My heart is broken

     @Sergio Gutiérrez     ft. Maritza Gutiérrez

Chez Maritza et les enfants.

Cela faisait plus d'une heure que Maritza tournait en rond dans la maison. Telle une exploratrice, elle fouillait le moindre recoin à la recherche de son petit sac à main violet. Elle était incapable de remettre la main dessus et cela commençait à la rendre folle. Ces derniers jours avaient été éprouvants psychologiquement. La mère de famille avait beaucoup de mal à faire son deuil. Cela ne faisait qu'une semaine que le corps de la petite avait été mis en terre, une semaine de souffrance. Si devant ses autres enfants elle parvenait à garder la face, dans l'ombre, elle tenait à peine sur ses jambes. Le fantôme de Maria planait sans cesse sur elle, et la matriarche ne parvenait pas à passer à autre chose. Elle avait beau se répéter que son petit bébé ne souffrait plus désormais, la douleur était toujours aussi forte et aussi vive. Maritza s'était murée dans un silence peu commun. Personne ne l'avait jamais connue comme ça. Rongée par les remords, par la culpabilité, elle ne savait plus comment agir. Elle savait que ses enfants ne méritaient pas de perdre une mère en plus d'une sœur adorée. Devant le reste de la famille, la cinquantenaire tentait donc de se montrer forte. Lorsqu'elle était avec eux, elle prenait sur elle pour paraître naturelle, ouverte, à l'écoute. Lorsqu'il n'y avait plus personne, elle laissait alors parler sa tristesse.

Depuis une heure donc, la mère cherchait son sac à main. A l'intérieur se trouvait sa carte bancaire dont elle avait désespérément besoin. Elle avait beau réfléchir, se creuser les méninges, elle ne parvenait pas à se souvenir de l'endroit où elle l'avait laissé. Elle avait envoyé un message à Cesar et à Sara dans l'espoir qu'eux sachent où elle avait posé son foutu sac. Comme elle s'en doutait, Cesar ne prit même pas la peine de lui répondre. Comme elle le craignait, Sara lui indiqua qu'elle n'en avait pas la moindre idée. A bout de nerfs Maritza ruminait. Elle avait regardé partout : dans le salon, dans sa chambre, dans le garage, dans la cuisine, rien. Alors qu'elle s'apprêtait à fouiller à nouveau dans sa chambre, la mère se figea devant une porte qu'elle n'avait pas ouverte.

Plantée devant la chambre de Maria, Maritza sentit son cœur se serrer. Ses mains se mirent à trembler tandis qu'un flash lui revenait : Sa fille, qui se déguisait et se baladait avec ses affaires, son sac en bandoulière.  Maria avait toujours aimé le violet et était toujours en train de lui piquer des choses. Le regard dans le vide, la mère Gutiérrez se demandait comment faire. Depuis la mort de sa fille, elle n'avait jamais remis un seul doigt de pied dans cette pièce. Elle en était tout bonnement incapable. Elle avait demandé à ses enfants de vider les lieux mais ils avaient refusé de le faire. Ils s'étaient contentés de ranger toutes les affaires de la petite dans cette pièce qui devait désormais ressembler à un mausolée. La mère n'avait rien dit, elle-même n'avait pas eu le courage de s'en charger, comment alors pouvait-elle leur imposer une telle chose ?

Le cœur de la brune battait de plus en plus vite tandis qu'elle réfléchissait. Plusieurs options s'offraient à elle : attendre que l'un de ses enfants rentre pour qu'il puisse aller chercher son sac ou bien prendre son courage à deux mains et y aller elle-même. Elle n'avait aucune envie de passer le pas de la porte mais refusait de montrer tant de faiblesse aux siens. Sa fierté fut plus forte que tout le reste et ce fut tremblante qu'elle posa ses doigts sur la poignée. Elle prit une profonde inspiration et poussa la porte qui grinça.

Une vague de souvenirs la balaya et Maritza sentit qu'elle perdait l'équilibre. Elle s'adossa au mur et prit sur elle pour ne pas s'effondrer. Après quelques minutes pétrifiée, elle daigna enfin avancer un peu plus dans la pièce. Elle chercha tout d'abord du regard mais trop d'objets et de souvenirs encombraient la pièce. Elle se dirigea vers un coffre et s'accroupit. Elle l'ouvrit et commença à fouiller. Elle se concentrait sur son sac et sur rien d'autre, un à un elle commença à sortir les objets et à les jeter derrière elle. Pas question qu'elle s'attarde sur eux. Sans s'en rendre compte, Maritza pleurait. Les larmes coulaient le long de ses joues et elle semblait incapable de s'arrêter. Fantomatique, la mère n'était plus maîtresse d'elle-même. « Où es-tu ?! » se mit-elle à crier. Difficile alors de savoir si elle parlait de son sac ou bien de sa fille. Elle-même ne savait plus. 

