REVEILLER LE VICE QUAND LA VERTU SE REPOSE ft. @Jackson Mills
Deux heure et demie du matin.
Ses yeux ouverts pourraient faire croire qu’elle était réveillée mais l’absence d’étincelle dans son regard confirmait qu’elle était éteinte mentalement parlant. Sa marche était mécanique, errant sans but. Dans cette mésaventure elle avait une chance : la chaleur des nuits australiennes en cette saison. Elle n’aurait pas donné cher de sa peau si cette crise de somnambulisme était intervenue en hiver – bien que doux, ils n’en restaient pas moins froids quand il s’agissait de s’aventurer à l’extérieur en shorty de dentelles noir et en t-shirt relativement fin et à peine assez grand pour cacher ses pulpeuses formes.
Depuis qu’elle avait quitté sa maison, le temps s’était écoulé et elle avait marché, longtemps, loin, sans que rien ne la réveille. Ni les rares personnes qui la croisaient (se demandant légitimement ce qu’elle foutait), ni les obstacles sur son chemin qui auraient pu la faire chuter mais qu’elle évitait avec justesse (ou mécanisme grâce à sa connaissance du quartier), ni les voitures qui la klaxonnaient quand elle traversait la route. Aucun accident à déplorer et ça, c’était une chance. Parfois, elle s’arrêtait, tenant miraculeusement l’équilibre puis elle repartait de plus belle, pieds nus. On pourrait aisément la prendre pour une droguée mais il suffisait de s’approcher assez pour comprendre à sa respiration qu’elle était en train de dormir et que son corps l’avait mené ici par habitude.
Doggett Street ; Fortitude Valley.
C’est ici que s’arrêtait sa marche, non loin de son ancien chez elle. Si pendant un long moment elle s’était stoppée au milieu du trottoir, quelques pas lui suffirent pour se retrouver au milieu de la route. Rares étaient les véhicules et, fort heureusement, la rue était assez éclairée pour la rendre visible. Certains ralentissaient puis passaient leurs chemins en constatant qu’elle ne leur répondait pas quand il lui demandait si ça allait. D’autres prenaient à peine le temps de freiner, un coup de klaxon, une insulte gueulée et ils repartaient à toute berzingue. De quoi réveiller quelques habitants du quartier.
Vingt-quatre heures. Un grain de sable sur l'échelle du temps, une éternité sur celle de ses ruminations. Comme à chaque fois qu'il pense trop, Mills court sans faire un bruit à travers les artères de la ville, indifférent à l'heure tardive. Son esprit tiraillé tourne en rond dans sa caboche tel un hamster sous EPO. Les choses s'enchainent à vitesse difficilement soutenable, même pour le sprinteur expérimenté qu'est l'agent. Hier, après 3 semaines de silence, Marley le rejoignait au dojo afin de solliciter son aide en auto-défense. Il n'a pas su dire non. Le soir même, Lou débarquait chez lui pour lui annoncer la bonne nouvelle : le bébé est en route ! Il va être papa. Au petit matin, il découvrait dans les faits divers qu'un pécheur Brisbanais était porté disparu ... Plus tard, Jax entamait leur première session d'entraînement avec Lynch dont il avait fallu soutenir le regard tout en continuant de lui cacher à la fois le meurtre de Swenson et la grossesse d'Aquilla. Ce n'est pas le moment de distraire la métisse, pas alors qu'elle commence à peine à trouver la force de se battre contre son trauma. L'aveu, il le lui fera plus tard. Pour l'instant, il prend sur lui.
Pression a son maximum pour Jackson dont le meilleur moyen d'évacuer reste l'épuisement physique. L'agent y voit plus clair lorsque son corps est vidé de son énergie, incapable de répondre par autre chose que de la fatigue aux stimuli de son esprit récalcitrant. Puisqu'il lui est impossible de trouver le sommeil, Mills galope depuis une heure, porté par la musique des écouteurs. Il court après le calme qu'il ne parvient pas instaurer en son for intérieur et se répète inlassablement les propos que lui tient Isla lors de leurs séances afin de garder loin de toutes cette agitation les voix qui, dans sa tête, se font discrètes depuis quelques semaines. C'est le moins qu'il puisse faire, le minimum vital, la prévention de base alors que la situation se tend et que les enjeux apparaissent. Mills le sait bien : s'il se met à psychoter maintenant, les parallèles de sa vie finiront par se percuter et tout risque de très, très mal tourner.
D'abord rester rationnel : il est le seul à savoir pour Swenson. Que sa victime soit portée disparue ne veut pas dire qu'une enquête pour homicide a été ouverte. Un nom de plus dans les colonnes des torchons du métro ne suffit pas à inculper quelqu'un ... Ensuite, éviter de se faire peur : non, son enfant ne verra pas le jour sans lui, leur première rencontre n'aura pas lieu au parloir. Enfin, rester lucide : le fait que le dialogue reprenne avec Marley ne signifie rien d'autre qu'une volonté commune d'aller de l'avant et de permettre à la métisse de se remettre de son agression en prenant confiance en ses capacités. Il doit se le rentrer dans le crâne, se le répéter chaque jour avant de partir la coacher et ne surtout pas chercher à s'expliquer pourquoi, en dépit de tout bon sens, il vient d'accepter de passer des heures en sa compagnie autour d'un thème aussi sordide que cette attaque les ayant précipités dans la connivence malsaine. Mills ne l'abandonnera pas. Il est incapable de la laisser couler, incapable de lui rendre la monnaie de sa pièce pour son départ en 2018. Meurtrier ou pas, il reste ce flic résolument du côté des victimes. Claires, carrées, concises, voilà à quoi se doivent de ressembler ses convictions car ce sont elles qui le tiennent, elles qui lui permettent d'assurer ses responsabilités multiples sans passer par dessus bord. Jax doit rester solide, même dans la tempête. Surtout dans la tempête.
