(angus) but even closer to you, you seem so very far
Maisie Moriarty
la trahison des images
ÂGE : vingt-trois ans (10.02.2001). STATUT : elle aime angus ; elle l'a donc largué, en toute logique (non). MÉTIER : employée polyvalente dans un cinéma de quartier, arrondi les fins de mois avec son compte onlyfans (@onlyfeet) où elle vend ses sous-vêtements sales et envoie des photos de ses pieds. LOGEMENT : #29 hardgrave road (west end), avec mateo et elena. elle croise les doigts pour que ça dure plus d'un an, cette fois. POSTS : 1299 POINTS : 40
TW IN RP : troubles alimentaires, mention de nourriture, perception erronnée du corps, parentification, langage cru (j'adapte mes rps au besoin, contactez-moi ♡). ORIENTATION : Je n'aime que ma moitié. PETIT PLUS : mère récemment décédée, père expatrié, un frère emprisonné, l’autre en foyer ; elle manque sérieusement de repères familiaux ≈ mouton noir de la famille, tombée dans les troubles du comportement alimentaire, elle a vraiment cru qu’elle s’en était sortie pour de bon jusqu’à ce qu’elle replonge en janvier 2024 ≈ vierge et paniquée par tout ce qui touche à l’intimité, ce n’était pas un problème jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse d’angus ≈ impulsive, immature, elle vit sa crise d’adolescence avec un peu de retard ≈ arrogante, peste, bourrée d’insécurités, douce : un vrai paradoxe. CODE COULEUR : maisie nargue le monde en tomato et en peru. RPs EN COURS : llewyn ⊹ there’s no other love like the love for a brother. there’s no other love like the love from a brother.
angus ⊹ in any universe you are my dark star. i want you to want me, why don't we rely on chemistry? why don't we collide the spaces that divide us? i want you to want me.
seth ⊹ there is a little boy inside the man who is my brother. oh, how i hated that little boy. and how i loved him too.
aiden ⊹ if you'd never looked my way i would've stayed on my knees and i damn sure never would've danced with the devil at nineteen, and the god's honest truth is that the pain was heaven and now that i'm grown, i'm scared of ghosts, memories feel like weapons.
morigan #4 ⊹ every single day, yeah, i dig a grave, then i sit inside it, wondering if i'll behave. it's a game i play, and i hate to say, you're the worst thing and the best thing that's happened to me. i don't know what to do, you don't know what to say, the scars on my mind are on replay.
@ANGUS SUTTON & MAISIE MORIARTY ⊹⊹⊹and i never minded being on my own, then something broke in me and i wanted to go home to be where you are, but even closer to you, you seem so very far.
(c) harley&velouriawrites
(FORTITUDE VALLEY, TWELVE HAPPY SPECTACTORS). J’ai envie de l’étrangler. J’ai envie de lui demander comment il va. J’ai envie de lui en coller une. J’ai envie de le prendre dans mes bras. J’ai envie de lui poser mille et une questions. J’ai envie de ne plus jamais lui adresser la parole. J’ai envie qu’il capte mon regard quand je pose le mien sur lui. J’ai envie de l’ignorer jusqu’à la fin de mes jours s’il ose le faire. J’ai envie de lui raconter tout ce qu’il s’est passé en son absence. J’ai envie de le faire culpabiliser de celle-ci. J’ai envie de tout et rien à la fois, mais je sais surtout que je n’ai pas envie de faire le premier pas. Je ne suis pas stupide, je sais bien que j’ai une grande part de responsabilités – la plus importante – dans la manière dont se sont faites les choses ; mais ma fierté m’empêche d’approcher Angus alors même qu’il est revenu dans mon quotidien il y a quelques semaines. Depuis que Rosemary a eu la merveilleuse idée de l’engager comme community manager du cinéma, comme si je n’étais pas capable de m’occuper de notre présence sur les réseaux sociaux. Je l’aurais fait, si elle m’avait demandé – mais elle ne l’a même pas fait. Au lieu de quoi elle a fait les yeux doux à un Angus qui s’est imposé à moi un beau matin sans avertissement préalable. Juste lui et moi dans ce cinéma ; et le silence a été assourdissant alors même qu’on a des milliers de choses à se dire. J’ai manqué d’air sous la surprise ; puis j’ai passé mon chemin sans même le saluer, il en a fait de même. Je peux pas prétendre que je n’ai pas imaginé nos retrouvailles, mais dans tous les scénarios que j’ai pu avoir en tête, on avait toujours quelque chose à se dire. Dans la réalité, c’est tout l’inverse alors que je ne lui ai pas décroché un mot autrement que pour le boulot. Lui transmettre le programme du mois pour qu’il communique dessus, lui demander un coup de main derrière la caisse les rares moments de forte affluence, profiter de ses muscles pour quémander son aide face à un ado ne voulant pas comprendre qu’il n’a pas l’âge légal pour ce foutu film d’horreur. Et au-delà de tout ça, rien. À peine un bonjour, pas même un ça va ?, et surtout pas un tu deviens quoi ? Je croyais que ce n’était qu’un effet dramatique propre au cinéma de devenir soudainement deux étrangers qui n’ont plus rien à se dire, et encore moins quelque chose en commun. Sauf que le film que je m’imaginais vivre avec Angus relevait plus de la comédie que de l’horreur qu’il est désormais devenu, alors que là où j’appréciais mon boulot, je me lève désormais la boule au ventre à l’idée de le croiser. Je suis dans l’attente d’une explosion qu’il serait justifié de m’adresser, autant à cause de ma fuite, de mon silence ou des conséquences que je n’ai pas assumées. Une rancœur justifiée quant à tout ce que j’ai gâché en lui proposant de tenir ce rôle un an auparavant, alors qu’il n’imaginait certainement pas que les choses iraient aussi loin.
Je ne veux pas lui parler, pourtant je suis bien consciente qu’il a plus perdu que moi dans toute cette histoire. Son boulot, la stabilité qu’il pouvait offrir à Samuel, la confiance qu’il pouvait m’accorder. Moi, dans l’histoire, il n’y a qu’un frère qui est sorti du tableau, et toute cette histoire ne m’a pas posé un cas de conscience quant à choisir mon côté, mais plutôt mis devant les raisons qui m’ont empêché de le faire plus tôt. J’ignore ce dont Rose a connaissance, si sa place ici est due à une façon pour elle de réparer des erreurs que je n’assume pas, et si tel est le cas ma foutue fierté refuse de bénéficier de sa pitié comme d’un coup de pouce. Mais j’en ai pas parlé à Rose et elle ne m’en a parlé, à l’exception de quelques sous-entendus quant au fait que notre animosité évidente n’aide pas à l’ambiance de travail – sans pour autant me faire changer d’avis quant à la conduite à adopter, et vraisemblablement il en va de même du côté d’Angus. J’ai pas envie de faire le premier pas, j’ai pas envie qu’il s’imagine qu’il me manque ou que j’ai besoin de lui, j’ai pas envie qu’il retourne tout ceci contre moi alors même qu’il aurait toutes les raisons du monde de le faire.
Alors j’ai triché. J’ai vu son nom sur la liste des participants au speed-dating organisé par le cinéma – et je me suis peut-être moquée de son choix de films, 10 Things I Hate About You, vraiment ? J’ai songé au profil de la personne avec laquelle il a été associé ; j’ai imaginé une superbe blonde aux formes généreuses qui a pris les traits de Megan pour accentuer sa perfection. J’ai imaginé quelqu’un avec qui il aura inévitablement des points communs, avec qui la conversation sera aisée ; quelqu’un qui en l’espace de quelques instants saura lui faire comprendre que sa place n’est pas ici, qu’il mérite mieux qu’un cinéma de quartier et qu’il peut se permettre de rêver à plus grand. Sa démission posée dans la semaine qui suit ; et mon occasion de remettre les choses en l’ordre disparue avec lui – encore. Alors j’ai gribouillé à côté du numéro qui lui était assigné pour en inscrire un autre. Le mien ; parce que s’il y a un endroit où ni l’un ni l’autre n’osera faire de scène, c’est dans ce cinéma, parce qu’on a un dernier point commun et qu’aucun de nous deux ne voudrait s’attirer les foudres de Rosemary. J’ai regretté aussitôt, avant de me raviser et de me convaincre de la bonne idée, puis de m’en mordre à nouveau les doigts. Jusqu’au lendemain, j’ai songé à ce que je m’apprêtais à faire en pesant les pour et les contre. Il y a bien plus de contre que de pour ; mais le seul argument favorable vaut tous les fâcheux. J’ai besoin de lui parler.
J’ai attendu le début de la séance pour me faufiler à travers la rangée, pour ne pas lui donner l’occasion de fuir maintenant que le film a débuté – même si je ne suis pas certaine que ce soit une véritable raison. Peut-être que je voulais aussi que l’obscurité me permette de gagner quelques minutes dans l’hypothèse où ma présence serait parfaitement insupportable. Parce que quelques instants c’est déjà mieux que rien du tout, au fond. J’ai prévu un énorme seau à pop-corn dans lequel il sera bien le seul à piocher tant mon estomac est noué. Et c’est tout ce que j’ai préparé ; pas de discours, pas de plan, rien qui pourrait m’aider à avoir l’air moins conne maintenant que je me suis assise à côté de lui et que j’ai déjà envie de m’enfoncer dans mon siège. « Je vais tuer Rose. » Que je balance sans y réfléchir, désirant rejeter la faute sur n'importe qui plutôt d'admettre que c'est la mienne. « Numéro 31. » Que je justifie en chuchotant, avant de rester silencieuse pendant ce qui me semble une éternité. « Pop-corn ? » J’interroge en tendant le seau vers lui, usant du maïs soufflé comme calumet de la paix, ajoutant dans une vaine tentative de le convaincre de mes bonnes intentions : « j’ai mis du rab’. » À défaut d’en avoir concernant mes efforts.
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Dernière édition par Maisie Moriarty le Mer 16 Aoû 2023 - 22:07, édité 1 fois
Je ne suis pas fleuriste, pourtant ma mère adorait parler le langage des fleurs. Gamin, lorsque je n’étais pas sur le terrain en compagnie de mon grand-père, c’est avec elle que je prenais plaisir à me balader. Beth m’emmenait au parc du quartier et aimait s’arrêter devant chaque fleur que l’on rencontrait pour entamer de longs monologues sur leurs significations. Elle raffolait des pivoines et moi je n’avais d'yeux que pour les roses. Non pas parce que je les trouvais plus belles que celles qu’elle me faisait découvrir, mais simplement parce que je voulais faire pareil que le Petit Prince. Trouver une rose pour qui je serais unique au monde et inversement. Finalement, c’est ma mère qui a pris cette place et puis Samuel s’est vite ajouté à l’équation en pointant le bout de son nez. Tout ça pour dire qu’il m’était impossible de ne pas m’entendre avec Rosemary. Quant à la réciprocité, c’était loin d’être gagné. Notre première rencontre ne s’est pas très bien passée, disons que j’ai joué au con dans son cinéma. Fort heureusement pour moi, j’ai su me rattraper en nettoyant le bordel que j’avais semé et je sais pas si c’est le fait d’avoir dansé sur la BO de Beetlejuice qui m’a sauvé ou si Rose est une fidèle fervente des deuxièmes chances, mais il se trouve qu’elle a fini par m’adopter. Elle était là quand ma mère s’en est allée et là encore, lorsque j’ai décidé de me tailler. Ce qu’il y a de bien avec Rosemary, c’est qu’en plus de faire les meilleurs goûters, c’est une vraie tombe. J’ai pas besoin de lui dire les choses ouvertement, qu’elle se contente de mes non-dits. Elle me l’a prouvé plus d’une fois au téléphone lorsque j’étais près de Sydney et qu’elle me donnait des nouvelles de Maisie sans même que j’ai à le lui demander. Le jour où elle m’a proposé de bosser pour elle en tant que community manager, je me suis sérieusement demandé si elle n'avait pas le pouvoir de lire dans les pensées. Je ne vois pas comment elle aurait pu savoir que c’était la merde de mon côté et que j’avais démisionné de la MHI. C’est pas comme si elle m’avait grillé en train de vendre des cafés à l’expresso patronum ou que je lui en avais parlé lors d’un goûter improvisé. Je ne sais pas comment elle fait pour toujours taper dans le mille, mais elle le fait, c’est tout. J’ai fait mine de réfléchir quelques jours à la proposition avant d’accepter son offre contre une condition : privilégier le télétravail pour éviter un maximum de me retrouver dans la même pièce que Maisie.
Moriarty était censé être la première personne que j’aurais dû aller voir à mon retour. C’était du moins comme ça que j’avais imaginé les choses et c’était aussi un peu ce que Jimmy m’avait conseillé de faire en les quittant, lui et sa femme. Non pas d’aller la voir elle, spécifiquement, mais d’arrêter de fuir. Il y a deux possibilités quand on collectionne les pertes, soit on devient phobique des attaches parce qu’on connaît trop bien ce que ça fait de devoir dire au revoir; soit on essaye de profiter un maximum de l’instant présent parce qu’on sait que tout peut basculer en l’espace d’une seconde. J’envie les gens qui font partie de la deuxième classe, ceux qui ne sont pas seulement fans de carpe diem parce qu’ils ont vu le cercle des poètes disparus à de nombreuses reprises, mais qui cueillent vraiment le jour présent sans avoir peur du lendemain. Je sais pas trop à quoi je m’attendais en revenant ici, j’avais pour but d’aller la trouver pour qu’on puisse s’expliquer, mais ça, c’était avant de la voir à travers la vitre du cinéma et de me rendre compte que sa vie semblait suivre son cours alors que la mienne était devenue un sacré merdier. J’ai tourné des talons jusqu’à ce que Rose me propose un job et que je sois forcé d’y retourner. Il n’y a pas eu de retrouvaille à proprement parler. Maisie a préféré faire comme si rien ne s’était passé et moi, j’ai joué la carte de l'indifférence. J’ai accepté de passer derrière le comptoir aux heures de pointes pour l’aider et revêtir le statut de videur lorsque certains clients tentaient de nuire à l’ambiance familiale du cinéma tout en essayant de l’esquiver dès que l’occasion se présentait à moi. Si j’avais su qu’on en arriverait là, je n’aurais jamais accepté de jouer son faux petit-ami. Je ne l’aurais pas laissé s’immiscer dans ma vie, pire encore, dans celle de Samuel et j’aurais consacré mon temps libre à autre chose qu’à le passer en sa compagnie. Néanmoins, je crois que ce qui est le plus regrettable dans toute cette histoire c’est d’avoir pensé la connaître un minimum et de m’apercevoir que ce n’était pas le cas. Je me rends compte à présent que, de nous deux, c’est elle qui est la plus douée pour les doubles jeux. Malgré tout, y’a encore une partie de moi qui continue à penser qu’elle n’a pas pu jouer la comédie pendant presque une année et qu’il y a bien eu des moments où j’étais dans le vrai. Peut-être aussi parce que j’ai passé une grande partie de ma vie à me faire passer pour ce que je ne suis pas et que, finalement, je suis forcé de constater que je n’ai jamais été autant moi-même que lorsque je faisais semblant d’être avec elle.
