I let it go, 'cause I won't see you later and we're not allowed to talk it out. I said I'd go, put myself on show but I'm still trying to figure it out
Paresseusement allongée dans le lit, Albane était perdue dans ses pensées, ses doigts jouant distraitement dans le pelage du corgi qui avait décidé de s’installer sur les draps, lui aussi. Il était presque 11h et elle n’avait toujours pas trouvé la motivation pour bouger. Cela faisait quelques heures que Kieran était parti déjà, qu’ils avaient eu ce moment un peu bizarre à se demander ce qu’ils devraient faire, s’il devait la mettre dehors ou s’il pouvait la laisser traîner chez lui. Ils avaient trouvé un compromis en se disant qu’ils se retrouveraient pour le déjeuner. A vrai dire, la française ne s’était vraiment pas plainte de pouvoir rester ici à se la couler douce et à profiter d’un peu de tranquillité. Ce n’était pas un luxe qu’elle avait souvent. Entre les études, ses missions à la Ruche ou au Blind Tiger, et tout simplement le terrain miné qu’était son propre appartement, Albane avait la sensation d’être sans arrêt sur le qui-vive. Cela n’avait rendu la soirée passée que plus agréable. Ils avaient regardé un film d’horreur tellement mauvais qu’ils en avaient passé deux heures à refaire le scénario et déjouer tous les plot twists éventuels. Elle avait mangé bien plus de popcorns que son estomac ne savait en accueillir et elle avait lancé un défi de celui qui arriverait à lancer le popcorn le plus haut avant de le réceptionner avec sa bouche. La victoire n’était pas certaine ; elle craignait un peu l’état du canapé et du tapis après ce jeu, ceci dit. Puis, ils s’étaient couchés ensemble, s’étaient battus un petit moment pour trouver un juste milieu dans le partage des draps. Elle avait soldé le conflit en venant plutôt se blottir contre lui jusqu’à trouver le sommeil. C’était encore étrange ce genre de familiarité entre eux, mais loin d’être désagréable. Elle y trouvait son compte, et cela la tenait éloignée de tous ses démons au moins le temps de quelques heures. Il en était même arrivé à lui manquer quand il était parti le matin. C’était supposé être positif ça, n’est-ce pas ? Normal. Parfaitement sain. Tout ce pour quoi elle n’était pas très douée d’habitude. Finalement, le bruit de la porte se fit entendre et le chien bondit du lit pour aller voir. Il était de retour tôt et elle était encore au lit, cheveux en vrac et tête du matin. Comme par soudaine peur de se faire surprendre encore à l’état de marmotte, elle se motiva enfin à sortir des draps et vint fouiller dans l’armoire de Kieran pour en sortir un de ses tee-shirts qu’elle enfila. Il était bien plus grand qu’elle, assez pour que le vêtement soit bien assez long pour couvrir ce qui devait l’être. Elle s’habillerait pour de bon plus tard et sortit enfin de la chambre. « Je pensais pas que tu rentrerais si tôt, je suis pas encore prête pour le… » Elle se figea sec dans le salon. Ce n’était pas Kieran. Son cerveau mit quelques interminables secondes à comprendre ce qu’il se passait tandis qu’un cocker venait lui aboyer dessus, ne s’attendant visiblement pas à sa présence non plus. Mais elle ne bougea pas d’un pouce, regard toujours planté sur Eliot. « Qu’est-ce que tu fais là ? » Elle croisa les bras sur sa poitrine, son visage se refermant complètement. A son grand malheur, elle avait découvert depuis l’hôpital que Kieran et Eliot se connaissaient. Elle ne pensait pas que c’était au point de débarquer dans son appartement. Elle se serait bien passée de le revoir un jour, pas vu leur dernière rencontre chez le notaire. Elle l’avait soigneusement évité depuis, que ce soit pour la signature des documents, pour le test ADN, ou pour toutes les formalités concernant la vente de la maison de Thomas. De leur père. L’héritage prenait une éternité au point qu’elle soupçonnait celui qui était donc son demi-frère de volontairement faire barrage. Une accusation qu’elle n’avait pas exprimée encore. Elle détestait ce monde trop petit et sa sérénité désormais envolée.