« C'est ... » Une blague ? Mills décélère à l'approche de sa rue au beau milieu de laquelle il repère une silhouette immobile, partiellement dénudée, dont la peau blanche rendue blafarde par la lumière des lampadaires attire son regard suspicieux. Sourcils froncés, il se rapproche à petites foulées jusqu'à reconnaître les contours de Swad. Combien de fois a-t-il fantasmée la courbe de ses fesses entre deux sextos échangés sur Tinder ? Trop pour prétendre ne pas la reconnaître et continuer son chemin sans même chercher à tirer cette affaire au clair. Alors il s'arrête, aussi perplexe que méfiant. Quelle sera sa bonne excuse, cette fois-ci, pour justifier qu'elle vienne rouler du cul devant chez lui à presque trois heures du matin ? « Me dis pas que t'es nostalgique, Brody, tu tentes le diable là ! » L'interpelle-t-il sans obtenir de réponse. « Hey ! » Il la contourne. « J'te parle ! » Mais elle ne risque pas de lui répondre et Jackson sait parfaitement pourquoi.
Irak, printemps 2010, perdus dans le désert. Lui et les membres de son équipe autour d'une table, forcé de communiquer, d'avouer tout ce qui doit l'être pour les besoins de la formation. En territoire hostile, rien n'est laissé au hasard, alors l'officier en charge de leur groupe de blancs becs passe au peigne fin les moindre détails. Il veut tout savoir : les allergies, les phobies, les petites habitudes anodines qui pourraient foutre tout le camp dans la merde compte tenu du contexte radicalement différent de celui du civil et du confort de l'école militaire. Machin a le vertige. Truc éternue dès qu'il renifle un poil de chat. Bidule est somnambule. Tout le groupe sait, tout le groupe écoute attentivement comment venir en aide à ses camarades en cas de besoin parce qu'au delà des tentures de leur campement personne ici ne souhaite les voir revenir vivants de cette mission, que les seuls alliés qu'ils ont sont les gars avec lesquels ils partagent gamelles, munitions et titre de recrue en formation. Le MOSC : un programme pour les durs à cuir. Les faibles peuvent rentrer chez eux.
Sa main fait des aller-retours devant le visage inexpressif de la brune. Elle ne lui a jamais dit qu'elle était sujette à ce genre de crises nocturnes. Jetant un œil autour d'eux puis à ses pieds nus, Mills réalise qu'elle est venue jusqu'ici à pieds. La mémoire inconsciente, probablement. Combien de temps a-t-elle vécu à Forttitude Valley avant de déménager ? Il n'en sait rien, mais ce qu'il sait c'est qu'elle va chopper la crève si elle reste dehors dans cette tenue. Il ne faut pas la réveiller. Pas ici en tout cas. Mills se remémore les conseils de son camarade de classe : du calme, un environnement sécuritaire, un réveil en douceur afin de limiter la désorientation et la panique potentielle. Sauf que Deborah ne lui a pas dit où le camion de déménagement l'emmenait lors de leurs adieux et qu'il n'appellera pas Neo en pleine nuit pour lui demander la nouvelle adresse d'une gonzesse que le pirate lui a déjà fortement déconseillé de harceler fin 2021 ... Alors l'agent se résigne à sortir les clés de chez lui. Hors de question de chercher à contacter Smith pour lui dire que sa bitch s'est fait la malle. Mills ne tient pas à voir les flics du quartier débarquer chez lui en urgence. Doucement, il pose ses mains sur les épaules de Brody. Pas de réaction. Il ose une petite poussée : l'irlandaise avance dans la direction de son choix. Jax en profite pour ne pas s'arrêter, rejoindre la porte d'entrée de son immeuble tout en priant pour que personne ne sorte promener son chient ou ne rentre de soirée maintenant. De quoi aurait-il l'air si ce n'est d'un prédateur ramenant chez lui cette fille qu'on dirait droguée ? Mills ferme les paupières, inspire profondément. Pas besoin de se projeter dans ce genre de scenario catastrophe. « J'en reviens pas qu'tu viennes me casser les couilles même quand tu dors. » Marmonne-t-il dans sa barbe tandis que lui faire monter les escaliers s'avère complexe et périlleux. Après 4 marches, l'agent hésite à la balancer par dessus son épaule mais se dit que ce changement de position la réveillera forcément. Alors il se colle à son dos et utilise son torse pour l'obliger à grimper sans basculer vers l'arrière, tenant ses mains qu'il tend à bout de bras vers l'avant. La position de la cuillère avec un zombie : personne ne le croira s'il se hasarde à raconter cette histoire au bureau. Pyro lui dira d'arrêter de jouer aux jeux vidéos et Bowser de tirer sa crampe parce qu'en arriver à faire ce genre de rêves glauques c'est pathétique. Mills gardera ça pour lui, évidemment, tout comme il ne racontera pas à la principale intéressée la manière dont il l'a ramenée à bon port. Pour le moment, il se contente d'ouvrir sa porte et de tirer la brune à sa suite.
Après avoir refermé derrière lui, l'agent observe Brody plantée au milieu de son couloir, troublé. Il n'est pas certain d'apprécier le fait que l'irlandaise pénètre son logement, le marque de sa présence et du souvenir de ses courbes au milieu de ses meubles mais n'a d'autres choix que de composer avec. Attrapant sa main, il la traine jusqu'au canapé sur lequel il l'assoit. La table basse déborde des cadavres de bières et des boîtes des pizzas consommées avec Louisa la veille au soir. Sur l'accoudoir, son t-shirt de World's greatest dad attend d'être cloué au mur. Dans un coin du salon, son sac de boxe dégueule short, bandes et paire de gants. C'est le même bordel chez Jackson que ça ne l'est dans sa vie ... L'agent a beau savoir quoi faire, il se demande si réveiller Brody de suite est la meilleure idée. Peut-être qu'il devrait la laisser refaire surface toute seule ? Attendre qu'elle revienne d'elle-même à la réalité ? Une chose est sûre, il ne parviendra pas à dormir en la sachant assise telle une statue au beau milieu de son salon. « Ok, on y va. » Soupire-t-il finalement avant de poser un genou au sol. Jax lui écarte les jambes, se faxe entre elles afin de lui faire face et prend le visage de l'endormie entre ses mains. Le regard mort de la jeune femme a quelque chose d'angoissant. Durant quelques secondes, Mills repense à l'état dans lequel il a retrouvé Marley début mars. Un Swenson sur Doggett Street et c'est l'irlandaise qui aurait fini derrière les poubelles, pas même consciente de se faire passer dessus ! Infâme. « Brody ? » Dit-il avec fermeté. Mais elle ne répond pas. « Brody, réveille-toi. » Toujours rien. « SWAD ! » La pression de ses doigts sur le visage de Deborah s'accentue à la recherche d'une réaction quelconque. Jax ne connait pas la douceur. À aucun moment il n'a pensé que lui caresser les cheveux serait plus efficace ...
