Go to hell

    @Penelopeia Harrison   ft. Marley Lynch

Le changement. C'était ce qui régissait désormais la vie de Lynch. Tout était en perpétuelle évolution. Elle avait changé ses habitudes, avait tenté de transformer les plus néfastes en quelque chose de plus positif. Elle ne mettait plus les pieds dans un bar, ne buvait plus, si ce n'était une bière avec un ami – et  encore la plupart du temps elle refusait – à la place elle allait courir. Elle se dépensait physiquement, tentant de muscler son corps tout en se vidant l'esprit. Elle avait troqué ses tenus vestimentaires trop courtes, trop moulantes, trop décolletées, contre des vêtements plus amples, plus discrets, moins tape-à-l’œil. Son maquillage était aussi plus discret tout comme ses passages à droite à gauche. Ceux qui la connaissaient vraiment avaient parfois du mal à la reconnaître tant le changement était visible. Certains pensaient qu'elle s'était apaisée, qu'elle avait enfin mis de l'ordre dans sa vie, d'autres voyaient bien que quelque chose clochait sans véritablement comprendre de quoi il en retournait. La jeune femme souriait et s'obstinait à dire que tout allait bien lorsqu'on lui posait la question. La vérité était tout autre. Encore traumatisée par l'agression qu'elle avait vécue un mois plus tôt, la jeune femme peinait à reprendre réellement pieds, à sortir définitivement la tête de l'eau. Jackson l'avait sauvée. Il lui avait donné la force de se battre, les techniques pour pouvoir se défendre, le courage de ressortir de chez elle. Cela avait été difficile, éprouvant aussi bien physiquement que mentalement, mais elle avait l'impression d'en être sortie grandie. Grandie mais seule. Leur dernier entraînement avait été houleux. Il l'avait volontairement faite dégoupiller, la poussant sans relâche dans ses retranchements jusqu'à atteindre son point de rupture. Elle avait totalement vrillé, s'était acharnée sur lui, l'avait roué de coups. Rien ne l'avait arrêtée si ce n'était le sang qui avait giclé hors de sa lèvre. Elle ne s'était pas reconnue et avait pris peur. La suite des événements n'avait pas été meilleure. Une chose en entraînant une autre, Marley et Jackson semblaient avoir tiré une croix sur leur histoire. Désormais c'était chacun de leur côté qu'ils évolueraient, qu'ils vivraient. Même si cela lui brisait le cœur, la métisse avait conscience que c'était la meilleure chose à faire.

Elle prenait donc les jours un par un, ne se projetait pas, vivait l'instant présent. Petit pas par petit pas. C'était ainsi qu'elle avançait. Elle avait l'impression d'être devenue une funambule et de ne plus savoir comment vivre sans tomber ou se faire mal. Elle survivait plus qu'elle vivait d'ailleurs. A n'importe quel moment elle pouvait à nouveau basculer, elle le savait pertinemment. Choisissant de ne pas trop se mettre la pression, la maquilleuse avançait par étape. Celle d'aujourd'hui consistait à changer de coupe de cheveux. C'était un moyen pour elle de repartir à zéro. Se regarder dans un miroir depuis son agression était quelque chose qu'elle avait du mal à faire. A chaque fois qu'elle croisait son reflet elle sentait une boule d'angoisse gonfler sa poitrine. Peut-être qu'en changeant de tête elle parviendrait à se regarder avec plus de facilité. C'était là-dessus qu'elle misait lorsqu'elle poussa les portes du salon de coiffure. Elle salua les coiffeuses ainsi que les clientes et attendit son tour. Lorsque ce fut le cas elle alla s'installer vers les bacs à shampoing. Elle ferma les yeux et tenta de se laisser porter par la douceur de la professionnelle qui lui massait le crâne. Alors que son corps se détendait peu à peu, elle entendit la porte s'ouvrir et une voix saluer l'assemblée. Ses sourcils se froncèrent instantanément lorsqu'elle crut reconnaître la voix de Penelopeia. Les yeux clos, Marley n'osait pas les rouvrir de peur de voir la réalité apparaître sous son nez. Son imagination devait lui jouer des tours, ce n'était pas possible autrement. La voix de la coiffeuse la tira de ses pensées lorsqu'elle lui demanda : « Et vous faites quoi dans la vie ? » Lynch se mordit l'intérieur de la joue pour ne pas soupirer. C'était ce qu'elle supportait le moins lorsqu'elle se rendait chez le coiffeur : être obligée de faire la conversation alors qu'elle n'en avait pas la moindre envie. Elle finit néanmoins par répondre d'une voix polie : « Je suis maquilleuse professionnelle. » Elle marqua une courte pose, assez pour sentir que quelqu'un s'installait dans le bac à côté du sien et poursuivit : « Je travaille pour la télévision, le cinéma, le théâtre, en bref le monde des paillettes. » un fin sourire étira ses lèvres. Si ces derniers temps travailler était plutôt compliqué, elle adorait toujours autant son métier. C'était d'ailleurs la seule chose constante dans sa vie actuelle.   