Eliot s'était rendu compte qu'il n'était pas parti en voyage depuis un moment et le grand air commençait sérieusement à lui manquer. Il était donc parti quelques jours pour randonner dans le coin du parc national Nymboida, à cinq heures de routes de Brisbane, avec rien d'autre qu'un sac à dos et son cocker, Snowball. Une destination pas très exotique mais qui lui permettrait de se perdre un peu dans la nature. Il avait eu besoin de réfléchir et de se ressourcer et il avait espéré que prendre du recul lui permettrait de trouver des solutions pour se débarrasser de Lily. Ça lui permettait aussi de prendre un peu de distance avec Kieran : quelques semaines à peine qu'ils étaient en colocation et Eliot se rendait déjà compte que la colocation ce n'était clairement pas pour lui. Il avait clairement eu envie de fuir son quotidien et s'il avait pu le fuir plus longtemps il l'aurait fait sans aucun scrupules, mais c'était sans compter sur des risques orageux assez importants dans la région qui le décidaient, à contre cœur, de rentrer une journée plus tôt. La route avait été longue, ses jambes engourdies par la marche lui renvoyant en plein visage qu'il n'était plus aussi en forme que quelques années auparavant - il songerait à remédier à ce problème ultérieurement. Eliot avait apprécié s'éloigner de Brisbane, mais il était aussi soulagé de rentrer et de pouvoir se reposer tranquillement avant de devoir reprendre le travail. Alors il entrait, posait son sac dans l'entrée dans l'optique de le ranger plus tard dans la journée, saluait leur colocataire à quatre pattes - qui semblait content de leur retour -, et s'immobilisait net lorsqu'une voix vint le sortir de ses pensées. Je pensais pas que tu rentrerais si tôt, je suis pas encore prête pour le… Pourquoi entendait-il une voix féminine ? Pourquoi en plus une voix qu'il connaissait déjà ? Il faillit tomber à la renverse alors qu'Albane arrivait face à lui. Qu’est-ce que tu fais là ? Il fronçait les sourcils, totalement perdu - et agacé de son audace. Ok c'est une blague, c'est ça ? Il regardait autour de lui comme s'il allait tomber sur des caméras. La mode actuelle était aux pranks débiles postés sur les réseaux : ça ne pouvait être que ça, il ne voyait pas d'autre explication. Il sifflait pour rappeler Snow et le faire arrêter d'aboyer, ses jappements n'aidant pas Eliot à se concentrer pour comprendre comment ils pouvaient être ici, dans la même pièce, sa demi sœur et lui. Ça t'amuse de toujours apparaître quand je ne m'y attends pas ? C'est ta putain de façon de me torturer, c'est ça ? Au poste de police, chez le notaire, à l'hôpital lorsqu'il était allé rendre visiste à Kieran.. La brune semblait toujours être dans les parages, et il n'aimait pas ça. Il allait finir par développer un trouble post traumatique à force, s'imaginant qu'Albane se trouvait derrière toutes les portes qu'il pousserait à l'avenir. Son pire cauchemar, en somme. Comme si ça te suffisait pas de me voler. Qu'il marmonnait, amer. Il ne lui laissait pas l'occasion de parler, l'enchaînant gratuitement avec des questions et des piques comme à son habitude. A ce stade, ça devenait presque une tradition familiale. Il respirait un grand coup pour essayer de reprendre son calme, conscient que son état de surprise et d'agacement n'allait en rien faciliter les choses. Sérieusement Albane, qu'est-ce que tu viens foutre chez moi ? Qu'il lançait en essayant de rester le plus poli possible - un échec, visiblement. Et avant même qu'elle n'ait le temps de répondre par elle même, les yeux d'Eliot venaient se poser sur le t-shirt qu'elle portait, lui permettant en une seconde de faire les connexions nécessaires pour comprendre ce qu'elle pouvait bien faire ici. Bordel me dis pas que tu te tapes Kieran. Parce qu'avant d'être chez Eliot, c'était surtout chez lui. A croire qu'ils étaient destinés à être beaux frères ; pour une fois, l'ironie de la situation ne l'amusait pas du tout.
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La surprise venait de faire court-circuiter son cerveau au point qu’Albane ne savait même pas comment réagir. Eliot dans le salon de Kieran, avec ce qui devait être son chien. Son demi-frère, dans l’appartement de son… copain ? C’était deux dimensions de sa vie qui venaient d’entrer en collision et la française n’aimait vraiment, vraiment pas ça. Elle aurait dû s’en douter pourtant. Elle savait déjà qu’ils se connaissaient depuis le moment gênant de l’hôpital. Elle n’avait pas posé plus de questions et le regrettait amèrement à cet instant précis. Cela aurait évité une nouvelle rencontre, embarrassante de surcroît. Instinctivement, la brune grimaça. Le destin se payait leur tête, c’était là la plus grosse blague. Plus de deux millions d’habitants à Brisbane mais non, il fallait qu’ils trouvent le moyen d’être visiblement proche de la même personne. Lentement, la surprise laissa place à l’effarement. « JE suis celle qui TE torture ? » Il était drôle. Est-ce qu’il pensait sincèrement qu’elle appréciait les circonstances dans lesquelles ils se voyaient, qu’elle avait franchement envie de subir son sale caractère ? Elle était incroyablement patiente Albane, mais il était celui qui l’avait traitée comme un parasite sans même essayer de se mettre à sa place et de comprendre pourquoi toutes ces histoires de paternité lui donnaient envie de s’enterrer dans un trou et de ne plus jamais en ressortir. Et maintenant, elle était une voleuse. Il aurait pu lui mettre un coup dans l’estomac que cela serait revenu au même. Ses lèvres s’entre-ouvrirent mais aucun son n’en sortit. C’était donc ainsi qu’il la percevait ? Ce n’était même pas comme si elle avait couru après l’héritage. Le notaire l’avait appelée. Elle était