@evelyn pearson

Les ressentis du manque avaient déjà été vécus lorsqu’il était en Suisse, mais tout était évidemment différent. Il était entouré, chouchouté, cajolé. Il était comme l’enfant unique au milieu d’une famille comprenant dix-sept parents au lieu de deux. Ils n’ont pas su le soigner, là-bas, ils n’étaient même pas compétents à ce niveau-là, mais ils ont au moins réussi à diminuer considérablement la difficulté de vivre au jour le jour sans prendre d’Oxy. Certains diraient que c’était justement là tout leur rôle ; Rhett leur répondrait qu’ils n’ont jamais rien su faire contre la force psychologique et le besoin incandescent de replonger à la seconde où il serait rentré chez lui. Et il a replongé, à la seconde où il a foulé la terre australienne, à la seconde où Mickey a répondu positivement à son message, à la seconde où il a répondu tout aussi positivement à sa demande: il pouvait le fournir, et il l’a fait. Il l’a fait au point où Hartfield a enchaîné les cachets le premier soir, pour rattraper des semaines d’abstinence. Il l’a fait au point où il s’est mis plus mal que jamais, parce qu’il avait promis à Evelyn de se mettre sur les rails quand elle rentrerait à son tour.

Et depuis qu’elle est rentrée, il ne s’est plus mis aussi mal. Mais il n’a pas arrêté pour autant. Il a simplement diminué, et il serait le premier à dire que cela lui a déjà énormément coûté - ce qui n’est pas faux. Rhett a depuis longtemps dépassé le point de non-retour, tout comme il a bien trop côtoyé le fond pour se sentir à sa place à la surface. Il avait toujours besoin d’en reprendre, avec bien moins de temps entre chaque dose, et il était surtout incapable de savoir comment arrêter. Il ne le sait toujours pas, aujourd’hui. Il se contente d’essayer. Pour Evie, pour Nell, pour lui-même. Impossible de prendre le risque de faire de nouveau du mal à ses proches, encore moins à une enfant comme Nell qui s’est retrouvée propulsée au milieu de ses problèmes alors qu’elle ne l’aurait jamais ô grand jamais mérité. Il a dit à Evie de la plus cruelle des façons ne jamais avoir envie de devenir père, mais jamais il n’aurait souhaité du mal à un enfant pour autant. Et cela a assez fait l’effet d’une bombe pour qu’il prenne conscience de son état, assez pour qu’il se jure de se soigner une bonne fois pour toutes parce qu’il ne veut pas faire subir à ses proches un enterrement ; encore moins à ceux qui ont aussi perdu Joanne en début d’année, et à son frère qui a déjà perdu Jackson il y a trois ans. Il ne veut pas partir, tout simplement, parce qu’il a encore trop à faire, trop à vivre.

Trop à aimer, aussi, et c’est pour cette raison qu’il ne sait pas se tenir loin d’Evelyn, pas même alors qu’il a été le premier à lui demander qu’ils prennent leur distance et fassent une pause. Il ne veut pas la faire souffrir, elle non plus, mais il ne veut pas non plus la perdre. Tout est paradoxal, il ne sait pas quoi en penser, et il ne fait sans doute que retarder l’échéance lorsqu’il lui propose qu’ils se revoient (déjà), ayant pour impression de faire des concessions simplement en lui proposant un restaurant et non de passer chez lui. Il fait des efforts qui n’en ont pas l’air, et le fait de se coller à sa chaise lorsqu’Evelyn se présente à l’heure convenue en est un de plus: s’il s’était levé, il aurait posé une main contre sa joue et ses lèvres sur l’autre. Et cela n’aurait pas été une bonne idée, parce qu’il veut surtout la prendre dans ses bras et l’embrasser à la hauteur de ses sentiments. Mais il tempère, il se fait fureur, il lutte contre ses propres démons. “Hey.” Il sourit faiblement. Remonter son regard dans le sien semble être un effort impossible, il jurerait presque que ses cernes agissent comme des poids. Au fond de lui, il a l’impression d’avoir parlé à Evelyn il y a bien trop longtemps déjà, alors que tout pourrait ne se compter qu’en heures. “Si je suis toujours en vie, c’est que ta soeur a pas encore appelé.” Il le souligne avec humour pour ne pas se montrer trop sérieux, comme toujours, mais il cherche aussi et surtout à informer Evelyn: non, elle ne lui a pas encore dit ses quatre vérités. “Tu… Nell est sortie maintenant ?” Elle a dit en observation jusqu’à demain et ils sont demain, alors il a bon espoir qu’il n’y ait eu aucune sorte de complication et que la jeune fille soit déjà en plein pouvoir de retourner vaquer à ses occupations. “Merci d’être venue, au fait.” Rien ne l’y obligeait, et elle avait au contraire toutes les raisons du monde de ne pas sauter le pas. Ils le savent tous deux.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

C’était inédit pour Evelyn, cette motion de pause qui avait été soudainement été accolée à sa relation avec Rhett. En tant qu’adulte bien constituée, elle savait ce que ça voulait dire, ce que ça impliquait, au moins dans les grandes lignes. Mais en tant qu’adulte n’ayant jamais vraiment vécue de relation aussi longue que celle-ci, cette dernière se révélant être assez courte si on s’y arrêtait plus longtemps, ce qui rendait le tout un peu pathétique quand on avait son âge finalement, elle avait conscience de ne pas avoir le bon manuel pour vivre ça de la meilleure façon qui soit. Alors, quand elle avait envoyé un message à Rhett pour la prévenir de l’état de Nell, elle l’avait fait en toute innocence, se reposant sur la promesse du jeune homme de ne pas faire de ça une conversation — pour à la fin se retrouver à accepter de le voir dès le lendemain. Sans doute que ça ne s’inscrivait pas dans la définition officielle de la pause à proprement parler, elle n’en savait rien dans le fond, mais ce qu’elle savait en revanche, c’était que le rassurer lui venait assez naturellement pour qu’elle veuille le faire en personne et pas au travers de messages impersonnels, trop concis pour qu’ils y trouvent du réconfort chacun de leur côté.

Se passant de la présence d’Avery ce soir-ci, c’est en taxi qu’elle se rendit jusqu’à l’Interlude. Derrière la vitre arrière, le regard perdu dans les lucioles formées par le décor urbain de la ville, elle eut le temps de ressasser les dernières heures, de se féliciter d’être encore en vie maintenant quand sa soeur avait menacé de la lui gâcher pour de bon, la prenant entre quatre yeux pour lui demander de revoir ses critères à propos de ses fréquentations, comme si ces derniers mois n’avait pas été assez difficiles pour faire considérer à qui que ce soit que c’était déjà un Enfer, qu’elle n’était plus à ça près. Sa seule vraie satisfaction sur le moment, c’était d’être sûre que Nell allait bien, qu’elle ne garderait ni séquelle ni rancune, pas même un traumatisme d’avoir été si urgemment prise en charge lorsqu’il avait été décrété qu’elle était en danger : elle ne l’était plus, c’était ce qui comptait, et sur cette base solide de certitudes, elle arrive sur le lieu de son rendez-vous avec Rhett.

