Trouver sa place était probablement le plus grand des challenges de Chelsea, une quête qu’elle poursuivait inlassablement depuis son plus jeune âge, malgré de nombreux échecs. Le grand-père de la Cavanagh avait essayé de lui inculquer que tout venait à point à qui savait attendre, que vieillir avait des bienfaits qu’elle ne soupçonnerait pas. La rousse n’avait jamais été dotée d’une grande patience, mais elle avait su en faire preuve pour ce qui était de sa vie professionnelle. Elle n’avait pas eu la chance de trouver un travail en rapport avec sa passion du premier coup ni du deuxième, mais le troisième avait été le bon. Entendre la cloche de la porte d’entrée de la galerie d’art sonner encore et encore ne lui provoquait pas de lassitude, ni d’agacement, parce qu’elle avait constaté que les clients de cet endroit étaient bien différents de ce qu’elle avait connu par le passé. Ils débarquaient souvent sans la moindre pression, ils ne s’obligeaient pas à acheter quoique ce soit, ils entraient surtout par curiosité avant tout. Elle se reconnaissait en eux, parce qu’elle n’était jamais rentrée dans une galerie dans le but d’acheter quelque chose, elle venait découvrir des artistes et se disait qu’un jour peut-être, elle pourrait se permettre de sortir avec leurs oeuvres sous son bras. Cette vision des choses faisait d’elle une employée bien perçue des clients, elle n’était pas étouffante, elle ne leur sautait pas dessus lorsqu’ils venaient à peine d’arriver, elle les laissait vagabonder plusieurs minutes et enclenchait une conversation avec eux dès qu’elle les sentait disponibles. Une façon de faire qui lui avait permis d’observer l’humain comme jamais elle ne l’avait fait auparavant, elle pourrait presque dire que ce métier l’avait rendu moins misanthrope, ce qui représentait un véritable exploit.
Les visiteurs étaient loin d’être les seules personnes qu’elle observait, il y avait également Jenna dont le comportement était quelque peu étrange ces derniers temps. Chelsea avait d’abord pensé qu’elle devait être un peu sur la lune, qu’elle avait peut-être rencontrée quelqu’un, après tout elle n’arborait pas la moindre bague à son doigt et n’avait jamais mentionné le nom d’un quelconque compagnon. Elle s’imaginait ce genre de scénarios jusqu’à ce qu’elle ne remarque d’incessants allers retours vers les toilettes, ce qui la lança sur une autre piste. La galeriste était dotée d’une silhouette fluette qui s’était quelque peu épaissie, du moins c’est ce qu’elle croyait, elle ne s’attardait pas trop sur les corps d’autrui, elle était plus fascinée par les visages, comme pouvaient le témoigner les portraits qu’elle postait régulièrement. Si elle devait se fier à certains préjugés, elle aurait dû apercevoir des sauts d’humeur, mais il n’en était rien. L’étudiante en photographie se sentait de plus en plus rongée par la curiosité, elle profita donc que Jenna revienne durant un moment calme, pour l’aborder avant qu’elle ne se retrouve au milieu des clients. « Est-ce que tu vas bien ? » Demanda-t-elle discrètement. Personne n’avait besoin de savoir qu’elle jugeait que son état suspicieux. Elle n’aura hélas pas le temps d’entendre la moindre réponse, puisqu’une dame jugea qu’il s’agissait du moment opportun pour leur demander si elles avaient les créations d’un artiste en particulier, au nom imprononçable. Chelsea connaissait pourtant bien les noms qui étaient exposés ici, elle les lisait de façon trop régulière pour les oublier. « Excusez-moi, est-ce que vous pouvez répéter son nom ? » Qu’elle demanda pour être sûre de ne pas s’être trompée. Jenna allait probablement répondre à sa place et peut-être profiter de cette interruption pour esquiver subtilement sa question...