aussi légitime que lui. « Abruti. » souffla-t-elle à voix basse dans sa langue natale, la solution de lâcheté pour éviter de partir dans une confrontation. Elle lui dirait volontiers ce qu’elle en pensait de son comportement à son égard et du fait que, qu’il le veuille ou non, son père avait bien eu une enfant illégitime qui méritait sa part du pactole rien que pour les dommages émotionnels. Ses sourcils se froncèrent. Elle ne saisissait plus rien. « Chez toi ? » Son regard refit un tour de la pièce, comme à la recherche d’indices. Il n’y avait rien qui lui sautait aux yeux. Tout ce qu’elle avait remarqué était la présence d’une seconde chambre et enfin, les pièces du puzzle se mirent en place. Une colocation entre les deux hommes. C’était ça, la situation. « Pitié, non. » Elle se pinça les lèvres, une moue de dépit bien installée sur le visage. Il fallait croire que les soirées à trouver refuge chez Kieran étaient révolues. Ça la faisait se sentir comme une adolescente, subitement. Ils ne pourraient plus se voir ici de peur que Eliot soit là, ne pourraient pas se voir chez elle de peur que Leo soit là. Leur histoire commençait bien. Nul doute que si elle avait été habillée, la jeune femme aurait récupéré son sac et serait partie plutôt que d’affronter cette discussion. Sauf qu’ici, elle se sentait tout sauf habillée. L’indice ultime pour le détective, apparemment. « On se voit, oui. Et je pense pas que ça te regarde. » Ils étaient deux adultes consentants. Ils n’avaient pas à justifier leurs choix. Du moins, c’était ce que Bane se répétait pour ne pas céder à cause de cette sensation d’être dans un interrogatoire. A imaginer le pire, elle se sentit pâlir quand une des pires hypothèses effleura son esprit. « On n’est pas de la même famille hein ? » Il n’était pas un cousin ou quelque chose du genre ? Eliot réagissait mal juste parce qu’il la détestait, pas parce qu’ils venaient de joyeusement se livrer à de l’inceste, n’est-ce pas ?
Les choses étaient plutôt claires : Eliot et Albane n'étaient pas faits pour s'entendre. Elle ne lui inspirait que de mauvais sentiments et il le lui rendait bien avec tout un tas de piques et de sarcasmes dont lui seul avait le secret. JE suis celle qui TE torture ? Oui - la question ne se posait même pas. Elle était celle qui était née d'une histoire peu honnête, pas lui. Elle était celle qui avait débarqué dans sa vie, pas l'inverse. Et, plus que tout, elle était celle qui était venue voler son héritage. Abruti. Inutile de comprendre ce qu'elle venait de marmonner pour comprendre qu'il venait de se faire insulter, d'une manière ou d'une autre. C'était de bonne guerre : Eliot avait affublé Albane de bien des noms dans ses pensées au cours de ces dernières semaines. Mais l'heure n'était pas à se disputer sans raison, il leur fallait surtout comprendre comment ils avaient pu en arriver à se retrouver l'un en face de l'autre dans cet appartement. Chez toi ? Elle ne cachait pas sa surprise et instantanément, Eliot songeait qu'il devrait suggérer à Kieran de faire changer ses serrures. Peut-être était elle simplement folle après tout ; peut-être était-elle venue lui voler son chez lui aussi. Pitié, non. - Tes supplications ne changeront rien au fait que je vis ici. Et c'est à cet instant qu'il comprenait ce qui se jouait là ; à cet instant qu'il posait la question qui solutionnerait toute l'incompréhension à laquelle ils faisaient face. On se voit, oui. Et je pense pas que ça te regarde. Eliot grimaçait à imaginer Kieran avec Albane. Elle n'avait pas tort : leur relation ne regardait qu'eux. Eliot trouvait pourtant intéressant de savoir que sa nouvelle demi sœur et son ex beau frère formaient désormais plus ou moins un couple. Il s'imaginait une seconde leur arbre généalogique et s'emmêlait les pinceaux dans son esprit ; mieux valait ne pas y penser. On n’est pas de la même famille hein ? - Qui sait ? Si Eliot s'était trouvé une demi sœur alors qu'il avait cru tout savoir de sa famille et des membres qui la composaient, rien ne prouvait que la famille d'Albane, déjà explosée en mille morceaux et pleine de secrets n'était pas liée à celle de Kieran, tout aussi peu saine. Bon, en réalité ce n'était pas le cas, mais Eliot s'amusait bien trop de voir la panique s'installer doucement sur le visage d'Albane pour la rassurer à ce sujet. Au contraire, il décidait même de s'en donner à cœur joie. Si on y réfléchit bien... dans un sens si. D'ailleurs le fait que Kieran et Albane aient une histoire était extrêmement perturbante pour l'inspecteur, mais il essayait de ne pas trop y songer. C'était mon beau frère. Qu'il finit par lancer, craignant de causer une situation plus gênante encore si sa chère sœur finissait en pleine crise d'angoisse en s'imaginant être dans une relation incestueuse. Et... visiblement ça l'est de nouveau. Qu'il lançait en riant, extrêmement fier de sa blague - mais surtout gêné. Plus sérieusement, vous deux et moi dans cet appartement, ça va pas le faire. C'est hors de question que tu deviennes ma colocataire aussi. Il ne donnait pas cher de leur santé mentale à tous les trois, et tout ce qu'ils risquaient de produire en devant se supporter au quotidien serait de se retrouver à l'hôpital. Si Albane et Kieran n'étaient pas inconnus de ce genre de séjours, Eliot ne comptait pas s'y mettre pour les y suivre. Je refuse de subir votre relation. Va falloir s'organiser temps que je n'aurais pas trouvé de nouvel appartement. Il ignorait où ils en étaient, elle et Kieran. Il ignorait si leur relation était vouée à durer. En fait, il n'osait même pas l'imaginer. Ce qu'il savait, c'est que leur colocation était temporaire, et qu'il pourrait fuir cette situation totalement insensée d'ici quelques mois.