Son sommeil était lourd, très lourd, trop lourd. Les voitures, elle ne les entendait pas. Les paroles qui lui étaient adressées, encore moins. Ce léger brouhaha de la nuit, d’autant plus du quartier, elle y était trop habituée pour que cela perturbe son sommeil. Sa respiration particulièrement lente et profonde ne laissait aucun doute sur son état, aussi étonnant et déroutant pouvait-il être avec ses grands yeux ouverts de toute leur amplitude. Quant à la présence de Mills, aussi oppressante pouvait-elle être sur l’instant où il l’avait découverte là, au milieu de la chaussée, elle ne la ressentait pas non plus. Seule la légère brise qu’il provoquait en lui tournant autour mordait sa peau, laissant des traces presque invisibles de chair de poule. Néanmoins, elle n’était pas si différente de celle provoquée par la marche faite jusqu’ici. Son corps s’y était habitué, régulant comme il le pouvait sa température, provoquant parfois un gros frisson pour activer une circulation du sang plus rapide. Pas de quoi la réveiller non plus.
Mills, toujours dans le contrôle des situations incongrues prenait les choses en main. Ses épaules en main, plus précisément. Ridicule d’être ainsi menée où bon il le voulait. Le comique de la situation – d’autant de la montée des escaliers dont elle ne se souviendra jamais, dommage – révélait aussi toute sa dangerosité. Il semblait qu’il pouvait lui arriver n’importe quoi qu’elle ne serait pas en mesure de s’en rendre compte, comme prisonnière de son sommeil. Compte tenu de leur relation parfois tendue, parfois plus cool, c’était une chance d’être tombée sur Jackson. Sans parler du pire, elle aurait pu aisément attirer de nouveau l’attention sur elle et faire du tort à Camil. Elle aurait pu se faire du mal à elle-même sans en avoir l’intention également. Il paraitrait que les somnambules ne font jamais rien contre eux-mêmes intentionnellement mais quant étaient-ils des éléments extérieurs ? Incontrôlables, imprévisibles, parfois cruels.
La chaleur enveloppante de l’appartement la faisait soupirer d’aise. Il était aisé de voir que c’était agréable pour elle. Son corps perdait un peu de son tonus, elle se voutait légèrement. Pas de quoi s’inquiéter pour son équilibre mais c’était comme si elle s’enfonçait sous une couette chaude et que l’entièreté de ses membres épousait mollement un matelas invisible. L’impression était d’autant plus réelle quand la tension de ses jambes s’évaporait dans cette position assise que Jackson lui faisait prendre. Le canapé confortable paraissait comme un environnement commun, relaxant. Si relaxant qu’elle penchait légèrement sur le côté, pas tout à fait droite, la tête basculant brusquement en arrière pour mieux revenir vers l’avant et trouver une position plus confortable contre son épaule. Son visage n’était relevé et ainsi maintenu que lorsque Jackson entreprenait de la réveiller. Ses mains semblaient presque trop grandes pour son visage. Une sensation pas des plus agréables à en croire le froissement de nez rapide qui avait traversé ses traits. Réminiscences de l’esprit.
Le silence de l’appartement avait le don de mettre l’accent sur sa voix. Autoritaire, portante, brute de décoffrage mais pas effrayante. Le soubresaut de son corps n’était dû qu’au réveil, toujours brutal quoi qu’il advienne quand il n’était pas naturel (que ce soit quelqu’un ou le simple réveil du matin). Son changement de comportement était évident. Le regard vif bien que perdu, sa difficulté à maintenir ses yeux ouverts à cause de la lumière alors que trente secondes avant, ses paupières étaient grandes ouvertes dans le vide et sa voix, bien entendu, celle enrouée du matin, le ton plus grave. « C’est quoi ce bordel ? » un murmure quand son esprit toujours embrumé cherchait à comprendre la situation, son regard se stoppant enfin dans celui du sprinter. « Tu as oublié la bague si ton but était de me fiancer, tu sais. » l’humour, l’arme de défense favorite de Brody quand elle n’avait aucun contrôle sur la situation. Elle se cachait maladroitement derrière pour éviter de céder à une panique qui n’avait pas lieu d’être. Elle n’avait pas lieu d’être, n’est-ce pas ? Elle s’en persuadait maladroitement tandis que dans un certain réflexe, elle tirait sur son t-shirt pour se cacher, visiblement gênée et peu à l’aise. Son mal-être intérieur s’exprimait de façon physique. Habituellement, elle n’aurait jamais été gênée d’être dans ce genre de tenue, de nature peu pudique. Ici c’était son esprit qui ne comprenait pas, inconsciente d’être victime de somnambulisme, et qui, par conséquent, ne trouvait pas de réponse à cette question pourtant essentielle : « Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que je fais là ? » La nervosité était lisible dans ses gestes, dans ses mots et son regard s’échouait sur les canettes de bières vide laissées sur la table basse. Sa tenue, la transpiration évidente de Jackson, l’alcool, les fringues qui trainent. « Nooooon ? … Si ? ... Est-ce qu’on a baisé ? Je me souviendrais si on avait baisé, non ? … Oui je m’en souviendrais. » disait-elle en laissant trainer un peu trop longtemps son regard sur Jackson. Il fallait croire qu’il n’était pas le seul à être brut de décoffrage par moment.