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     @Sergio Gutiérrez     ft. Maritza Gutiérrez

La frénésie avec laquelle elle sortait les jouets et babioles du coffre ne se calmait pas bien au contraire. Ses mouvements étaient de plus en plus brusques tandis que les larmes coulaient dans un flux continu le long de ses joues. Maritza ne parvenait plus à garder son calme. Ses mains se crispaient sur tout ce qu'elle touchait, le contact avec les peluches de sa fille lui brûlait la peau. Suffocante elle n'entendit que très légèrement la voix de Sergio l'appeler. Refusant d'arrêter ce qu'elle était en train de faire, la mère l'ignora volontairement, continuant d'éparpiller autour d'elle ce qui appartenait à feu sa fille. Les pas qui se rapprochaient lui indiquèrent que Sergio venait jusqu'à elle mais elle n'y prêta aucune attention. Elle n'eut d'autre choix que de cesser son petit manège lorsqu'il s'accroupit à ses côtés et qu'il la serra contre lui. A cet instant, la poitrine de la mexicaine se gonfla tandis qu'elle éclatait littéralement en sanglots. « Tu ne devrais pas être ici. » A ces mots, la mère se crispa tandis qu'elle se reculait vivement. Plantant son regard plein de larmes et de colère dans celui de son ancien compagnon elle demanda les dents serrées : « Où ? Dans ma maison ? Dans la chambre de ma fille ? » elle avait bien insisté sur les « ma » le mettant devant le fait qu'il n'avait rien à dire. Il n'avait de cesse d'entrer et de sortir de sa vie sans rien dire, sans prévenir. Il ravageait tout sur son passage et il se permettait désormais de lui dire ce qu'elle devait ou non faire ? La réaction de Maritza était parfaitement injuste, lui aussi avait perdu une fille. Mais aujourd'hui la mère était bien trop bouleversée pour se poser les bonnes questions et pour faire preuve de compassion. Elle était en colère, elle en voulait à la terre entière et pourtant elle n'avait personne contre qui déverser sa haine. Personne sauf lui. Ce serait donc lui qui subirait ses foudres, lui qu'elle aimait d'un amour qui la tuait un peu plus chaque jour, lui qui n'avait aucun respect pour elle et pour tout ce qu'elle avait fait pour eux.

« Qu’est-ce que tu cherches ? » Les lèvres pincées, la brune ne répondit pas dans l'immédiat préférant détailler le visage de Sergio qui se tenait juste en face d'elle. Tous les deux accroupis, ils étaient à la même hauteur et Mari pouvait tout à loisir observer ses traits. Souffrait-il autant qu'elle ? Passait-il aussi ses nuits à tourner dans ses draps sans savoir comment trouver le sommeil ? Avait-il aussi la sensation qu'on lui avait arraché un morceau de cœur et d'âme ? Elle avait du mal à l'envisager. Finalement elle souffla : « Mon sac à main. ». A ces mots elle se souvint alors de la raison pour laquelle elle était entrée dans cette pièce. Elle détourna le regard, se redressa et se dirigea vers une armoire qu'elle ouvrit en grand. Un hoquet de stupeur lui échappa lorsqu'elle vit s'étendre sous ses yeux tous les vêtements que Maria ne porterait désormais plus. Méthodiquement, elle commença à soulever les pulls, les pantalons, espérant voir le précieux sac sortir de nulle part. Comme pour les jouets, la vue des morceaux de tissu lui donnait le tournis. Sans réfléchir davantage, elle commença à faire tomber des piles entières à ses pieds, plus vite elle aurait tout fouiller, plus vite elle pourrait sortir d'ici. Sans regarder Sergio elle marmonna : « Je leur avais dit. Je leur avais dit de tout vider, mais personne ne m'écoute... ». Si Maritza n'avait pas été dans le salon au moment où ses enfants discutaient du fait de vider ou non la chambre, elle avait tout de même entendu des bribes de discussion, elle avait entendu Sergio qui n'était clairement pas de son côté sur ce point-là. Elle ajouta : « Mais y a fallu que tu mettes ton grain de sel. ». Une nouvelle fois elle le prenait à partie comme s'il était responsable de tous les maux, comme si c'était à cause de lui qu'ils se retrouvaient dans cette situation dramatique. Provocatrice elle se permit même de balancer : « Comme si t'avais ton mot à dire dans cette famille. » Il n'y avait plus aucune bienveillance, plus aucune impartialité, la mère mordait, plus injuste que jamais envers le patriarche, plus acerbe qu'elle ne l'aurait dû. Elle voulait qu'il ait mal pour qu'il souffre au moins la moitié de ce qu'elle souffrait.

