Alice est avec une nounou, ce soir. La confier à Thomas n’était pas envisageable, faire confiance à Joseph aurait été trop demander à sa sœur. La nounou était le bon choix, surtout alors que cette dernière a été choisie après avoir été triée sur le volet parmi beaucoup d’autres. Elle est surtout avec une nounou parce que Lily a longuement dû négocier pour obtenir la présence d’Ezra à ses côtés ce soir, lui qu’elle sait ne pas apprécier les événements du genre, ceux qui le poussent à porter une cravate et à parler à tout un tas d’inconnus uniquement pour bien se monter. Si on demande à Lily, son petit-ami se montre naturellement sous son meilleur jour et il est un homme doux et attentionné qui mériterait l’amour du monde entier (mais pas trop, quand même), mais elle sait aussi qu’il n’a jamais été entraîné aux interactions sociales de bon genre, tout comme il ne l’aime tout simplement pas. Et elle comprend. Elle le cache sans doute bien, mais elle comprend très bien ce qu’il en est. Simplement, elle ne peut pas se contenter de toujours lui offrir ce qu’il désire, même si elle aimerait bien sûr faire de lui l’homme le plus heureux au monde. Elle jure qu’il le sera autrement, à sa façon, autour des concessions faites pour leur famille enfin bien réelle.

Entre deux discussions, elle profite de quelques secondes auprès de lui pour ajuster sa cravate et centrer son veston, ses doigts manucurés s’affairant avec minutie et rapidité contre son torse. “On va aller voir un couple qui n’investit pas souvent, mais qui ne lésine pas sur les zéros lorsqu’ils le font. Ils sont importants.” En d’autres termes: ils n’ont pas le droit à l’échec, et par ils elle entend évidemment Ezra. Elle sait qu’elle sera parfaite de son côté, parce qu’elle a un contrôle total sur sa personne et sur l’image qu’elle reflète. Une main toujours posée contre son veston, au niveau de son cœur, elle a pourtant fini de s’affairer sur sa tenue et se contente simplement de relever les yeux en sa direction. Derrière sa robe près du corps se cache un bébé dont elle n’a encore parlé à personne et dont ils sont les seuls à tenir le secret. “Tu t’en sors très bien.” Finit-elle donc par ajouter dans un sourire, sans que ce ne soit un mensonge de circonstances. Il s’en sort très bien, elle le dit et elle le pense, parce qu’elle a confiance de la difficulté de l’exercice autant que du stress qu’il peut engendrer. Preuve en est, elle prend même le temps de lui offrir un bref baiser, soucieuse de ne pas faire bouger son rouge à lèvre. Perchée sur des talons hauts, elle n’a même pas à lever la tête pour l’observer les yeux dans les yeux. “Promis, ça compte pour l’année entière.” Ils ont négocié pour qu’il ne fasse qu’une apparence par an, le minimum pour Lily, le maximum pour Ezra, et cela semble leur souvenir des deux côtés. Sa main glisse finalement plus bas pour rejoindre la sienne, leurs pas cadencés les menant vers ledit couple.

“Monsieur Beauregard, vous êtes le portrait craché de votre père.” sont les premiers mots de David Saltzman, qui gratifie Ezra d’une forte poignée de main assurée, comme les hommes riches et sûrs de leurs appuis en ont le secret. Lily réarrange sa main pour plutôt l’enrouler autour du bras de son petit-ami, à qui elle offre un sourire poli, néanmoins prise de court par la réaction de l’homme d’affaires. Elle ne l’a jamais rencontré depuis qu’elle est à la tête de l’Association, c’est un fait, mais elle ne s’attendait pas à ce qu’il offre ses premiers mots à Ezra. “Votre femme, je présume ? C’est agréable de vous voir accompagner votre mari lors de tels événements.” Le sourire de Lily est toujours présent mais ô combien crispé, quand bien même elle répond à son tour par la main tendue par l’homme d’affaires. “Oui, un vrai plaisir, cela me donne un peu de compagnie pour que nos maris parlent ennuyeusement d’argent.” Elle est belle et distinguée, madame Saltzman, mais elle n’est pas celle qui mettra la main au porte monnaie, parce qu’elle n’en a que faire que de dépenser un peu de son argent, même pour bien se faire voir. “J’aime parler des faits ennuyeux, en réalité. Vous savez, une vraie petite scientifique.” Ce qui est un défaut, de toute évidence, aux yeux de la femme à qui elle offre un sourire plus grand encore, toujours présente auprès d’Ezra, incapable de le laisser gérer seul des années de dur labeur. Elle a une confiance aveugle en lui, mais pas lorsqu’il est question du travail.

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« On va aller voir un couple qui n’investit pas souvent, mais qui ne lésine pas sur les zéros lorsqu’ils le font. Ils sont importants. » Aux yeux d’Ezra, en réalité, tous les gens présents avaient l’air importants. Il ne faisait pas de distinction entre un costume et un autre, entre un sourire qui pouvait être faux et un qui se trouvait être sincère. Tout ce qu’il arrivait à voir sans soucis ce soir, c’était qu’il n’était absolument pas à sa place et qu’il faisait tache dans le décor - et même s’il était plutôt habitué à détonner partout ailleurs que sous le capot d’une voiture, ce n’était pas pour autant qu’il s’habituait au ressenti qui allait de paire avec. « SI y’a bien un moment où je peux pas merder, c’est maintenant c’est ça ? » Et il était également au fait que si Lily soulignait ce détail là à ce moment là, c’était justement parce-que de tous les moments de la soirée, celui là ne pouvait pas être manqué ou passer à la trappe. Oh, il n’aimait pas ce type de soirées Ezra - c’était d’ailleurs pour ça que c’était son frère qui avait d’abord pris la direction de l’Association à Brisbane et pas lui, à ses débuts -, mais parce-qu’ils avaient trouvé un accord il s’y tenait; également parce-que son nom s’inscrivait dans l’intitulé de l’Association et que ça faisait toujours bien qu’il ne soit pas très loin. Mais il passait outre de sourire sans arrêt pendant plusieurs heures d’affilé si cela pouvait avoir une quelconque utilité. Là, Lily lui demandait expressément de faire des efforts pour un moment en particulier et il commençait presque à avoir les mains moites - il ne supportait pas ce type de pression. « Tu t’en sors très bien. » Il pouvait parfaitement voir que son sourire était véritable, mais ce ne fut pas pour autant qu’il était rassuré d’une quelconque façon. Comme si elle avait deviné, elle déposa un baiser rapide sur ses lèvres qui, bien malgré elle surement, arracha un petit grognement à Ezra. « Promis, ça compte pour l’année entière. » - « J’espère bien. » Il l’espérait vraiment.

Finalement, ce fut en glissant sa main dans la sienne que Lily l’entraina jusqu’au dit-couple qui semblait les attendre depuis des heures déjà. Pour être de circonstances, Ezra affichait déjà un air bien plus enjoué qu’il ne portrait jusque maintenant, mais surtout il affichait un sourire poli à peine étaient ils entrés dans le champ de vision des deux autres personnes entrées en jeu. « Monsieur Beauregard, vous êtes le portrait craché de votre père. » Et de toutes les situations, il avait fallu que ce soit celle là qui soit choisie - celle où l’homme à qui il serrait désormais la main l’avait reconnu lui, pour son air de famille avec son père plutôt que de reconnaitre Lily qui était pourtant la directrice de l’Association. « Ca fait longtemps qu’on me l’avait pas dit ça. » Il tenterai l’humour, avec légèreté pour ne pas en faire de trop, alors qu’il serrait avec plus de délicatesse cette fois-ci la main de la femme à leurs côtés. Lily avait, quand à elle, remonté sa main jusque l’avant bras d’Ezra - il n’avait pas besoin de la regarder pour savoir qu’elle présentait parfaitement de son côté. « Votre femme, je présume ? C’est agréable de vous voir accompagner votre mari lors de tels événements. » - « Oui, un vrai plaisir, cela me donne un peu de compagnie pour que nos maris parlent ennuyeusement d’argent. » De toutes les paroles qui auraient pu être prononcées en guise d’introduction, ces dernières ne pouvaient être un peu plus à côté de la plaque. Et Ezra savait que dans une conversation normale, il était attendu à ce qu’il réponde lui dans un premier temps - mais que dire qui serait correct sans que la brune accrochée à son bras n’ait envie de lui arracher les yeux par la suite ? Ce n’était que peu perceptible, mais il s’était crispé un brin. « J’aime parler des faits ennuyeux, en réalité. Vous savez, une vraie petite scientifique. » Et il savait, quelque-part, que dans ce type de situation et pour certaines personnes, des rôles spécifiques en guise ‘étiquettes leur étaient accrochés; mais lorsqu’il était question de l’Association, rien n’était fait dans le sens habituel pour Lily et Ezra. « En réalité, c’est moi qui apporte un peu de compagnie pendant qu’elle parle ennuyeusement d’argent. » Le sourire qu’il étirait sur ses lèvres était empli de fierté, mais il n’osait pas tourner son regard vers Lily - il se contenta de poser sa main sur la sienne, toujours accrochée à son avant-bras. « C’est moi qui l’accompagne ce soir. » Il put voir l’étincelle d’étonnement dans les deux regards qui se posaient sur eux, et le froncement de sourcils qui fit rapidement perceptible de la part de l’homme - il ne connaissait pas son nom bien que ce dernier semblait connaitre son arbre généalogique. « Je ne comprends pas, l’Association est bien à votre nom pourtant, non ? » Il retint un soupire. « Plus celui de mon père que le mien, mais oui, c’est bien Beauregard qui est inscrit. » Oh, il allait rapidement patauger dans la semoule. « Mais c’était mon frère qui avait pris les rênes, pas moi, c’est peut-être pour ça que c’est confus. On se ressemble pas mal, lui et moi en plus. » Et sentant tout seul comme un grand qu’il dérapait en beauté, Ezra pressa gentiment mais fermement la main de Lily - un appel à l’aide silencieux. De toutes façons, il savait qu’elle allait intervenir rapidement pour ne pas le laisser parler trop longtemps, mais lui montrer qu’il avait compris ne pas être en bonne voie lui donnerait des points bonus pour la suite.