C’est Rose qui m’a forcé à m’inscrire à l'événement de la saint-valentin. Il fallait bien que quelqu'un se porte volontaire pour combler les trous et il faut croire que je suis plutôt doué pour ça. Alors j’ai fini par accepter, simplement parce que je voulais trouver un moyen de la remercier pour toutes les fois où elle a été là. Le choix du film n’a pas été difficile, en fait, je trouve qu’il se prête parfaitement bien à la situation actuelle même s’il y a plus de dix choses que je déteste chez Maisie. Y’en aurait même assez pour en faire une série, je devrais peut-être proposer un remake à Netflix. Je suis pas pressé de rencontrer la personne qui se cache derrière le rencard qu’on m’a assigné et il doit en être de même pour elle parce que le siège à ma droite est toujours vide. J’observe les gens faire connaissance, c’est sans doute la première fois où les chuchotements intempestifs ont l’air de ne déranger personne. En temps normal, il y aurait déjà eu des gens qui se seraient précipités pour mettre leur doigt devant la bouche en fusillant du regard les plus bavards. Or, tout semble se passer comme prévu, les deux personnes assises devant moi se mettent même à rire. Les lumières s’éteignent et le brouhaha se dissipe lorsque le grand écran affiche les premières secondes du film. Je jette un coup d'œil sur le côté, il faut croire que le karma a décidé de se montrer clément et qu’il me gratifie d’un rendez-vous en tête à tête avec moi-même. Sans doute pour me remercier d’avoir accepté de donner de ma personne pour venir en aide à une vieille dame. Je m’enfonce dans le siège et coince mon petit paquet de pop-corns entre mes genoux pour profiter de la prestation d’Heath Ledger et sa coupe de cheveux digne de Louis XIV. « Je vais tuer Rose. » Je n’ai pas besoin de lever la tête vers elle que je reconnais le son de sa voix même caché derrière un chuchotement. Je serre les dents et tente de me concentrer sur le film. Elle veut quoi cette fois ? Que j’aille l’aider à déboucher les w.c parce qu’un gamin a trop forcé sur le maïs ? « Numéro 31. » Je vais tuer Rose. Elle a approximativement une heure et demie pour faire ses adieux avant que le film ne se termine et que j’aille la trouver pour lui régler son compte à la vieille. Rien à foutre de devoir respecter mes aïeux, elle vient de dépasser les bornes et c’est pas parce qu’elle fait partie du club du troisième âge que ça lui donne le droit de jouer les cupidon. Je pose mon bras sur l’accoudoir de ma voisine en haussant les épaules. « Pop-corn ? » Elle me montre l’énorme pot qu’elle tient entre ses mains - il y a de quoi marquer un million de points - et mon regard se repose immédiatement sur l’écran. Qu’elle s’étouffe avec ou qu’elle fasse une indigestion, si elle pense que je vais tout oublier parce qu’elle a la gentillesse de m’offrir des grains de maïs qu’elle a sûrement même pas eu à payer, elle peut aller voir ailleurs si j’y suis. Et putain ce que j’aimerais être partout sauf ici. « J’ai mis du rab’. » Je lui montre mon petit pot et pioche quelques pop-corn que je fourre dans ma bouche pour ne pas avoir à lui décrocher un mot.
“Tu sais ce qu’il y a de bien avec les films ? C’est qu’on est pas forcé de discuter, on peut juste se contenter de les regarder en silence.” Je lance, après avoir bien pris le temps de tout mastiquer. C’est faux, parce qu’on en a regardé plus d’un dans le passé et que ça ne nous a jamais empêché de parler, bien au contraire. Sauf qu’on est pas à l’appartement et que tout a changé depuis qu’elle a fait le choix de se barrer. “Et ça te connait les silences, non ?” J’ajoute sans lui décrocher un regard. On pourrait recommencer à zéro, faire comme si c’était la première fois qu'on se rencontre. Jouer un jeu, encore une fois. Je lui tendrais la main en me présentant et ça suffirait sans doute à tirer un trait sur la dernière année passée à devoir faire semblant de s’aimer. Le truc, c’est qu’elle vient de me prouver qu’elle en avait vraiment rien à cirer. C’est une chose de faire comme si rien ne s’était passé, c’en est une autre de venir s’installer sur le siège d’à côté et d’avoir le culot de m’offrir des pop-corn quand elle n’a même pas été capable de me dire au revoir. Elle m’a traité comme un pestiféré en transformant mes tentatives de réconciliations en appels manqués et aujourd’hui, elle se ramène comme une fleur en me proposant quelques confiseries en guise de calumet de la paix ? J’allume la lampe torche de mon téléphone portable pour chercher une place de libre. N’importe quelle place qui ne serait pas à côté de la sienne, mais la salle est pleine et certaines personnes ne mettent pas longtemps avant de rouspéter. J’essaye de me concentrer sur le jeu d'acteur qui se déroule devant moi, mais mes yeux sont trop souvent attirés vers la droite. Y’a des tas de choses que je voudrais lui dire, mais aucune que je pourrais lui gueuler en plein milieu d’une salle de cinéma. Encore moins quand celle-ci est bondée et qu’elle me permet de payer une partie du loyer. Rose le savait et c’est sans doute ce qui l’a poussé à tout manigancer. Elle a peut-être pu influencer le cours de l'événement, mais elle ne peut pas me forcer à lui faire la conversation. Je me contente de regarder le film en me mordant la langue à chaque fois que l’envie me prend de vouloir lui demander son avis sur une scène ou de me foutre de la gueule des personnages. C’est ce que j’aurais fait à l’époque, plus maintenant.
La fin du film est bien plus parlante que ce que je pensais. Je pourrais énumérer pas mal de choses que je croyais détester chez Maisie, mais qui ont fini par me manquer quand elle a déserté. Je me lève et passe devant elle pour me diriger vers la cabine de projection après lui avoir fait signe de me suivre. “Ça te fait marrer ?” Je demande tout en refermant la porte derrière nous pour être sûr de ne pas être dérangé par un client. “Tu te barres du jour au lendemain sur un coup de tête. Est-ce que t’as pensé à Sam ? Je croyais qu’on devait laisser les petits en dehors de ça, pourtant t’en as rien eu à branler de lui faire du mal en te barrant sans lui dire au revoir.” Je balance en la pointant du doigt. “J’ai essayé de te joindre à de nombreuses reprises, tellement de fois que t’aurais été en droit de porter plainte pour harcèlement et t’as pas répondu à un seul de mes appels !” Cette fois-ci, j’ai plus aucune raison de retenir ma colère, au diable l’indifférence, elle pourra aller pleurer dans les jupons de Rose si ça lui chante. “Tu t’es pas non plus demandée si ton départ allait m’inquiéter ? Non, t’as pensé qu’à ta petite personne parce que t’es bien la sœur de ton frère. Y’en a que pour vous dans cette foutue famille, le reste, ça compte pas hein ? Si ce n’est Lee, y’en a pas un pour rattraper l’autre. Je l’ai dit plus d’une fois dans le passé, mais cette fois-ci, j’en ai bel et bien fini avec les Moriarty. C’est Maisie qui avait raison finalement, elle est pas mieux que lui. C’est peut-être d’ailleurs la seule fois où elle s’est montrée sincère, qui sait. “Et tu te ramènes avec un pot de pop-corn en pensant quoi au juste ? Que je vais oublier les heures que j’ai passé à camper sur le canapé de peur de te rater si jamais tu venais à pointer le bout de ton nez ?! Va te faire foutre.” C’est pas ce que souhaitait Rose en nous mettant ensemble ce soir et ce n'est pas non plus ce que je comptais lui dire en revenant sur Brisbane, mais c’est tout ce que j’arrive à prononcer alors que les mots finissent rapidement par dépasser le fond de ma pensée.
BY PHANTASMAGORIA
Maisie Moriarty
la trahison des images
ÂGE : vingt-trois ans (10.02.2001). STATUT : elle aime angus ; elle l'a donc largué, en toute logique (non). MÉTIER : employée polyvalente dans un cinéma de quartier, arrondi les fins de mois avec son compte onlyfans (@onlyfeet) où elle vend ses sous-vêtements sales et envoie des photos de ses pieds. LOGEMENT : #29 hardgrave road (west end), avec mateo et elena. elle croise les doigts pour que ça dure plus d'un an, cette fois. POSTS : 1299 POINTS : 40
TW IN RP : troubles alimentaires, mention de nourriture, perception erronnée du corps, parentification, langage cru (j'adapte mes rps au besoin, contactez-moi ♡). ORIENTATION : Je n'aime que ma moitié. PETIT PLUS : mère récemment décédée, père expatrié, un frère emprisonné, l’autre en foyer ; elle manque sérieusement de repères familiaux ≈ mouton noir de la famille, tombée dans les troubles du comportement alimentaire, elle a vraiment cru qu’elle s’en était sortie pour de bon jusqu’à ce qu’elle replonge en janvier 2024 ≈ vierge et paniquée par tout ce qui touche à l’intimité, ce n’était pas un problème jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse d’angus ≈ impulsive, immature, elle vit sa crise d’adolescence avec un peu de retard ≈ arrogante, peste, bourrée d’insécurités, douce : un vrai paradoxe. CODE COULEUR : maisie nargue le monde en tomato et en peru. RPs EN COURS : llewyn ⊹ there’s no other love like the love for a brother. there’s no other love like the love from a brother.
angus ⊹ in any universe you are my dark star. i want you to want me, why don't we rely on chemistry? why don't we collide the spaces that divide us? i want you to want me.
seth ⊹ there is a little boy inside the man who is my brother. oh, how i hated that little boy. and how i loved him too.
aiden ⊹ if you'd never looked my way i would've stayed on my knees and i damn sure never would've danced with the devil at nineteen, and the god's honest truth is that the pain was heaven and now that i'm grown, i'm scared of ghosts, memories feel like weapons.
morigan #4 ⊹ every single day, yeah, i dig a grave, then i sit inside it, wondering if i'll behave. it's a game i play, and i hate to say, you're the worst thing and the best thing that's happened to me. i don't know what to do, you don't know what to say, the scars on my mind are on replay.
À la seconde même où je me retrouve face à lui, je regrette mon idée. Elle ne m’a jamais parue excellente, mais à cet instant, elle m’apparaît comme véritablement misérable alors que j’ai déjà une furieuse envie de détourner les talons. Ça ne le surprendrait pas, j’imagine, parce que la fuite a été ma solution de prédilection quelques mois plus tôt, alors pourquoi ne le serait-elle pas une fois encore ? Mais ce serait aussi gâcher ma seule chance d’enfin m’expliquer ; car je doute qu’il m’accorde la moindre seconde supplémentaire si je me défile maintenant. Il n’aurait pas de raison de le faire ; et si ma mauvaise foi a envie de se cacher derrière le fait qu’il n’a pas tenté non plus de faire le premier pas, je sais aussi que je ne lui ai pas vraiment donné l’occasion de le faire. Je n’ai cessé de chercher des moyens de me défiler dès que je me retrouvais seule avec lui dans ce cinéma, prétextant être occupée à d’autres choses, me cachant parfois dans la réserve ou les toilettes en priant pour qu’il soit parti au moment où je me repointerais. Un comportement qui n’a rien de mature, et même mon envie de me confronter à lui aujourd’hui ne l’est pas réellement alors que je balance Rosemary comme étant la seule responsable de cette rencontre forcée, pour ne pas admettre ma part de responsabilités dans ce qui se présente déjà comme un fiasco. Il va quitter la salle en faisant un scandale et Rose m’en voudra d’avoir amené une telle ambiance sur notre lieu de travail, suffisamment pour me mettre le nez dans les problèmes que j’ai créés et m’inviter à voir ailleurs. Elle aurait raison de le faire ; je ne suis pas fiable, et je suis encore moins professionnelle depuis qu’Angus est de retour dans le coin. J’ai utilisé l’excuse d’un mauvais virus bien trop de foi pour qu’elle me considère comme simplement malchanceuse, et j’imagine que sa patience a des limites que je ne vais probablement pas tarder à découvrir. Alors, foutu pour foutu, je m’installe quand même aux côtés d’Angus, priant pour que son affection pour Rose l’aide à rester discret ou, au moins, à quitter la salle sans faire de vagues. Je suis la première surprise qu’il reste à sa place, et j’y vois une maigre approbation à ma tentative de réconciliation, même s’il ne me décroche aucun mot, pas même quand j’utilise le pop-corn comme offrande. Le silence qui s’installe est supposé être normal dans un lieu comme celui-ci, mais est lourd de sens dans une situation comme la nôtre, et je pioche un maïs soufflé que j’enfourne dans ma bouche sans réussir à le mâcher. Mon estomac est trop noué, mais je peux au moins prétendre être trop occupée à savourer cette bombe calorique pour lui décrocher d’autres mots. “Tu sais ce qu’il y a de bien avec les films ? C’est qu’on est pas forcé de discuter, on peut juste se contenter de les regarder en silence.” Je détourne la tête un instant dans sa direction, y voyant l’occasion de réfléchir à mon discours pour plus tard, presque reconnaissante qu’il souligne cet aspect-là pour diminuer ma nervosité, avant qu’il n’ajoute : “Et ça te connait les silences, non ?” qui me fait aussitôt détourner les yeux vers l’écran pour tenter de l’ignorer. Je ne peux même pas répondre à cette attaque, parce qu’elle est vraie. Alors je lui donne ce qu’il veut, du silence, en songeant intérieurement qu’il m’a aussi offert le même traitement, peu importe si je suis celle qui a initiée les hostilités. Je me laisse glisser dans le fauteuil, m’enfonçant dans celui-ci dans l’espoir de disparaître.
Je suis incapable de me concentrer sur le film, passant plus de temps à tenter de ne pas quitter la salle en courant, m’en fichant bien de ce qui se déroule sur le grand écran même si j’interdis mon regard de quitter celui-ci, à l’exception des coups d’œil que je lance en direction de la sortie. De temps à autre, je pioche dans mon seau autour duquel mes mains s’accrochent et je mets une éternité à avaler le pop-corn qui, de toute façon, me reste sur l’estomac. J’ai l’impression que cela fait des heures que je suis enfermée dans cette salle ; et je ne sais même pas ce que j’attends. Je n’ai aucune certitude qu’Angus voudra m’adresser la parole à l’issue de la séance. Si ça se trouve, il préférera me passer devant sans m’adresser le moindre regard, me reléguant définitivement au rang d’inconnue alors que je cherche à regagner ma place. Je ne sais même pas laquelle, d’ailleurs, et c’est probablement ce qui rend tout ça totalement ridicule. L’autre option, pas beaucoup plus glorieuse, et qu’il attend la fin du film pour me hurler dessus et m’adresser des attaques supplémentaires, certainement moins douces que celle de tout à l’heure, et tout autant méritées. Alors oui, je devrais partir, parce que je n’arrive pas à imaginer une option où l’on parviendrait à discuter comme des adultes. Deux phrases ont suffi pour que je comprenne à quel point il m’en veut ; et je doute que les prochaines qu’il pourrait être tenté de m’adresser soient beaucoup plus agréables.