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    @Penelopeia Harrison   ft. Marley Lynch

La tête dans le bac, Marley avait les yeux clos et essayait de se détendre un maximum. Si elle avait du mal à laisser quelqu'un la maquiller, ce n'était pas la même chose concernant ses cheveux. Elle avait une confiance aveugle en la coiffeuse et ne doutait pas que le résultat serait à son goût. Le massage crânien lui faisait plus de bien qu'elle ne se l'était imaginé, son corps se détendant un peu plus à chaque pression exercée sur sa tête. Elle fronça néanmoins les sourcils lorsqu'elle entendit quelqu'un rire à peu à proximité d'elle. Elle avait la désagréable sensation que Penelopeia Harrison se trouvait à quelques centimètres d'elle. Sans doute était-ce son imagination qui lui jouait des mauvais tours. Perpétuellement sur ses gardes et sur le qui-vive, la métisse s'imaginait sans doute le pire. Et quoi de pire que de se faire coiffer durant des heures à côté d'une femme qui vous insupporte ? Elle tenta de chasser sa paranoïa qui avait le mauvais goût de toujours apparaître lorsqu'elle ne s'y attendait pas.

Elle commença donc à faire la discussion avec sa coiffeuse. Si elle l'avait d'abord fait à contre-coeur, elle s'était ravisée. Parler lui changeait les idées et l'empêchait de ruminer ou de se faire des films. Alors qu'elle venait d'informer sa coiffeuse sur le métier qu'elle exerçait, celle-ci lui dit alors : « C’est vrai qu’on a beaucoup de personnes au salon qui travaillent dans cette industrie. Bah… Penelopeia, notamment, est un bon exemple. » Les doigts de Marley se crispèrent sur ses cuisses tandis qu'elle prenait sur elle pour ne pas bondir hors de la chaise. Elle n'avait donc pas rêvé, la voix et le rire qu'elle avait entendus appartenaient bien à l'autre garce. Les lèvres pincées, Marley tentait de calmer ses nerfs qui étaient prêts à la faire démarrer au quart de tour. Ce fut encore plus difficile pour elle de se contenir lorsque la productrice eut le toupet de lui dire : « Ravie d’entendre que tu n’as pas été traumatisée par la télévision du coup. Et que tu continues de persister dans ce milieu. C’est … une bonne chose, j’imagine. ». Cette fois-ci la maquilleuse ouvrit les yeux, elle attendit que sa coiffeuse ait rincé ses cheveux et mis une serviette autour de sa tête avant de tourner son visage en direction de la blonde : « La télévision oui, les vulgaires émissions de télé réalité, très peu pour moi désormais. » Son ton avait été sec. La présence de Penelopeia allait à l'encontre des objectifs qu'elle s'était fixée pour la journée : Prendre soin d'elle et de sa santé mentale. Tout chez la blonde l'énervait : Son air supérieur, ses mimiques, ses attitudes de diva, même sa couleur de cheveux. Le ton qu'elle avait employé et les mots qu'elle avait choisis contrariaient profondément Lynch. Elle n'avait pas besoin de « persévérer » comme l'autre aimait le faire entendre. Elle était douée dans ce qu'elle faisait et désormais c'était elle que l'on contactait lorsqu'un tournage avait lieu. Ainsi elle s'était retrouvée à travailler sur une série dont la vedette n'était autre que Mabel Griffiths ou encore sur une autre où l'actrice Heather Harris avait fait un passage. Marley aurait pu aller plus loin dans ses propos mais elle n'avait aucune envie de créer un scandale entre ces murs. Elle finit par détourner son attention et s'apprêta à suivre sa coiffeuse devant le miroir qui serait le sien pendant quelques heures mais finit par souffler en direction de Penelopeia : « Après je comprends que tu bosses là-dedans, ce genre de programmes rapporte de l'argent. » Cela pouvait paraître comme une simple constatation, mais Penelopeia la connaissait assez bien pour savoir qu'une pique se glissait derrière ses mots.