« SI y’a bien un moment où je peux pas merder, c’est maintenant c’est ça ? » Lily n’aurait pas osé faire un tel résumé de la situation mais, d’une certaine manière, il n’aurait pas pu viser plus juste. Il avait le droit de ne pas être au meilleur jusque-là, mais maintenant il ne peut pas se risquer à faire des erreurs, surtout alors qu’il assiste à la soirée non seulement en tant que sa moitié, mais aussi en tant que Beauregard, nom que tout le monde a à la bouche. Pour autant, elle le lui promet: elle ne réitérera jamais de trop ce genre d’exercice, bien au fait qu’ils ne plaisent pas à Ezra. Et malgré tout ce qu’elle peut parfois laisser croire à ceux qui pensent la connaître, le bonheur de son compagnon est important à ses yeux. “Tu ne vas pas merder.” Elle lui souffle doucement lorsque leurs lèvres se séparent. Elle s’assurera que cela n’arrive pas.

Sans que cela n’ait pu être prévisible, le couple slalome entre les remarques impossibles des investisseurs, chacun ne pouvant viser plus faux. Ezra est l’homme grand et fort qui s’occupe des finances de l’association autant que de la maison, là où Lily est simplement parfaite pour sourire avec ses lèvres parfaitement rouges et sa robe élégante sans être de trop. Et si cette dernière tente de se défendre pour remettre les choses en ordre, elle se contente d’y aller pas à pas pour ne pas risquer de faire de zèle. « En réalité, c’est moi qui apporte un peu de compagnie pendant qu’elle parle ennuyeusement d’argent. » Il pose sa main contre la sienne alors qu’elle relève un instant son regard dans le sien, brisant son rôle l’espace de quelques secondes pour prendre le temps de l’observer avec fierté. « C’est moi qui l’accompagne ce soir. » - « Je ne comprends pas, l’Association est bien à votre nom pourtant, non ? » Et l’association restera toujours au nom de Beauregard, même si la lignée venait à s’éteindre. « Plus celui de mon père que le mien, mais oui, c’est bien Beauregard qui est inscrit. Mais c’était mon frère qui avait pris les rênes, pas moi, c’est peut-être pour ça que c’est confus. On se ressemble pas mal, lui et moi en plus. » Lily garde le silence parce qu’elle a bel et bien compris que ses mots sont moins valorisés que ceux de son petit-ami. Son sourire poli cache parfaitement toute la rancœur qu’elle nourrit à l’idée de ne pas voir son travail apprécié à sa juste valeur. Toutes les choses connaissent pourtant une fin, et elle comprend que cette dernière approche alors qu’Ezra presse doucement sa main contre la sienne pour demander des renforts. “C’est ma faute, j’aurais dû préciser qu’il y a eu des changements à la tête de l’association. J’ai pris la relève de Noa Jacobs en décembre 2021.” Assez de temps s’est écoulé pour qu’ils aient normalement été capables de se rendre compte des choses par eux-mêmes, voilà ce qu’elle en pense. “Ma rencontre avec Ezra est un heureux hasard.” Elle l’annonce sans plus jouer le moindre rôle, désormais, son regard à nouveau relevé dans le sien et sa main libre posée contre son ventre. “Tu entends ça Davie ? Quelle belle histoire.” Elle est conquise, et il existe déjà un point pour eux. “Intéressant. Vous êtes tous deux des Beauregard à la tête de l’association du même nom, que c’est amusant.” Le sourire de Lily se crispe alors qu’il sous-entend pour la deuxième fois déjà qu’ils sont un couple mariés - ce qui n’est pas le cas, de toute évidence - et qu’il refuse par la même de comprendre qu’Ezra ne travaille pas le moins du monde autour de l’association. “Deux ne sont pas de trop pour s’occuper d’une aussi grande association qui compte autant de patients, bénévoles et employés.” Il faut qu’ils en reviennent au sujet principal, raison pour laquelle Lily les redirige avec délicatesse, son regard passant de l’un à l’autre des époux Saltzman.

“Ezra a pris grand soin d’apprendre par coeur la liste des amuse-bouches, madame Saltzman, cela vous ennuiera peut-être moins que la discussion que j’aimerais avoir avec votre mari.” Ezra n’aimera pas davantage la situation, mais elle a à coeur de penser qu’il se sentira un peu plus à l'aise dans une discussion en face à face, surtout si elle se prouve être un peu moins formelle que celle qu’elle souhaite avoir avec David, qui signe les chèques. “De mon côté, je n’aurai pas la chance de cacher quelques kilos en trop derrière une grossesse, mademoiselle Beauregard.” Lily se fige un instant, interdite, prise de court par le sous-entendu qui n’en est pas vraiment un alors que le regard de la sexagénaire se pose contre le ventre de la future (encore) mère. “C’est…” - “Le terme est prévu pour quand ?” Elle a une voix douce, le genre de douceur qui ne peut pas être feinté et qui symbolise sûrement bien plus la nostalgie d’une époque révolue. “En décembre.” Elle avoue finalement, à son tour en souriant, ayant passé l’éponge sur l’idée de corriger le nom de famille lui ayant été affublé. “Alors j’imagine que monsieur Beauregard prendra les rênes.” Il ne lâche pas son os, donc.

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« Tu ne vas pas merder. » Et pour qu’elle le dise de cette façon, avec autant d’assurance, cela devait valoir quelque-chose; cependant Ezra était tout fait lucide sur ses capacités à agir en société, et savait à quel point ce type de soirée pouvait à contrario être très important pour Lily. Inspirant une nouvelle fois profondément, il se laissa finalement guider vers un couple qu’il n’avait encore jamais rencontré, mais qui savait déjà presque parfaitement qui lui était. A quelques détails près, à une vision des choses près aussi. Et si celui portant le nom Beauregard était apparemment devenu rapidement le centre d’intérêt de cette discussion, ce dernier tenta aussi vite que possible de se retirer du feu des projecteurs. Il n’était pas à l’aise dans cette conversation, elle ne portait pas l’accent sur les sujets qui importaient réellement, et surtout elle lui demandait de redoubler d’efforts dans ses paroles - si bien qu’il fit rapidement comprendre à la brune à ses côtés qu’elle devait le sortir de là, sinon tout risquait d’être définitivement mis en péril. « C’est ma faute, j’aurais dû préciser qu’il y a eu des changements à la tête de l’association. J’ai pris la relève de Noa Jacobs en décembre 2021. Ma rencontre avec Ezra est un heureux hasard. » Et alors que le regard de Lily remontait dans sa direction, ses propres prunelles accrochèrent celles de sa douce, un sourire authentique apparaissant cette fois-ci sur ses lèvres. « Vraiment très heureux, ce hasard. » Parce-que le lien entre l’Association, Lily et Ezra ne se faisait pas grâce aux mêmes raisons qui avaient poussé tous ces étrangers à se retrouver dans la même pièce aujourd’hui; ils se connaissaient déjà bien avant que l’antenne Beauregard n’ouvre ses portes à Brisbane. « Tu entends ça Davie ? Quelle belle histoire. » - « Intéressant. Vous êtes tous deux des Beauregard à la tête de l’association du même nom, que c’est amusant. » La conversation avait pris une teinte de légèreté, qui n’était pas de refus, mais qui apparemment ne semblait pas plaire à Davie qui ne cessait de remettre Ezra au milieu de la discussion; il avait déjà hâte de rentrer, mais désormais il ne pensait presque plus qu’à ça. « Deux ne sont pas de trop pour s’occuper d’une aussi grande association qui compte autant de patients, bénévoles et employés. » Deux moins un surtout, puisqu’il n’avait jamais été question aux yeux de n’importe qui qu’il ait un rôle important comme celui de Lily dans l’Association. Il était heureux d’apporter son aide quand cela était nécessaire, pour tout et n’importe quoi s’il le fallait, mais en aucun cas il ne désirait avoir des responsabilités qui le déstabiliseraient.