La fin du film n’est pas vécue comme un soulagement alors que j’ignore toujours tout du sort qui m’est réservé, n’osant même pas détourner les yeux vers Angus dans l’espoir d’avoir le droit à un indice. Lorsqu’il se lève, mon réflexe est de continuer à disparaître dans ce fauteuil, prétextant lui laisser la place pour s’échapper, avant qu’il ne finisse par m’indiquer de le suivre. J’hésite un instant, le traitement du silence qu’il m’offre étant finalement pire que tous les reproches qui suivront sans doute, mais encore une fois, il n'y a pas grand-chose que je puisse faire pour tenter de changer les choses ; alors je m’accroche à la seule option qui se présente et je calque mes pas sur les siens, jusqu’à ce que l’on se retrouve à l’intérieur de la cabine de projection. “Ça te fait marrer ?” Angus vers la porte, je me suis collée à l’autre bout de la pièce, et c’est bien moi qui me réfugie dans le mutisme cette fois-ci, comme une enfant qui se fait gronder et attend le bon moment pour tenter de se défendre. “Tu te barres du jour au lendemain sur un coup de tête. Est-ce que t’as pensé à Sam ? Je croyais qu’on devait laisser les petits en dehors de ça, pourtant t’en as rien eu à branler de lui faire du mal en te barrant sans lui dire au revoir.” La vérité, c’est que je n’ai pensé à personne. Pas à Sam, pas même à Llewyn, encore moins à Angus. Juste à moi et mon petit confort ; et la certitude que me confronter à Angus serait insupportable, assez pour que j’en déduise que ne pas le faire serait alors la meilleure des options. Il me pointe du doigt et mon regard baisse vers le sol. “J’ai essayé de te joindre à de nombreuses reprises, tellement de fois que t’aurais été en droit de porter plainte pour harcèlement et t’as pas répondu à un seul de mes appels !” La voix d’Angus s’intensifie à mesure qu’il laisse sa colère s’échapper, et moi, je suis incapable de réagir. Je continue seulement d’ancrer mon regard dans le sol pour tenter de ravaler mon nœud dans la gorge et mes yeux humides, parce qu’il est hors de question que je me mette à chialer. Je suis souvent trop émotive, oui, mais d’ordinaire c’est ma colère et mon agacement qui l’emportent, jamais la tristesse. Et je refuse que cela change aujourd’hui, encore moins devant Angus. Alors j’expire doucement, je tente de me calmer avant de passer une main sur mes yeux et de relever la tête. “Tu t’es pas non plus demandée si ton départ allait m’inquiéter ? Non, t’as pensé qu’à ta petite personne parce que t’es bien la sœur de ton frère. Y’en a que pour vous dans cette foutue famille, le reste, ça compte pas hein ? Si ce n’est Lee, y’en a pas un pour rattraper l’autre.’’- « C’est ce que tu penses ? » Ma voix flanche et il m’aide, Angus, quand il se permet cette comparaison qui me serre le cœur, qui me révolte autant qu’elle est en réalité adaptée. Je n’ai jamais cessé de lui dire que je ne valais pas plus que Seth et au fond, je crois que je voulais surtout qu’il me persuade du contraire. Pourtant, la vérité est bien là ; je suis aussi égoïste que lui, aussi détestable et lâche, et même mise devant le fait accompli, même convaincue qu’il a raison, ses paroles me heurtent. Je me suis longtemps convaincue qu’il serait le premier à me les adresser et aujourd’hui que c’est le cas, je le déteste pour ça. “Et tu te ramènes avec un pot de pop-corn en pensant quoi au juste ? Que je vais oublier les heures que j’ai passé à camper sur le canapé de peur de te rater si jamais tu venais à pointer le bout de ton nez ?! Va te faire foutre.” Je fronce les sourcils. Je suis partie du principe s’impatientait de me virer, pas qu’il essaierait de m’attendre. Et je comprends pas. Je comprends pas pourquoi il a pas su saisir l’occasion de ma fuite pour se débarrasser de moi et se donner bonne conscience en me rejetant la faute dessus, l’opportunité était parfaite. « T’étais parti quand je suis revenue. » C’est tout ce que je trouve à dire, ce constat qui sonne comme une accusation, une tentative désespérée de retourner la situation plutôt que d’affronter toutes mes fautes qu’il verbalise. « T’as pas non plus laissé de mot. » J’ajoute, d’un ton neutre. « Et j’ai demandé à Swann de te contacter. » Non, c’est lui qui a insisté pour le faire et j’ai fini par céder à sa demande, mais ça, il n’a pas à le savoir. Je devrais pas aller sur ce terrain-là. Je devrais pas l’accuser à mon tour, ça n’aidera en rien la situation. Ce n’est même pas que j’ai peur de me montrer honnête avec lui, c’est juste que je ne peux pas lui expliquer ma façon de faire sans glisser sur un terrain vers lequel je ne veux pas aller ; celui qui implique de justifier pourquoi je me comporte comme ça, pourquoi c’est plus facile pour moi que les autres me détestent plutôt que de prendre le risque de continuer à les décevoir, encore et encore. Parce que c’est de ça dont il s’agit ; j’aurais inévitablement fini par décevoir Angus, à lire dans ses yeux tout le mépris qu’il m’aurait adressé comme tant d’autres avant lui. Et j’en ai marre de ce regard ; et je n’aurais pas su le supporter de sa part. « Et qu’est-ce que tu voulais que je dise à Sam, au juste ? » J’interroge, alors que la réponse est évidente : « ‘’Hé Sam, désolée si ton frère a perdu son job et qu’il se retrouve dans la merde à cause de moi, hein, mais ça va aller t’inquiète, garde la pêche’’ ?! » Comment j’étais supposée le regarder dans les yeux et lui expliquer que si Angus a perdu le job qui leur permettait de vivre, c’est parce que je suis incapable de prendre les bonnes décisions et que je l’ai embarqué dans un plan qui m’a échappé ? Parce que je n’aurais pas su faire autre chose que prendre mes responsabilités face à Samuel, ce qui rend ma fuite encore plus détestable en sachant que j’ai été incapable de le faire face à Angus. J’essaie de me persuader que j’aurais merdé tôt ou tard et que je n’ai fait que saisir la première occasion de rejeter un peu la faute sur Seth – ou de saisir l’occasion de m’en débarrasser. Que c’était inévitable, que si ça n’avait pas été pour le crime de mon frère, ça aurait été quant à mon état de santé. Et ça, Angus n’aurait pas pu le lui expliquer. Alors peu importe si mes justifications sont bancales et mon attitude déplorable, j’ai juste anticipé du mieux que j’ai pu une situation qui se serait présentée à nous quoi qu’il advienne. « J’ai rencontré Damon. » J’annonce d’une voix plus calme. J’aurais préféré ne pas me confronter à cette figure de son passé ; bien que je doute que ce soit de l’histoire ancienne vu la réaction du Williams. « T'as pas arrêté de dire que je me servais de toi, mais t'as fait pareil pour passer à autre chose, n'est-ce pas ? » Je lui demande, toujours calme, parce que c'est un constat plus qu'une accusation. « Il m’a dit que tu avais démissionné. » Il m’a dit bien d’autres choses aussi, mais c’est l’information sur laquelle je préfère me concentrer. « Est-ce que tu l’as fait pour éviter qu’ils te virent eux-mêmes après ce qu’a fait Seth ? » Je m’en suis persuadée, mais j’ai jamais eu une quelconque forme de confirmation jusqu’à aujourd’hui – s’il veut bien m’offrir la réponse. « Je savais pas comment gérer. » Que je finis par annoncer alors que mon regard s’ancre à nouveau au sol. « Je savais pas quoi te dire. » Et je le sais pas plus aujourd’hui.
J'ai imaginé ce moment à de nombreuses reprises, assez pour que je ne puisse les compter et trop de fois pour que ça puisse m'embarrasser. Néanmoins, j'étais à des années-lumière de penser que notre confrontation aurait lieu dans l'une des salles de ciné. Et encore moins, lors d'un évènement basé sur la Saint-Valentin. Le film vient de se terminer. Je jette un coup d'œil à ma voisine lorsque les lumières se rallument et ne font que confirmer l'identité de mon ex -fausse- petite amie. Je suis tenté de suivre le mouvement de foule et de quitter la pièce sans lui porter un quelconque intérêt. C'est d'ailleurs ce que je commence à faire en lui passant devant pour quitter la rangée, mais au lieu de continuer sur ma lancée, je m'arrête tandis que les autres se dirigent vers la sortie par groupe de deux. Je les écoute commenter le film; se taper des barres sur la chorégraphie de Heath Ledger et se laisser aller à quelques techniques de drague bon marché tout en me disant que ça aurait pu être nous. Pourtant, je me retrouve solo à me pousser pour laisser passer tous ces couples que nous avons formés et qui finiront peut-être par se revoir après la soirée. Quand la voie est dégagée, je me retourne vers Maisie et l'invite à me suivre d'un signe de la tête avant de disparaître dans la cabine de projection. C'est plus que ce qu'elle mérite et je regrette déjà de ne pas avoir eu le cran de la laisser en plan. L'Angus de nos début aurait pris un malin plaisir à l'ignorer, il aurait même quitté son siège en renversant le pot de pop-corn sur sa tête, histoire de l'humilier devant les invités. Cette version là n'existe plus depuis des mois. Elle s'est effacée petit à petit, au rythme des moments qu'on a pu partager jusqu'à finir par disparaître totalement.
Je m'adosse à l'un des murs de la pièce en guettant le couloir à travers l'ouverture de la porte. Chaque silhouette qui passe devant la cabine me provoque une petite décharge au creux de la poitrine parce que Maisie pourrait passer devant sans s'arrêter et qu'en plus de bousiller mon amour-propre, ça signifierait qu'elle en a vraiment plus rien à cirer. Elle finit par arriver et je la regarde prendre place contre le mur opposé à celui contre lequel je me suis adossé. Pour faire front au silence, je dégueule toute la haine qui s'est accumulée depuis qu'elle s'est barrée et que je n'ai pas eu le temps de digérer. Ma voix s'intensifie tandis qu'elle se contente de regarder le sol et c'est sans doute parce que mes yeux ne rencontrent pas les siens que je finis par m'emporter. Je crie des choses qui n'ont pour but que de la blesser, parce qu'elle m'en a fait baver et que je vois pas pourquoi elle serait la seule à s'en sortir indemne. « C’est ce que tu penses ? » C'est surtout ce que je refuse de croire. J'aimerais pouvoir dire que je la connais, mais c'est loin d'être vrai. La fille que je pensais connaître ne se serait jamais barrée sans prévenir. Elle ne l'aurait pas fait, parce qu'elle sait ce que ça fait de se sentir abandonné; d'avoir l'impression de ne jamais suffire ou de pousser les gens à fuir. "Ah, parce que tout d'un coup t'en as quelque chose à foutre de ce que je peux bien penser ?!" Je demande tout en ne retenant pas le rire âpre qui s'échappe d'entres mes lèvres. C'est pas comme si ça l'avait déjà intéressé et c'est pas faute d'avoir usé de sous-entendus pour lui faire comprendre le fond de ma pensée. « T’étais parti quand je suis revenue. » Mes yeux rencontrent les siens pendant un bref instant. Sa réponse ne fait que m'énerver davantage. Elle a eu un mois pour faire son grand retour. Quatre semaines à l'attendre, c'est bien plus que ce qu'elle aurait fait si les rôles avaient été inversés et elle trouve quand même le moyen de me remettre la faute dessus. "Tu t'attendais à quoi ? À ce que je patiente sagement devant l'entrée pendant des années ?" Je rétorque alors que ma voix se brise lorsque mon esprit s'égare et que ce n'est plus moi que je revois en train d'être à l'affut du moindre bruit sur le pallier, mais celle que j'ai vu dépérir sur le canapé et que je n'ai pas su aider. « T’as pas non plus laissé de mot. » - "Parce que tu m'en as laissé un toi, peut-être ?" Non, tout ce qu'elle a laissé derrière elle, c'est une chambre à l'abandon. Pas un mot, ni même un texto. Au 21e siècle, il faut vraiment avoir envie de ne plus parler à quelqu'un pour ne pas trouver le moyen de lui donner un signe de vie. Toute excuse auraient été bonne à entendre si on vivait à l'époque de nos grands-parents. Une lettre qui s'est égarée, pas assez d'unité sur sa carte prépayée, mais aucune qui ne puisse fonctionner quand on connait les avantages de notre génération.« Et j’ai demandé à Swann de te contacter. » Je m'esclaffe face à sa réponse. C'est donc tout ce dont je méritais à ses yeux ? De voir débarquer un de ses valets. Swann est cool, mais c'était pas à lui de récupérer les affaires de Maisie. Et ce n'est pas non plus lui que j'aurais aimé voir débarquer. « Et qu’est-ce que tu voulais que je dise à Sam, au juste ? » N'importe quoi qui m'aurait évité d'avoir à le lui annoncer. "Samuel." Je rectifie, parce qu'elle n'est plus en droit de l'appeler par son diminutif et qu'elle est pas prête de lui reparler. Je pensais qu'on avait un accord et que si y'avait bien un point sur lequel on était fait pour s'entendre, c'était d'épargner nos frangins le plus possible. Elle n'a fait aucun effort et n'a même pas tenté d'arrondir les angles. « ‘’Hé Sam, désolée si ton frère a perdu son job et qu’il se retrouve dans la merde à cause de moi, hein, mais ça va aller t’inquiète, garde la pêche’’ ?! » - "À cause de toi ?" Je demande en arquant un sourcil. "C'est ton frère qui a volé le bijou." Maisie n'a rien à voir dans l'histoire, elle ne l'a pas poussé à commettre un délit. Ils sont peut-être liés par les liens du sang, mais Seth est un grand garçon. Il reste responsable de ses actes et encore plus quand ses infractions sont passibles de prison. C'est pas pour ça que je lui en veux. Elle l'aurait su, si elle m'avait donné l'occasion de la retenir en contrant ses arguments en carton."J'ai pas perdu mon job. Je l'ai quitté, c'est pas pareil." J'ajoute pour qu'elle cesse enfin de culpabiliser. D'autant plus que je ne vois pas dans quel monde ça aurait pu la toucher. J'ai déjà perdu un job à cause de Seth, elle le sait et ça ne l'a pas empêché de passer la dernière année à faire semblant de m'apprécier ou même d'emménager donc pourquoi ça l'aurait poussé à m'éviter ?
