@madison kwanteen
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Jo l’aurait traité de pute. Et elle l’aurait dit du plus profond de son cœur, à n’en pas douter, si elle avait vu Charlie embrasser à pleine bouche une inconnue dont elle n’est même pas certaine si le prénom se rapproche de quelque chose comme Madeleine ou Anna, ou même Lise. Elle ne se souvient pas de la sonorité de son accent, elle sait simplement qu’elle la trouvé attirante, autant que l’étaient les traits de son visage qu’elle n’observe plus, maintenant qu’elle a les yeux fermés et sa langue contre la sienne. L’inconnue sent le Negroni, Charlie le Moscow Mule. La soirée bat son plein, le bar est rempli à ras bord à cause d’un événement particulier - lequel en particulier, elle ne s’en souvient pas, vous l’aurez deviné. Elle a une main doucement posée contre sa nuque, son pouce aléatoirement posé contre sa trachée, lui faisant ainsi ressentir les pulsations de son cœur. Elle capture ses lèvres une dernière fois, laisse ses dents s’approprier sa lippe sans aucune force, et sépare finalement son visage du sien dans un sourire aussi doux que malicieux.

Elle occupe toutes ses soirées de la même façon depuis que célibataire est écrit sur son front et elle jure qu’elle aurait dû se contenter de ce mode de vie durant tout ce temps, ce qui lui aurait évité bien des ennuis - dans tous les sens que ce mot peut avoir. Ses mains ne se détachent pas vraiment de la brune alors qu’elle se contente de la baisser contre sa hanche. “Je vais aller me rechercher, un verre, tu en veux un autre ?” La question est sûrement rhétorique mais Charlie la pose quand même, ne voulant pas imposer à autrui sa consommation d’alcool, ou sa consommation tout court. Elle imagine déjà ramener l’inconnue chez elle, évidemment, mais elle prend le temps de profiter de l’instant présent, surtout alors qu’il se passe aussi simplement et parfaitement, en témoigne le hochement de tête de la jeune femme (Rosa ?).

Charlie fait un pas en arrière et tente d’en faire un sur le côté, déjà agacée à l’idée de difficilement se frayer un chemin à travers la foule aussi compact qu’un front row de Justin Bieber en 2011. “Madi ?” est ce qu’elle se demande pourtant à la seconde où elle se retourne, son ami venant soudainement d’apparaître à ses côtés, pour son plus grand bonheur. Les soirées sont toujours meilleures quand elles sont passées entre amies, évidemment. “J’allais me resservir, tu veux un truc aussi ?” Elle parle fort, hurle presque. Le brouhaha est immense dans un bar trop petit pour que cela soit confortable pour le nombre de personnes qu’il accueille en cet instant. “J’ai rencontré une fille, je te la présenterai.” Elle ajoute un clin d’oeil, qui ne laisse aucun suspens quant à la rencontre en question. Elle cherche simplement à se faire rencontrer ses amis et ses connaissances, c’est plus fort qu’elle, elle ne sait pas faire autrement ni même comprendre la notion de groupes d’amis différents et distincts. “Je pensais pas te croiser en bar, t’avais l’air occupée.” C’est ce qu’elle lui raconte par message depuis des semaines, du moins, mais Charlie passe déjà à autre chose. L’alcool lui fait à peine mal au crâne, cela signifie qu’elle a encore de la marge pour prendre d’autres verres au comptoir.

❀ no need to fight it, no need to hide it
« no need to fight it, no need to hide it, now that I've seen what's in your heart, baby girl, I'm the only one who knows this side of you and baby, you know that I can pull out what's inside of you »

Madison avait lu un jour que certains kystes ovariens qui se formaient pouvaient contenir des dents, des cheveux, voire même de la peau morte. Horrifiée, elle avait inspecté son corps à la recherche d’une petite bosse, glissée ses doigts sur l’émaille de ses dents, imaginant cette surface dure et froide enfermée dans une petite boule sous sa peau. L’idée la dégoutait. Pendant plusieurs mois, elle avait rêvé qu’elle se réveillait couverte de kystes remplis de dents, qu’elle accouchait de kystes, bref, une myriade de cauchemars étranges et glaçants qui la mettaient mal à l’aise à chaque fois qu’elle se réveillait.