Rongée par les implications de ta situation, le début de ta grossesse s’était passée sans que tu ne prêtes réellement attention aux réactions physiques de ton corps. Ton esprit avait pris le dessus, ton corps était resté bien tranquille. Mais depuis qu’Edison a décidé de prendre son rôle de père au sérieux, depuis que cette échographie est passée où vous aviez découvert la malformation du bébé, depuis qu’il y avait de moins en moins de chance que tu perdes le bébé, ton corps s’était vengé avec passion. Les nausées étaient arrivées sans prévenir un jour à la galerie alors qu’une cliente venait te poser une question. Tu n’avais eu d’autre choix que de te retirer dans les toilettes de l’établissement. Depuis, elles étaient toujours aussi fréquentes et arrivaient en général sans prévenir malgré tous tes efforts pour les éviter le plus possible. Même si Chelsea n’était pas à la galerie tous les jours, il était impossible qu’elle n’ait rien remarqué. Pour l’instant, ta grossesse n’était pas quelque chose que tu criais sur les toits, au contraire, tu préférais que l’information se sache le moins possible. Tu avais encore la chance qu’elle ne soit pas encore trop visible ce qui n’allait pas durer bien longtemps. S’il y avait bien une personne à qui il fallait l’annoncer, c’était à Chelsea car elle allait être impactée par l’arrivée de ce bébé. Tu ne savais pas encore comment tu voulais gérer la galerie mais il allait falloir que tu trouves de l’aide et vite. Tu savais que ton employée travaillait ailleurs en plus de son mi-temps chez toi, serait-elle intéressée et prête à faire plus ? Focalisée à cent pour-cent sur la bonne croissance du bébé, tu n’avais pas encore pensé à tous les détails.
La matinée s’était jusqu’ici bien passée. Tu n’avais eu droit qu’à deux passages aux toilettes ce qui était presque un miracle. L’odeur du café avait suffit à te rendre malade, toi qui adorais cela habituellement mais qui ne pouvait plus en boire. Tu étais passée à des infusions que tu trouvais immondes mais qui avaient pour point positif de ne pas te rendre malade. Il n’y avait qu’un ou deux clients en train de faire un tour des lieux et tu étais derrière le comptoir à répondre à un mail administratif quand Chelsea vint se mettre à côté de toi et te demanda : « Est-ce que tu vas bien ? » Ton employée n’avait jamais été connue pour son tact, tu l’avais remarqué dès son premier jour. Heureusement, elle savait en avoir avec les clients donc tu ne t’en formalisais pas. Tu ne savais pas ce que Chelsea pouvait imaginer mais tu pouvais comprendre qu’elle soit inquiète. Alors que tu ouvrais la bouche pour lui répondre, une cliente se présenta au comptoir pour demander si vous exposiez un artiste en particulier. L’attention de Chelsea se tourna vers cette femme ce qui te laissait un peu de répit pour décider de la manière dont tu voulais aborder le sujet. « Excusez-moi, est-ce que vous pouvez répéter son nom ? » Quand la jeune femme eut répété le nom, tu te permis de lui répondre : « Malheureusement, nous n’avons pas d’oeuvres de cet artiste pour l’instant. Nous avons pris contact avec lui mais si nous arrivons à un accord, nous n’aurons rien avant le mois de juin. Je vous invite à nous suivre sur les réseaux sociaux pour vous tenir au courant de nos prochaines expositions. » Tu tendis une carte à la jeune femme qui, bien que déçue, ne semblait pas prête à vous rayer de la carte. Une fois la jeune femme partie, il ne restait que vous dans la galerie. Le regard de Chelsea était pesant et tu voyais bien qu’elle espérait que tu n’allais pas te défiler. Tu l’avais déjà fait assez longtemps. « Viens, on va s’asseoir. » Dis-tu en montrant les quelques tables que tu avais installées dans la galerie. Tu te préparais une infusion avant de venir rejoindre Chelsea. « Pour répondre à ta question, oui, je vais bien. Tu n’as pas à t’inquiéter. » Cela ne répondait en rien à sa question sous-jacente donc il allait falloir que tu sois plus précise. « Cependant, je pense que tu as remarqué que je n’étais pas toujours dans mon assiette et tu as le droit de savoir pourquoi. » Tu marquais une petite pause et tu pris une gorgée de ton infusion avant d’enchaîner. « Je suis enceinte, le bébé est prévu pour début octobre. » Voilà, la bombe était désormais lâchée.