« J’ai rencontré Damon. » Pas de panique à bord, le fun et la vitesse d'abord. Pourtant, elle me prend de court et l'entendre prononcer le nom de l'italien suffit à me faire perdre la face. J'ai toujours pris soin de compartimenter chaque aspect de ma vie. La musique à l'aide de playlist; les photos avec des boites à souvenirs, et il en va de même pour les relations en faisant en sorte qu'elles ne se rencontrent jamais. C'est à peine si j'ose mélanger mes amitiés. Je n'ai pas de groupes d'amis, j'ai un ami par ci, un pote par là. Les personnes qui constituent mon entourage ne se connaissent pas vraiment, sûrement parce que je suis différent avec chacun d'entre eux et réellement moi-même avec aucun. Je ne vois même pas comment ils ont pu se retrouver au même endroit, au même moment. Est-ce que j'ai envie d'en savoir plus ? Pas du tout. Je préfère encore rester dans l'ignorance. Mon histoire avec Damon a longtemps été un secret bien gardé. Je prie pour qu'il se soit montré discret quant à ce qu'on a vécu et qui ne regarde personne si ce n'est nous. C'est pas que j'ai honte d'en parler ou que je suis gêné de ce que ça pourrait dire sur mon orientation sexuelle. Je ne suis juste pas du genre à partager mon intimité ou à déblatérer sur mes relations passées. « T'as pas arrêté de dire que je me servais de toi, mais t'as fait pareil pour passer à autre chose, n'est-ce pas ? » Elle sait, évidemment qu'elle sait. Je fais mon maximum pour ne rien montrer, mais je hais le fait qu'elle puisse détenir une information aussi capitale à mon sujet. "J'ai jamais mentionné ton nom devant Damon, c'est Sam qui l'a fait. Je me suis juste contenté de le laisser parler." C'est la stricte vérité. J'aurais pu sauter sur l'occasion pour en faire des caisses. Demander à Maisie de venir me chercher au boulot et repartir bras dessus, bras dessous devant celui qui n'a pas eu aucun mal à m'inviter à son mariage. Pourtant, je n'ai rien fait de tout ça. "Alors, non, je ne t'ai pas utilisé, mais oui, ça m'a permis de passer à autre chose, en effet." Je sais même pas pourquoi je fais preuve d'autant de sincérité. Les nouvelles résolutions me montent à la tête ou alors c'est parce que je sais qu'à présent, je n'ai plus rien à perdre. « Il m’a dit que tu avais démissionné. » C'est qu'ils s'en sont dit des choses. Est-ce qu'ils se sont aussi tapés une barre en se rendant compte qu'ils ont tous les deux préférés me ghoster plutôt que d'avoir à faire preuve d'un tant soit peu d'honnêteté ? Après tout c'est sûrement ce que je mérite pour avoir passer la moitié de ma vie à mentir. « Est-ce que tu l’as fait pour éviter qu’ils te virent eux-mêmes après ce qu’a fait Seth ? » J'aimerais pouvoir remettre la faute sur son frère, ce serait vachement plus simple que d'avoir à admettre que si j'en suis arrivé à démissionner, c'est parce que je me suis tiré une balle dans le pied. "Le vol de Seth n'a pas arrangé les choses, mais j'étais déjà sur la sellette." Je réponds en détournant les yeux. Pas besoin de lui faire un dessin. Elle a l'air d'en savoir bien assez pour faire le lien ou tout du moins pour comprendre qu'une relation au boulot, ça n'apporte rien de bon si ce n'est des problèmes avec le patron. "Le directeur de la MHI est un sale con et j'avais plus aucune chance de grimper les échelons de toute façon." Pas après avoir fricoté avec son fils.
« Je savais pas comment gérer. » C'est un énième rire amer qui résonne dans la cabine alors que j'hoche la tête sans croire un mot de ce qu'elle peut bien me raconter. "Arrête un peu. Tu sais comme moi qu'on ne serait pas en train d'avoir cette conversation si on était pas obligé de collaborer ensemble sur un même projet. " Parce que c'est bien pour cette raison qu'elle a accepté de me suivre et non pour tenter de se racheter. Si c'était le cas, elle n'aurait pas attendu aussi longtemps pour venir me trouver. "T'as su gérer quand il a été question de continuer à parler à ton frère même après avoir dû encaisser bon nombre de ses coups bas. T'as aussi su le faire quand il a fallut panser les plaies de ton stalker préféré, même lorsque je t'avais formellement demandé de ne jamais ramener de gens suspects à l'appartement." Je balance d'un ton tranchant parce que c'est finalement Emery qui avait raison. Je m'en suis rendu compte après le départ de Maisie, quand j'ai cherché à contacter son entourage pour essayer d'avoir de ses nouvelles. Google est toujours là pour révéler la vérité, en l'occurrence j'aurais préféré continué à faire l'autruche plutôt que de me rendre compte qu'elle aime trainer avec des gars qui ont un sacré pète au casque. "Arrête-moi si je me trompe, mais la culpabilité ne t'a pas empêché de prendre soin de Carl quand ton frère lui a cassé la gueule ? Non, t'as été là pour lui quitte à chier sur mes principes. Conclusion : tu sais gérer quand tu veux, Maisie." J'ajoute avec mépris. J'ai pas été toujours sympa avec elle, c'est clair et j'aurais tout à fait compris qu'elle me zappe deux mois après le début de notre supercherie. Quand tout ce que je faisais c'était la rabaisser et me foutre de son boulot de caissière, mais j'ai fini par changer. Ce qui n'est pas facile à constater, c'est de voir qu'elle sait se battre pour les gens qu'elle apprécie vraiment, même lorsqu'ils se trouvent être plus problématiques que moi."Alors arrête de me sortir tes excuses à la con, je mérite mieux que ça. Si t'as cessé de me parler, c'est parce que t'avais simplement plus de frère à énerver et donc plus rien à y gagner." Pas d'attentes, pas de déception, hein ? J'en avais pas beaucoup pour nous deux pourtant ça ne m'a pas empêché de déchanter. « Je savais pas quoi te dire. » - "Tu savais surtout pas comment en finir." Parce qu'il fallait bien que ça se termine un jour ou l'autre. Elle a au moins eu les couilles de rompre le contrat à ma place. Je sais pas quoi ajouter de plus. On a jamais été amis, on ne le sera jamais. J'ai plus aucun rôle à tenir, aucune étiquette qu'elle pourrait utiliser pour me décrire et inversement. J'adore le job que Rose m'a offert, mais je suis même plus certain d'avoir envie de continuer. Il va falloir que j'ai une discussion avec elle. D'une part pour lui dire de ne plus jamais se mêler de ma vie privée et d'autre part pour lui demander de passer en télétravail à temps complet. "T'avais juste à me dire la vérité. Je t'aurais même aidé à déménager. On aurait trouvé un motif de rupture à sortir à nos frangins et ils auraient fini par s'y faire. J'aurais même été prêt à endosser le rôle de celui qui a merdé. Sam m'en aurait voulu de l'avoir laissé filer, mais elle ne lui aurait donné l'impression d'être une nouvelle fois abandonné. Sauf qu'elle a préféré se tailler, parce que c'est ce que font les gens, ils finissent toujours par nous quitter.
BY PHANTASMAGORIA
Maisie Moriarty
la trahison des images
ÂGE : vingt-trois ans (10.02.2001). STATUT : elle aime angus ; elle l'a donc largué, en toute logique (non). MÉTIER : employée polyvalente dans un cinéma de quartier, arrondi les fins de mois avec son compte onlyfans (@onlyfeet) où elle vend ses sous-vêtements sales et envoie des photos de ses pieds. LOGEMENT : #29 hardgrave road (west end), avec mateo et elena. elle croise les doigts pour que ça dure plus d'un an, cette fois. POSTS : 1299 POINTS : 40
TW IN RP : troubles alimentaires, mention de nourriture, perception erronnée du corps, parentification, langage cru (j'adapte mes rps au besoin, contactez-moi ♡). ORIENTATION : Je n'aime que ma moitié. PETIT PLUS : mère récemment décédée, père expatrié, un frère emprisonné, l’autre en foyer ; elle manque sérieusement de repères familiaux ≈ mouton noir de la famille, tombée dans les troubles du comportement alimentaire, elle a vraiment cru qu’elle s’en était sortie pour de bon jusqu’à ce qu’elle replonge en janvier 2024 ≈ vierge et paniquée par tout ce qui touche à l’intimité, ce n’était pas un problème jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse d’angus ≈ impulsive, immature, elle vit sa crise d’adolescence avec un peu de retard ≈ arrogante, peste, bourrée d’insécurités, douce : un vrai paradoxe. CODE COULEUR : maisie nargue le monde en tomato et en peru. RPs EN COURS : llewyn ⊹ there’s no other love like the love for a brother. there’s no other love like the love from a brother.
angus ⊹ in any universe you are my dark star. i want you to want me, why don't we rely on chemistry? why don't we collide the spaces that divide us? i want you to want me.
seth ⊹ there is a little boy inside the man who is my brother. oh, how i hated that little boy. and how i loved him too.
aiden ⊹ if you'd never looked my way i would've stayed on my knees and i damn sure never would've danced with the devil at nineteen, and the god's honest truth is that the pain was heaven and now that i'm grown, i'm scared of ghosts, memories feel like weapons.
morigan #4 ⊹ every single day, yeah, i dig a grave, then i sit inside it, wondering if i'll behave. it's a game i play, and i hate to say, you're the worst thing and the best thing that's happened to me. i don't know what to do, you don't know what to say, the scars on my mind are on replay.
Je me lève de mon siège, fébrile, alors qu’il prend les devants et que mon regard s’accroche à sa silhouette pour ne pas la perdre dans la foule. Angus s’engouffre dans la cabine de projection et mes pas me guident jusqu’à elle, sans même que je sois en mesure d’en donner l’impulsion. J’aimerais songer à mon discours, j’aimerais réfléchir à tout ce que je pourrais lui dire pour tenter de rattraper mes méfaits. Je n’ai plus rien à perdre. Je m’accroche à cette pensée pour être en mesure d’assumer, mais elle ne rend que ma culpabilité plus lourde – ça fait longtemps que je n’ai plus rien à perdre, en réalité. Ça fait longtemps que j’aurais pu prendre mon courage à deux mains et me confronter à lui, mais je me suis ravisée. Pas tout de suite, je vais lui laisser le temps de reprendre ses marques. La semaine prochaine, quand ce sera plus calme au cinéma. Demain, promis, parce qu’aujourd’hui a été bercé d’imprévus. J’ai repoussé, jusqu’à ce qu’il soit tard ; et alors que l’occasion s’impose à moi maintenant, je ne rêve que d’une chose : prendre la fuite. Je l’ai toujours fait. J’ai toujours été égoïste et lâche ; j’ai pu tromper Angus quelque temps, mais je n’arriverai jamais à me défaire de ça. C’est dans ma nature, c’est dans ma manière d’être même quand j’essaie de faire les choses correctement. Je finis toujours par causer des dégâts autour de moi, de ceux qui me paraissent irréparables, alors je ne prends pas la peine de gaspiller mon énergie dans une bataille perdue d’avance – parce que celle que je mène contre moi-même m’épuise déjà au quotidien.
Mes jambes tremblantes m’amènent jusqu’à la cabine de projection dans laquelle je m’engouffre, me repliant aussitôt à l’autre bout de la pièce. J’aimerais prétendre que c’est le courage qui m’a amené ici, mais je crois que c’est une certaine forme de fatalité, à laquelle s’ajoute sans doute une bonne dose d’autosabotage. La vérité, c’est que ce n’est pas temps pour s’expliquer que pour recevoir ma condamnation que je suis ici, sans quoi je serais en mesure d’affronter son regard au lieu d’être fuyante et d’opter pour la solution de facilité en le fixant au sol. Je n’arrive à l’affronter que lorsque ses mots me heurtent suffisamment pour que j’en délaisse ma lâcheté, et un instant j’ai presque envie de le féliciter alors qu’il a su appuyer où ça fait mal, et qu’il peut ainsi se vanter d’avoir obtenu une réaction de ma part. Je suis semblable à Seth, je le sais ; je l’ai toujours su, au fond de moi. Il n’y a que Lee qui semble échapper à cette malédiction qui plane au-dessus des Moriarty, celle qui veut qu’on ne pense qu’à soi au détriment des autres. Et encore, je commence à croire que Llewyn est condamné à suivre la même direction, n’ayant aucun modèle autour de lui pour lui montrer le droit chemin. Il n’a pas de père, une mère absente, un frère aux tendances criminelles et une sœur qui se maltraite. Ce gosse ne pourra jamais être équilibré, peu importe les efforts que je peux y mettre. "Ah, parce que tout d'un coup t'en as quelque chose à foutre de ce que je peux bien penser ?!" Mon regard retrouve le sol alors que je me mords l’intérieur de la joue pour ne pas flancher, jusqu’à retrouver ce goût de sang qui, paradoxalement, a le don de me rassurer. Il rit, Angus, et moi j’ai envie de pleurer. J’aimerais lui renvoyer en pleine figure que je ne me suis jamais moquée de ce qu’il pouvait bien penser, malgré l’impression que je pouvais donner. Chaque fois qu’il mettait en évidence mes études avortées ou mon travail dans ce cinéma, je m’imaginais la déception ou la honte qu’il devait ressentir à l’idée de me côtoyer, à l’idée qu’il soit contraint de jouer à ce jeu-là avec une personne comme moi. J’ai songé durant des heures au métier qui pourrait être le mien quand je l’ai accompagné à cette réunion d’anciens élèves, pour ne pas qu’il soit dans l’embarras au moment de me présenter. J’aimerais lui dire que c’est un traitement qui lui est réservé, lui faire croire que son avis a plus d’importance que celui de tous les autres, le manipuler pour éteindre ses soupçons et obtenir ce que je veux – parce que je suis ainsi, il ne sait seulement pas encore. Mais ce n’est pas propre à lui, le regard des autres dicte ma vie depuis trop longtemps. Je sais seulement que je commençais à laisser le sien m’atteindre plus que de raison.