Elle sursaute. Il la tient fermement, juste au cas ou. « C’est quoi ce bordel ? » Mills se le demande. À dire vrai, il comptait bien lui poser la question le premier mais se voit couper l'herbe sous le pied. « Tu as oublié la bague si ton but était de me fiancer, tu sais. »« Pfff ! » Souffle-t-il en lâchant prise. Pas de doute, Brody est bel et bien réveillée, son humour douteux ne ment pas. Jax se recule, toujours accroupi, attendant de voir la réaction de la marcheuse nocturne. A-t-elle seulement conscience d'être sujette à ce genre de particularité ou s'agit-il d'une première fois ? Gallagher, son coéquipier, n'avait découvert que sur le tard son somnambulisme. Ou plutôt sa femme l'avait découvert, se demandant ce qu'il pouvait bien faire dans le jardin, à arroser les rosiers en slip sous la lune, alors que le reste de la maison dormait à poing fermé. « Qu’est-ce qui se passe ? Qu’est-ce que je fais là ? » Mills la voit se dandiner, tenter de cacher ses cuisses, commencer à montrer des signes de gêne évidente et de stress qu'il comprend sans toutefois compatir. Ma grande, si tu savais ... Se fait-il la réflexion, passant sous silence les attouchements dans l'escalier. La pousser en se collant à elle ou la laisser se casser le cou en tombant, l'agent n'a pas eu beaucoup d'alternatives dans son choix une fois l'entreprise d'escalader les marches lancée. Voir un bout de cuisse dépasser après avoir quasi garée sa queue entre ses fesses ne lui fait ni chaud ni froid.
Jax se remémore les propos de son coéquipier et cherche ses mots afin de répondre quelque chose de rassurant quand Brody l'interpelle de ses déductions trop vite expédiées : « Nooooon ? … Si ? ... Est-ce qu’on a baisé ? Je me souviendrais si on avait baisé, non ? … Oui je m’en souviendrais. » Mills roule des yeux au ciel tout en se relevant soudainement. « T'abuses ! » S'exlcame-t-il finalement, abandonnant toute tentative de se montrer plus doux qu'il n'est. La dominant de la hauteur de sa position verticale, l'agent la regarde en secouant la tête. Il est exaspéré. « Me dit pas que c'est le cul qui t'a fait marcher jusqu'ici ! » Incrédule, Jackson ne connait rien des mécanismes du somnambulisme. Gallagher ne leur a parlé que des choses à éviter en cas de crise, pas de ce qui provoque ces dernières et encore moins du genre de pensées et de sentiments inconscients remontant à la surface dans cet état second. Frustré de se trouver dans cette situation qu'il n'a pas désirée, Jax contourne le canapé et part se faire couler un verre d'eau. Il meurt de soif, la course l'a desséché. Après en avoir vidé trois coup sur coup, il en attrape un autre qu'il remplit puis revient à la hauteur de son invitée surprise. « J'baise pas la viande saoule, encore moins celle qui dort. » Précise-t-il en déposant le verre sur la table, à côté des cadavres de bière sans alcool. « T'es somnambule, Brody. » L'étonnement avec lequel l'accusée reçoit son affirmation l'oblige à arquer les sourcils en écartant les bras comme pour prouver qu'il ne ment pas, qu'il est aussi surpris qu'elle. « Soit ça, soit tu m'cherches et tes tactiques de drague sont nulles à chier. »
Non. Ne pas partir sur la voie des spéculations irrationnelles ou capillotractées. Ouvrir la porte à ce genre de suspicions n'apporterait rien de bon. Jax ne laissera pas l'irlandaise secouer une fois de plus sa paranoïa. Il inspire profondément puis se laisse tomber de l'autre côté du canapé, là ou elle ne risque pas de croire qu'il tente une quelconque approche. Mills a parfaitement conscience du caractère insolite de la situation mais aussi du fait qu'il serait facile de mal interpréter ce qu'il se passe. Avoir pénétré par effraction chez la brune lorsqu'elle vivait encore dans le quartier ne joue pas en sa faveur. S'il était à sa place, il se méfierait. Il se méfie, en réalité, pas encore certain que la présence de Deborah ne soit due qu'au hasard. « Tu te souviens de ton rêve ? » Parce qu'elle a forcément rêvé de quelque chose pour en venir à sortir de son lit et à marcher à travers Brisbane, non ? D'une main, Jax attrape le plaid reposant sur le dossier du canapé et le jette sur les jambes de la jeune femme, attitude silencieuse visant à démontrer que non, il ne l'a pas capturée durant son sommeil et qu'il ne compte pas non plus la demander en mariage ou la culbuter au milieu du salon.
L’humour en premier : c’était toujours ce qui prédominait chez Deborah quand elle ne comprenait pas une situation et qu’elle cherchait à la comprendre. Feinter les épousailles ratées en absence d’anneau, tirer des conclusions trop vite à la vue des bières et des vêtements éparpillés sans même prendre en compte l’absence d’alcool dans la boisson et le message du t-shirt. Elle tentait de trouver une raison rationnelle quand il n’y en avait clairement pas. Pas pour elle, en tout cas. Aucun souvenir, des cuisses et des pieds légèrement endoloris par la marche (dont elle ignorait totalement l’existence), cette sensation très désagréable d’être perdue. Comment pouvait-elle se trouver chez une personne qu’elle connaissait (plus ou moins) et n’avoir aucun souvenir de sa venue ici ni même des chemins empruntés pour arriver ? Elle cherchait sans comprendre, Jackson laissant traiter quelques indices dans son exaspération. « Marcher ? » C’est tout ce qu’elle retenait dans un murmure dans sa réflexion sur la raison de sa venue. Marcher… même ça, elle ne s’en souvenait pas. Pas de quoi être rassurant.
Il la perdait un peu plus lorsqu’il parlait de « viande endormie » jusqu’au moment où il posait le mot adéquat. « Quoi ? Mais non, je ne suis pas somnambule. » Premier réflexe : le déni, la négation. Jamais elle n’avait remarqué un tel phénomène chez elle, jamais on ne lui avait fait remarqué quoi que ce soit. Néanmoins, de toute évidence, à moins d’avoir été droguée (et elle n’en voyait franchement pas l’intérêt, encore moins pour Jackson qui se passerait bien de sa tronche sur son canapé), il n’y avait pas d’autres explications. « C’est pas une technique de drague, non... » Elle réalisait, doucement, cherchant à intégrer cette idée et puis, sans vouloir le vexer, elle avait autre chose à foutre que de venir le draguer à… « Il est quelle heure ? » La notion du temps s’était envolée, incapable même de dire si derrière les fenêtres il faisait nuit ou non.