Ces dernières semaines, Madison a à nouveau rêvé de ces kystes. Mais cette-fois, dans ses rêves, quand elle perce le kyste, il est rempli de dents, certes, mais aussi de cheveux, ceux de Madison, mais aussi des longs blonds qui lui rappelent ceux de Charlie. Parfois, il y a des yeux dans le kyste, et ils ont la couleur de ceux d’Albane, d’Oliver, d’Archie, des parents de Madison. Parfois, ce sont seulement ses yeux dans le kyste, qui la regardent, l’observent, la jugent. Elle se réveille le souffle court, un frisson le long du dos, avec un horrible sentiment d’urgence et de catastrophe qui la terrifie.

Elle boit encore plus, ces derniers temps - elle ne savait même pas que c’était possible de boire autant. Les disputes avec Oliver sont affreusement fréquentes, nourries par ses problèmes de santé, par l’ivresse de Madison, et par le fait qu’elle s’est complètement raccrochée à lui ses dernières semaines sans pouvoir pour autant être sincère avec lui, une distante rapprochée, une ambivalence que même Oliver peut percevoir et lui reprocher. A chaque fois qu’ils se disputent, Madi boit un peu plus. Et pendant ce temps elle, elle prend bien soin d’éviter Charlie, qui aurait pourtant besoin d’elle visiblement. Une tempête fait rage en Madison, elle sent un poids immense sur ses épaules, sa poitrine, elle coule vers le fond et dérive, se demandant s’il existe seulement une porte de sortie.

La seule qu’elle a trouvé, évidemment, c’est sortir et boire jusqu’à que ses pensées ne puissent plus s’aligner.

”Madi ?” Madison se retourne, son corps instable, et elle reconnaît Charlie. Son coeur fait une embardée : elle a trop bu pour supporter de la voir, mais en même temps, elle est heureuse de voir son amie qui lui a étrangement manqué. Une nouvelle fois, Madison est celle qui l’a repoussée et qui pourtant souffre de sa propre punition. Elle prend Charlie dans ses bras pour lui dire bonjour. ”J’allais me resservir, tu veux un truc aussi ?” Madison remarque alors que Charlie a l’air tout aussi ivre qu’elle, si ce n’est plus, et que Madison ne l’a jamais vu dans cet état. « La même chose que toi, s’il-te-plaît ! » Elle répond en parlant trop fort elle aussi pour couvrir le brouhaha. ”J’ai rencontré une fille, je te la présenterai.” Et voilà, la raison pour laquelle Madison évite Charlie. Un trou se forme dans ses poumons et elle essaie de sourire, d’avoir l’air normale. La phrase est dite d’une façon étrange qui laisse peu de place à l’interprétation. « Tu… T’as une relation ouverte ? » Demande-t-elle un peu hasardeuse, curieuse que Charlie qui semble très amoureuse de Cameron aille voir ailleurs, elle n’imagine pas du tout son amie être infidèle, la relation ouverte semblant donc être la seule solution. Elle sent ses joues rougirent. Heureusement elle a assez bu pour ne pas trop pouvoir s’attarder sur son angoisse. ”Je pensais pas te croiser en bar, t’avais l’air occupée.” Ah, les fameux mensonges de Madison. Elle sent son coeur s’accélerer à nouveau. « Euh, oui, désolée d’avoir un peu disparu, c’était le rush ces derniers temps, mais là ça commence à se calmer alors j’en profite ce soir. On ira boire un verre, je te raconterais », balbutie Madison dans le bar bruyant. Elle se rend compte qu’elles sont techniquement déjà dans un bar et qu’elles pourraient discuter maintenant. Mais Madison n’a pas assez peaufiné ses mensonges pour être prête. Alors elle dévie la conversation : « Ca va toi ? » Elle pose sa main sur le bras de Charlie d’un geste affectueux.

