| (NoKai) Your mom's ring in your pocket |
| | (#)Ven 21 Avr 2023 - 20:28 | |
| Your mom's ring in your pocketNoor avait promis d'être là pour soutenir Kai, et elle n'avait jamais été du genre à se défaire d'une promesse. Même quand elle était en colère, ou frustrée parce qu'elle avait l'impression qu'on se moquait d'elle. Peut-être parce qu'elle faisait un peu trop aveuglément confiance à ses meilleurs amis. Peut-être parce que voir Jiyeon sombrer alors qu'elle leur promettait que tout allait bien ne lui avoir rien appris. Alors elle avait quand même pris sa journée, et était venue au tribunal. Elle avait beau sentir le poids de son téléphone au fond de son sac. Celui sur lequel elle avait lu le mail regroupant toutes les pièces du dossier de plainte, et spécifiant notamment la situation maritale de Kai. Cette petite ligne qui avait quand même attiré son regard, parce qu'elle était sensée être vide. Le nom qu'elle y avait lu ne lui disait rien - mais était-ce vraiment une surprise ? Kai avait toujours été le plus secret d'eux tous, preuve en était que Noor était la seule à savoir pour le tribunal, et c'était uniquement parce qu'elle avait été là pour conseiller Kai depuis cet appel en pleine nuit, quelques mois plus tôt. Premier d'une longue liste de nuits écourtées par des cauchemars... Elle rejoignit l'avocat à grands pas, juste à temps pour entrer dans le tribunal. Avait-elle fait exprès d'arriver pile à l'heure ? Le regard inquisiteur de Kai sur elle lui laissait penser qu'elle n'était pas si transparente que ça. Et ça la déchirait, d'être là pour lui mais de ne pas réussir à être vraiment présente non plus. Le pire, c'était qu'elle ne savait pas quoi lui dire, et que lui ne devait même pas savoir qu'elle avait lu son secret, en noir sur blanc, dans les papiers officiels du tribunal. Elle serra les doigts, nerveusement, guère aidée par l'atmosphère pesante du tribunal. « Tu aurais dû me dire » finit-elle par lâcher dans un murmure. Un instant, elle crut que le brouhaha des gens prenant place avait caché ses mots, mais Kai se tourna vers elle. Ou peut-être qu'il n'avait rien entendu, et avait juste besoin de son soutien ? « Tu aurais dû me dire que tu étais marié. » Combien de fois avaient-ils plaisanté tous les deux sur le fait qu'ils se marieraient après un certain âge s'ils étaient tous les deux célibataires ? Ils avaient cette conversation depuis des années, depuis bien avant la date de ce mariage avec cette Mila Salvatori. code par drake.
Dernière édition par Noor Guerrero le Lun 24 Avr 2023 - 9:31, édité 1 fois |
| | | | (#)Lun 24 Avr 2023 - 3:42 | |
| Depuis l'agression, la sensation d'être continuellement en chute libre avait adhéré à ma chaire, comme si mon crâne avait été heurté avec tant de force qu'il en détenait désormais cette séquelle. Je m'apparentais silencieusement, secrètement, à une âme en peine et sans repères, recueillant peu à peu les morceaux bafoués et souillés de ma personne dans l'espoir visiblement vain de les réparer, de me reconstituer, tout en appréhendant continuellement la fatalité, celle qui m'offrirait potentiellement un nouveau croche-pied qui me ferait m'abattre au sol, les bris de moi-même de nouveau dispersés. Dans mes meilleurs jours, je me demandais si moi aussi, je pouvais m'adonner à l'art du kintsugi, rénover ma personne en mille morceaux en soudant les parties par de la poudre d'or, comme pour valoriser le fait que j'avais certes été détruit mais j'avais su me relever, différent mais plus riche.
Aujourd'hui, dans mes habits sombres, l'impression de me rendre à mon propre enterrement m'asphyxiait. Lorsque la date du procès m'avait été communiquée, la bande de mes souvenirs avait repris son caractère cauchemardesque par sa récalcitrance éprouvante. J'avais imaginé tous les scenarii imaginables pour cette audience, aussi catastrophiques les uns que les autres. J'avais épouvantablement, inarrêtablement, rejoué la scène de mon attaque et les conséquences qui l'avaient suivie dans le cadre de ma convalescence et des démarches de l'enquête judiciaire, à en frôler la folie ou l'épuisement total. J'avais férocement milité contre le désir de fuir, d'abandonner, de faire en sorte de tout oublier. J'avais amèrement regretté les circonstances, je m'étais maudit sans vergogne en m'en jugeant responsable, je m'avais hait d'une puissance inouïe, intimement persuadé que j'étais source de mes maux quand bien même ma place était à celle du plaintif de non de l'accusé. J'avais frénétiquement craint ne pas détenir la hardiesse ni la vaillance de me présenter et de subir une énième fois ces épisodes atroces de mon histoire, voués à être décortiqués aux yeux des individus présents dans la salle. Je m'apprêtais à revivre ce crime, sans la douleur physique mais sous le regard inquisiteur de dizaines de personnes qui repartiraient de cette salle avec les piètres lambeaux de ma dignité disloquée.
Je ne pouvais compter le nombre de fois où j'avais songé à envoyer un message à Noor pour la prier de ne pas se présenter au tribunal, finalement. Je puisais dans sa force, dans son courage ; d'une certaine manière, les raisons qui m'avaient incité à porter plainte étaient celles qu'elle m'avait inlassablement répétées, horrifiée et révulsée à l'idée que ces hommes puissent rester impunis. Néanmoins, j'avais suffisamment honte et je me sentais assez coupable pour désirer épargner ma meilleure amie de cette scène. Je redoutais que son regard change, que le récit de mes horreurs l'impacte trop fort. Elle portait déjà le poids de multiples de mes secrets, voulais-je vraiment y ajouter la teneur des détails ? Combler les trous et les blancs des grandes lignes terribles qu'elle détenait déjà ? N'était-ce pas mon rôle de la protéger en affrontant ce procès seul et en l'invitant à attendre là où elle n'aurait ni les images, ni les témoignages, ni le visage de ceux qui avaient voulu me voir disparaître quelques mois plus tôt ? Noor insistait pour être présente mais je savais qu'elle était capable de se placer totalement en sourdine pour ceux qu'elle aimait. L'architecte était dotée de cet altruisme aussi remarquable que renversant qui l'incitait à se sacrifier pour ses proches. Peut-être était-ce ainsi mon rôle, aujourd'hui, de prendre soin de Noor, comme elle avait pris soin de tous les membres de notre bande depuis que nous nous étions rencontrés, plus de douze ans plus tôt, ce qui me paraissait être désormais une vie plus tôt. Peut-être était-ce l'occasion de lui rendre, aussi minimement soit-il, un peu du soutien inébranlable qu'elle m'avait consacré depuis décembre.