Sans se faire prier, elle dépliait le plaid qu’il lui avait jeté sur ses jambes lui permettant le retour d’une certaine aisance à être là. Elle en profitait également pour se pencher un peu vers l’avant, attrapant le verre d’eau qu’il lui avait servi et pour lequel un « Merci. » glissait entre ses lèvres. Sa bouche asséchée par la brise d’été (et plus encore sûrement par le temps écoulé qu’elle avait passé dehors) n’en demandait pas tant, clairement ravie de boire simplement de l’eau, profitant de cet intermède pour réfléchir à sa réponse. « Non, je m’en souviens pas. » elle haussait un peu les épaules, reposant son verre vide sur la table basse et faisant malencontreusement tomber le t-shirt sur le sol en rabattant son coude. « Oups, pardon. » Disait-elle en le ramassant immédiatement pour le remettre à sa place. Curiosité maladive oblige (et vision plutôt claire, il fallait être aveugle pour ne pas savoir lire le message en gros sur le t-shirt), elle restait interdite quelques secondes. « Oh, wouah, mes félicitations, je suppose. » s’exclamait-elle avec un étonnement certain dans la voix, quelque peu perturbée (sans parler d’une quelconque jalousie bien sûr mais c’était bien le dernier truc qu’elle s’attendait à découvrir sur lui). Ça faisait un moment qu’ils se donnaient plus de nouvelles, qu’ils se parlaient même plus à vrai dire, et bien qu’elle savait que Jackson voulait des enfants, il avait suffi de quelques mois pour passer d’un célibataire endurci au futur papa. De quoi la surprendre sur la vitesse de décision d’un tel avenir avec quelqu’un, bien peu consciente qu’en réalité, la future mère, il la connaissait depuis des années lumières.
C’était si étonnant qu’elle se demandait même si elle n’était pas dans un rêve justement, qu’elle n’en était pas encore sortie. Les rêves lucides, ceux où on finit par s’apercevoir que l’on est dans un rêve et où tout devient soudainement plus facile. Le doute était encore permis… peu de temps cela dit puisque le désir de réveil est souvent exaucé lorsque l’on fait un rêve lucide et que l’on souhaite en sortir : là, ce n’était pas le cas. « Je vais pas t’embêter plus longtemps, c’est déjà gentil de ta part d’avoir pris le temps de me réveiller et de me prévenir. » Elle se redressait sur ses jambes, surprise par la légère douleur dans ses cuisses, inconsciente de tout ce qu’elle avait pu marcher, et pour cause : « Je vais rentrer chez moi, je suis qu’à quelques rues de toute façon, ça devrait être rapide. Promis, je viendrais déposer ton plaid demain. » A quelques rues oui… ça, c’était encore le cas quand elle habitait à Fortitude Valley, ce dont elle semblait encore persuadée. Amnésie passagère ? Ce n’était pas impossible.
« Trois heures du mat'. » Répond-il après avoir jeté un coup d'œil à sa montre. Une heure improbable pour courir, sauf dans le monde de Jackson Mills dont le t-shirt est encore chaud de la sueur perdue à déambuler dans les rues de Brisbane. Brody avoue ne pas se souvenir de son rêve. Le sprinteur caresse du rebord de son verre sa lèvre inférieure en signe de réflexion, le regard perdu quelque part entre la table basse du salon et le couloir menant à sa chambre. S'il n'en dit rien, Jax concède mentalement à la somnambule le droit d'être désorientée. Il n'a jamais vécu ce genre d'aventure, mais les petits jeux de préparation mentale du MOSC lui ont servi de crash-test. Lui aussi s'est réveillé dans des lieux qu'il ne connaissait pas, des seaux d'eau jetés à la face et des ordres hurlés pour lui faire peur et le mettre en conditions de stress. Mills épargnera à Brody ce genre de harcèlement, il voit bien qu'elle est sincère dans son apparente incompréhension. « Oups, pardon. » Son regard se braque sur le cadeau de Louisa que tient la brune entre ses mains. Sa mâchoire se crispe instantanément. L'agent n'aime pas que l'on viole l'intimité de sa vie privée, encore moins concernant le sujet de sa paternité fraîchement confirmée, mais c'est trop tard, le mal est fait. La réaction de l'irlandaise face au vêtement lui arrache un sourire désabusé. S'ils n'avaient pas dans leurs bagages tout ce qu'ils ont pu se confier - volontairement ou pas - au sujet des enfants, la situation ne serait pas si malaisante. Closer l'a dit : il est prêt à faire du sale du matin au soir pour donner naissance à son équipe de basket-ball. Swad a avoué regretter l'abandon de son bébé. Mills se souvient par ailleurs de cette main posée sur le ventre d'une Brody faussement enceinte dans les toilettes de l'hôpital ainsi que de la paire de Nike tombées durant le déménagement, à Noël. Sujet sensible, autant pout elle que pour lui, raison pour laquelle Jax décide de laisser couler : « Ouais. Merci. » Répondit-il plutôt que de se montrer agressif pour un tort n'appartenant qu'à lui. La prochaine fois, il débarrassera son bordel avant de quitter l'appart'.
« Je vais pas t’embêter plus longtemps, c’est déjà gentil de ta part d’avoir pris le temps de me réveiller et de me prévenir. » L'agent l'observe se redresser et se draper du plaid. « Je vais rentrer chez moi, je suis qu’à quelques rues de toute façon, ça devrait être rapide. Promis, je viendrais déposer ton plaid demain. » Mills arque un sourcil sceptique. Il n'a pas souvenir d'avoir cogné la tête de Brody dans l'escalier. « T'es encore à l'ouest. » Fait-il remarquer tout en posant son verre sur la table. Levant une fesse du canapé, il extirpe son téléphone de la poche de son short et cherche dans le répertoire le numéro de l'agence de taxi. Jackson s'apprête à presser la touche appel lorsqu'un doute tout droit soufflé par sa paranoïa lui fait lever le regard en direction de l'irlandaise. « Attend. C'était fake ? » Il tente de se montrer moins accusateur qu'il ne l'est intérieurement, mais le résultat reste mitigé. Si sa voix n'est pas agressive, il n'est pas difficile de lire sur les traits de l'agent la suspicion. Leur passif l'incite à se méfier, à chercher des réponses pour ne pas laisser les suppositions prendre toute la place et le faire une fois ne plus sombrer dans des délires qu'il ne serait pas en mesure de contrôler. « Et ton déménagement, alors ? » S'est-il mal passé ? Smith l'a-t-il finalement foutue à la porte ? Jax pourrait le comprendre, des chieuses pareilles, ça ne court pas les rues. Enfin cette nuit si, mais on se comprend.