@Charlie Fawcett  

« La même chose que toi, s’il-te-plaît ! » Elle est heureuse que Madison la suive pour boire à son tour, mais elle l’est bien moins de devoir se souvenir de ce qu’elle a commandé (ce qu’on lui a offert) précédemment. Sa moue retrouve son verre, elle tente de deviner quelque chose à partir de l’odeur et de la couleur, mais elle n’arrive nulle part. Madison aura le droit à un autre cocktail, ce n’est pas ce qui importe réellement. Et déjà, Charlie est occupée à faire la conversation, à ajouter ses nouveaux amis d’un soir à la conversation et à agir comme si tout le monde était éternellement aussi enjoué qu’elle à l’idée de rencontrer de nouveaux visages. « Tu… T’as une relation ouverte ? » Elle a l’air bizarre, Madison, mais Charlie ne s’y attarde pas: elle fait reposer la faute sur Cameron, qu’elle pense encore en couple avec. “J’ai plus de relation du tout. Longue histoire, je te raconterai plus tard.” Elle hausse simplement les épaules sans en faire des tonnes, bien incapable de vouloir donner davantage d’importance à un homme qui ne fait plus partie de sa vie.

Puisqu’elle passe déjà à autre chose, Charlie pose avec amusement la paume de sa main libre contre la joue de Madison, qu’elle devine rouge sans que ce soit dû aux lumières. “T’as quelques cocktails d’avance ?” Elle questionne donc avec un certain amusement, qu’elle ne cherche absolument pas à cacher un seul instant. Tout ce qu’elle dit, outre ces quelques mots, c’est qu’elle est aussi ravie qu’heureuse de croiser Madison, qui avait l’air d’avoir une vie à cent à l’heure dernièrement. « Euh, oui, désolée d’avoir un peu disparu, c’était le rush ces derniers temps, mais là ça commence à se calmer alors j’en profite ce soir. On ira boire un verre, je te raconterais » Les mots s'enchaînent rapidement sans qu’elle ne puisse dire s’il s’agit réellement de Madi qui parle vite ou l’esprit de Charlie qui suit naturellement le rythme de la musique. “C’était pas un reproche, t’en fais pas. On ira boire un verre plus tard.” Et elles auront apparemment beaucoup de choses à se raconter, même si d’ici là Charlie aura sûrement trouvé le moyen de s’enticher de quelqu’un d’autre, ou de simplement mieux tourner la page sur son ancien petit-ami. « Ca va toi ? » Pas vraiment, non, mais au moins elle se sent libre. Et aux yeux de Charlie, ça n’a pas de prix, comme en témoigne le sourire qu’elle lui accorde en retour, sans les explications supposées aller avec pourtant. Son bras passe à son tour derrière les épaules de Madison, pour l’amener avec elle près du bar. “Un Moscow Mule pour mon amie. Et… pour moi aussi.” Elle jauge brièvement le fond de son verre avant de commander pour sa personne, et estime qu’elle peut le finir avant même que le barman ait terminé leur commande.

Son visage se rapproche du sien uniquement pour lui parler contre son oreille et tenter de palier au niveau sonore de la musique. “Tu vois la rousse à gauche ? Avec la robe noire ? Je peux te dire qu’elle embrasse divinement bien.” Les confessions sont faites dans un sourire qui prend la forme d’un rire enfantin, les envies de Charlie pour le reste de la soirée ne s’arrêtant pas uniquement à un simple baiser pour autant. “Mais j’ai déjà son numéro, donc je peux rester avec toi. Tu es venue seule ? Ou tu veux trouver quelqu’un ? Je peux faire ça pour toi, si tu veux.” Puisqu’elle imagine si bien que le monde est binaire et qu’il n’existe que des personnes ayant déjà trouvé leur moitié ou d’autres en quête de la leur (de façon temporaire ou définitive), elle balaie déjà l’assemblée du regard pour trouver un garçon aussi mignon que Madison.