Finalement Marley alla s'installer. Lorsqu'elle croisa son reflet, elle sentit un long frisson parcourir son échine. Son cœur battait plus vite et une angoisse certaine commençait à gonfler sa poitrine. Elle détourna le regard et demanda à sa coiffeuse : « Vous pourriez recouvrir le miroir ? ». Sa voix était plus fragile qu'elle ne l'avait été quelques instants auparavant. La coiffeuse acquiesça en souriant : « Bien sûr ! Vous n'êtes pas la seule cliente à vouloir garder l'effet de surprise pour la fin ! ». Marley se pinça les lèvres et esquissa un léger sourire. Elle aurait tellement voulu que ce soit le cas plutôt que d'être incapable de poser son regard sur sa propre personne...

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    @Penelopeia Harrison   ft. Marley Lynch

TW. Vulgarité.

Comme toujours lorsque les deux femmes se retrouvaient dans la même pièce, la tension était électrique. Ni l'une ni l'autre ne supportait la présence de l'autre. C'était devenu viscéral et Marley était persuadée que cela ne changerait jamais. Aussi têtue et fière l'une que l'autre, aucune des demoiselles ne semblait vouloir rendre les armes ou mettre de l'eau dans son vin. Les attaques étaient sournoises, parfois frontales, mais toujours bel et bien présente. La maquilleuse constata que la productrice devait penser la même chose qu'elle puisque cette dernière ne put s'empêcher de répliquer : « Tout ça parce que tu es incapable de réussir dans autre chose que tes petites apparitions… Si tu n’arrives pas à saisir l’essence de cette industrie, tu peux garder tes jugements pour toi. » Marley n'avait rien dit, s'était contentée de lever les yeux au ciel tout en poussant un long soupir. « L'essence de l'industrie » ? C'était d'un pathétique. Ce que faisait Penelopeia consistait à manipuler des jeunes à la santé mentale souvent fragile qui ne cherchaient qu'à avoir leur petit moment de gloire. Elle se servait d'eux comme de vulgaires marionnettes, les mettait en scène, leur faisait miroiter monts et merveilles pour au final les abandonner à leur triste sort une fois l'émission terminée. Si c'était ça la vision que Penelopeia avait de la télévision c'était bien triste mais cela n'étonnait guère la métisse. Marley avait néanmoins ricané lorsque la productrice avait insisté sur l'argent. Son attaque ne la blessait pas parce qu'elle se trompait sur toute la ligne. Si la maquilleuse avait de nombreux défauts, l'avarice n'en faisait pas partie. Bien sûr elle aimait avoir de l'argent sur son compte en banque mais il s'agissait plus de se sentir en sécurité qu'autre chose. Lynch savait combien la vie pouvait être difficile lorsque l'on se retrouvait à devoir compter le moindre centime. Elle l'avait vécu lorsqu'elle était enfant puis adolescente. En grandissant, elle avait appris à se gérer, à gérer ses finances. Elle ne roulait clairement pas sur l'or mais elle n'était certainement pas à plaindre.

