes d’estomac. Des crampes qu’elle avait depuis une bonne semaine mais qui ne l’inquiétaient pas plus que ça, puisqu’elle buvait sans forcément manger grand chose et ce depuis un moment. Il y avait certainement de quoi contrarier son estomac, non ? Mais ce soir la douleur semblait plus prononcée, si bien que Jiyeon ne parvenait pas à cacher ses grimaces et que Kai fut rapidement inquiété. Elle frissonnait, avait l’impression désagréable que ses oreilles se bouchaient et bien vite la douleur était telle qu’elle ne pouvait retenir un grognement… Quelque chose n’allait pas, vraiment pas. Kai se tirait bien vite de sa place pour venir à ses côtés et sans prévenir Jiyeon s’écroulait.
Elle rouvrait les yeux, dans un état second, son esprit tantôt présent, tantôt totalement absent, alors qu’elle entendait au loin la voix de Kai et celle d’une inconnue. Des lumières rouges, une ambulance, et bien vite la froideur de l’hôpital qui la faisait frissonner de plus bel. On l’installait dans un lit et elle tentait de suivre ce qui se passait autour d’elle, luttant contre la lourdeur de sa tête qui ne semblait vouloir qu’une chose : s’écraser au fond de l’oreiller. Puis elle refaisait surface. Enfin. Elle avait toujours froid, mais la douleur, elle, semblait presque partie, ou en tout cas assez estompée pour que Jiyeon reprenne ses esprits.« Bon, Jiji, la prochaine fois, on laisse Hugo choisir l'hôtel parce que de nous deux, on fait pas top, » Kai était là et même si elle n’avait rien compris de ce qu’il venait de dire, elle était rassurée de le savoir à ses côtés. Son regard se portait sur sa perfusion, suivant le fil jusqu’à son bras, fronçant les sourcils. « Comment tu te sens ? » Son regard noir se reportait aussitôt sur Kai, le pauvre n’avait rien fait de mal. Au contraire, il était certainement la seule raison de sa présence ici, et non sur le sol crasseux du Saucibar. « ça va. » assurait-elle à mi-voix alors qu’elle se redressait laborieusement dans son lit et venait déjà posé sa main sur sa perfusion pour s’en débarrasser. « Eh tu fais quoi, là ? Non non non. Tu touches pas à ça. C'est pour que tu aies moins mal, pour que tu te sentes mieux. » Elle tentait de s’échapper de l’emprise de Kai mais sans grand succès. Elle grognait un peu avant de lâcher un soupire. « J’ai pas besoin de ça. » insistait-elle indiquant d’un geste vague la poche suspendue à sa gauche. « J’vais bien. » Et elle commençait déjà à se tirer du lit, laissant tomber ses jambes du côté gauche de celui ci, tournant ainsi le dos à Kai avant d’arracher cette foutue perfusion, qu'elle trouvait bien inutile, voyant plus ça comme une laisse la rattachant à ce lit, dont elle n'avait, selon elle, pas besoin, et de se mettre sur ses deux pieds. « Viens on rentre. » Equilibre précaire, elle se tournait vers Kai pour lui faire signe de la suivre.

Mon regard étudiait Jiyeon avec une profonde inquiétude. J'avais été témoin de la coréenne sous de multiples angles, au cœur d'innombrables circonstances plus ou moins atypiques et éprises de nombreux sentiments différents comme divergents. Néanmoins, percevoir mon amie allongée dans un lit constituait une innovation de laquelle je me serais bien passé et c'est avec un pincement au cœur que je reconnaissais la confusion étirer ses traits à son réveil. Spontanément, ma propre mémoire se calquait sur l'expression de la jeune femme, je rembobinais les horloges de mon histoire jusqu'à mon propre séjour hospitalier et ma prise de conscience dans un lit similaire tout aussi inconfortable et impersonnel au sein duquel je me sentais étrangement aussi vulnérable que dans cette sinistre et humide ruelle où j'avais été agressé.