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     @Sergio Gutiérrez     ft. Maritza Gutiérrez

« Tu ne pouvais pas imposer aux enfants de se débarrasser de ses affaires. » Ses doigts se crispèrent sur la jupe qu'elle tenait. Il avait raison, elle le savait parfaitement pourtant elle refusait de l'admettre à voix haute. Continuant de lui tourner le dos, Maritza tentait de faire abstraction des paroles de son ancien compagnon mais elle en était incapable. Elle-même n'avait pas réussi à ramasser les affaires de Maria, à tout ranger, vider sa chambre était hors de portée pour elle. Pourquoi cela aurait-il été plus simple pour ses enfants ? Si elle avait perdu une fille ce jour-là, la chair de sa chair, ils avaient tous perdu une sœur, le rayon de soleil, l'innocence incarnée de la famille. Leur demander de vider la chambre était injuste, leur reprocher de ne pas l'avoir fait l'était encore plus. Maritza se contenta de secouer la tête pour chasser les pensées négatives qui n'avaient de cesse de se bousculer dans sa boîte crânienne et continua ses recherches. « Je n’ai aucune autorité sur eux et tu le sais. » Les yeux de la mexicaine se fermèrent tandis qu'elle inspirait profondément. Ce rôle de père, il ne l'avait jamais voulu, il ne l'avait jamais aimé mais dieu savait qu'aujourd'hui plus que n'importe quand Maritza aurait aimé qu'il l'occupe plus que tout. C'était difficile à admettre pour elle mais Sergio lui manquait. Le couple qu'il formait lui manquait. Sa force de caractère, sa façon de surmonter les épreuves, son soutien, sa présence, tout lui manquait. Si elle était forte, aujourd'hui elle se sentait bien faible. Elle avait sans arrêt l'impression d'être submergée par ses émotions, par ses devoirs et ses obligations. Elle se sentait lentement mais continuellement couler et ne parvenait pas à lutter contre les flots tumultueux de son quotidien. Dans un souffle, elle s'adoucit et concéda : « Aujourd'hui ils n'ont pas besoin de ton autorité, seulement de ta présence. » Peut-être qu'elle se trompait, sans doute même. Elle avait du mal à imaginer Cesar apprécier la présence de Sergio mais elle savait qu'Alejandro en avait besoin, tout comme Sara. Pour Alma, elle ne savait pas, ne savait plus. Elle aurait pu ajouter qu'elle aussi avait besoin de lui mais il l'avait repoussée tant de fois, avait fui si souvent qu'elle ne pouvait faire preuve d'autant de sincérité. Peu désireuse de recevoir un nouveau coup de poignard dans le dos, la brune préférait se protéger.

Ce fut d'ailleurs dans son dos qu'il arriva alors qu'impatiente elle avait saisi de nouveaux vêtements. Elle sursauta quelque peu lorsqu'elle sentit sa main sur son épaule. « Elle nous manque à tous. Et je sais que je ne peux même pas commencer à imaginer ce que tu dois ressentir. » Les yeux de la mexicaine se mirent à fixer ses propres pieds tandis qu'elle déglutissait avec difficulté. Non, il ne pouvait pas. Personne ne pouvait savoir ce qu'elle ressentait. Tout le monde ignorait qu'elle passait la moitié de ses nuits à pleurer, et l'autre à chercher sa fille à travers la maison. Tout le monde ignorait qu'elle avait impression de la voir devant l'école à chaque fois qu'elle passait à proximité, ou encore qu'elle était par moments persuadée d'entendre sa voix. A chaque fois qu'elle réalisait que c'était impossible, elle avait l'impression de sentir son cœur de briser un peu plus.  « Mais tu as d’autres enfants qui ont besoin de toi Mari. Alors laisse-moi t’aider. » La main de Sergio glissa le long de son bras, la faisant frissonner et l'obligeant à relever la tête pour croiser à nouveau son visage. Elle murmura alors : « J'y arriverai pas. » Difficile de savoir de quoi elle parlait, elle-même n'était pas sûre. Elle se sentait incapable d'aider ses enfants à se relever, incapable de les aider, de leur apporter le soutien dont elle avait besoin. Elle se sentait incapable de laisser à nouveau Sergio l'épauler, pas qu'elle n'en avait pas envie bien au contraire. Mais blessée comme elle l'avait été par le patriarche, Maritza restait sans arrêt sur ses gardes. Elle le laissa néanmoins prendre les vêtements qu'elle tenait dans sa main. Il n'y avait rien dans cette armoire, il fallait qu'elle se fasse une raison.