La Guerrero n'est néanmoins pas présente lorsque les portes de la salle d'audience s'ouvrent et que les témoins de ma déchéance commencent à prendre place, sans manquer de me chercher du regard. Je désire tant me volatiliser, de m'enterrer six pieds sous terre, de disparaître. Les doigts tremblants, j'extrais mon téléphone de ma poche, à la recherche d'un SMS de ma meilleure amie qui m'indiquerait qu'elle ne peut pas se libérer, expliquant ainsi son absence de mon champs de vision. Je me mordille l'intérieur de la joue en remarquant l'absence de notification et inspire profondément, le coeur battant. Peut-être était-elle monopolisée quelque part ? Peut-être que finalement, il est ainsi pour le mieux. Le destin me donnait (enfin) un coup de main : je n'avais pas besoin de demander à Noor de ne pas entrer, il se chargeait de la retenir ailleurs.
A contrecœur, tel un condamné, je prenais place sur le siège qui m'était désigné. Je percevais les imminentes portes boisées grincer contre leurs gonds, les voix se multiplier en cacophonie dans la pièce. Je poursuivais de malmener l'intérieur de la joue de mes dents, nervosité impériale ; ma jambe trésaillait sous la table, témoin de mon stress. Je m'interdisais catégoriquement de balayer la salle du regard, favorisant ignorer le nombre de personnes devant lesquelles je devrais exposer ce pour quoi je réclamais justice. Je fuyais également soigneusement du regard le jury, ceux qui devraient trancher, ceux que j'étais supposé convaincre de mon statut de victime, quand moi-même je m'assénais de centaines de reproches. Mon avocat s'installa à côté de moi et je tournais lentement la tête vers lui avant de remarquer la silhouette de Noor se presser dans la salle. Je cillais, figé, une pierre sombrant lourdement dans mon estomac, amas solide de culpabilité et de honte. Il n'y avait plus de marche arrière possible, n'est-ce pas ? Le soulagement qui m'enveloppait de la savoir présente était incommensurablement salutaire, elle était la seule en qui j'avais confiance dans cette salle, ma seule véritable alliée à mes yeux, je sentais même ma silhouette se décontracter quelque peu. Néanmoins, l'amertume de lui faillir, de graver sa mémoire et son coeur du récit de cette nuit sombre, était dotée d'une lancinance souveraine.
Je porte mon attention sur la juge pendant que ma meilleure amie réduit la distance qui nous sépare. Mes mains sont désormais des poings, mes ongles s'ancrent avec détermination dans ma paume, créent des demi-lunes en quête de lumière. J'entends sa voix me parvenir au milieu du brouhaha qui s'amplifie dans la salle à mesure des personnes qui y pénètrent et je croise son regard qui me glace bien avant ses paroles : « Tu aurais dû me dire que tu étais marié. »
A mentira tem pernas curtas.
Je cille, mes pupilles rejettent incrédulité, confusion, puis désolation. Tel le deuil d'un secret, je suis temporairement dans le déni d'avoir bien compris les paroles de mon interlocutrice. Une pointe de colère m'ulcère de l'instant choisi pour que ce secret éclate. Mon coeur naïf se plaît à penser que j'ai peut-être mal compris, que Lyb me parle possiblement de quelqu'un d'autre. Puis je suis suprêmement accablé et horrifié car Noor porte le regard de la trahison et du chagrin, celui que jamais je n'aurais voulu faire naître au creux de ses perles d'ébène. « C'est pas - » Je commence, hésitant. C'est pas ce que tu crois, je pense, mais avec le recul, je doute que contredire la trentenaire soit judicieux. « C'est pas un mariage d'amour. C'est un mariage de commodité. J'avais une dette. » Etait-ce vraiment ce qu'était Mila ? Une dette ? En quelque sorte, je lui avais promis ce qu'elle voulait dans le cadre d'un échange et elle avait voulu que je devienne son époux. « On s'est marié en 2016 et je l'ai pas revue pendant six ans. On... » Je pinçais mes lèvres, peinant à soutenir le regard de Noor, quand bien même je lui exposais la vérité. « On n'a jamais été des amoureux. » Pourtant, ma gorge se serre en prononçant ses termes, comme si j'étais un imposteur. Bien sûr je tenais à Mila, bien sûr je l'appréciais, bien sûr nous avions joué aux amants, mais mon coeur battait pour un autre à l'époque et le sien se refusait de battre tout court. « Je te l'ai pas dit parce que... A mes yeux, ce n'était pas important. Mon mariage ne définit pas ma vie, j'y pense très peu. Il n'y a pas de contrat entre nous. On est juste marié. » Juste marié, je me rends compte à quel point je me moque d'une institution que Noor respecte et dont elle rêve. Je mesure dans quelle mesure je piétine un événement qui est important pour elle en en faisant qu'une mascarade, un énième secret, une nouvelle combine. « Et mon mariage est lié au drag, » j'avoue. Si mon mariage ne me troublait pas et ne possédait pas de raisons fondées pour être secret, je n'avais pu l'exposer car l'histoire de mes vœux avec la Salvatori ne pouvait s'expliquer sans que je révèle être d'une part drag queen et d'autre part attiré par les hommes, deux points que j'avais désespérément cachés à mes meilleurs amis, ne supportant pas l'homme que j'étais tout en étant terrorisé à l'idée de les perdre pour ces facettes de ma personne que j'abhorrais sans limite. « Je suis vraiment sincèrement désolé. Je ne voulais pas te blesser, » je m'excuse avec une sincérité criante. |
| | | | (#)Ven 28 Avr 2023 - 19:08 | |
