Lorsque je suis rentré, il devait être 5 h du matin et Nephtys dormait encore à poings fermés. C'est donc, en faisant le moins de bruit possible que je m'installe à nouveau à côté d'elle dans le lit, parvenant enfin à retrouver le sommeil. La longue discussion avec Eve m'a beaucoup aidé pour relativiser, mais malgré tout, mon esprit n'est toujours pas totalement apaisé ce qui résulte en de sacrés cauchemars. Lorsque je rouvre les yeux peu après 7 h, je ne suis clairement pas reposé, mais décide quand même de sortir du lit, car je sais que je ne pourrais pas me rendormir. Ainsi, donc, après avoir enfilé ma prothèse et mes vêtements, je sors de la chambre et me dirige vers la cuisine où j’aperçois Nephtys.

Prenant une profonde inspiration pour me donner du courage, je finis par me diriger vers la machine à café pour remplir une tasse. « Salut » soufflais-je en m'installant face à elle à la table. Le regard posé sur le liquide brun qui bouge doucement dans mon mug, je pince les lèvres, essayant de trouver les mots justes pour ce que je souhaite dire « Écoute, je ... Je suis désolé. Pour ma réaction d'hier soir et d'être parti cette nuit » reprenais-je à mi-voix « J'ai paniqué » mais est-ce que ça excuse vraiment mon comportement de la veille ? « Je suis allé chez Eve, ma meilleure amie » expliquais-je, décidant d'être transparent envers celle que j'aime sincèrement « Je… Elle m'a écouté et m'a beaucoup conseiller et… » je me tais, pinçant les lèvres et secouant la tête « Je ne sais pas quoi dire de plus » je joue distraitement avec ma tasse « J'ai toujours dis que je n'aurais pas d'enfant à cause de la génétique de merde qui règne dans ma famille et que je ne veux pas qu'un autre être humain passe par ce par quoi je suis passé.» Je déglutis difficilement « et maintenant qu'il est en route, je ne sais pas quoi faire ni quoi dire ... »

La veille, j’ai prononcé le premier ‘je t’aime’ depuis le début de notre relation, et cette nuit je m’en vais, la laissant seule et sans doute tout aussi désemparer que moi ? Alors que nous aurions pu discuter, elle et moi, au lieu que j’aille squatter plusieurs heures chez Eve ? Je m’en veux aussi amèrement qu’est mon café de ce matin. Malheureusement, ce qui est fait est fait et lorsque Nephtys reprend la parole, c’est mon regard qui se baisse, honteux de ne pas réussir à assumer. Elle ne m’a pas fait un bébé dans le dos, elle a oublié la pilule et nous n’avons plus utilisé de préservatif depuis la première fois que nous avons couché ensemble, et depuis que nous savons que nous sommes clean tous les deux. Toutefois, je me rends réellement compte que son choix est fait lorsqu’elle me dit que si c’est trop effrayant pour moi, elle ne me demandera rien du tout.

« Je … » je relève mon regard alors qu’elle se pousse de la table et se met debout, prétextant devoir aller se changer pour aller au boulot. J’ai envie de la retenir, mais je n’en fait rien, me contentant de fixer tristement mon café. Ce n’est que lorsqu’elle revient pour me dire que nous devrions faire une pause, que je réagis à nouveau. Relevant brusquement la tête, mon cœur ratte un battement et ma respiration se bloque dans ma gorge. Est-elle sérieuse ? A-t-elle réellement dit cela ? Je déglutis difficilement et secoue la tête

« Non Nephtys, s’il te plaît » soufflais-je alors que j’abandonne ma tasse sur la table et me lève « Non, pas de pause je … je veux pas te voir partir maintenant  » je m’avance vers elle puis ferme un instant les yeux et prends une profonde inspiration « Je t’aime, c’est une certitude. Toi, ton caractère, tes défauts, tes qualités, tout ton être » mon regard dévie un instant sur son ventre, avant que je ne déglutisse « Et si ça veut dire aimer quelqu’un d’autre en plus, je le ferais » je m’approche de la jeune femme et attrape ses mains.