Je soupirais doucement en captant le regard noir de l'influenceuse. Sa colère représentait à mes yeux la preuve que Jiyeon allait mieux et d'ailleurs, elle ambitionnait déjà de se redresser dans ce lit, ce que j'estimais encourageant. Un sentiment réconfortant qui se développa promptement de nouveau en un cuisant tracas lorsque je comprenais que la Park était déterminée à quitter le centre hospitalier. Tel un bambin, la jeune femme profitait de la distance qui nous séparait pour arracher sa perfusion et glisser ses jambes hors de son lit, malgré mes contrindications. Je me sentais alors tel un incapable, les gestes de Jiyeon bien trop rapides pour que je les interrompe totalement alors que l'urgence voulait que la brune se repose et accepte d'être soignée. « Viens on rentre. » « Jiji, essaye pas de te lever. Si t'es perfusée, c'est que y a une raison, » intervenait Noor rapidement en pressant sa main sur l'épaule de la vingtenaire pour l'imposer à demeurer sur le matelas. « Kai m'a dit que tu avais mal, et y a de quoi te soulager dans la perfusion. » Noor prenait place aux côtés de notre amie, caressant tendrement ses cheveux, reprenant avec brio son rôle de mama du groupe. Mes épaules s'affaissèrent, soulagé de la présence de l'architecte et j'indiquais : « Puis ça ne va pas te faire de mal de rester un petit peu ici. En plus, il faut attendre les papiers pour que tu puisses sortir, » j'indiquais dans le sens de Jiyeon, ne voulant pas attiser sa colère quand bien même je préférais qu'elle reste hospitalisée suite au malaise qu'elle venait de subir. Si j'avais été sommaire au téléphone en prévenant le reste de la bande, la jeune femme m'avait fichu une réelle frousse que je ne risquais pas d'oublier. Je tenais à m'assurer qu'elle aille parfaitement bien avant de quitter le centre hospitalier. « Qu'est-ce qui s'est passé, Jiji, pour que tu tombes HS comme ça ? Tu veux bien nous dire ? » Je questionnais doucement, ayant conscience que je remuais quelque peu le couteau dans la plaie. Certes, Jiyeon avait aimé Marceline, mais elle n'était pas à sa première rupture. Je soupçonnais que d'autres contrariétés et chagrins aient pu inciter notre meilleure amie à une telle déchéance, je m'inquiétais même de la mesure avec laquelle elle avait pu nuire à son état sous notre nez durant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Je me souciais de l'étendue de ses maux, physiques comme psychologiques, tout en sachant qu'il y avait une forte chance pour que l'on doive tirer les vers du nez de la Park pour qu'elle ose avouer ce qui pesait sur son cœur, tant soit peu elle y concède même. « On peut peut-être t'aider. J'aimerais bien qu'on t'aide à aller mieux, moi, » je déclarais, le cœur gonflé de sincérité, cherchant la complicité de Noor en lorgnant vers la trentenaire.

lavender haze
 

 Elle était prête à partir, rentrer à la maison, mais Noor arrivait pile à ce moment là et la forçait bien vite à se remettre au lit. « Jiji, essaye pas de te lever. Si t'es perfusée, c'est que y a une raison, » Jiyeon tentait de la repousser d’un coup d’épaule mais ses fesses se retrouvaient bien vite de nouveau posées sur le matelas de son lit.  « Kai m'a dit que tu avais mal, et y a de quoi te soulager dans la perfusion. » « J’ai plus mal. » assurait-elle. Et c’était vrai, dans l’immédiat, même s’il y avait un peu de sang là où elle avait arrachée sa perfusion, elle n’avait plus vraiment mal au ventre, simplement la tête qui tournait beaucoup, mais ça c’était l’alcool…right ? « Puis ça ne va pas te faire de mal de rester un petit peu ici. En plus, il faut attendre les papiers pour que tu puisses sortir,  » « J’ai pas besoin de papiers. Je rentre quand je veux, j'suis pas prisonnière, j’ai rien fait de mal. » ronchonnait-elle déjà, se rallongeant à contre coeur alors que des petites taches venaient brouiller sa vision. Elle clignait des yeux en fronçant es sourcils, avant de venir frotter ses paupières d’un revers de main maladroit, ruinant ce qui restait de son maquillage. Son coeur faisait de drôle de rebonds dans sa poitrine, c’était pas très agréable, mais elle n’avait pas envie de donner raison à ses amis et tentait de garder la face. « Qu'est-ce qui s'est passé, Jiji, pour que tu tombes HS comme ça ? Tu veux bien nous dire ?  » Elle échappait déjà un soupire agacée. « Rien. Il s’est rien passé, j’étais juste pas bien. » assurait-elle, croisant les bras sur sa poitrine, la mine boudeuse. « On peut peut-être t'aider. J'aimerais bien qu'on t'aide à aller mieux, moi, » « J’ai pas besoin d’aide, je vais très bien. J’ai juste un peu bu et j’étais fatiguée, c’est tout, ça arrive. » elle n’en démordait pas, se redressant de nouveau dans le lit pour s'assoir en tailleur. « Baisse de tension ou hypo je-sais-pas-quoi. Bref : c’est rien. Je rentre, je dors, je bois un redbull et c'est repartie. »