| Your mom's ring in your pocketNoor était fatiguée, frustrée, énervée. Le mauvais cocktail pour soutenir Kai dans un procès, très certainement. Surtout qu'elle n'avait personne à qui en parler. Jiyeon était toujours hospitalisée, et certainement pas prête à entendre tout ce que Noor avait à évacuer, Hugo et Dani n'étaient pas au courant de tout au sujet de l'agression... Il ne restait que Patronus, le chat fugueur de son voisin du dessous - mais qui ne répondait que par des ronronnements à tout ce qu'elle pouvait dire. « Une dette ? Tu aurais dû nous en parler, on t'aurait aidé ! » Est-ce qu'un jour, ses amis apprendraient qu'il fallait mieux parler que s'enfoncer dans la drogue ou se marier avec une inconnue en secret ? Le couvent, son calme et son isolement, lui paraissait de nouveau un refuge très attirant. « Et en plus tu l'as revue ? » Depuis près d'un an, si elle comptait bien. La seule chose à laquelle elle arrivait vraiment à croire, c'était que Kai n'avait pas été amoureux - elle ne savait pas ce qu'en pensait Mila, mais elle connaissait assez son meilleur ami pour savoir qu'il n'était pas attiré par les femmes, même s'il n'avait pas encore osé lui avouer. Se l'avouer, peut-être, même. « Juste marié ? Un mariage, c'est un contrat solide. Yna des conséquences légales ! » Sans compter que c'était sensé être un geste d'amour, un don de soi avec la personne avec qui on voulait faire sa vie. (Une façon, aussi, de contenter sa famille, qui n'attendait que le mariage et les enfants pour la considérer comme une femme.) Elle avait trop de sentiments liés au mariage pour pouvoir laisser dire que ce n'était pas grand chose. Et Kai le savait parfaitement. Peut-être qu'il la trouvait ridicule, à rêver de robe blanche et de toujours. Comme une enfant rêvant d'être une princesse, et devant arrêter d'y croire avant l'âge adulte. « C'est le problème. Ne pas vouloir faire et ne pas faire, c'est deux choses différentes. » Ces excuses avaient un relent de " c'est pas toi, c'est moi", de " tu comprends jamais" et de " je pensais pas que tu finirais par le savoir" qui lui rappelait ses ruptures plutôt qu'une conversation avec un ami. « ¿Por qué quieres hablar con nosotros? » L'avocat qui représentait Kai se tourna vers eux, visiblement surpris du changement de langue. Noor aurait été moins énervée qu'elle aurait pu lui dire qu'il ne fallait pas écouter les conversations des autres. Là, elle se contenta juste de laisser son regard dans celui de Kai, tout en essayant de lui cacher sa douleur et ce sentiment de trahison qui lui glaçait les veines. code par drake. |
| | | | (#)Lun 8 Mai 2023 - 19:23 | |
| La sensation d'être en plein coeur d'un film de science-fiction me saisissait de manière vertigineuse ; l'estomac renversé, la gorge nouée au sein de laquelle s'étaient agglutinés autant de termes inavouables que de sentiments refoulés. Je considérais Noor, me confondant en des excuses qui, je le reconnaissais à son regard, étaient très possiblement insuffisantes pour gommer le mal que sa découverte inopinée avait inoculé en elle. Je me sentais pâlir sur le banc du plaignant, mal à l'aise, tandis qu'un cocktail d'émotions alliant périlleusement chagrin, colère et trahison irradiait de ma meilleure amie, pour lequel j'étais coupable. Je me mordais les lèvres avec véhémence, en quête inespérée de contenance tandis que mon coeur battait à tout rompre dans la cage thoracique.
Ce n'est pas une dette pour laquelle vous pouvez m'aider, Lyb, exprime désespérément mon regard alors que mes lippes sont scellées. Je suis incapable de hocher la tête à l'affirmative lorsqu'elle s'étonne que j'aie revue mon épouse, figé dans l'horreur et la honte, et la trentenaire poursuit sur le sacrément du mariage que j'ai volontairement bafoué pour les apparences, mes apparences, le feu me montant aux joues lorsqu'elle évoque, en plein tribunal, des compétences légales que je ne respecterais pas. Je baisse enfin le regard lorsque la prochaine leçon consiste en la différence entre ne pas faire et ne pas vouloir faire et si j'aimerais que Noor comprenne qu'il existe un monde de démons entre ces deux nuances en moi, je suis incapable de même recueillir les forces de le lui expliquer, préférant me terrer dans le silence et recevoir ses foudres, comme un enfant qui subit des réprimandes sans oser se défendre.
Lorsque Noor reprend en espagnol, mes pupilles obscures passent de la silhouette de l'architecte à celle de l'avocat. Je finis par me lever, d'une fébrilité me donnant l'impression d'être une tour de châteaux de cartes qui menace de s'effondrer tant les vents soufflent vigoureusement de plusieurs angles. « Ven, por favor, » je parviens enfin à souffler et je suis soulagé que ma meilleure amie emboîte mon pas pour que nous quittions la salle d'audience.
Les couloirs du tribunal me paraissent infinis, véritables dédales de déchéances. Quelques bancs boisés comblent des murs blancs, toisant une toile soigneusement astiquée. Bien plus lisse que la vie de quiconque l'ayant foulée. « Je suis désolé. J'ai plein de secrets, j'ai plein de boulets, j'ai plein de bagages. J'ai toujours été comme ça, Lyb, parce que je peux pas être moi et c'est ma manière de survivre sans être moi. » Mon regard darde de sincérité, quand bien même je crains que mes excuses aient peu de valeur aux yeux de Noor qui me reproche un manque de confiance et d'honnêteté. Comment je peux être franc avec toi quand je ne peux pas l'être avec moi-même ? Comment je peux présenter avec confiance qui je suis lorsque qui je suis me fait peur et m'horripile ? « Je peux pas être moi pour plein de raisons mais surtout parce que je ne veux pas être moi. Et si je suis moi, même avec toi, je ne m'aime pas, je ne me supporte pas. C'est pas contre toi, c'est contre moi. C'est pas ta faute, c'est la mienne. Je comprends que tu ne puisses pas accepter être amie avec une fraude, ou que tu ne le veuilles pas, mais je sais pas faire autrement. » J'inspire profondément, balaie l'établissement du regard. Tout ça, je n'aime pas. Tout ça, c'est la partie de moi que je déteste. « Je suis désolé de te décevoir et je suis désolé d'en mettre tant sur tes épaules. Si tout ça m'était arrivé ailleurs qu'ici, je ne vous aurais jamais mis au courant parce que je ne veux pas être un poids pour vous et je ne veux pas être différent. Je ne veux pas détonner, je veux pas être un raté, une erreur, une - » Abomination, je pense. Je me mordais la lèvre inférieure, nerveux, ému, conscient que mes paroles étaient dures. « C'est pas que je vous fais pas confiance ni que je vous aime pas. C'est pas que je veux vous mentir. C'est que je veux être la meilleure version de moi-même pour vous et vous protéger de toute ma merde. » Je marquais une pause, ajoutant : « Et si j'en parle, ça devient réel et j'en perds le contrôle. Je veux pas perdre le contrôle sur tout ça. Je veux pas être comme ça. » Rien qu'à cette idée, mon estomac produisait des