Il aurait été plus difficile pour elle de contacter et demander service à August et Flora parce qu’ils étaient bien plus impliqués dans le mariage. August, évidemment, en principal intéressé, abandonné lâchement le jour J et ayant encore bien du mal, elle l’imaginait, à pardonner Yara et à ne pas associer tout son entourage à son sms. Flora, sûrement bien plus orientée vers la famille et de qui Ava n’était pas particulièrement proche. Au final, les Constantine étaient des connaissances plus que des amis, Ava se contentant de les apprécier parce qu’il lui était inconcevable de ne pas aimer quiconque, encore moins lorsqu’il s’agissait de la belle famille de sa meilleure amie. Pourtant, ce mariage avorté avait laissé un goût amer dans la bouche de chacun et c’était avec une certaine appréhension tout de même que la blonde avait repris contact avec Ambrose. Elle était parfois naïve, mais suffisamment intelligente pour prendre les bonnes décisions lorsqu’il s’agissait de son entreprise alors elle avait tout naturellement joué sur la corde sensible du cadet des Constantine : l’ambition. C’était un garçon encore jeune et pour cela aussi il lui avait été plus facile de se tourner vers lui, leurs dix années d’écart la mettant elle en position de force. C’était du moins l’idée qu’Ava se faisait dans la tête pour se rassurer, Ambrose n’étant pas du genre à se laisser impressionner par quiconque. Pourtant, malgré les rancœurs, malgré un emploi du temps chargé, il avait répondu présent et le voir pointer le bout de son nez au gîte était une première victoire. « Merci d’être venu. Yara n’est pas là… » Leurs regards s’étaient croisés et l’action avait suffi à lui montrer qu’il n’était pas la peine de l’évoquer, que le sujet n’était pas celui-ci et que le musicien s’était déplacé dans un but bien précis. Ils avaient discuté quelques fois à l’époque et Ava connaissait son talent et son ambition, celle-là même qui l’avait mené jusque là. « Voilà l’endroit… je comprends ça ne fait pas rêver comme lieu de représentation mais je t’assure que d’ici cet hiver, ça aura une toute autre tête. » En bonne cheffe d’entreprise, Ava se montrait confiante même si le travail qui restait à faire était conséquent. La blonde était restée évasive quant à sa demande, laissant simplement Ambrose comprendre qu’elle avait besoin d’aide et qu’ils pourraient se rendre service mutuellement. « Tu penses que ton groupe accepterait de jouer ici, à l’ouverture ?  » La question lui avait brûlé les lèvres trop longtemps pour qu’elle mette plus de temps à la poser et le garçon avait une vie bien trop occupée pour perdre du temps inutilement. Ava connaissait The Leftovers, appréciait leur musique et le fait de connaître l’un des membres apparaissait comme la manière idéale de faire assez de bruit lors de l’ouverture du gîte en les faisant jouer pour l’événement.

« Merci d’être venu. Yara n’est pas là… » Tant mieux. Il n’aurait pas surréagi, il n’aurait sûrement rien dit de plus non plus, mais l’absence de Yara est un soulagement bien plus que quoi que ce soit d’autre. Ce n’est pas lui qu’elle a plaqué le jour du mariage, mais pour autant il ne peut faire autre chose que prendre la défense de son frère d’une certaine manière, même s’il serait le premier à souligner qu’August a évidemment ses torts. Mais peu importe, puisqu’il n’a pas fait le chemin pour parler de l’un ou l’autre des époux ratés: ils l’ont sans doute tous déjà bien assez fait au cours des derniers mois écoulés. Plutôt que de dire quoi que ce soit qui pourrait et serait mal interprété, Ambrose se contente plutôt de hocher la tête, pour simplement lui prouver qu’il l’a entendu.

