@Andréa Fernandèz Garcia

Swann avance sur son petit nuage depuis quelques semaines, sentiment définitivement nouveau pour lui et auquel il se fait avec aisance. Même les séances chez son psychologue se font bien plus aisément maintenant, ce qui a autant rapport avec le fait qu’il s’y rende régulièrement depuis plusieurs mois déjà que le fait qu’il ait aussi l’impression d’avoir parlé des sujets les plus difficiles. Il lui arrive encore de revenir dessus, pour différentes raisons, mais la plupart de ses discussions se résument désormais à ses craintes conjuguées au présent, que ce soit celles de ne pas être un père aussi à la hauteur qu’il le voudrait, ou de ne pas être le mari que Rory mérite tant. Au fond, il sait qu’il y pense comme n’importe qui y penserait aussi ; il a simplement besoin d’en parler, et il a besoin d’être rassuré par une personne un peu plus objective que l’est Rory - ce qui n’enlève rien à la valeur de ses mots pour autant.

Depuis peu, il pense aussi à reprendre un cabinet à Brisbane, pour rester travailler en ville et se montrer présent pour leur fille. Rory devra toujours voyager, cela fait partie de son travail et jamais Swann ne voudrait qu’il change cet aspect de sa vie, surtout pas alors qu’il peut être celui qui reste en ville. A ses yeux, cela n’a rien d’un sacrifice, qui plus est. Il aime sa vie ici, il aime l’idée de pouvoir retrouver tous ses proches qu’il a connus dans ce nouveau pays. Cette journée en est l’exemple parfait, après que lui et Andréa soient enfin arrivés à trouver une date à laquelle se retrouver, chacun semblant bien occupé de son côté. L’hiver approche peu à peu en Australie, mais c’est un terme bien paradoxal dans un pays où il ne fait jamais vraiment froid, d’aucune manière, ce qui a permis à Swann de proposer qu’ils se retrouvent pour une balade en extérieur plutôt que de décider d’un énième café accueillant déjà toutes les discussions du monde. Qui plus est, Brownie à ses côtés, il sait que le chien ne sera que plus heureux encore de ce choix, lui qui aura à coeur de courir à tout va et de foncer dans leurs jambes, sans se soucier de quoi que ce soit.

Aussi simplement que cela, le rendez-vous est posé, la date est bloquée, et ils conviennent de se retrouver à l’entrée du parc. Il a du mal à se dire qu’il a passé deux années de sa vie à la voir au jour le jour et d’avoir à se triturer les méninges aujourd’hui pour trouver une date qui leur convienne à tous les deux. La faute n’est pas reposée sur Andréa, ni même sur personne, mais c’est sans doute là un aspect de la vie d’adulte qu’il n’a jamais cherché à obtenir: être toujours trop pressé et toujours trop occupé pour passer du temps avec ceux qui ont un jour importé dans sa vie. Andréa continue toujours d’importer, évidemment, mais ils mentiraient s’ils disaient que rien n’avait changé depuis son départ de la colocation, et le simple fait que la vie a continué des deux côtés de leur amitié. Pour autant, il n’y a rien dans tout ceci qui l’empêche de sourire tendrement lorsqu’il reconnaît sa silhouette, et même de lui offrir une brève étreinte en guise de salutations. “Vous avez pas le droit de considérer avril comme l’automne alors qu’il fait bien plus de vingt degrés, vous êtes incorrigibles.” Il est un Australien depuis presque dix ans maintenant et il s’est habitué à beaucoup de choses, à commencer par leurs accents et leur argot, mais bon sang que la météo est bien plus difficile à accepter. “Tu ne rates pas des cours pour moi, au moins ? J’aurais pu continuer à proposer d’autres dates, tu sais, je suis patient.” Il demande, soucieux, son regard posé dans celui de la jeune femme pour en espérer la vérité la plus pure et entière: il s’en voudrait d’être la raison de son absence des salles de classe, surtout alors qu’il connaît l’importance de ses études pour elle.

D’un autre côté, le chien retenu au bout de la laisse n’en a que faire, lui qui tire déjà pour entamer la promenade, peu soucieux des problèmes des humains. “Ok, ok, on y va.” Il s’en amuse, en rigole, et finit par le détacher de la laisse, de toute façon confiant sur l’obéissance du canidé. Cela lui laissera l’occasion de prendre des nouvelles d’Andréa sans avoir à rabrouer Brownie et son éternelle énergie, qui plus est.