Je déglutissais amèrement tandis que mon coeur se serrait de constater Jiyeon affaiblie dans sur cet inconfortable lit d'hôpital. Une pointe de culpabilité me transperçait, lancinante, l'âme pendant que mon esprit se prêtait à un perfide jeu du conditionnel : et si j'avais empêché Jiyeon de boire davantage ce soir ? Et si j'avais remarqué qu'elle allait si mal ? Et si j'avais su voir qu'elle dégringolait dangereusement depuis plusieurs jours ? J'avais été témoin des membres de la bande en peine de coeur et la même thérapie opérait généralement : on se met une mine, on critique l'ex, on le menace et ça repart, un peu fébrilement au début, mais l'espoir de se remettre en couple ou de prendre son pied reprend peu à peu du poil de la bête. J'avais sous-estimé l'impact de Marceline sur le coeur de ma meilleure amie et je me sentais bien piètre d'avoir été si imperméables aux potentiels signes qui auraient pu révéler le mal-être de la vingtenaire.

« J’ai plus mal. » « Tu n'as plus mal justement parce que tu es perfusée. » Heureusement que Noor est présente et gère Jiji d'une main de maître car je me sens prodigieusement incapable de toute autorité sur notre amie. J'essaie de marchander avec elle, ayant l'impression d'être un parent trop laxiste face à une enfant qu'il a trop gâtée parce qu'il ne sait pas mieux faire pour assurer son bien-être. « J’ai pas besoin de papiers. Je rentre quand je veux, j'suis pas prisonnière, j’ai rien fait de mal. » « T'as rien fait de mal mais t'es pas un chien non plus. Ils ne laissent pas sortir les patients comme ça, ils te donneront bien au moins de quoi prendre contre la douleur si jamais elle revient quand tu seras chez toi, » je minimisais dans l'optique d'amadouer Jiyeon. « Jiji, laisse les médecins s'occuper de toi et décider quand tu seras prête à sortir. » « Vous m'avez forcé à rester dans cet hosto pendant plus d'une semaine, tu penses vraiment que t'as le droit de t'échapper en moins d'une heure ? Sois solidaire, un peu, » je tente avec humour. « Profite de l'expérience, ça te fera une story à sensations pour ton Insta, » j'ajoute, invitant avec optimisme la Park à voir le bon côté des choses à cette situation pourtant alarmante.

Lorsque j'essaie d'en comprendre plus sur les comportements qui ont conduit Jiyeon aux urgences cette nuit, je me heurte à un mur. J'échange des regards à la fois inquiets et entendus à Noor, notre complicité rendant les mots dérisoires. « On va attendre que les médecins reviennent et nous expliquent tout, ok ? Histoire qu'on soit sûrs de ce que tu as. » Je hausse les sourcils comme pour souligner la justesse des propos de la Guerrero auprès de Jiyeon. « Ca sera juste une histoire de quelques minutes. Ils passent souvent, ici, » j'invente spontanément. Lors de mon arrivée en trombe aux urgences, toute une équipe m'avait pris en charge et je n'avais été livré à moi-même qu'une fois transféré dans un autre service. Les soins, examens, tests et surveillances avaient été incessants dans ce même secteur, me donnant l'impression que rien n'allait plus chez moi, me procurant la sensation qu'on craignait me laisser seul quelques secondes malgré le fait que j'eus été scopé. Dans les autres unités d'hospitalisation, les allers et venus des soignants s'étaient faits de plus en plus espacés à mesure que mon état s'améliorait, ce qui n'avait assurément pas été pour me déplaire vu les souvenirs rattachés aux actes subis qui me faisaient encore grimacer en me revenant en mémoire, les circonstances actuelles s'apparentant aux conséquences de mon agression de décembre.