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En règle générale, Albane était le genre de personne qui ne supportait pas de se faire détester. C’était quelque chose qui pouvait la mettre dans tous ses états, la faire de plier en quatre pour qu’on finisse par l’apprécier. Mais avec Eliot, ils n’avaient pas cette relation. Dès la seconde où elle avait compris qu’il ne la voulait pas dans sa famille, la française avait renoncé à gaspiller son énergie pour faire des efforts. Elle préférait de loin éviter son demi-frère à tout jamais. Le plan initial était de laisser le notaire faire son boulot, prendre le chèque et oublier que toute cette affaire était arrivée -plus facile à dire qu’à faire-. Il fallait pourtant croire que ce plan allait être mis à rude épreuve maintenant que, de toute évidence, l’appartement de Kieran était aussi celui d’Eliot. D’une part, cela signifiait que l’endroit était un terrain hostile et qu’elle ne risquait pas d’y remettre les pieds de sitôt si le Chapman était dans le coin. D’une autre, cela voulait dire que les deux hommes étaient proches et seraient donc amenés à parler. Elle n’avait pas envie d’être un sujet de conversation du tout, et son manque de confiance flagrant en Eliot la dissuadait déjà d’avoir la langue trop pendue avec Kieran. Juste au cas où. Mais tant qu’à envisager les pires options autour de cette situation, il y en avait une qui détrônait les autres, qui fit pâlir la jeune femme instantanément. Elle dévisageait son demi-frère à la recherche d’une réponse, cherchant à voir s’il se foutait de sa tête ou non. Avaler sa salive devint vraiment, vraiment douloureux dès la seconde où il lui répondit que si. C’était ça alors ? Ils avaient un arbre généalogiques tordus, et elle avait couché avec son cousin -au quatrième degré, ou ce genre de bazar ?-. Sauf qu’il était son beau-frère. Et cette fois-ci, elle fronça juste les sourcils, son cerveau déjà perdu sur les liens familiaux. « T’as une sœur ? » Autre qu’Albane. Non, autrement ils auraient eu de la compagnie chez le notaire. C’était peut-être du côté de sa mère uniquement. Ce qui signifiait que cela ne la regardait pas. Si cela faisait rire Eliot, la Dumas, elle, peinait à se dérider. « Trop chouette. » marmonna-t-elle, pas ravie pour un sou à l’idée de devoir évoluer dans le même cercle que l’inspecteur. Elle voulait bien reconnaître que cette fois-ci, c’était elle l’intruse dans cet appartement, elle qui logiquement devait partir. « J’ai un appartement, tu sais ? Je vais pas vivre ici. J’y ai juste passé la nuit parce que… » Elle fit un signe de main en direction de la porte de la chambre, s’épargnant davantage de détails. Ils étaient deux adultes en couple (ou approximativement), c’était plus que suffisant comme indice sur pourquoi est-ce qu’elle traînait encore ici. C’était rassurant de se dire que Eliot était sur le départ mais encore quelques surprises du genre et Albane ne donnerait pas cher de leur relation. « J’ai pas exactement envie de te voir plusieurs fois par semaine non plus. Donc t’as rien à craindre, je ferai en sorte qu’on ne se croise pas. » Restait à voir la question de la logistique et celle-ci la fit se pincer les lèvres. Pourquoi est-ce que subitement, elle avait l’impression de gérer la garder alternée de Kieran ? C’était absolument ridicule. Et en même temps, s’ils voulaient se comporter comme cela, elle ne voyait que deux options : soit ils apprenaient à communiquer, soit il faudrait mettre Kieran au milieu de leurs histoires. « Tu lui as parlé de moi ? » Et de leurs histoires d’héritage, qu’elle sache si elle devait préparer son plaidoyer dès maintenant.