saltos détestables. « Je veux que ce soit des erreurs à oublier et qui vaudront rien parce que je suis quelqu'un d'autre. » Je passais une main dans mes cheveux, aussi défait que ces derniers. « Je sais pas quoi te dire de plus. » Je m'assis mollement sur un des bancs bruts, glisse mes mains sous mes cuisses. « J'sais pas. J'sais même pas... » Je me stoppe, pince mes lèvres. Je ne savais plus comment concilier avec cette nouvelle réalité, cette nouvelle vie, ces changements incessants. J'ignorais comment affronter le procès imminent où j'aurais à revivre le moment le plus traumatisant de ma vie dans les détails, exposé à des inconnus et surtout Noor, ce qui me rendait encore plus honteux et terrifié. Je ne savais pas comment affronter ceux qui m'avaient laissé pour mort dans cette ruelle, autant que je ne savais pas pourquoi j'avais survécu, finalement, et pourquoi ça n'avait pas pu être mon heure. C'était quoi, le but à ça ? « Tu peux partir si tu veux. T'es pas obligée de rester, d'être là. » Déjà que je luttais contre le désir ardent de prendre mes jambes à mon cou, je comprendrais que Noor, déçue par mes mensonges, ne souhaiterait pas s'imposer une heure dans ce tribunal à juger le niveau de culpabilité de mes quatre agresseurs et le prix de l'impact que leurs actes avaient sur moi. |
| | | | (#)Dim 14 Mai 2023 - 9:40 | |
| Your mom's ring in your pocketC'était fou, comme elle pouvait être en colère contre Kai, à en pleurer de frustration parce qu'il était un coffre-fort refusant de s'ouvrir pour laisser entrevoir les richesses qu'il avait en lui, et pourtant, elle était incapable de lui refuser quoi que ce soit. Même quand il lui faisait quitter le tribunal à quelques minutes du procès, et qu'ils auraient dû se concentrer là-dessus plutôt que sur les problèmes que Noor ne pouvait s'empêcher de déterrer. (C'était sa faiblesse de toute façon. Elle ne savait pas dire non aux gens qu'elle aimait, même quand ils lui faisaient de fausses promesses et qu'ils avaient visiblement la faire souffrir.) « On a tous des bagages, Kai. Mais toi tu croules dessous. Pourquoi tu en déposes pas quelques uns pour que les autres soient plsu faciles à porter ? » Pourquoi tu nous fais toujours pas confiance ?La question était là, en filigrane. Ils tournaient autour depuis plus de dix ans, après des cuites mémorables et des voyages autour du monde, après des années de colocation et des milliers de conversations sur tout et sur rien. Kai était celui qui en savait le plus sur Seth. Pas tout, parce qu'il y avait des points qu'elle était toujours incapable d'avouer à voix haute - parce que Kai ne l'aurait jamais laissé dire que c'était sa faute à elle si Seth était parfois en colère, parce qu'elle ne faisait pas ce qu'il fallait. Mais il en savait plus que les autres, et de loin. « T'es pas une fraude. Je vois qui t'es derrière tes mensonges et tes cachotteries, et j'aime qui tu es. Parce que t'es le mec que je peux appeler en pleine nuit et qui viendra me consoler, plutôt que de m'envoyer bouler. T'es celui qui me supporte quand je suis énervée, et qui sait me fait rire quand je suis triste. Je peux mettre ma vie entre tes mains, Kai, parce que je sais que tu en prendras soin. Plus que moi. » Pourquoi il ne voyait pas tout ça ? L'ami fidèle et présent. Le gamin qui pouvait chanter faux au karaoke avec Hugo, tout en lançant des regards noirs aux gars qui venaient flirter avec Jiyeon, Dani ou Noor. « Je t'en veux parce que tu m'en mets pas assez sur les épaules. Je peux encaisser. Je peux te soutenir comme tu me soutiens. J'ai pas peur de qui tu es. Je te trouve beau comme tu es. » Elle leva la main pour caresser sa joue, pour ancrer sa présence près de lui. Pour se prouver qu'il était encore là, aussi, qu'il n'avait pas fui parce que Kai n'aimait pas parler de lui, n'aimait pas devoir gérer ses émotions. (Ne savait pas gérer ses émotions, peut-être, aussi.) « Je t'aime pas parce que tu es parfait. Je t'aime pour tes défauts. Parce que tu pars dans tous les sens et que tu galères à te concentrer sur un truc à la fois. Parce que tu aimes le Brésil autant que tu le détestes, et que je peux comprendre ça, je le vis aussi. Je t'aime même quand tu penses que la biologie c'est ta vie, alors que t'écris toujours des articles que tu caches dans trente milles dossiers sur ton ordi. Même quand tu fais des erreurs, parce que ça te rend incroyablement humain. » Même quand il refusait de la croire... Elle continuait de s'accrocher, et de lui faire de jolies déclarations d'amitié. Elle n'était même pas sûre qu'il l'écoutait vraiment, mais elle était incapable d'arrêter de les faire. « Je sais que t'as peur, Kai. Je comprends pas pourquoi, mais je vois bien que ça t'angoisse. Mais t'as besoin de te sortir tout ça de la tête, et de voir qu'on le prend bien. Arrête de psychoter sur nos réactions, et de les anticiper, et de te créer des angoisses que tu maîtrises plus. » Elle se pencha doucement vers lui, profitant qu'il soit assis pour pouvoir embrasser son front. Pour marquer sa présence, encore. Et le fait qu'elle ne partirait pas. Jamais. Même s'il avait du mal à la croire. « T'es coincé avec nous pour la vie. Qui que tu sois, qui que tu t'empêches d'être, on sait qui tu es. Quelqu'un en qui on a confiance. Peut-être au-delà du raisonnable, mais est-ce qu'on l'a jamais été ? Alors arrête d'essayer de nous faire fuir. » Parce que malgré les mensonges qu'elle découvrait par hasard et qui lui donnait l'impression de se prendre une baffe, malgré ce mariage qui lui laissait un goût de bile dans la bouche, elle ne le laisserait pas tomber. « No te libraras de mi » chuchota-t-elle, avant de le serrer dans ses bras. code par drake. |
| | | | (#)Mar 23 Mai 2023 - 4:51 | |
| Mon coeur bat à tout rompre dans ma poitrine, il tonne si fort que son orage se déverse jusque dans ma boîte crânienne, l'emplissant de puissantes foudres gorgées de désespoir, de détresse, de colère. Je lutte difficilement contre la tentation de porter mes mains à ma tête surmenée, surchargée, tel un enfant qui voudrait se cacher les yeux de la réalité qui l'aveugle d'être trop brutale, trop chargée en données et en émotions.