« Ezra a pris grand soin d’apprendre par coeur la liste des amuse-bouches, madame Saltzman, cela vous ennuiera peut-être moins que la discussion que j’aimerais avoir avec votre mari. » Et une fois de plus, avec habilité, Lily réussit à rediriger la discussion sur ce qui importait vraiment - pas le fait qu’il avait effectivement pris soin d’apprendre la liste des mets qu’ils avaient prévu de service ce soir, mais qu’elle désirait avoir une discussion avec monsieur Saltzman et qu’Ezra et elle étaient sur un champ de bataille qui ne les regardaient pas. Et alors qu’il s’apprêtait à laisser aller le bras de Lily pour proposer à la dite madame Saltzman de s’accrocher au sien à la place, cette dernière le coupa dans son élan. « De mon côté, je n’aurai pas la chance de cacher quelques kilos en trop derrière une grossesse, mademoiselle Beauregard. » Certainement que quelques kilos de la dernière grossesse pouvaient être encore présents, difficiles à laisser aller en si peu de temps; Ezra n’était pas réellement le mieux placé pour comprendre ça mais il n’était pas non plus totalement demeuré. En revanche, il avait bien l’impression que les paroles de la femme face à eux ne portaient pas sur ceux que Lily pouvait avoir gardé de la première grossesse, mais plutôt de ceux qu’elle s’apprêtait à prendre; était-elle sorcière, ou avait des yeux avec des rayons X ? Si Lily réussit à reprendre de la contenance rapidement, ce ne fut pas le cas d’Ezra qui resta un instant supplémentaire avec un air interdit accroché à son visage. « C’est… » - « Le terme est prévu pour quand ? » Et là où il pensait en revanche qu’elle nierait avec un beau sourire, la réponse de la brune le surprit. « En décembre. » - « Alors j’imagine que monsieur Beauregard prendra les rênes. » Et s’il était resté silencieux et discret jusque maintenant parce-qu’il n’était pas désireux de faire le moindre faux pas, aux nouveaux mots prononcés par monsieur Saltzman, Ezra se tourna complètement vers lui. « Monsieur Beauregard a déjà beaucoup à gérer avec sa propre entreprise, mais même si c’était pas le cas: il prendrait pas les rênes. Je suis pas taillé pour ça, et Lily s’en sort bien mieux sans mon aide, croyez moi. » Accordant un petit sourire - plein de fierté, bien sur -, à Lily, il se tourna une nouvelle fois vers l’homme. « Je pense que madame Saltzman et moi avons beaucoup à discuter, pendant que vous avez d’autres sujets à aborder qui nous passerons bien au dessus. » Ce fut alors vers cette dernière qu’il se tourna, lui proposant son bras. « J’ai effectivement appris tous les petits fours par coeur et je sais d’avance quel cocktail vous allez adorer. » Elle portait un petit sourire qu’il lui donna presque envie de rire. « Pourquoi est-ce que j’ai l’impression que vous êtes plein de surprise, monsieur Beauregard ? » Elle attrapa son bras, le rire d’une adolescente se faisant déjà entendre. « Appelez moi Ezra, s’il vous plait. »

Oh, lui avait passé un bon moment avec Nancy - il en était même venu à l’appeler par son petit nom, c’était pas peur dire -, et ce ne fut que lorsqu’ils avaient passé ce qu’il considérait assez de temps loin des discussions sérieuses et de ceux devant les mener qu’ils revinrent tous les deux auprès de l’autre moitié de ces deux duos dont la rencontre était presque improbable. Au moins, une chose était sure: si Lily n’avait pas réussi à convaincre comme elle le souhaitait à la base monsieur, madame état conquise et saurait appuyer en leur faveur. « J’espère qu’on ne dérange pas. » Aussi rapidement que possible, Ezra se posta aux côtés de Lily pour passer sa main dans le bas de son dos, posant avec délicatesse et pudeur sa main contre sa taille. « Et que vous avez fini de parler de choses ennuyantes. » Quitte de toutes façons à ce que ses interruptions ne soient pas bien perçues, autant qu’il allait jusqu’au bout des choses. « Nous avons passé un moment fort intéressant, de notre côté. » A ce moment là, Nancy reportait déjà son attention vers Lily. « Je comprends pourquoi vous l’avez choisi lui, mademoiselle. C’est une bonne pioche pour votre futur enfant et celle qui vous attend déjà à la maison. » Peut-être qu’erra avait omis de préciser qu’il en était à son troisième enfant, parce-qu’il ne fallait pas abuser des bonnes choses. « Un homme dévoué pour sa famille. » - « Un homme dévoué pour sa famille ? » Monsieur Saltzman, qui n’avait pas eu la discussion entre les deux de revenue jusqu’aux oreilles, semblait presque d’avance fier de ses prochaines paroles - il avait presque déjà un petit rire. « Plutôt un homme qui travaille bien pour agrandir sa famille alors, oui. » Oh, qu’il allait s’en vouloir assez rapidement du petit sourire presque fier qui s’étirait sur ses propres lèvres aux commentaires de l’homme face à lui. Il était fier de sa famille, Ezra, et de tout ce que Lily et lui étaient en train de construire; il y avait simplement des moyens plus acceptables de le montrer.

Ezra établit la dernière pirouette pour le laisser apte à fuir cette discussion, et Lily est aussi heureuse qu’elle est fière de lui, parce qu’il s’en sort véritablement à merveille dans sa fuite, surtout alors qu’il ne précise pas être à la tête d’un garage et que cela a tout pour arranger Lily. Disons simplement qu’elle juge que cette information est à sa place sous la moquette. Il charme madame Saltzman sans que cela ne pose un réel problème à la brune, sans doute parce qu’elle sait bien ne pas risquer de se faire voler le père de sa fille par une femme bien plus proche de la fin de sa vie que de ses débuts. « Appelez moi Ezra, s’il vous plait. » Il annonce, jouant de son sourire autant que de son bras tendu en sa direction pour qu’elle l’attrape, le tout sous le regard amusé et sans doute même un brin touché de Lily, qui se rend plus que jamais compte de tous les efforts qu’il fait pour elle. Finalement, c’est avec un air plus résolu qu’elle se retourne vers David, bien décidée à lui prouver qu’elle n’a rien d’une petite poupée de porcelaine qu’on exhibe pour sa plastique. Elle ne démérite pas la place qu’elle a eu sein de l’Association, tout comme elle fait son maximum au jour le jour pour être la meilleure possible, et il est parfaitement hors de question qu’un inconnu dont l’argent déborde des poches arrive du jour au lendemain pour lui dicter de suivre la voie déblayée par Ezra. Peu importe à quel point elle l’aime, il n’a rien à voir avec son travail, ni même sa vie professionnelle de façon générale.