Jouer l’indifférente n’avait jamais été son fort, encore plus avec des personnes qu’elle fréquentait régulièrement, cela se confirmait encore aujourd’hui. Elle devait pourtant avoir des limites, puisqu’elle se trouvait sur son lieu de travail, mais elle avait l’impression de ne plus en avoir depuis le jour où elle avait proposé à son collègue de rejoindre sa colocation. Cependant Carl n’était pas Jenna, loin de là, il s’agissait d’un jeune qui n’était pas hiérarchiquement au-dessus d’elle, quelqu’un qui connaissait les mêmes galères qu’elle et avec qui elle pouvait parler librement, en somme. Maintenant qu’elle avait cessé d’hésiter à l’interroger, elle avait hâte qu’elles puissent se retrouver seules, son aînée venant de répondre à l’interrogation de la cliente. Elle n’avait pas obtenu satisfaction, mais elle avait saisi la carte de l’agence sans rechigner, la galeriste avait su lui donner les bons arguments pour qu’elle ne s’arme de patience. L’étudiante en photographie comprit que la langue de Jenna allait se délier lorsqu’elle lui proposa d’aller s’assoeir, ce qu’elle fit juste après elle. Elle fut rapidement rassurée sur son état de santé, mais Chelsea restait sur sa faim. La galeriste reprit la parole, elle reconnut qu’elle n’avait pas été au top de sa forme, qu’elle avait le droit de savoir pour quelle raison. La Cavanagh resta suspendue à ses lèvres jusqu’à ce qu’elle ne lui fasse la grande annonce, elle était bel et bien enceinte comme elle l’avait supposé. Les questions se mirent à fustiger dans son esprit, mais elle devait tout d’abord l’analyser suffisamment pour savoir comment lui répondre. « Eh bien... félicitations ?! » La rouquine ne s’était pas montrée particulièrement assurée, parce qu’elle avait trouvé que sa patronne avait quelque peu manqué d’enthousiasme. Elle n’avait pas l’air de faire partie de ces femmes qui devenaient « rayonnantes » lorsqu’elles portaient la vie, elle n’avait peut-être pas prévu d’avoir un enfant maintenant, à moins que ça ne soit sa grossesse qui lui pose des problèmes. Chelsea ne connaissait pas son âge, mais elle lui semblait être dans la norme, ce qu’elle pensait certain c’est qu’elle était quelqu’un de suffisamment posé pour ça. Jenna avait donc dû réfléchir à ce qu’elle allait faire de sa galerie lorsqu’elle serait en congé maternité, même si elle ne lui avait encore rien dit à ce sujet. « Début octobre... ça va passer vite. » Le temps défilait bien plus rapidement depuis qu’elle n’était plus lycéenne, elle tournait les pages de son calendrier avec une vitesse déconcertante. Chelsea avait la désagréable sensation de marcher sur des œufs, car elle ne voulait pas paraître indiscrète en lui demandant si elle était pressée de devenir mère, ni quel serait le sexe de son enfant, mais elle ne voulait pas non plus paraître totalement désintéressée par sa vie. « Est-ce que tu es bien entourée ? » Qu’elle finit par lui demander, n’était-ce pas la question la plus importante dans ce genre de moment ? Avait-elle quelqu’un sur qui se reposer ? Le père ou des membres de sa famille ? Cette question allait en amener une autre, qui pourrait peut-être la faire passer pour une profiteuse, ce qu’elle n’était pas. Chelsea espérait qu’elle la connaissait suffisamment pour savoir qu’elle n’avait aucunement envie de lui dérober quoique ce soit. « Tu sais ce que tu vas faire de la galerie pendant ton futur congé ? » Elle doutait qu’elle puisse se permettre de la fermer totalement, mais est-ce qu’elle se permettrait de lui demander de l’aide en sachant qu’elle avait à la fois des études et un autre travail à côté ? « Si jamais tu as besoin de renfort, je suis là. » Ce travail d’assistante était bien plus en rapport avec la carrière qu’elle rêvait de faire, que celui qu’elle pouvait bien exercer à l’hôtel, elle ne l’avait pas perdu de vue.