Ce soir, il n’est même pas présent pour parler de sa famille, ou même politique, ce qui a tour de particulier pour Ambrose. Sa vie prend un tournant différent dernièrement, et il ressent le besoin de quelque peu voler de ses propres ailes et de se sentir plus libre, ce qui l’a poussé à répondre par la positive aux quelques messages envoyés par Ava, bien qu’elle n’ait pas expliqué outre mesure la raison de son invitation jusqu’ici. L’invitation est sortie de nulle part, il continue de le penser, mais il sait aussi qu’elle n’a rien d’une blague, surtout alors que la jeune femme lui présente désormais l’endroit. « Voilà l’endroit… je comprends ça ne fait pas rêver comme lieu de représentation mais je t’assure que d’ici cet hiver, ça aura une toute autre tête. » Il a un rire simple. Avoir grandi dans la demeure de Norman Weatherton l’a effectivement habitué à un certain standing, mais ce n’est pas pour autant qu’il exige des lustres dans toutes les pièces où il se rend et bien loin de là: ce monde n’est pas le sien, simplement celui de son oncle et père adoptif. “Tu as toute une chronologie en tête, pas vrai ?” Elle a l’air douce et sensible, elle a l’air de plier au moindre coup de vent aussi ; pour autant, Ambrose continue de penser qu’il n’en est rien et qu’elle cache une volonté de fer derrière un parfait petit visage d’ange qui ne laisse rien présager. Ava a des idées plein la tête, c’est évident.

« Tu penses que ton groupe accepterait de jouer ici, à l’ouverture ?  » Voilà donc ce qu’elle veut lui demander depuis tout ce temps. Ambrose se laisse le temps de la réflexion alors qu’il enfonce ses mains dans ses poches et laisse son regard se poser sur la blonde à ses côtés, durant de longues secondes. “Je suis dans un nouveau groupe, maintenant.” Il le précise, certain que l’information n’est pas arrivée jusqu’à sa connaissance. Il ne peut pas lui en vouloir, il n’a pas eu le temps de faire ses preuves face au grand public. “Mais… il est en hiatus, on va dire.” Parce que Cameron préfère sniffer de la poudre plutôt que de faire quoi que ce soit d’utile dans sa vie ; mais passons. “Je peux me débrouiller seul, ceci dit.” De toute façon, tout le monde n’a d’yeux que pour le chanteur dans les groupes de musique, non ? Cela tombe bien, c’est son domaine à lui, et c’est aussi la façon dont il pourra assumer toute une performance sans avoir besoin de ses partenaires de scène. Il peut faire ça pour Ava, mais il le fera surtout pour lui: voler de ses propres ailes, pour un soir au moins. “Quand ?” Mais la musique passera toujours après la politique, elle le sait, et la partie la plus difficile de l’histoire n’est pas d’obtenir son accord mais bien sa disponibilité.