Trois heures du matin. Le cul vissé sur le canapé de Jackson. Un t-shirt prônant sa paternité… ça avait l’air de tout sauf de la réalité. La désorientation était réelle, les pièces du puzzle avaient du mal à se remettre en place. Son somnambulisme nouvellement découvert n’arrangeait pas les choses. Il fallait néanmoins se rendre à l’évidence que c’était réel : pas de souvenir, tenue en adéquation avec celle enfilée pour dormir, pieds noircis par le dehors, légère douleur d’avoir longtemps marché sans réel but. Les indices étaient tous là pour se rendre à l’évidence. Même si elle n’en était pas intimement persuadée (la confusion de la nouveauté et la désorientation en maîtresse de cette crise ne rendant pas ce processus aisé), elle lui concédait cette explication et n’en demandait pas davantage.
Son verre avalé, elle se redressait déjà, déterminée à rentrer chez elle en lui promettant de lui rendre son plaid demain, comme si elle habitait encore à côté. C’est ce qu’elle croyait, sincèrement. Le trou de mémoire ne concernait pas que son rêve (ou peut-être, au contraire, y était-il étroitement lié puisqu’il l’avait mené ici, allez savoir). Elle avait oublié des moments importants de sa vie récente. Elle semblait vivre dans un flashback de quelques mois en arrière et lorsqu’il lui demandait si c’était fake, elle ne disait rien. Ce n’était de toute façon pas la peine de dire quoi que ce soit, les traits de son visage étaient bien expressifs à eux seuls pour exprimer toute la confusion. Qu’est-ce qui était censé être fake ? Il commençait à la perdre de nouveau, la rendant plus confuse encore qu’elle ne l’était déjà.
Le mot était tombé : son déménagement. L’air pantois, elle restait là, les bras ballants, le plaid à peine noué autour de sa taille. « Mon déménagement... » Répétait-elle comme une personne lobotomisée dont les souvenirs sont abîmés. Pas totalement effacés mais pas très clairs non plus, brouillon au possible. « Non, c’était pas fake. » Ca, elle en était certaine. Comment ça aurait pu l’être de toute façon ? ça aurait été une sacrée mise en scène que de savoir à quelle heure de quel jour il courait pour le faire exprès. Et puis sa crise d’angoisse dans le camion avait été trop réelle et trop marquante pour que cela soit autre chose que la réalité.
Une angoisse qui nouait à nouveau son estomac. Pas encore visible mais qui lui faisait mal au bide parce qu’il fallait reconnaître un fait qui n’était pas simple d’assumer. « Je sais que j’ai déménagé mais je ne sais pas où. » disait-elle en reposant ses fesses sur le canapé, visiblement choquée de ce constat. Une partie d’elle se sentait ridicule de l’avouer. D’autant plus que dans le genre, ça sonnait encore plus fake. Ce qui pouvait, en revanche, la sauver d’une accusation légitime de mensonge, était, encore une fois, son visage beaucoup trop expressif pour feindre quoi que ce soit. Au-delà de l’angoisse, c’était surtout de la peur, se rendant bien compte que ce n’était absolument pas normal d’oublier ça. « Comment on peut oublier ce genre de chose ? Je vais faire comment ? » Sa respiration plus appuyée et son regard saccadé laissaient comprendre son questionnement face à cette situation et tout le stress qui commençait à prendre possession d’elle.
Elle était complètement perdue, se demandant même ce qui avait pu se passer dehors avant qu’il ne la trouve au milieu de la rue. Un choc à la tête passé inaperçu ? Une personne malveillante qui s’était amusée avec son inconscience pour lui faire rentrer ou sortir des choses de la tête ? Elle n’arrivait même pas à penser au plus logique : une amnésie passagère liée à son somnambulisme. Du somnambulisme, elle ne connaissait que les clichés des films. Les symptômes plus rares ne lui venaient pas à l’esprit et peut-être même que ça lui ferait peur. Ce soir, elle avait une chance : avoir été trouvée par Jackson. Mais que se passera-t-il si elle faisait une crise et qu’elle se réveillait seule quelque part avec des souvenirs en moins ? Serait-elle même capable de retrouver son chemin ? Elle n’avait même pas de téléphone sur elle pour appeler Camil, pas même ses clés qui auraient pu lui donner un indice ou de quoi réveiller des souvenirs. Rien d’autre qu’elle-même et son esprit dans le brouillard avec un Jackson suspicieux qui avait de quoi l’être. « Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas ce qu’il se passe. » Encore… « Je suis désolée. » de lui créer des soucis. Encore… Elle se sentait de nouveau vulnérable, comme dans le camion finalement, les iris humides de stress sans pour autant laisser les larmes couler. Ça va aller, se persuadait-elle. L’histoire n’était-elle pas qu’un éternel recommencement ?
La réaction de Brody le fait plisser les paupières. Plus de doute : Mills la regarde comme il scanne les suspects lors des interrogatoires, aussi méfiant qu’inaccessible dans son attitude de jugement silencieux, bien décidé à ne pas se laisser manipuler. Méthodique, l’agent observe, constate, note mentalement le langage non verbal de l’irlandaise afin d’y lire toute trace d’incohérence. Au moindre pas de travers, il la foutra à la porte avec en guise d’au revoir un bon coup de pied au cul. « Je sais que j’ai déménagé, mais je ne sais pas où. » Risible, l’affirmation n’arrache cependant aucun sourire à Jackson dont les yeux se réduisent désormais à deux fentes suspicieuses sous ses sourcils froncés. Oserait-elle simuler sur le terrain de l’amnésie ? Après avoir lu son carnet et découvert au plus proche de ses confessions intimes ce à quoi ressemble concrètement le fait de savoir tout en n’étant pas capable de se souvenir. La seule chose le retenant de le croire reste la peur qu’il sent pointer dans le timbre de voix de la brune lorsqu’elle reprend : « Comment on peut oublier ce genre de chose ? Je vais faire comment ? » Impression de déjà-vu. Sentiment désagréable de s’entendre penser à sa sortie du coma, quand le visage de Gabrielle ne lui revenait pas, qu’il ne comprenait pas pourquoi Louisa n’était pas venue le voir ou que réciter l’alphabet lui était impossible.