* * *

« J’espère qu’on ne dérange pas. » Lorsqu’elle sent la main d’Ezra contre son dos, elle s’octroie enfin le droit de respirer doucement, déjà un peu moins crispée. Son sourire est uniquement d’apparence, comme en démontrent le bout de ses phalanges rougies par la pression qu’elle exerce contre son verre - de faux champagne, évidemment. « Et que vous avez fini de parler de choses ennuyantes. » - “On avait justement fini. Et puis, on a encore beaucoup d’autres personnes à saluer.” Elle annonce, regardant seulement David dans les yeux, pour qu’il comprenne qu’il n’est pas le centre de leur attention et qu’ils peuvent très bien se débrouiller sans lui. « Nous avons passé un moment fort intéressant, de notre côté. » Ils sont donc deux à mentir comme ils respirent, et c’est sans doute intéressant à souligner, à défaut que leur discussion ait su l’être. « Je comprends pourquoi vous l’avez choisi lui, mademoiselle. C’est une bonne pioche pour votre futur enfant et celle qui vous attend déjà à la maison. Un homme dévoué pour sa famille. » Ezra n’a donc pas su tenir sa langue au sujet de la famille qu’ils forment déjà, et cela attendri Lily bien plus que cela ne la met en colère (et pour cause: elle n’est absolument pas en colère). Entendre Nancy parler de son petit-ami a le don de l’apaiser un peu plus encore, et cela lui permet aussi de reposer son regard sur les traits du Beauregard qu’elle connaît si bien. “Je suis heureuse que l’amour se soit porté sur la bonne personne.” Elle a prévu sa vie sur des décennies et ce dès son plus jeune âge, mais jamais Lily ne s’est imaginée vivre auprès d’un homme qu’elle n’aimait pas. Tel a toujours été sa limite, quitte à parfois s’enticher des mauvaises personnes. Ezra, de toute évidence, n’en est pas une. Bien au contraire. « Un homme dévoué pour sa famille ? Plutôt un homme qui travaille bien pour agrandir sa famille alors, oui. » Mais elle a beau l’aimer de tout son cœur, n’en reste pas moins qu’elle le trouve parfois un peu trop naïf, comme en cet instant alors qu’il part du principe absurde que David est aussi dans leur camp, occupé à les complimenter. Il n’en est rien, et cette remarque est sans doute celle de trop, Lily étant certaine que son masque de politesse commence déjà à se briser. “Et c’est justement parce qu’Ezra est dévoué à beaucoup de choses que je vais devoir vous le dérober à mon tour, nous avons encore beaucoup à faire.” Son sourire final semble plus sincère que jamais, et elle y ajoute les dernières salutations nécessaires pour les excuses, son bras enroulé autour de celui d’Ezra pour qu’il accepte de la suivre sans poser de questions, les pas de la brune menant vers l’extérieur. Ils ont besoin d’air. Elle, surtout, lui, par extension.

“Quel connard.” Elle souffle enfin, n’ayant plus à appliquer le moindre filtre entre ses mots et ses pensées. Ses doigts pincent l’arête de son nez, sans qu’il y ait de véritable objectif derrière. “Il mange dans la main de sa femme et il continue de penser que je suis pas capable de faire autre chose que la cuisine et des enfants.” Elle n’en veut pas à Ezra, à aucun moment, mais bon sang qu’elle a besoin de se décharger avant de retourner jouer à la parfaite hôtesse. “Il n’a pas arrêté de me poser des questions sur toi, pour savoir comment tu réussissais aussi bien à gérer la branche à Brisbane, pourquoi tu faisais des concessions pour ta famille ici plutôt que de vivre à Sydney, comment j’avais réussi à te mettre le grappin dessus alors que tu es si précieux.” Et elle le répète encore: sa colère n’est pas tournée envers Ezra, il se retrouve simplement au sujet d’une discussion qu’il n’a même jamais demandé à avoir ; et ça aussi, elle le sait très bien. “Il a rien voulu entendre, j’espère que ça s’est mieux passé avec sa femme.” Qui, bien que particulière à son tour, semblait au moins pouvoir assembler un et un sans penser que tout tourne autour du nom de famille de Beauregard.

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« On avait justement fini. Et puis, on a encore beaucoup d’autres personnes à saluer. » Avec un petit sourire, Ezra acquiesça aux paroles de la brune. Il était vrai qu’ils avaient bien d’autres personnes avec qui échanger ce soir, et surtout s’ils avaient terminé de parler de choses ennuyantes, ça l’arrangeait personnellement qu’ils fassent chemins différents avec le couple à leurs côtés. Nancy était bien amicale, mais il avait besoin de prendre quelques instants de répit après tous les efforts qu’il avait fait dans la dernière heure. « Je suis heureuse que l’amour se soit porté sur la bonne personne. » Les paroles de madame étaient bienveillantes envers le jeune couple, elles faisaient du bien à entendre, autant qu’il appréciait particulièrement le regard que Lily posait sur lui en cet instant. En revanche, monsieur semblait y aller d’un humour bien plus particulier, qui fit mouche chez la brune à ses cotés. Enfin, Ezra ne s’en aperçut pas de suite bien sur, plutôt occupé à ricaner doucement aux mots de Saltzman. « Et c’est justement parce qu’Ezra est dévoué à beaucoup de choses que je vais devoir vous le dérober à mon tour, nous avons encore beaucoup à faire. » Tirant un petit sourire d’excuses de son côté, Beauregard promit de passer le bonjour à son sénior avant qu’ils ne prennent tous congés les uns des autres.

« Quel connard. » Ils avaient à peine mis le nez dehors lorsque ces mots échappèrent de la bouche de Lily - ce qui eut le don de provoquer une expression de surprise sur le visage d’Ezra. « Quoi ? » Ce n’était pas souvent qu’elle osait un tel langage, d’où son étonnement authentique. « Il mange dans la main de sa femme et il continue de penser que je suis pas capable de faire autre chose que la cuisine et des enfants. » Il ouvrit la bouche, pour finalement la refermer dans la foulée - pour une fois, ses pensées avaient réussi à rattraper ses réflexes, si bien qu’il avait évité le commentaire qu’il s’apprêtait à formuler à haute voix. Lily pourrait être très heureuse de savoir qu’elle faisait pourtant parfaitement bien les deux, mais cela ne semblait pas spécialement être le bon moment pour lui souligner - une intuition qui lui éviterait à coup sur de dormir sur le canapé ce soir. « Il n’a pas arrêté de me poser des questions sur toi, pour savoir comment tu réussissais aussi bien à gérer la branche à Brisbane, pourquoi tu faisais des concessions pour ta famille ici plutôt que de vivre à Sydney, comment j’avais réussi à te mettre le grappin dessus alors que tu es si précieux. » Un petit rire s’échappa d’entre les lèvres d’Ezra en cet instant, en revanche. « Il a pas eu le temps de te regarder ? Il devrait plutôt se demander comment moi j’ai réussi à te mettre le grappin dessus. » Une question qui ne manquait pas de traverser l’esprit d’Ezra plus d’une fois par semaine au moins.

« Il a rien voulu entendre, j’espère que ça s’est mieux passé avec sa femme. » Plissant les sourcils, il fit quelques pas pour se planter devant Lily. « Ca s’est super bien passé, elle est charmante et maintenant elle est charmée en plus. » Mais en cet instant, il voyait bien que ce n’était pas simplement l’Association qui était en jeu et qui mettait Lily dans cet état; certes, les hormones devaient reprendre de plus belle et y être pour quelque-chose, mais il ne se souvenait pas l’avoir déjà vu en colère de la sorte pour sa première grossesse. Du bout de l’index, il souleva doucement son menton pour plonger son regard dans le sien. « Pourquoi t’es énervée comme ça ? » Ses sourcils étaient carrément froncés, désormais. « C’est pas la première fois que tu tombes face à des gars qui y connaissent rien et qui sont cons comme des manches à balais. Mais tu t’énerves pas comme ça d’habitude. Tu te sens bien ? Un problème avec le bébé ? » Les deux questions étaient désormais indissociables depuis de longs mois, entre les lèvres d’Ezra. S’il demandait à Lily comment elle se sentait, il enchainait forcément avec un mot pour l’enfant qu’elle portait. Et étant donné qu’Alice était encore un nouveau né, cette habitude n’avait même pas eu le temps de le laisser tranquille un instant. « T’es inquiète pour Alice ? Je peux rentrer et retourner la voir si tu veux avoir l’esprit plus tranquille. Mais y’a aussi Noah à la maison, je suis sur qu’il m’appellerait si ça allait pas. » C’était quelque-chose de plus prenant, il pouvait le lire dans le regard de la brune mais il n’arrivait pas seul à mettre le doigt dessus.

« Quoi ? » Elle n’est même pas étonnée qu’il n’ait rien remarqué, non seulement parce qu’il était avec la femme, mais aussi et surtout parce qu’il est lui-même et parce qu’il pense toujours que le monde entier est aussi bien intentionné que lui-même. Ezra est une bonne personne, n’importe qui pourrait le dire, mais il est loin d’en être de même pour le reste du monde, et en particulier de David Saltzman, donc. Sans répondre réellement à sa question, Lily continue d’expliquer la situation à sa façon, toute sa colère étant dirigée contre l’homme avec qui elle a passé quelques minutes à peine: de toute évidence, elle ne prévoit pas d’en passer davantage à ses côtés. « Il a pas eu le temps de te regarder ? Il devrait plutôt se demander comment moi j’ai réussi à te mettre le grappin dessus. » Dans un souffle mi-fatigué mi-amusé, elle reprend la parole rapidement. “Ezra…” Elle est trop en colère pour vouloir faire de l’humour en cet instant, même si elle comprend qu’il n’a que de bonnes intentions et qu’il tente à sa façon de faire redescendre la pression et de la calmer.