Cela l’amusait presque de voir qu’elle était capable de déplacer des montagnes lorsqu’il s’agissait de donner vie à quelque chose en quoi elle croyait vraiment. Ava était convaincue que si ses parents étaient encore là pour la voir, ils seraient fiers, et sa fierté se mélangeait à une pointe de regret de ne pas avoir trouvé la recette pour les satisfaire avant qu’ils ne quittent ce monde. “Tu as toute une chronologie en tête, pas vrai ?” L’entendre parler pour la première fois depuis tous ces mois l’avait soulagée. « En théorie, j’essaye. Dans la pratique, on verra. » Son sourire se voulait rassurant mais son regard exprimait la pointe d’inquiétude qui perçait dès qu’elle parlait de ce projet et surtout de la date à laquelle il devait éclore. Ambrose n’avait rien d’un ennemi parce que, comme elle, il savait faire la part des choses, mais sa naïveté s’était aujourd’hui mise de côté pour laisser place à ce qu’il fallait de prudence - au cas où.   “Je suis dans un nouveau groupe, maintenant.”  « Oh. » avait-elle d’abord répondu, son visage exprimant qu’elle n’avait pas réalisé qu’un temps aussi long était passé depuis leur dernière discussion. C’était assez facile de s’en souvenir puisque celle-ci avait eu lieu avant le fameux message mettant fin à l’histoire d’amour de son grand frère. « J’aurais peut-être dû commencer par là avant de t’inviter, alors. Mais j’imagine que ce nouveau groupe est tout aussi bon que The Leftovers. » Ava s’inquiétait maintenant d’avoir évoqué le bon nom, très peu encline à apparaître comme une sombre idiote face à lui. Devant l’absence de correction, elle s’était détendue, se rappelant que dans le pire des cas, c’était un refus qu’elle obtiendrait et non pas une rancœur éternelle, celle-ci, il la réservait à Yara. “Mais… il est en hiatus, on va dire.” avait-il enfin précisé quand la blonde lui en avait laissé l’occasion. Si seulement Ava n'avait pas la fâcheuse habitude de parler sans réfléchir, cela lui aurait évité d'encore une fois prendre la mauvaise direction. “Je peux me débrouiller seul, ceci dit.” Elle n’en doutait pas parce que du groupe, elle devait avouer n’avoir retenu que sa chevelure noire, son look si travaillé et, surtout, sa voix. « Ca m'irait très bien aussi ! Excuse-moi, tout ça sort de nul part et je suis carrément à côté de la plaque. » Elle avait posé sa main sur son front et s’était mordue la lèvre en se tournant vers lui, prenant cet entretien bien trop au sérieux. Des musiciens prêts à jouer à un événement pour de l’argent, il y en aurait des tas, pourtant, être la meilleure amie de Yara lui permettait ici de faire d’une pierre deux coups. S’assurer la présence d’Ambrose dont elle avait toujours reconnu le talent et faire un pas vers les Constantine parce que l’idée d’avoir des ennemis sur cette planète la terrifiait. “Quand ?” Il allait droit au but, la coupant dans ses excuses dont il n’avait pas besoin. « Pour l’inauguration. Je cherchais des idées pour faire connaître l’endroit avant l’ouverture au public, je me suis souvenue que j’avais adoré une de vos prestations et j’ai trouvé ton nom dans mon répertoire… » L’endroit n’avait pas pour simple vocation d’héberger les visiteurs et d’être un simple lieu de tourisme. Elle voulait y voir des événements, des mariages - complets - et surtout, il était important pour elle que le quartier sache qu’elle proposerait des hébergements de secours. « En Août, idéalement ? » avait-elle terminé en réalisant qu’elle s’était encore une fois perdue dans des explications superflues et des gestes un peu trop nombreux pour le garçon composé et pressé qu’était Ambrose.

« En théorie, j’essaye. Dans la pratique, on verra. » Il garde son regard posé sur son profil durant une seconde supplémentaire, déjà bien trop occupé à tenter de sur-analyser la situation et surtout anticiper une suite qu’elle finira par lui parler dans peu de temps. Mais c’est plus fort que lui, et Ambrose a à coeur de tout contrôler, comme toujours. “Il n’y a pas de raison que la pratique ne ressemble pas à la théorie.” Si elle a assez travaillé son projet, du moins. Sinon, en effet, cela risque d’être compliqué et le retour sur Terre difficile après avoir rêvé de chimères impossibles. C’est justement en continuant le sujet de chimères qu’Ambrose lui informe ne plus être à la tête des Leftovers et de plutôt l’avoir troqué pour un autre groupe de musique, il y a de ça quelques mois à peine. « J’aurais peut-être dû commencer par là avant de t’inviter, alors. Mais j’imagine que ce nouveau groupe est tout aussi bon que The Leftovers. » Malheureusement, les Sand Witches sont bien meilleurs que son groupe n’aurait jamais pu le devenir, mais ils sont aussi infiniment plus problématiques et cela n’est en rien pour arranger Ambrose. Sa carrière musicale est toujours passée au second plan, il refuse qu’elle puisse aussi mettre à mal sa carrière politique au passage. “Ils sont très doués, évidemment.” Evidemment, sinon jamais Ambrose n’aurait perdu de son précieux temps à les rejoindre: il ne fait pas dans la médiocrité, peu importe le sujet ou le domaine. Cependant, et puisqu’ils parlent de possiblement se produire, Ambrose lui doit aussi une certaine vérité: les Sand Witches ne se produisent pas, pour le moment, et il y a fort à parier qu’ils ne remontent pas sur scène de sitôt non plus. Lui, cependant, n’aurait aucun mal à le faire. « Ca m'irait très bien aussi ! Excuse-moi, tout ça sort de nul part et je suis carrément à côté de la plaque. » - “Non, t’en fais pas. Faut bien commencer quelque part.” A ses yeux, elle a toujours eu le don de s’excuser pour tout et son contraire ce qui, évidemment, n’est en rien une qualité aux yeux du Constantine. Il tente pourtant de faire au mieux en lui rappelant qu’une proposition doit bien débuter quelque part et qu’il ne trouve pas la sienne déplacée, comme elle semble le penser.

