I'm not around that much, running. Exhausted and lost, If it could be undone Will it have costed? It's taught and lost, blowing away we stray, wilted. Exalted, at fault, what if the day had stayed in bed. After the bliss has long ended, this caution, this fault. Give me a breeze that's long-winded, Accosted, adult, arrested.
C'est à se demander combien de temps Eddie espère encore tenir comme ça, à errer tel un zombie entre les murs de ce théâtre où ses jambes semblent à peine capables de le porter. Il a même tout d'un fantôme depuis ce fameux vingt-deux mars et songe déjà à la prochaine fois où il verra son fils prisonnier de sa bulle stérile car depuis la venue au monde précipitée du petit Sasha, le danseur ne goûte pas tout à fait au bonheur attendu pour un jeune père comme lui. Rongé par l'inquiétude et la fatigue dont le nom n'est aujourd'hui plus assez fort, Eddie ne compte plus ses déplacements entre la Northlight et l'hôpital où son fils doit être surveillé et dont l'état de santé demeure une source d’appréhension constante. Les médecins s'occupent bien de lui, là-dessus Eddie n'a pas le moindre doute mais les retours à la maison n’en sont pourtant pas moins difficiles. Car s'il a enfin retrouvé la tendre compagnie d'Halston, c'est bien une chambre vide à deux pas de la sienne qui l'accueille chaque soir et qui lui rappelle que leur bébé n'est pas encore près de vivre à leurs côtés. Il ne sait même pas si c'est une question de jours ou de semaines, tout ce qu'il déplore c'est de ne pas être auprès de Sasha aussi souvent qu'il l'aimerait car prendre une pause ne fait toujours pas partie des projets du danseur. Ce n'est pas qu'il pense pouvoir s'en passer, c'est plutôt qu'il se l'interdit car il a un spectacle à faire tourner et des engagements à honorer. Et passer l’entièreté de ses journées à l'hôpital ne l'aiderait pas beaucoup plus, pas alors qu'il rêve de voir son fils en dehors de cette couveuse qu'il n'a pas quitté depuis sa naissance car ce n'est pas de cette façon qu'il avait imaginé les premiers jours de Sasha sur terre, ni ses premiers pas en tant que père. Halston culpabilise et il le sait, c'est une preuve de plus que sa mise au repos a sans doute trop tardé mais il n'éprouve aucune forme de rancœur envers sa compagne, bien incapable de lui reprocher l'état de leur fils alors que le moment serait très mal choisi pour laisser d'anciennes tensions ressurgir. Dans tout ça, finalement, c'est encore envers lui-même qu'Eddie est le plus dur comme lorsqu'il s'évertue à tirer sur la corde quand il semble évident que son corps ne suit plus.
Ce dernier est même si lourd qu'il paraît être fait de plomb et pas un jour ne passe sans que son équilibre ne menace de l'abandonner sur ce parquet, un épuisement se lisant également sur son visage aux traits creusés et au regard absent auquel avant ça rien ne pouvait échapper. Sa vigilance est à l'image de sa concentration, proche de l'inexistence lorsque la majorité de ses pensées sont dirigées vers son fils et sûrement pas vers ce théâtre où il n'a plus l'énergie de rien. La répétition du jour s'avère déjà particulièrement laborieuse car même danser Eddie n'en est plus vraiment capable, du moins pas sans aligner les gestes approximatifs et les pas hors tempo. Il lui arrive même de boiter certains jours lorsque son ancienne blessure au genou semble proche de se réveiller, un signe de plus qu'il devrait se ménager sans attendre mais un signe, surtout, que le danseur choisit d'ignorer comme tous les autres. Parce qu'il est encore apte à assurer le show si on l'écoute, autant qu'il se considère apte à diriger un spectacle pour lequel sa patience ne tient elle aussi plus à grand-chose. Le moindre détail à régler peut devenir une contrariété s'ajoutant à toutes les autres tout comme la communication avec ses troupes n'est plus ce qu'elle était, car travailler aux côtés d'une boule de nerfs comme lui n'est évidemment pas un cadeau à leur faire. Et s'il était juste mauvais, pour la première fois de sa vie ? Sur ce parquet ou en dehors, comme danseur ou comme superviseur, Eddie veut une fois de plus assurer sur tous les tableaux pour qu'à l'arrivée, il n'assure plus dans rien. C'est même dans la douleur que cette répétition se termine tandis qu'il se laisse glisser le long du mur, transpirant et essoufflé d'avoir puisé dans ses toutes dernières forces pour la journée. Autour de lui ses collègues danseurs le remarquent mais aucun ne lui dit clairement ce qu'il en pense, quand bien même certains regards ne trompent pas et lui font bien sentir qu'il tend à devenir un poids pour l'équipe. Oh, avec un peu de chance il s'en tirera encore sans grand discours de leur part car il n’a de toute façon pas la tête à recevoir la moindre leçon, allergique par avance au fait d'avoir droit au refrain habituel. Prends une pause, Eddie. Arrête de te croire invincible, Eddie. T'as une tête à faire peur, Eddie. Tout ça, il l'entend et le balaie aussi vite alors que n'importe qui serait en droit de s'interroger sur ce qu'il peut encore endosser dans son état – pas sa propre fatigue, c'est au moins ça de sûr. Et c'est sans doute ce qu'Abel pense lui aussi en le voyant tandis que son regard ne le lâche plus, arrachant un soupir à Eddie au simple fait de se sentir observé. Tout ce qu'il exècre, aujourd'hui plus qu'aucun autre jour.
La Northlight Theater Compagny. C’était peut-être bizarre de me retrouver dans cet endroit que j’avais fréquenté par le passé en tant que danseur et professeur de danse. Cela fut très court et pour ainsi dire, je n’avais pas travaillé sur un projet en particulier. Ce n’était pas plus mal dans la mesure où je m’étais envolé quelques mois plus tard pour rejoindre les Etats-Unis. Mais il est vrai que j’avais particulièrement aimé l’ambiance de cette compagnie. Toutefois, si j’avais décidé de revenir ici, c’était davantage pour éprouver mes talents de chorégraphe. En effet, cette partie-là m’avait toujours attiré, depuis toujours car même si je n’étais pas danseur dans ce cadre-ci, je me retrouvais à partager, à enseigner quelque chose tout en proposant également une œuvre de ma composition. C’était plus éprouvant psychologiquement quand on sait que ce n’était pas uniquement la qualité des danseurs qui sera jugée, mais bien toute la composition et qu’elle était signée par mes soins. Néanmoins, j’avais réussi à acquérir de solides compétences durant cette période avec la compagnie Breathe, me permettant de me sentir plus légitime en quelque sorte.
Cependant avec l’accord de la directrice de la compagnie, je préférais pour l’instant officier en tant que professeur de danse et répétiteur, secondant par conséquent les projets en cours. Cela fut sans surprise d’ailleurs quand je découvris qu’un certain danseur que j’avais côtoyé à l’époque avait continué à faire son bonhomme de chemin. Il avait acquis également de l’expérience, gagné en maturité. C’était la réflexion que je m’étais faite lorsque je l’avais revu danser mais également lorsque j’avais commencé à assister aux répétitions. Cela faisait toujours plaisir de voir un confrère grandir encore davantage dans cet univers si singulier. Cela faisait maintenant un peu plus d’un mois que j’étais pleinement de retour à Brisbane, ayant repris mes marques mais également fait ma petite place au sein de la compagnie. Tous les danseurs me connaissaient à présent, non plus en tant que danseur de mon état, mais davantage comme le professeur de danse. C’était une bonne chose à mes yeux de savoir créer un lien, créer quelque chose de consistant et concret.
En parlant de concret, je pouvais d’ailleurs dire que j’avais un danseur parmi la troupe qui était en train de faire sciemment n’importe quoi. Le pire, c’était sans doute de connaître l’identité dudit danseur qui semblait plus relever du mort vivant que de ce que moi-même j’avais pu connaître. Je n’avais pas fait de commentaires depuis ces derniers jours, toutefois, les regards ne mentaient pas et l’attitude des autres danseurs ne trompaient pas non plus. Je pouvais paraître embêter mais en réalité, je ne l’étais pas tant que cela étrangement. Pourquoi ? Et bien parce qu’il m’avait été confié la gestion du spectacle dans son déroulement général. Les répétitions, les corrections, les ajustements… tout cela m’avait été donné afin d’assurer que tous les participants puissent pleinement être concentrés à leur tâche, notamment Eddie. Il était l’investigateur de ce projet et était partie prenante de celui-ci en tant que danseur. Mais ce que j’avais devant moi était tout sauf de la danse.
Me levant alors pour faire signe à la régie de couper la musique, je descendis de la rangée de siège pour m’approcher de la scène. Cela avait du bon de pouvoir répété directement sur le lieu du spectacle. « Trente minutes de pause. Allez-vous hydrater et vous étirez. Eddie. Tu viens me voir. » Le ton était sans équivoque pour le coup. Et on pouvait dire qu’avec mes bras croisés sur mon torse sans que je ne lâche le coréen d’une seconde du regard… que les choses allaient être tendues.