❀ no need to fight it, no need to hide it
« no need to fight it, no need to hide it, now that I've seen what's in your heart, baby girl, I'm the only one who knows this side of you and baby, you know that I can pull out what's inside of you »

Madison s’en veut encore de sa réaction à la bisexualité de Charlie. Les émotions qu’elle ressent sont contradictoires, elle a peur de lui donner l’impression de la juger, elle qui sait très bien l’acidité que provoque l’homophobie dont elle prétend ne pas être victime, peur de donner l’impression de comprendre aussi ; elle ne sait même pas exactement tout ce qu’elle pense de tout ça, simplement qu’elle joue en boucle dans sa tête cette phrase que lui a dit Charlie, “et je pensais que toi aussi, tu étais pas hétéro”, sans savoir si elle veut nier en bloc, donner un bout d’une vérité qu’elle refuse toujours de croire. Et une part d’elle a envie de repousser Charlie, de fuir, comme elle l’a fait quand elle était adolescente… Et une part d’elle a envie de sa présence, son affection, son approbation. Alors quand Charlie lui mentionne cette fille dans le bar, Madison essaie d’avoir l’air normale, détendue, comme si cette conversation ne lui causait aucune tornade intérieure. ”J’ai plus de relation du tout. Longue histoire, je te raconterai plus tard.” … Ohhh…oh. Oh. Madison sent son coeur qui s’emballe bêtement, elle ne sait même pas vraiment pourquoi - ce n’est pas comme si elle avait de nouveau un crush sur Charlie, non. C’est plutôt que le fait que Charlie soit en couple avec un homme aidait Madison à ne pas trop penser au reste, à leur passé, à toutes les questions qu’elle a toujours. « Oh, euh, merde. Tu… ça va ? » Demande Madison. Elle a trop bu, l’air est moite et lui colle à la peau, elle a chaud. Charlie lui touche la joue, provoquant une brûlure diffuse. Etrangement, Madison a envie de pleurer en cet instant, comme ça lui arrive parfois quand elle regarde sa vie un peu de l’extérieur et se demande si elle s’est trompée sur toute la ligne, sur tout.  

”T’as quelques cocktails d’avance ?” Une nouvelle question sur la consommation d’alcool de Madison. Elle pourrait en être inquiète, mais cette fois-ci, Charlie est aussi ivre qu’elle, il est plus facile de ne pas attirer l’attention sur son ivresse : « Je crois que tu es aussi bien lancée que moi, non ? » Répond-t-elle,
essayant d’en rire.

Malheureusement, Charlie n’est pas assez ivre pour oublier que Madison lui sert des excuses depuis des semaines pour ne pas la voir, et que c’est un peu étrange qu’elles se croisent ce soir ici. Heureusement, comme toujours, Charlie lui accorde le bénéfice du doute, ne voit pas le mensonge : ”C’était pas un reproche, t’en fais pas. On ira boire un verre plus tard.” Madison a envie de répondre que oui, elles iront boire un verre, et a aussi envie de complètement fuir la conversation, de disparaître.  Mais elle suit Charlie vers le bar, ivre, et elle en veut plus, toujours plus. ”Un Moscow Mule pour mon amie. Et… pour moi aussi.” Ah, voilà que Madison va mélanger les alcools. C’est souvent la recette pour un désastre et une bonne gueule de bois, mais aussi pour une ivresse si forte qu’on oublie le reste. Et elle en a besoin, vu comment Charlie continue les sujets qui fâchent - enfin, non, ils ne fâchent pas, ils paniquent, plutôt. ”Tu vois la rousse à gauche ? Avec la robe noire ? Je peux te dire qu’elle embrasse divinement bien.” Madison a les joues rouge bordeau. Elle attrape son nouveau verre comme si c’était une bouée de sauvetage. ”Mais j’ai déjà son numéro, donc je peux rester avec toi. Tu es venue seule ? Ou tu veux trouver quelqu’un ? Je peux faire ça pour toi, si tu veux.” Madison avale de travers sa gorgée de cocktail : « Non, non ! » Elle s’exclame, trop paniquée pour avoir l’air naturelle. « Enfin, je veux dire. Euh… Je suis venue avec des potes, mais euh, non, j’ai un copain, Charlie », elle bredouille. Elle a l’air stupide, elle le sait.  « Mais tu peux retourner avec la fille, si tu veux, t’as bien raison de te changer les idées », elle essaie de dire d’un ton dégagé, comme si elle et Charlie partagent une conversation post-rupture entre bonnes copines. « Je suis désolée pour ta rupture, les mecs sont trop cons », continue-t-elle, réalisant qu’elle s’emballe : « Enfin on les aime quand même, hein ? Dommage... Enfin, non, pas dommage, mais tu vois ce que je veux dire », c’est une catastrophe, se dit-elle, il faut absolument qu’elle trouve un moyen de semer Charlie parce qu’elle ne sait définitivement plus tenir sa langue.