Elle croisa son regard dès qu’elle s’avança sous la supervision d’un employé du restaurant qu’elle remercia d’un signe de tête poli. Les habitudes qu’ils avaient d’ordinaire, elle les refoula pour s’asseoir en face de lui sans délai, ses lèvres se pinçant entre elles pour chasser l’anticipation d’un baiser qui n’arriverait pas et auquel elle évita de penser, dégageant son visage de ses longs cheveux lisses. Lui adressant un sourire comme salut, elle remarqua tout de suite en posant son regard sur lui de l’état de fatigue dans lequel il était, mais repoussa son inquiétude pour hausser les sourcils et appuyer ses coudes sur le bord de la table pour réagir à sa boutade à propos de sa soeur.
Son menton posé sur ses doigts joints, elle lui dit les yeux plissés, sa voix se baissant en même temps "Si tu as besoin de conseils pour survivre à son débit de paroles et à ses menaces, je connais quelqu’un qui les gère depuis assez longtemps pour être devenue une experte. En négociant bien, elle te fera certainement un prix d’ami." Ils avaient les mêmes mécanismes de défense, c’était pratique dans ce genre de conjoncture critique, où ils ne savaient pas comment se positionner, ou comment envisager la suite ; et il y avait trop de drames qui planaient sur leur histoire, ce n’était pas plus mal de pencher vers un peu plus de léger, encore que ce ne fût que temporaire puisque déjà, Rhett s’inquiétait pour Nell "Je n’ai pas encore eu de nouvelles, mais je suppose qu’elle sortira dans la journée. Elle va bien, Rhett." lui assura-t-elle, ses yeux trouvant les siens avec résolution pour y lire le regret et l’épuisement. Cette observation, elle lui fit lui demander doucement dans la foulée, sa tête se penchant sur le côté, son regard observant chacun de ses traits à distance de la largeur de la table à laquelle ils étaient installés "T’as réussi à dormir un peu quand même ?" Son dernier message était inquiétant à ce sujet, et même si elle-même n’avait pas trouvé le sommeil avant les premières heures du matin pour profiter d’une courte sieste, plus que pour profiter d’une nuit réparatrice, elle aspirait à ce que Rhett trouve la paix au moins quelques heures pour mieux affronter ce dans quoi il disait vouloir se lancer. Soit une guérison complète, celle qui lui avait promis sans qu’elle ne la lui demande.

Avoir un ennemi commun est toujours une douce source de discussion, même si l’ennemie en commun n’est autre que la sœur d’Evelyn. L’un n’empêche pas l’autre, sans doute ? Rhett sait bien qu’elle ne la déteste pas, mais l’inverse est peut-être différent maintenant que Nell s’est retrouvée à l’hôpital par la faute de Rhett, ce qui est par extension devenu la faute du couple tout entier. C’est parfaitement injuste, mais ça l’est à peine moins que tous les mots qu’il imagine déjà avoir sa sœur eu à l’égard d’Evelyn. Elle a reçu autant de reproches que Rhett, si ce n’est mêem plus, alors qu’elle n’a pourtant rien à se reprocher: évidemment qu’elle pouvait faire confiance à un adulte de quarante ans pour surveiller cinq minutes à peine une enfant sans problèmes ni besoins spécifiques. Il n’avait qu’à garder un regard posé sur elle, littéralement, et il n’a pas su le faire. "Si tu as besoin de conseils pour survivre à son débit de paroles et à ses menaces, je connais quelqu’un qui les gère depuis assez longtemps pour être devenue une experte. En négociant bien, elle te fera certainement un prix d’ami." Il sourit sincèrement, tendrement, bien plus occupé à l’écouter simplement parlé plutôt que concentré sur les mots en question. Ils ont l’air d’un couple qui se retrouve pour une simple soirée au restaurant, et s’ils sont venus par des moyens différents ce n’est que parce qu’ils travaillaient chacun de leur côté. Mais ils repartiront ensemble, pas vrai ? Pas vrai ? “Je suis curieux de connaître le prix d’ami.” Il répond dans un sourire, après s’être retenu de demander s’il ne pouvait pas simplement demander un prix de beau-frère. De toute évidence, le moment est mal choisi.

Rhett est toujours égal à lui-même et il ne sait pas tenir une discussion s’il a d’autres mots sur le bout de la langue. Dans le cas présent, c’est le prénom de Nell qu’il avait terriblement besoin de prononcer, pour savoir un peu mieux comment elle se porte. "Je n’ai pas encore eu de nouvelles, mais je suppose qu’elle sortira dans la journée. Elle va bien, Rhett." Il hoche la tête, sincèrement soulagé de l’entendre. Les médecins le leur avaient déjà dit, mais il voulait s’assurer qu’il n’y ait eu aucun changement entre-temps. “Tant mieux.” C’est une bonne nouvelle et il est soulagé, mais elle devra le déduire à travers ces deux simples mots et le sourire en demi-teinte qu’il lui présente. "T’as réussi à dormir un peu quand même ?" Son pouce glisse contre les crans du couteau alors qu’il lui dédie toute son attention, n’ayant aucune bonne réponse à apporter à Evelyn. “J’ai rien pris depuis quelques jours. Ça m'empêche de dormir.” Entre autres effets secondaires dûs à l’absence d’Oxycodone dans son organisme, lesquels arrivent toujours plus rapidement et toujours plus intensément. Son corps ne sait plus faire sans. “Et j’ai pas vraiment arrêté de penser à tout ça.” Rien qui ne puisse l’aider à trouver le sommeil, en somme. Il pensait à Nell, et quand ce n’était plus le cas, il pensait à ses cachets. Quand il ne pensait pas à ses cachets, il pensait à Nell. Encore et encore. “Je savais que j’aurais dû demander la référence de mon anti-cernes aux maquilleurs d’ABC.” Il ajoute dans un sourire, incapable de faire sans ses éternelles blagues pas toujours bien placées. N’empêche qu’il aurait aimé ne pas inquiéter Evelyn à cause du manque de sommeil. Ce ne sera pas ce qui le tuera, de toute évidence. “Tu as pu parler un peu avec ta soeur ?” Une fois qu’il est parti, il veut dire. Il veut savoir si les choses vont mieux entre elles ou, à défaut, si tout est un peu moins pire.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

"On en discutera plus tard. On doit pouvoir s’entendre sur ça." fit-elle doucement, retenant l’idée de mettre en jeu des avantages en nature, non sans savoir que ça, ça ne faisait certainement pas partie de la définition de la pause à laquelle on se référait pour faire les choses bien.
Baissant graduellement la tête, Evelyn se demanda un instant ce qu’elle faisait là. Elle aurait dû en vouloir à mort à Rhett, et elle lu en avait voulu : au moins une heure, et lors du court voyage en ascenseur qu’ils avaient fait pour s'éloigner du tumulte autour de la petite Nell, pressés par sa mère de déguerpir parce qu’elle ne supportait pas d’avoir les responsables de l’état de sa fille devant les yeux. Bien sûr qu’ils étaient autant responsables l'un que l’autre selon la perception d’Ester, et Evie n’avait pas cherché à prétendre le contraire. Rhett s’en voulait assez pour qu’elle veuille en rajouter en se défendant bec et ongle, même si elle avait eu la sensation de flirter avec la lâcheté lorsqu'il avait décidé de mettre un stop temporaire à leur relation. Elle se détestait pour ça à dire vrai, de le laisser seul gérer ce contre quoi il se battait ; mais par manque de solution, elle se disait qu’il y avait une infime chance qu’il réussisse à enfin ressortir la tête de l’eau à un moment où un autre, espérant presque que c’était elle le frein de tout ça, et que leur décision avait été prise sur la base de l’espoir que ça le remette dans le droit chemin de ne pas l’avoir dans les pattes, secrètement convaincue que leur histoire ne lui faisait peut-être pas autant de bien que ça. Evelyn n’en savait rien, et pour quelqu’un qui avait l’habitude de toute contrôler à la seconde près, c’était assez déroutant pour que fatalement, elle se sente coupable effectivement, mais aussi un peu mal à l’aise malgré l’attitude impeccable qu’elle reflétait.