Installée devant ce miroir dont la vue lui hérissait le poil, Marley avait momentanément oublié la présence de la blonde. Bien trop concentrée pour ne pas s'effondrer face à son simple reflet, la jeune femme tentait de calmer sa respiration. Elle avait ressenti un soulagement lorsque la coiffeuse lui avait dit qu'il n'y avait aucun problème pour le cacher mais ce soulagement laissa rapidement place à la colère en entendant Penelopeia la ramener : « Pourquoi tu ne veux pas voir ton reflet ? T’as peur de découvrir quelque chose qui ne te plairait pas ? ». Les ongles de la brune s'enfoncèrent dans ses cuisses alors que sa mâchoire se contractait si fort qu'elle n'était pas sûre de pouvoir la desserrer un jour. La maquilleuse garda le silence mais ce fut trop lorsque l'autre poursuivit : « C'est vrai qu'il est dur de se confronter à la réalité parfois. » Son sang ne fit qu'un tour tandis qu'elle se relevait subitement. Sa tête se mit à tourner quelque peu alors qu'elle approchait rapidement de la jeune femme toujours assise. Elle pointa un doigt dans sa direction et siffla entre ses dents : « Ferme ta gueule. Ferme ta putain de gueule ! ». Un silence glacial s'abattit sur le salon de coiffure alors que plus personne ne bougeait. Marley était hors d'elle comme le prouvaient ses mots ainsi que son regard noir. « Tu sais pas de quoi tu parles. » Tout son corps tremblait et la jeune femme prenait sur elle pour ne laisser aucune larme apparaître aux coins de ses yeux. Elle savait que Penelopeia se réjouissait de la voir dégoupiller ainsi et elle refusait de lui donner plus de satisfaction. La poitrine de Marley se soulevait de plus en plus vite alors qu'elle avait à nouveau l'impression de sentir les doigts de son agresseur sur ses cuisses. « T'en vaux même pas la peine » murmura-t-elle.

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    @Penelopeia Harrison   ft. Marley Lynch

La violence des propos tenus par Marley, la puissance avec laquelle elle les avait balancés, son corps qui tremblait, son regard qui n'avait de cesse de s'assombrir alourdissaient l'ambiance du salon de coiffure. La métisse avait presque l'impression de suffoquer, comme s'il n'y avait pas assez d'air dans la pièce pour remplir ses poumons. Si elle venait littéralement de perdre son calme et d'exploser elle ne s'était pas attendue à ce genre de réaction de la part de Penelopeia. Elle l'avait imaginée exploser de rire, se montrer encore plus acerbe et méprisante mais au lieu de ça elle sembla vexer. L'image qu'elle renvoyait au reste du monde semblait primer sur tout le reste puisque sèchement elle lui demanda : « Qu’est ce que tu viens de dire ? » La mâchoire toujours serrée Marley avait sifflé un : « T'as très bien compris. ». Si elle le souhaitait réellement, la maquilleuse pouvait réitérer et lui demander une nouvelle fois de fermer sa grande gueule. Contrairement à la productrice, Lynch n'en avait que faire de sa réputation ou de ce qu'on pourrait penser d'elle. Elle assumait ses propos, ses pensées et n'avait absolument pas peur de montrer qui elle était réellement. Soudain, la blonde se leva et s'approcha d'elle. Marley ne cilla pas, ne fit aucun mouvement de recul. Plus personne ne bougeait autour d'elle. Aucune coiffeuse, aucun client n'osait bouger le moindre orteil ou prononcer le moindre mot. « Mais, et toi Marley ? T’es qu’une pauvre fille. Tu ne sais rien de moi, de ma vie. » Un sourire amer glissa sur le visage de la métisse. Non elle ne savait rien et elle s'en foutait royalement. Elle n'avait aucune envie d'en apprendre plus sur cette femme qui n'avait aucune dignité et qui était prête à écraser les autres pour réussir. Se servir de jeunes dans des émissions malsaines montrait l'ampleur de son caractère détestable. Le visage de la blonde n'était désormais plus qu'à quelques centimètres du sien et lorsqu'elle lui cracha dans un rire méprisant : « Ce que je sais, c’est que je n’ai pas autant de démons à combattre que toi » Marley sut qu'elle n'était définitivement pas quelqu'un de bien. Ce qu'elle venait de dire laissait entendre qu'elle aussi avait vécu des moments difficiles, qu'elle aussi avait du se battre contre quelque chose qui la rongeait, qui l'avait faite souffrir, pourtant au lieu de faire marche arrière, de s'arrêter là, elle avait choisi de continuer à appuyer sur les plaies de Marley. Qui faisait cela ? Qui agissait avec si peu de compassion et d'empathie ? La maquilleuse était écoeurée. Elle n'avait désormais plus du tout envie de pleurer, elle avait simplement envie de rabattre le caquet à cette femme qui se croyait toute puissante alors qu'elle n'était rien. Rien qu'une sombre merde.