Chelsea devait être mise au courant, c’était une certitude. Pour l’instant, cette grossesse était confidentielle alors tu étais certaine qu’elle ne pouvait pas l’avoir appris par quelqu’un d’autre. Si tes proches et ceux de Chelsea étaient des personnes communes, vous auriez eu l’occasion de vous en rendre compte depuis qu’elle avait commencé à travailler à la galerie. Sa sollicitude te touchait beaucoup car il était évident qu’en posant sa question, elle s’inquiétait pour toi. Voilà pourquoi tu ne pouvais pas continuer à ne rien lui dire. D’autant plus que l’avoir comme une alliée te simplifierait la vie. La surprise qui se dessina sur les traits de la demoiselle à ton annonce n’était pas totale. Avec ton comportement ces derniers temps, elle devait avoir eu des soupçons et cette possibilité avait fait son chemin apparement. Tant mieux si cela ne la choquait pas, cela rendrait la discussion plus simple. « Eh bien... félicitations ?! » Son hésitation te fait sourire. Il est vrai qu’en général, ce genre d’annonce se fait dans une euphorie qui laisse peu de place au doute. Toi, tu faisais cela plus sobrement parce que tu ne voulais pas t’enthousiasmer trop vite. Tu ne voulais pas chérir cet enfant et le perdre brutalement comme la dernière fois. Alors tu restais mesurée, trop peut-être. « Merci. J’ai parfois du mal à y croire moi-même. » Finis-tu par dire pour expliquer ton manque d’enthousiasme. Tu étais pragmatique avant toute chose et tu savais que cela n’allait pas être facile. Cet enfant n’arrivait pas au bon moment avec la galerie et ta relation avec Edison était … inexistante ou du moins indéfinie. Tu ne savais pas où tu allais, le brouillard t’entourait mais tu ne voulais pas abandonner, tu avançais malgré les incertitudes. « Début octobre... ça va passer vite. » Très vite, trop vite certainement. Maintenant que les trois premiers mois de grossesse sont passés, c’était la galerie dont il allait falloir se préoccuper sérieusement. « Est-ce que tu es bien entourée ? » Encore une fois, tu es touchée par cette question. Au fil des semaines et des mois, Chelsea et toi avez réussi à créer un lien qui n’était pas uniquement professionnel. Vous ne vous racontiez pas en détail vos vies mais vous pouviez compter l’une sur l’autre. « Oui, j’ai ma famille à Brisbane qui sera un soutien immense et le père du bébé semble vouloir s’impliquer. » C’était encore flou, le rôle que souhaitait avoir Edison dans tout cela mais il n’avait pas manqué à sa parole. Après le rendez-vous chez le médecin, il n’avait plus disparu et c’était désormais à vous de construire la suite de l’histoire. La question qui arriva ensuite ne te surprit pas, elle était même naturelle. Chelsea avait raison de s’inquiéter et de te demander des comptes. « Tu sais ce que tu vas faire de la galerie pendant ton futur congé ? Si jamais tu as besoin de renfort, je suis là. » La réponse la plus honnête était que non, tu n’en avais pas la moindre idée. Il y avait deux choses dont tu étais certaine : tu ne pouvais pas te permettre de fermer la galerie et tu allais avoir besoin d’aide. Est-ce que cette aide devait venir de Chelsea ou de quelqu’un d’autre ? C’était toute la question. Naturellement, ton employée actuelle était la meilleure candidate pour le poste mais elle était aussi étudiante et n’avait pas que la galerie dans sa vie. « Je n’ai pas encore trouvé de solution idéale pour la galerie. Mais il va falloir que je le fasse car je ne peux pas me permettre de la fermer. » Tu savais aussi que tu ne prendrais pas un congé aussi long que la plupart des mères, tu finiras par remettre les pieds à la galerie quelques jours par semaine assez rapidement. C’était ça avoir un commerce, il n’y avait pas d’autres choix. « Je vais avoir besoin de quelqu’un pour me remplacer, totalement les premières semaines et partiellement ensuite. » Il fallait que Chelsea comprenne