Inquiète, elle releva la tête en se demandant si les poches que Rhett avait sous les yeux étaient le fruit de ses insomnies ou si c’était celui de sa consommation réduite — ou absente, elle ne savait pas comment il gérait les choses à ce stade — d’oxycodone. Elle lui posa la question, recevant une réponse qui lui fit pencher la tête sur le côté "Tu restes enfermé chez toi, ou tu t’autorises à sortir un peu ?" Est-ce que ça avait aucune espèce d’importance ? Pour Evie, ça en avait, ça marquait l’idée qu’il n’était pas seul, et ce même s’il lui avait dit que sa soeur viendrait vivre avec lui pendant quelques temps, et au stade où ils en étaient, où elle en était à propos de sa culpabilité, ça la réconfortait un peu d’en être sûre "Je sais. Moi aussi." Elle aussi avait pensé à tout ça, s’imaginant une réalité alternative où ses choix avaient été différents, où c’était Rhett qui allait réceptionner leur commande de nourriture, où Nell murmurait à l’oreille de sa tante qu’elle l’aimait bien, Rhett, qu’il était gentil avec elle, tout en gloussant de façon incontrôlée parce qu’évidemment, qui restait de marbre face au charme du jeune homme ? "On ne peut pas retourner en arrière, on devrait essayer d’aller un peu de l’avant. C’est ce que tu fais, c’est déjà un bon début quelques jours, non ?" lui demanda-t-elle, optimiste et souriant juste un peu.

Jamais elle ne pourrait se mettre à sa place, jamais elle ne pourrait savoir ce que ça lui faisait physiquement de ne plus consommer, ce que ça lui faisait moralement de se laisser gagner par les douleurs qu’il ressentait, par le manque qui devait rendre les choses encore plus compliquées à ressentir et à gérer. Passant doucement sa langue sur ses lèvres, elle se laissa adosser contre le dossier de sa chaise, souriant mollement à la tentative de boutade qu’il fit, et qui l’enfonça un instant dans ses propres pensées, le temps qu’il lui pose une nouvelle question, et que remontant ses yeux dans le bleu des siens, elle lui dise avec un léger sourire en coin, un soupir lui ayant échappé avant tout "Elle me hait, c’est pas nouveau. Elle s’est quand même excusée d’avoir été aussi dure avec nous, elle a juste eu très peur sur le moment." Ce qui était compréhensible, et Evie n’avait pas discuté les sentiments de sa soeur.
Elle marqua une pause, pour reprendre une longue seconde après "Elle m’a laissée voir la petite uniquement parce qu’elle l’a demandé au début. Je suis restée un peu, ça s’est détendu ensuite. Mais je crois qu’elle va m’en vouloir pendant quelques temps encore." Elle opina doucement, se redressant pour s’approcher de nouveau du bord de la table "C’est pas le cas de Nell. Elle, elle a déjà tourné la page." Les enfants avaient une capacité de résilience exemplaire, une chose qui fascinait Evelyn bien plus qu’elle n’oserait jamais l’admettre. Retrouvant le silence pour une seconde de plus, elle s’autorisa à observer Rhett un instant, détaillant ses traits sans en avoir l’air, et finit par lui demander avec un léger temps de retard, la voix douce et les traits légèrement froncés "Tu m’as parlé d’un plan. Est-ce que tu veux qu’on en discute maintenant ?"

"Tu restes enfermé chez toi, ou tu t’autorises à sortir un peu ?"
“Non, je sors un peu.”

Il va taper dans des sacs. Il sort pour mieux s’enfermer dans un sous-sol, voilà ce que cela signifie, et voilà aussi ce qu’il ne veut pas préciser à Evelyn, parce qu’il veut tenter de la rassurer plutôt qu’autre chose. Lui dire qu’il sort est sans doute ce qu’elle veut entendre, et puisque c’est aussi la vérité, il le statue simplement et passe déjà à autre chose, certain de ne pas faire une conversation toute entière autour de ce sujet. A défaut, il tente d’être un adulte qui n’a pas peur de parler des véritables sujets, ceux qui ne font pas plaisir à aborder mais surtout ceux qui ont de l’importance. "Elle me hait, c’est pas nouveau. Elle s’est quand même excusée d’avoir été aussi dure avec nous, elle a juste eu très peur sur le moment." Rhett n’attendait aucune excuse de sa part, si bien que la surprise se lit sur son visage, juste avant qu’il n’attrape le bout des doigts d’Evie avec les siens, lorsqu’il se concentre sur l’idée qu’elle pense que sa sœur la déteste. Il se dit qu’elle est sûrement trop dure avec elle-même, tout comme il se dit que personne ne pourrait détester Evelyn. “C’est compréhensible. Qu’elle ait eu peur.” Rhett aussi a eu peur, et il n’est même pas le père de Nell, alors il n’a aucun mal à comprendre le genre de sentiment qui a pu animer sa sœur durant un long moment. "[...] Elle va m’en vouloir pendant quelques temps encore. C’est pas le cas de Nell. Elle, elle a déjà tourné la page." Il tente un sourire timide, néanmoins rassuré par les mots de sa petite-amie-en-pause. “J’espère que tout rentrera à la normale, un jour.” Entre les deux sœurs, du moins, la normale étant relative à un statu quo durant lequel personne ne souhaite tuer personne. C’est sans doute le mieux qu’il puisse oser espérer tout en restant terre à terre.

"Tu m’as parlé d’un plan. Est-ce que tu veux qu’on en discute maintenant ?" Il aurait préféré qu’elle oublie qu’il lui en avait parlé, parce qu’il doute désormais que son plan soit une bonne idée. Disons simplement qu’il n’est plus certain de rien, maintenant qu’Evie est face à lui et qu’il est évident que son idée se compose de nombreuses failles évidentes. Il accuse une seconde de silence autant que de réflexion, tourne plus ou moins la langue dans sa bouche, et décide tout de même d’aller au bout des choses, l’ongle de son index grattant une imperfection de la nappe. “Je me rends compte que je peux pas tout arrêter d’un coup. Ça fait partie d’une routine, d’une habitude.” Cela fait aussi partie d’une addiction à bien des niveaux et à bien des choses, mais c’est une évidence aujourd’hui, non ? “J’ai repris le sport.” Il cherche des excuses avant d’expliquer la finalité de son idée, il agit éternellement tel un enfant. Il a repris le sport parce qu’il a besoin de taper sur des sacs plutôt que sur des inconnus, comme c’est encore arrivé il y a peu. Il a repris le sport parce que c’est ce qui donnait du sens à sa vie, aussi, il y a longtemps de cela et parce qu’elle connaît déjà l’histoire du gamin impossible qui a été canalisé en trouvant sa voie. Cela s’applique tout autant au quarantenaire impossible, apparemment. “Et j’ai besoin de continuer à acheter. A repartir chez moi avec les cachets. Me demande pas pourquoi, je sais pas, j’en sais rien.” Tout comme il ne pourrait pas expliquer la sensation même d’addiction et ce besoin de consommation: cela se ressent avant toutes choses. “Mais je veux pas y retoucher, et je te mentais pas quand je te disais ne pas l’avoir fait.” Le plan n’est toujours pas donné, il prend son temps avant d’y arriver mais Rhett juge aussi qu’il est nécessaire qu’elle comprenne et connaisse tout le contexte environnant. “Je me disais que je pourrais te donner ce que j’achète. Comme ça, je serai pas tenté. Il serre les dents. La messe est dite, elle aurait pu être bien meilleure. “Et je sais que c’est maladroit de te demander ça après ce qu’il s’est passé avec Nell, mais tu peux tout jeter dans les toilettes à la seconde.” Il ne se sert pas d’elle comme une cache pour les passes difficiles, il cherche simplement un moyen de s’en sortir autant que d’avoir toujours une excuse pour la revoir, toutes les semaines au moins, en attendant que tout aille mieux et qu’ils puissent arrêter leur pause stupide.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