« Tu as regardé sous le lit ? » Elle entrouvrit la bouche pour répliquer que oui mais constata avec surprise qu'elle ne l'avait pas fait. Intérieurement, elle se gifla, regrettant amèrement de ne pas avoir commencé par là. C'était pourtant l'endroit idéal pour cacher des affaires, elle savait que Maria le faisait régulièrement – comme le reste de sa fratrie d'ailleurs – la brune fit alors non de la tête. Elle dégagea doucement son bras de la main masculine qui le tenait et s'approcha du lit. Elle se mit accroupie, puis voyant que cela ne fonctionnait pas, s'allongea par terre. Devant la quantité d'objets cachés sous le sommier, Maritza soupira même si au fond d'elle elle était quelque peu amusée. Elle glissa son bras dessous et en sortit une écharpe, puis un skate-board – où avait-elle eu ça ? - et enfin un gros sac. Elle s'assit sur le sol en fronçant les sourcils. Qu'allait-elle trouver là-dedans ? Elle l'ouvrit et s'exclama : « J'y crois pas ! ». Un véritable trésor se trouvait dans le sac en tissu. Plein d'objets se trouvait à l'intérieur mais aucun n'appartenait à sa fille. Elle sortit un pinceau qui appartenait sans l'ombre d'un doute à Cesar, un élastique pour cheveux qu'elle jurerait avoir vu sur la tête d'Alma, et une cravate qu'elle avait déjà vu autour du cou de Sergio. Elle fronça les sourcils et regardant à nouveau Sergio demanda : « C'est à toi ça ? » Une envie soudaine de rire la saisit et un sourire discret commença à apparaître sur ses lèvres. Désabusée mais véritablement divertie par la découverte qu'elle venait de faire elle poursuivit : « Ne me dis pas qu'on a fait une kleptomane... » Elle savait que ça n'était pas le cas mais elle avait du mal à justifier la présence de tous ces objets dans ce sac. La petite avait-elle réellement un problème de vol, s'amusait-elle simplement à piquer les affaires des autres ou avait-elle besoin de garder auprès d'elle des souvenirs des siens ?

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     @Sergio Gutiérrez     ft. Maritza Gutiérrez

« Ils n’attendent pas de toi que tu leur offres une solution miracle pour surmonter cette épreuve ou que tu aies l’air indestructible, Mari. Ils veulent seulement que leur mère soit là. » Ses lèvres se pincèrent. Elle était là, elle était toujours là. Elle ne pouvait néanmoins pas montrer ses faiblesses, exposer sa tristesse, laisser transparaître sa douleur, si elle agissait de la sorte, elle s'effondrerait devant eux et il n'en était pas question. Elle ne savait pas comment trouver un juste milieu, comment ne pas paraître froide, désintéressée ou sans arrêt au bord du gouffre. C'était sa manière à elle de se protéger et de les protéger. Peut-être faisait-elle erreur sur toute la ligne, sans doute se trompait-elle, mais la matriarche avait l'intime conviction qu'elle devait se montrer forte et dure pour permettre à ses enfants de faire leur deuil plus facilement. Ils n'avaient pas besoin de s'inquiéter pour elle, Mari ne voulait pas être un fardeau de plus pour eux. La situation était déjà bien trop cruelle pour qu'elle n'ajoute un nouveau poids. Elle aurait pu l'expliquer à Sergio, lui dire ce qu'elle ressentait véritablement mais ayant décidé de verrouiller le cadenas de son cœur, elle préféra ne rien dire. Se taire était plus simple. Elle n'avait pas envie de contredire le cinquantenaire, aucune envie non plus d'entrer à nouveau en conflit avec lui. Pas maintenant. Pas aujourd'hui. Ils auraient bien l'occasion de se battre à nouveau l'un contre l'autre mais plus tard.