Le silence s’installe tandis qu’assis l’un à côté de l’autre, chacun s’enferme dans sa tête. Jax n’a pas besoin de faire preuve d’empathie pour deviner que Deborah panique. Il sait. « Je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas ce qu’il se passe. » Pas de réponse. Le regard vague de l’agent sous-entend que Mills réfléchit. Aucune mise en garde de Gallagher concernant les trous de mémoire ne lui vient à l’esprit, mais comment ne pas supposer qu’il puisse y avoir autant de somnambulismes que de somnambules ? Il se gratte le menton, tâchant alors de faire converger ses pensées vers les conseils du neurochirurgien. Dans le cadre de son amnésie, et parce que son badge témoigne de son dévouement total à la nation australienne, Jackson a bénéficié des meilleurs soins de santé. Certainement qu’il n’aurait pas retrouvé autant de ses capacités et de son autonomie si les professionnels du St-Vincent n’avaient pas été là pour l’accompagner. « Je suis désolée. » « T’excuse pas. » Répète-t-il.
C’est la première chose qu’on lui a dit à son réveil. Personne ne fait le choix de ne pas se souvenir. Le déni est basé sur la présence d’éléments sciemment planqués sous le tapis, mais l’oubli, lui, ne se contrôle pas. Qu’il vienne du temps qui passe, de la maladie qui ronge, du trauma qui refoule ou de l’accident de parcours amenant une balle à transpercer une boîte crânienne. Jackson soupire. Être replongé dans les heures sombre de sa propre histoire le perturbe d’autant plus que le t-shirt de superpapa témoigne des responsabilités qui seront bientôt les siennes. Il n’a pas le luxe de s’apitoyer sur son sort, pas le temps de perdre du temps à regretter les blancs que sa mémoire n’a pas encore réussi à combler. De moins en moins nombreux, certes, mais toujours présents et anxiogènes, surtout lorsque sa paranoïa se heurte à ce genre de toile blanche sur lesquelles projeter les pires suppositions…
Mills secoue la tête. « T’as pas les yeux en face des trous, ça arrive. On reste calme. » Lui jetant un coup d’œil, il inspire profondément par le nez puis souffle par la bouche en référence à la crise d’angoisse du camion de déménagement. « C’est sûrement passager, ça va rev’nir. » Jax en est quasi certain et éradique la part de doute accompagnant cette affirmation par le fait de se lever pour débarrasser la table basse des cadavres de bière sans alcool. Quand il les a tous rassemblés, il se tourne en direction de Brody. « Deux solutions : J’te dépose à l’hôpital pour un contrôle de routine ou tu tentes de dormir et on voit si tu t'souviens quand tu te réveilles naturellement. » Mills n’appellera pas Neo pour savoir où vit la brune. Il a grillé trop de jokers ces derniers mois pour prendre le risque d'éveiller les soupçons de son collègue. La problématique est sans urgence et son canapé confortable assez pour accueillir une sieste de qualité. Jax a survécu à pire situation que d'héberger une chieuse. À bien y réfléchir, Swad et lui ont déjà passé la nuit ensemble : par messageries interposées. Ironique qu'il faille que leurs adresses et leurs identités aient changé pour que cela se reproduise, dans la réalité cette fois.
L’incompréhension et la peur au bord des yeux, l’excuse au bout des lèvres (qu’il lui renvoyait), l’idiotie au fond de l’estomac. Elle se sentait bête, tellement bête, sans même penser une seule seconde qu’il l’avait lui-même vécu (pire encore puisqu’il avait oublié toute une partie de sa vie et que, le concernant, les souvenirs n’étaient pas revenus en quelques minutes ou heures). Elle n’osait même pas le regarder, trop prise par sa recherche de souvenirs sans même savoir après quoi son cerveau courait. Elle se souvenait de la sensation de sa crise d’angoisse dans le camion, elle se souvenait des courbatures du lendemain, elle se souvenait des mains abîmées à manipuler des jours durant. Les sensations étaient là, claires et limpides, elle sait qu’elles sont arrivées. Il ne lui manquait que les images et les sons, ceux qui pourraient l’aider à la géolocalisation.
Jackson cherchait à la rassurer et même si elle ne le regardait pas, figée par l’angoisse, elle l’entendait. Dans une parfaite imitation, elle inspirait profondément pour mieux expirer. Il avait raison. Il n’était pas nécessaire d’angoisser maintenant. Tout était nouveau, il fallait un temps d’adaptation et tout reviendrait dans l’ordre. Elle espérait tant qu’il puisse avoir raison sur ce coup-là. Sa respiration se trouvait plus lourde, plus profonde, plus calme. Elle ravalait ses larmes menaçantes parce qu’après tout, même si elle avait oublié, elle se souvenait du bureau de Camil et elle n’aurait aucun mal à aller le voir pour qu’il la ramène chez elle demain. Ce n’était que lorsqu’il bougeait du canapé pour ramasser les cannettes de bières qu’il la sortait de son immobilisation. Son regard se posait sur lui et son instinct lui faisait tendre la cannette la plus proche d’elle pour qu’il puisse la saisir avec plus d’aisance.