Et si elle se confond en excuses de son côté, il tente au contraire d’être pragmatique et surtout utile: qui dit soirée dit date, et son emploi du temps est bien assez chargé pour qu’il ait besoin de lui demander une précision temporelle dès maintenant. « Pour l’inauguration. Je cherchais des idées pour faire connaître l’endroit avant l’ouverture au public, je me suis souvenue que j’avais adoré une de vos prestations et j’ai trouvé ton nom dans mon répertoire… » Le cadet a un rire nerveux. Elle a peut-être un plan en tête, il ne le remet pas en question, mais elle n’a certainement pas révisé son discours de proposition. S’il grossit à peine le trait, il en pense qu’elle lui propose cette prestation uniquement parce qu’elle l’avait dans son répertoire et qu’il était, de fait, bien pratique. « En Août, idéalement ? » - “Je vais avoir besoin d’une date précise. Pour la bloquer dans mon emploi du temps.” Que ce soit août, septembre, ou n’importe quel mois de l’année, le problème reste le même: il est toujours incroyablement occupé et il a besoin de le savoir en avance s’il doit se libérer une soirée pour ce qui n’est rien d’autre qu’un hobby. “Et dis pas “le seul chanteur dont j’avais le numéro dans mon téléphone” quand ça sera le moment de me présenter, ça fait pas vraiment bon genre.” Il le lui annonce avec un sourire autant qu’un regard en coin, incapable de ne pas souligner la maladresse éternellement inhérente à Ava. “Tu comptes faire quoi de l’endroit ?” Cela importe, parce que cela désignera aussi le genre de foule qui assistera à la soirée d’ouverture.

La discussion n’était pas de celles qu’Ava placerait dans la catégorie des moments agréables et des choses faciles à faire. Ils avaient un passé commun, des personnes à qui ils étaient plus ou moins liés et qui avaient causé du tort mais ce n’était finalement pas la réelle raison de ce peu d’assurance de la blonde. Ambrose était son extrême opposé, calme, précis et extrêmement concentré sur ses priorités. Ava, elle, avait tendance à s’enthousiasmer pour un rien jusqu’à parfois en perdre le cap et le ton monotone du garçon participait à la recadrer. “Il n’y a pas de raison que la pratique ne ressemble pas à la théorie.” D’après ses calculs et ce qu’elle savait de lui, le garçon n’avait même pas encore un quart de siècle mais possédait déjà la maturité des plus grands de ce monde, l’écouter ainsi la raisonner la faisait sourire. Ava n’avait pas eu à réfléchir bien longtemps sur ce qui plairait et pourrait amener du public à se déplacer dans un gîte sans vouloir y louer une chambre, elle savait que la musique avait toujours ce don de réunir les gens. “Ils sont très doués, évidemment.”  Évidemment. Car Ambrose Constantine ne semblait pas être le genre de garçon à s’encombrer de personnes qui seraient un frein dans sa vie plutôt qu’un moteur et la mise en perspective de sa propre demande face à cette affirmation lui redonnait envie de lui prouver qu’elle savait ce qu’elle faisait. Au final, il deviendrait presque un défi, si elle réussissait à le convaincre alors peut-être que tout suivrait avec aisance. “Non, t’en fais pas. Faut bien commencer quelque part.” Haussement d’épaule, encore une fois, Ava, qui n’avait peut-être pas eu l’occasion de mûrir comme d’autres, prenait une leçon du jeune homme. « Parfait, alors. Que ce soit en groupe ou en solo, ce sera le même style de musique, j’imagine ? » Loin d’elle l’idée de s’aventurer dans les éternels clichés, Ava s’inquiétait simplement de rester sur les mêmes accords entendus à l’époque.