« C’est ce que je voulais dire encore avant que tu parte te changer » hochais-je doucement la tête « Eve m’a ouvert les yeux, elle m’a fait relativiser et je … même si tu ne m’enlèveras jamais la crainte que le risque de maladie sera plus accru chez le petit, je ne veux surtout pas que tu doives assumer toute seule » je pince les lèvres « Nous étions deux, j’ai ma part de responsabilités et je …  » je relève mon regard sur Nephtys « restes, je t’en supplie »

Je baisse les yeux, incapable de soutenir regard de Nephtys lorsqu’elle me dit que c’est justement parce qu’elle m’aime qu’elle souhaite me laisser de l’espace afin que je puisse réfléchir car elle ne veut pas que je me sente piéger avec elle et le bébé « Tu ne me piège pas du tout Nephtys. Je … tu …» je ferme un instant les yeux, déglutissant avec difficulté, avant de soupirer et de lui parler de ma discussion nocturne avec ma meilleure amie. Mon cœur se sert un instant lorsqu’elle dit que l’annonce d’une grossesse est une bonne nouvelle en temps normal et que dans tous les cas aurait préféré que je lui parle, à elle, de mes craintes, mais que dans tous les cas je l’ai blessé avec ma réaction.

« Je suis désolé » soufflais-je   « Je …je ne voulais pas te blessé, c’est vraiment la dernière chose que je veux » je pince les lèvres en déglutis avant de soupirer doucement   « Je ne veux pas que tu élèves cet enfant seule » déclarais-je finalement   « je serais là Nephtys  » je ne pas forcément sûr et certain mais … puis-je réellement changer quoi que ce soit ? La décision de la femme de ma vie est prise, je ne peux décemment pas l’abandonner à son propre sort   « je le veux » je relève mon regard et cherche celui de la future mère   « Je veux être là pour toi et pour le bébé, tu …» je pose une main sur sa joue et l’oblige à lever le visage pour me regarder   « … tu ne te débarrasseras pas de moi aussi vite » reprenais-je en lui caressant la joue   « On peut faire une pause si tu le souhaite si tu veux que je réfléchisse, mais ma décision est prise : je souhaite être présent dans vos vies » pas besoin qu’on se sépare et que nous prenions de la distance elle et moi, le résultat et la réponse seront les même : notre petite famille de deux accueillera bientôt un nouveau membre.

C’est horrible comme situation. Je ne pensais pas qu’un jour j’aurais à la vivre et pourtant elle est là, bel et bien réelle. Même si une petite partie de moi-même pense que Nephtys se fout de ma gueule, mais cette partie se fait, malgré tout, très rapidement, taire tant le regard de la jolie blonde est d’une sincérité sans nom. Malheureusement, elle souhaite que nous nous accordions une pause et reste fixée sur son idée malgré mes protestations et mes paroles rassurantes prononcées avec toute la sincérité du monde comme quoi je ne souhaite pas quitter ses côtés.

J’ai beau lui faire comprendre que ma décision est prise, la sienne l’est tout autant : elle ne veut pas m’imposer cette situation et me demande de réellement réfléchir, remettant à nouveau sur le tapis le fait que je me sois barré en plein milieu de la nuit. Lentement et dans un soupire, ma main quitte sa joue alors que mon bras retombe le long de mon corps, las. « Je ne sais pas Nephtys » soufflais-je « Je n’ai absolument aucune excuse si ce n’est celle que j’ai paniqué et que dans ma panique j’ai pensé à la personne qui me connaît sur le bout des doigts : ma meilleure amie. Je sais que quand je panique elle est celle qui arrive à me remettre sur terre en moins d’une minute et je … » je pince les lèvres « ça ne veut pas dire que je ne te fais pas confiance et encore moins que je ne me sente pas à l’aise en ta présence. C’est juste que … Eve c’est … Eve. On se connaît depuis toujours et …» je me tais, me doutant que je suis en train de m’enfoncer.

Mais comment faire comprendre à la femme que j’aime que Eve est la femme de ma vie, dans le sens amical du terme ? Comment lui faire comprendre à la blonde avec qui la relation est encore toute récente, qu’Eve sera forcément dans ma vie, peu importe les circonstances ? Nephtys m’a déjà bien fait comprendre qu’elle a un côté jaloux, réussira-t-elle, du coup, à accepter ma meilleure amie ? Je soupire doucement. « Je suis désolé Nephtys » finissais-je par dire « On peut faire une pause » je me redresse « Aussi longtemps que tu le voudras, mais je serais là, joignable et j’accourrais dès que tu me demandes de la faire » un petit sourire vient naître sur mes lèvres alors que je m’avance pour l’embrasser une dernière fois avant que je ne fasse un pas sur le côté pour lui libérer le chemin « ça ne changera en rien mon amour pour toi » précisais-je afin qu’elle ne se fasse pas d’illusion : ce n’est pas la fin de nous.