Assise les jambes croisées, le sac posé entre celles-ci, Maritza semblait se détendre peu à peu. La nostalgie remplaçait progressivement la tristesse et la colère. Sergio s'approcha d'elle et se mit à genoux, sans doute aussi curieux qu'elle à l'idée de voir ce qu'ils allaient dénicher à l'intérieur. Plus elle mettait sa main dedans, plus l'excitation grandissait en elle. Maritza se rendait compte que sa fille, bien que petite, avait déjà de nombreux secrets. Lorsqu'elle sortit la cravate et la présenta à Sergio, il lui confirma ses pensées en lui expliquant qu'il se demandait où il avait pu la laisser. Elle le laissa prendre le morceau de tissu tout en observant la tendresse glisser sur ses lèvres. La mexicaine prit alors conscience que même s'il n'était pas le père de l'année – loin de là – il avait lui aussi perdu sa fille. Elle s'était tellement focalisée sur sa propre souffrance et sur celle de ses enfants qu'elle avait balayé d'un revers de main celle que son ancien mari pouvait aussi ressentir. Un pincement au cœur lui fit baisser la tête tandis qu'il poursuivait ses explications. A son tour de sourire avec tendresse. Elle ignorait tout de cette histoire de nœud de cravate mais ne put s'empêcher d'être touchée par cette anecdote. Ainsi il était parvenu à créer un lien, ainsi il avait partagé des moments de complicité avec leur fille désormais décédée. Ce fut sans doute pour cette raison qu'elle poussa le sac dans sa direction lorsqu'il lui dit : « J’ai l’impression que c’est plutôt son sac à souvenirs. Fais-moi voir ? ». Fébrile et impatiente, Mari attendait de voir les autres trésors dissimulés. Un stylo, mais aussi une figurine de super-héros. « Alejandro aimerait peut-être récupérer ça ». Au rire de Sergio s'ajouta le sien tandis qu'elle expliquait : « Il était persuadé que c'était Cesar qui le lui avait pris pour l'embêter. » Cesar avait eu beau démentir, Alejandro n'avait jamais vraiment été convaincu par les explications données. Il avait juste fini par laisser tomber et par se rabattre sur un autre de ses jouets. Maritza prit la figurine qu'elle glissa dans la poche de son pantalon, elle la rendrait à son fils le soir-même.

Soudain l'ambiance dans la chambre bascula. Les doigts de Sergio se resserrèrent sur un objet brillant qui sembla le ramener des années en arrière. Maritza se pencha pour voir de plus près de quoi il s'agissait. Son corps se crispa tandis que son cœur se comprima dans sa poitrine. La médaille de San Cristóbal qu'il lui avait offerte des années auparavant. A la vue de l'objet, la mexicaine eut comme l'impression de voyager dans le temps. Elle revoyait Sergio lui donner ce présent, promesse que tout se passerait bien, promesse qu'ensemble ils surmonteraient tout, que leur nouveau départ serait la promesse d'un renouveau. Sa bouche devint plus sèche tandis qu'elle sentait l'amertume grignoter un peu plus son âme. Qu'est-ce qu'elle avait pu être naïve. « Je ne pensais pas que tu l’aurais gardée. ». Elle détourna le regard, regrettant soudainement de ne pas avoir balancé la relique avec toutes les autres choses qui la renvoyaient toujours à son passé avec Sergio. Elle déglutit avec difficulté et marmonna : « C'est plus dur de me débarrasser de toi que je l'aurais espéré. » Les mots étaient sans doute un peu durs mais l'aveu était bel et bien présent : Elle ne parvenait pas à tirer une croix sur lui, sur eux. Elle n'y était jamais arrivée par le passé et encore aujourd'hui cela s'avérait difficile. Si lui avait réussi à tourner la page, après tout il avait fait un enfant à une autre, Maritza restait éternellement bloquée dans cette histoire d'amour qui l'avait consumée plus que de raison. « Je réalise que je ne t’ai jamais dit pourquoi je nous ai fait déménager ici. » Son visage se releva vivement alors que ses sourcils de fronçaient d'incompréhension mais aussi d'agacement. Vraiment ? C'était aujourd'hui, maintenant, ici qu'il voulait tout lui révéler ? C'était trop facile d'aborder le passé alors qu'elle était assise en tailleur dans la chambre de sa fille et qu'elle était plus vulnérable que jamais. Elle laissa tomber la médaille qu'elle avait prise quelques instants plus tôt et se releva. « Le sac n'est pas là, je me suis trompée. » et sans un regard pour Sergio, elle sortit de la chambre. Son pas était tremblant, sa démarche hésitante, elle titubait presque. Une fois dans le couloir, elle inspira profondément, bien décidée à ne plus remettre les pieds dans cette chambre avant un long moment. Elle se dirigea jusqu'à la cuisine où elle se servit un grand verre d'eau. Les mains appuyées sur le plan de travail, elle fixait l'horizon du jardin mais entendit que l'agent artistique arrivait dans son dos. Elle soupira et sans le regarder lui dit d'une voix un peu dure : « C'est maintenant que tu comptes tout me dire ? Après tant d'années ? ». Elle prit sur elle pour se retourner et lui faire face. Adossée au plan de travail, elle planta son regard dans le sien et l'invita à continuer : « Vas-y, explique-moi pourquoi il y a plus de vingt ans j'ai dû tout quitter pour tes beaux yeux. » Le sarcasme dont elle faisait preuve était plus fort qu'elle. Elle aurait voulu lui dire que cela ne l'intéressait pas, qu'elle se fichait bien de connaître ses raisons mais maintenant qu'il avait abordé le sujet, elle savait qu'elle serait incapable de passer à autre chose.