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Une longue torture qui prend fin, voilà comment Eddie perçoit aujourd’hui une répétition de danse pour la première fois de sa vie alors que le plaisir de donner vie à une chorégraphie sur ce parquet est officiellement aux abonnés absents. Il est à bout, de forces comme du reste et il lui suffirait de croiser son propre regard dans l'un de ces miroirs pour affronter enfin la chose, si seulement il était prêt à admettre qu'il n'a plus l'envie de rien et que cette passion qui lui dévorait jusque là le ventre s'est quelque peu envolée, elle aussi. Eddie couve quelque chose et ce n'est certainement pas un rhume, le nom à poser sur son mal-être résultant bien plus d'un surmenage trop longtemps ignoré alors qu'un peu plus d'un an en arrière, déjà, la ligne rouge était passée tout près d'être franchie. Son corps a déjà montré ses limites mais pas son mental, et encore moins le plaisir de se donner corps et âme pour la danse, cet art qui l'a toujours profondément fait vibrer. Il n'arrêterait pour rien au monde et cela avant tout par principe mais ce n'est pas en trainant sa faible carcasse un peu partout dans ce théâtre qu'il rechargera des batteries de toute façon à plat. Au fond de lui Eddie sait pertinemment qu'un break s'impose mais l'accepter est encore pour lui mission impossible, y compris lorsque ses collègues danseurs le lui font bien sentir et lorsqu'une voix, plus impactante que les autres, s'élève pour braquer d'insupportables projecteurs sur lui. « Trente minutes de pause. Allez-vous hydrater et vous étirez. Eddie. Tu viens me voir. » Trente fichues minutes qu'Eddie n'a pourtant pas l'intention de passer en tête-à-tête avec Abel, malgré tout le respect qu'il peut avoir pour lui. Le bruyant soupir qui lui échappe résonne dans la pièce tandis qu'il se redresse péniblement sur ses deux jambes, peinant à retrouver son souffle depuis que la musique a été coupée. Il aligne alors des pas aussi lourds que lents en direction du chorégraphe, tout en pouvant déjà prédire que ce qui l'attend lui déplaira en tous points. « Te fatigue pas, je sais déjà ce que tu vas me dire. » Et il sait qu’il n’a aussi aucune envie d’être gratifié d’une leçon de morale de sa part, comme de celle de qui que ce soit d’autre. Abel n'a pas de mauvaises intentions, le danseur le sait bien mais il n'aime pas ce regard qu'il lui adresse et ces bras croisés laissant penser qu'il va en prendre pour son grade. Il a été mauvais, beaucoup doivent le penser quand bien même très peu semblent actuellement prêts à le dire, mais il a passé l'âge d'être retenu en fin de cours comme le cancre de la classe qu’il incarne pourtant bien aujourd'hui. « C’est pas un bon jour mais ça ira mieux demain, voilà. » Lui, balayer la chose et tenter d'esquiver la discussion qui se profile ? C'est évident qu'il voudrait déjà fuir cet échange qui l'incombe et pour cela tous les moyens semblent bons, y compris ceux consistant à embellir une réalité nettement plus sombre. Abel n'ignore pas qu'avec lui les mauvais jours s'enchainent depuis déjà quelques temps, désormais habitué à ce qu'Eddie peine à suivre la cadence comme s'il n'avait pas quatorze années de pratique derrière lui et comme s’il n’avait pas longtemps brillé entre les murs de ce théâtre. Oui mais tout ça, c’était avant. La vérité c'est que demain il ne sera pas moins épuisé, demain son fils ne sera pas non plus davantage à ses côtés alors non, tout laisse penser que d'ici là rien ne pourra aller mieux comme il veut pourtant le laisser croire et entendre. « T’as prévu de m’épingler sur le mur de la honte ou je peux éventuellement espérer avoir droit à une pause, moi aussi ? » il demande alors qu'à cet instant sa mauvaise volonté n'a d'égal que sa fatigue et son absence totale d'envie d'être ici. Son travail était encore sa motivation première il y a quelques mois mais aujourd’hui Eddie s’y rend à reculons et n’assure plus dans aucun de ses rôles qu’il veuille ou non l’admettre, car Abel semble de toute façon prêt à souligner l’évidence pour lui.
Jouer le grand méchant, le donneur de leçons, l’empêcheur de tourner en rond. J’avais bien rapidement assimilé le fait qu’être de l’autre côté du miroir – sans mauvais jeu de mot, ce n’était pas une place qui rimait uniquement avec création. Il fallait être en mesure aussi de prendre des décisions forcément impactes, guères simples mais qui étaient nécessaires. C’était un rôle où bien des responsabilités se trouvaient être associées, de façon intrinsèques mais que je n’avais pas vraiment identifié au début. Si j’avais des attentes de la part des danseurs maintenant, je savais qu’ils en avaient tout autant à mon égard. La situation dans laquelle nous nous trouvions à l’heure actuelle était simple pour personne. J’avais échangé avec quelques membres de la compagnie pour tenter de prendre la température, souhaitant avoir leur avis avant de discuter avec le principal concerné. Alors c’était peut-être étrange de procéder de cette façon mais cela était en réalité très cohérent. J’étais le dernier arrivé si on peut dire en tant que statutaire au sein de la compagnie, j’estimais que je n’avais pas nécessairement mon mot à dire, du moins pas en première ligne.
Cependant les répétitions étaient de plus en plus chaotiques et l’ambiance se dégradait de jour en jour. Hors de question que tout se casse la figure parce que j’avais un danseur un peu trop zélé. J’avais annoncé la couleur et j’attendais que Yang vienne jusqu’à ma hauteur. Inutile de se lancer dans une joute verbale imminente d’un bout à l’autre de la salle. Rien qu’à voir ses pas, je savais qu’il ne serait décemment pas dans une optique de discussion. « Es-tu réellement certain de savoir ce que je vais dire ? » demandais-je en haussant le sourcil alors que je posais mes mains sur mes hanches tout en le fixant. Cependant si ma question restait assez ouverte, la réponse ne me plut guère et cela se voyait à mes traits qui s’étaient soudainement durcis. Restant pour le coup silencieux, j’espérais intérieurement qu’il rectifie le tir, qu’il trouve quelque chose à dire de plus censé et moins insolent aussi. Il semblait prendre tout cela par-dessus la jambe, pourtant de mémoire, ce n’était pas dans ses habitudes, bien au contraire. J’avais quelques bruits de couloir mais j’avais assumé parfaitement le fait que je préférais rester professionnel. S’il avait envie de discuter de sa propre situation, il m’en ferait part mais cela devait venir de lui. Je n’avais pas particulièrement envie d’être intrusif.
Pourtant le silence dans lequel je m’étais plongé en espérant que quelque chose de mieux sorte de sa bouche vint me faire lâcher un rire sans joie, presque sardonique. « Une pause ? Tu me demandes si tu peux partir en pause alors que tu traines la patte ? » Mon ton était monté comme si je m’étais étranglé face à pareille réflexion. Pourtant, je pris une profonde inspiration, reprenant contenance alors que j’adressais un sourire à Eddie. « Tu as raison. Prends ta pause. Je voulais discuter avec toi mais il semble que discuter d’éventuels problèmes, ce serait t’épingler sur le mur de la honte. » Je tournais alors les talons pour prendre le chemin de la sortie. Quoi c’est tout ? Non, oh non. Je m’arrêtais avant de passer la porte, regardant Eddie que j’avais laissé en plan. « Pour la reprise, je veux voir tous les solistes. Eddie, tu es le premier à passer vu que tu seras frais et disposé post-pause. » Marquant une courte pause, je lui adressais un nouveau sourire sans joie. « Par contre, si tu montes sur scène pour me présenter quelque chose du même niveau que ce matin… Commence à prépparer tes affaires et à courir très loin avant que cela ne soit moi qui ne te foute dehors avec un coup de pied au cul. Compris ? » achevais-je avant de disparaître.
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C’est l’un de ces jours où Eddie oublierait volontiers que sa présence dans ce théâtre ne se limite pas à la supervision d’un spectacle, car il n’en reste pas moins un danseur sur lequel des attentes reposent comme tous les autres – et qui enchaîne surtout un peu trop les faux pas depuis quelques temps. Ses performances sur une scène comme sur un parquet ne sont plus ce qu’elles étaient et c’est sans doute ce qu’Abel prévoit de souligner devant lui, car cette discussion qui l’attend n’a déjà à ses yeux aucune chance d’être plaisante. Il anticipe alors les remarques qui lui seront faites ou croit en tout cas le pouvoir, et il n’en faut pas plus à son collègue pour le reprendre. « Es-tu réellement certain de savoir ce que je vais dire ? » Eddie hausse les épaules à son tour, pas disposé à jouer aux devinettes ou à tenter de lire dans les pensées d’Abel car c’est incroyable ce que le fait d’être debout peut déjà le fatiguer. Son collègue n’y est pour rien car sa présence ne lui est initialement pas désagréable, mais se laisser sermonner est bien la dernière chose que le danseur souhaite à cette heure. « Je sais en tout cas que tu ne comptes pas me parler de la pluie et du beau temps. » Et ce n’est pas non plus pour prendre de ses nouvelles que son collègue désire le voir, il en doute fort. Quand bien même il ne serait pas question de lui reprocher son inefficacité sur cette répétition Eddie s’attend à ce que son absence d’il y a quelques jours le rattrape, alors qu’il n’a jamais pris le temps de justifier celle-ci. C’est à l’hôpital qu’il se trouvait quand tout le monde cherchait probablement après lui et si certains se doutent de ce qui peut le retenir si souvent là-bas, Eddie n’en parle pour autant pas facilement. Il y a bien longtemps qu’il évite de divulguer sa vie privée par ici mais il faudrait être aveugle pour ne pas comprendre que sa vie a changé, et que cette fatigue combinée à cette nervosité ont une cause dépassant de très loin son travail. Or, dès lors que ce dernier est impacté, l’heure est certainement bien plus grave qu’il ne veut encore l’avouer.