C’est vous qui êtes incorrigibles, toujours à parler de la pluie et du beau temps. » C’est parce qu’il vient d’un pays où seule la pluie est une habitude, ceci explique donc cela, et ceci l’amène surtout à agrandir un peu plus encore le sourire contre ses lèvres. Il n’a pas à cœur de mener la moindre fausse dispute, encore moins alors qu’il étreint rapidement son amie en guise de salutations. Il s’assure simplement qu’elle n’est pas en train de faire l’impasse sur certains de ses cours au profit de leur rencontre, auquel cas il s’en voudrait évidemment puisqu’il n’y a rien d’urgent à leur rencontre. Bien au contraire, il n’y a même aucune véritable raison derrière, si ce n’est que Swann avait à coeur de passer de nouveau un peu de temps avec une amie qu’il a un temps vu tous les jours pendant deux ans. « Et je suis bien moins patiente que toi, je commençais presque à oublier à quoi tu ressemblais. » - “Ce que tu viens d’entendre, c’est mon cœur qui se brise, Garcia.” Il lui répond dans un sourire, incapable d’argumenter en contre-sens: ils ont perdu l’habitude de se voir, tous les deux pris dans le quotidien de leurs vies. Il n’y a pourtant rien d’irrémédiable, comme le prouve l’instant présent, et ce n’est pas parce qu’elle lui a bel et bien manqué qu’ils sont pourtant voués à voir leurs chemins se séparer pour toujours. Ce n’est évidemment pas ce que l’anglais pourrait souhaiter, pas alors qu’il associe de nombreux souvenirs positifs à l’égard d’Andréa et que, tout simplement, il l’apprécie pour la personne qu’elle est.

Le chien est détaché de sa laisse pour qu’il puisse vaquer à ses occupations, lesquelles se résument à courir dans un sens puis dans l’autre sans que cela ne fasse le moindre sens logique. « Alors, raconte. Je veux tout savoir. Dis-moi ce que j’ai raté et n’oublie surtout pas les informations croustillantes. » Il aurait énormément d’histoires différentes à lui raconter, en réalité, mais il n’a pas à cœur de la noyer sous les diverses anecdotes (plus ou moins anecdotiques et parfois simplement importantes) ayant attrait à Rory. Après tout, il est bien conscient qu’il est le seul des deux à aimer l’australien au sens intime du terme, raison pour laquelle il se doute qu’elle n’a pas envie d’entendre son prénom à tout va. Swann doit trier les informations, il doit aussi faire un effort considérable pour tenter de se concentrer sur sa seule personne alors qu’il vit désormais au quotidien avec un homme devenu son fiancé. “Je crois qu’il va falloir que tu me promettes de me tirer de chez moi dans les mois à venir. T’as le droit de me menacer de dire du mal de Doctor Who si je le fais pas, même.” Et Dieu sait qu’il accepte toujours les divergences d’avis, mais personne n’a le droit de tenir des reproches à la série iconique de son pays d’origine - tout comme personne n’avait le droit de dire du mal de la Reine, mais le problème ne se pose plus vraiment, désormais. Le sourire de l’anglais grandit déjà alors qu’il anticipe encore et toujours la suite de ses mots. “On a un match. Je sais pas si c’est vraiment le terme adapté, parce que c’est pas Tinder, mais… Bref. On va avoir un bébé dans les semaines à venir.” Ils n’ont pas été doués pour se raconter leurs vies dans les moindres détails mais Andréa connaît au moins les faits les plus importants survenus récemment dans la sienne, ce qui passe de ses fiançailles au début de démarches administratives pour adopter un enfant. “Tu as le bonjour de Rory, aussi.” Il avait promis de ne pas trop parler de lui, mais puisque c’est seulement la première fois pour l’heure alors tout va bien, n’est-ce pas ? Et puis, son fiancé a aussi passé du temps avec Andréa, à l’époque, il est normal qu’il fasse passer le mot. “Je crois que j’ai passé l’âge des anecdotes croustillantes, on se demande quelle couleur de vert pastel on a envie pour les lettres de la porte du bébé et c’est vraiment la question la plus stressante de ma vie pour le moment.” Il avoue dans un souffle amusé puisqu’il est évident qu’il n’est pas réellement en train de se plaindre autant qu’il ne reviendrait en arrière pour rien au monde. Il a connu de nombreux bas, ponctués de certains hauts, et il est bien trop heureux de sa vie aujourd’hui pour regretter son passé. “Je vais devoir me reposer sur toi, si tu veux partager ce genre de nouvelles. Et puis, les années universitaires sont là pour ça, non ?” Même en y retournant à son âge, il ne veut pas croire que cela change fondamentalement l’expérience.