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     @Sergio Gutiérrez     ft. Maritza Gutiérrez

Postée devant Sergio, Maritza attendait nerveusement qu'il lui explique enfin les raisons de leur départ précipité. A l'époque la mexicaine n'avait pas compris, elle avait quelque peu rechigné mais par amour pour lui, elle n'avait pas posé davantage de questions et elle l'avait suivi. C'était toujours ce qu'elle avait fait : Suivre aveuglément cet homme pour qui elle aurait tout donné. Elle avait fermé les yeux sur de nombreuses choses : sur ses absences répétées, sur son manque d'implication avec les enfants, sur son caractère parfois abrupt, sur ses silences souvent lourds de sous-entendus. Leur relation avait été ainsi durant de nombreuses années. Elle s'était mise au second plan, acceptant sans condition aucune la vie que Sergio désirait mener. Lorsqu'ils étaient ensemble, il arrivait à Maritza de lui en vouloir, de le trouver égoïste et injuste mais depuis leur dernière rupture en date, la brune commençait à réviser quelque peu sa position. Etait-ce réellement lui qui s'était toujours montré égoïste ou avait-elle sa part de responsabilité dans toute cette histoire ? Il lui avait dit qu'il ne voulait plus d'enfants pourtant elle n'avait eu de cesse de tomber enceinte, de venir agrandir la famille alors qu'elle voyait bien que cela consumait chaque fois un peu plus son compagnon. Elle avait fait passer ses désirs avant les siens à de nombreuses reprises, posant sur ses épaules des responsabilités qu'il n'était pas prêt à assumer, ou qu'il n'avait tout simplement pas envie d'assumer.

Comme à son habitude depuis des années, Maritza s'était montrée particulièrement sèche et piquante dans ses propos, c'était tout simplement plus fort qu'elle. « Ce ne sera pas la première erreur que j’essaye de rattraper bien trop tard. ». Etonnée par le fait qu'il reconnaisse ses erreurs, la cinquantenaire entrouvrit la bouche tandis qu'il venait de lui couper le sifflet. Elle déglutit avec difficulté, ses traits se détendant quelque peu. Finalement elle prit son verre d'eau et but une gorgée afin de retrouver un peu de contenance. Elle préféra garder le silence de peur de le brusquer, de se montrer maladroite ou encore de le braquer. Après toutes ces années il voulait enfin parler, il n'était pas question qu'elle vienne mettre en péril cette décision. « J’ai fait des mauvais choix pour subvenir aux besoins de notre famille. » Les doigts de la femme resserrèrent leur emprise sur le verre tandis que ses sourcils se fronçaient d'incompréhension et de douleur. Son rythme cardiaque venait drastiquement d'augmenter tandis que Maritza craignait d'apprendre le pire. Dans quels ennuis s'était-il fourré encore ? Savoir que Sergio avait eu des problèmes ou des histoires à cause de leur famille lui retournait l'estomac. Elle avait beau reprocher tous ses malheurs à Sergio, elle ne pouvait nier le fait qu'il avait toujours tout fait pour subvenir à leurs besoins. Si la mère s'occupait des enfants, ce n'était définitivement pas elle qui ramenait l'argent à la maison. La peine qu'elle ressentait fut vite balayée lorsqu'il évoqua des jeux d'argent. Sa poitrine se gonfla violemment tandis que l'espace de quelques secondes ses yeux envoyaient des éclairs à l'agent artistique qui se dressait devant elle. S'il y avait bien des choses qu'elle ne supportait pas, parier de l'argent en faisait définitivement partie. Maritza n'avait jamais compris ce besoin de mettre sa vie et ses économies en péril sur quelque chose d'aussi futile et peu recommandable. Il était si facile de tout perdre en un simple claquement de doigts.