T’as une sœur ? Albane trouvait-elle Eliot si détestable pour ne pas avoir pensé une seconde qu'il avait été en couple et privilégier la piste d'une autre sœur dont elle n'aurait eu connaissance ? Probablement. Après tout, il n'en pensait pas moins d'elle. Quoi ? Mais non, je suis fils unique. Oui, bon, pas tellement. Mais il avait fait cette précision par pure sympathie pour éviter à Albane de croire qu'elle avait encore des choses à découvrir sur leur famille et surtout pas pour lui lancer une pique, évidemment. Enfin en dehors de toi. On a pas d'autre frère ou sœur. Qu'il précisait comme si arrondir les angles avec Albane l'intéressait. J'étais fiancé à sa sœur. Sœur adoptive, mais le détail était inintéressant puisque le fait qu'ils ne partagent pas leur sang n'enlevait rien à leur relation. Trop chouette. Il n'était pas emballé non plus et le lui faisait bien comprendre. Il était hors de question que le lieu où il vive soit envahi par sa présence. J’ai un appartement, tu sais ? Je vais pas vivre ici. J’y ai juste passé la nuit parce que… Heureusement, elle ne terminait pas sa phrase. La grimace qu'Eliot arborait suffisait à lui faire comprendre qu'il avait bien saisi ce qu'ils avaient fait ensemble cette nuit. J’ai pas exactement envie de te voir plusieurs fois par semaine non plus. Donc t’as rien à craindre, je ferai en sorte qu’on ne se croise pas. - Ça c'est une bonne idée. Et au moins une bonne nouvelle puisqu'ils étaient d'accord sur le fait de ne surtout jamais se côtoyer. Tu lui as parlé de moi ? Eliot fronçait les sourcils, réfléchissant un instant. A vrai dire, c'était une question pertinente. De ma demi sœur débarquée de nul part, du décès de mon père et des questions d'héritage ? Oui, c'est un sujet que j'ai abordé. Eliot avait pris goût à leurs conversations avec Kieran. Et bien qu'il n'ait pas donné trop de détails de ses malheurs par crainte d'en rajouter aux idées déjà noires qu'il avait en tête, il lui avait raconté ses mésaventures. C'était même la raison qu'il avait servi à Kieran pour lui demander de l'héberger un temps - et bien que véridique, la situation l'avait arrangé et lui permettait de surveiller l'artiste pour qui il s'inquiétait toujours. Seulement je ne crois pas avoir prononcé ton prénom. Ni avoir mentionné que c'était elle après l'avoir croisée à l'hôpital dans la même chambre que Kieran. Le peu de considération qu'il avait pour elle venait de le mettre dans une situation embarrassante, puisque celui qu'ils avaient en commun n'avait même pas conscience de leur lien. Va falloir lui dire qui tu es. Il refusait de devoir se perdre dans des secrets ou des mensonges avec Kieran, surtout alors qu'il partageaient un appartement.
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Albane s’était remise à respirer quelques secondes à entendre que Eliot était fils unique (jusqu’à récemment du moins), jusqu’à avoir l’explication de son lien avec Kieran. C’était beaucoup à encaisser d’un coup. Elle soupira en se pinçant l’arête du nez. « Je crois que j’aurais préféré une sœur qui débarque à la prochaine réunion chez le notaire. » Parce qu’elle n’aurait pas eu autant de questions. Eliot, anciennement fiancé à la sœur de Kieran. Mais toujours proche de lui au point de vivre avec. Et maintenant, elle était celle qui sortait avec lui, renouant leur lien de beaux-frères. « Je t’imaginais pas du genre à être dans une relation sérieuse. » commenta-t-elle vaguement. Ceci dit, elle ne connaissait pas non plus l’existence de la sœur de son petit-ami, de quoi lui faire réaliser à quel point ils étaient une belle brochette d’inconnus. L’univers semblait juste aimer se payer leur tête. Et si l’on aurait pu croire que ce moment de malaise permettrait au frère et à la sœur de se rapprocher en rigolant de cette ironie, la française réalisait juste à quel point les moments d’intimité avec Kieran venaient de se compliquer. Même si elle était parfaitement capable de se comporter comme une adulte et supporter la présence d’Eliot, il était hors de question qu’il fasse partie de sa sphère privée. Si cela impliquait une logistique et un traçage permanent des colocataires absents, elle le ferait. Cependant, ce n’était pas son principal problème pour l’instant car si les deux hommes étaient proches, cela voulait dire que Kieran avait probablement été exposé aux histoires d’héritage. Elle ne s’attendait pas à ce que Elliot n’ait eu que des jolis termes à son égard et sa version des faits était sans doute bien plus brutale que la réalité. Elle se pinça les lèvres, le regard fuyant. Si elle avait accepté de parler et d’être honnête avec l’équipe du service psychiatrique à l’hôpital, nul doute que le sujet de sa famille paternelle et de l’héritage serait ressorti. Ça faisait d’elle la victime de cette histoire, non ? Cette simple pensée dégoulinait de sarcasme. « Et c’est moi qui te pourris la vie… » répéta-t-elle en référence à leur réaction en se retrouvant dans le salon. Même avec ses proches, Bane refusait d’ouvrir la porte sur certains aspects de sa vie privée et notamment de sa vie familiale. Ils n’en étaient pas là avec Kieran et qu’il soit au courant de l’histoire la forcerait à en parler, à mettre des mots sur ce qui continuait de la garder éveillée la nuit. C’était facile de deviner que son prénom n’avait pas été prononcé ; il ne devait pas y avoir mille Albane à Brisbane, la coïncidence aurait été trop grande. C’était un cadeau empoisonné que de lui laisser le rôle de devoir se présenter comme la protagoniste de toutes les misères d’Eliot. « J’imagine que tu vas me forcer la main, que tu vas me dire que si je ne le fais pas, tu t’en chargeras ? » Cette pression de déballer la vérité lui rappelait beaucoup trop ce qu’elle avait vécu avec Winston, Leo et Reese. A croire que les secrets ne pouvaient pas juste rester enterrés. « Je dois m’attendre à quoi ? A ce qu’il me juge ? Me prenne pour une opportuniste vénale ? » Elle s’affala dans le canapé, les bras croisés sur la poitrine. « Il y a eu des noms d’oiseaux ? » A quel point la détestait-il, au juste ?