"Tu t'attendais à quoi ? À ce que je patiente sagement devant l'entrée pendant des années ?" Mes yeux s’osent à affronter les siens ; j’essaie de ne plus flancher et de me concentrer sur le son de sa voix, sur la colère qui l’anime, pour mieux réveiller la mienne. Je suis en colère, oui. Je le suis, mais elle est masquée par ma honte, par ma tristesse, par tous ces autres sentiments que je n’arrive pas encore à associer. Mais la colère ne domine pas alors que je le voudrais, alors qu’elle m’aiderait à garder la tête haute et à ne pas me retrouver sur le banc des accusés, à surtout ne pas admettre que c’est là ma place. "Parce que tu m'en as laissé un toi, peut-être ?" Je secoue la tête par la négative. Non, je n’ai pas laissé de mot, mais j’ai demandé à Swann de jouer à l'intermédiaire. Je n’en suis pas fière, mais c’est tout ce dont j’étais capable à ce moment-là. Il rit et je ne peux même pas lui en vouloir ; mes excuses sont pitoyables. « Je comptais revenir. » Que je précise, sincère. Oui, j’avais dans l’idée de revenir, de m’expliquer, de l’affronter, bien plus tôt. Ce n’était pas supposé s’éterniser, ce n’était que l’histoire de quelques jours, au départ. « J’ai flippé et j’ai pas réussi. » Que j’admets, sans réellement justifier mon comportement. Au fond, la manière dont j’aurais pu m’en aller n’a pas d’importance, ce sont les raisons pour lesquelles je l’ai fait qui se doivent d’être expliquées, et j’essaie d’aller en cette direction en utilisant Sam. "Samuel." - « Samuel. » Je corrige, non pas pour lui faire plaisir, mais pour intégrer que je n’ai plus le droit à cette familiarité ; et mon cœur se serre à cette pensée. Je n’ai pensé à personne, mais Sam, Samuel, aurait pu être le premier vers lequel mes pensées se seraient tournées. Et de savoir qu’il sort de ma vie au même titre qu’Angus est une perspective à laquelle je n’étais pas prête à être confrontée. "À cause de toi ?" Cette fois, ma tête se secoue pour acquiescer de ces mots. "C'est ton frère qui a volé le bijou." Je le sais. Mais ça ne m’apaise pas pour autant, pas alors qu’il ne se serait jamais rendu coupable d’un tel acte si je n’avais pas voulu lui donner une leçon en premier lieu. « C’est moi qui l’ai ramené dans ta vie. » Avant que je ne lui fasse cette proposition, jamais Angus et Seth n’auraient été amenés à se recroiser ; chacun aurait fait sa vie en ignorant l’autre. « C’est moi qui ai lancé cette idée stupide. » J’ajoute, même si, au fil du temps, elle ne m’apparaissait plus comme si catastrophique. Elle me semblait presque bonne, par moment. « Et c’est encore moi qui ai provoqué Seth jusqu’à ce qu’on perde le contrôle. » Lui et moi, et qu’Angus et Samuel n’en soient des victimes collatérales. « C’est moi qui le connais le mieux, et je savais qu’il pouvait avoir des réactions démesurées. J’aurais dû réagir plus tôt. » J’aurais dû l’arrêter, j’aurais dû le calmer, comme je le fais toujours. J’aurais dû le maîtriser. "J'ai pas perdu mon job. Je l'ai quitté, c'est pas pareil." Sur le papier, ça ne l’est pas, dans les faits, ça ne me fait que confirmer qu’il a été poussé vers la sortie d’une façon ou d’une autre. « Ça change rien au fait que tu pouvais perdre Samuel et votre stabilité, et je... ça aurait pas dû aller aussi loin. J’aurais dû arrêter les choses avant qu’elles dégénèrent. » Avant que Seth ne dégénère. « Ça aurait jamais dû se répercuter sur vous. » J’ajoute, marquant un silence avant d’oser verbaliser : « J’ai jamais voulu ça. » J’avoue, et j’essuie rapidement une larme qui a s’est formée au coin de mon œil, ravalant les autres avant qu’elle n’ait la possibilité de couler le long de mes joues, reprenant le contrôle avec une aisance que j’aurais souhaité ne pas être aussi familière. J’ai appris à les verser sur commande ; je peux les retenir avec la même force.
Son visage change au moment où j’évoque Damon. Et ce n’est plus de la colère que je lis sur ses traits, c’est autre chose, quelque chose dont je préfère rester ignorante, parce que Damon a le droit à de la clémence, à de la nostalgie et sans doute plein d’autres choses auxquelles je n’aurais jamais le droit. Mais je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’il s’est lui aussi bien foutu de moi ; et c’est peut-être la première fois que ma colère est sincère. Parce que j’ai été claire avec lui dès le départ quant à ce que j’attendais de lui vis-à-vis de Seth, quand lui m’a tenu dans l’ignorance et m’a sûrement utilisé sans que j’en aie conscience. "J'ai jamais mentionné ton nom devant Damon, c'est Sam qui l'a fait. Je me suis juste contenté de le laisser parler." Je hausse les épaules d’un air détaché, comme une preuve qu’il peut bien faire ce qu’il veut alors que ça me heurte. Il n’a pas parlé de moi à Damon ; et je sais qu’il n’avait aucune obligation à le faire. Que de son côté, rien ne l’obligeait à jouer ce rôle. Mais il n’a jamais parlé de moi, et si ça devrait me rassurer quant au fait de ne pas avoir été utilisée, ça me conforte surtout sur la honte qu’il a dû ressentir durant tous ces mois. Je ne sais même pas pourquoi ça me touche autant. Pourquoi j’en suis aussi peinée, alors qu’en réalité, il ne me doit rien. Et la colère se mêle à la gêne, la gêne d’être aussi ridicule et inconstante quant à ce que je ressens. "Alors, non, je ne t'ai pas utilisé, mais oui, ça m'a permis de passer à autre chose, en effet." - « Vraiment ? Ça avait pas l’air d’être son cas. » Et ça ne l’est probablement pas plus pour Angus. J’ai vu Damon, j’ai lu dans ses yeux toute la peine qu’il ressentait à l’idée qu’Angus ne soit plus en ville. Et j’ai lu la surprise dans ceux d’Angus, et je perçois sa fébrilité. La seule certitude, c’est que j’ai été bien conne, de croire à d’autres perspectives. « Mais tant mieux pour toi, j’imagine. » Je siffle entre mes dents, en colère ; ça lui a été utile, en fin de compte. Il est passé à autre chose, j’imagine que j’ai été un bon bouche-trou pour savoir ce qu’il cherchait chez une fille ; et ce qu’il voulait à tout prix éviter. Ravie du service rendu. "Le vol de Seth n'a pas arrangé les choses, mais j'étais déjà sur la sellette." Le vol de Seth a une part de responsabilités. J’ai une part de responsabilités. "Le directeur de la MHI est un sale con et j'avais plus aucune chance de grimper les échelons de toute façon." - « T’as préféré te taper son fils, je sais. » Je termine sa phrase, lui indique que je sais tout de la nature de sa relation avec Damon.
Et je me contiens. On ne dirait pas, mais je me contiens, alors que je tente d’offrir un semblant de réponse, d’admettre que je n’avais aucune idée de comment gérer les choses. Il rit et je n’ai même plus envie de lui offrir mes explications, seulement de claquer la porte de cette cabine pour mieux oublier qu’il a fait partie de ma vie, et mieux oublier tout le bien que ça a pu me procurer pour en restant sur le mal que ça me fait et m’empêcher de regretter mes mauvaises décisions. "Arrête un peu. Tu sais comme moi qu'on ne serait pas en train d'avoir cette conversation si on était pas obligé de collaborer ensemble sur un même projet." - « T’es pas non plus venu me parler jusqu’à aujourd’hui, je te signale. » Il peut bien rejeter la faute du silence sur moi, le fait est qu’il sait aussi en faire usage quand ça l’arrange. « J’ai essayé au moins, moi. » J’insiste sur ce dernier mot, alors que c’est bien de ça qu’il est question, que je me suis pointée à ses côtés dans une tentative maladroite de hisser le drapeau blanc, mais une tentative quand même. "T'as su gérer quand il a été question de continuer à parler à ton frère même après avoir dû encaisser bon nombre de ses coups bas. T'as aussi su le faire quand il a fallut panser les plaies de ton stalker préféré, même lorsque je t'avais formellement demandé de ne jamais ramener de gens suspects à l'appartement." Cette fois-ci, c’est moi qui n’arrive pas à cacher ma surprise, alors que la question s’échappe d’entre mes lèvres. « Comment tu sais ? » Comment il sait pour Carl, pour ses travers que je m’efforce à accepter parce qu’il est tellement plus que ses obsessions amoureuses. "Arrête-moi si je me trompe, mais la culpabilité ne t'a pas empêché de prendre soin de Carl quand ton frère lui a cassé la gueule ? Non, t'as été là pour lui quitte à chier sur mes principes. Conclusion : tu sais gérer quand tu veux, Maisie." - « C’est différent. » Ma justification est pathétique, encore une fois, d’autant que je ne saurais même pas lui expliquer exactement en quoi c’est différent. Parce que je n’ai pas la même relation avec lui qu’avec Carl, parce que je n’ai pas besoin de lui cacher continuellement qui je suis vraiment, parce que jamais je n’ai ressenti une telle culpabilité que j’en ressens une à l’égard d’Angus. "Alors arrête de me sortir tes excuses à la con, je mérite mieux que ça. Si t'as cessé de me parler, c'est parce que t'avais simplement plus de frère à énerver et donc plus rien à y gagner." - « Je t’interdis de parler à ma place. » Je menace, alors qu’il ignore tout de moi, tout de ce qu’il se passe réellement dans ma tête ; qu’il garde ses hypothèses à la con pour lui. "Tu savais surtout pas comment en finir." - « J’ai jamais voulu en finir. » Je le coupe, je corrige et je regrette. "T'avais juste à me dire la vérité. Je t'aurais même aidé à déménager. On aurait trouvé un motif de rupture à sortir à nos frangins et ils auraient fini par s'y faire.’’ J’en doute pas, ils ont prouvé leur résilience depuis bien longtemps. C’est moi qui en suis incapable, sans quoi j’aurais pu simplement partager mes craintes avec Angus, sur le piège qui plane sans cesse au-dessus du moi et qui est plus menaçant que jamais. Mais j’ai pas su le faire ; parce qu’avec Angus j’arrivais à être une autre personne, une qui se caractérisait pas par ses difficultés, et que je prenais goût à être cette personne, à être moi-même avant d’être une malade. « J’ai été voir Seth en prison. » Je l’informe, lui apportant des précisions pour contrer ses petites hypothèses à la con. « Une seule et unique fois, pour lui demander pourquoi il avait fait ça, et s’il avait pensé à toi, dans toute cette histoire. » Je délaisse le mur contre lequel je me suis appuyée, pour me tenir droite, presque fière, pour ne pas lui laisser l’avantage. « Tu te doutes bien que ça n’a pas été le cas, et j’ai vrillé, si tu veux tout savoir. » Je poursuis, ma voix qui s’élève à son tour, comme il a pu le faire lui au début de cette conversation. Ce n’est même pas contre lui que je suis en colère, mais contre Seth, contre tout ce qu’il m’a fait subir durant des années avant que j’atteigne un point de non-retour. « Il m’a hurlé dessus, m’a reproché de me soucier ‘’que de mon mec’’, de penser qu’à ma gueule au lieu de l’aider, m’a traité de sale pute égoïste et m’a encouragé à pas me manquer la... » Prochaine fois que je fais une grève de la faim. Je m’emporte, je déballe, mon teint rougit par la colère, mes mots crachés à son encontre, alors que j’arrive à reprendre le dessus avant de trop en dire. « Et tu sais quoi, Angus ?! Je lui ai dit d’aller se faire foutre. Non, mieux ! Je lui ai même dit que je voulais plus jamais entendre parler de lui, plus jamais avoir à reconnaître son existence. » Je m’approche, et j’en viens aussi à rire à mon tour, d’un rire froid, désabusé, alors qu’il ne se rend pas compte de ce que ça m’a coûté de prendre son parti, même s’il n’en a pas l’impression. « Je lui ai dit qu’il était mort pour moi et je lui ai pas reparlé depuis. » Ça fait des mois que Seth est sorti de ma vie, et je me garde bien de lui dire que j’en suis ambivalente, que je le regrette autant que j’en suis soulagée. « Alors t’as raison, j’ai plus de frère à énerver. » Parce que je n’ai plus de frère ; c’est ce que j’ai dit à Seth ce jour-là. « Mais j'ai plus osé me pointer chez moi de peur que mon colocataire me haïsse, ma mère m’en veut tellement qu’elle tient presque Lee en otage, qu’elle m’autorise quasiment plus à le voir pour me faire payer d’avoir détruit notre équilibre, et à quoi bon ? Lui aussi m’en veut d’avoir été une putain d’égoïste, alors viens pas me dire que j’avais plus rien à y gagner, parce que j’ai tout perdu dans cette foutue histoire ! » Je fulmine ; et maintenant que je me suis avancée sans même m’en rendre compte c’est bien contre son torse que je pointe mon doigt accusateur, alors que cette fois-ci mon regard s’ancre dans le sien sans que je lui permette de le détourner. « Et viens encore moins jouer au mec qui est chamboulé par toute cette histoire, parce que t’attendais sûrement que ça, de te débarrasser de la pauvre ratée incompétente qui t’as sûrement couvert de honte plus d’une fois, alors tu devrais plutôt me remercier, tu vas pouvoir trouver quelqu’un de cent fois mieux, quelqu’un que tu mérites. » Je reprends ses mots, je les aboie à son visage ; il mérite mieux et le pire, c’est qu’il a raison. « Crois-le ou non, je suis désolée de la manière dont ça s’est terminé et plus particulièrement vis-à-vis de Sam. » Je pince les lèvres, je l’interdis de me corriger alors que je le fais déjà : « Samuel. » Songer à ce dernier a eu moins le mérite de me calmer quelque peu, alors que je conclus, en secouant la tête d’un air las. « Quant à la vérité, tu la supporterais pas. » Et je ne sais même pas de quelle vérité je parle, de celle qui touche à mes craintes les plus profondes ou à mes espérances, dans tous les cas, le résultat est le même : à quoi bon ?