Elle l’attrape par le bras et pose sa tête contre son épaule comme s’il n’y avait rien de plus logique en ce monde, idée avec laquelle Swann est parfaitement d’accord: il n’y a effectivement rien de plus naturel en ce monde, comme en témoigne la simplicité avec laquelle les deux anciens colocataires prennent le chemin du sentier. « On va juste faire en sorte que ça n'arrive plus. » Et l’idée lui plaît, évidemment. Elle lui plaît d’autant plus parce qu’elle sous-entend à elle seule qu’ils feront des efforts pour se voir un peu plus souvent, chacun de leur côté, et c’est tout ce que le petit cœur d’artichaut de l’anglais souhaite entendre. Après tout, il a d’autant plus de mal à se faire à l’idée qu’ils vivent leurs vies complètement séparés après avoir vécu avec elle pendant des années. La rupture est trop abrupte, même avec l’habitude et le temps écoulé. « C’est promis, mais je ne proférerai aucune menace sur Doctor Who. Je pense même faire l’inverse ; m’incruster chez vous pour mater quelques épisodes avec toi. » - “C’est sûrement Rory qui serait heureux de savoir que quelqu’un prend le relais.” Il annonce à son tour, un sourire au coin des lèvres. En réalité, il sait bien que Rory est heureux de passer du temps avec lui peu importe la façon dont ils occupent les secondes égrainées, mais il faut bien avouer que sa série préférée est assez particulière pour ne plaire qu’à un public niche, dont il ne fait peut-être pas partie. « C’est pas comme si on avait pas l’embarras du choix… y en a combien encore ? Un millier ? Tu peux pas te souvenir de tout. » Le sourire de la jeune femme trouve son écho dans celui de Swann, qu’elle sait qu’il ne faut pas lancer sur le sujet de la série. Evidemment qu’il connaît chaque épisode, chaque intrigue, chaque détail et chaque anecdote. Pour autant, il se refrène pour ne pas l’assommer avec tout ça, bien conscient que ce n’est absolument pas le sujet de leur réunion et qu’elle se contente à son tour de se montrer polie. “Tout, absolument tout.” Il rétorque en rigolant, faussement menaçant. Elle connaissait déjà la réponse.

En réalité, il a surtout à cœur de lui annoncer l’arrivée imminente de leur petite fille, ce qu’il fait avec toute la maladresse mais aussi le bonheur du monde. « Mais… Il fallait commencer par ça. » Il aurait pu et il aurait dû, sans doute, oui, mais est-ce qu’il en avait réellement envie ? Oh, bien sûr il crève d’envie de crier au monde entier qu’il s’apprête à devenir père, là n’est pas la question, mais même une nouvelle de cette ampleur ne saurait le pousser à devenir égocentrique et à se focaliser sur sa vie seulement. Il n’aurait pas voulu qu’Andréa pense que cette annonce est la seule chose l’ayant poussé à vouloir la voir en personne après tout ce temps. Elle y joue, évidemment, mais il n’y a pas que ça, bien que l’émotion de la jeune femme tend aussitôt à lui prouver tout le bonheur qui est à son tour le sien et qu’elle partage avec Swann. « Félicitations, je suis vraiment heureuse pour vous. » Elle le prend automatiquement dans ses bras et il répond à son étreinte par la même force et la même émotion, particulièrement heureux de pouvoir partager son bonheur, surtout auprès d’une personne comme telle qui a été aux premières loges des débuts difficiles de leur couple. “Merci Andréa.” Il souffle contre sa peau et se fait à peine entendre, ses bras toujours un peu trop occupés à la serrer fort toute contre lui. « Fille ou garçon ? » - “Une petite fille.” Ils auraient aimé leur enfant peu importe son sexe, évidemment, mais avoir une fille résonne d’une manière toute particulière dans le coeur de Rory, et son fiancé en est bien conscient. Cela le rend d’autant plus heureux.