Je crois que j’aurais préféré une sœur qui débarque à la prochaine réunion chez le notaire. Moi pas. Qu'il rétorquait sans réfléchir avant d'apporter des explications sur ce qui les liait, lui et Kieran. Je t’imaginais pas du genre à être dans une relation sérieuse. Et en même temps cette période de sa vie paraissait si lointaine que même lui avait du mal à s'en rappeler, parfois. Eliot s'interrogeait sur la façon dont Albane le voyait, mais refusait de s'y intéresser, son opinion ne comptant de toute façon pas vraiment. Ce qui comptait, c'était l'opinion que lui avait d'elle, et qu'il avait déjà largement partagé avec son colocataire. Et c’est moi qui te pourris la vie… Oui - inutile d'entrer à nouveau dans le débat. J’imagine que tu vas me forcer la main, que tu vas me dire que si je ne le fais pas, tu t’en chargeras ? Eliot secouait machinalement la tête. Pas pour répondre par la négative, parce qu'il se chargerait de l'annonce si Albane ne voulait pas le faire, mais parce qu'elle ne semblait pas mesurer l'ampleur de la chose. Je ne tiens pas à rendre la situation plus compliquée que ce qu'elle n'est. Mais il finira par l'apprendre tôt ou tard, tu t'en rends bien compte, non ? La colocation de Kieran et Eliot finirait inéluctablement par tous les mettre au pied du mur et face à cette réalité. Ils auraient préféré que ce ne soit pas le cas, mais ils se retrouvaient piégés, et autant se montrer honnête envers la dernière personne qui composait ce trio qui n'avait ni queue ni tête. S'il finissait par le découvrir par lui même, Kieran leur en voudrait à tous les deux et Eliot ne se le pardonnerait jamais, sachant très bien qu'il n'avait aucun besoin de se rajouter des raisons d'aller mal - et qu'un tel secret en aurait été une. Je dois m’attendre à quoi ? A ce qu’il me juge ? Me prenne pour une opportuniste vénale ? Probablement. N'était-ce pas ce qu'elle était ? Il y a eu des noms d’oiseaux ? Oui, je ne vais pas te dire le contraire. Ç'aurait été mentir délibérément, et il n'aimait pas ça. Kieran a bon fond. Trop au goût d'Eliot. Il essaiera sûrement de comprendre ta version des faits. Et il réussirait peut-être à faire la part des choses. Eliot n'était pas dupe : son ex beau frère avait été victime de son mauvais caractère à une époque. Alors il espérait qu'il saurait déceler dans les discours qu'il avait eu sur Albane le vrai du faux, la réalité des critiques exagérées. L'inspecteur n'était pas prêt à accepter sa demi sœur dans sa vie, mais il voulait savoir Kieran sur la voie de la guérison, et de la compagnie l'y aiderait peut-être. Écoute, je ne t'apprécie pas et je n'ai aucune envie de subir ta présence chez moi. Qu'il se sentait obligé de répéter, pour que la suite de ses paroles ne soit pas interprétée de manière trop positive. Mais si votre... relation apporte quelque chose à Kieran, je ne vais pas m'en mêler. Ce qui ne voulait pas dire qu'il ne s'en inquiéterait pas. Il veillerait au grain. Il avait eu la preuve qu'Albane n'était pas une arnaqueuse, qu'elle était bien qui elle avait dit être. Mais il ne la connaissait pas et s'en méfiait, d'autant plus qu'il ne connaissait que trop bien Kieran et sa propension à tomber amoureux des mauvaises personnes.