Ce n’est pas une pause d’une demi-heure qui le remettra sur pied et ça Eddie le sait bien, car ce qu’il cherche c’est aussi à contourner cet échange auquel il est d’avance allergique. Il n’hésite donc pas à se placer au même niveau que les autres danseurs ayant tout donné lors de cette répétition car s’il est vrai qu’il laissait pour sa part cruellement à désirer, Eddie n’a au moins pas à mentir sur la fatigue ressentie et sur son besoin de souffler. « Une pause ? Tu me demandes si tu peux partir en pause alors que tu traines la patte ? » C’est un peu comme insinuer qu’il n’a pas assez bien dansé pour mériter de se reposer et ces mots l’irritent, à croire qu’il ne pourra même pas s’effondrer discrètement dans un coin puisque pour ça aussi, Eddie s’attend à devoir rendre des comptes. « J'ai dansé comme tous les autres, alors oui. » il fait savoir à Abel, bien conscient pourtant d’avoir été en-dessous du groupe ainsi qu’à contretemps, sans doute, sur la majorité de ses mouvements. Son regard guette alors la moindre réaction chez son collègue et lorsque celle-ci arrive, elle n’est pas vraiment celle qu’il s’était imaginé. « Tu as raison. Prends ta pause. Je voulais discuter avec toi mais il semble que discuter d’éventuels problèmes, ce serait t’épingler sur le mur de la honte. » Et donc ? Le regard du danseur l’interroge sans comprendre encore où Abel veut en venir, devinant aussitôt que ce dernier a une idée derrière la tête pour capituler aussi vite. Sa pause lui est certes accordée mais Eddie n’entend pas la savourer, et cela à juste titre. « Pour la reprise, je veux voir tous les solistes. Eddie, tu es le premier à passer vu que tu seras frais et disposé post-pause. » Le sourire que ces paroles lui arrachent est affreusement forcé car bien sûr, il n’est aucunement ravi d’entendre qu’il sera attendu au tournant dans une poignée de minutes. Abel ne pouvait pas mieux le piéger, c’est donc ce qu’il récolte pour avoir ouvertement décliné cette discussion et probablement que dans le fond, Eddie l’a bien cherché. « Attends, c'est- » trop rapide, trop lui en demander aussi alors qu'il n'a de concentration pour rien ni même l'envie de monter sur la moindre scène. Ce n’est donc pas comme s’il était en mesure d’assurer dans son état mais il n’a de toute évidence pas le choix, Abel se chargeant là encore de le faire savoir. « Par contre, si tu montes sur scène pour me présenter quelque chose du même niveau que ce matin… Commence à préparer tes affaires et à courir très loin avant que cela ne soit moi qui ne te foute dehors avec un coup de pied au cul. Compris ? » Son regard s’assombrit tandis qu’il demeure silencieux, piqué d’être traité de la sorte après avoir bâti l’ensemble de sa carrière dans cette compagnie où Eddie estime avoir démontré bien assez de choses. C’est comme s’il avait de nouveau tout à prouver et cette idée l’épuise un peu plus, au point de lui valoir un très long soupir pendant que ses yeux regardent simplement Abel s’éloigner. « Merde. »
Les trente minutes s’écoulent bien trop vite pour Eddie qui ne se donne même pas la peine de préparer quoi que ce soit. À quoi bon songer à ce qu’il dansera si ses pensées sont à ce point obstruées, et si son corps semble aussi incapable de se remettre en action si vite. Le danseur se rend alors à l’évidence : il fera pire que mieux s’il tente un numéro improvisé avec ses jambes qui le portent à peine et c’est donc résigné qu’il se positionne sur la scène, face à un Abel auquel il n’entrevoit plus de mentir. « J'ai rien à présenter. » il annonce en faisant lourdement retomber ses bras le long de son corps, et Eddie est arrivé à un point où il se moque presque de passer pour un sale dégonflé. Il y a quelques mois encore jamais il n’aurait abandonné face à une difficulté ni refusé de danser mais il sent bien que l’exercice n’est aujourd’hui pas à sa portée, de quoi ébranler au passage salement sa fierté. « Mais tu savais très bien en m'imposant ça tout à l'heure que j'allais me rater, pas vrai ? » C’était peut-être même le but en le forçant à admettre ses limites, Eddie n’en tire en tout cas aucun plaisir car comme on le devine, il n’y a rien de plus frustrant pour un danseur que de ne pas se sentir capable de réfléchir à une chorégraphie et de pouvoir encore moins l'exécuter. Ce n’est pas qu’il ne veut pas, c’est surtout qu’il ne peut pas car s’il s’élance sur cette scène, Eddie ne garantit pas d’y garder son équilibre. « Peut-être bien que tu as raison et que c'était pas fameux ce matin mais si tu as des choses à me dire, s’il te plaît ne le fais juste pas ici. » C’est la seule demande qu’il s’autorise à formuler, celle de ne pas être épinglé devant les autres car il n’est peut-être pas si fermé à la discussion quand on l’entend maintenant. Sa seule chance de réduire Abel au silence était de réaliser un bien meilleur numéro qu’un peu plus tôt mais cet exploit n’arrivera pas aujourd'hui ni même demain, Eddie préfère ne pas se voiler la face. « La pause ne m'a servi à rien de toute façon. » il souffle finalement, admettant à demi-mot qu'il aurait besoin de bien plus pour recharger ses batteries compte tenu de l'énergie dont il manque. Dormir, voilà ce qu’il ferait surtout bien à cet instant.
Je ne pense pas être de ceux qui prennent un immense pied à faire des reproches pour démontrer une quelconque supériorité. Alors oui, je pouvais me montrer acide et cynique à bien des occasions mais seulement dans un cadre plus personnel, ce qui n’était décemment pas le cas en plein cœur du Southern Cross Theater au cours d’une répétition. Si j’avais décidé de me présenter comme chorégraphe pour la Northlight Compagny, c’était bel et bien parce que je me sentais prêt à passer de l’autre côté de la ligne, de proposer quelque chose artistiquement parlant mais également à faire face à des danseurs de tout horizon. Je l’avais fait lorsque j’étais encore danseur à l’Opéra de Paris et à l’Australian Ballet, mais ce n’était pas pareil. Pourquoi ? Parce que j’étais membre de ces compagnies, je prenais juste le temps d’une création, un autre rôle avant de retrouver ma place parmi tous les danseurs ; depuis mon expérience avec la Breath Compagny, j’avais cerné et compris bien des choses sur le métier de chorégraphe. Ce n’était pas simple tous les jours et il fallait composer avec ce qui pouvait arriver. Mais j’estimais quand même qu’il était important de faire preuve de pédagogie, de savoir être juste dans sa façon de s’exprimer et d’être. Si je félicitais sans mal, je savais également quand il était temps de faire le point. Et il était évident que cela était ô combien nécessaire quand je voyais depuis quelques semaines déjà qu’Eddie n’était pas au top de sa forme. J’avais un souvenir plus au moins clair du danseur, de ses capacités jusqu’à ce qu’il m’eût laissé entrevoir dans sa façon de travailler ou d’être. C’était un excellent danseur, il n’y avait rien à redire dessus. Une technique irréprochable, un style singulier, il maîtrisait, je ne remettrais jamais en doute cela ; pourtant, c’était un Eddie fatigué, lent, à contre-temps, loin d’être à son maximum que j’avais eu sur scène. Son absence récente qui avait fait beaucoup parler sans pour autant en savoir la fin avait laissé planer une drôle d’atmosphère au sein de la compagnie. J’étais resté en retrait jusqu’à maintenant.
Si j’avais envie d’être de bonne composition au début, le ton employé par le coréen n’avait pas été ce qu’il y avait de plus agréable à entendre. Autant en tant que répétiteur, que personne à dire vrai. J’avais bien cerné qu’il n’était pas là pour faire copain-copain avec toutes les personnes qui se trouvaient ici ; les événements passés en témoignaient mais il semblait que les choses se soient quand même apaisées, c’était bon signe. Toutefois, il y avait des limites à ne pas franchir. A mes yeux, Eddie avait décidé de s’y frotter sans vergogne. Et plus l’échange se poursuivait, plus je voyais que cela ne faisait que me confortait dans un sentiment peu agréable. Alors j’avais tranché dans le vif, décidé à le mettre au pied du mur, n’hésitant même pas une seconde à me montrer menaçant à son égard. Je m’étais d’ailleurs montré direct, sans lui laisser l’occasion d’émettre un quelconque refus avant de m’éclipser. S’il voulait boxer avec le respect et s’assoir dessus, je me ferai un malin plaisir à lui faire comprendre que ce n’était pas comme cela qu’il arriverait à ses fins, qu’il tomberait juste sur un os. Car au jeu du petit con, j’avais quelques années de plus au compteur.