Plutôt que de continuer à s’énerver contre l’homme d'affaires, elle préfère tenter de se calmer en demandant à Ezra si la discussion s’est mieux passée de son côté. A défaut, elle espère au moins qu’elle s’est avérée être moins pire. « Ca s’est super bien passé, elle est charmante et maintenant elle est charmée en plus. » Elle hoche la tête et analyse ses mots avec sérieux. “D’accord. Super. Tant mieux.” Lily est réellement soulagée de savoir qu’il a au moins sauvé la mise pour deux, surtout alors que sa femme semble peser bien plus qu’elle ne l’aurait d’abord cru dans la prise de décision des choix familiaux. “Merci.” Elle sait à quel point il déteste ce genre d’exercice, ce qui est une raison supplémentaire pour elle de lui être sincèrement reconnaissante de l’avoir aidée.

Guidée par le doigt qu’il pose sous son menton, Lily relève ce dernier en même temps que ses yeux dans ceux d’Ezra. « Pourquoi t’es énervée comme ça ? » Elle souffle longuement, comme si elle se rendait enfin compte de son propre état et surtout de celui de ses sentiments. Il y a sans doute trop de raisons à cela pour qu’elle puisse le lui expliquer. « C’est pas la première fois que tu tombes face à des gars qui y connaissent rien et qui sont cons comme des manches à balais. Mais tu t’énerves pas comme ça d’habitude. Tu te sens bien ? Un problème avec le bébé ? » - “Non, Ez, c’est pas ça.” Elle le dit doucement, tout bas, sans reproches à son égard. Elle n’aime pas l’idée qu’il puisse expliquer la moindre de ses réactions en se demandant si c’est à cause du bébé, surtout alors qu’elle est persuadée autant que convaincue que cela n’a aucun rapport avec la réalité des faits. « T’es inquiète pour Alice ? Je peux rentrer et retourner la voir si tu veux avoir l’esprit plus tranquille. Mais y’a aussi Noah à la maison, je suis sur qu’il m’appellerait si ça allait pas. » Si elle a d’abord répondu avec toute l’empathie et la bienveillance du monde la première fois, il n’en subsiste plus aucune désormais alors qu’elle perd soudainement patience, cette dernière ayant déjà été mise à mal par David Saltzman avant qu’Ezra ne vienne récolter les conséquences de leur discussion amère. “Je ne m’inquiète pas pour Alice. Je viens de te dire qu’un homme vient de résumer les cinq dernières années de travail acharné de ma vie à rien du tout et à la chance que j’ai d’être en couple avec un Beauregard, et tu penses que ça a quoi que ce soit à voir avec notre fille ?” Elle n’a aucune raison de s’en faire pour Alice, ni pour Noah, et elle ne veut pas être ce genre de mère qui base son existence sur des éternels “et si” ornés de doutes, de craintes, et d’autres peurs infondées en tous genres. “Je t’aime, tu le sais, mais je ne suis pas avec toi parce que tu t’appelles Beauregard, et j’en ai marre d’être résumée à notre couple et surtout de passer pour celle qui attend chaque soir que tu reviennes après une dure journée à l’association.” Elle l’aime pour la personne qu’il est, ce qui ne comprend pas son arbre généalogique, et encore moins sa non-implication dans l’association fondée par son père. Elle en veut d’autant plus à David de la résumer à Ezra parce que ce dernier refuse depuis la première heure de s’impliquer dans l’association, ce qu’elle n’a jamais cherché à lui reprocher, mais ce qu’elle trouve surtout particulièrement injuste dans la situation actuelle. “Je me tue à la tâche avec la grossesse qui me fatigue plus que jamais, Alice qui se réveille toutes les quatre heures, et l’association qui ne tourne pas toute seule, et tout ce qu’il trouve à dire c’est que je ne peux bien sûr pas être à la tête des opérations parce que j’ai pas le bon nom de famille.” Lily n’est pas féministe, pas forcément partisane de la parité non plus, ni même d’aucune cause de façon générale, mais elle militera toujours pour être reconnue à sa juste valeur, surtout alors qu’elle ne triche jamais lorsqu’il s’agit de se donner à son maximum lorsqu’il s’agit de sa famille ou de son travail.

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« Ezra… » Il avait beau ajouter ici et là une touche d’humour, pour détendre quelque peu l’atmosphère que la brune était en train d’ajuster autour d’eux, cela ne prenait pas - il pouvait voir dans le ton de sa voix et sur les traits de son visage qu’elle était bien trop énervée pour ne même pas concéder à simplement un petit sourire. Elle était bien trop concentrée sur l’échange qu’ils avaient avec le couple - autant chacun de leur côté qu’ensemble, en témoignait la façon dont elle demanda tout de même commencent s’était déroulé l’échange entre madame Saltzman et Ezra en aparté -, et sur les paroles qui avaient pu être prononcées pendant ce dernier. L’énervement prenait le dessus, et ce n’était pas quelque-chose qui le rassurait, en témoignait ses paroles et ses gestes dans les instants qui suivirent. S’il y avait le moindre problème, qu’importe la raison, il fallait que Lily lui en parle: il pouvait aider. Si elle ne se sentait pas bien, ils pouvaient rentrer tant pis pour la démonstration qu’ils étaient supposés montrer ce soir. « Non, Ez, c’est pas ça. » Alors si elle était inquiète pour la petite restée à la maison pour la première fois avec une baby-sitter, ils trouveraient un moyen de s’arranger aussi. Il n’était pas question qu’elle soit émotionnellement malmenée de la sorte, qu’importe la source du problème.

Apparemment, il était encore à côté de la plaque; il le devina dès qu’elle reprit la parole au ton qu’elle prêta à ses mots. « Je ne m’inquiète pas pour Alice. Je viens de te dire qu’un homme vient de résumer les cinq dernières années de travail acharné de ma vie à rien du tout et à la chance que j’ai d’être en couple avec un Beauregard, et tu penses que ça a quoi que ce soit à voir avec notre fille ? » Il pinça quelque peu les lèvres, gardant autant que possible son regard accroché au sien. « Je sais pas, justement, c’est pour ça que je te pose la question. » Il était à côté de la plaque, d’accord, il comprenait; mais ce n’était pas intentionnellement que c’était le cas, juste qu’il n’avait pas saisi l’ampleur et apparemment l’impact d’une discussion qu’il avait prise comme presque bon enfant entre deux couples qui se rencontraient dans un contexte guindé. Mais à voir la façon dont elle réagissait, il avait eu tort. « Je t’aime, tu le sais, mais je ne suis pas avec toi parce que tu t’appelles Beauregard, et j’en ai marre d’être résumée à notre couple et surtout de passer pour celle qui attend chaque soir que tu reviennes après une dure journée à l’association. » Même si une partie de ses paroles faisait du bien à entendre, Lily enfonçait des portes ouvertes. Il savait bien qu’elle n’était pas avec lui pour son nom de famille - il mettait de côté savoir parfaitement également qu’elle était avec lui, à la base, pour bien autre chose que l’amour qu’elle pouvait éprouver pour lui.

« Je me tue à la tâche avec la grossesse qui me fatigue plus que jamais, Alice qui se réveille toutes les quatre heures, et l’association qui ne tourne pas toute seule, et tout ce qu’il trouve à dire c’est que je ne peux bien sûr pas être à la tête des opérations parce que j’ai pas le bon nom de famille. » - « Prends le alors, si ça peut t’aider à ce qu’on reconnaisse ton travail. Mon nom de famille. Le bon nom de famille. »

Elevant légèrement un sourcil sur son visage, Ezra était on ne pouvait plus sérieux en cet instant. Ce n’était pas de cette façon là qu’il avait conçu dans son esprit le moment où il demanderait enfin à Lily de devenir officiellement sa femme, mais puisqu’elle amenait la conversation sur le tapis - entre autres choses à exploiter, certes, mais c’était cette partie là qui l’intéressait lui. Il y avait tellement d’éléments à prendre en considération, qu’il n’avait su trouver le bon moment pour mettre un genoux à terre; il n’avait su trouver l’opportunité qui saurait ravir surtout la personne à qui il s’adressait actuellement. Mais peut-être était-ce aussi ce type d’occasion comme aujourd’hui, volée à l’instant présent, qui pourrait remplir parfaitement le rôle. Il aurait préféré avoir au moins une bague à lui présenter, et qu’elle ne soit pas planquée dans un tiroir chez son frère pour ne pas qu’elle tombe dessus par erreur. Il aurait préféré avoir également au moins une rose à lui offrir à la suite, mais en réalité le contour des choses importait peu tant c’était le contenu et la signification qui était importante. Il lui aurait demandé sa main dans tous les cas, alors pourquoi pas de cette façon là. Pinçant les lèvres encore une fois, soupirant légèrement et jetant un regard circulaire autour d’eux, Ezra reporta son attention sur Lily. « Je sais qu’on finira par se marier, me fais pas croire le contraire, alors si ça peut t’aider dans ton boulot pour que les autres te prennent au sérieux… Prends le de suite, mon nom. » Les choses pouvaient être aussi simples, non ? « Je veux dire, bon sang t’attends un deuxième enfant de moi, il serait peut-être temps en fait que tu le prennes, non ? » Bien sure qu’à travers tout ça, ce fut avec un petit rire même peu assuré qu’il prononça ces paroles là - même si en guise d’issue étaient là de vrais soucis, de vraies conversations qu’ils auraient forcément à un moment donné avec Lily. Ils n’avaient pas coché les étapes tout à fait dans le bon sens, et il la connaissait assez pour savoir que ce n’était pas de cette façon là qu’elle avait envisagé les détails de sa vie d’adulte. Maintenant que les choses se stabilisaient, maintenant qu’ils avaient un vrai avenir devant eux, peut-être était-ce finalement temps de réparer les erreurs de parcours ?