Sa remarque sur l'ambiance agaça Marley qui l'observa retourner jusqu'à son fauteuil comme si rien de tout cela n'avait eu lieu, comme si elle n'avait pas été affectée par les mots, par les insultes et par les propos tenus. La métisse fit de même, elle fit demi-tour et la poitrine serrée retourna jusqu'à son fauteuil. Elle n'eut pas vraiment le temps de s'asseoir qu'elle entendit l'autre marmonner : « Complètement tarée ». Ses doigts se crispèrent sur le siège, son sang ne fit qu'un tour. Elle hésita de longues secondes, les yeux clos, elle prenait sur elle pour ne pas lui coller son poing dans le nez. Elle savait se battre désormais et elle ne doutait pas qu'avec la force qu'elle avait gagnée elle réduirait sans peine le nez de la blonde en charpie. Lorsque ses paupières se soulevèrent, elle croisa le regard déstabilisé de sa coiffeuse qui ne savait pas quoi faire. Cela eut le mérite de la calmer un peu, puisque choisissant de ne pas aggraver la situation, Marley se réinstalla. La coiffeuse avait beau essayer de détendre l'atmosphère, cela ne fonctionnait pas. Lynch ruminait. Elle n'avait envie que d'une seule chose : se casser d'ici. Dans d'autres circonstances elle l'aurait fait mais elle ne voulait pas donner satisfaction à Penelopeia. Elle tenta de détendre son corps mais c'était peine perdue. Sa coiffeuse se pencha discrètement à son oreille, trop curieuse sans doute, pour lui demander d'où les deux femmes se connaissaient. Marley qui n'avait rien à cacher lui répondit calmement : « Elle est productrice de l'émission Le Bachelor. J'étais maquilleuse sur le tournage. » A cette pensée, elle sentit un frisson parcourir son échine. Elle en avait vécu des expériences merdiques mais celle-ci était clairement au-dessus des autres. Elle tourna son visage vers la jeune femme qui s'occupait de ses cheveux et lui dit : « Si un jour on vous propose de bosser pour cette émission, ou pour elle, dîtes non. » Elle se fichait bien que la productrice puisse l'entendre ou non. Devant le regard interrogateur de la coiffeuse, elle haussa les épaules et blasée répondit : « Sauf si vous voulez bosser avec quelqu'un qui laisse de la coke circuler, qui sait que sa « star » suce des ingénieurs du son dans un coin, et qui n'a aucun scrupule à manipuler des gens. Là bien sûr si ça vous intéresse, foncez, il n'y a pas mieux que les productions de Penelopeia Harrison. ». La productrice aurait beau nier les faits, elles savaient toutes les deux que c'était vrai. Elle aurait beau dire que c'était ça le monde de la télévision, Marley savait que c'était faux. Tous les plateaux n'étaient pas aussi nauséabonds que les siens. Sa coiffeuse parut scandalisée par ce qu'elle venait d'apprendre et lança un regard désapprobateur en direction de la blonde tandis qu'elle reprenait la coupe de cheveux de Marley.  