Revenant trente minutes plus tard, je pris alors place sur la deuxième rangée des sièges. Me contant de m’appuyer contre l’un des fauteuils, je croise les bras en fixant Eddie qui venait de monter sur scène. Je restais silencieux, attendant qu’il se décide à faire quelque chose. Apparemment, il avait décidé d’opter pour le dialogue, m’indiquant sans détour qu’il n’avait rien à présenter. « Tiens, tu décides de te montrer plus bavard ? » demandais-je alors en haussant le sourcil, tout en le fixant avec une expression étrange neutre. Mes yeux cobalts se font comme perçants, ne cillant presque pas pour continuer de le dévisager. Ce fut finalement un sourire en coin qui vint apparaître sur mon visage, alors que je secouais la tête en expirant. Mes traits changèrent, se faisant moins figés pour prendre une expression plus douce et sympathique. « Quasiment. Je ne m’attendais pas à un miracle après ta performance de ce matin, c’est vrai. » répondis-je avec honnêteté. Je savais encore faire preuve de discernement, d’ailleurs je crois que ce sens s’était affuté avec les années et en décidant d’être de l’autre côté de la ligne.
Décroisant mes bras alors que je laissais mes mains s’appuyer sur le dossier du fauteuil, je penchais légèrement la tête, sans cesser de le regarder avec un air faussement blasé. « Tu crois que je suis de ce genre-là à épingler ou à humilier les danseurs devant toute la compagnie ? Si j’ai demandé une pause de trente minutes, c’était pour te parler mais également te donner l’occasion d’en faire autant en privé. Je ne retire aucun bénéfice à me montrer désagréable ou malveillant. Je suis ici pour que vous dansiez et que vous puissiez donner le meilleur de vous-mêmes. Et j’aimerai que tout le monde ici l’intègre. Les commentaires, les corrections que je fais ici ou en cours, je les fais devant tout le monde car j’estime que cela peut aider tout un chacun. Si j’estime que j’ai quelque chose de plus sensible à vous indiquer, je le fais en privé car vous avez aussi votre mot à dire, vous devez vous exprimer. Je ne veux pas avoir à faire à des murs ou à faire un monologue. Réciproquement, si vous avez des choses à me dire, des remarques à me faire, venez me voir. D’accord ? » Mon regard avait glissé sur l’ensemble des danseurs, les fixant tous un par un afin qu’ils voient que ce n’était pas des paroles en l’air et que j’étais très sérieux à ce sujet. « Bon allez Eddie, descends et viens me rejoindre. Les autres, il est bientôt midi. Je vous laisse vous restaurer. On se retrouve ici à quatorze heures. Je vous laisse également choisir l’ordre de passage entre vous. Pour celles et ceux qui ne présent pas de rôle de soliste, je vous demande de venir pour m’aider à corriger vos collègues. A tout à l’heure. » Achevant mes paroles, je venais taper des mains pour applaudir comme par habitude avant de me diriger vers Eddie. Il était vraiment temps de parler dans un esprit plus apaisé, du moins je l’espérais.
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En trente minutes Eddie a tout juste le temps de prendre des nouvelles de sa compagne et de leur fils, incapable d'orienter ses pensées ailleurs que vers cet hôpital qu'il s'empressera de rejoindre une fois sa journée terminée. Sa pause, le danseur la passe donc sur son téléphone au lieu de réfléchir au numéro qu'il présentera à Abel, un ordre des priorités traduisant sans mal sa concentration proche du néant à l'égard de la danse et des préoccupations outrepassant aujourd'hui de très loin les murs de ce théâtre. Son métier le passionne toujours quand bien même Eddie ne transpire pas l'enthousiasme car c'est bien son énergie qui peine surtout à suivre, cet épuisement qu'il traine depuis de longues semaines anesthésiant ses pensées et l'empêchant de se projeter sur la moindre scène, malgré une volonté féroce de continuer de s'accrocher. Oh, il ne retrouvera certainement pas l'envie d'être ici comme par magie mais aussi exténué puisse-t-il être, Eddie s'interdit toujours de lever le pied comme si son repos était encore optionnel, et comme s'il ne pouvait surtout pas se permettre de profiter ne serait-ce que des deux semaines de congé paternité lui revenant de droit. Il ne devrait pas être ici et il le sait mais c'est plus fort que lui, ses excès de fierté n'étant plus à prouver et cela depuis son arrivée dans cette compagnie. Face à Abel, pourtant, le danseur ne fait pas le malin car le moment est venu d'admettre que sa pause a été tout sauf productive, de quoi l'amener à briser les quelques attentes reposant sur lui. Devrait-il préparer ses affaires comme Abel l'a un peu plus tôt laissé entendre ? Au fond de lui Eddie n'y croit pas beaucoup à ce coup de pied aux fesses que son collègue lui a promis mais il mentirait s'il se disait particulièrement fier d'arriver les mains dans les poches, lui qu'aucun défi du genre n'avait avant ça fait reculer. « Tiens, tu décides de te montrer plus bavard ? » Il semblerait oui, comme quoi ces trente minutes lui ont peut-être au moins permis de réfléchir. Eddie est redescendu de quelques étages entre temps, son approche initiale à la limite de l'insolence ayant laissé place à davantage de mesure dans ses mots tandis qu'il ose supposer face à Abel que ce dernier savait très bien ce qu'il faisait en le défiant de préparer un numéro en express. Ce n'était pas dans ses cordes et Eddie déteste par-dessus tout se le dire, même si personne ici ne serait prêt à affirmer le contraire. « Quasiment. Je ne m’attendais pas à un miracle après ta performance de ce matin, c’est vrai. » Ces mots le font soupirer un peu plus mais cette fois contre lui-même car ce miracle dont le chorégraphe parle, Eddie n'y croyait pas lui non plus. Ainsi Abel n'est pas déçu, sa transparence est d'ailleurs une chose que le danseur apprécie à cet instant car aussi douloureuse soit sa prise de conscience, son collègue lui épargne au moins le fait de passer par d'interminables détours. « Je suis capable de mieux en temps normal, j'espère juste que tu le sais. » Sa voix calme trahit à peine son accablement du moment car le dire porte un nouveau coup à sa fierté, comme s'il admettait lui-même que le danseur dont les performances ont été maintes fois encensés est désormais loin derrière lui. Avant il brillait à n'en plus finir sur cette scène et maintenant, c'est tout juste s'il s'y sent encore à sa place.
La discussion qui l'attend, Eddie ne compte plus l'éviter et cela même s'il apprécierait qu'Abel ne lui dise pas ses quatre vérités face à l'ensemble de leurs collègues. L'humilier ne ferait aucunement partie des intentions du chorégraphe, celui-ci semble même quelque peu s'en offusquer car cette pause, comme il le souligne, lui offrait l'occasion d'engager le dialogue le premier s'il le désirait. Ce n'est évidemment pas ce qu'Eddie a fait et peut-être le regrette-t-il, car Abel insiste bien sur le fait que ses corrections se doivent d'être effectuées devant tout le monde pour profiter pleinement au groupe. Ses mauvaises performances n’échapperont donc à personne et les commentaires qui lui seront faits sur celles-ci non plus, néanmoins Abel apporte une précision s'appliquant de toute évidence à son cas. Lorsqu'il doit aborder un sujet qu'il considère être sensible avec quelqu'un c'est bel et bien en privé qu'il s'assure de le faire et ces mots tendent à rassurer le jeune papa qui n'a aucune envie de voir sa vie exposée sur cette scène, au vu et au su de n'importe qui. « Bon allez Eddie, descends et viens me rejoindre. Les autres, il est bientôt midi. (…) Pour celles et ceux qui ne présent pas de rôle de soliste, je vous demande de venir pour m’aider à corriger vos collègues. A tout à l’heure. » Le reste de la troupe commence à déserter la scène et Eddie prend son collègue au mot en le rejoignant au niveau du parterre, conscient de ce qui l'attend ou se doutant en tout cas du sérieux de la chose. « Je t'écoute, et pour de bon cette fois-ci. » Fini de fuir ou de se montrer sur la défensive, Eddie n'a même plus la force de s'opposer à quiconque alors dans le fond, qu'est-ce que le fait d'écouter attentivement son collègue peut bien lui coûter ? C'est d'ailleurs à Abel que la parole devrait ici revenir mais le danseur ressent avant ça le besoin de clarifier un point, preuve que son discours n'est pas tombé dans l'oreille d'un sourd. « Mais tu sais, pour ce que tu as dit juste avant, je t'ai pas trouvé désagréable ou malveillant. J'ai juste du mal à entendre que je traine la patte quand j’arrive moi-même pas à l'admettre. » Son œil extérieur de chorégraphe est forcément plus objectif que le sien ne peut l'être, quand bien même Eddie était autrefois capable de recul sur ses propres erreurs et d'une exigence contre lui-même à toute épreuve. Le meilleur de lui-même, justement il n'est plus tellement en mesure de le donner actuellement et être autant à la ramasse n'est pas digne de lui, ni digne d'un parcours ayant été jusqu'ici irréprochable entre ces murs. « Pardon. J'ai besoin de m'assoir. » il souffle finalement, sentant que ses jambes le portent difficilement en plus de ces vertiges menaçant son équilibre à chaque instant car son dernier repas est comme sa dernière vraie nuit : difficile à situer.