“Je vais avoir besoin d’une date précise. Pour la bloquer dans mon emploi du temps.” La précision n’était pas son fort ces temps-ci et il suffisait de jeter un œil à sa to-do list qui s’allongeait plus qu’elle ne rétrécissait. « Si cela dépend de ton agenda alors donne moi des dates autour du vingt août et ta date sera la mienne. Un samedi, de préférence. » Un tour de passe passe qui ne le dûperait pas, elle commençait à le comprendre, mais l’idée d’une date fixée dans le temps était ce qu’il lui manquait pour terminer de concrétiser un rêve d’enfant. “Et dis pas “le seul chanteur dont j’avais le numéro dans mon téléphone” quand ça sera le moment de me présenter, ça fait pas vraiment bon genre.” Les coins de ses lèvres s’étaient baissés en une moue désolée, signalant qu’elle n’était pas la meilleure pour maîtriser les mots. « Toujours voir le côté positif, Ambrose. J’ai dit que j’avais adoré vos prestations, le fait d’avoir ton numéro n’était qu’un coup de chance. » avait-elle dit avec un léger rire. « Je te présenterai comme tu me diras de le faire. » Parce qu’elle lui devrait une fière chandelle s’il acceptait.  “Tu comptes faire quoi de l’endroit ?” « Aaah… plein de choses, j’espère. » Son ambition à elle concernant son projet n’était absolument pas à remettre en cause, en témoignait ses yeux qui pétillaient en jaugeant son immense chantier qu’elle seule probablement savait déjà imaginer terminé. « Du tourisme, ça c’est évident. Mais tu vois cette chambre là-bas ? » avait-elle demandé en désignant un point sur leur droite, son débit de parole augmentant au fur et à mesure où l’excitation montait en elle. « Cette chambre sera réservé aux sans-abris. Je communiquerai là-dessus puis on verra comment ça s’organise, c’est encore un peu flou pour l’instant mais une fois les travaux bouclés je me tournerai vers des associations. » Les mains posées sur ses hanches, Ava avait retrouvé cette confiance perdue et ne s’apparentait plus à une enfant intimidée face à un musicien, simplement à une professionnelle exposant son projet à un futur associé et ce sentiment était galvanisant pour une jeune femme n’ayant jamais pu réellement prendre le temps de briller. « J’ai déjà pu proposer des contrats d’insertion pendant les travaux. » Son sourire fier s’était tourné vers Ambrose, qui, elle l’espérait, trouverait peut-être un peu plus de sens à tout cela maintenant qu’il en savait plus sur le côté caritatif de l’endroit.

« Parfait, alors. Que ce soit en groupe ou en solo, ce sera le même style de musique, j’imagine ? »
“Les invités entendront ce dont tu avais l’habitude avec The Leftovers, oui.”

Sa question passe par des biais détournés qui n’ont pas lieu d’être. Il a dit qu’il ferait la prestation en solo, et cela sera le cas, parce qu’il n’a aucune envie de partager l’affiche d’un tel moment avec un groupe qu’il estime ne pas mériter ; et qu’il n’est même pas certain qu’ils seraient capables d’être prêts à temps. Ou prêts un jour. « Si cela dépend de ton agenda alors donne moi des dates autour du vingt août et ta date sera la mienne. Un samedi, de préférence. » Il aura besoin d’une seule et unique date, parce qu’il ne peut pas se permettre de bloquer les samedi autour du 20 août comme si de rien n’était mais pour l’heure il s’en contentera, et reviendra à l’attaque d’ici quelques jours, ou quelques semaines si elle a de la chance. Elle a au moins le mérite de le prévenir avec assez d’avance pour que la date ne soit pas déjà bloquée, et c’est un miracle en soi. Il hoche la tête avec gravité, accepte l’idée, passe à autre chose.