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    @Penelopeia Harrison   ft. Marley Lynch

Marley n'était pas née pour devenir maquilleuse, à dire vrai elle n'avait jamais vraiment su ce qu'elle voulait faire lorsqu'elle était plus jeune. Les problèmes financiers rencontrés par sa famille la poussaient simplement à trouver un boulot qui pourrait la tenir hors des ennuis. C'était comme ça qu'elle s'était retrouvée à danser nue sur des podiums. Elle avait exercé le métier de strip-teaseuse pendant des années. Si cela pouvait avoir un côté dégradant et humiliant, la métisse avait toujours apprécié danser sur scène. Cela pouvait paraître paradoxal mais elle s'était toujours sentie libre sur scène. Lorsqu'elle déambulait, se déhanchait, enlevait ses vêtements sous le regard de dizaines d'hommes, c'était elle qui avait tout le pouvoir. Ils ne pouvaient rien faire si ce n'était baver d'excitation devant elle. Au fil du temps néanmoins, la danseuse avait senti qu'il était temps qu'elle arrête. Elle avait besoin de changement, de plus, d'une perspective d'horizon moins sombre. Le maquillage s'était tout naturellement imposé à elle. Si cette voie s'était dessinée avec simplicité elle avait néanmoins dû se battre pour y arriver. Loin d'être une feignante, Lynch avait tout mis en œuvre pour réussir dans ce domaine. Elle s'était entraînée, avait observé les meilleurs, avait pris tous les conseils qu'on avait pu lui donner et n'avait jamais baissé les bras. Elle avait parcouru les castings, cherché à être embauchée partout où la présence d'un maquilleur était nécessaire et c'était ainsi qu'elle avait réussi à se faire une place et un nom.

Elle adorait son métier, prenait un plaisir fou à se lever le matin pour se rendre sur les différents plateaux, les différents défilés ou les différents shootings qui s'offraient à elle. Si au début de sa carrière elle n'avait pas vraiment son mot à dire et devait accepter le moindre boulot qu'on lui offrait, c'était différent désormais. Elle pouvait se permettre de décliner une offre ou de refuser un contrat. Elle l'aurait sans doute fait si elle s'était renseignée auparavant sur Penelopeia et sa façon de travailler. Lorsqu'on lui avait proposé de rejoindre l'équipe du Bachelor, Marley avait quelque peu hésité mais avait fini par accepter. Elle n'avait jamais travaillé sur une émission de télé réalité et elle se disait que cela lui permettrait de vivre une nouvelle expérience. En ce sens elle avait été servie. Elle savait désormais qu'elle n'accepterait plus ce genre de tournage et que dès qu'elle verrait le nom de la productrice elle ferait demi-tour. Seuls son orgueil et sa fierté l'avaient poussée à continuer et à ne pas démissionner en cours de route.

En plus d'avoir détesté les conditions de travail, les manigances du plateau et l'envers du décor, Marley avait exécré plus que tout la blonde qui lui servait de patronne. C'en était devenu viscérale et ce sentiment ne faisait que se confirmer alors que sa coiffeuse donnait enfin les premiers coups de ciseaux dans sa chevelure. Marley leva les yeux au ciel lorsque l'autre lui dit qu'elle venait pour se détendre avant un grand événement. Elle ne put s'empêcher d'éclater de rire lorsque l'autre précisa qu'elle serait avec des « personnalités importantes de l'industrie, des têtes couronnées si tu préfères. » Elle se demandait si Penelopeia s'entendait parler. C'était d'un ridicule. « des têtes couronnées » non mais sérieusement. Si se faire bien voir par l'élite était dans les objectifs de la productrice, grand bien lui fasse. Marley n'avait jamais cherché ce genre d'attention. « Visiblement, ils ont apprécié ce que j'ai produit cette année » Un soupir glissa hors des lèvres de la maquilleuse. Penelopeia ne comprenait décidément rien. La métisse ne remettait pas en cause sa capacité à créer du drama ou à faire de l'audimat, elle savait que la productrice était efficace. Ce qu'elle n'aimait pas c'était sa façon d'opérer. Certains y arrivaient sans bousiller tout et tout le monde sur le passage, pas Harrison. Elle souffla : « Si toute la team d'Harvey Weinstein est fière de toi, j'en suis ravie. » Parce qu'il ne fallait pas se leurrer, les gens qui seraient aux côtés de Penelopeia devaient être de la même trempe, des vieux messieurs blancs, blindés d'argent dont les mains parfois baladeuses ne restaient que peu de temps dans leurs poches.