Est-ce que je venais de faire un tour de cochon à Eddie ? Clairement. Je savais très bien ce qu’il allait en être de sa performance au regard de ce que je voyais depuis ce matin mais également depuis ces dernières semaines. Ce n’était pourtant pas dans mes habitudes de faire preuve de mesquinerie. J’étais taquin certes mais jamais dans des aspects négatifs, du moins je le pense. Toutefois face à l’insolence dont le danseur avait décidé de se parer face à ma volonté de lui parler ; bien qu’il ne semblât pas l’avoir pris ainsi, j’avais décidé de m’y employer différemment, une façon d’être plus percutant. Je pense qu’à certains moments, il est important de démontrer une certaine stratégie, ou du moins une capacité à faire face à des situations quelques peu… délicates, comme celle-ci par exemple. En effet, je ne jouais pas un rôle de danseur en premier lieu pour la Northlight Compagny, mais bel et bien d’encadrant, de superviseur ; autant en tant que chorégraphe et répétiteur, qu’en tant que professeur de danse. C’était un choix que j’avais fait en postulant de nouveau ici. Je pouvais très bien danseur, j’étais encore bien en forme surtout quand on sait que la retraite des danseurs étoiles se situe aux alentours de quarante-deux ans et demi. Ce n’était pas tant parce que j’avais fait le tour que j’avais décidé de passer de l’autre côté mais bel et bien parce que j’avais envie de transmettre quelque chose, pas seulement au public mais également à tous les danseurs et danseuses qui pouvaient évoluer à mon contact. Je ne considérais pas pour autant que j’étais l’unique et seul détenteur du savoir de la danse, au contraire. Même si la critique pouvait être unanime à mon sujet, j’étais quand même persuadé que j’en apprendrai tout autant au contact de danseur comme Eddie, si tant est que celui-ci n’avait pas décidé de trainer des pieds pour danser.
Cependant, il est vrai que je ne m’attendais pas à grand-chose de la part d’Eddie ce matin, néanmoins pas à ce qu’il n’avait absolument rien préparé. Pour ce que je connaissais de lui, cela était surprenant et dénotait aussi de la situation quelque peu particulière dans laquelle il se trouvait. « Je suis capable de mieux en temps normal, j'espère juste que tu le sais. » Les bras croisés, j’accueille la réplique en penchant la tête sur le côté. « C’est justement parce que je le sais que tu en es là. » répliquais-je sans détour. Bien sûr, j’avais envie de le challenger, comme tout le membre de la compagnie mais il fallait que cela soit vraiment cohérent et pas juste un moment désagréable – pire humiliant.
Après ce bien trop long monologue, j’avais décidé de mettre fin à la répétition de ce matin pour me concentrer sur Eddie exclusivement. En effet, il y avait des choses à régler avec le coréen et cela n’avait que trop durer pour ainsi dire. Alors que j’allais prendre la parole face à ses premiers mots signifiant qu’il était parfaitement à l’écoute, je me retiens dans une expiration marquée, fixant le danseur qui vint à rajouter bien vite quelques mots pour préciser sa pensée. Un léger rire étouffé s’échappe de mes lèvres fermés alors que je secoue la tête face à ses excuses pour prendre place à côté de lui, me tournant à moitié sur le siège pour mieux le regarder. « C’est une bonne chose déjà si tu admets trainer la patte même à moitié. Pour être honnête, je suis aussi passé par là. J’aimerai te poser comme première question comment vas-tu ? je ne te demande pas de me livrer toute ta vie privée, ce n’est pas ça mais au moins mettre des mots sur ce que tu ressens actuellement. J’ai besoin de le savoir pour m’adapter en conséquence, et cela te fera peut-être du bien aussi. » L’approche n’était pas pour être insidieux dans sa vie mais bien pour amener à voir ce qui tourmentait autant le brillant danseur que j’avais connu. Entre collègues, il faut se soutenir après tout.
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Il n'a aucune excuse et il le sait, sa fatigue n'en étant pas une à partir du moment où il se présente sur cette scène sans même être capable d'improviser quelque chose. Loin de prendre pour autant l'exercice par-dessus la jambe, Eddie prouve surtout qu'il n'a plus la tête à penser à la moindre chorégraphie et cette absence d'inspiration couplée à sa langueur en dit long sur le fait qu'il n'y a plus rien à attendre de lui. Abel semble le comprendre et lui accorde qu'en temps normal il est effectivement capable de bien mieux, ce serait même la raison pour laquelle cette discussion a lieu car ce moment n'est sans doute agréable pour personne, dans le fond. Si des choses doivent être vues et clarifiées à présent, Eddie n'entend plus les contourner en rejetant un dialogue certainement nécessaire et en fermant aussi plus longtemps les yeux sur le problème. Abel prend après tout le temps de s'attarder sur son cas, un temps que le danseur ne veut pas lui faire perdre en redoublant de mauvaise volonté quand il n'a justement plus la volonté de rien. « C’est une bonne chose déjà si tu admets trainer la patte même à moitié. Pour être honnête, je suis aussi passé par là. » Et c'est assez rassurant à entendre quand il constate qu'Abel a largement repris du poil de la bête, supposant qu'il n'a pas retrouvé goût à la danse par magie même si la solution qui pourrait lui être proposée aujourd'hui, Eddie ne voulait jusqu'ici pas en entendre parler. « J’aimerai te poser comme première question comment vas-tu ? je ne te demande pas de me livrer toute ta vie privée, ce n’est pas ça mais au moins mettre des mots sur ce que tu ressens actuellement. J’ai besoin de le savoir pour m’adapter en conséquence, et cela te fera peut-être du bien aussi. » Prenant place sur un strapontin avant qu'Abel ne l'imite, Eddie s’octroie plusieurs secondes pour étudier cette question tout en se disant qu'à ce stade, préserver sa vie privée n'est plus vraiment sa priorité. Abel a besoin de savoir et lui, sûrement besoin d'en parler. « J'ai connu mieux je crois. » il soupire en passant une main nerveuse dans ses cheveux, pour mieux reprendre et apporter une nuance qui a ici son importance. « Non en fait, j'en suis sûr. » À la question comment vas-tu, Eddie est donc forcé d'admettre qu'il ne vit pas vraiment ses meilleurs moments d'un point de vue santé comme moral, l'un et l'autre ayant pas mal trinqué sans qu'il n'ait jusqu'ici voulu se l'avouer. C'était plus simple de fermer les yeux face à ses propres limites ou de se raconter qu'il connaissait juste une petite « baisse de régime » plutôt que d'apposer le terme surmenage sur cette mauvaise passe qu'il pouvait traverser et sur une motivation qu'il venait à perdre à la même allure que son énergie. Sa fatigue ne date pas d'hier mais son évolution n'en a pas moins été progressive, le dernier grand événement de sa vie ayant quant à lui bousculé l'ordre de ses priorités et creusé un peu plus le fossé entre le danseur qu'il était et celui qu'il peine tout juste à rester. « C'est peut-être une chose dont t'as eu l'écho comme je sais que les choses circulent vite ici, mais je suis papa depuis quelques jours d'un petit garçon qu'on attendait pas avant des semaines. Et c'est une bonne nouvelle bien sûr, si on enlève le fait que mon fils est hospitalisé et que j'arrive plus à penser à autre chose. » L'arrivée prématurée de Sasha dans leurs vies n'aurait pas pu le secouer davantage car à la pression qu'Eddie se mettait déjà en vue de son futur rôle de père s'ajoute maintenant l'inquiétude de voir son fils réaliser son entrée dans ce monde de la plus fragile des manières. « Je suis pas vraiment là, t'as dû le remarquer. Physiquement je le suis mais mon esprit est à l'hôpital avec lui. » C'est là qu'Eddie a laissé un petit bout de lui et ce dernier occupe la moindre de ses pensées lorsqu'il erre entre les murs de cette compagnie, sans parvenir à se raccrocher aux projets qui jusqu'ici le motivaient. La gestion du spectacle l'épuise et tout le monde sait pourtant à quel point il lui tient à cœur de s'y investir, ce qu'il n'est simplement plus capable de faire sans risquer d'y laisser plus de plumes. « Je fais en sorte d'aller le voir tous les jours mais j'ai l'impression de passer mon temps à courir entre le théâtre et le reste.. et je te parle même pas du fait que mes nuits n'en portent plus vraiment le nom depuis des mois. » Tout serait évidemment plus simple et gérable s'il dormait convenablement mais Eddie n'y compte plus, pas avec la pression qu'il peut se mettre dans tous les domaines de sa vie et qui n'a jamais pesé si lourdement sur ses épaules. Ses exigences ont toujours été grandes vis-à-vis de lui-même mais tout est différent depuis qu'il veut assurer en tant que père à côté du reste, un rôle source d'angoisse autant que de fierté pour celui l'ayant endossé plus vite encore qu'il ne l'aurait pensé. Pas de quoi apaiser ses nuits, bien au contraire. « Je vais pas prétendre que je suis pas épuisé alors que c'est le cas, t'as des yeux pour t'en rendre compte et je crois que j'ai besoin d'être honnête avec tout le monde, là. » Que ce soit envers Abel, cette compagnie ou lui-même Eddie n'a pas prévu de faire semblant plus longtemps en niant l'évidence. Oui, il est exténué et oui, ses limites sont peut-être bien atteintes. Il n'est pas invincible et ne le sera jamais, peu importe à quel point il voulait avant ça s'en convaincre.
Prendre le taureau par les cornes. C’était bel et bien quelque chose qui me définissait quand j’y pense. Je n’aimais pas laisser trainer les choses, sans doute parce que par expérience cela ne faisait que les envenimer et que cela me rongeait. Alors c’était sans doute brutale comme approche vis-à-vis de l’était d’Eddie mais je ne connaissais pas non plus trente-six façons de procéder ; c’était également mon rôle de répétiteur et chorégraphe de veiller à l’état des danseurs que ce soit d’un point de vue physique ou moral et dans ce cas-là les deux. D’un autre côté, je n’avais pas non plus à me montrer intrusif dans la vie du coréen. Ce n’était pas ma prime intention dans la mesure où nous n’étions pas proches personnellement parlant et même à ce niveau-là, je ne trouvais pas qu’il était bon de fourrer son nez, forçant autrui à se confier sur des choses qui lui étaient personnelles. Cependant j’avais quand même besoin d’avoir une vue de son état général. C’était assez paradoxal en fin de compte mais c’était le propre des relations professionnelles.