bien que ce n’était pas seulement une question de quelques semaines. Tu allais avoir besoin d’aide sur le long terme. Car si tu pouvais gérer de chez toi le contact d’artistes, les inviter à t’envoyer des portfolios ou les y recevoir tout en ayant ton enfant à tes côtés, tu ne pourrais pas être à la galerie. « Est-ce que c’est quelque chose qui pourrait t’intéresser ? » Chelsea n’en avait pas les compétences aujourd’hui mais même si octobre allait arriver vite, il y avait pleins de choses que tu pouvais lui apprendre avant l’arrivée du bébé. Mais avant de lancer quoi que ce soit, tu voulais savoir s’il y avait de l’intérêt chez ta jeune employée ou pas du tout.
Jenna avait du mal à y croire, Chelsea se demanda comment cela pouvait être possible avec tous les changements induits par une grossesse. La rousse finit par faire un parallèle avec sa propre mère, qui elle-même était plutôt incrédule lorsqu’elle apprit qu’elle attendait un enfant. Un sourcil de la jeune femme se haussa subitement, est-ce que la galeriste avait elle aussi fait une PMA ? Cela représenterait une coïncidence plutôt extraordinaire, mais elle n’était pas sûre qu’il soit correct de se montrer curieuse au point de demander autant de détails. Si elle voulait en parler, elle le ferait probablement d’elle-même. Elle ne la contredira pas lorsqu’elle lui disait que la date fatidique allait arriver très vite et elle répondit sans hésitation à sa question, ce qui la laissa penser que sa réponse était sincère. Il y avait un père dans l’équation, un père qui ne voulait pas prendre la poudre d’escampette selon ses dires. « Tant mieux. » Il aurait été terrible qu’elle perde toute trace du géniteur de son enfant, même si celui-ci pouvait encore changer d’avis, elle préférait se montrer optimiste pour elle. Chelsea s’était bien évidemment questionnée sur l’avenir de la galerie, après tout elles n’étaient que deux et elle était loin de disposer d’un temps infini pour ce travail, qui devait laisser une place plus importante pour ses études et une autre pour l’hôtel, pour lequel elle bossait depuis plus longtemps. Elle y restait encore fidèle, car son salaire d’assistante ne pouvait pas lui permettre de couvrir tous ses besoins, mais elle serait capable de diminuer son temps de travail en tant qu’hôtesse pour être plus présente dans celui-ci. La Cavanagh se sentirait stupide de ne pas profiter d’une telle occasion de gagner en expérience et en responsabilité, une responsabilité qu’elle n’obtiendrait probablement pas à la piscine de l’Emerald ni durant ses stages. Jenna était consciente qu’elle ne pouvait pas fermer sa galerie, qu’elle allait avoir besoin d’une remplaçante qui assure une grande partie de son travail, ce qui était à la fois excitant et effrayant. Est-ce qu’elle avait les épaules pour ça ? Elle voulait croire que oui et que les prochains mois pourraient lui permettre de bien s’y préparer, elle n’allait tout de même pas la jeter dans le grand bain sans la moindre préparation. « Oui bien sûr que ça pourrait m’intéresser. » Répondit elle sans avoir la certitude que la direction de l’hôtel serait d’accord, mais elle jugeait que son poste n’était pas sorcier à maîtriser et donc qu’elle pourrait facilement pallier à ses absences. « Cela ne pourrait que m’être bénéfique, même si je ne suis pas sûre de pouvoir assurer les horaires d’ouverture telles qu’elles sont à l’heure actuelle. » Chelsea se montrait honnête, elle ne pouvait pas tout sacrifier alors que ses études tenaient une importance capitale dans sa vie. « Est-ce que tu crois que ça serait possible de les faire un peu plus... restreints ? Même si je pourrai bûcher sur place pour gagner du temps, je ne suis pas sûre que ça sera suffisant. » Elle allait devoir se montrer plus raisonnable au niveau de ses sorties nocturnes, mais cela ne lui semblait pas être un gros sacrifice pour le moment.