Le sourire de Marley n'eut de cesse de s'élargir lorsque l'autre lui rappela que son comportement n'avait pas été des plus professionnels sur le tournage. C'est vrai qu'elle avait passé du bon temps avec les différents participants même si elle n'avait dépassé la ligne avec aucun des candidats. Cela avait été le seul rayon de soleil de ses journées bien ternes. Plus rien de ce que disait la blonde ne l'atteignait vraiment, pas même son invitation à fermer sa gueule. Sa coiffeuse s'était d'ailleurs crispée à cet instant-là, maintenant son bras dans les airs mais le sourire que lui offrit Mal l'encouragea à continuer la coupe de cheveux. « Je savais pas que j'avais pas le droit de discuter avec les candidats... Les ingénieurs du son se tapaient bien la bachelorette. Mea Culpa » dit-elle avec une voix faussement innocente.

Les minutes s'écoulèrent et enfin la coiffeuse de Marley lui demanda si elle voulait voir le résultat final. Un nouveau frisson la parcourut alors qu'elle hochait silencieusement la tête. Le miroir fut découvert et alors elle croisa son propre regard. Sa bouche devint sèche, elle sentit son cœur battre plus vite et détourna rapidement le regard de ce visage qui semblait toujours marqué par l'agression qu'elle avait vécue. Elle murmura avec gentillesse : « C'est parfait, merci. ». Elle se releva, les jambes quelque peu tremblantes, et s'approcha du comptoir pour régler, alors qu'elle allait payer pour sa coupe elle jeta un dernier coup d'oeil à Penelopeia et lui demanda : « J'espère que t'as un bon maquilleur pour ce soir... Parce que ta coupe de cheveux – aussi jolie puisse-t-elle être – ne cachera définitivement pas tes cernes et ton air grognon. ». L'attaque était petite et mesquine mais Lynch s'en fichait royalement. L'autre pourrait bien l'insulter ensuite que cela ne lui ferait ni chaud ni froid.  

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    @Penelopeia Harrison   ft. Marley Lynch

Marley poussait encore et toujours se souciant peu de ce que les autres pouvaient penser d'elle. L'opinion d'inconnu n'avait jamais eu d'impact sur elle. Elle avait assez confiance en elle pour faire fi des opinions des autres. Elle savait qu'elle jouait à un jeu dangereux en titillant plus que de raison la productrice. Plus le temps s'écoulait plus elle sentait Penelopeia se crisper. Il y avait un petit côté jouissif à la voir se tendre de la sorte. Sur le plateau de tournage, elle était la boss, celle qui dirigeait tout. Personne n'osait véritablement s'opposer à elle, et même si elle faisait des crises de nerfs ou se montrait parfaitement odieuse avec les gens, personne n'osait s'opposer ou se plaindre de peur de se faire renvoyer. Harrison pouvait donc agir comme un tyran autant de temps qu'elle le désirait. Dans ce salon de coiffure c'était différent néanmoins. Il y avait d'autres personnes, des témoins, du public en quelque sorte. Révéler son véritable visage lui porterait pus préjudice à elle qu'à Marley. Lynch l'avait bien compris. C'était la raison pour laquelle elle avait continué avec ses remarques et ses attaques. « Ah, Marley, tu as l'art de justifier l'injustifiable. Cette façon de se dédouaner de tout, on croirait parler avec une sainte nitouche » Penelopeia n'avait pas tort sur ce coup-là. Jackson lui avait longtemps reprocher de ne rien assumer, de toujours se trouver des excuses. Quand elle ne prenait pas la fuite, c'était en effet ce qu'elle faisait. Cela aurait pu la blesser mais à l'inverse elle se mit à rire en entendant que Penelopeia l'appelait : « sainte nitouche », elle la regarda du coin de l'oeil et répondit : « Oh je te rassure, je suis loin d'en être une, et personne n'a jamais cru ça. » La maquilleuse ne cherchait pas à cacher sa véritable nature et il était clair qu'elle ressemblait plus à une véritable chaudière qu'à un bloc de glace. C'était une séductrice dans l'âme et elle ne s'en était jamais cachée, loin de là. La productrice crut sans doute qu'elle avait touché un point sensible puisqu'elle continua sur cette voie : « Allez, Marley, ne t'en fais pas. Peut-être qu'un jour tu trouveras un emploi où tu n'auras pas besoin de flirter avec les candidats pour te sentir importante. » La métisse ne porta pas grande attention à ces propos, cela ne l'atteignait absolument pas parce qu'elle savait que c'était faux. Si elle avait flirté sur le tournage c'était parce qu'elle se faisait chier comme un rat mort, que l'ambiance dans les coulisses était détestable et qu'elle voulait juste rendre dingue la productrice. Le moins que l'on puisse dire c'était que cela avait fonctionné.