« Tu veux qu'on te nettoie le visage en attendant ? T'as l'air d'un panda là ! » Un rire nerveux fila entre mes lèvres. « Tu veux ton téléphone ? » Je proposais spontanément en tirant le smartphone que j'avais récupéré à la va-vite et qui reposait dans la poche de mon blouson. Assurément, je pariais que ce point ferait réagir la coréenne et nous gratifierait de quelques secondes, le temps que le bébé du groupe prenne connaissance de ses dernières notifications. « Ca t'est déjà arrivé, ce genre de malaise ? » Je m'entends ensuite questionner d'une voix blanche.

lavender haze
 

 « Tu n'as plus mal justement parce que tu es perfusée. » Gna, gna, gna. Non, Jiyeon n’avait plus mal parce qu’elle était très forte et résiliante ! Voilà tout ! « T'as rien fait de mal mais t'es pas un chien non plus. Ils ne laissent pas sortir les patients comme ça, ils te donneront bien au moins de quoi prendre contre la douleur si jamais elle revient quand tu seras chez toi,  » Ah, elle aimait ce qu’elle entendait là : rentrer chez elle. Oui, c’était tout ce qu’elle retenait de ce que venait de dire Kai, parce que c’était ça qu’elle voulait : retrouver la bordel de sa chambre et son lit. Mais Noor avait l’air d’un tout autre avis. « Jiji, laisse-les médecins s'occuper de toi et décider quand tu seras prête à sortir. » Good cop, bad cop. Jiyeon échappait un soupire agacée en laissant son dos se reposé contre le matelas du lit qui était légèrement redressé en position assise. « Vous m'avez forcé à rester dans cet hosto pendant plus d'une semaine, tu penses vraiment que t'as le droit de t'échapper en moins d'une heure ? Sois solidaire, un peu,  » « Non mais c’est different, toi t’étais mal en point. » rétorquait-elle. Oui et elle, elle allait vraiment très très bien… clairement ! « Profite de l'expérience, ça te fera une story à sensations pour ton Insta, » « Pas question de poster ça sur insta. » ronchonnait-elle déjà en croisant les bras sur sa poitrine, une moue boudeuse sur le visage. Ça allait simplement inquiété tout le monde et il n’y avait pas grand chose de glamour dans cette fin de soirée. « On va attendre que les médecins reviennent et nous expliquent tout, ok ? Histoire qu'on soit sûrs de ce que tu as. » Un énième soupire franchissait ses lèvres. « Ok… » concevait-elle, non sans avoir tout de même envie d’insister sur le fait qu’elle allait bien et n’avait rien de grave. Fatigue, plus alcool et la bouffe du saucibar : c’était rien de plus. Une malencontreuse combinaison qui l’avait rendu un peu malade. « Ça sera juste une histoire de quelques minutes. Ils passent souvent, ici,  » Jiyeon levait les yeux au ciel, déjà agacée de devoir attendre. « Tu veux qu'on te nettoie le visage en attendant ? T'as l'air d'un panda là ! » Jiyeon reposait son regard sur Noor, surprise. « Un panda ? » répétait-elle, venant machinalement frotter le dessous de ses yeux pour voir, en effet, du noir apparaitre sur le bout de ses doigts. « J’peux pas partir comme ça, c’est vrai. » notait-elle très sérieusement, frottant de plus belle ses cernes dans l’espoir de faire partir le maquillage qui avait coulé. « Tu veux ton téléphone ?  » Elle hochait déjà la tête, tendant sa main droite vers Kai pour qu’il dépose son précieux smartphone dans le creux de sa main. Elle ouvrait son samsung, laissant déjà glisser son pouce sur l’écran tactile pour faire défiler les notifications, lisant rapidement ses messages. « Ça t'est déjà arrivé, ce genre de malaise ?  » « Oui. C’est rien. » répondait-elle d’un air détaché avant de relever le nez de son téléphone pour poser son regard fatigué sur Kai. « T’es de la police maintenant ? Tu poses beaucoup de question je trouve. » ronchonnait-elle déjà, reportant son attention sur son téléphone. « Marceline a vu ma dernière story. » notait-elle. « En fait, elle m’aime trop. » concluait-elle en refermant son téléphone, le tendant à Noor, trouvant Kai bien trop curieux ce soir pour lui confier de nouveau son précieux téléphone. « T’as du maquillage sur toi ? Que je fasse un ravalement de façade avant de rentrer. » demandait-elle à Noor. Oui, elle était bornée, vraiment, encore saoule et fatiguée, elle voulait simplement récupérer ses affaires et aller se coucher dans son lit. « Ou toi ? » poursuivait-elle en se tournant vers Kai. Il avait bien du maquillage lui non ? Elle rouvrait la bouche, prête à sortir une énième bêtise, mais aucun mot ne sortait d’entre ses lèvres, alors qu’elle sentait sa tête tourner assez violemment. « Wow… » soufflait-elle. « Hugo a dû mettre un truc dans ma bière c’est chelou… » notait-elle alors qu’elle avait l’impression de sentir comme un vide dans sa poitrine alors qu'enfin, un médecin reportait le bout de son nez.