Le ton monte sans qu’Ezra ne soit la cause de sa colère ou de son exaspération, et il a le don de la faire redevenir silencieuse en une fraction de seconde. « Prends le alors, si ça peut t’aider à ce qu’on reconnaisse ton travail. Mon nom de famille. Le bon nom de famille. » Lily ouvre la bouche, bien plus par habitude de toujours avoir le dernier mot que parce qu’elle a quelque chose de nécessaire à ajouter. Pourtant, après avoir compris la teneur de ses paroles, elle referme la bouche en un rapide claquement. “Quoi ?” est tout ce qu’elle arrive finalement à répondre et surtout à demander, peu certaine d’avoir entendu les mots tels qu’ils ont été prononcés. C’est justement parce qu’elle ne comprend que trop bien le sous-entendu de ses paroles qu’elle se permet de lui demander une clarification autant qu’une assurance: vient-il vraiment de lui demander de l’épouser ? On l’a déjà demandée en mariage, deux fois, et elle sait très bien à quoi cela ressemble, mais même son mariage devant les caméras semblait un peu plus ordonné que la demande qu’Ezra vient de lui faire.

Le regard profondément clair de la jeune femme se porte sur les prunelles de son petit-ami, l’une après l’autre sans jamais cesser ses mouvements, comme si elle allait parvenir à deviner ses pensées et surtout le possible sérieux de ses mots. « Je sais qu’on finira par se marier, me fais pas croire le contraire, alors si ça peut t’aider dans ton boulot pour que les autres te prennent au sérieux… Prends le de suite, mon nom. » Les lèvres de Lily se retroussent pour former une moue à la fois triste et émue. “Je veux pas me marier avec toi pour que ça m’aide dans mon boulot.” Elle répond donc, son ton de voix semblable à celui d’un enfant contrarié. La vie de Lily ne ressemble en rien à ce qu’elle avait prévu et anticipé, mais il y a des aspects sur lesquels elle ne saurait faire la moindre concession: épouser un homme qu’elle aime en est un. Elle ne remet pas son amour pour Ezra en question, elle ne s’interroge même pas à ce sujet, mais elle refuse que l’élan de motivation le poussant à lui proposer sa main soit un arrangement au sujet de son travail. « Je veux dire, bon sang t’attends un deuxième enfant de moi, il serait peut-être temps en fait que tu le prennes, non ? » Elle voudrait être aussi insouciante que lui pour en rigoler à son tour, mais elle se contente de retrousser les lèvres de plus belle encore et de croiser les bras. “Tu crois que j’y pense pas, Ez ?” Ses mots ne portent pas le moindre reproche, pas alors que son index suit la ligne de son eye-liner pour écarter une simple larme. Cette seconde grossesse est bien plus épuisante que ne l’a été celle pour Alice et il est devenu difficile pour Lily de gérer les ascenseurs émotionnels de sa vie, surtout celui qu’Ezra lui présente sans même s’en rendre compte. “Bien sûr que je veux me marier avec toi, évidemment, mais il est hors de question que tu me fasses ta demande comme ça, et encore plus pour ces raisons.” Elle ne demande pas une demande en mariage en grandes pompes, loin de là, mais elle refuse de se souvenir de ce moment si important comme cette soirée où ils se sont disputés et de ce moment où il lui a demandé sa main uniquement pour qu’on cesse de faire l’amalgame entre l’Association et Ezra. “Je te l’ai dit, je ne suis pas avec toi parce que tu es un Beauregard, et j’accepterai pas l’idée que ce soit la raison pour laquelle tu me fasses ta demande.” Elle aurait voulu se marier avec lui peu importe son nom de famille, bon sang.

“Tu aurais voulu te marier avec moi même si on avait jamais réussi à avoir d’enfants, finalement ?” Bon sang, t’attends un deuxième enfant de moi n’est pas non plus la raison pour laquelle elle veut qu’il la demande en mariage. Elle n’avait jamais anticipé avoir un enfant hors mariage, certes, mais elle souhaite encore moins qu’il lui demande sa main pour tenter de rattraper les apparences qui peuvent encore l’être. “Ez, bon sang, t’es sérieusement en train de me demander en mariage parce que ça serait plus simple pour mon travail et parce qu’on a déjà un enfant né hors-mariage donc on va pas non plus en avoir un second ?” De toute évidence, ce n’est pas l’histoire qu’elle veut entendre, et à défaut de lire la colère sur son visage, laquelle n’existe pas, il peut au moins aisément en lire l’affliction.

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« Quoi ? » Elle avait très bien entendu les paroles d’Ezra, il le savait pertinemment aussi que c’était le cas de son côté; simplement, il y avait fort à parier qu’elle ne s’était pas attendue à ce que cette demande arrive à ce moment là, sous cette forme. Même lui n’avait pas prévu de faire les choses de la sorte, mais si le sujet était mis sur le tapis autant saisir l’opportunité. Surtout qu’apparemment, au delà de l’amour qu’ils se portaient et de tout ce qu’un mariage pourrait représenter pour leur famille, Lily avait quelques soucis pour faire respecter son travail parce-qu’elle n’était techniquement pas une Beauregard. Le changement pouvait s’opérer facilement, en presque un claquement de doigt. « Je veux pas me marier avec toi pour que ça m’aide dans mon boulot. » Il haussa les épaules. « C’est une raison comme une autre de le faire. » Ce qu’il voulait dire ici, c’était que si les choses pouvaient être plus simples pour elle d’une quelconque manière, il ne serait pas rebuté à l’idée d’avancer un événement inévitable pour de telles raisons. Après tout, la tournure des derniers mois leur donnait à elle seule de bonnes raisons de se marier, ce n’était qu’une ligne ajoutée à la liste. « Tu crois que j’y pense pas, Ez ? » En l’occurence, en cet instant, il n’était plus question de l’Association et de quelques hommes un peu trop avancés en âge pour entendre qu’une femme pouvait mener son entreprise sans l’aide d’un homme, mais bien du fait qu’il ait mentionné avec un humour un peu douteux surement le fait qu’elle attendait un deuxième enfant de lui, et qu’ils n’étaient toujours pas mariés. La première fois que cette nouvelle leur était tombée dessus, ils l’avaient accueilli à bras ouverts parce-que c’était là quelque-chose de voulu; Ezra se doutait bien que Lily aurait voulu donner une direction toute autre à leur vie de couple en attendant de penser à un second enfant. « Bien sûr que je veux me marier avec toi, évidemment, mais il est hors de question que tu me fasses ta demande comme ça, et encore plus pour ces raisons. » A l’instar de la brune, il croisa les bras sur son torse. « Je te l’ai dit, je ne suis pas avec toi parce que tu es un Beauregard, et j’accepterai pas l’idée que ce soit la raison pour laquelle tu me fasses ta demande. » - « C’est pas la raison qui me pousse à le faire, mais je te dis que ça peut être une raison valable. » Mais il comprit à cet instant là qu’il avait peut-être parlé un peu trop instinctivement, qu’il n’avait pas assez anticipé que cette conversation pourtant portée sur le bonheur et une famille qu’ils aimaient de tout leur coeur tous les deux, puisse prendre une telle tournure.