Hold back the river, let me look in your eyes. Hold back the river so i can stop a minute and be by your side.
J'entends les arguments de Noor et je ne sais ce qui me brise davantage le coeur : la sémantique de ses mots ou l'intonation qu'elle use pour les délivrer. Des perles de stress enveniment sauvagement ma vue et je fuis lâchement, honteusement, son regard ; les tremblements de mes lèvres voilées par ma mâchoire sévèrement crispée. Je me voue à l'inertie de signifier à Noor que je refuse de céder ces infernaux bagages quand bien même ils m'exténuent et m'asphyxient, car ils ont l'avantage de me protéger, ils composent les murs de la grotte austère et toxique dans laquelle je me terre, au sein de laquelle j'hiverne depuis plus de trente ans.
Hold back the river so i can stop for a minute and see where you hide.
A mesure de la déclaration poignante que me dédie Noor, j'efface les sillons que son affection sincère interpelle sur mes joues. Si je peux accepter ses sentiments car j'ose me reconnaître dans certains faits qu'elle décrit, il n'en demeure que mon coeur se serre avec souffrance de ne pas réussir à la laisser entrer dans ce jardin secret qui est le mien et devant lequel elle attend depuis si longtemps. Je ferme les yeux alors qu'elle caresse subtilement ma joue, ses paroles retentissant dans mon crâne qui vrille de pensées, de réflexions, de déraison. Je tente d'inspirer profondément pour recueillir davantage de contenance, même si cela fait plusieurs minutes désormais que j'applique une entière abstraction au monde qui nous entoure. A l'extérieur, il ne m'existe plus que Lyb. Le reste de mon attention est focalisée à retenir ces aveux, ces corrections, ces idioties que ma nature meurt d'expier.
J'aimerais tant lui dire qu'elle ne sait pas tout, qu'elle ne comprend pas tout, mais cela sonnerait comme un reproche alors que Noor compose déjà avec brio avec le peu que je lui accorde. Comment est-ce que je peux prétendre qu'elle sache alors que je m'évertue à la distancer, protégeant jalousement mes secrets, comme si j'avais besoin qu'ils restent muets pour respirer, pour exister, pour survivre ? En un sens, je suis mon propre syndrome de Stockholm.
Lonely water, lonely water, won't you let us wander?
Clairvoyante, la Guerrero pointe avec justesse mes peurs et mes angoisses. Des vertiges de vérité me malmènent sans vergogne pendant qu'elle poursuit sur cette fidélité incommensurable, indestructible et hautement émouvante que nous possédons au sein de notre bande. Des mots qui devraient me rassurer, me mettre en confiance, mais qui pourtant resserre avec une fermeté désarmante l'étau dans ma poitrine, bloque tout l'oxygène dans mes poumons. Je ne déballonne pas, c'est pire : la fibre est si tendue qu'elle est à son paroxysme. J'attends l'éclat. « No te libraras de mi » La chaleur et la douceur attentionnée de Noor m'envahissent tel un salut. Je m'efforce de me concentrer sur ces éléments rassurants, réconfortants, alors que son parfum ne me parvient pas, ma respiration perpétuellement en apnée. Je me sens crispé, au sommet de ma propre personne, compressé à l'extrême, inapte à rejeter cet air, à me détendre, à lâcher prise. A mesure des millièmes de secondes, les martèlements de mon coeur deviennent les souverains de mes sens.
Je tente de formuler quelques paroles à Noor mais en leur lieu, un son qui me paraît aussi risible qu'involontaire et détestable franchit la barrière de mes lippes. Un mélange âcre entre un sanglot étouffé et un cri strident, comme si on écrasait un rongeur suffoqué par la peur et la douleur. Je porte ma main sur l'épaule de Noor pour la prier de se distancer et quand sa silhouette s'éloigne, le combat se volatilise pour laisser place à la crise d'angoisse et son théâtre de suffocations et de tentatives vaines de retrouver la maîtrise sur mon corps en état d'alerte. |
| | | | (#)Mer 24 Mai 2023 - 21:59 | |
| Your mom's ring in your pocketC'était fou comme il avait suffi de quelques mots de Noor pour changer totalement le langage corporel de Kai. Sa mâchoire serrée, ses yeux fuyants, les mains tremblantes. Elle l'avait vu physiquement se fermer à elle, de manière plus brutale que d'habitude. Peut-être parce que jusque là, elle avait toujours tournée subtilement autour des difficultés de Kai, les effleurant sans jamais aller plus loin. Une méthode qui avait sans doute fait ses preuves, puisqu'en plus de dix ans, il n'avait jamais dit ce qui le torturait, malgré tout ce qu'elle avait pu faire ou dire pour lui montrer qu'elle avait conscience du problème, qu'elle pouvait l'aider, que jamais elle ne le repousserait. Son secret, elle pensait en avoir deviné une bonne partie, de toute façon. Sa sexualité, elle l'avait toujours questionnée - parce qu'il ne semblait jamais ravi des rares femmes qu'il leur avait présenté, parce que son regard s'attardait parfois un peu plus vers les hommes, parce que des centaines de détails dont elle ne se souvenait pas mais qui avait formé son avis au cours des années. Le drag, elle l'avait appris par hasard, parce qu'il l'avait laissée comme personne à prévenir en cas d'urgences. Sinon, elle n'aurait sans doute jamais su... Mais malgré toutes ses preuves d'amitié, malgré les secrets qu'elle gardait pour lui, il y avait toujours de nouvelles choses qui lui revenait dans la figure. Ce mariage avec une complète inconnue par exemple. Cette personne qu'il avait rencontrée