Nous sommes enfermé dans une pièce, comme nous l'avons été lorsque Maisie est venue me rendre visite à la MHI vêtue d'une robe rose bonbon ridicule. À la différence que, cette fois-ci, nous ne sommes pas dans les toilettes de la tour de verre, mais dans une cabine de projection et que je ne lui gueule pas de s'en aller, mais que je lui reproche de m'avoir laissé. Deux salles, deux ambiances. « Je comptais revenir. » - "Quand ? Dis-moi, quand est-ce que tu comptais revenir ?" Au bout de combien de temps ? Parce que j'ai déjà entendu ses mots trop de fois dans la bouche d'une autre. 'Ce n'est qu'une passade, il finira par revenir.' ; 'Cette année, c'est la bonne, tu vas voir, j'en suis sûre.' Ce qu'il a de bien avec les retours c'est que, pour les gens qui partent, le temps semble s'être arrêté. C'est pour ceux qui restent que le temps paraît long, très long. Je l'ai attendu pendant plus d'un mois et qu'elle puisse me faire miroiter l'idée de l'avoir raté d'un jour ou deux me donne envie de tout envoyer bouler. Je veux pas en venir à me détester de ne pas avoir patienter plus longtemps, pas quand je me retrouve toujours à être celui qui attend. « J’ai flippé et j’ai pas réussi. » Ok, peut-être qu'elle a paniqué et qu'à force d'avoir passé trop de nuits ailleurs qu'à l'appartement, elle ne savait plus comment revenir. Peut-être qu'elle dit vrai, mais si c'est le cas, elle aurait quand même pu envoyer un message ou répondre à mes appels. Choisir de me confronter à distance plutôt que de ne pas le faire du tout. « Samuel. » Ce manque de familiarité me déplaît. C'est pourtant moi qui le lui ai demandé, mais l'entendre prononcer son prénom en entier me fait soudainement regretter de le lui avoir imposé. Sam me donnerait un coup de pied dans le tibia s'il était là. « C’est moi qui l’ai ramené dans ta vie. » C'est vrai. Pour autant, ça ne veut pas dire que le jeu n'en valait pas la chandelle ou que je n'aurais pas recroisé son frère sans son aide. « C’est moi qui ai lancé cette idée stupide. » Stupide, ouais. Tellement stupide que si c'était à refaire, je le referais sans hésiter. Malgré les conneries qu'il a pu faire et malgré nos embrouilles. « Et c’est encore moi qui ai provoqué Seth jusqu’à ce qu’on perde le contrôle. » Je l'ai aidé. C'était même le but de notre supercherie. Sur ce point, je suis tout aussi fautif que Maisie. Nous l'avons provoqué, c'était un travail d'équipe. « C’est moi qui le connais le mieux, et je savais qu’il pouvait avoir des réactions démesurées. J’aurais dû réagir plus tôt. » Elle parle comme si Seth m'était inconnu, alors que si c'est elle qui l'a ramené dans ma vie, c'est bien son frère que j'ai connu en premier. Sans lui, je n'aurais jamais fait la connaissance de Maisie. Il y a des tas de choses que je serais en droit de reprocher à Seth, mais ce point là n'en fera jamais partie. "Stop. Tu le connais mieux que personne, mais j'ai été son pote avant de devenir son ennemi. Je savais à quoi m'attendre en acceptant ta proposition. Et j'aiquand même fait le choix d'y participer." J'ai aussi ma part de responsabilité. Elle peut essayer de me prouver le contraire, me dire que c'est sa faute si son frère a merdé. Cela ne changera rien au fait que, si je lui en veux, ce n'est pas parce que Seth aurait pu m'attirer des ennuis, mais parce qu'elle est partie quand je commençais à me faire à l'idée de l'avoir dans ma vie. « Ça change rien au fait que tu pouvais perdre Samuel et votre stabilité, et je... ça aurait pas dû aller aussi loin. J’aurais dû arrêter les choses avant qu’elles dégénèrent. » - "Tu ne peux pas contrôler tous les faits et gestes de ton frère, ni de personnes d'autres d'ailleurs. Quant à Samuel, Seth aura un cerveau le jour où quelqu'un arrivera à nous séparer." Ce qui n'est pas prêt d'arriver. Ce serait tellement plus simple si certaines personnes étaient des drones qu'on pouvait contrôler à distance. Sauf que c'est pas comme ça que ça fonctionne, on ne peut pas aider une personne qui n'a pas envie d'aller mieux, comme on ne peut pas changer quelqu'un qui n'a pas envie de progresser. Tout ce qu'on peut faire, c'est essayer. Maisie l'a fait pour son frère, plus de fois qu'il ne l'aurait mérité. « Ça aurait jamais dû se répercuter sur vous. » Ça aurait pu être pire. Mon casier est toujours vierge et tant que ce sera le cas, les services sociaux n'auront rien à se mettre sous la dent pour venir frapper à ma porte et me retirer la garde de mon frangin. Alors oui, j'ai peut-être passé les semaines qui ont suivi le vol à baliser à chaque fois que la sonnette retentissait, mais Sam ne s'est rendu compte de rien. En ce qui concerne le boulot, j'étais pas heureux. "Ni sur toi, ni sur nous." J'ajoute en fourrant mes mains dans les poches de mon pantalon. « J’ai jamais voulu ça. » - "Je sais." Et c'est sans doute la seule chose dont je suis certain, car pour le reste, son départ a suffit à tout remettre en question. Je relève la tête pour la regarder et je peux la voir balayer une larme d'un revers de la main. J'aime pas la voir pleurer, je déteste ça surtout quand je ne suis plus en droit de la réconforter. “T’as pas écouté les infos ? Les nappes phréatiques sont menacées, alors économise l’eau et sèche moi ses larmes, s'il te plaît.” Je n'ai presque pas le temps de terminer ma phrase qu'elle est déjà en train d'essuyer la goutte qui était sur le point de glisser le long de sa joue. J'aimerais pouvoir faire plus que de me tenir droit au bout milieu d'une salle de projection et je l'aurais sans doute fait si nous étions encore en train de jouer au faux couple. Sans ce rôle, je ne sais plus comment me comporter avec elle.
Damon apparaît dans la conversation comme un cheveu sur la soupe. Elle me balance ce prénom que je n'ai plus entendu depuis un moment et c'est perturbant. « Vraiment ? Ça avait pas l’air d’être son cas. » Ce qu'elle laisse sous-entendre ne fait aucun sens. Il est fort probable qu'il se soit fait du soucis en apprenant ma démission. Non pas parce qu'il tient encore à moi, mais parce que c'est Damon et que sa qualité première est de toujours se soucier des autres quitte à faire passer ses envies en dernière position. “ T'es vraiment pas douée pour lire dans les pensées. Il est marié et fou amoureux de sa femme.” C'est ce qu'il a dû lui raconter et j'espère que c'est le cas. Je lui souhaite d'avoir fini par s'éprendre de celle que son père a choisi pour lui. Ça voudrait dire qu'il est heureux et c'est tout ce qu'il mérite. « Mais tant mieux pour toi, j’imagine. » - "En fait, t'es tellement mauvaise pour lire entre les lignes qu'il faudrait inventer un adjectif qui serait à la hauteur de ta nullité. " Je marmonne en levant les yeux au ciel. Elle est énervée et moi, je suis juste dépité par son manque de déduction. « T’as préféré te taper son fils, je sais. » Son manque de tact me fait détourner les yeux ou c'est peut-être pour ne pas voir apparaître une once de dégoût sur son visage que je préfère observer le projecteur. "Tu ne sais rien du tout. Quant aux relations, elles ne se résument pas qu'à se 'taper' quelqu'un sinon y'aurait plus de maisons closes et beaucoup moins d'églises." Je ne suis pour aucune des deux institutions. L'une apporte trop de MST et l'autre, trop de divorces. « T’es pas non plus venu me parler jusqu’à aujourd’hui, je te signale. » Le problème avec Maisie, c'est qu'elle a le don de me pousser à bout. “C’est toi qui pars et je suis censé être celui qui fait le premier pas ? J’ai essayé de t’appeler plus d’une fois, sans parler de l'énorme perche que je t’ai tendu quand Josiane t’as laissé un message sur ta boite vocale.” Je lui fais remarquer en la pointant du doigt. Elle peut me reprocher beaucoup de choses, mais pas ça. Je m'étais pourtant juré de ne plus jamais courir derrière les gens, mais ça c'était avant d'avoir envie de la retenir. “Pas très accueillante, ta nouvelle coloc.” Elle aurait pu me dérouler le tapis rouge que j'aurais trouvé le moyen de ne pas l'aimer. « J’ai essayé au moins, moi. » - “C'est ce que t'appelles essayer ?” Je rétorque en la défiant du regard. Quitte à me mentir, autant qu'elle le fasse en me regardant dans les yeux. Je l'ai vu à l'œuvre avec les membres de sa famille, le ciné ou encore celui qu'elle a fait dormir sur le canapé. Elle n'a pas déployé ne serait-ce que le quart de ce qu'elle sait faire avec ceux qu'elle aime pour tenter de s'expliquer."C'est Rose qui a fait le boulot à ta place !" Je crache parce que je suis blessé et que j'aurais aimé être assez important à ses yeux pour en valoir la peine. « C’est différent. »Un peu d'honnêteté de sa part. J'aimerais dire que ça ne fait pas de mal, mais sa réponse ne qu'étendre la brèche qui s'est immiscer entre nous. “On est d'accord.” Je réponds en m'efforçant de ne pas paraître touché par ce qu'elle vient d'insinuer. Pour me faire des remarques sur mon ex, y'a du monde au balcon, par contre quand c'est pour parler de son soit disant 'meilleur pote' qu'elle a fait venir à la maison pendant qu'on était supposé être ensemble, là y'a plus personne. Encore moins, lorsqu'il faut discuter de sa passion cachée pour harceler la gent féminine. “Il ne doit pas être bien loin puisqu’il figurait sur la liste des participants. Tu devrais aller le retrouver avant qu’il ne finisse par faire une fixette sur le rencard qu’on lui a attribué." Je rétorque en me décalant pour lui laisser la voie de libre. Elle peut se tailler, mais qu'elle compte pas sur moi pour faire preuve de galanterie et encore moins pour l'aider à le retrouver parmi les invités.
« Je t’interdis de parler à ma place. » Je fais mine de sceller mes lèvres et d'envoyer valser la clé par dessus mon épaule. Qu'est-ce qu'on pourrait bien se dire de plus ? On a jamais été doué pour communiquer. Je sais même pas pourquoi on persiste encore à vouloir le faire alors que ça ne fait qu'aggraver la situation. « J’ai jamais voulu en finir. » J'entends ce qu'elle dit et je l'aurais probablement cru si ses actions ne m'avaient pas prouvé le contraire. Les mots, c'est surfait. Je me suis remis en question après son départ jusqu'à me remémorer les derniers instants qu'on a partagé pour repérer le moment où j'aurais pu tout faire foirer. J'ai cherché la critique de trop, sans grand succès puisque ça faisait déjà pas mal de temps que j'avais arrêté de me comporter comme un connard à son égard. Si c'était à refaire, je serais le premier à lui donner une excuse pour partir afin de pouvoir me vanter d'avoir tout fait pour la faire fuir. « J’ai été voir Seth en prison. » Bien entendu qu'elle est allée lui rendre visite, même derrière les barreaux, il arrive quand même à être le plus chanceux de nous deux. « Une seule et unique fois, pour lui demander pourquoi il avait fait ça, et s’il avait pensé à toi, dans toute cette histoire. » C'est toujours une fois de plus que ce qu'elle m'a accordé. Je me fous de savoir s'il a pensé à moi puisque la réponse n'est pas difficile à deviner. Seth ne pense qu'à lui. Tout le monde le sait, sa sœur y compris. C'est l'espoir de l'entendre lui dire le contraire qui l'a poussé à aller le voir. Ça n'avait rien avoir avec moi, parce que si elle s'était soucié un tant soit peu de mon bien être, ce n'est pas lui qu'elle serait allée retrouver. « Tu te doutes bien que ça n’a pas été le cas, et j’ai vrillé, si tu veux tout savoir. » Je fais mine d'être surpris par ce qu'elle vient de me dévoiler. Elle élève la voix, tandis que je me contente de la regarder. Sa tristesse est contagieuse et je compatis, vraiment. Je sais ce que ça fait de se rendre compte que la personne qu'on a longtemps essayé d'aider ne changera jamais. On se sent désemparer et en colère. C'est pourquoi, je ne fais rien si ce n'est recevoir toute celle qu'elle a entassé à cause de son frère ainé. « Il m’a hurlé dessus, m’a reproché de me soucier ‘’que de mon mec’’, de penser qu’à ma gueule au lieu de l’aider, m’a traité de sale pute égoïste et m’a encouragé à pas me manquer la... » Elle s'arrête et à la voir aussi énervée, je me dis qu'elle doit avoir besoin d'une pause pour reprendre son souffle. Pourtant, la suite n'arrive pas alors que je me répète la fin de sa phrase dans la tête pour essayer d'en deviner la suite. Et je n'aime aucune des réponses qui me viennent en tête parce que se sont les dires de Seth qu'elle vient de me rapporter et qu'il n'y a rien de valorisant qui peut sortir de sa bouche.« Et tu sais quoi, Angus ?! Je lui ai dit d’aller se faire foutre. Non, mieux ! Je lui ai même dit que je voulais plus jamais entendre parler de lui, plus jamais avoir à reconnaître son existence. » Elle se remet à parler, mais je suis toujours occupé à vouloir découvrir ce qu'elle n'a pas osé me dire. Son rire amer ne parvient pas à m'empêcher de me répéter la phrase pour ne pas l'oublier. « Alors t’as raison, j’ai plus de frère à énerver. » - " À ne pas te manquer la prochaine fois que quoi ?" Je demande en plantant mes yeux dans les siens. Je ne suis plus énervé, mais inquiet. Peut-être que je me trompe et qu'elle a un jour manqué le bus en voulant fuguer du domicile familiale. Peut-être que Seth faisait référence à cette période là et je croise les doigts pour que ce ne soit que ça. Toutefois, mes yeux quittent son visage pour venir se poser sur ses poignets. Je me rends compte que je ne l'ai pas assez regardé durant l'année qui vient de s'écouler. Sinon, je n'aurais pas eu besoin de détailler ses avant-bras pour être certain de n'y trouver aucunes cicatrices. « Mais j'ai plus osé me pointer chez moi de peur que mon colocataire me haïsse, ma mère m’en veut tellement qu’elle tient presque Lee en otage, qu’elle m’autorise quasiment plus à le voir pour me faire payer d’avoir détruit notre équilibre, et à quoi bon ? Lui aussi m’en veut d’avoir été une putain d’égoïste, alors viens pas me dire que j’avais plus rien à y gagner, parce que j’ai tout perdu dans cette foutue histoire ! » Elle n'est plus qu'à quelques centimètres de moi. J’ai beau lui en vouloir, je déteste la voir dans cet état. Son doigt vient s’enfoncer dans mon buste et je le dégage pour venir la prendre dans mes bras. J'ai été assez con pour ne pas le faire avant, mais son absence m’aura au moins fait comprendre que je peux plus me permettre de remettre certaines choses au lendemain. Pas avec elle, du moins. Peut-être que Maisie finira par se casser une nouvelle fois et c'est sans doute ce qui m'a poussé à la prendre dans mes bras sans y songer à deux fois. Je ne dis rien pendant un moment, la serrant contre moi tout en calant mon menton sur le haut de sa tête. “Ta mère finira par se détendre. Seth est hors de portée alors c’est sur toi qu’elle préfère se défouler, mais ça finira par lui passer. Quant à Lee, Llewyn. Son amour pour toi est irréversible.” Je finis par dire pour la rassurer. Au diable le rôle du faux petit ami, j'ai pas besoin de cette étiquette pour la réconforter et puis quand bien même ce serait le cas, elle n'aura aucune difficulté à me le faire comprendre. “Chez toi, hein ?” J’ajoute avec un faible sourire tandis que je m'écarte pour pouvoir la regarder. C’est plus vraiment le cas depuis qu’elle habite avec Wolverina, mais je suis heureux de constaster que ça l’a un jour été. « Crois-le ou non, je suis désolée de la manière dont ça s’est terminé et plus particulièrement vis-à-vis de Sam. » Je la crois. Je l'ai vu avec Samuel et si notre histoire n'était que du vent, son affection pour mon petit frère semblait sincère. « Samuel. » Je soupire. “Sam, ne t’en veux pas. ” C'est moi qu'il a pris pour cible. Il trouve que je me bats pas assez pour retenir les gens. Ce qui est vrai, j'ai cessé de le faire depuis des années. Je pense qu'il aimerait me voir mettre ma fierté de côté pour ne pas avoir à dire au revoir à ceux qu'il a fini par adorer.