Ayant imité Eddie en m’asseyant sur l’un des sièges du théâtre, je m’étais tourné pour lui faire face, appuyé sur le dossier tout en le regardant fixement, signe de ma pleine écoute. Si je me faisais silencieux, je n’en restais pas moins expressif. Hochant la tête sur le fait que j’avais eu en effet vent du fait qu’il était devenu papa depuis quelques jours, je m’étais gardé de quelque félicitations, non pas que je ne trouvais pas cela réjouissant ou considérant que ce n’était pas quelque chose à fêter mais là encore, c’était peut-être aussi déplacé d’évoquer ce type d’événement sans en avoir été informé par les concernés. Toutefois, la nouvelle de l’hospitalisation vint rajouter quand même bien des précisions sur l’état du danseur. Je pouvais me figurer le fait qu’être papa d’un nouveau-né pouvait être fatiguant au début mais là, c’était à un tout autre niveau. Néanmoins, je restais quand même professionnel, empathique dans mes traits mais sans pour autant tomber dans des propos d’une évidence presque ridicule. « Cela est tout à fait compréhensible, tu n’as pas à avoir honte de cela. » commentais-je dans un premier temps. « Et que cela prenne toute ton attention est quelque chose qui coule de source, le contraire serait plutôt alarmant. » ajoutais-je avec un léger sourire. Quand je regardais à l’intérieur de moi concernant l’état de ma mère ou de mon frère Oliver, cela serait bien mal placé de dire que mon esprit était plus avec eux que là où je me trouvais physiquement. Mais je tenais bon, parce que je possédais des responsabilités et une façon de percevoir les choses dans l’action plutôt que dans l’émotion, probablement pour compenser mon impuissance face à la situation.
Levant la main, je vins la poser sur l’épaule d’Eddie pour lui offrir une démonstration de profonde compassion, entendant parfaitement que la situation rendait les choses ô combien complexes pour lui, de savoir comment les gérer, comment les appréhender. A mes yeux, il était perdu – largué si je voulais être un peu plus familier. J’appréciais tout de même l’honnêteté dont il faisait preuve pour le coup. « Cela me touche que tu décides de partager cela avec moi et je te remercie également de ta franchise sur le sujet. » entamais-je dans un premier temps. « Je pense qu’il est temps pour toi de faire un break niveau danse, clairement. Ce n’est pas tant l’ordre du chorégraphe que je suis mais un sincère conseil dans un premier temps. Je n’hésiterai pas à sévir cependant si je vois que tu décides encore de te traîner de la sorte. » ponctuais-je avec un sourire amusé. « Le fait d’admettre tout cela doit te faire prendre conscience que tu n'as pas des ressources illimitées et que tu ne peux pas te couper en deux. Que tu sois focalisé sur ton fils est évident, ce qui l’est moins, c’est de mettre de côté ce pourquoi tu as consacré toute ton énergie : la danse. Alors je vais te poser une autre question, réponds-y le plus honnêtement possible. Qu’est-ce qui est la priorité pour toi là maintenant ? » C’était une question qu’on pouvait qualifier d’obvious mais souvent formuler les choses faisaient du bien.
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Au point où il en est, certaines vérités méritent bien d'être mises sur la table afin d'alléger ce qui peut l'être car Eddie n'a officiellement plus la force de sauver la moindre apparence ni de nier que son esprit peine aujourd'hui à se focaliser sur ce théâtre et sur les projets qu'il peut avoir. Parce qu'il n'est plus seulement un danseur fermant les yeux sur ses propres limites et que sa nouvelle étiquette de père change forcément tout, aggravant une fatigue qu'il ne voulait jusqu'ici pas considérer et ajoutant à des pensées embrouillées autant d'inquiétude que de culpabilité. Il a promis à sa meilleure amie que son fils n'aurait pas à déplorer ses absences au nom d'une passion bien trop dévorante et qu'elle n'aurait pas à expliquer à Sasha pourquoi son papa passe plus de temps au travail qu'auprès de lui alors aujourd'hui, l'impression de ne pas être à sa place est grande pour celui qui ne jurait autrefois que par la danse. Il n'est après tout pas seulement devenu père d'un petit garçon qui a besoin de lui, son fils promet aussi d'être un enfant plus fragile que les autres et cette idée ne fait que chambouler davantage un point d'ancrage qu'Eddie a pendant longtemps trouvé dans ce théâtre. À quoi bon s'acharner à en passer les portes chaque matin si une part de lui demeure absente, et s'il n'a plus ni l'énergie ni l'envie de donner vie à des chorégraphies qui ne l'animent plus réellement ? C'est sans doute ce qu'Abel en vient à se demander, lui dont le regard pèse à cet instant si lourd qu'Eddie ne se risque pas à le croiser. Ce n'est pas tant sa réaction qu'il redoute mais plutôt les décisions qui pourraient être prises par la suite, comme s'il pouvait encore échapper à ce qui se profile. « Cela est tout à fait compréhensible, tu n’as pas à avoir honte de cela. » S'il doit avoir honte de quelque chose, pourtant, c'est de s'être voilé la face jusqu'à présent en se racontant ce qui l'arrangeait par éternel excès de fierté. « Et que cela prenne toute ton attention est quelque chose qui coule de source, le contraire serait plutôt alarmant. » Ce sont ces paroles agrémentées d'un sourire qui le poussent finalement à relever les yeux vers son collègue, comme s'il avait besoin d'entendre que ce qui lui arrive est parfaitement normal. Ses priorités changent, sa vie également et l'arrivée soudaine d'un bébé dans celle-ci le détache d'une passion qu'il avait certainement tendance à pratiquer avec bien trop d'obsession. Son besoin de contrôle et d'excellence a toujours été immense et son corps en a déjà payé le prix fort pour mieux s'en remettre ensuite, mais Eddie est désormais prêt à reconnaître qu'il n'a plus la fraicheur de ses vingt ans et qu'un rôle de père s'ajoutant à l'équation remet en perspective la nécessité du rythme qu'il s'est imposé pendant toutes ces années.
Cette main apposée sur son épaule le convainc au moins d'une chose : Abel est de son côté, contrairement à ce qu'il avait pu imaginer au départ lorsque le chorégraphe avait exprimé le souhait de lui parler et que sa première réaction avait été d'être sur la défensive. Pas de quoi le rendre particulièrement fier, là encore. « Cela me touche que tu décides de partager cela avec moi et je te remercie également de ta franchise sur le sujet. » La nouvelle aurait fini par se propager dans les couloirs de la compagnie si ce n'est d’ailleurs pas déjà fait, et il préfère à vrai dire qu'Abel en soit le premier averti en raison de la confiance qu'il peut placer en lui. Eddie ne se fait aucune illusion cependant, comme en témoigne le soupir résigné qui lui échappe en comprenant de quoi seront faites les prochaines paroles de son collègue. « Je pense qu’il est temps pour toi de faire un break niveau danse, clairement. Ce n’est pas tant l’ordre du chorégraphe que je suis mais un sincère conseil dans un premier temps. Je n’hésiterai pas à sévir cependant si je vois que tu décides encore de te traîner de la sorte. » Tout ce qu'il retient, bien sûr, c'est qu'Abel l'encourage vivement à se mettre au repos et quand bien même Eddie avait pu s'y attendre, ces mots sont bien les plus difficiles à entendre. Il ne combattra pas cette issue de toute façon inévitable mais il mentirait s'il disait que jusqu'au bout, il n'a pas voulu croire à un miracle. « Le fait d’admettre tout cela doit te faire prendre conscience que tu n'as pas des ressources illimitées et que tu ne peux pas te couper en deux. Que tu sois focalisé sur ton fils est évident, ce qui l’est moins, c’est de mettre de côté ce pourquoi tu as consacré toute ton énergie : la danse. » Dans un monde idéal Eddie aurait assuré sur ces deux tableaux sans l'ombre d'une difficulté mais l'évidence ne peut que le rattraper aujourd'hui, et le dilemme se dressant devant lui n'en est pas vraiment un. « Alors je vais te poser une autre question, réponds-y le plus honnêtement possible. Qu’est-ce qui est la priorité pour toi là maintenant ? » Honnête, le jeune père n'a aucun mal à l'être face à cette question qui ne le fait pas hésiter une seconde. « Mon fils, évidemment. » il admet tandis que ses pensées se dirigent une fois de plus vers Sasha, conscient que ce dernier l'attend à l'hôpital et que sa présence ici ne fait plus le moindre sens. La vérité c'est qu'il donnerait tout pour se trouver présentement à ses côtés et que le simple fait d'en parler lui tord le ventre, comme s'il ne pouvait s'empêcher de se sentir indigne. « J'ai beau avoir abordé cette discussion en étant allergique au genre de solution que tu proposes, je commence aussi à me dire que j'en ai besoin de cette pause. » Et l'avouer lui coûte beaucoup comme Abel doit sûrement s'en douter pour l'avoir d'abord vu faire preuve de très mauvaise volonté, avant que son discours raisonnable et posé ne lui fasse entendre raison. « La danse c'est toute ma vie et ça, c'est pas à toi que je risque de l'apprendre. J'y ai consacré tout ce que j'avais pendant près de quinze ans mais c'est la première fois que mon corps et ma tête me lâchent comme ça. Ce sera simplement pas de gaité de cœur si je m'en éloigne, je suis même pas certain de réussir à couper totalement. » Mais ce qu'il peut promettre, en revanche, c'est qu'il ne reviendra plus trainer sa carcasse molle et harassée dans les couloirs de ce théâtre avant de s'être remis sur pied car il sature autant de son état qu'il étouffe à la Northlight, à ce stade. « Et même si je voulais pas passer mes journées à tourner en rond chez moi ou à l'hôpital, je sais que ma place est auprès de mon fils. Je sers à rien tant que je suis ici, je l'ai encore bien vu aujourd'hui mais ça me tue de me dire qu'un spectacle pour lequel j'ai sacrifié des nuits entières se fera sans moi. » Le sentiment d'échec que cette situation lui inspire le fait soupirer bien plus lourdement pendant que ses mains retombent sur ses genoux comme s'il s'avouait vaincu. « Je crois que j'ai plus qu'à annoncer à ma compagne que je vais devenir papa à plein temps, au moins pendant quelques temps. » Combien de temps, justement ? Il n'en sait rien et n'ose à vrai dire pas tellement y penser, supposant qu'Abel doit déjà avoir son propre avis sur la question et que celui-ci s'évaluera au mieux en semaines, au pire en mois.