Les arguments que Noor et moi utilisions afin de convaincre Jiyeon de prendre son mal en patience et d'accepter les soins contre les maux qui l'avaient anéantie sur le sol du Saucibar relevaient de divergentes stratégies. Néanmoins, leur combo sembla fonctionner car la coréenne se résigna à s'allonger de nouveau sur le matelas de son lit médicalisé, non sans pousser un profond soupire. Un sourire à la fois satisfait et amusé étira la commissure de mes lippes tandis que je m'évertuais à gagner du temps en minimisant sa présence dans le centre hospitalier. « Non mais c’est différent, toi t’étais mal en point, » osa-t-elle rétorquer lorsque j'invoquais la solidarité quand j'avais moi-même dû demeurer hospitalisé des jours durant et qu'aucun membre de la bande n'avait voulu obtempérer à mes désirs que je quitte rapidement l'établissement de santé. « C'est un peu l'hôpital qui se fout de la charité, là, bae, » je narguais gentiment. Relater sa mésaventure sur Instagram s'avéra par la suite proscrit et Jiyeon se prostra dans son lit, boudeuse.

J'échangeais un regard entendu avec Noor qui, véritable mama du groupe, revenait à l'essentiel de notre présence au St Vincent's. Jiyeon se montra plus conciliante, avant de s'animer à ne plus s'apparenter au panda que lui décrivait Lyb et de manipuler avec dynamisme son téléphone que je lui rendais. Je considérais l'influenceuse quelques instants puis je la questionnais sur l'éventuelle récurrence de cet alarmant malaise. « Oui. C’est rien. » Son ton détaché me figea sur place. Jiji maîtrisait-elle si peu ses limites ? Nuisait-elle si dangereusement, effrontément, à sa santé ? Depuis quand jouait-elle avec le feu de la sorte ? Se moquait-elle tant d'elle-même ? « T’es de la police maintenant ? Tu poses beaucoup de questions je trouve. » « J'm'inquiète, Ji, c'est tout. Je tiens à toi, je veux que t'ailles bien, » je rappelais en haussant les épaules. Lorsque Marceline fut évoquée, je ne pus m'empêcher d'afficher une mine agacée. « Arrête de penser à Marceline, Jiji. Tu te fais du mal pour rien, » raisonna avec justesse Noor. Le smartphone de Jiyeon lui fut confié pendant que je ruminais contre la star. Certes, la jeune femme n'avait pas incité Jiyeon aux abus et mon amie n'était pas innocente dans leur rupture mais je savais que son souvenir la faisait encore souffrir et je détestais être témoin de la douleur d'une de mes meilleurs amies.