Cette discussion avec Chelsea était inévitable. Tu ne pouvais pas continuer à lui cacher ta grossesse car elle allait être directement impactée par les conséquences de cette nouvelle vie qui s’offrait à toi. Tu ne savais pas comment elle allait réagir mais sa première réaction fut tournée vers toi, comment tu te sentais par rapport à cette grossesse et pas ce qu’elle allait devenir. C’était le genre de petites choses qui te prouvaient que tu avais bien fait de lui faire confiance. Tu ne pourras plus remercier Joanne de t’avoir soufflé l’idée de mettre cette petite annonce à l’université mais tu espérais que là où elle était, elle entendrait tes remerciements car tu n’aurais pas pu mieux tomber. « Tant mieux. » Contrairement à ce que ton employée pouvait penser, tu n’étais pas seule. Parce qu’Edison t’avait promis d’être là mais surtout parce que quoi qu’il se passerait avec le père de ton enfant, il y aura toujours ta famille sur qui compter. Mais avec l’annonce de cette grossesse, ce que tu voulais proposer à Chelsea était un peu périlleux. Après tout, elle ne s’était engagée qu’à quelques heures par semaine à la galerie et n’était peut-être pas intéressée par plus. Mais avant d’envisager de trouver un ou une autre employée à mi-temps, tu voulais miser sur les personnes en qui tu avais confiance. Et qui sait ? Peut-être que cela l’intéressait mais qu’elle ne te l’aurait jamais dit d’elle-même. Alors tu lui posais la question, cherchant à savoir si un rôle plus important à la galerie pouvait l’intéresser. Ce ne sera pas que temporaire, tu ne voulais pas lui proposer quelque chose que tu lui retirerais, si ses missions grandissaient, elle pourrait les garder toutes ou en partie ensuite. « Oui bien sûr que ça pourrait m’intéresser. » Un grand sourire vint se dessiner sur ton visage. La jeune femme ne le savait pas mais elle t’enlevait une grande épine dans le pied. L’idée de devoir chercher une autre personne pour s’occuper de la galerie te terrifiait car tu ne pourras pas savoir en quelques mois si cette personne était vraiment digne de confiance. « Cela ne pourrait que m’être bénéfique, même si je ne suis pas sûre de pouvoir assurer les horaires d’ouverture telles qu’elles sont à l’heure actuelle. Est-ce que tu crois que ça serait possible de les faire un peu plus... restreints ? Même si je pourrai bûcher sur place pour gagner du temps, je ne suis pas sûre que ça sera suffisant. » Tu savais qu’il allait y avoir des adaptations à faire donc tu étais prête à faire ces sacrifices. Ce n’était pas idéal mais pour toi c’était toujours mieux que de devoir embaucher quelqu’un d’autre. « Je suis ravie que cela t’intéresse car j’avais du mal à imaginer quelqu’un d’autre que toi pour prendre soin de ce lieu si spécial à mes yeux. » Dis-tu avec sincérité. Le sourire qui était dessiné sur tes lèvres reflétait le bonheur que tu ressentais. Mais il y avait une chose que tu voulais éclaircir avec Chelsea de suite. « Par contre, je ne veux pas que tu négliges tes études pour la galerie. Tes études doivent être prioritaires d’accord ? » Tu prenais peut-être un rôle trop maternel avec Chelsea mais tu n’étais pas là pour l’exploiter. Tu voulais lui laisser une chance mais pas au détriment de ses études. « Je ne te demanderai pas d’assurer les horaires actuels, je suis prête à fermer la galerie plus que d’habitude pour que cela fonctionne. Est-ce que tu pourrais me préparer les horaires que tu pourrais assurer sans mettre en péril tes études ou ta santé ? » Parce qu’il était hors de question qu’elle néglige aussi sa santé et ses heures de sommeil. « Nous avons le temps de mettre en place les choses de manière à ce que cela soit la meilleure expérience possible pour toi et nous assure une continuité dans la fréquentation de la galerie. Je ne serai dans tous les cas jamais loin. » C’était ça avoir un commerce, on ne pouvait jamais s’éloigner trop longtemps au risque de tout perdre.