I let it go, 'cause I won't see you later and we're not allowed to talk it out. I said I'd go, put myself on show but I'm still trying to figure it out
Se retrouver dans cette situation avec la vérité qui cognait à la porte avait quelque chose de familier et Albane n’aimait pas ça. Son seul tort dans l’histoire avait été de disparaître plutôt que de faire face à la réalité pendant quelques mois. Elle n’aimait pas imaginer ce que Kieran avait dû entendre à son sujet quand dans les faits, la française aussi avait droit à une part de l’héritage. Elle n’avait rien demandé de tout ça mais souffrait tout autant de l’existence -et de la mort- de ce paternel, bien que pour des raisons différentes. « Il captera vite l’hostilité ambiante, oui. » C’était un tantinet accusateur. Eliot rendait l’atmosphère pesante, rendant très clair qu’il n’appréciait pas sa présence. Bane aurait été ok pour juste prétendre que tout allait bien mais il fallait se rendre à l’évidence, ce ne serait pas une option. Elle appréhendait, pour tout dire. Sa relation avec le Halstead était naissante, fragile, mais étrangement sereine. Être avec lui lui faisait du bien. Il était son œil du cyclone, même si elle n’avait aucune idée d’où est-ce qu’ils allaient tant ils se complaisaient dans l’inertie. Elle n’était juste pas prête à renoncer à cela mais si Kieran finissait par prendre le parti du Chapman, cela risquait de tout compliquer. Elle se pinça les lèvres, plus blessée qu’elle ne voudrait bien l’admettre. S’il y avait une personne au monde qui laissait les gens profiter d’elle plutôt que l’inverse, c’était bien Albane. Courir après cet héritage était une plaie dans son existence mais motivé par un réel besoin plutôt que par amour de l’énergie. « J’ai hâte de devoir plaider ma cause alors. » Elle n’aurait jamais insulté Eliot, elle, aurait même tenté de se mettre à sa place. Mais maintenant, la nervosité envahissait juste son système nerveux. Alors cela la surprit d’entendre enfin un peu de bon sens sortir de la bouche de son demi-frère, surtout pour lui insuffler un peu d’espoir. « Je sais. » Kieran était vraiment un bon type et elle y était attachée. Elle espérait bien qu’il prendrait du recul plutôt que de la juger trop abruptement. Albane redoutait surtout de devoir être trop honnête et de devoir s’aventurer sur le sujet de son histoire familiale et de tout ce qui l’avait menée à chercher sa famille paternelle. L’expérience lui avait fait bien plus de mal que de bien au final, si bien que l’héritage ne semblait être qu’une faible consolation. Quoiqu’il en soit, elle ne parvenait pas à pleinement le croire lorsqu’il disait qu’il ne s’en mêlerait pas. Elle avait cette désagréable sensation qu’il chercherait le moindre prétexte pour lui tomber dessus au premier pas de travers. « T’as même pas essayé de m’apprécier. Mais on n’a pas à rendre ça compliqué. Je ne traînerai pas ici quand tu es là. Je ne parlerai pas de toi du tout. » S’il pouvait garder son prénom hors de sa bouche également, ce serait déjà un bon début. « J’ai pas envie que Kieran se retrouve entre nous deux. Il a eu assez à gérer récemment. Alors est-ce qu’on peut juste se mettre d’accord sur le fait de se comporter de manière civile en sa présence ? S’il te plaît ? » En d’autres termes, est-ce que Eliot consentirait à être un adulte ?
Eliot aurait préféré rentrer chez lui et y retrouver calme et sérénité : ce programme là devrait attendre la fin de son échange avec Albane, quoi qu'ils étaient parvenus à ne pas se sauter à la gorge jusqu'ici. Il captera vite l’hostilité ambiante, oui. Parce que Kieran n'était pas dupe, qu'il les connaissait tous les deux - apriori - et qu'il saurait relever des changements dans leurs comportements respectifs. Surtout que du côté d'Eliot, sa froideur ne ferait que lui rappeler celui qu'il avait connu dans leurs premières années alors même qu'ils ne s'appréciaient pas. Clairement, il ne lui faudrait pas bien longtemps en entrant dans cette pièce pour détecter ce qui n'allait pas et comprendre qu'Albane et Eliot ne se portaient pas en haute estime. J’ai hâte de devoir plaider ma cause alors. Il ne doutait pas que Kieran saurait faire la part des choses mais il était quand même plutôt satisfait, l'inspecteur, d'avoir pu donner son avis tout à fait objectivement sur la jeune femme avant qu'ils se rendent compte d'être liés de cette façon tous les trois. Au moins, personne ne pourrait lui reprocher d'avoir essayé de séparer ce couple naissant ; Albane devrait même plutôt le remercier de l'honnêteté dont il venait de faire preuve : il aurait pu décider de ne pas avouer avoir manqué de tendresse à son égard dans ses mots. De toute manière, l'Halstead serait son propre juge. Je sais. A croire qu'ils venaient de trouver quel sujet de conversation était le plus à même d'apaiser juste un peu leur relation, au moins temporairement. T’as même pas essayé de m’apprécier. Mais on n’a pas à rendre ça compliqué. Je ne traînerai pas ici quand tu es là. Je ne parlerai pas de toi du tout. Comme d'habitude Albane essayait de mettre toute la faute sur le Chapman, se mettant en position de victime, de celle qui ferait les choses bien contrairement à lui. La susceptibilité d'Eliot aurait pu lui faire perdre le contrôle et sortir de ses gonds à nouveau, mais il prenait sur lui. Parce que tu as essayé de m'apprécier toi peut-être ? C'est déjà compliqué. Mais comme je viens de te le dire, je ne te causerais aucun tort, en ce qui le concerne. Pas plus que ce qu'il avait déjà fait en rabaissant à de nombreuses reprises sa demi sœur auprès de lui, en tout cas. J’ai pas envie que Kieran se retrouve entre nous deux. Il a eu assez à gérer récemment. Alors est-ce qu’on peut juste se mettre d’accord sur le fait de se comporter de manière civile en sa présence ? S’il te plaît ? Encore une fois, il eut besoin de prendre une longue inspiration pour avaler les propos de sa chère sœur : croyait-elle connaître Kieran mieux qu'Eliot, qui pourtant le fréquentait depuis des années ? Je sais très bien ce qu'il a eu à gérer et je ne lui compliquerait pas la tâche avec des tensions qui ne le concernent pas. Qu'il eut besoin de préciser comme pour marquer son territoire, mais aussi pour affirmer que les efforts qu'il ferait ne seraient faits que pour Kieran ; en aucun cas pour elle. Si on devait se croiser en sa présence tu n'aurais pas de soucis à te faire. Mais je maintiens que l'idéal serait de limiter nos contacts. Moins souvent il aurait d'efforts à fournir, plus facile ce serait de les fournir lorsqu'il devrait la croiser. Et donc.. si tu étais en train de l'attendre, tu sais quand il doit rentrer ?