« T’as du maquillage sur toi ? Que je fasse un ravalement de façade avant de rentrer. Ou toi ? » Je cligne, incrédule face à un tel affront qui vient enflammer avec tant de fulgurance mes nerfs que j'en lance un « ta gueule » qui ne me ressemble assurément pas et que je regrette bien vite. Je ne fais d'ordinaire jamais dans la vulgarité et encore moins m'adresse-je ainsi à l'une de mes proches. Cepedant, entre l'émotion de son malaise, la culpabilité d'avoir été si aveugle devant la mesure de son mal-être, et cette peine de coeur qui n'en finissait pas, telle une bombe à retardement, titiller mes secrets composait quelque peu la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Je savais que Jiyeon ne pensait pas à mal mais si j'étais aussi expressif qu'elle, j'arborerais probablement une mine boudeuse et vexée en ce moment. « Wow… » fit l'infortunée en défaillant, ce qui me fit me maudire davantage intérieurement. « Hugo a dû mettre un truc dans ma bière c’est chelou… » Au moins, elle ne m'en jugeait pas responsable, quand bien même notre bro avait le dos large, sur ce coup-là. Jiyeon ferma les yeux, manifestement de nouveau KO. « Quelqu'un a mis quelque chose dans son verre ? » « Non ! » je défendais en sursautant, n'ayant pas aperçu le médecin dans la pièce. Noor réponda plus posément : « Non, Hugo est notre ami et il aurait jamais fait ça. Il devait même plus être au bar quand Jiyeon a fait son malaise ? » J'acquiesçais. « Les verres ne sont pas truqués. Quand Jiyeon se rendait au bar, Hugo la servait. J'aurais vu si quelqu'un aurait mis quelque chose dans son verre qui était à notre table vu que j'ai pas bougé de la table. » Je pensais néanmoins à cette flasque que Jiyeon avait sur elle, torturé par le dilemme de trahir mon amie face à ce docteur. « Vous avez trouvé quelque chose dans ses analyses ? » « Qu'est-ce qu'elle a, Jiyeon ? Elle va pouvoir rentrer rapidement ? » « Une pancréatite, sans doute consécutive à une trop forte consommation d'alcool ces derniers mois. Il va falloir qu'on soigne son pancréas, mais aussi sa dépendance. » Les mots pancréatite et dépendance résonnèrent de manière lancinante dans ma boîte crânienne. Des termes forts, inquiétants, que je n'aurais jamais soupçonnés attribuer à quiconque de notre bande, comme si nous étions imperméables à la maladie, invulnérables et immortels. J'étais à deux doigts de mettre en doute la parole du praticien, de commenter qu'il y allait peut-être un peu fort, de penser fortement qu'il grossissait les traits pour se protéger. Néanmoins, force était de constater que la Park se portait véritablement pauvrement sur son brancard, sa silhouette amaigrie et enfoncée dans le matelas pourtant si peu moelleux, son visage livide aux traits tirés par la fatigue et l'excès. Sans sa répartie et sa vivacité d'esprit, le masque de Jiyeon tombait et sa véritable nature physique et psychique se voyaient révélées. « Ca va prendre combien de temps ? » Je demandais, d'une voix blanche. « Elle pourra se faire soigner ici ? » Soudain, je redoutais que son frère la renvoie illico presto en Corée, loin de nous. Mes pupilles restèrent plantées sur la silhouette de la vingtenaire, la nouvelle m'accablant tout en m'érigeant amèrement au rôle d'un bien piètre ami qui me faisait honte. « Est-ce qu'on peut faire quelque chose pour l'aider ? » J'ajoutais, plein d'espoir, même lorsqu'une petite voix me répétait que j'en avais probablement bien assez fait comme ça, que je n'étais pas une influence adéquate, vu l'état actuel de Jiji. Lorsque nous furent de nouveau trois dans la chambre, j'annonçais à Noor : « J'ai pas prévenu son frère. J'ai pas pensé que ça serait si grave. » Je me mordillais nerveusement la lèvre inférieure. Assez sérieux pour lancer un SOS aux five, oui, mais pas assez dramatique pour considérer que Jiyeon aurait besoin d'aide extérieure à la bande. Désormais, il apparaissait toutefois indispensable d'informer le Park de la présence de sœur à l'hôpital. La fratrie vivait ensemble et Jiyeon serait hospitalisée selon les dires de l'urgentiste plusieurs semaines - impossible qu'elle ne rentre pas à son domicile plusieurs jours consécutifs sans que son aîné ne se fasse un sang d'encre. « Tu penses qu'il faudrait l'appeler maintenant ? Ou laisser Jiyeon le prévenir elle-même quand elle se sentira mieux ? »