« Tu aurais voulu te marier avec moi même si on avait jamais réussi à avoir d’enfants, finalement ? » - « Pourquoi pas ? » Un de ses sourcils se haussa sur son visage. Ce n’était pas là une question qu’il s’était posé, parce-qu’i n’avait pas été confronté à cette situation sous cet angle là, mais l’idée ne le rebutait en aucun cas. Il aimait Lily, il l’avait au fond toujours aimé même si les circonstances n’avaient jamais été vraiment idéales et que la vie faisait en sorte de plutôt les éloigner que les rapprocher; mais maintenant que les étoiles semblaient s’aligner pour eux, qu’importe s’ils avaient pu avoir un enfant ensemble, il n’aurait pas été rebuté et bien au contraire à l’idée de faire d’elle sa femme. Simplement, serait-elle revenue vers lui s’il n’avait pas été en capacité de lui donner un enfant ? « Ez, bon sang, t’es sérieusement en train de me demander en mariage parce que ça serait plus simple pour mon travail et parce qu’on a déjà un enfant né hors-mariage donc on va pas non plus en avoir un second ? » Soupirant quelque peu, Ezra pinça l’arête de son nez du bout des doigts. Il se permit de secouer quelque peu son visage, avant de remonter son regard à nouveau dans celui de la brune. « Le deuxième argument était supposé être une blague. De mauvais gout, apparemment. » La moue qu’il étira légèrement marquait l’air contrit qui prenait part des traits de son visage. « Tu penses vraiment que c’est juste pour ça que je veux te demander en mariage ? » Parce-que ce n’était pas le cas, qu’importe ce que les mots d’Ezra pouvaient être en cet instant, qu’importe toutes les maladresses avec lesquelles il ponctuait son discours. Bien sur que les arguments étaient valables, mais ce n’étaient pas eux qui représentaient le fondement de ce qu’il voulait dire ici; s’ils en venaient à se marier, ce serait surtout et avant tout par amour et pour unifier la famille qu’ils formaient déjà. « Je te dis juste que si t’as besoin qu’on avance quelque-chose qui va forcément arriver pour d’autres arguments, je suis partant. » Il la soutenait, qu’importe la raison - n’était-ce pas déjà ce qu’il faisait depuis des années maintenant, après tout ? Sans poser de questions, sans trop creuser quand son nez n’avait pas à être fourré de trop près dans des affaires qui ne le regardaient pas ? « Et si tu disais non, je comprendrais aussi. Pour de vrai. » Parce-qu’au delà de tout ce qui avait pu être avancé, il y avait également d’autres raisons sous-jacentes pour lesquelles Lily aurait mille et une fois raison de refuser la demande d’Ezra. Il ne s’en formaliserait pas, si c’était une de celles là qu’elle sortait en guise d’excuse en cet instant - pas vraiment, en tous cas: il était apte à comprendre, malgré tout.

« C’est une raison comme une autre de le faire. » Elle sait qu’il a un bon fond, elle sait qu’il tente de faire au mieux, et pourtant cela ne l’empêche pas de voir rouge alors qu’il considère l’étroitesse d’esprit des autres personnes travaillant à Beauregard comme une raison comme un autre pour qu’ils se marient. A ses yeux, ce n’est même pas une raison, et elle n’a pas vocation à ce que cela en devienne une. « C’est pas la raison qui me pousse à le faire, mais je te dis que ça peut être une raison valable. » Il souligne désormais le fait qu’elle attende un second enfant de lui et que ce dernier s’apprête à naître hors mariage, au même titre qu’Alice. De toute évidence, le second argument avancé est aussi pire que l’avait été le premier, et Ezra use sa patience bien plus que quoi que ce soit d’autre en cet instant, comme en témoignent les bras qu’elle croise plus fort que jamais contre son torse. Il a évoqué le travail, il a évoqué leurs enfants, mais à aucun moment il n’a simplement parlé d’elle, alors que cela aurait dû être sa première pensée.

Et puisqu’elle ne semble pas prêt de trouver le bon chemin lui-même, Lily tente de l’aiguiller à sa façon, lui demandant donc s’il aurait lui-même eu l’idée de la demander en mariage s’ils n’avaient finalement jamais réussi à avoir d’enfants. « Pourquoi pas ? » Parfois, elle se demande s’il fait exprès de répondre avec tout ce qu’elle aurait préféré ne jamais entendre. “Pourquoi pas ?” Elle répète, ses yeux dans les siens, comme pour lui donner une seconde chance, en espérant qu’il comprenne par lui-même que résumer leur mariage à un pourquoi pas est tout sauf une bonne idée. Personne ne la résume à un pourquoi pas, pas même lui et tous les passe-droits dont il jouit naturellement dans son coeur et dans sa vie. « Le deuxième argument était supposé être une blague. De mauvais gout, apparemment. » Il ne veut pas lui passer la bague au doigt parce qu’elle attend un second enfant et uniquement pour des raisons professionnelles, dans ce cas. Cela lui fait une belle jambe. « Tu penses vraiment que c’est juste pour ça que je veux te demander en mariage ? » Elle pense surtout qu’il est un connard, en cet instant, mais cela peut être sujet à variation si jamais il a en tête d’autres synonymes du genre. “A toi de me le dire.” A ce stade, Lily s’attend à ce qu’il ajoute tous les arguments du monde sauf le seul qu’elle veuille réellement entendre. « Je te dis juste que si t’as besoin qu’on avance quelque-chose qui va forcément arriver pour d’autres arguments, je suis partant. » De toute évidence, ce n’est toujours pas ce qu’elle voulait entendre de sa part. Elle a toujours été la première à amener les arguments objectifs et terre à terre, et ce n’est certainement pas sur un tel sujet qu’elle aurait voulu l’entendre prendre sa place et les devants à la fois. “T’es partant, super, de mieux en mieux. Merci de ton sacrifice pour la patrie, Ezra.” Lily a essayé de contenir son exaspération, et elle l’a fait, mais sans doute qu’elle ne juge plus que ce soit nécessaire en cet instant: il a usé toute sa patience.

« Et si tu disais non, je comprendrais aussi. Pour de vrai. » Les deux mèches qu’elle a laissé exister contre ses joues fendent l’air alors qu’elle balance son visage de droite à gauche. “Tu m’agaces.” Il a décidé de tout comprendre de travers, ce soir, et il a aussi apparemment décidé de tirer les pires conclusions possibles de chaque chose. “Je te dirai oui quand ton argument principal sera simplement que tu m’aimes et que t’as assez confiance en nous pour pas douter de ma réponse. Et t’avise pas de me parler du travail à ce moment-là.” Il a besoin d’un mode d’emploi ; elle lui en donne un. Mais pour aujourd’hui, il est évident qu’il a utilisé toutes ses vies et qu’elle n’est vraiment pas apte à se calmer au point de vouloir vivre ce genre de moment avec lui. Elle n’a jamais émis l’idée de lui répondre par la négative s’il venait à (enfin) lui demander sa main, et le fait qu’il accepte l’idée d’un refus aussi simplement a tout pour la blesser, en réalité. “Je vais retourner vanter les mérites de ton travail.” Elle annonce amèrement, estimant qu’il ne vaut mieux pas continuer plus loin cette conversation. De toute façon, les invités l’attendent réellement.

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« Pourquoi pas ? » Il haussa un sourcil, ne comprenant pas ce qu’elle ne comprenait justement pas. Ce n’était pas comme si l’histoire pouvait leur prouver en un coup d’oeil et en quelques souvenirs que ça aurait été le cas, si jamais elle n’était pas revenue vers lui, qu’un mariage puisse être à l’ordre du jour - alors il ne pouvait faire que des suppositions du cas de figure. Apparemment cependant, ce n’était encore pas la bonne réponse, à voir l’indignation qui se faisait une place de choix sur les traits du visage de Lily, à la façon dont elle rebondissait sur tout ce qu’il avait à dire et à la manière dont elle répondait à ses questions. « A toi de me le dire. » Il secoua quelque peu la tête, ne retenant pas le soupire qui menaçait de s’échapper. « Tu sais très bien que c’est pas le cas. » Il fallait être sacrément idiot pour croire qu’Ezra souhaitait se marier avec Lily simplement pour des raisons pratiques - ça crevait les yeux qu’il l’aimait, et ce n’était pas d’aujourd’hui qui plus était. Elle ne comprenait juste pas qu’il pouvait aussi se prêter au jeu pour d’autres raisons si cela pouvait l’arranger elle. « T’es partant, super, de mieux en mieux. Merci de ton sacrifice pour la patrie, Ezra. » Si elle ne se retenait plus de montrer l’exaspération qu’elle ressentait désormais, il serrait les dents de son côté; ce n’était pas de cette façon là, en aucune sorte, qu’il avait un jour imaginé cette conversation tourner. Bien sur qu’il avait imaginé les choses avec un peu plus de romantisme et pour bien d’autres raisons, mais s’il y avait bien quelque-chose que la vie lui avait appris, c’était que cette dernière était imprévisible et qu’il fallait savoir s’adapter en cours de route.