"Rien n’a jamais été normal entre nous." se permit-elle d’intervenir, un léger rire lui échappant en même temps lorsqu’elle pensa à la relation qu’elle entretenait avec sa soeur. Elles avaient pourtant tous les critères pour faire partie des duos de légende, ceux qui s’entraident et se soutiennent sans faillir non seulement parce qu’elles sont soeurs, mais surtout pas qu’elles s’aiment. C’était sans compter sur tout ce qui gravitait autour d’elles qui avait fini d’enterrer l’idée-même qu’elles étaient soeurs, et remettre en doute celle qu’elles s’appréciaient ne serait-ce qu’un peu. Ce n’était pas vraiment un regret de la part d’Evie, elle savait de quoi Ester était capable pour la mettre plus bas que terre, et si elle se désolait bien sûr de ce qui était arrivé à Nell, elle ne pouvait pas assurer que ce serait le début d’une nouvelle façon d’envisager son rapport avec sa soeur. En fait, ce serait même une occasion de plus pour elle de la pointer du doigt et chercher à faire réaliser à leur entourage sa nature profonde, comme si elle avait fomenté ce coup-là par vengeance ou vilenie.

Peu importait dans le fond, le sujet n’était pas là, et loin l’idée d’Evelyn de chercher à se plaindre de tout ça. De nouveau concentrée sur Rhett, elle se souvint enfin de la vraie raison de sa venue, et qui n’était pas induite que par son envie de le revoir après seulement quelques heures de séparation, de pause dans un quotidien qui en décomptait déjà assez tant elle n’avait plus l’impression d’être vraiment elle-même, épuisée. Ça aussi peu importait, ce qui importait dans la seconde, c’était le plan auquel Rhett lui avait dit avoir songé, et qui avait attiré toute son attention au travers de leur échange de textos. Maintenant qu’elle était en face de lui, elle le redoutait peut-être un peu, n’étant pas sans savoir que dans la liste des défauts de Rhett, avoir des mauvaises idées, était sans doute en tête. Néanmoins, elle lui laissait le bénéfice du doute parce qu’elle tenait à lui, parce qu’elle l’aimait, elle le lui avait dit ; alors c’était le moins qu’elle pouvait faire, encore que chacun avait son avis sur le sujet, le sien consistant à rester tolérante malgré l’aveu de faiblesse qu’elle lui avait fait dans l’ascenseur de l’hôpital. Elle n’y arrivait plus, ça ne voulait pas dire qu’elle se sentait incapable d’essayer, et c’était ça qui comptait.
Elle fronça les sourcils en l’entendant admettre qu’il continuait à acheter ses pilules, et dans un monde où elle était assez objective pour affirmer que ce n’était pas ce qu’elle voulait entendre, elle aurait choisi ce moment pour s’en aller et ne pas se retourner. Mais Rhett avait sur elle l’effet qu’avaient les sirènes sur Ulysse : tout ce qui sortait de sa bouche avait un effet inhibiteur de pensées, la plaçant dans la peau d’un pantin bien incapable d’échapper à la menace qui planait — et elle planait la menace, elle en prit conscience juste après lorsque sa proposition sortit enfin de sa bouche, et qu’elle le regarda tâtonner avec la même volonté qu’un petit garçon qui sait qu’il a fauté, mais qui n’est pas capable de prioriser son instinct de survie, et qui court droit vers la punition.

De nouveau, et presque au ralenti, elle se laissa basculer en arrière, son dos butant contre le dossier de sa chaise, sa tête se tournant sur la droite pour jeter un oeil aux alentours sans vraiment les voir, reprenant pieds dans ses propres pensées qui se bousculèrent pour la faire camper sur celle qu’elle trouvait ça maladroit de sa part de lui faire part d’un plan pareil. Elle fronça les sourcils, ne le regardant toujours pas, accusant le coup en préférant s’intéresser à son environnement qu’elle ne voyait pas vraiment pourtant "Tu te rends compte de ce que tu es en train de me demander ?" lui fit-elle sans attendre vraiment de réponse, sûre qu’il avait certainement retourné la situation dans tous les sens pour arriver à concocter une solution comme celle-ci, formée de bric et de broc, assez bancale pour qu’Evelyn, si elle manquait de jugement chaque fois que son regard s’attardait dans celui du jeune homme, parvienne tout de même à en voir les failles en un battement de cils "Comment tu peux être sûr que tu ne seras pas tenté ? Ça fait des mois que tu te bats avec ça en te croyant capable d’y venir à bout, pour à la fin admettre que tu n’as jamais arrêté." Elle n’aimait pas le rôle qu’elle jouait là, seulement il fallait voir la vérité en face, et arrêter d’être délicate. La situation ne l’était pas après tout, elle était rude au contraire "Je ne me sentirais pas capable de refuser de t’en donner si un jour tu venais me supplier de le faire." Faisant non de la tête, elle haussa les épaules en laissant un sourire sans joie ni saveur fendre son visage, l’aveu n’étant pas simple à faire "Je déteste te voir souffrir. Je me sentirais horrible de retenir en otage la seule solution pour te soulager, et ça ne fait pas de moi quelqu’un de bien de l’admettre : mais Rhett, à la seconde où tu me supplieras de t’en donner, je le ferais, et tu le sais." Elle secoua la tête encore un moment, osant la retourner vers lui pour enfin le regarder de nouveau et essayer de se figurer à quel point son plan était sérieux : il l’était, il n’y avait pas de débat à lancer, elle le voyait sur ses traits. Laissant un silence s’installer, elle reprit en ne cessant de froncer les sourcils "C’est pour ça que tu me le demandes à moi ? Parce que tu sais que je flancherais si ce cas de figure se présente à un moment donné ?"