« Et viens encore moins jouer au mec qui est chamboulé par toute cette histoire, parce que t’attendais sûrement que ça, de te débarrasser de la pauvre ratée incompétente qui t’as sûrement couvert de honte plus d’une fois, alors tu devrais plutôt me remercier, tu vas pouvoir trouver quelqu’un de cent fois mieux, quelqu’un que tu mérites. » Et c'est reparti pour un tour. Pas le temps d'apprécier le calme qu'elle ramène la tempête. J'essaye de me souvenir des moments où elle a pu me couvrir de honte, mais j'en vois pas. Si ce n'est peut-être lorsqu'elle s'est ramenée à la MHI en robe rose bonbon, mais je suis sûr que c'était l'effet recherché alors est-ce que ça compte vraiment ? “Euh. Je t’interdis de parler à ma place ?” Je rétorque en reprenant ses mots. “ Tu veux vraiment que je sois honnête avec toi ?" Je demande sans être certain de pouvoir prendre mon courage à deux mains. "Allume les sonotones, parce que je ne le répéterai pas deux fois. Si tant est que j'arrive à prononcer les mots qui se sont imposés à moi pendant qu'elle était pas là. "J’en ai ma claque de faire comme si j’en étais encore au stade où j’adorais te détester.” Je lâche après avoir pris une longue inspiration. “C'est épuisant de faire comme si la dernière année n’avait pas compté et si tu te complais dans cette situation alors, ok. Il vaut mieux qu’on arrête de se parler.” J'ajoute pour ne pas lui laisser la possibilité de jouer sur les mots ou de chercher à déformer mes propos. “Le temps que je me souvienne des raisons qui m’ont poussé à te détester et d’oublier toutes celles qui font qu’aujourd’hui, j’ai envie de t’appeler plusieurs fois dans la journée.” Je sais pas pourquoi j'ai l'air agacé, sûrement parce que j'en ai marre de l'entendre dire des énormités sur ce que je peux bien penser d'elle. J'ai dû avoir une paire de couilles qui a poussé dans la nuit pour arriver à me montrer aussi transparent en sa présence ou alors c'est parce que je sais que je n'ai plus rien à perdre en lui disant la vérité. "Et si ça peut te rassurer, t'es pas la seule à qui ça arrive de flipper." Je rétorque. C'est pas parce que j'arrive à le cacher que je suis pas en train de paniquer. Tout déballer me coûte bien plus qu'elle ne pourrait l'imaginer. "Non, mais ouvre les yeux, sérieux." Je suis pas ce qu'il y a de plus démonstratif, mais elle n'est pas très observatrice, non plus. "J'aurais pu me taper quelqu'un pendant que je faisais semblant d’être avec toi. Ça ne m'a même pas traversé l’esprit, pas une seule fois Donc à ton avis, qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire de moi ?" Je demande en ayant le cran de la regarder dans les yeux. « Quant à la vérité, tu la supporterais pas. » Je n'ai jamais soupiré aussi fort de ma vie. Je fais un pas en avant, elle fait dix pas en arrière. Je sais pas si c'est sa manière de me faire peur, mais elle va devoir trouver mieux parce que je ne serai pas celui qui quittera la pièce en premier. Pas après ce que je viens de lui dire alors elle peut partir si elle veut, mais qu'elle compte pas sur moi pour le faire à sa place. "J'ai toute la soirée devant moi." Je dis en m'asseyant en tailleur sur la vieille moquette qui recouvre le sol. "Tu te donnes vraiment du mal pour rien, tu sais ? Non, parce que je suis borné et qu'à moins de me le demander, je suis pas prêt de bouger." J'ajoute en haussant les épaules. Ces mêmes épaules qui sont assez solides pour supporter ce qu'elle semble avoir peur de me confier sans avoir envie de fuir. "Je peux tout entendre." Enfin presque tout. Y'a des choses qui feront peut-être plus mal que d'autres, mais c'est parfois le prix à payer avec les vérités.
BY PHANTASMAGORIA
Maisie Moriarty
la trahison des images
ÂGE : vingt-trois ans (10.02.2001). STATUT : elle aime angus ; elle l'a donc largué, en toute logique (non). MÉTIER : employée polyvalente dans un cinéma de quartier, arrondi les fins de mois avec son compte onlyfans (@onlyfeet) où elle vend ses sous-vêtements sales et envoie des photos de ses pieds. LOGEMENT : #29 hardgrave road (west end), avec mateo et elena. elle croise les doigts pour que ça dure plus d'un an, cette fois. POSTS : 1299 POINTS : 40
TW IN RP : troubles alimentaires, mention de nourriture, perception erronnée du corps, parentification, langage cru (j'adapte mes rps au besoin, contactez-moi ♡). ORIENTATION : Je n'aime que ma moitié. PETIT PLUS : mère récemment décédée, père expatrié, un frère emprisonné, l’autre en foyer ; elle manque sérieusement de repères familiaux ≈ mouton noir de la famille, tombée dans les troubles du comportement alimentaire, elle a vraiment cru qu’elle s’en était sortie pour de bon jusqu’à ce qu’elle replonge en janvier 2024 ≈ vierge et paniquée par tout ce qui touche à l’intimité, ce n’était pas un problème jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse d’angus ≈ impulsive, immature, elle vit sa crise d’adolescence avec un peu de retard ≈ arrogante, peste, bourrée d’insécurités, douce : un vrai paradoxe. CODE COULEUR : maisie nargue le monde en tomato et en peru. RPs EN COURS : llewyn ⊹ there’s no other love like the love for a brother. there’s no other love like the love from a brother.
angus ⊹ in any universe you are my dark star. i want you to want me, why don't we rely on chemistry? why don't we collide the spaces that divide us? i want you to want me.
seth ⊹ there is a little boy inside the man who is my brother. oh, how i hated that little boy. and how i loved him too.
aiden ⊹ if you'd never looked my way i would've stayed on my knees and i damn sure never would've danced with the devil at nineteen, and the god's honest truth is that the pain was heaven and now that i'm grown, i'm scared of ghosts, memories feel like weapons.
morigan #4 ⊹ every single day, yeah, i dig a grave, then i sit inside it, wondering if i'll behave. it's a game i play, and i hate to say, you're the worst thing and the best thing that's happened to me. i don't know what to do, you don't know what to say, the scars on my mind are on replay.
"Quand ? Dis-moi, quand est-ce que tu comptais revenir ?" - « Le jour où je me serais pas réveillée avec la boule au ventre à l’idée de te parler. » C’est sûrement trop vague pour le satisfaire, d’autant plus lorsque cela sonne comme une accusation. J’ai eu peur de sa réaction, de la mienne aussi, mais je n’ai jamais eu peur de lui. Il aurait sûrement réussi à appuyer là où ça fait mal, mais je sais que je lui ai prêté de nombreuses intentions sans qu’il n’ait son mot à dire sur les hypothèses qui étaient uniquement les miennes. « J’en sais rien, okay ? » J’anticipe avant qu’il s’offusque du flou de ma réponse, me corrigeant rapidement : « Mais je serais revenue. » Je conclus en haussant les épaules, découragée à l’idée qu’il persiste à ne pas m’accorder le bénéfice du doute. Je peux le comprendre. Mais lui aussi doit comprendre que je m’attendais pas à gérer une situation comme celle-ci, à devoir choisir mon camp entre mon frère et mon prétendu petit ami, et encore moins à prendre cette décision avec une facilité qui m’a effrayée. J’ai déconné, je sais, mais j’avais des circonstances atténuantes. Lui, de son côté, c’est juste barré sans rien dire à personne, pas même à ses proches, me laissant croire des milliers de choses sans réussir à distinguer les vraies raisons de son départ des affabulations dont j’étais, le plus souvent, directement la responsable. J’imagine qu’on est à armes égales, concernant le manque de communication, à moins qu’il ne s’agisse que d’une incapacité de notre part. C’est même pire ; ça me semble irrémédiable, alors même que j’ai cru, au cours des mois qu’à durée notre « relation » qu’on en serait capable, finalement. J’ai eu tort, comme souvent. J’ai eu tort sur beaucoup de points, à commencer par le fait de ramener Seth dans la vie d’Angus, de lui proposer cette idée foireuse et d’adorer les conséquences que cela pouvait avoir sur mon frère, sans penser aux risques que je faisais prendre à l’homme qui se trouve face à moi. "Stop. Tu le connais mieux que personne, mais j'ai été son pote avant de devenir son ennemi. Je savais à quoi m'attendre en acceptant ta proposition. Et j'ai quand même fait le choix d'y participer." - « Tu t’attendais à ce qu’il t’utilise pour commettre un vol ? » Je l’interroge, peu convaincue. Oui, je sais que Seth a déjà fait perdre un travail à Angus, mais cette fois-ci, on parle d’un crime qui aurait pu lui coûter cher. Pas uniquement parce qu’il aurait pu être considéré comme complice, mais parce que cela aurait pu mettre à mal la garde de Samuel. "Tu ne peux pas contrôler tous les faits et gestes de ton frère, ni de personnes d'autres d'ailleurs. Quant à Samuel, Seth aura un cerveau le jour où quelqu'un arrivera à nous séparer." Son optimisme ne fonctionne pas sur moi ; parce que j’ai le recul nécessaire pour considérer les faits et non pas pour me laisser aveugler par mon affection pour son petit frère. « Je sais comment gérer mon frère. » Je souligne, avant de me corriger : « Je savais. » Je savais, jusqu’à ce jour, jusqu’à ce que je réalise que je le connais moins que ce que je pensais, jusqu’à ce que je décide de ne plus le faire, surtout. Mais j’ai toujours pu le gérer avant ça ; et j’ai besoin de me convaincre que c’est le cas pour ne pas faire le compte des années que j’ai gâchées à tenter de le comprendre. "Ni sur toi, ni sur nous." Moi, je peux le gérer. J’ai toujours pu gérer les crises de Seth, la violence qu’il pouvait m’adresser, les reproches et les silences qu’il m’offrait. C’est pas grave que ça se répercute sur moi, j’ai l’habitude. Quant à nous... Il n’y a plus de nous, de toute façon, autant ne pas y songer. "Je sais." Je ne sais pas s’il est sincère et j’ai pas envie de me questionner là-dessus. Je vais imaginer que c’est le cas. Égoïstement, ça m’aidera à apaiser ma conscience. Pour essayer de le faire, alors qu’une larme roule le long de ma joue sans que je n’arrive à la retenir, menaçant de faire céder les centaines d’autres qui se sont accumulées au coin de mes yeux, et que je tente de réprimer du mieux que je peux. “T’as pas écouté les infos ? Les nappes phréatiques sont menacées, alors économise l’eau et sèche moi ses larmes, s'il te plaît.” Je l’essuie avant même qu’il me l’ordonne, grognant « ouais, c’est bon » d’un ton légèrement sec. Je n’aime pas me donner en spectacle, et qu’il en soit le témoin ne fait qu’accentuer mon malaise.
Il est encore plus grand quand je prononce le prénom de Damon et que je peux voir son visage changer. J’aurais préféré qu’il reste neutre, comme il en a l’habitude ; ça aurait pu au moins me faire croire que ça ne le touche plus, alors que je suis désormais le témoin du contraire. J’ai demandé à Damon de se passer des détails, et je m’en félicite. Même si je meurs d’envie de les connaître, un seul regard en direction d’Angus me conforte dans mon choix. “ T'es vraiment pas douée pour lire dans les pensées. Il est marié et fou amoureux de sa femme.” - « J’ai pas eu à lire ses pensées, vu qu’il s’est mis à chialer quand il a su que t’étais plus là. » Je précise, parce que ce n’est pas le comportement de quelqu’un qui est passé à autre chose. « Fou amoureux, ouais. De sa femme, j’en doute. » Il l’est peut-être, mais il lui manque vraisemblablement un élément à son bonheur en la personne d’Angus ; et je peux pas blâmer Damon puisqu’on se ressemble sur ce point-là. "En fait, t'es tellement mauvaise pour lire entre les lignes qu'il faudrait inventer un adjectif qui serait à la hauteur de ta nullité." - « Comme quoi ? Je suis sûre que t’en as assez en tête, alors vas-y, fais-toi plaisir, c’est ton moment. » La nullité, c’est sûrement quelque chose qu’il m’associe, à commencer par mon métier, ma famille éclatée, mon incapacité à lui donner des qualités qui me représentent. J’imagine que ce Damon, lui, en possède des milliers, et qu’entre ses sentiments pour lui et son métier, le choix a été vite fait. "Tu ne sais rien du tout. Quant aux relations, elles ne se résument pas qu'à se 'taper' quelqu'un sinon y'aurait plus de maisons closes et beaucoup moins d'églises." Dans d’autres circonstances, sa comparaison m’aurait fait rire. À cet instant, je ne peux simplement pas lui donner le tort. J’en sais rien du tout, que ce soit sur sa relation avec Damon ou sur ces dernières de manière générale. « Je dis juste que tes ambitions ont leurs limites, visiblement. » Des limites qu’il a atteintes pour Damon, mais pas pour moi, à me répéter sans cesse à quel point son travail était important. Je sais qu’il ne s’épanouissait pas dans celui-ci, j’ai déjà mis les pieds dans les plats sans qu’il ne veuille l’admettre. Je suis partie du principe que ce n’était pas quelque chose qu’il voulait discuter avec moi ; et il a sans doute raison. Qu’est-ce que j’y connais, au monde professionnel, dans le fond ? Je passe mes journées à servir du pop-corn. Damon lui faisait certainement moins honte. “C’est toi qui pars et je suis censé être celui qui fait le premier pas ? J’ai essayé de t’appeler plus d’une fois, sans parler de l'énorme perche que je t’ai tendu quand Josiane t’as laissé un message sur ta boite vocale.” - « C’était toi ?! » J’ai envie de lui arracher son doigt pointé contre moi pour le lui enfoncer dans l’œil. “Pas très accueillante, ta nouvelle coloc.” - « Tu te pointes chez moi, tu joues aux échappés d’un asile psy à tendances stalker, tu fais flipper ma coloc et tu t’attends à ce que je comprenne que c’est toi ? » Ok, Jo n’a pas vraiment flippé – je doute qu’elle soit vraiment capable d’un tel sentiment – mais quand elle m’a raconté toute l’histoire, j’ai eu aucune raison de croire que c’était Angus, parce que dans ma version des faits, il s’était barré. Il s’est pointé chez moi, et savoir que je l’ai manqué me rend folle de rage, autant que de savoir qu’il n’a pas persisté à espérer tomber sur moi. “C'est ce que t'appelles essayer ?” - « J’ai jamais dit que j’étais douée. » Je précise, comme pour me dédouaner alors que je n’ai aucune raison de le faire. Il me défie du regard et je le maintiens pour ne pas lui donner cet avantage. C’était souvent à celui qui l’aurait sans l’autre, par le passé, mais jamais de cette manière ; et ça me laisse un goût amer. "C'est Rose qui a fait le boulot à ta place !" Non, ce n’est pas elle, mais je ne lui le dirai pas. Parce qu’il saura me reprocher que je m’y suis mal prise ou que ce n’était toujours pas assez. Je sais gérer quand je veux, il a raison. Pour lui, j’ai pas essayé assez bien, assez fort, parce que je savais que la déconvenue arriverait un jour ou l’autre et que je préférais qu’elle se produise le plus vite possible, persuadée que ça ferait moins mal. Je me suis trompée, comme toujours. “On est d'accord.” Je sens le reproche, et je l’attends, muette. “Il ne doit pas être bien loin puisqu’il figurait sur la liste des participants. Tu devrais aller le retrouver avant qu’il ne finisse par faire une fixette sur le rencard qu’on lui a attribué." - « Parle pas de lui comme ça, tu le connais pas. » Je lui ordonne sèchement. « Il a toujours été là, lui, il a jamais cherché à me dénigrer ou à se barrer, même quand il avait toutes les raisons de le faire, il m’a jamais laissé même quand je faisais tout pour qu’il le fasse. » Même quand j’étais une amie en carton, même quand j’étais trop accaparée par mes problèmes pour me préoccuper de lui, même quand je préférais me mettre en danger. Il ne s’est jamais éloigné, n’a jamais détourné les yeux, alors même que j’ai toujours tout fait pour le tenir à distance, comme je le fais toujours avec tout le monde. La liste des choses à lui reprocher est peut-être longue, mais celles des raisons pour lesquelles il est aimé l’est encore plus.