Alors bien sur qu’il aurait préféré d’autres circonstances pour la demander en mariage; mais s’ils en revenaient à revoir tous les moments clefs qui les avaient mené là aujourd’hui, aucun d’eux n’était réellement bien sous toutes les coutures et s’ils n’avaient pas existé, ils n’auraient pas cette conversation aujourd’hui. Il avait fallu d’autres malencontreux événements pour les amener à rester dans les bras l’un de l’autre - et c’était en pensant à tous ces derniers, et avec toute la bonne volonté du monde, qu’Ezra ne serait pas offensé si Lily ne désirait pas se marier. Il comprendrait, plus qu’elle ne lui accordait déjà le crédit surement. « Tu m’agaces. » Il leva les bras au ciel pour les laisser retomber lourdement le long de son corps, alors que ses yeux faisaient un tour de leur orbite. « Je te dirai oui quand ton argument principal sera simplement que tu m’aimes et que t’as assez confiance en nous pour pas douter de ma réponse. Et t’avise pas de me parler du travail à ce moment-là. » Croisant les bras sur son torse, ce n’était pas qu’une impression en cet instant: elle le prenait vraiment pour un idiot. Ne comprenait-elle pas que toutes ces conditions là, il les avait accepté sans même les lire à partir du moment où il avait décidé de démarrer une famille avec elle ? Que ce n’était pas que maintenant qu’il désirait accrocher à ses principes là ? « Je vais retourner vanter les mérites de ton travail. » Et en plus de ça, elle décidait de fermer la discussion là où, clairement, il y avait pourtant encore matière à débattre. Elle se montrait de mauvais poils parce-qu’il n’avait pas mentionné à haute voix que, bien sur, l’idée de lui demander sa main était basée initialement sur des vraies raisons, et maintenant qu’elle était vexée elle préférait retourner en représentation publique ? « D’accord. » Parce-que si Ezra l’agaçait, l’inverse était tout aussi vrai en cet instant; il ne comprenait pas qu’elle ne se rende pas compte à quel point il tentait de faire de son mieux pour la situation, même si effectivement il était quelque peu maladroit. « Moi je rentre à la maison. » Et pur une fois, il savait parfaitement que ce n’était pas là la bonne réponse, mais il n’en avait que peu à faire: il ne voulait pas venir de base, alors autant qu’il rentre maintenant. « J'ai assez donné pour ce soir, j’ai envie de retrouver Alice et Noah, et j’en ai marre de ce costume de clown. » Et pour acter ses mots, il retira sa cravate après s’être débattu avec le noeud pendant quelques instants. « J’ai fait des efforts pour ce soir, mais j’en ai ma claque. » Plongeant sa main dans la poche interne de sa veste, il en sortit une enveloppe qu’il plaça dans les mains de Lily; il comptait lui faire la surprise pour plus tard, mais vu la tournure des événements, autant lui donner maintenant. « La généreuse donation de madame Saltzman. J’ai regardé les chiffres, c’est impressionnant. » Et puis, après avoir échappé un soupire, il déposa un baiser tendre sur la joue de Lily. « Je laisse la porte d’entrée ouverte. » Mais il était hors de question qu’il reste un instant de plus à cette réception alors que sa place n’était pas ici, qu’il faisait tâche dans le décor et qu’en plus, le seul élément pour lequel il était venu avait maintenant envie de l’égorger en place publique - ce n’était pas comme ça qu'il avait envisagé la soirée et ce n’était pas comme ça qu’il souhaitait la terminer. « Appelle moi si t’es trop fatiguée pour rentrer en taxi, je passerai te chercher. » Même si cela voulait dire réveiller Alice pour l’emmener en voiture à travers la moitié du quartier, Ezra était fâché mais il ne laisserait pas Lily dans une impasse qu’importait les désaccords qu’ils avaient présentement.

Lily ne veut pas continuer cette discussion. Elle ne mène nulle part. Ezra ne lui dit pas ce qu’elle veut entendre et, de toute façon, il a déjà dit bien trop de choses pour qu’elle juge encore le moment assez magique pour que ce soit l’instant où elle lui dise oui. Il n’a même pas de bague, de toute façon, et il est évident que cela démontre bien que le moment est très mal choisi pour qu’il lui fasse sa demande en mariage. Elle ne demande pas la lune, simplement une base solide, et pour l’heure ce n’est pas ce qui lui offre. L’amour qu’elle lui porte n’est pas remis en question, à aucun moment, mais pour Lily il est évident que ce n’est pas le seul paramètre à entrer en compte et bien loin de là. « Moi je rentre à la maison. » Ce qui est sans doute pour le mieux, parce qu’elle aurait pu mimer la parfaite entente entre eux pour le reste de la soirée mais elle doute qu’il en aurait été capable au même niveau. « J'ai assez donné pour ce soir, j’ai envie de retrouver Alice et Noah, et j’en ai marre de ce costume de clown. » Il retire avec rancœur la cravate que Lily avait mis une éternité à lui ajuster. “Bonne idée.” Les enfants seront heureux de le retrouver, comme toujours, et Lily pourra reprendre le cours de ses activités sans avoir à jongler avec les reproches qu’elle crève encore d’envie de lui balancer à la figure. « J’ai fait des efforts pour ce soir, mais j’en ai ma claque. » Elle l’avait compris sans qu’il pose de mots dessus, étrangement, oui.

Ce qui a au moins le mérite de la prendre de cours, c’est l’enveloppe qu’il dépose dans sa main et qu’elle ne prend pas la peine d’attendre avant d’ouvrir avec une certaine curiosité. « La généreuse donation de madame Saltzman. J’ai regardé les chiffres, c’est impressionnant. » Sous ses yeux, et de l’avis un peu plus aiguisé de Lily, les chiffres semblent toujours impressionnants et plus que bienvenues. Elle repose un regard interdit dans celui de son petit-ami, lequel a retiré tout ressentiment de son comportement, comme le prouve le baiser qu’il dépose contre sa joue. « Je laisse la porte d’entrée ouverte. » Elle ferme les yeux un instant, le temps de balancer convenablement ses sentiments, et ses excuses prennent finalement la forme d’une main manucurée qu’elle dépose contre le pan de sa veste, osant à peine effleurer son dos. Elle n’a pas envie de le remercier, pas maintenant, pas comme ça. « Appelle moi si t’es trop fatiguée pour rentrer en taxi, je passerai te chercher. » - “N’attends pas mon appel.” Ce qui est la façon indélicate de lui dire qu’elle ne veut pas qu’il l’attende ou qu’il dérange le calme que sera la maison d’ici quelques heures, pas alors qu’elle pourra effectivement toujours rentrer en taxi. Lily remonte son regard dans le sien une ultime fois, simplement le temps de replacer le col de sa chemise, à défaut qu’elle ait encore à se soucier de sa cravate. Ils n’ont sûrement plus rien à se dire, chacun ayant partagé à l’autre la façon dont il allait occuper la fin de sa soirée et, du côté de Lily, cela nécessite qu’elle retourne à l’intérieur, éternellement perchée sur ses talons aiguilles. “Ramène le à la maison. Je m’en occuperai demain.” Elle n’a pas de pochette pour garder le chèque de Madame Saltzman et encore moins de poches, ce qui explique qu’elle le tende déjà à son petit-ami pour qu’il le reprenne. Maintenant, au moins, elle l’a vu et elle sait qu’il existe. Il a au moins réussi ce tour de force, ce dont elle sait lui être redevable. Elle tentera de le lui prouver ou de lui dire à sa façon dans les jours à venir. Simplement pas ce soir, de toute évidence.

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Elle rentre de toute façon bien trop tard pour avoir un seul instant pensé à appeler Ezra pour qu’il lui serve de taxi. Même Noah n’a pas réussi à veiller assez tard pour être encore éveillé lorsqu’elle arrive, et ce même alors qu’elle soupçonne la baby-sitter de l’avoir amadouer avec de la glace à tout va. Elle retire ses talons à la seconde où elle ouvre la porte, soucieuse de ne pas réveiller la maison avec le bruit qu’ils ont le don de faire contre le parquet. Son regard se porte sur le salon, où Ezra est assoupi dans le canapé, le biberon d’Alice encore posé sur la table. Cette dernière est absente du décor, en laissant Lily vérifier rapidement si elle est assoupie dans sa chambre, ce qui est bel et bien le cas, sûrement grâce à toute l’attention que son père lui a donné pour la soirée. La brune esquisse un sourire mi-attendri et mi-désolé, avant de laisser ses pas endoloris la mener jusqu’à son petit-ami. Elle s’accroupit devant Ezra et passe une main dans ses cheveux, son sourire n’étant désormais plus qu’attendri. “Viens dormir.” Ils discuteront demain. En attendant, il mérite d’avoir une bonne nuit de sommeil, parce qu’il a été sur tous les front.