« Toujours voir le côté positif, Ambrose. J’ai dit que j’avais adoré vos prestations, le fait d’avoir ton numéro n’était qu’un coup de chance. » Il n’est pas réellement convaincu par la réponse qu’elle lui apporte. Ce n’est pas qu’il voit le verre à moitié vide, ni même à moitié plein: il voit le verre tel qu’il est et il compose autour. Il y a du bon et du mauvais dans chaque chose. Il doit utiliser le bon, contrebalancer le mauvais, et toujours se débrouiller pour que les éléments tournent à son avantage. La politique fonctionne ainsi, et il n’en veut pas à Ava d’agir sans doute les connaissances en communication du monde. Preuve en est, il a à son égard un sourire en coin qui tend bien à prouver qu’il ne lui tient pas rigueur de quoi que ce soit. Il a rapidement appris à ne pas se vexer de si peu ; il ne peut pas se le permettre.

La date est presque réservée, ou tout du moins Ambrose a promis de répondre présent, tant que personne ne change les plans à la dernière minute. Cela lui permet au moins de s’attarder davantage sur le projet d’Ava en lui-même, autant parce qu’il est curieux et investi que parce qu’il ne veut pas participer à l’inauguration d’un endroit aux allures louches. « Du tourisme, ça c’est évident. Mais tu vois cette chambre là-bas ? » Son regard se pose sur cette chambre là-bas alors que le débit de paroles de la jeune femme reprend aussitôt. Elle lui parle de la chambre réservée aux sans-abris et elle enchaîne sur les contrats d’insertion, initiative qu’Ambrose ne peut que trouver louable. De toute évidence, ce sera pour lui une bonne publicité que de participer à l’inauguration d’un tel endroit. “Mon frère et moi, on est dans une association qui aide les sans-abris. Tu voudrais entrer en contact avec ?” Ce n’est pas à son niveau qu’il peut gérer l’association, et à dire vrai il n’en a ni le temps ni l’envie, mais il pense sincèrement que les locaux auraient à y gagner à avoir un lien avec Homeless Contact. Tout comme Homeless Contact serait aidé s’ils pouvaient offrir ne serait-ce une chambre à l’année, pour aider une ou deux personnes dans le besoin. Il y en aurait toujours énormément d’autres en attente, mais cela reste mieux que rien, comme toujours. “L’idée est louable, en tout cas. Elle t’est venue comment ?” Il aurait aimé l’avoir: la publicité aurait été grandiose. De toute évidence, cela ne pourrait pas arriver à l’Emerald Hotel, mais il est au moins heureux qu’Ava se dédie à cette cause dès l’ouverture de son gîte.