et qu'elle ne pouvait pas genrer au masculin même s'il savait qu'elle savait que c'était un homme. Toutes ces petites choses qui lui donnaient l'impression d'être un personnage secondaire de la vie de Kai, méritant à peine de savoir ses problèmes. Elle n'était au procès que parce qu'elle avait été là au bon moment, pas parce qu'il avait envie qu'elle soit là. Depuis qu'elle avait lu le nom de Mila Salvatori sur les papiers de l'avocat, elle se demandait même pourquoi il la gardait dans sa vie. Parce qu'elle était la bonne boire qui était toujours là pour payer les pots cassés ? Etait-ce vraiment comme ça que ses amis la voyaient ? Parce qu'après tout, c'était déjà comme ses copains la voyaient. La fille gentille à qui ils pouvaient faire croire n'importe quoi, parce qu'elle avait tellement besoin qu'on l'aime. Et là, alors même qu'elle avait l'impression que son monde s'écroulait sous ses pieds, et qu'elle était le dindon de la farce, elle ne pouvait rester de marbre face à la détresse si évidente de Kai. Alors elle inspira profondément, bouclant tous ses sentiments au fond d'elle, refusant de réfléchir plus longtemps à cette vérité terrible à laquelle elle commençait vraiment à croire - ils l'utilisaient tous, et elle avait trop besoin de leur maigre attention pour y faire quoi que ce soit. « Respire, mi querido » souffla-t-elle à son oreille. Elle attrapa une des mains de Kai pour la poser sur le haut de sa poitrine, pour qu'il sente le mouvement de sa propre respiration et qu'il essaye de se caler sur elle. Elle eut un flash de Seth, alcoolisé et plus très cohérent, à qui elle avait dû faire la même chose pour qu'il accepte de la suivre jusqu'à leur appartement. Une image qu'elle chassa bien vite, essayant de se concentrer sur Kai, sur son visage un peu plus pâle, ses lèvres tremblantes. « Inspire » reprit-elle, se forçant à inspirer de longues secondes. « Bloque. Souffle. » Elle le répéta plusieurs fois, jusqu'à ce qu'il entende sa voix et essaye de suivre ses indications. Elle était incapable de dire combien de temps il avait fallu, trop concentrée sur son meilleur ami pour se rendre compte des minutes qui passaient. « Ouvre les yeux, et dis-mois cinq choses que tu vois » demanda-t-elle, d'une voix douce et posée - bien loin du tumulte intérieur qui l'agitait. code par drake. |
| | | | (#)Ven 9 Juin 2023 - 2:17 | |
| Mon coeur fracassait ma cage thoracique avec une brutalité exceptionnelle, puissance féroce qui me parut d'autant plus alarmante lorsque Noor saisit ma main pour la poser contre ma poitrine surélevée et tendue. Respirer s'était transformée en véritable lutte, l'air qui m'entourait violemment métamorphosé en une entité indigeste et trop dense pour épanouir totalement mon organisme ankylosé d'une détresse absolue. Je fermais les yeux avant de les river, le regard absent, sur un point invisible sur le sol. Ironiquement, mon corps en état d'alerte venait enfin taire la charge mentale qui m'oppressait depuis si longtemps, comme si mon cerveau était venu à saturation et imposait une pause vitale ainsi. Le bouton d'urgence enclenché.
Je percevais, de manière abstraite, ma meilleure amie me sommer de respirer plus posément tout en me servant d'exemple. Les images pénétraient mon esprit, décousues, presque cocasses, alors que le contrôle sur ces parties de mon corps s'avérait prodigieusement perdu. Même avec toute la volonté du monde, je n'étais pas capable d'obéir à Noor, trop occupé à survivre à chaque seconde, formant cette mélodie disgracieuse d'une respiration sifflante et sanglotante.
J'étais incapable de déterminer combien de temps il me fallut pour reprendre peu à peu contenance et conscience de ce qui m'entourait plus précisément. Je me rassurais par l'absence de mon avocat qui aurait pu signifier que l'audience allait démarrer. « Ouvre les yeux, et dis-moi cinq choses que tu vois » la Guerrero me conseillait et mes pupilles sombres sautèrent d'éléments du décor en éléments, bien qu'aucun son ne sut s'extraire de ma gorge. « Ca va passer, » j'annonçais finalement, quelques longues minutes plus tard, avant de placer mon visage dans mes mains, exténué et démuni. A lister mes heurts, mes dilemmes, mes peurs et mes erreurs, je jugeais mon histoire une réelle mascarade, pourtant, je demeurais entêté à ne pas accepter l'aide de Noor, à refuser le rôle de fardeau à l'éventail des caractéristiques dont elle pourrait m'affubler. « Je suis désolé, » je soufflais en pressant mes doigts contre mes yeux. « J'suis pas capable, j'peux pas, » j'annonçais, honteux et résigné. Jeter ouvertement l'éponge était une première mais je me sentais au bout du rouleau. Incapable de supporter l'audience à venir, incapable de me risquer à présenter la personne que j'étais réellement même à mes proches de confiance, incapable de poursuivre mon propre bonheur, incapable d'être franc quand la première règle de survie que j'avais apprise était de mentir. Incapable d'assumer que mon secret de drag queen était découvert alors que je devrais en être soulagé, incapable d'accepter aimer un garçon alors qu'à ses côtés, je me sentais enfin libre dans la peau de Kai. Incapable de tolérer le moindre changement, mon équilibre précieux même si le ciment de ma construction était le subterfuge. J'étais noyé sous mes propres charges, refusant de les déléguer ou même les partager, persuadé qu'elles étaient mon radeau dans cette mer existentielle.