Les paroles de Jenna étaient plaisantes, elle ne voyait personne d’autre dans ce rôle, alors qu’elle aurait pu chercher quelqu’un de pleinement disponible pour l’occuper. Chelsea pouvait constater qu’une véritable relation de confiance s’était installée entre elles, puisqu’elle la pensait capable de gérer les choses à sa place. On ne lui avait probablement jamais proposé une si grande responsabilité avant ce jour, mais cela ne l’effrayait pas, seul le manque de temps pourrait lui poser problème. Elle ne pouvait pas encore se permettre de démissionner de l’hôtel Emerald et ses études n’étaient pas encore terminées, il lui restait encore une année à faire. La galeriste craignait qu’elle ne soit tentée de les négliger, mais cela ne faisait pas partie de ses intentions, elle y avait mis trop de cœur pour ne pas faire les choses comme il faut jusqu’au bout. « Bien sûr, elles seront toujours prioritaires. » Le rappel de Jenna ne la froissait pas, parce qu’elle l’avait fait avec une certaine bienveillance, dont sa propre mère avait souvent manqué. Chelsea lui avait exposé ses problématiques, elle lui avait fait une demande qui représentait un certain sacrifice, elle ne s’attendait pas forcément à ce qu’elle l’accepte. Elle ne savait pas si son aînée avait un train de vie suffisamment confortable ou non, mais celle-ci n’attendait pas l’impossible de sa part. L’étudiante en photographie hocha de la tête lorsqu’elle lui demanda de préparer les horaires qu’elle pourrait faire. « Je vais te préparer ça. » Dit-elle sans vraiment rebondir sur ses précisions, il était évident qu’elle ne mettrait pas ses études en péril, mais pour ce qui était de sa santé elle n’en n’était pas aussi certaine. La rousse ne connaissait pas encore parfaitement les limites de son corps, qu’elle avait tendance à toujours repousser pour faire tout ce dont elle avait envie. Jenna pensait qu’elle s’y était prise suffisamment en avance pour tout mettre en place, elle ne pouvait pas la contredire puisqu’il leur restait encore plusieurs mois. « Oui, on va pouvoir faire les choses sereinement. » Les soirées de la jeune femme allait sûrement devoir être consacrées à la galerie d’art, afin que les clients puissent s’y rendre à la fin de leurs journées de boulot. Elle s’était engagée dans le commerce sans vraiment avoir conscience que sa vie sociale allait en prendre un coup, mais si cela ne durait que quelques mois, cela ne devrait pas être si insupportable que cela. Le téléphone de Chelsea se mit à vibrer, elle vit une notification de message de la part de Logan, un ami auquel elle avait reproché de trop se consacrer à son travail. Une ironie qui la poussa à l’éteindre aussitôt, parce qu’elle ne voulait pas faire de parallèle avec lui avant même d’avoir eu des changements significatifs dans ses habitudes. Elle voulait se persuader qu’elle pouvait faire mieux que lui, réussir à tous les niveaux alors qu’ils n’étaient pas confrontés aux mêmes problèmes. La galerie étant relativement calme, Chelsea pensa qu’elle pourrait commencer à travailler sur un éventuel planning dès maintenant, ce qu’elle annonça à Jenna avant de chercher de quoi prendre des notes.