« Tout sera parfait. Au pire tu décides à pile ou face. » Elle hausse les épaules en mimant de ne rien en avoir à faire, théorie en laquelle l’anglais ne croît que très peu, d’où le sourire en coin qu’il lui renvoie dès lors qu’il accepte de la laisser respirer à nouveau. « Crois-moi, je n’ai rien de palpitant à te raconter non plus. J’ai vieilli, ils sont jeunes, ma date de péremption est dépassée. » Elle joue sur la corde de l’humour mais il garde son regard posé sur elle un peu plus longtemps, soucieux de la réponse en demi-teinte qu’elle semble lui donner par habitude. Il n’irait pas jusqu’à soupçonner quoi que ce soit, ou vouloir se faire du souci pour rien, mais il ne peut s’empêcher de penser qu’il l’a connu bien plus entraînante et bavarde dès lors qu’il s’agissait de parler de sa vie. “Je t’interdis de dire que ta date de péremption est dépassée alors que tu es plus jeune que moi.” Il monte faussement sur ses grands chevaux, pseudo-menaçants aussi au passage. Au fond, il n’en pense pas moins: elle est plus vieille que la majorité des personnes arpentant l’université, c’est un fait, mais cela ne signifie pas pour autant qu’elle est dépassée ou périmée, d’aucune mesure. “Tu arrives à trouver ta place, quand même ?” Il demande, soucieux. Il sait qu’il aurait du mal à se faire à l’idée de retourner sur les bancs de l’époque, bien qu’il ait bien vécu cette période de sa vie. Tout était différent, à l’aube de sa vingtaine, et c’était un passage obligatoire. “Dis toi que tu as au moins le droit de mater les professeurs, maintenant. Bon, pas les tiens, évidemment. Mais tous ceux qui ont moins de soixante dix ans.” Ce qui ne laisse sûrement qu’une très faible marge de manoeuvre dans la vraie vie bien moins romancée que les séries américaines. Mais il use de sourires malicieux et amusés pour tenter de lui voler un sourire et lui faire voir le bon côté des choses, malgré tout le reste.

Swann ne sait contenir la nouvelle bien longtemps, déjà appliqué à avouer à Andréa qu’il s’apprête à voir réaliser son rêve de devenir père et ce à la seconde où son amie lui demande de ses nouvelles. Pourtant, il estime aussi qu’il s’agit du genre typique de nouvelle qui vaut la peine d’être rapidement soulignée, autant parce qu’il a hâte de tenir sa fille entre ses bras que parce qu’il est véritablement comblé de bonheur. Elle est à ses côtés depuis bien assez de temps pour comprendre toute l’ampleur de la nouvelle, et la raison pour laquelle le sourire qu’il étire n’est pas simplement grand, mais bel et bien immense. « Elle va avoir deux papas formidables. Et la meilleure tante du monde. » Le blond en tire un rire automatique, bienheureux qu’Andréa ne s’éloigne pas trop du tableau final: elle est considérée comme une proche de la famille, ni plus ni moins. “Tu peux avoir le rôle de meilleure tante du monde seulement si tu attends un peu avant de la persuader de se faire percer les oreilles.” Il rétorque avec un sourire amusé. Il ne l’a même pas tenue entre ses bras et elle est déjà la prunelle de ses yeux, évidemment.