Son enthousiasme n’était pas celui qu’elle avait espéré pour la simple et bonne raison qu’il était pratiquement inexistant. Ce n’était pas étonnant que ce qu’elle avait anticipé ne se réalise pas alors qu’elle n’avait jamais eu l’occasion de réellement prendre le temps de connaître Ambrose. Il n’était que le petit frère de l’ex petit-ami de sa meilleure amie - et peut-être aurait-elle dû se répéter cela plusieurs fois avant de le contacter. “Les invités entendront ce dont tu avais l’habitude avec The Leftovers, oui.” Ava avait hoché la tête avec un léger sourire, elle se referait probablement cette conversation dans sa tête plusieurs fois pour comprendre où elle avait péché, elle aurait au moins le mérite d’avoir abouti à quelque chose. En parlant avec Ambrose, la propriétaire réalisait qu’il était important de revoir son discours et son plan marketing parce que le côté caritatif était contre toute attente le point qui semblait le plus motivant pour le chanteur. Elle avait expliqué, il avait écouté, et était arrivé à la conclusion qu’il pouvait une nouvelle fois l’aider. “Mon frère et moi, on est dans une association qui aide les sans-abris. Tu voudrais entrer en contact avec ?” Ava n’avait pas assez de liens avec les Constantine pour posséder cette information et cela rendait sa collaboration avec Ambrose encore plus intéressante. Elle ne savait pas s’il parlait ici d’August ou de Malone, mais ce n’était pas le point le plus important de la demande. « Tu parles sûrement d’Homeless connect ? J’y avais pas pensé, mais oui, évidemment, comment ça fonctionne ? » Son côté bon samaritain l’avait forcémement menée à se renseigner sur comment utiliser son temps pour aider les autres après avoir regagné une certaine liberté. Pourtant, l’idée sur laquelle elle s’était arrêtée était bien trop prenante pour qu’elle n’ait eu le temps de s'impliquer ailleurs qu’au gîte et le fait qu’Ambrose vienne l’aider à lier sa vie professionnelle à une association caritative était bien plus que ce qu’elle ne pouvait espérer. “L’idée est louable, en tout cas. Elle t’est venue comment ?” Ava avait haussé les épaules, tout cela était probablement bien plus naturel pour elle que pour quiconque. « J’ai toujours aimé aider les gens et je crois que y’a rien que je déteste plus que d’en voir certains vivre à la rue. » Le simple fait d’évoquer la situation précaire de certaines personnes lui donnait des frissons parce qu’elle était bien consciente du fossé entre ces gens-là et certaines autres personnes dont la richesse donnait le vertige. « Le complexe est grand, ça ne me coûte rien de faire ça alors ça m’a paru logique en commençant les travaux… » A son niveau à elle, c’était la moindre des choses et un bien maigre geste parce qu’elle aurait aimé pouvoir faire plus.

Le jeune homme brosse simplement le terrain de l’association dans laquelle il donne un peu de son temps, parce qu’elle lui tient à cœur même s’il n’a pas le temps de s’y consacrer autant qu’il le voudrait. C’est important pour Malone, alors c’est aussi important pour lui, aussi simplement que cela. « Tu parles sûrement d’Homeless connect ? J’y avais pas pensé, mais oui, évidemment, comment ça fonctionne ? » - “Comme une association ? Qu’est-ce que tu veux que je te dise ?” La question le prend de court. Son rire est sincère bien que maladroit. Il n’est pas vexé par sa question, simplement il ne comprend pas ce qu’elle tente de lui demander, parce qu’à ses yeux il avait dressé un tableau simple de la situation: si elle veut entrer en contact avec, alors il lui aurait donné le numéro du gérant, ou il aurait parlé d’Ava à ce dernier. Et cela aurait été aussi simple que cela, surtout alors qu’elle semble connaître l’association puisqu’elle en donne le nom d’elle-même, précision qu’Ambrose avait jusque là gardée pour lui sans qu’il n’y ait de véritable raison à cela. Il décide de prendre les devants et fouille plutôt dans son téléphone à la recherche du numéro du président de l’association, qu’il lui partage rapidement sans lui demander son avis outre mesure. Libre à elle de le contacter ou non, maintenant.

« J’ai toujours aimé aider les gens et je crois que y’a rien que je déteste plus que d’en voir certains vivre à la rue. » Il hoche la tête, n’ayant aucun mal à comprendre l’idée qu’elle tente de lui partager. Ils sont sûrement tous égaux à ce niveau là. Simplement, peu décident d’agir, et encore moins le font à un tel niveau, se jugeant déjà être de bons samaritains s’ils laissent quelques pièces. « Le complexe est grand, ça ne me coûte rien de faire ça alors ça m’a paru logique en commençant les travaux… » Son idée est d’autant plus louable que tout le monde pensera qu’elle a un grand coeur. Participer à l’ouverture sera doublement intéressant pour Ambrose, tant sur le point musical qu’au niveau de sa carrière politique: il aura de fait le droit de vanter les mérites de l’endroit ainsi que sa contribution à la reconnaissance des lieux. Tout le monde aimera savoir qu’il aide les plus démunis, surtout alors que c’est une cause qu’il défend déjà au travers d’Homeless Connect. Il n’est pas opportuniste, mais il sait considérer ses chances lorsqu’elles se présentent à lui. Dans le cas présent, Greta lui en a préparé une sur un plateau d’argent. “Je te laisse me donner la date officielle d’ouverture dès que tu la connais, mais en attendant tu peux compter sur moi.” Il reprend le fil initial de la conversation, aussi simplement que cela. Il n’a beaucoup de temps à accorder à la jeune femme, après tout, et ils ne semblent pas avoir à se dire davantage de choses. “Mais ça me fera plaisir de jouer. Et dis moi si tu entres en contact avec l’association, aussi.” Il n’est qu’un maillon de la chaîne de l’association, alors à ce niveau là ce n’est que par pure curiosité qu’il lui pose la question.