Je pense qu’il était bon de souligner une chose dans toute cette situation. Je n’étais pas père, du moins pas à ma connaissance, cependant les aléas de la vie et ce qui peut se produire dans la sphère personnelle a un réel impact sur la vie professionnelle. Je l’avais bien remarqué lorsque j’avais appris la tromperie d’Alexandre après trois ans de relation. Si j’avais décidé de me jeter corps et âme dans ce que j’avais à savoir la danse, mon corps en avait énormément souffert, tout comme mon esprit et ma façon d’être avec les autres danseurs de la compagnie. Ce qui m’avait fait tenir la tête hors de l’eau et ne pas sombrer, c’était bel et bien parce que j’avais eu des personnes attentives autour de moi, à tous les niveaux qui m’avaient ramené à la réalité, forcé à admettre des évidences mais qui n’en étaient pas parce que je préférais me voiler la face, parce que c’était plus facile de vivre dans le déni. Depuis toujours, je m’étais beaucoup retrouvé en Eddie sur bien des points, me rappelant un moi plus jeune sur certains aspects de sa personne mais également en tant que danseur. Toutefois, s’il y avait bien une chose qui m’avait marqué c’était ce sérieux qui en devait presque une limite à mes yeux, cette façon de vouloir donner le change alors qu’aucun de nous n’était véritablement aveugle. C’était bien parce que ce genre de choses peut faire des dégâts encore une fois à tous les niveaux, que j’avais décidé d’agir, d’agir parce qu’une main tendue à ce moment là faisait du bien.
Je ne pus réprimer ce sourire presque triomphant sur mes lèvres lorsqu’il me répondit sans détour. C’était une question facile quand on n’y pense. Toutefois ces mots vinrent me tirer encore davantage de satisfaction. C’était un sourire qui était faussement goguenard plutôt taquin d’ailleurs. « Je pense que nous sommes les premiers à le savoir, mais vraiment les derniers à l’admettre et à l’accepter. » commentais-je en faisant référence à cette fameuse pause mais également vis-à-vis du dévouement que nous partagions pour la danse. Cependant, je préférais me montrer encore plus explicite, en rajoutant une couche sur les pensées qu’Eddie me partageait. « Ce n’était jamais simple pour un artiste de couper avec ce qui était son métier mais également sa passion. C’était toujours frustrant, voire une source d’angoisse terrible parce qu’il s’agit d’un milieu impitoyable. La performance est quelque chose qui dirige tout, qui permet d’accéder à des rôles propulsant des carrières ou permettant d’atteindre des sommets encore jamais atteints. C’était une course implicite à laquelle chaque artiste se livrait pour se réaliser ; et tous les sacrifices deviennent envisageables. » Marquant une courte pause, je repris tout en venant laisser ma main prodiguer une forme de caresse amicale sur son épaule, comme si je voulais ancrer les mots en lui, lui rappeler la réalité et que ses priorités pouvaient changer. « Mais un spectacle n’est rien à côté de ce qui t’attend en tant que papa. Tu auras toujours ta place dans la compagnie, quoi qu’il arrive. Je ne suis pas certain qu’il soit dans les coutumes de la maison de faire de la discrimination à ce sujet, même de façon détournée. » Rapportant ma main vers moi, croisant alors mes bras pour m’appuyer sur le dossier plus confortablement, je fixais Eddie avec une profonde empathie. Je pense qu’il avait compris que j’étais de son côté et que je n’étais pas de ceux qui souhaitaient fermer les yeux, me montrant plus méchant et ignorant au point que cela en devenait complètement stupide. « Et puis, passer du temps avec ta compagne te fera sans doute aussi le plus grand bien. Tu as le droit, même le devoir de te reposer Eddie. Sois un peu moins sérieux et apprends à te détendre. Tu es talentueux, tu es un excellent danseur. Je l’ai vu, je le sais. Tu peux me faire confiance là-dessus. Mais si tu gâches ta santé, tout ce que tu as construit, se perdra par la force des choses. Et ce serait dommage. Savoir se préserver est ce qui différencie les danseurs capables de mener de très longues carrières de ceux qui s’essoufflent alors qu’ils pourraient leur rester plus de dix ans à danser. »
I'm not around that much, running. Exhausted and lost, If it could be undone Will it have costed? It's taught and lost, blowing away we stray, wilted. Exalted, at fault, what if the day had stayed in bed. After the bliss has long ended, this caution, this fault. Give me a breeze that's long-winded,Accosted, adult, arrested.
Cette pause, il ne peut plus nier qu'elle devient nécessaire lorsque son corps rechigne de plus en plus à le porter et qu'à côté, son monde ne tourne plus vraiment autour de ce théâtre. C'est le cas depuis que le petit Sasha a réalisé une arrivée surprise dans leurs deux vies et décidé d'égayer celles-ci avec quelques semaines d'avance mais ses nouvelles responsabilités de père, Eddie a l'impression de ne pas les honorer comme il se doit en restant ici. S'acharner à vouloir danser revient à se torturer inutilement quand il ne dispose plus de la concentration et de l'énergie requises pour le faire, mais admettre qu'il se trouve dans une impasse n'est pas simple pour le grand entêté qu'il est et pour un danseur qui, toute sa vie, n'a jamais su se ménager quand il le fallait. Le terme repos a pendant longtemps été étranger à son vocabulaire tout comme l'idée même de prendre des vacances aussi méritées étaient-elles mais aujourd'hui, il peut le dire, son épuisement l'empêche de se projeter sur le moindre parquet et c'est bien la preuve qu'il a assez tiré sur la corde pour accepter que cette fois-ci, c'est à lui de savoir lâcher celle-ci. « Je pense que nous sommes les premiers à le savoir, mais vraiment les derniers à l’admettre et à l’accepter. » Les mots de son collègue trouvent un écho particulier en lui et pour cause, Eddie se reconnaît dans ce qu'il entend et dans cette incapacité à ouvrir les bras à ce qui est parfois le mieux pour eux. Repousser ses limites, toujours plus, au mépris des risques et d'une santé qu'un danseur aura déjà tendance à user avant l'heure alors que dire de ceux qui comme lui, n'ont jamais appris à être raisonnables et s'engagent dans une frénétique course contre le temps pour ne pas perdre une seconde d'une carrière vouée à être courte. « Ce n’était jamais simple pour un artiste de couper avec ce qui était son métier mais également sa passion. C’était toujours frustrant, voire une source d’angoisse terrible parce qu’il s’agit d’un milieu impitoyable. (...) » La main posée sur son épaule contrebalance cette discussion par son côté apaisant, alors qu'Eddie a encore du mal à se dire qu'il devra laisser sa place quelques temps. L'angoisse est aussi terrible qu'Abel le souligne mais le besoin de couper pour profiter de son fils est plus grand encore, et c'est le signe qu'il doit à tout prix cesser de lutter. Contre sa fatigue, oui, mais plus généralement contre lui-même. « Mais un spectacle n’est rien à côté de ce qui t’attend en tant que papa. Tu auras toujours ta place dans la compagnie, quoi qu’il arrive. Je ne suis pas certain qu’il soit dans les coutumes de la maison de faire de la discrimination à ce sujet, même de façon détournée. » Ce qui l'attend, en l'occurrence, Eddie peut encore difficilement le prédire mais on ne devient pas père en pensant que ce sera facile, les derniers jours lui ayant après tout déjà prouvé que l'arrivée d'un enfant comportait aussi son lot de moments difficiles. Ce nouveau rôle sera aussi le plus grand de sa vie, bien différent de tous ceux qu'il peut endosser ici et un rôle pour lequel, aussi, Eddie n'a pas pu s'entrainer comme il le fait toujours. Mais les choses à découvrir y seront nombreuses et rendront cette nouvelle vie aussi belle que surprenante, malgré les difficultés qui ne seront jamais loin et l'inquiétude qu'Eddie peut déjà ressentir à l'idée que son fils ne grandira pas tout à fait comme les autres enfants. « J'aime cette compagnie, j'y ai fait mes débuts et je ne prévois pas d'en partir un jour mais je sens qu'il vaut mieux que je m'en éloigne avant de perdre vraiment tout mon plaisir à être ici. » C'est un peu comme s'il se trouvait tout près d'un point de non-retour qu'il ne désire aucunement franchir, voyant bien que sa motivation ne tient désormais plus qu'à un fil et qu'à force de s'obstiner, la frustration pourrait bien être la dernière chose qui lui restera quand tout le reste se sera évanoui. « Et j'ai bien compris que si quelque chose coince à mon retour, tu n'y seras pour rien. » Abel est un allié, cette discussion ne pourrait pas mieux l'en convaincre et c'est un sourire sincère qu'Eddie lui adresse pour le souligner à son tour, tout comme la réciproque a d'ailleurs le mérite d'être vraie ici.