Maritza blêmit lorsqu'elle l'entendit dire qu'il avait emprunté de l'argent à quelqu'un. C'était une très mauvaise idée et avant même qu'il ne lui annonce, elle avait compris : Ils avaient dû fuir parce que Sergio n'avait pas été capable de rembourser leurs dettes. Elle déglutit avec difficulté, cherchant à mettre de l'ordre dans ses pensées. Elle ne savait pas si elle était en colère contre lui ou si au contraire elle lui était reconnaissance. L'ambivalence de ses sentiments la perturbait alors que Sergio, lancé, ne s'arrêtait plus : « Les raisons pour partir n’étaient pas louables mais je ne regrette pas. Les enfants n’auraient jamais eu la même qualité de vie à Acapulco. ». Elle se pinça les lèvres prête à lui cracher au visage qu'il n'en savait rien mais se ravisa. Même si cela lui avait brisé le cœur de partir et de quitter sa famille, elle savait qu'il avait raison. Jamais ses enfants n'auraient eu les mêmes chances d'avenir au Mexique. Après quelques instants de silence, Maritza demanda d'une voix un peu plus adoucie : « Pourquoi tu ne m'as rien dit à l'époque ? ». Il avait préféré garder tout cela pour lui, quitte à subir la mauvaise humeur de la brune, les réflexions, les reproches et les remarques exécrables. Elle finit par poser son verre sur le plan de travail et s'approcha un peu plus de Sergio. Lentement ses doigts glissèrent entre les siens. Son regard plongé dans le sien, Maritza choisissait de rendre les armes au moins aujourd'hui, au moins à cet instant. Elle murmura : « J'aurais compris Serg', je t'aurais soutenu et aidé. » Sa main resserra sa prise sur celle de l'homme et avec un sourire entendu et un peu coupable finit par admettre : « J't'aurais gueulé dessus, j'aurais fait une crise, hurlé, pleuré... Mais je t'aurais soutenu. ». Une lueur du passé éclaira son regard lorsqu'elle l'observa avec tendresse et amour. C'était lui, ça l'avait toujours été et ça le serait toujours. Elle hésita quelques secondes, appréhendant la réponse qu'il allait lui donner mais prit tout de même le risque : « Ces types, tu as fini par les rembourser ? ». Elle ne savait pas si cela changeait quelque chose ou non, mais elle serait certainement plus sereine en sachant qu'il ne devait plus la moindre dette à quiconque. Cela faisait longtemps qu'ils n'avaient pas discuté aussi calmement et paisiblement. Le fait de voir Sergio se livrer à cœur ouvert lui faisait un bien fou et lui changeait momentanément les pensées. Pourquoi n'avaient-ils pas été capables de le faire plus souvent ? Peut-être que cela aurait fini par les sauver, peut-être.

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     @Sergio Gutiérrez     ft. Maritza Gutiérrez

Ses doigts enlacés à ceux de Sergio, la mère de famille profitait de la chaleur de ce moment fugace. Elle frissonna lorsqu'il replaça une mèche de cheveux derrière son oreille. Instinctivement sa tête se pencha dans le creux de sa paume, cherchant plus de contact, toujours plus. Ces gestes de tendresse et de douceur lui manquaient. Elle ne l'admettrait jamais à voix haute – sa fierté l'empêchant de se montrer si vulnérable – mais l'absence de Sergio pesait un peu plus chaque jour sur son cœur. Le regard plongé dans le sien, la mexicaine ne bougeait plus, effrayée à l'idée de rompre le lien d'affection qu'ils partageaient. Les explications qu'il lui donna par la suite la rendaient quelque peu perplexe. Elle comprenait où il voulait en venir mais cela la blessait tout de même. L'avait-il pensé incapable d'encaisser la nouvelle ? Elle aurait été en colère mais cela aurait fini par lui passer parce que pour lui elle était prête à tout. A l'inverse il avait choisi de lui cacher la vérité, la laissant dans le flou et l'incompréhension durant de nombreuses années. A tort, Maritza avait toujours cru que s'ils avaient quitté le Mexique c'était simplement par pur égoïsme, parce qu'il avait choisi de faire passer ses envies avant les siennes, comme si elle ne comptait pas, comme si son opinion n'importait pas. La brune se demandait sincèrement si leur histoire et son issue désastreuse auraient été les mêmes si elle avait eu connaissance de ce qui se passait réellement. « Tu m’as soutenu malgré tout. » Elle se pinça les lèvres ne sachant plus si c'était le cas ou non. Peut-être lui disait-il cela pour la rassurer, pour qu'elle ne culpabilise pas davantage. Elle avait soutenu ses enfants, les avait aimés d'un amour féroce, mais concernant Sergio ? Avait-elle réellement été là pour lui ? A ses côtés ? Les souvenirs étaient trop flous pour qu'elle n'en soit véritablement certaine. « Tu as hurlé et pleuré. » Cette fois-ci un rire échappa à la mexicaine tandis qu'elle écarquillait les yeux, faussement scandalisée par ce qu'elle entendait. « Je ne vois pas du tout de quoi tu parles... » marmonna-t-elle de mauvaise foi. Evidemment qu'elle avait hurlé et pleuré. Emotive et spontanée, Maritza n'était pas capable de cacher ce qu'elle ressentait vraiment. Avec le temps, en vieillissant, elle avait appris à le faire mais à l'époque elle en était tout bonnement incapable. Explosive et impulsive, la brune avait toujours préféré dire ce qu'elle ressentait – quitte à aller au combat – plutôt que de se taire, de tout accepter en silence, et de ruminer par la suite dans son coin. C'était sans doute ça qui avait en partie plu à Sergio. Elle l'espérait du moins.