@Charlie Fawcett  

Charlie hoche la tête. Elle va bien, maintenant qu’elle a pris quelques verres. Quand elle sera sobre à nouveau, elle repensera à Cameron et à tout ce qu’elle continue malgré tout d’aimer chez lui, ce qui devient autant de choses qu’elle tente de détester. Il l’a prise pour une imbécile, et l’idée ne lui plaît évidemment pas. Mais pour ce soir, elle n’en parlera pas, parce qu’elle refuse d’être ce genre de pauvre fille sans cervelle accaparant la discussion autant que la bonne ambiance de la soirée pour raconter son histoire et espérer l’empathie d’autrui. Jamais Charlie ne cherche l’empathie des autres: elle veut leur attention, leur amour, mais certainement pas leur pitié. L’histoire sera racontée plus tard à Madison si elle y tient tant, mais pour l’heure il n’y a rien de plus à en dire. Elle s’attarde plutôt sur ses joues rosées et chaudes, lesquelles ne sont pas uniquement dues à la chaleur ambiante du trop petit bar. « Je crois que tu es aussi bien lancée que moi, non ? » Elle sourit. Effectivement, oui. “Un point pour toi.” Elle est assez bien lancée pour ne pas comprendre que Madison esquive sa question.

« Non, non ! Enfin, je veux dire. Euh… Je suis venue avec des potes, mais euh, non, j’ai un copain, Charlie. »
“Ah oui.”

Elle répond mollement, son taux d’alcoolémie n’ayant pour une fois pas grand chose à voir avec le peu d’entrain qu’elle met à l’idée que Madison soit en couple avec un homme dont elle ne parle jamais, au point où Charlie en vient régulièrement à oublier son existence. C’est dommage, parce qu’elle aurait adoré jouer les rabatteuses pour elle: sans même le connaître, la blonde est déjà certaine que son amie mérite bien mieux que ce gars en question. Déjà, elle l’imagine profondément gentil mais sans rien d’autre de plus pour lui - ou alors des petites fossettes, au moins ? « Mais tu peux retourner avec la fille, si tu veux, t’as bien raison de te changer les idées » Non, elle fera toujours passer ses copines avant le reste, surtout alors qu’elle se sait assez volage pour trouver quelqu’un d’autre au cours de la soirée, fille ou garçon. “Non, je reste avec toi. T’imagines depuis combien de temps on a pas passé une soirée ensemble ?” Charlie, elle, peine à l’imagine. Et rien que pour ça, cela lui faire dire que la réponse tient à ‘trop longtemps”: elles doivent se rattraper. « Je suis désolée pour ta rupture, les mecs sont trop cons. Enfin on les aime quand même, hein ? Dommage... Enfin, non, pas dommage, mais tu vois ce que je veux dire. » Elle boit une longue et lente gorgée de son cocktail, laissant face à elle Madison s’empourprer dans des explications inutiles que jamais son amie n’aurait eu pour idée de quémander. Une fois ses mots semblants être arrivés au bout de son explication, Charlie reprend. “J’ai compris que t’aimais que les garçons, tu sais, pas besoin de me faire un laïus.” Son sourire prouve qu’elle ne lui en tient pas rigueur et sans doute même qu’au contraire, elle trouve l’idée amusante. Elle lui explique autant de choses qui ne regardent pas Charlie, persuadée que personne ne devrait être jugé pour sa sexualité - entre bon nombre d’autres choses. “Je trouve ça juste dommage pour la gente féminine, mais ça regarde que moi.” Un nouveau sourire appuie ses propos. Madison est belle, intelligente, drôle. Son petit-ami a de la chance de l’avoir, à défaut qu’elle veuille en dire autant du contraire: elle a moins de chance de l’avoir, elle en est persuadée.