lavender haze
 

POV le frangin Park (qu’on va appelé Soobin, pour l’occasion)
La sonnerie de son portable l’avait tiré d’un profond sommeil. Pour une fois que tout était calme chez lui, que Jiyeon n’était pas là à foutre le bordel, voilà qu’on le sonnait au milieu de la nuit. Il gardait toujours son téléphone sur sonnerie lorsque Jiyeon n’était pas à la maison, par simple sécurité… celle ci oubliant bien souvent ses clefs. Il attrapait le smartphone dans un grognement, se frottant les yeux avant de rapidement tapoter sur son écran pour décrocher. Au bout du fil ce n’était pas Jiyeon, ni même madame Park en déplacement à l’étranger et qui aurait oublié la simple notion de décalage horaire. Non. C’était Noor. La pote de Jiyeon, celle avec laquelle sa petite-soeur avait longuement essayé de le caser. Et ce qu’elle lui annonçait, à mi-mot, suffisait à le tirer du lit. Sa soeur était à l’hôpital. Il n’avait pas vraiment pris le temps d’écouter en détail ce que Noor avait à dire, il avait coupé court à l’appel, annonçant simplement être en chemin. Il avait rapidement enfilé un pantalon, un manteau et ses chaussures avant d’attraper ses clefs et de presser le pas en direction du parking souterrain. Il grimpait à bord de sa jeep, faisant gronder le moteur, accélérant pour arriver le plus vite possible à St Vincent.
Il avait bien du mal à caché la panique qui l’habitait, se garant rapidement, courant jusqu’à l’accueil interpellant la jeune femme derrière son bureau. « Je viens voir ma soeur. » avait-il lâché, comme si elle allait pouvoir lire dans ses pensées et savoir de qui il s’agissait. Après quelques échanges, on lui indiquait le chemin des urgences et c’était la boule au ventre qu’il s’y rendait, le pas rapide, les mains moites qu’il essuyait nerveusement sur le vieux t-shirt de pyjama qu’il portait sous son manteau ouvert. Il repérait enfin l’un des amis de Jiyeon. Kai, un grand brun, peut-être plus sympathique et raisonnable que le reste de la bande, mais qui n’en restait pas moins une sale influence sur sa soeur. Noor était là aussi, puis Jiyeon. Il s’approchait du lit, attrapant la main de sa soeur. Elle l’aurait certainement envoyé balader d’un coup si elle était consciente, mais visiblement la frangine n’était plus trop là. « Qu'est ce qu'il c'est passé ? » avait-il lâché sans quitter des yeux sa soeur. C’était étrange de la voir comme ça. Elle était pâle, oui, mais pas comme d’habitude, son teint était cireux, rien de très joli. Le médecin, que Soobin avait à peine remarqué en débarquant, expliquait la situation. Pancréatite, dépendance à l’alcool. Soobin tombait de haut. Il savait bien que Jiyeon était fêtarde (et que ses amis l’entrainaient avec elle aussi) mais il n’avait pas remarqué qu’elle était tombée si bas. Il n’avait rien vu. Il se sentait bête. En même temps elle ne lui disait jamais rien, elle parlait parfois beaucoup, mais pour ne rien dire, jamais des conversations bien sérieuses. Les confidences : très peu pour elle. Il vivait un peu avec une inconnue. Le médecin repartait déjà, laissant Soobin avec pleins de questions. Il sortait son smartphone de sa poche : « Je vais appeler ma mère. » notait-il dans un soupire. Il n’avait pas envie d’en arriver là, il savait bien que Jiyeon ne voudrait pas voir maman Park débarquer ici, mais il n’avait pas l’impression d’avoir le choix. Il fallait qu’elle sache, que Jiyeon rentre en Corée pour être surveillée de près. Il ne pouvait pas et ne voulait pas être responsable d’elle. « Vous deux, je n’veux plus vous voir avec elle. » ajoutait-il, fusillant du regard les deux amis, avant de reporter son attention sur l’écran de son téléphone. « Et ça va pour les deux autres aussi. Hugo et Dani. Vous la tirez tous vers le fond. » concluait-il froidement. Il cherchait le numéro de sa mère dans son téléphone, les mains un peu tremblantes, tout en secouant lentement la tête, soupirant de plus belle. Il sentait une pointe de colère monter alors qu’il reposait rapidement ses yeux sur sa soeur.