“Comme une association ? Qu’est-ce que tu veux que je te dise ?” Ava avait secoué la tête parce que sa confiance en elle ne lui permettait pas de prétendre tenir tête à quiconque, surtout pas à Ambrose qui lui permettrait de faire un peu parler de son complexe. La blonde était ce genre de personne à douter de tout ce qu’elle pouvait affirmer dès lors qu’une remarque lui était faite en retour et même s’il s’agissait là d’une question des plus banales, comme une suite logique à leur conversation, elle s’était de nouveau légèrement renfermée. « T’as raison c’est idiot. Je me demandais juste s’il suffisait que je leur téléphone en disant que je propose un logement de secours, si fallait remplir des documents… » Au fur et à mesure de sa phrase, Ava sentait à nouveau le doute monter en elle alors elle avait trouvé le regard d’un Ambrose au sourire moqueur mais compatissant, seul son pied tapotant le sol trahissant son impatience. « Je les appelerai. » avait-elle confirmé avec un sourire. L’opportunité d’expliquer les raisons qui l’avaient menée à penser à cette chambre et à vouloir donner un sens à sa nouvelle activité lui avait permis de se ressaisir. Ambrose avait suivi son regard, contemplant les bâtiments encore en chantier tout en regrettant peut-être déjà d’avoir accepté, se rassurant probablement de voir qu’il participerait indirectement à un projet caritatif.

“Je te laisse me donner la date officielle d’ouverture dès que tu la connais, mais en attendant tu peux compter sur moi.” était-il venu confirmer, balayant d’un revers de la main toutes les inquiétudes qu’avait pu avoir Ava jusqu’alors. Cela avait été plus simple qu’elle ne l’imaginait, la détermination d’Ambrose prenant le dessus sur sa nonchalance, ses sourcils arqués quant à l’attitude d’Ava n’avaient finalement rien présagé de négatif. Le sourire lui était revenu. « Merci, Ambrose. » avait-elle simplement répondu, sur un ton bien plus calme et posé qu’elle ne l’était réellement. Elle le savait, sautiller en frappant dans les mains aurait pu avoir un effet négatif sur le musicien et lui donner envie de tourner les talons et de refuser cette collaboration un tantinet particulière. Elle s’était raisonnée tout en sachant qu’elle ne manquerait pas de jubiler dans la solitude de sa maison principale une fois qu’Ambrose serait parti. “Mais ça me fera plaisir de jouer. Et dis moi si tu entres en contact avec l’association, aussi.” « Je te tiendrais au courant, oui. » Pour la date d’ouverture qui, elle le savait, serait difficile à définir avant encore quelques semaines mais aussi pour sa future adhésion à l’association parce qu’il était évident que ce n’était pas une idée à laquelle elle renoncerait. « Je te dérange pas plus longtemps, j’avais cru comprendre que tu étais pressé… » Loin d’elle l’idée de le mettre dehors - ils n’avaient de toute façon pas pris le temps de rentrer à l’intérieur des locaux - mais le jeune homme avait été clair et précis quant à sa venue et Ava ne souhaitait pas qu’il parte en la trouvant insupportable en plus d’être dispersée.