"Tu te rends compte de ce que tu es en train de me demander ?" Il a dit qu’il avait une idée, il n’a pas osé aller jusqu’à dire qu’elle était bonne. En réalité, il sait qu’elle est bien loin de l’être et qu’elle comporte bien plus de failles que de véritables points forts, mais l’autre vérité à tout ceci est qu’il n’a rien d’autre à quoi se raccrocher non plus. Il ne veut pas mêler Evelyn à ses problèmes, et pourtant elle y est déjà jusqu’au cou, alors que peut-être accepter son implication et jongler avec cette dernière pourrait amener de bonnes conséquences, qui sait - pas lui, il ne sait rien, évidemment. "Comment tu peux être sûr que tu ne seras pas tenté ? Ça fait des mois que tu te bats avec ça en te croyant capable d’y venir à bout, pour à la fin admettre que tu n’as jamais arrêté." - “Je peux pas l’être.” Il ne peut pas être sûr qu’il ne sera pas tenté, c’est un fait, et c’est aussi la raison pour laquelle il ne promettra rien à Evelyn. Il veut plus que jamais s’en sortir, oui, mais tout est toujours bien plus facile à dire qu’à faire, surtout alors qu’il n’arrive pas à anticiper à quel point ce sera difficile pour lui d’arrêter et de faire avec les effets secondaires de l’arrêt de substances. “Mais ce qu’il s’est passé avec Nell… Ca remet vraiment tout en question.” Jusque-là, il voulait s’en sortir mais il n’avait pas de véritable raison. Sa santé ? D’accord. Son couple ? Apparemment pas suffisant. Sa vie ? Meh. Mais Nell, Nell c’est différent. Nell n’est qu’une enfant, et il reconnaît qu’elle n’aurait jamais dû payer les conséquences d’erreurs qui ne sont que les siennes.

"Je ne me sentirais pas capable de refuser de t’en donner si un jour tu venais me supplier de le faire." Ce n’est pas un sujet qu’il pensait aborder, mais Evie fonce tête baissée. Si cela l’inquiète, alors il ne cherchera pas à l’éviter, parce qu’au fond il peut parfaitement comprendre pourquoi elle lui en parle en premier lieu. Son sourire est triste, comme tous ceux dont il a le souvenir à son sujet dernièrement. "Je déteste te voir souffrir. Je me sentirais horrible de retenir en otage la seule solution pour te soulager, et ça ne fait pas de moi quelqu’un de bien de l’admettre : mais Rhett, à la seconde où tu me supplieras de t’en donner, je le ferais, et tu le sais." Il prend une grande inspiration et se rapproche de la table, uniquement pour enrouler le bout de ses doigts à celui des siens. Son pouce caresse doucement la phalange de son auriculaire, comme si cela allait réussir à soigner tous les maux et la rassurer. “Je sais, Evie. Je sais.” Sur ce point aussi il aimerait lui promettre que cela n’arrivera jamais, mais il n’en a pas la certitude non plus. Son plan comporte des failles, à commencer par la certitude qu’il saura toujours trouver de l’Oxycodone chez Evelyn si jamais le besoin se fait ressentir à nouveau, plus fort que jamais. "C’est pour ça que tu me le demandes à moi ? Parce que tu sais que je flancherais si ce cas de figure se présente à un moment donné ?" Et juste comme ça, il ramène son bras le long de son corps, un sourire en demi-teinte affiché contre son visage. “Comment est-ce que tu peux penser ça ?” Comment, au travers de toutes les failles de son plan, cela peut-il être la véritable inquiétude d’Evelyn ? A dire vrai, l’idée n’a pas un seul instant traversé l’esprit de l’australien, mais maintenant il est évident qu’il ne sait plus faire sans. “Jette les cachets dans les toilettes, la poubelle, ou où tu veux. Si c’est vraiment ça qui te fait peur, jette les.” Et il le lui a dit dès le départ, parce qu’il est conscient qu’elle peut aisément être mal à l’aise à l’idée d’en avoir chez elle et qu’il ne veut pas le lui imposer. Il a simplement besoin de les mettre hors de sa portée ; du reste, cela ne le regarde pas. “Je t’utilise pas comme une planque de secours, j’essaie juste de trouver des solutions pas si pires.” Il ne peut pas décemment dire qu’il trouve les bonnes solutions aux problèmes, mais pas si pire semble être adapté, en revanche. “Je veux tout faire pour pas flancher. Je t’impliquerais pas si je le pouvais mais… Je me dis que comme ça, au moins, tu verras que je fais des efforts.” Elle le verra, et en retour il pourra la voir aussi. Le plan n’est pas si pire justement pour cette partie de l’histoire où cela lui permet de garder un minimum contact avec elle, malgré tout le reste.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Au moins, il commençait à être clairvoyant sur son incapacité à voir plus loin que son combat contre l’addiction. C’était une avancée mine de rien, même si elle n’était significative que parce qu’il remettait entre les mains d’Evie quelque chose dont elle ne voulait, pas certaine elle non plus de pouvoir répondre à sa demande sans flancher à un moment donné.
Quelque part, elle voulait l’aider. Pendant un temps, elle avait naïvement espéré être son salut, quelque chose à quoi il pouvait se raccrocher pour voir le bout du tunnel, alors une partie d’elle, celle la plus auto-centrée, était ravie qu’il en soit venu à la considérer comme la perche dont il avait besoin pour avancer. Seulement, Evelyn n’était pas une amoureuse éperdue, du moins pas au point de croire que son importance aux yeux de Rhett valait les efforts que lui demandaient une guérison si ce n’était complète, au moins en bonne voie. C’était l’incident avec Nell qui semblait avoir le plus d’impact sur lui, et dans un sens, ça la débectait assez pour qu’elle le trouve abominable d’avoir attendu un événement pareil pour prendre en compte l’idée que ça commençait à craindre tout ça. Mais ils en étaient là, et que pouvait-elle faire si ce n’était s’émouvoir de sa soudaine volonté de s’en sortir ? Elle ne le laisserait jamais seul malgré ce qu’induisait cette pause ridicule qu’ils s’étaient imposés, et d’une certaine manière, Evie soupçonnait Rhett d’en être conscient que, quoi qu’il arrivait, quoi qu’il arriverait, elle se placerait juste à ses côtés.

Elle aurait dû le détester à ce moment-là, et sans doute que si elle prenait le temps de remettre les choses en perspective, de s’arrêter un instant sur ce que ça signifiait vraiment, à quel point c’était indélicat et tordu, si elle récupérait sa main qu’il avait saisi pour jouer avec le bout de son petit-doigt, elle serait en mesure de l’aimer un peu moins sur l’instant. Cependant, elle n’en fit rien, sondant son regard avec le sien, essayant de comprendre comment il avait pu arriver à ce raisonnement en se disant que ce serait une bonne chose vraiment, de le présenter comme une solution viable sur le long terme.
Sauf qu’elle était prête à l’écouter, ayant toujours chéri les instants où Rhett sortait de son silence de façade pour se livrer. Elle lui posa des questions qu’elle pensait justifiées en s’attendant à ce qu’il y réponde parce que ça lui tenait visiblement à coeur de pencher vers cette résolution, et évidemment qu’elle n’avait pas envie de le heurter en remettant ses intentions en doute, mais comment ne pas craindre qu’il puisse voir en sa proposition une façon détournée de servir ses intérêts ? Elle n’était pas une spécialiste Evie, loin de là, mais elle côtoyait un addict depuis plusieurs mois désormais, elle avait compris que l’irrationalité du besoin compulsif de consommer menait à prendre des décisions qui n’avaient rien de désintéressées. Alors, elle était désolée de soulever un point qui semblait le déranger, sincèrement elle l’était, mais elle voulait une réponse, et pas un un froncement de sourcils mécontenté "Je veux une réponse, Rhett." lui fit-elle sans répondre à sa question, le regardant s’agiter de l’autre côté de la table. Elle ne le lâcha pas des yeux, attendant qu’il lui confirme qu’il ne la prenait pas pour une planque, et c’était tout ce qu’elle voulait entendre. Tout de suite, Evie ajouta "Je ne compte pas en faire la collection une fois que tu me les confieras tu sais. Bien sûr que je m’en débarrasserai, c’est pas vraiment ça le sujet." Et la façon dont elle prononça sa phrase, elle était la preuve irréfutable qu’elle acceptait de prendre part à son plan — sans plus rechigner que ça, encore qu’elle avait des choses à lui dire.