Sans qu'elle ne prenne conscience de ce qu'elle faisait, ses doigts avaient retrouvé leurs réflexes d'antan. Son pouce caressait le dos de la main de Sergio tandis que ses autres doigts maintenaient la pression entre les siens. Lorsqu'il lui confirma que les dettes étaient remboursées et qu'il n'y avait plus aucun problème de ce côté là, elle ferma les yeux et inspira profondément. Elle était soulagée de savoir que tout avait été réglé. Elle venait seulement de prendre connaissance de cette histoire de jeux d'argent et de sales types à rembourser pourtant l'inquiétude avait eu le temps de s'engouffrer dans ses veines. « Bien » murmura-t-elle, plus pour elle-même que pour lui. A cet instant, Sergio lâcha la main de Maritza qui sentit son cœur faire un bond. L'absence se faisait déjà cruellement sentir et la mexicaine se maudissait d'être si dépendante aux caresses et aux marques d'affection du cinquantenaire. Elle parvint néanmoins à masquer son trouble et sa déception et l'observa se poster face à la vitre, les mains appuyées sur le plan de travail. Il semblait soucieux, perdu dans ses pensées à observer le jardin. « C’est au moins une chose qui s’est bien terminée. ». Les lèvres de Maritza se mirent à trembler et la matriarche se félicita d'être placée dans le dos de l'agent. Au moins il ne pouvait pas voir que ses yeux brillaient d'une nouvelle lueur : celle du regret. Leur relation avait été un échec, Rudy avait été une déception, Maria était morte, la liste de ce qui s'était mal terminé n'avait de cesse de s'allonger pour son plus grand désespoir. Elle murmura tout de même : « On n'a pas tout foiré Serg... » Leurs enfants étaient beaux, et s'ils étaient loin d'être parfaits, ils étaient aimants, intelligents, vifs d'esprit, bourrés de qualités en tout genre. Alors bien sûr parfois ils les rendaient dingues mais c'était le lot de tout parent. Le silence s'installa, Maritza le laissant contempler l'extérieur tandis qu'elle l'admirait lui. Au bout de quelques instants il lui dit : « Peu importe ce dont vous avez besoin, tu peux me le demander, tu sais ? ». Elle ressentit un pincement au niveau de la poitrine, retint à la dernière seconde les mots qui avaient failli franchir ses lèvres. C'était de lui dont ils avaient besoin, dont elle avait besoin. A l'inverse elle murmura dans un sourire : « Je sais. Comme tu sais très bien que je ne le ferai pas... ». Il la connaissait assez bien pour savoir que sa fierté l'empêchait de l'appeler à l'aide. Lorsqu'elle le faisait c'était parce qu'elle n'avait d'autre choix, parce qu'elle se trouvait au pied du mur. Soudain elle lâcha : « Qué cabrona ! », elle fit volte face, fila dans le salon, prit un tabouret et grimpa dessus. Elle mit ses mains au-dessus d'une armoire et en tira son sac qui y était dissimulé. Comment avait-elle pu oublier ? Elle l'avait elle-même placé ici afin que Maria arrête de jouer avec. Les yeux fixés sur l'objet, Maritza ne savait pas si elle devait rire ou pleurer. Alors qu'elle entendait les pas de Sergio dans son dos, elle lui dit : « Le mystère du jour est résolu... » Plus la peine de chercher partout, elle avait enfin retrouvé ce qui lui manquait : son sac. La vérité venant de Sergio. Sergio.  

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