Je ne m'entendais même plus, sous ces masses. Kai était asphyxié, inapte à décrire ce qu'il désirait, ce qu'il aimait, ce qu'il nécessitait. Le contact était rompu depuis si longtemps et les rares fois où j'avais tenté de le renouer, les mauvais contacts et les châtaignes avaient répondu présentes, le système d'autodéfense imperturbable. « J'ai besoin qu'on m'oublie, » je finis par avouer. Cesser ce feu des projecteurs qui me brûlaient la peau et me mettaient insupportablement mal à l'aise. Retrouver ces places dans l'ombre que j'appréciais tant et où j'étais soulagé parce que je n'étais qu'un personnage secondaire, sans pression, qui écoute beaucoup et parle peu, qui soutient, qui n'entre pas en conflit, qu'on apprécie mais qu'on ne connaît pas vraiment. C'était mon rôle favoris, celui que je savais remplir, même s'il ne me comblait pas totalement en retour. Celui que je pouvais assumer, quand me faire violence à me faire sortir de ma coquille constituée d'une infinie de couches n'était pas dans mes cordes, même avec l'aide de Noor qui avait sa place toute désignée dans mon coeur. Je finissais par me lever du banc, me donnant en dernier objectif de traverser les aléas de cette audience, pensant aux potentielles victimes que je pourrais épargner en m'exposant aujourd'hui et auxquelles je ne pouvais pas tourner le dos, malgré tout. |
| | | | (#)Lun 12 Juin 2023 - 0:27 | |
| Your mom's ring in your pocketNoor garda un regard inquiet sur Kai, fronçant les sourcils en voyant ses difficultés à répondre aux questions qu'elle lui posait. Il finit cependant par réussir à reprendre ses esprits, à calmer sa respiration et à pouvoir glisser quelques mots. Pas encore la grande forme, mais c'était toujours mieux que la grande panique quelques minutes plus tôt. « Tu veux boire un truc ? Manger ? » Elle n'était pas persuadée que prendre la décision d'annuler le procès juste après une crise d'angoisse soit la meilleure chose à faire. L'esprit de Kai était forcément perturbé par tout ça, paralysé par la panique et incapable de se projeter dans le stress absolu que devait être pour lui la salle d'audience. Autant donc lui laisser quelques minutes pour récupérer avant de vraiment se décider quant au procès. « Je pense qu'un peu de sucre te ferait du bien. Ou un bon café bien chaud » reprit-elle, essayant de se montrer encourageante. Noor elle-même aurait bien pris du café. Noyé dans de la tequila, certes, parce que rien ne valait l'alcool de son pays natal pour passer les moments stressants ou se donner du courage. Sauf qu'elle n'avait pas de bouteille sur elle et devrait donc sans doute se contenter du café lyophilisé des machines en libre-service de l'entrée du tribunal. « Tu sais, les gens vont assister à l'audience, parler un peu du verdict, puis passer au truc suivant et t'oublier » expliqua-t-elle. Malheureusement, un homme faisant du drag et s'étant fait agresser à cause de ça n'était pas la chose la plus choquante qui s'était passée au sein du tribunal. Au milieu des meurtres et des agressions sur des enfants, Kai n'était qu'une affaire sulfureuse parmi d'autres - et Noor n'était pas sûre de vouloir savoir combien d'affaires de ce genre passaient devant le juge, tous les jours. Sans doute peu par rapport au nombre d'agressions, les victimes portant rarement plaintes. C'était sans doute toujours trop pourtant, un chiffre donnant le tournis et qui lui tordait le ventre rien que d'y penser. Elle prit sa main et le tira vers les machines de nourriture, commandant un café et un kinder bueno qu'elle lui fourra dans les mains avant qu'ils ne retournent dans la salle d'audience. « En sortant, on peut rentrer chez moi et boire de la tequila devant Grease ou Dirty Dancing » proposa-t-elle. « Ou même RuPaul Drag Race. Tu choisis le programme ! » Elle avait préparé la veille un curry bien épicé qui attendait qu'on lui fasse son sort, et avait rempli les placards avec des snacks rapides à manger - si tant est que Hugo n'ait pas déjà mis son nez dans les placards pour tout dévorer. De quoi réconforter Kai du mieux qu'elle pouvait sans trop alerter le reste des Fives. code par drake. |
| | | | (#)Lun 10 Juil 2023 - 2:54 | |
| Je hochais doucement la tête en signe de dénégation lorsque Noor m'invitait à boire ou à manger quelque chose, ma gorge douloureusement serrée et mon estomac violemment noué me dénuant de toute envie. Un faible sourire apparut néanmoins à la commissure de mes lippes lorsque j'entendais mon amie insister, vantant les mérites du sucre ou d'un café fumant. La vérité était que mon seul désir constituait à disparaître ou presser un bouton "avance rapide" imaginaire sur ma vie pour en avoir terminé avec ce procès qui me hantait jour et nuit depuis que j'avais déposé ma première plainte, en décembre.
« Tu sais, les gens vont assister à l'audience, parler un peu du verdict, puis passer au truc suivant et t'oublier. » Livide, je levais un regard trahissant ma détresse et mon désespoir à mon interlocutrice, mon portrait cependant fermé. Certes, entendre être éphémère dans la vie des gens me consolait, me réconfortait, toutefois, Noor oubliait quelqu'un : « Tu ne vas pas oublier, toi. » Ma voix n'était qu'un murmure haché et mon intonation était criante de ma peur comme de ma culpabilité d'éprouver la Guerrero par mon agression et ses conséquences. Je souhaitais la préserver des éventuelles images choquantes qui pourraient s'imprimer dans son esprit, je désirais lui épargner les émotions fortes qu'elle pourrait ressentir à mon égard ou à celui des voyous qui m'avaient passé à tabac, connaissant certes la force de caractère de Noor mais aussi son empathie à toute épreuve. « Je veux pas que tu souffres de ce que tu vas entendre dans cette salle non plus, » je plaignais, sensible.
Un kinder bueno et un café fourrés dans mes mains tremblantes, j'avais l'impression d'être hissé sur des jambes en coton alors que la distance me séparant de la salle d'audience se réduisait. J'acquiesçais timidement à Noor lorsqu'elle proposait le programme suivant cette nouvelle épreuve, comme appât ou récompense à l'heure qui promettait d'être rude. Je me mordais nerveusement l'intérieur de la joue, incapable de réellement lui répondre, tétanisé de confronter mes assaillants, terrifié de devoir vivre une nouvelle fois cette nuit du premier décembre, craintif du jugement que porteraient des inconnus sur mon histoire et les préjudices qu'elle pouvait me causer. Je me concentrais sur le café que je m'appliquais à ne pas renverser, estimant telle une première victoire de parvenir à le poser sur la table sans dégât, mon coeur tambourinant de plus en plus fort à l'approche du début de la séance. Je glissais mes mains moites sous mes jambes, remarquant que les bancs de la partie des accusés étaient bien plus complets que ceux de la partie civile. Je me demandais si cela n'allait pas jouer en ma défaveur, tout en me blâmant pour ce fait dont j'étais responsable. A n'en point douter, Jiyeon, Hugo et Dani auraient été présents s'ils avaient su que le jugement aurait lieu aujourd'hui. De même pour Mila, peut-être aussi Raphael. Probablement quelques collègues et amis que je m'étais faits depuis mon arrivée à Brisbane. J'avais décidé d'être seul, je l'avais imposé telle une volonté, et si Noor n'avait pas été ma personne de confiance, j'aurais été totalement isolé aujourd'hui. Toutefois, quand bien même le soutien de Noor était inestimable et incommensurable, je regrettais aujourd'hui mon choix. Une masse de soutien n'aurait pas été de trop lorsque je me sentais tel un tas de petits morceaux sans valeur, lorsque même si j'étais officiellement victime, une partie de moi ne cessait de me clamer coupable. |