Marley avait fini par se diriger jusqu'à la caisse mais incapable de partir sans un dernier coup d'éclat elle avait lancé une dernière attaque. Elle était petite, facile et presque faible comparé à tout ce qu'elle avait dit auparavant pourtant cela sembla être la phrase de trop. Avant même qu'elle ne comprenne ce qui se passait, elle reçut sur le visage un liquide quelque peu épais dont l'odeur lui dérangeait le nez. Elle écarquilla les yeux, passa ses doigts sur sa joue et hallucina lorsqu'elle comprit que la productrice venait de lui balancer une coloration au visage. « T'es complètement cinglée ma pauvre ! » se mit-elle à crier. Elle s'apprêtait à foncer sur la blonde mais celle-ci semblait atteinte de la rage. Son visage n'avait de cesse de changer de couleur tandis qu'elle laissait enfin tomber son masque : « Putain mais dégage d’ici sale conne ! » Marley ouvrit la bouche et fit un pas dans sa direction mais elle s'arrêta en constatant que des téléphones étaient sortis. Les gens filmaient. Il n'était pas question qu'elle dérape devant des caméras. Elle devait prendre sur elle pour ne rien faire, ne rien dire. Penelopeia venait peut-être de la ridiculiser, peut-être avait-elle bousillé son tee-shirt mais surtout, la productrice venait de se tirer une balle dans le pied. Son hystérie était désormais révélée au grand jour.

Harrison finit par se lever, les cheveux mouillés, son sac à la main et passa à ses côtés sans même lui jeter un regard. La porte claqua dans son sillage. Marley, qui savait que les caméras tournaient encore, avait gardé une mine stupéfaite, comme si elle était abasourdie par ce qui venait de se passer. Ses mains se mirent à trembler et elle se tourna vers sa coiffeuse : « J'ai bossé des mois avec elle... Ce qu'elle vient de faire, c'est juste la partie émergée de l'iceberg. » Elle baissa la tête comme si elle se sentait véritablement mal et articula d'une voix chevrotante : « Travailler avec Penelopeia Harrison, c'est juste un cauchemar. » La bombe était lancée. Elle savait qu'à peine elle aurait passé la porte du salon, toutes les vidéos fileraient sur le net. Elle s'en fichait qu'on la voie couverte de produit pour les cheveux, elle se satisfaisait pleinement du fait que la réputation de Penelopeia – même si elle ne serait pas brisée – allait en prendre un sacré coup.

Sa coiffeuse prit le temps de la nettoyer, de s'assurer qu'aucune goute de couleur n'avait atterri sur ses cheveux puis Marley sortit. Lorsqu'elle fut sur le trottoir, elle aperçut Penelopeia sur le côté, elle passa vers elle, et tout en la fixant droit dans les yeux, elle siffla entre ses dents : « Tu devrais peut-être t'envoyer en l'air. Ca te détendrait... Enfin encore faudrait-il que quelqu'un ose s'aventurer là-dedans. » Et sans prendre la peine d'écouter une quelconque réponse de sa part, elle grimpa dans un taxi qui venait de se garer. Elle aurait aimé dire que c'était la dernière fois qu'elle croisait la route de cette garce mais elle en doutait fortement malheureusement.   

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