Prendre connaissance du diagnostic de Jiyeon alors que cette dernière reposait inconsciemment sur son lit d'hôpital teintait de nuances cauchemardesque cette nuit épouvantable. Je passais une main dans mes cheveux, la mine horrifiée, mitraillant de questions le médecin tout en m'appliquant à retenir au mieux les indications qu'il nous livrait, à Noor et à moi. J'acquiesçais discrètement lorsque l'urgentiste nous invitait à épauler et accompagner Jiyeon dans sa convalescence, quand bien même je redoutais amèrement les jours voire semaines à venir. J'échangeais un regard soucieux avec Noor, m'enquérant déjà d'un plan de match afin de m'éviter de sombrer dans la panique de la gravité de l'état de la coréenne qu'il me crevait le coeur de voir ainsi. Par ailleurs, la culpabilité se voulait lancinante dans l'entièreté de mon organisme. Comment avais-je pu être si aveugle face à la dégradation effarante de l'état de Jiji ? Certes, la vingtenaire ne s'épanchait jamais sur ses émotions, mais n'était-il pas misérable d'avoir été berné sur la naissance de cette addiction ?

« Ok, » je soupirais doucement à l'attention de Noor qui s'éloigna pour contacter le frère de la Park. Pendant sa communication téléphonique, je me sentais horriblement seul auprès de Jiyeon, n'osant plus l'approcher, craignant être en partie responsable de sa déchéance et de constituer un bien piètre ami pour l'influenceuse. Je me répétais les conseils du médecin, ces pistes qu'ils nous avaient données pour jouer un rôle dans sa convalescence, telle une chanson douce pour apaiser mes remords.

« Je bosse demain, je viendrais la voir à mes pauses, » j'informais Noor lorsqu'elle m'eût rejoint, conscient que l'architecte serait également présente pour notre amie commune. Je détachais mon regard du portrait livide de la patiente et je soupirais doucement en lisant la mine déconfite de Noor. Je pressais doucement ma main sur son épaule, caressais affectueusement son dos. « Son frère arrive ? Ca s'est pas trop mal passé au téléphone ? »

Rapidement, l'aîné Park débarqua dans la pièce, la colère menaçante : « Qu'est ce qu'il s'est passé ? » « Jiyeon a fait un malaise, » j'expliquais sommairement avant que le docteur ne prenne le relai. Je grimaçais en l'entendant déclarer qu'il préviendrait leur mère, certain que Jiyeon détesterait ce fait, puis je soutenais froidement son regard quand il nous pria de débarrasser le plancher. « C'est pas de notre faute, » je défendais, mâchoire serrée, quand bien même je m'en voulais de n'avoir su préserver Jiyeon d'une telle finalité. Je me retenais difficilement de lui promettre que nous n'abandonnerions pas la Park sous ses ordres, conscient que Soobin devait être mort d'inquiétude pour sa cadette et qu'il n'était ni le moment ni le lieu d'entrer en conflit avec lui. Le coréen soupira en scrollant sur son téléphone et quand je l'entendais parler dans sa langue maternelle, je cherchais à capter le regard de Noor avant de sortir de la pièce. « Tu veux rentrer ou rester encore un peu ici ? » Je la questionnais dans le couloir.