Elle se redressa "Je comprends l’idée. Sur le papier, ça m’a l’air pas si pire, c’est vrai. Mais ça fait des mois." Des mois qu’il essayait, des mois qu’il, s’il ne promettait jamais rien, traînait les pieds pour se prendre en mains et avancer. Elle prit une inspiration, détournant les yeux pour continuer sur sa lancée "J’ai toujours été de ton côté, pas une seule seconde j’ai hésité à me placer dans ton camp parce que je suis certaine que tu peux y arriver. Mais je suis fatiguée moi aussi, est-ce que tu t’en es seulement aperçu depuis que tu es rentré ?" lui demanda-t-elle sans s’attendre à ce qu’il ne lui réponde vraiment, retournant ses yeux dans sa direction pour compléter en secouant imperceptiblement la tête "Ne me reproche pas d’émettre des doutes pour la première fois, pas quand on t’as offert toute l’aide dont tu avais besoin sur un plateau." Sa cure en Suisse n’avait servi à rien, qu’est-ce qui lui disait que sa méthode serait la bonne ? Il lui répondrait sûrement qu’il fallait tout tenter, que c’était sa dernière carte. Mais d’après Ruben, d’après Hassan, sa cure était déjà sa dernière carte. Marquant une pause silencieuse pour affronter ses yeux, la tête inclinée sur le côté, elle consentit à se remettre à respirer.
Elle tenait tout de même à ce qu'il sache que, malgré le fait évident qu’elle acceptait le rôle qu’il lui demandait de tenir, elle ne voulait pas qu’il la rende responsable de quoi que ce soit si ça ne tournait pas comme il l’entendait. Craignant les reproches, se souvenait trop bien de ceux qu’il lui avait fait avant qu’il ne parte, elle osa lui poser une condition "Promets-moi quelque chose, d’accord ? Que peu importe combien tu me détesteras de refuser de t’en donner, tu ne me diras plus jamais ce que tu m’as dit avant que tu partes pour la Suisse." C’était peut-être trop lui en demander. Tant pis. Au moins, ils seraient à égalité. Laissant de nouveau le silence s’installer, elle finit par se pencher sur la table pour tendre les mains dans sa direction dans l’espoir qu’il les prenne dans les siennes pendant qu’elle reprenait "Je veux t’aider. C’est tout ce que je veux depuis des mois. Alors j’accepte."

"Je veux une réponse, Rhett."
“Non. La réponse est non.”

Il pensait que c’était évident au point où il ne lui était pas nécessaire de le statuer de façon aussi binaire, mais puisqu’elle semble avoir besoin de l’entendre alors il ne fait pas durer le suspens davantage de temps: non, il ne lui propose pas cette idée parce qu’il pense qu’elle serait plus que quiconque capable de lui restituer les cachets si jamais il lui en faisait la demande. Son plan n’inclut justement pas de lui en faire la demande, à aucun moment, et il compte se battre contre ça. Finalement, Evie reprend la parole et elle parle au futur, indice qu’il note alors qu’il se contente d’hocher gravement la tête. Elle avait besoin d’être rassurée, mais elle accepte tout de même le plan, et il en est grandement soulagé parce qu’il n’avançait pas avec la certitude qu’elle lui faisait encore assez confiance pour écouter ses idées excentriques et, surtout, les appuyer.

Pourtant, et comme il s’en doutait déjà lui-même, tout ne peut pas être aussi simple. Elle ne peut pas dire “oui” pour qu’ils profitent ensuite sans le moindre souci de leur repas autant que du reste de leur soirée, comme s’il n’existait pas une bonne dizaines d’éléphants dans la pièce. Au moins. “Oui, j’en ai conscience.” La situation est pesante pour elle aussi, non seulement en ce qui concerne la consommation de Rhett, mais aussi pour elle tout court. Sa famille, son agression, sa carrière. Rien ne va plus vraiment, en réalité, et elle n’avait certainement pas besoin qu’il vienne ajouter ses propres problèmes au marasme actuel. Pour autant, il n’a pas su faire autrement et il le jure: s’il avait pu la protéger et la tenir éloignée de l'œil du cyclone, il l’aurait fait. Il avait toute l’aide du monde sur un plateau, les meilleurs professionnels, les proches les plus attentifs qui soient, et pourtant cela ne suffisait pas. “Je te reproche pas de douter. J’aurais foutu le camp y’a longtemps à ta place.” Alors il ne lui reproche rien, non, et bien au contraire. Il admire sa force de caractère et l’immense bout de femme qu’elle est, parce qu’il ne pourrait pas en représenter un quart.

"Promets-moi quelque chose, d’accord ? Que peu importe combien tu me détesteras de refuser de t’en donner, tu ne me diras plus jamais ce que tu m’as dit avant que tu partes pour la Suisse." - “Que je t’aime ?” Il rétorque avec un sourire amusé, son visage légèrement penché vers l’avant pour qu’il ait à relever les yeux pour rencontrer ceux d’Evelyn. Il n’est pas fier de sa répartie, mais il n’aurait pas été lui-même s’il n’avait pas tenté de désamorcer la bombe à sa façon. La vérité, c’est qu’il ne sait pas vraiment ce qu’elle cherche à ce qu’il lui promette. Il a dit beaucoup de conneries ce soir-là, c’est un fait, mais aucune qui ne l’ait marqué plus que d’autres. Il a été injuste quant à sa contraception et l’admet sans le moindre mal, mais il doute que cela continue de trotter dans l’esprit d’Evelyn depuis tout ce temps. Il se mord l’intérieur de la lèvre avant de reprendre la parole, à peu près sûr de viser à côté de la plaque. “Que je veux pas d’enfants ?” Il fronce les sourcils, peu convaincu lui-même de son idée. “Ou si c’est la partie qui sous-entendait que tu pourrais aller voir ailleurs, c’est promis, je comptais pas en parler à nouveau.” Il n’en sait rien mais il essaie, il remue tous les couteaux à la fois dans toutes les plaies possibles et inimaginables, et c’est là la Méthode Hartfield pour tenter de venir à bout d’un problème: le clore pour mieux en ouvrir dix autres à côté. Au fond, il tente de lui faire comprendre qu’il a parfaitement confiance en elle et en leur capacité à surmonter cette épreuve sans impliquer un tierce parti, mais ce n’est sans doute pas la première pensée qui vient à l’esprit après l’écoute de ses paroles.