Bien rapidement, il cesse de faire tourner son monde autant que la discussion au sujet de l’arrivée prochaine de sa fille et préfère se concentrer sur Andréa, qu’il ne voit que très peu pour ne pas profiter de leurs instants ensemble pour prendre de ses nouvelles et rattraper auprès d’elle tout ce qui peut l’être. « Tu sais que je suis sociable, je m’entends avec à peu près tout le monde. Le plus difficile c’est la différence d’âge, je peux pas exactement sortir à tout va avec eux comme à la bonne époque. » Plus sérieux, il hoche la tête. Il admire Andréa pour le courage qu’elle a de reprendre ses études à cet âge, parce que la différence d’âge autant que le regard différent qu’on porte sur elle ne saurait lui simplifier la tâche. Néanmoins, il veut croire que tout ce qu’elle fait en vaut la peine et qu’elle a eu raison de faire un tel choix qui, bien que tout sauf facile, s’avérera payant le moment venu. Elle saura récolter le fruit de tous ses efforts et de tous ses sacrifices, il n’en doute pas un seul instant: elle est courageuse et forte, elle accédera à tous ses rêves simplement parce qu’elle fait tout pour que cela arrive. “Je me doute. Mais c’est au moins une bonne chose que tu ne sois pas dans ton coin.” Elle ne vivra pas les années folles étudiantes à nouveau, mais encore une fois l’anglais voit le bon côté des choses et se dit qu’elle a sûrement déjà eu son temps pour ça. Maintenant, elle est une adulte qui aspire à autre chose, et il n’y a rien de plus normal. Après tout, il se peut qu’elle occupe certains de ses vendredi soirs à garder Robin, alors au final ce n’est pas si pire si elle ne sort pas tous les soirs. « Note que ça pourrait être un bon plan, d’autant que je suis en plein dans le creux de la vague de ce côté-là. » - “A ce point ?” Il demande, mi-amusé mi-soucieux. Il s’amuse de l’idée de la savoir au bras d’un professeur, mais il l’inquiète de l’entendre ainsi parler de sa vie amoureuse, alors qu’il imagine Andréa comme ce genre de personne aimant toujours être au bras de quelqu’un, sans pour autant le considérer comme l’homme de sa vie. Jamais Swann ne poserait un mot sur ce genre d’attitude et il oserait encore moins y apposer le moindre jugement, pas alors qu’Andréa est heureuse lorsqu’entourée. “Tu sais, à tout moment je peux malencontreusement demander à un ami de passer à la maison garder notre fille le même soir que toi.” Il pense à Arthur et espère qu’il va continuer de remonter la pente tel qu’il le fait depuis plusieurs mois, déjà certain qu’il aurait lui aussi besoin de quelqu’un à ses côtés pour continuer à lui donner une raison de donner le meilleur de lui-même. “A moins que tu sois vraiment sur les profs, là j’ai pas de nom à te donner.” Il reprend avec un sourire en coin, bien au courant de ses antécédents. Mais là encore, elle agit comme elle le veut.

Son regard se repose sur le chemin face à eux et sur le chien qui n’a de cesse de faire tous les détours du monde plutôt que de tracer tout droit. Il est épuisant, parfois. “Mais t’as besoin de personne pour t’en sortir. Ou être heureuse. Ok, je suis mal placé pour parler sur ce point, mais je voulais juste te le dire une fois.” Il est plus heureux que jamais depuis qu’il est au bras de Rory, certes, mais il veut aussi croire qu’il aurait pu arriver à un certain palier de bonheur sans l’acteur à ses côtés. Rien d’aussi parfait et complet, mais au moins une assurance, et c’est déjà ce qu’il souhaite à Andréa, qui est déjà une bien assez belle personne pour ne jamais ô grand jamais avoir besoin d’être complétée par qui que ce soit.