| | | | (#)Mer 12 Juil 2023 - 21:13 | |
| Your mom's ring in your pocket« Comment je pourrais oublier quoi que ce soit sur vous ? » Ils la surnommaient tous "mama" en riant, mais elle avait toujours pris ce rôle très à cœur. Elle faisait de son mieux pour ne pas oublier les petits détails, pour offrir le cadeau parfait aux anniversaires, et pour être présente. Même dans les pires moments. Même pour un procès. Et bien sûr qu'elle se souviendrait. Comment pourrait-elle oublier le regard perdu et blessé de Kai sur le brancard des urgences ? Les paillettes de ses chaussures, et le sang qui entourait encore ses blessures, les traces de maquillage restantes après les soins et les bleus qui commençaient à apparaître... Elle embrassa le front de Kai, un baiser léger, pour lui dire qu'elle était là, et qu'elle resterait. D'une certaine manière, elle avait autant besoin que lui de ce procès. Elle voulait être sûre que plus personne ne souffrirait sous les actions des agresseurs de son meilleur ami. « Je souffre pour toi depuis cet appel au milieu de la nuit. Je sais ce que je vais entendre dans le tribunal, et je suis venue en connaissance de cause. » Elle ne savait pas s'il mesurait l'angoisse qu'elle avait ressenti quand le médecin des urgences l'avait appelé pour l'informer de l'arrivée de Kai aux urgences. Cette tension insoutenable, et la peur terrible qu'il soit décédé le temps qu'elle aille jusqu'à l'hôpital, nourrie par son enfance dans un quartier pauvre parsemé de violences - les gens sortaient rarement de l'hôpital sur leurs deux pieds. Et puis, il y avait eu l'horreur de découvrir ce qui lui était arrivé, quand on lui avait demandé son accord pour les prélèvements parce qu'il n'était pas en état de le faire. Le fait qu'elle est dû affronter ça seule, parce qu'elle ne savait pas ce qu'il était prêt à révéler aux autres. (Rien, sans doute, parce que seul Hugo avait été informé du drag, à la connaissance de Noor, mais il n'en savait pas plus sur cette terrible nuit.) « J'ai accepté de porter tout ça avec toi. J'ai pas peur de tout ça. J'ai peur pour toi. » Elle serra un peu plus sa main, avant de le laisser avaler son café de distributeur et le kinder bueno qu'elle jugeait assez sucré pour contribuer à le requinquer un peu. La crise d'angoisse avait éloigné le sujet du mariage, recentrant les choses sur l'agression et le procès - mais Noor n'oubliait pas non plus. Elle garda pourtant sa main dans le dos de Kai alors que tout le monde s'installait pour le procès. Mais ses yeux n'étaient pas sur son meilleur ami. Ils étaient sur le banc des accusés, jaugeant les hommes qui avaient osé l'agresser. Des gamins blancs, propres sur eux, jouant presque les victimes. A la lumière du jour, avec leurs beaux vêtements et leurs petits sourires crispés, ils faisaient tout pour ne pas apparaître menaçants. L'un d'eux était même venu avec sa petite amie, jouant à merveille le gars normal. Noor serra les dents, et se rapprocha un peu plus de Kai, espérant que sa présence suffise à le soutenir pendant que les avocats commençaient à évoquer les faits. code par drake. |
| | | | (#)Lun 24 Juil 2023 - 2:55 | |
| C'est un sourire aussi crispé que désolé que j'offrais à Noor alors qu'elle me rappelait qu'il n'était pas dans sa nature d'oublier quoi que ce soit sur les membres de notre bande. Je ne pouvais absolument pas la contredire, elle ne faisait effectivement que relater la vérité, la Guerrero étant l'experte pour retenir tous les petits éléments qui nous définissaient dans les moindres fibres de nos êtres, quand nous ne nous évertuons pas à les lui dissimuler. Cela rendait notre amitié encore plus précieuse car non seulement Noor savait de nous ce qu'on acceptait de lui montrer, elle comprenait également comment chacun d'entre nous fonctionnait. Cette communication bien au-delà des mots était solide, tout comme inestimable.
Cependant, j'aurais aimé que l'image qu'elle détienne de ma personne ne soit pas celle de la victime, celle du violé, celle de la drag queen d'une double-vie. Celle de l'homme qui n'avait su se défendre, celui qui emmagasine les secrets comme on s'embourbe dans les mensonges parce qu'il est incapable de s'accepter tel qu'il est, parce qu'il rejette en bloc sa propre identité. J'aurais tant désiré que ce que Noor sache de moi se limite à ce portrait lisse que j'entretenais depuis notre rencontre, sauf que la fatalité sommait aux masques de sombrer et voilà que malgré moi, par la force du destin, j'étais dédié au dévoilement. Il m'avait été arraché le droit de jouer le rôle du Kai dont que j'assumais et je n'y voyais là aucune bénédiction.
« Je souffre pour toi depuis cet appel au milieu de la nuit. Je sais ce que je vais entendre dans le tribunal, et je suis venue en connaissance de cause. » La culpabilité me serrait douloureusement le coeur, une boule indigeste se logeant pernicieusement dans le fond de ma gorge. La dernière chose que je souhaitais était bien de causer de la peine à mes amis, d'imposer des souvenirs indélébiles dans leur mémoire. « Je suis désolé, » je m'entendais murmurer piteusement. Même si je m'entêtais moins à considérer que j'étais en partie responsable de cette agression, il n'en demeurait que je restais indéniablement navré des émotions que cette dernière avait inoculé en la trentenaire.
« J'ai accepté de porter tout ça avec toi. J'ai pas peur de tout ça. J'ai peur pour toi. » Je hochais timidement la tête, incertain. Si je n'étais pas doté de l'audace de débattre avec Noor qui affirmait sa vaillance, je partageais inavouablement sa peur. Je doutais que ce procès résout ce point, tout comme j'étais horrifié à l'idée que ces voyous qui avaient rageusement déversé leur haine profonde sur ma personne planifient une vengeance léthale à mon encontre. Je ne me sentais plus en sécurité à Brisbane, peu importe où je me trouvais ou la position du soleil dans le ciel, et plus d'une fois, je me demandais si mes jours étaient comptés ici, même si je n'osais en parler avec mes amis. Fébrilement, je posais ma main sur celle de Noor qui tenait fermement la mienne, puis nous nous levions en direction de la salle d'audience.
Installé sur le banc boisé de la partie civile, les doutes et les appréhensions se multipliaient, infernaux. Chaque élément du contexte me tiraillait, mon coeur martelant sauvagement ma poitrine armé d'une force exponentielle. Avais-je eu raison de préserver mes amis de cet événement ? Devais-je regarder mes agresseurs ? Comment devais-je me comporter pour ne pas donner l'impression que j'étais celui que je n'étais pas ? Avais-je eu raison de porter plainte ? Quelle sera la prochaine étape après le verdict qui sonnera d'ici environ une heure ? Que penseront-ils de moi ? Nerveux, je portais mes ongles à ma bouche, presque soulagé lorsque la juge prit la parole, rivant toutes les attentions vers son autorité. |
| | | | | | | | (NoKai) Your mom's ring in your pocket |
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