"Je veux t’aider. C’est tout ce que je veux depuis des mois. Alors j’accepte." Avec un sérieux retrouvé, il hoche donc la tête. Le serveur arrive (enfin ?) pour leur demander leur choix de menu, ce qui laisse Rhett devoir se débrouiller pour articuler un merci du bout des lèvres, avant de commander leur repas comme si de rien n’était, et comme s’ils en avaient réellement quoi que ce soit à faire. Une fois ce dernier reparti aussi vite qu’il est arrivé, l’australien reprend avec la conviction d’avoir appris de ses erreurs. “Comment ça se passe pour toi ? Outre ta sœur, je veux dire.” Son travail, le reste de sa famille, sa cousine. Le monde continue de tourner sans lui, il essaie simplement de savoir dans quelle mesure.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

L’entendre lui assurer qu’il n’avait pas eu l’idée de cette proposition seulement parce qu’il la croyait capable de répondre à sa requête s’il venait à la supplier de lui céder ses cachets, ça rassura Evelyn qui avait de toute façon déjà pris sa décision. En plus de toutes les choses que Rhett était incapable de faire en tant qu’homme constitué comme il l’était, trop fier et trop pudique pour oser revendiquer son statut d’humain avant toute chose, cesser de parler en non-dits en était l’une d’elle. Aussi, lui tirer les vers du nez, si c’était un peu maladroitement fait, ça lui semblait plus correct pour continuer d’avancer dans la bonne direction. Au moins c’était clair, et elle avait sa parole qu’elle n’hésiterait pas à utiliser pour lui rappeler à quoi il s’engageait.
Elle n’était pas sa solution puisqu’elle était la plus facile à convaincre, et c’était une bonne chose ; comme c’était une bonne chose qu’il admette qu’à sa place, il aurait déjà tourné les talons depuis longtemps déjà. Evie le regarda pendant une bonne minute sans flancher suite à ce qu’il lui dit là, et bien que sa réflexion à venir lui semblerait dure à entendre, elle était pourtant tout aussi nécessaire à soulever pour lui faire réaliser à quel point elle tenait à lui "Vraiment ? Alors garde ça en tête et tires-en les bonnes conclusions. Je te l’ai déjà dit, je ne suis pas parfaite, mais je tiens à toi." À défaut d’avoir la solution miracle à son problème, elle essayait de se montrer ouverte et tolérante, il avait tendance à ne pas le voir parce que ça lui paraissait sans doute naturel. Sauf que ça ne l’était pas, elle s’oubliait dans tout ça, au point de se dispenser de lui en vouloir lorsqu’il poussait le bouchon comme cette fois-là avant qu’il ne parte en Suisse.

Elle revenait sur le sujet étant donné qu’elle y pensait souvent, à ce moment où elle avait découvert une facette du jeune homme qui ne lui plaisait pas. Les sous-entendus découlant de sa soudaine prise de paroles à propos de son absence d’envie d’avoir des enfants, elles avaient été assez misogynes pour que ça la marque profondément. Le moment était probablement mal choisi pour qu’elle revienne sur la question, mais c’est ce qu’elle décida de faire malgré tout, se disant que de toute façon, ils étaient déjà en pause, et que si des paroles malheureuses revenaient à être prononcées, elle saurait qu’elle constat à apporter à leur histoire : ce serait une fin, rien de moins.
Elle arqua un sourcil en l’entendant devenir malicieux, et si elle refoula un sourire, elle tacha de garder son sérieux pour lui dire avec tout autant diligence, bien que sa voix était pleine du sourire qu’elle refusait de laisser fendre son visage "C’est sérieux, Rhett." Surjouant légèrement le froncement de ses sourcils, le durcissant avec peine, elle rencontra de nouveau ses yeux un instant tandis qu’il continuait à dérouler les grandes lignes des reproches qu’il avait fait pleuvoir sur elle à l’époque "Non, pas que tu ne veux pas d’enfants. Ça aussi je te l’ai dit : moi non plus ce n’est pas dans mes projets d’en avoir. C’est le reste de ce que tu m’as dit." Qu’il souleva en le résumant assez fidèlement, faisant hocher la tête de la jeune femme, bien qu’elle se sentit obligée d’ajouter au milieu en même temps "Ça et l’idée que tu me penses capable de te piéger pour te faire un enfant dans le dos. Que tu puisses remettre ma fidélité en doute, c’est ton problème, je sais quel genre de femme je suis et je n’ai rien à te prouver à ce sujet." Elle n’était pas du genre à aller voir ailleurs, c’était une évidence que ceux qui la connaissaient bien n’avaient même pas besoin de remettre en question "Mais que tu me crois assez tordue pour t’imposer ce genre de plan, c’est quelque chose qui n’aurait jamais dû te traverser l’esprit." Il ne lui restait plus qu’à promettre de ne plus jamais le redire, comme elle le lui avait demandé.

Au final, elle n’attendit pas qu’il le fasse vraiment, levant la douce sentence qui était la sienne lorsqu’elle lui dit qu’elle acceptait son offre ; pour se voir questionner l’instant d’après, et remettre en perspective la notion de pause qui flottait entre eux. Evie eut un léger rire, sa tête se baissant pour masquer son sourire "Je ne suis pas certaine que je devrais rester." Un serveur s’approchait de leur table, et l’idée était tentante d’un côté, de rester dîner, de passer un moment un peu plus léger avec lui, mais elle savait aussi comment ça se terminerait. Ça lui fit ajouter en même temps qu’elle relevait la tête pour, la voix basse, chuchotant presque, ajouter à l’adresse de Rhett "On fait une pause. Je ne crois pas qu’on soit supposés dîner ensemble et partager des moments." Si ? Qu’en savait-elle dans le fond, elle ne s’était jamais retrouvé dans ce cas de figure : quand c’était terminé avec quelqu’un qu’elle côtoyait, ça l’était pour de bon. D’ordinaire.

"C’est sérieux, Rhett." C’est bien ça le problème, oui. Il n’aime pas les situations sérieuses, il n’aime pas jouer à l’adulte, il n’aime pas parler comme tel non plus. Plus que tout, il n’aime pas savoir que cette discussion pourrait remettre en jeu l’idée même qu’ils soient en pause, pour que cela devienne plutôt une rupture pure et simple. Il n’a aucune envie que ça en vienne jusque là, ne semblent lui faire mentir son inaptitude à marcher sur des œufs. "Non, pas que tu ne veux pas d’enfants. Ça aussi je te l’ai dit : moi non plus ce n’est pas dans mes projets d’en avoir. C’est le reste de ce que tu m’as dit." Il sait, il sait. Ils sont d’accord sur le sujet et pourtant c’est devenu un point de tension, sans qu’aucun n’arrive à comprendre pourquoi ni comment (quoique le comment, ils le savent bien, en réalité). Son maigre sourire finit de s’estomper lorsqu’il aborde les autres sujets évoqués lors de leur dispute pré-Suisse. "Ça et l’idée que tu me penses capable de te piéger pour te faire un enfant dans le dos. Que tu puisses remettre ma fidélité en doute, c’est ton problème, je sais quel genre de femme je suis et je n’ai rien à te prouver à ce sujet." Il pensait que le sujet était clos mais, de toute évidence, il lui a fait un peu trop mal pour qu’elle puisse passer l’éponge sur ces mots aussi rapidement que Rhett l’a fait. Pour lui, ce n’était pas si grave. Pour elle, tout a toujours été différent, et il peut aisément le comprendre. “Je ne remets pas ta fidélité en doute. J’étais en colère et à cran, j’ai attaqué là où je savais que ça allait faire mal.” Et il est toujours en colère et à cran aujourd’hui, plus que jamais même, mais il sait au moins reconnaître ses anciennes erreurs: sans doute pour préparer le terrain pour de nouvelles erreurs ensuite. "Mais que tu me crois assez tordue pour t’imposer ce genre de plan, c’est quelque chose qui n’aurait jamais dû te traverser l’esprit." Il sait, oui. Il sait qu’elle a parfaitement raison, tout comme les reproches qu’elle lui tient aujourd’hui ne sont qu’une question supplémentaire à ses yeux désormais, à savoir comment est-ce qu’elle a assez pu lui pardonner pour accepter de rester à ses côtés malgré les nombreux inconvénients et désenchantements. “Je sais. Et je suis désolé.” Rhett a assez grandi pour savoir que des excuses ne peuvent pas tout rattraper, mais il a aussi appris qu’elles sont parfois bonnes à dire, et surtout à entendre. Il est désolé et il le pense, ce ne sont pas des mots qu’il prononce par simple envie d’en finir avec cette discussion. Simplement, il ne peut pas revenir en arrière.