« (…) Tu as le droit, même le devoir de te reposer Eddie. Sois un peu moins sérieux et apprends à te détendre. Tu es talentueux, tu es un excellent danseur. Je l’ai vu, je le sais. Tu peux me faire confiance là-dessus. » C'est évidemment plaisant à entendre pour celui qui en est venu à douter de lui pour la première fois de sa vie, sur cette scène où il a autrefois tant brillé et où il ne se sent aujourd'hui plus capable de grand-chose. Il ne peut pas avoir tout perdu et il le sait, les conditions ne sont juste plus vraiment réunies pour qu'Eddie puisse y donner le meilleur de lui-même mais cette mauvaise passe ne sera pas éternelle, c'est ce qu'il se répète. « Merci Abel, je sais que tu le penses et je crois que j'avais juste besoin de l'entendre. » Qu'excellent, il peut encore le redevenir et qu'être rouillé ne signifie pas qu'il n'y a plus rien à attendre de lui. La danse reste son premier amour, la passion qui l'anime depuis toujours et Eddie peut sentir au fond de lui que la flamme n'est pas éteinte, juste affaiblie. « Me reposer, quand j'y pense, j'ai jamais tellement su faire. C'était déjà compliqué après mon opération du genou mais à l'époque j'avais rien pour compenser, j'étais juste une boule de nerfs qui se retrouvait incapable de faire la seule chose qui l'animait. » Ce ne sont certes pas ses meilleurs souvenirs mais ils contribuent eux aussi à le faire réfléchir, en admettant que sa décision ne soit pas déjà prise. « Aujourd'hui j'ai mon fils, il s'appelle Sasha d'ailleurs et j'ai bien l'intention de lui montrer où son père travaille quand il sera en état de sortir. Ce serait même la consécration ultime pour moi s'il venait me voir danser ici. » Eddie en rêve déjà de ces petits moments qu'il partagera avec son fils et de ses petits yeux qui brilleront depuis le public lorsque son père lui dédiera des chorégraphies entières. Ce n'est pas encore pour tout de suite et pourtant, c'est indéniablement ce qui le motive. « Mais si tu gâches ta santé, tout ce que tu as construit, se perdra par la force des choses. Et ce serait dommage. Savoir se préserver est ce qui différencie les danseurs capables de mener de très longues carrières de ceux qui s’essoufflent alors qu’ils pourraient leur rester plus de dix ans à danser. » Ce rappel n'est bon qu'à le conforter un peu plus dans son choix car sa carrière, Eddie refuse de la sacrifier par pur excès de fierté. « Je vais me ménager. Pas seulement le dire mais le faire, réellement. D'ailleurs si tu me vois trainer par ici dans les prochaines semaines, je compte sur toi pour me montrer immédiatement la sortie. » Il laisse échapper un rire léger, à défaut d'aborder la suite avec la même sérénité car se mettre au repos signifie aussi officialiser les choses, et pas uniquement entre eux. « Est-ce que je peux te demander de prévenir Charles et les autres pour moi ? Je t'avoue que j'ai pas trop la tête à le faire dans l'immédiat et si tu t'en charges, j'ai le sentiment que ça passera mieux aussi. » Parce qu'il a été le premier à le mettre face à cette réalité et que personne ne peut mieux exposer les difficultés rencontrées par un danseur qu'un autre danseur, parfaitement conscient des choses. « Tu peux leur dire que j'assurais plus, ce serait après tout être réaliste et je suis prêt à assumer ce qu'il faudra devant eux. » Il n'attend donc pas d'Abel qu'il prenne forcément sa défense, l'idée n'étant pas de le mettre dans une position peu enviable ni d'utiliser son fils comme une excuse derrière laquelle il ne viendra jamais se cacher.
J’avais beau eu avoir bien des rôles dans ma carrière de danseur, je ne m’étais jamais vraiment préparé à revêtir l’habit de l’un des nombreux professionnels qui se trouvait derrière un corps de ballet ou même d’une compagnie. Alors certes, j’avais toujours aimé créer, composer, transmettre ce que je savais, découvrir aussi des choses nouvelles, des personnalités aux multiples nuances ; toutefois, rien de cela ne m’avait réellement préparé aux responsabilités qui étaient inhérentes à celle de chorégraphe, à celle d’encadrant. Considérer le moral des danseurs était une priorité à mes yeux, quelque chose qui changeait la donne à tous les niveaux et dans tous les sens. Alors certes, j’étais là pour donner une direction à la Northlight en tant que chorégraphe, là pour proposer des créations qui permettaient un renouvellement perpétuel, une mise en lumière des nouveaux talents comme des étoiles déjà accrochées au firmament. Cependant, me retrouver devant Eddie de la sorte me faisait quelque part doucement rire parce que quelqu’un année en arrière, c’était moi qui étais à la sienne. Mes pensées s’étaient tournées vers la danse comme une solution de fuite vers l’avant pour ne pas faire face à la vérité d’une relation brisée et piétinée par la tromperie. Une façon de penser à autre chose au point de m’en épuiser physiquement. Si les discours de mes amis avaient tenté de refreiner cela, ce ne fut que lorsque l’un des maîtres de Ballet de l’époque était venue à ma rencontre, non pas pour un sermon mais bel et bien pour m’aider. Et c’était à mon tour d’en faire de même aujourd’hui, une façon peut-être de rendre ce qu’on avait pu me donner.
Marquant un hochement de tête, signe de ma profonde compréhension et empathie à l’égard d’Eddie, je viens à hausser les épaules avec une certaine forme d’humour. « Si quelque chose coince, je me chargerai de le décoincer, même si cela doit être fait avec un coup de pied aux fesses. » Cela pouvait sembler presque enfantin en l’état mais il y avait une profonde part de vérité. D’ailleurs quand j’avais presque menacé Eddie de lui asséner un coup dans son postérieur, cela n’était qu’une vérité masquée en l’état. Alors peut-être n’aurai-je pas été versé dans une violence soudaine mais la métaphore se serait sans aucun doute pleinement manifestée aux yeux de tous.
Je ne peux m’empêcher de sourire face à sa confession, inclinant la tête sur le côté, comme une façon de dire qu’il n’y avait aucun souci là-dessus, bien au contraire. « Je pense surtout que tu te prends beaucoup trop la tête, tu réfléchis beaucoup trop, laisse toi un peu aller, cela te fera vraiment du bien, crois-moi. A trop réfléchir, on en perd les choses de vue, à se retrouver dans une réalité bien différente de celle qui se présente à nous. » Des paroles qui étaient bien sage en termes de sens mais qui étaient d’une véracité palpable. Mais c’était souvent le cas, les vérités étaient assassines et les choses considérées comme évidentes ne l’étaient souvent pas.
« Il viendra certainement te voir danser, je n’en doute pas un seul instant. Cela fait toujours quelque chose d’avoir un parent qui est parmi les étoiles dans son domaine. » Je pouvais admettre que cette idée avait un côté ô combien réconfortant quand j’y pensais. Pourquoi ? parce qu’il s’agissait d’une façon d’avoir la reconnaissance et l’admiration de son propre sang, quelque chose que j’avais décidé qu’il n’était pas bon pour moi d’y courir après, que je serai ce fils ainé à jamais ingrat mais pourtant si heureux. D’ailleurs, je pouvais me targuer sans doute de voir le coréen prendre un peu son masque, se découvrant un jour plus agréable sans doute, se permettant même un léger rire auquel je ne fus pas sans réponse. « Tu peux compter sur moi sans le moindre doute ! » Néanmoins, je savais que le message était passé et j’étais plus que content de savoir qu’Eddie allait prendre du temps pour lui, de penser à lui et à sa famille plutôt qu’à sa carrière et à sa passion, car il y avait bien d’autres choses à vivre en l’état. Pourtant je fus surpris de savoir que le danseur était désireux que je prenne la parole à sa place face à la direction de la compagnie. Cela était bien visible sur mon visage. Pourtant mes traits s’adoucirent en une mimique plus douce alors que je hochais de la tête. « Bien sûr. Je m’en occupe. File te reposer et ne pense pas à des conséquences qui ne vont pas arriver. Après tout, je sois encore le chorégraphe et répétiteur pour la compagnie donc j’ai le dernier mot quand il s’agit des danseurs. » Est-ce une façon de clamer un soudain pouvoir ? Du tout. Mais mon précédent monologue allait dans ce sens. Je ferai toujours en sorte que la santé et le bien-être des danseurs soient des priorités, car sans eux, pas de compagnie.
Je me relevais alors finalement, bougeant machinalement mon cou alors que je lui tendais la main en guise d’un commun accord entre nous. « Prends soin de toi et n’hésite pas à donner des nouvelles à l’occasion. Je m’occupe du reste. Allez file ! » dis-je avec un franc sourire avant de le regarder s’éloigner.
Qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour les autres, n’est-ce pas ?