« Je suis franchement pas fan des hôpitaux, si ça te dérange pas. » disait-elle dans un froncement de nez à l’idée de devoir y aller. Elle préférait rester ici et c’était fort probable qu’il sache pourquoi. Elle n’avait aucun bon souvenir dans ce genre d’endroit ou toujours teintés d’un mauvais qui gâchait tout le reste. « Je peux t’emprunter ta salle de bain, s’il te plait ? » argumentait-elle en désignant ses pieds nus noircis par l’extérieur à avoir fait tant de kilomètres dans la pollution de la ville. Elle ne tenait pas franchement à dégueulasser son canapé. Dans la salle de bain, elle allait immédiatement dans la douche, glissant ses pieds sous le pommeau pour les humidifier avant d’attraper le gel douche pour faire disparaitre la moindre saleté. Ses mains aussi lavées, elle en profitait pour s’asperger le visage à l’eau froide ainsi que la nuque. Un court instant salvateur avant qu’elle ne se sèche le visage, les mains puis les pieds avec une petite serviette qu’elle avait trouvé soigneusement pliées avec d’autres sous le lavabo. A sa sortie, elle se dirigeait sans mal vers Jackson (il suffisait de suivre le peu de bruit qu’il faisait). « C’est très joli chez toi. » Très masculin aussi et très foncé mais ça ne l’étonnait pas vraiment. « Je ne sais pas quoi te dire de plus que merci. » disait-elle dans un sourire plus détendu et plus tendre. « Je te revaudrais ça si jamais un jour tu as besoin. »
Spoiler:
@Jackson Mills Je me suis autorisée à dire qu'il était open pour qu'elle utilise sa salle de bain mais si jamais si ça ne correspond pas, tell me et j'adapterai
« Je suis franchement pas fan des hôpitaux, si ça te dérange pas. » Il sait pourquoi. Jackson répond d'un " non " de la tête, tant pour le fait de rester que pour la salle de bain. Tandis qu'elle emprunte le couloir et disparait de son champ de vision, l'agent repense aux toilettes du St-Vincent. Ses gestes sont approximatifs et distraits lorsqu'il jette les canettes au recyclage. Ce sinistre souvenir fait écho au présent, parvient à pincer la corde de sa paranoïa. Et si Louisa faisait une grossesse nerveuse, elle aussi ? L'idée de ce bébé qu'ils désirent tant ne serait-elle pas capable de tromper le cerveau de la pilote, de manipuler son corps et d'apporter avec elle une déception si déchirante que ni lui, ni elle, ni Erika ne s'en remettraient ? Mills échappe un claquement de langue, pose les mains sur le plan de travail de la cuisine et rentre la tête dans le cou. Il s'exaspère. Du calme. S'intime-t-il. Ce n'est pas le moment de paniquer.
Brody revient avec des compliments sur son intérieur. Mills se tourne vers elle. L'anxiété semble avoir quitté l'irlandaise qui le gratifie d'un sourire apaisé. « Je ne sais pas quoi te dire de plus que merci. Je te revaudrais ça si jamais un jour tu as besoin. » Un soupir amusé accompagne le frémissement des commissures de ses lèvres. « J'viendrai pas me promener en slip chez toi, Brody, arrête de rêver. » Jax taquine et son attitude le laisse deviner. Tranquillement, il se dirige vers sa chambre dont il revient quelques secondes plus tard armé d'un oreiller et d'une couverture plus épaisse que le plaid. « J'vais m'doucher. » Qu'il avertit après avoir jeté la literie sur le canapé. « À boire. » Il pointe du doigt les verres propres à côtés de l'évier. « À manger. » Son index bifurque en direction du réfrigérateur. « À regarder. » Termine-t-il en désignant du menton la télécommande sur l'accoudoir de son lit de fortune. « Bonne nuit. »
Sous la douche, Jackson rumine encore un peu. L'eau qui nettoie sa sueur ne parvient pas tout à fait à lisser les plis de son esprit comme l'avait fait la course avant qu'il ne tombe sur Brody. La présence de Deborah chez lui le rappelle aux heures sombres de sa convalescence, aux casseroles qu'il se traine et aux incertitudes avec lesquelles il se doit de composer. Est-ce une bonne idée d'entraîner Lynch à la boxe ? Était-ce le meilleur choix de couler le cadavre de Swenson en haute mer ? Les tests de grossesse sont-ils à 100% fiables lorsqu'ils prétendent qu'un bébé est en route ? L'agent doute, mais, comme à son habitude, garde ses insécurités pour lui. Quand il sort de la salle de bain, ses pas humides l'entraînent jusqu'à son lit dans lequel il se couche sans demander son reste. La journée a été longue, ses suspicions ne seront pas puissantes au point de le garder éveillé de peur que son invitée ne l'attaque durant son sommeil.
Il parvenait à lui arracher un rire nasal. Debbie et son éternelle nostalgie ne pouvaient que se dire qu’elles retrouvaient là un peu de Closer/Jax. Le fameux qui lui manquait comme elle avait pu le souligner lors de leur dernière rencontre. De quoi lui faire répondre du tac au tac comme elle aurait pu le faire à l’époque par message : « Mince, j’aurais essayé. » disait-elle sur le même ton taquin. « Ça sera pour un autre service dans ce cas. » Il ne lui fallu que quelques secondes pour s’éloigner dans sa chambre et en revenir les bras chargés pour qu’elle soit plus à l’aise pour dormir. A boire, a manger, à regarder… « Merci. » quand bien même elle comptais dormir pour espérer retrouver au plus vite ses fonctions cognitives. « Bonne nuit à toi aussi. » Finalement, lorsqu’il était sous la douche, la seule chose qu’elle s’était permise de faire était de passer un coup d’éponge rapide sur la table basse, la sécher, pour mieux plier le t-shirt de super papa et l’y apposer. C’était bien plus sa place que sur l’accoudoir du canapé en attendant.
Après ça, elle avait pris place sur le canapé, enroulée dans la couverture et n’avait plus bougé. Le bruit de la douche était à double tranchant : d’un côté apaisant (petit côté ASMR sans doute) et de l’autre côté, il faisait appel à des souvenirs… pas franchement très catholiques, il fallait l’admettre. Elle en avait rêvé et fantasmé du Jax sous la douche quand ils s’étaient mutuellement avoués le besoin express de se satisfaire à l’idée de l’autre. Une pensée qu’elle s’efforçait de taire car qui disait futur papa disait future maman et sans même connaître leur lien, le respect était de mise, ne serait-ce qu’au cas où. C’était tout de même fou comme le cerveau était indépendant. Capable de se souvenir de ce genre de choses si lointaines quand d’autres plus récentes et plus quotidiennes semblaient perdues dans les limbes. Un mystère. Lorsque le calme complet s’était alors fait dans l’appartement, elle parvenait à s’endormir après quelques minutes de patience.
Le lendemain matin, à défaut de pouvoir lui offrir le petit-déjeuner (elle ne se trimbalait pas avec son portefeuille dans l’arrière train), elle lui en avait confectionné un avec ce qui se trouvait dans son frigo. Encore une façon de le remercier, comme elle l’avait tant dit, ça ne serait probablement jamais assez. Après quoi, elle n’avait pas tardé à quitter le domicile, le plaid en guise de jupe douteuse, les souvenirs intacts, le soulagement dans les tripes. Comme promis, le surlendemain, il retrouverait son plaid dans sa boite aux lettres, propre, plié et accompagné d’un petit smiley souriant au clin d’œil amical.