Mais il essaie de passer à autre chose et montrer sa bonne volonté en s’inquiétant de sa personne, de sa vie, de son quotidien. Autant de choses qu’Evelyn n’entend pas de cette oreille, donc, et qui a tout pour le déstabiliser. "Je ne suis pas certaine que je devrais rester." Il fronce les sourcils, incapable de comprendre ce qu’il a cette fois-ci pu dire de travers pour qu’elle change d’avis. "On fait une pause. Je ne crois pas qu’on soit supposés dîner ensemble et partager des moments." Mollement, tristement, il hoche la tête. Elle pose une question mais semble avoir déjà la réponse dans son esprit. Rhett aurait voulu donner un avis différent, mais il doute avoir la force de se battre pour deux en cet instant. Si elle préfère passer sa soirée autrement, il ne veut pas la retenir. Pas après tout ce qu’il lui a déjà imposé. “D’accord.” Il ne donne pas son avis et se contente simplement d’accepter le sien. “Je te retiens pas, je vais juste aller payer les consommations.” Les siennes, du moins. Le seul verre qu’il a pris en attendant qu’elle arrive, une connerie de soda qui ne lui donnait même pas envie. “Tu veux que je t’appelle un taxi ? Je vais rentrer à pied.” Là non plus, il ne l’importunera pas le temps du trajet. Il cherche simplement à ce qu’elle soit en sécurité, rien de plus.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Se voir reprocher sa fidélité, c’était douloureux parce qu’elle avait trop souvent été défini comme la putain dans la presse pour que ça ne la touche pas quand quelqu’un qu’elle aimait en vienne au même genre de bassesse. Elle ne l’expliquerait pas en large et en travers à Rhett, elle savait que dans son monde, il ne voyait pas les choses comme elle les voyait, et ça faisait sans doute partie des choses qu’elle aimait chez lui. Mais elle ne voulait pas non plus se heurter à sa vision machiste des choses, alors elle le laissa se défendre de son choix d’attaque en le regardant sans rien dire de plus, accusant le coup de ses excuses par un unique signe de tête qui pouvait dire tout et son contraire, pas sûre au final que revenir sur le sujet pour l’heure soit une bonne idée quand il planait une rupture au-dessus de leur tête. Ils devraient peut-être s’y résoudre, c’est une idée qui lui traversa brièvement l’esprit, mais brièvement seulement, et déjà elle reprenait le sens de la conversation et de la raison qui était la sienne, du moins quand elle pouvait la contrôler, autrement elle se rendait de plus en plus compte que lorsque Rhett était concerné, elle perdait bien souvent le sens de la réalité.

C’est ce qui la poussa à remettre en perspective cette pause qu’ils faisaient sans pour autant lui rappeler que lorsqu’ils s’étaient quittés sur le parking de l’hôpital, c’était lui qui en avait eu l’idée, qui avait aussi souligné que s’ils s’envoyaient des sms après ça, il ne tacherait pas d’en faire des conversations. Ça valait pour les dîners de ce genre, n’est-ce pas ? Elle était venue parce qu’il lui avait dit avoir eu l’idée d’un plan sur le long terme, maintenant qu’il lui avait été exposé, elle n’avait plus de raisons de rester ; si ce n’était pour partager un moment avec lui, chose qui ne leur était pas vraiment autorisé en cette période de jachère dans le champ misérable qu’était devenu leur relation. A un autre moment, Evie aurait sans doute revu son jugement, elle aurait prétendu que c’était à eux de fixer les règles de cette pause qu’ils voulaient maintenir et elle aurait commandé un dessert pour commencer son repas, comme elle le faisait depuis qu’elle était gamine, mais elle ne voulait pas être celle qui détruisait les besoins de distance de celui qu’elle avait en face de lui. C’était comme ça qu’elle avait pris sa proposition de marquer un temps de repos, et puisqu’elle le connaissait assez pour savoir que lui aussi, perdait bien souvent le sens primaire de ses décisions, elle se posait en adulte responsable pour garder une ligne de conduite qu’il lui avait dit vouloir tenir, rien de plus : elle ne voulait pas lui faire du mal en repoussant son invitation, elle ne voulait pas qu’il se sente rejeté non plus, elle voulait juste qu’ils prennent tous les deux le temps de méditer un peu sur toute cette histoire, et avancer ensemble s’ils s’en sentaient encore capables. Pour l’instant, c’était un peu difficile, et si face à la réaction de Rhett, elle sentit son coeur se serrer, Evie ne flancha pas pour autant.

Au contraire, elle commença à se lever doucement de sa chaise pour esquisser un départ, avant de contourner la table pour rejoindre le coin opposé à sa place, s’approchant de fait de Rhett sur qui elle se pencha pour lui donner un baiser sur le front et une caresse sur la joue "Je vais appeler Avery, merci." Et c’était si poli, c’était si impersonnel aussi, qu’elle se sentit honteuse de terminer une conversation pareille de cette façon là. Mais il fallait voir la vérité en face : à s’obstiner pour sauver ce qu’il restait de leur relation, ils finiraient par se détester, et ce n’était pas ce qu’Evelyn voulait ressentir pour Rhett en qui elle continuait de croire en dépit des derniers événements. Elle avait envie de rester, elle avait envie d’essayer, mais elle n’avait pas envie de se forcer à le voir comme sa préférence quand il lui avait donné tant de raison de s’en aller. Elle choisissait de le faire ce soir parce que c’était lui qui avait semé l’idée d’une respiration, et au plus les heures passaient, au plus elle se disait que ce n’était pas la pire des idées qu’il avait eu depuis qu’ils se fréquentaient. Alors probablement que ça égratignait un peu son ego de la voir tourner les talons maintenant, probablement qu’il se morfondrait de ne pas avoir réussi à la convaincre de rester pour ce soir, probablement qu’il regretterait de ne pas avoir su manier les apparences assez bien pour qu’ils oublient un temps au moins ce qui s’était passé avec Nell, mais c’était pour leur bien. Après un sourire, et un dernier effleurement de la bosse de son index contre la pommette du jeune homme, Evie baissa les yeux, marqua un temps d'hésitation assez visible pour que Rhett comprenne qu’elle ne le faisait pas de gaieté de coeur, et quitta le restaurant.

rp terminé.