I let it go, 'cause I won't see you later and we're not allowed to talk it out. I said I'd go, put myself on show but I'm still trying to figure it out
Parfois, Brisbane lui donnait l’impression de vivre dans un patelin paumé avec la tendance qu’avaient ses relations à se connaître par extension. Kieran et Eliot, elle s’en serait vraiment passé. Elle ne savait pas comment l’expliquer mais une part d’elle craignait que s’il ait à faire un choix, le Halstead choisisse Eliot. Il n’y avait pas de raisons que l’ultimatum en arrive là, son demi-frère ne pouvait potentiellement pas être si tordu. Malgré tout, Bane n’était juste pas à l’aise, se retrouvant à prier pour que le secret de leur lien de sang subsiste le plus longtemps possible. C’était d’autant plus décevant qu’ils auraient peut-être pu nouer quelque chose, s’ils avaient essayé. « Tu m’as pas vraiment laissé l’occasion. Mais on est sur la même longueur d’ondes pour ce qui touche à Kieran, alors. » C’était un bref réconfort, lui rappelait juste qu’elle ne lui faisait absolument pas confiance pour se comporter comme un homme raisonné et raisonnable. Il avait l’air d’être le genre sanguin, opiniâtre, à agir avant de réfléchir. Elle ne serait pas étonnée qu’il la jette sous les roues sur un coup d’humeur. « Tu penses être capable de gérer ? A l’occasion, cela risque d’inclure de dire bonjour et merci, ce genre de politesse basique. » Le provoquer n’était probablement pas la meilleure idée, et elle tenta un ton taquin qui trahissait néanmoins son scepticisme. Elle se savait capable de prétendre, pourrait même faire comme si elle n’avait jamais croisé cet homme de sa vie. Lui, elle n’en était pas si certaine. Leur petit secret n’était apparemment pas voué à durer de toute façon ; c’était juste qu’elle s’inquiétait. C’était son truc à elle, de toujours s’inquiéter pour les autres. Le problème étant que Kieran était pareil. II voulait tellement bien faire qu’il mettrait trop facilement les pieds dans le plat, se retrouverait face à une relation fraternelle morte aussi vite qu’elle était née, et sans perspective de résolution. La curiosité la démangeait tout de même. Elle se demandait si le Halstead avait parlé à Eliot comme il l’avait fait avec elle. S’ils se connaissaient à ce point. Elle ne poserait pas les questions, de toute façon. « Ne t’en fais pas pour ça. Maintenant que je sais que je risque de te croiser ici, l’appartement paraît beaucoup moins serein. » Elle ne prévoyait pas d’y passer la moitié de son temps de base. Ça paraissait juste… pratique. Intimiste. Confortable. S’enfermer loin du reste du monde n’était définitivement pas ce dont ils avaient besoin avec Kieran, mais quand ils étaient ensemble, ça faisait envie. « Il devait revenir pour le déjeuner. Que je compte prendre avec lui. J’imagine que t’inviter serait bizarre. » C’était sa manière à elle de dire qu’elle ne renoncerait pas à ses plans avec Kieran parce qu’ils venaient de se recroiser. Prétendre que rien ne s’était passé commençait maintenant. « Je peux me cacher dans la chambre jusqu’à ce qu’il revienne. » Elle n’allait pas rentrer et devoir se justifier sur le pourquoi du comment vu l’heure. Elle pouvait juste retourner dans la chambre, se préparer là, mettre ses vêtements plutôt que le tee-shirt de son copain. Dieu merci, il était vraiment grand et elle ne se retrouvait donc pas les fesses à l’air. L’idée générale étant : ils pouvaient mettre fin à cette discussion. Ils avaient eu assez de la présence de l’autre aujourd’hui.
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