Et j’ai envie de lui rire au nez autant que d’exploser lorsqu’il prétend que je n’avais plus rien à gagner de toute cette histoire. La vérité, c’est que c’était le cas depuis longtemps ; Seth était blessé dans son égo, et je n’en demandais pas plus. Je n’ai pas su me satisfaire de ce que j’avais déjà, j’en ai voulu plus, j’ai voulu qu’il reste dans ma vie même quand il était supposé la quitter il y a longtemps. J’ai jamais voulu que ça se termine, encore moins de cette façon. Sauf qu’il n’y a pas que ça qui s’est terminé. Ma relation avec Seth a connu un point final quand je me suis rendue en prison pour lui demander pour quelle raison il avait fait ça et, suite à sa réponse, lui annoncer que je ne comptais plus l’avoir dans ma vie. Seth a réagi avec plus de violence que je n’aurais pu soupçonner, m’insultant et souhaitant à son tour ma mort. Je peux pas lui en vouloir, je suis bien la première à avoir utilisé ce terme pour le définir. Alors ouais, Angus a raison sur un point ; j’ai plus de frère à énerver, car j’ai plus de frère tout court. " À ne pas te manquer la prochaine fois que quoi ?" - « Quelle importance ? C’est pas comme si ça te concernait. » C’est pas comme s’il était mon copain, finalement, et de toute évidence c’est très exactement pour ces raisons que j’ai pas non plus chercher à lui courir après ; parce que ça ne sert à rien. L’histoire est amenée à se répéter, encore et encore. Moi qui retombe dans une spirale où je joue avec ma vie, et mes proches qui en sont les dommages collatéraux. Ils le sont pour toutes mes décisions, celle de sortir Seth de ma vie a eu des répercussions sur ma mère et Lee, alors non, contrairement à ce qu’il pense, je n’ai rien gagné ; j’ai tout perdu parce que je me suis rangée de son côté plutôt que de celui de mon propre sang et on me le pardonne pas. J’énumère les faits tandis que mon doigt accusateur cogne contre son torse, et lorsqu’il s’en empare je m’attends à être repoussée pour marquer la distance toujours plus grande entre nous. Mais celle-ci se réduit ; et ses bras m’encerclent pour me coller tout contre lui. Je n’arrive pas à cacher ma surprise alors que je reste figée, mes avant-bras légèrement pliés, mes paumes contre le ciel et mes doigts écartés, ne sachant que faire de mon corps dans pareille situation. Je m’attendais à tout, mais pas à ça, et ma tête contre son torse, son odeur qui arrive à mes narines et les battements réguliers de son cœur dans mon oreille finissent par m’ancrer dans la réalité, jusqu’à ce que je cède moi aussi en l’entourant de mes bras, mes doigts qui serrent légèrement le tissu dans son dos. Je n’ai pas envie qu’il s’échappe tout de suite, pas alors que je réalise à quel point j’en ai besoin. De lui ou de ce geste, j’en sais rien, mais je crois que c’est une façon de me dire que tout ira bien sans risquer d’en faire une promesse qui ne pourrait être tenue. “Ta mère finira par se détendre. Seth est hors de portée alors c’est sur toi qu’elle préfère se défouler, mais ça finira par lui passer. Quant à Lee, Llewyn. Son amour pour toi est irréversible.” - « Je vaux pas mieux que Seth. » C’est ce qu’il a sous-entendu, c’est ce que je pense aussi. Je sais que tout n’ira pas bien, pas alors que ma mère en profite pour pointer du doigt d’autres erreurs et que Lee perd patience avec tout ce que je leur inflige continuellement. C’est pas grave, pendant quelques instants encore, j’arrive à prétendre que tout ceci n’existe pas. “Chez toi, hein ?” Il finit par s’écarter et je le libère, roulant des yeux avec un léger sourire, baissant ensuite le regard, tentant de me redonner contenance. La réalité me rattrape, et même cette accalmie me semble pas en mesure de s’éterniser ; mon but n’était pas de l’attendrir avec la vérité, et ce n’est pas parce que cela l’a leurré un instant qu’il en oublie la façon dont j’ai royalement merdé. Et moi non plus, alors qu’encore une fois je m’excuse, vis-à-vis de lui et de Samuel. “Sam, ne t’en veux pas.” Sam aurait toutes les raisons de le faire, au même titre que son grand frère.
Parce que je ne comprends plus celui-ci. La manière dont il est passé de la colère à la bienveillance, son attitude qui contraste désormais avec la mienne ; et ses reproches qui, lorsque j’y songe, ne font pas sens alors qu’il devrait se satisfaire d’être enfin débarrassé de moi. J’ai sûrement été une épine dans son pied pendant trop longtemps, et il l’a dit lui-même, il mérite mieux que ça. Et il a raison, il peut prétendre à mieux, lui. “Euh. Je t’interdis de parler à ma place ?” Il marque un point en retournant mes paroles contre moi, et je hausse les épaules, reprenant mes distances en reculant d’un pas. “ Tu veux vraiment que je sois honnête avec toi ?" - « Tu l’as assez été. » Je souligne, ayant en tête tous les mots qu’il a pu avoir depuis le début de cette conversation et même avant ça. Je vaux pas mieux que mon frère. "Allume les sonotones, parce que je ne le répéterai pas deux fois.’’ Je ravale ma salive, me braque, prête à encaisser des coups sous la forme de critiques acerbes qui sont véridiques. "J’en ai ma claque de faire comme si j’en étais encore au stade où j’adorais te détester.” Non, il ne prend sans doute plus aucun plaisir à ça, parce que maintenant il a appris à vraiment me détester, comme tout le monde. C’était qu’une question de temps, je suppose. “C'est épuisant de faire comme si la dernière année n’avait pas compté et si tu te complais dans cette situation alors, ok. Il vaut mieux qu’on arrête de se parler.” - « J’ai pas envie qu’on arrête de se parler. » Mon regard cherche le sol pour éviter le sien. Je me complais pas, au contraire, mais j’ai pas l’impression qu’on arrive vraiment à se parler. On le fait, à cet instant, oui, mais je doute que ça puisse changer quoi que ce soit alors qu’il n’aura jamais l’assurance que je ne peux pas réitérer ma fuite. “Le temps que je me souvienne des raisons qui m’ont poussé à te détester et d’oublier toutes celles qui font qu’aujourd’hui, j’ai envie de t’appeler plusieurs fois dans la journée.” Je relève les yeux vers lui et j’attends le moment où il va éclater de rire ou se corriger, parce que j’ai certainement mal entendu. Il a l’air agacé, Angus, et cela contraste avec ses paroles, au point où j’ignore comment réagir. Moi aussi, j’ai souvent envie de l’appeler. Je ne compte plus le nombre de fois où le quotidien m’a rappelé à lui, le nombre de fois où des petites choses me faisaient penser à lui, et toutes les autres où il était le premier à qui je voulais raconter les événements surprenants de ma journée. J’ai envie qu’il refasse partie de ma vie, mais je sais aussi que c’est probablement une horrible idée. "Et si ça peut te rassurer, t'es pas la seule à qui ça arrive de flipper." Je peux le croire, oui, alors que même cette année passée à ses côtés ne m’a vraiment appris à décortiquer le mystère qu’il représente. Là où je pleure, je hurle, je me braque, je m’énerve, je fais comprendre au monde entier ce que je pense et comment je me sens, lui reste une énigme à tous les niveaux. J’ai l’impression d’entrer un peu dans sa tête ; et ce n’est pas assez familier pour que je me sente la bienvenue. "Non, mais ouvre les yeux, sérieux." Je fronce les sourcils, ne comprenant pas vraiment où il veut en venir, tandis que son regard ne quitte pas le mien. "J'aurais pu me taper quelqu'un pendant que je faisais semblant d’être avec toi. Ça ne m'a même pas traversé l’esprit, pas une seule fois. Donc à ton avis, qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire de moi ?" - « Que t’as des goûts de chiotte. » Je rétorque, dépassée par ce que je crois comprendre. Je me fais des idées, sans doute, je projette mes propres désirs dans ses mots. « Et t’es super occupé, de toute façon. » J’ajoute, cherchant des excuses pour ne pas me confronter à sa vérité. « Et que tu sais pas ce que tu racontes. » Ce n’est pas que je ne veux pas comprendre ce qu’il me dit. J’adorerais, en réalité. Mais je ne peux pas. Je ne peux pas comprendre, je ne peux pas lui infliger ça en plus de tout le reste, alors que justement, il aurait dû se taper n’importe qui, tout le monde, parce que c’est très exactement ce que je ne peux pas lui offrir. Ça, l’assurance dont il a besoin après avoir été trop souvent abandonné, et la stabilité qu’il désire pour Sam. C’est autant de choses que je suis incapable d’apporter à quiconque, à commencer par moi-même. "J'ai toute la soirée devant moi." Je secoue la tête de gauche à droite sans même que ça ne s’adresse à lui, je recule d’un pas tandis qu’il s’assoit en tailleur par terre et que j’ai l’impression d’être coincée. "Tu te donnes vraiment du mal pour rien, tu sais ? Non, parce que je suis borné et qu'à moins de me le demander, je suis pas prêt de bouger." - « On a du boulot. » On nous attend, en dehors de cette pièce et on ne pourra pas rester enfermés éternellement. J’ai l’impression d’étouffer, aussi, alors que je sais que je ne peux pas lui offrir les réponses qu’il espère. Ni quant à ce qu’il vient de me dire, ni quant à ce qu’il attend. J’aimerais, pourtant. J’aimerais tellement ne pas gâcher les choses une fois de plus, saisir cette chance qu’il me tend et admettre qu’il me manque, qu’il n’est plus quelqu’un que je déteste, pas plus qu’il n’est qu’un ami, dans le fond. "Je peux tout entendre." Non, il ne peut pas. Je ne sais même pas par où commencer. Par tous les mensonges que je lui sers depuis plus d’un an ? Qu’est-ce qui est le pire, hein ? Mon commerce honteux sur internet qui va le dégoûter ? Mon entourage pas forcément très recommandable ? Mes blocages qui m’empêchent d’être comme toutes les filles de mon âge ? Ma crainte d’être touchée, mon incapacité à me taper qui que ce soit ? Mes incertitudes qui pourrissent chacune de mes relations, familiales, amicales comme sentimentales ? Ma personnalité toute entière qu’il finira par exécrer ? Mes troubles alimentaires sur lesquels je n’arrive pas à prendre le dessus ? Comme tous ceux avant lui, il prétendra comprendre. Il s’essayera à être là, à me rassurer, me dire que ça ne change rien ; et j’y croirai. Puis, il se sentira démuni, il commencera à se poser des questions, à juger, à être en colère, à me reprocher d’être impuissante et, à ne pas réussir à comprendre comment j’ai pu en arriver là. Comment je peux en arriver là ; car ce n’est jamais du passé, ça finit toujours par échapper à mon contrôle, par exploser et les débris heurtent les autres plus qu’ils ne me heurtent moi ; parce que je l’ai cherché, parce qu’au fond, j’aime ça, pour y retourner, encore et encore. « Rosemary. » Je balance le nom qui m’a déjà servi d’excuse pour en trouver une seconde, pour trouver le compromis entre ce qu’il veut entendre et ce que je peux dire. J’ai prétendu qu’il n’était pas en mesure d’entendre la vérité ; pourtant c’est moi qui suis incapable de la lui révéler. Tout comme je suis incapable de claquer la porte en sachant pertinemment que, cette fois-ci, il n’y aurait pas de retour en arrière. Et j’arrive enfin à poser des mots sur ce qu’il m’inspire. Je le déteste pour ce que je ressens pour lui. Parce que ça rend tout ça compliqué, parce qu’il rend tout ça compliqué, à être... lui. « C’est pas... C’est pas Rosemary. » Que je bégaie, le nœud dans mon estomac qui prend peu à peu possession de tout mon corps, s’engouffre dans mes veines, remonte à mon cœur qui s’en retrouve compressé. « J’ai vu ton nom sur la liste, j’ai échangé les numéros pour être ton binôme. » J’avoue, pour tenter de lui offrir quelque chose. J’ai jamais précisé de quelle vérité il s’agissait, et celle-ci m’arrange bien. « Je voulais te parler, mais je savais pas comment m’y prendre. » J’ajoute, incapable de m’asseoir face à lui alors que mon agitation continue de me porter, doucement, vers la porte. « Je voulais... j’en sais rien, je voulais m’excuser, je voulais savoir comment tu allais, je voulais juste te parler, entendre ta voix, t’avoir face à moi. » Je voulais qu’il soit là. Et maintenant je voudrais qu’il parte. Parce que je voudrais lui dire tant d’autres choses, je voudrais libérer toutes les larmes que je retiens avec de plus en plus de difficultés. Je voudrais remonter le temps pour qu’on se déteste à nouveau, tout en sachant que j’en serais jamais totalement capable. « Parce que mon ami me manque. » J’avoue en tentant un sourire qui n’est pas aussi sincère que je le voudrais. « C’est tout ce que je peux t’offrir. » Ce n’est pas que je souhaite lui offrir, mais c’est tout ce dont je suis capable, parce que c’est mieux ainsi. Il s’en rendra compte tôt ou tard.