Andréa pourrait être une marraine parfaite pour sa fille, c’est évident, et Swann sait aussi que Rory ne s’y opposerait sûrement pas. Simplement, pour l’heure, il refuse de l’appeler par le prénom dont ils ont discuté par souci de ne pas s’attacher à un enfant qui n’est pas officiellement le sien. Il ne cherche pas à s’attirer le mauvais sort d’aucune façon, raison pour laquelle il résiste tout autant à l’envie de parler officiellement parrains et marraines avec son fiancé. Ils aborderont le sujet en temps voulu, quand leur famille sera officiellement agrandie et un peu plus parfaite encore. « Tout ce que tu veux. Est-ce qu’on peut me faire une couronne ? Ou une écharpe, histoire d’officialiser la chose. » - “Je t’entraîne à vivre avec une enfant qui t’offrira des colliers de pâtes, tiens.” Annonce-t-il après s’être baissé, faisant passer une fleur dans les cheveux d’Andréa en guise de seul et unique cadeau pouvant annoncer son possible, peut-être futur rôle. C’est presque comme une couronne, après tout. « Je ne t’en veux pas si on organise pas de cérémonie, faudrait pas abuser. » Elle plante son regard dans le sien mais Swann continue d’observer l’horizon avec humour, échappant au passage un rire sincère. “J’ai toujours su que ta bonté te perdrait, Andréa.” Il avoue et annonce, grand seigneur incroyablement chanceux qu’elle lui propose un tel arrangement. Qu’est-ce qu’il aurait fait de sa vie si elle n’y était jamais entrée, au juste ? « Peut-être mettre une photo de moi dans sa chambre ? Qu’elle sache qui je suis ? » - “Celle de notre premier Halloween peut-être ? Tu étais quoi déjà, une abeille ? Merveilleux souvenir.” L’humour s’empile sur l’humour, il échange un regard en coin amusé alors qu’il faut bien avouer que ce costume ne la mettait pas en valeur. Mais elle ressemblait bel et bien à une abeille, ceci dit, et cela explique sûrement que personne ne voudrait voir un tel souvenir imprimé sur papier et encore moins affiché dans une chambre d’enfant. De toute évidence, Swann n’était pas plus gracieux ce soir-là.

Rapidement, l’anglais abandonne son éternel humour pour se montrer un brin plus sérieux, tentant ainsi de prendre des nouvelles de son amie. « J’ai des histoires ici et là, mais rien de sérieux. » Il hoche la tête, ne jugeant pas ses choix de vie. Il est le genre de personne incapable d’avoir des histoires qui ne soient pas sérieuses, mais il peut comprendre pourquoi d’autres se positionnent autrement à ce sujet, faisant le distinguo entre les sentiments et les interactions physiques. Pour autant, cela ne l’empêche pas de souhaiter à Andréa de retrouver le bonheur côté coeur, raison pour laquelle il émet déjà l’hypothèse de lui présenter quelqu’un si jamais elle en venait à en faire la demande. Il ne fait que proposer, après tout. « Qui que ce soit, je vais lui briser le cœur. Et je pense que tu tiens à tes amis. » Elle éclate aussitôt de rire mais Swann n’en fait pas autant, incapable de savoir si Andréa ferait du mal à Arthur avant que celui-ci ne pense déjà à tout foutre en l’air. Ils seraient doués pour ça, chacun de leur côté, et cela explique sûrement suffisamment pourquoi les présenter d’une telle façon serait effectivement une terrible idée qu’il ne fera pas mûrir davantage. “Tu es bien placée pour le savoir.” Il tient particulièrement à ses amis, en effet, et il ne souhaite le malheur d’aucun d’eux, tout comme aucun ne passe avant les autres non plus. Simplement, il est attristé de ne pas avoir de solution toute faite à lui proposer, ni même de solution tout court.

« Tu crois qu’Aliyah me tuerait si je ramenais un chien à la maison ? » Il sourit, comprenant que Brownie a aussi attiré son attention et certains questionnements avec. “Rory me tuerait si tu lui ramenais celui-ci, par contre.” Ils tiennent à l’animal comme à la prunelle de leurs yeux, de toute évidence. “Mais j’imagine que tu devrais lui poser la question avant d’amener un mangeur de chaussures chez elle.” Ce qui paraît évident mais il le précise tout de même sans se montrer moralisateur, connaissant un peu trop la propension d’Andréa à prendre des décisions sur un coup de tête. « Je sais que j’ai besoin de personne, et toi non plus. Sans Rory, on aurait fini par vivre ensemble à tout jamais et on aurait été les plus heureux du monde. » Il sourit de nouveau, bien conscient qu’elle ne fait que rigoler et qu’elle ne reproche pas réellement à Rory d’exister. Swann passe à son tour son bras autour d’elle, calme et apaisé. “Et j’aurais fait fuir tes conquêtes en leur proposant de regarder un épisode de Doctor Who en pensant seulement me montrer poli.” Il rajoute une ultime fois avec humour. S’il regrette parfois avec une certaine nostalgie le temps où ils se voyaient tous les jours, il est évident qu’il ne voudrait échanger sa vie pour rien au monde. Pour une fois, il n’a pas honte à se montrer hautement égoïste.