Puisque le sujet n’est pas voué à devenir un débat, elle reprendre déjà une gorgée de moscow mule. Si elles étaient au théâtre, ce geste serait le parfait synonyme d’entracte. Pour ce soir encore, elles sont simplement accoudées au bar, sans y voir le moindre problème. Ce n’est que lorsque la musique change que les yeux de la blonde s’agrandissent, ses lèvres rapidement désolidarisées de la paille qu’elle croquait encore il y a peu. “C’est Queen. Il existe une règle universelle avec Queen: on est obligées de danser dessus.” Et par on, le doute n’existe pas: elle parle bel et bien de Madison et elle, Queen étant sacré au point où la tradition ne se partage pas avec le premier venu. Fort heureusement, ce n’est pas ce qu’est Madison, déjà entraînée un peu plus loin du bar, par la seule main libre de Charlie, l’autre n’ayant pas abandonné son verre.

❀ no need to fight it, no need to hide it
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”Non, je reste avec toi. T’imagines depuis combien de temps on a pas passé une soirée ensemble ?” Charlie a toujours eu quelque chose de désarçonnant aux yeux de Madison. Elle ne sait pas si c’est la légèreté de son amie, l’aisance qu’elle a, son éternel optimisme. Quand elles étaient adolescentes, Madison se demandait souvent ce que Charlie pouvait bien lui trouver, pourquoi elles étaient amies ; depuis toujours, Madison porte en elle cette insupportable impression qu’on la tolère simplement, qu’elle est inintéressante. Mais Charlie est le genre de personnes qui vous donne l’impression d’être exceptionnelle, que passer du temps avec vous serait un privilège pour elle. Madison ne comprend pas pourquoi Charlie ne se demande pas justement pourquoi elles n’ont pas passé de soirée ensemble depuis longtemps, parce que Madison l’évite, de la même façon qu’elle l’a évité quand elles étaient ados jusqu’à qu’elles perdent contact. Mais non, Charlie fait confiance aveuglement, elle saisit juste l’opportunité de passer du temps avec Madison, elle semble heureuse de la coïncidence de se retrouver et faire la fête ensemble. Madison se demande, une nouvelle fois, ce que Charlie se raconte du fait que Madison a littéralement disparu de sa vie pendant des années. Sûrement qu’elle n’y pense pas, se dit Madison, qui elle a été rongé pendant des années, à se demander ce qui aurait pu arriver si elle avait été honnête avec Charlie - honnête sur quoi, elle ne sait pas vraiment, puisqu’elle refuse de se pencher sur ses sentiments.

”J’ai compris que t’aimais que les garçons, tu sais, pas besoin de me faire un laïus.” Madison sent le rouge lui monter aux joues. Une nouvelle fois, elle n’est pas honnête avec Charlie. Mais elle ressent un soulagement à se dire qu’elle a réussi, qu’elle est en sécurité. Charlie la croit avec tellement de ferveur que Madison croit elle-même à son mensonge. ”Je trouve ça juste dommage pour la gente féminine, mais ça regarde que moi.” Les yeux de Madison s’écarquillent : qu’est-ce que Charlie sous-entend là-dedans ? Est-ce qu’elle parle de façon générale ? Est-ce qu’elle fait un sous-entendu ? Et pourquoi est-ce qu’elle sourit autant ? Madison sent son coeur s’accélérer, se transformer en une tornade qu’elle pourrait cracher entre ses lèvres. Elle boit son verre cul sec. « Ah, tu veux… Hm, tu veux dire que - » Mais Madison ne saura pas ce que Charlie voulait dire, puisqu’une chanson les interrompt, envoyant Charlie dans un état d’hystérie alcoolisé : ”C’est Queen. Il existe une règle universelle avec Queen: on est obligées de danser dessus.”

Et elle prend la main de Madison et l’entraîne à sa suite, et elles sont sur le dancefloor bondé, et Charlie est tout près d’elle, lui tenant la main, la faisant danser. Elles ont bu toutes les deux, trop bu, c’est certain, et Madison se sent perdue entre l’euphorie que le cocktail renforce, et la panique complète dans ses veines. Elle ne comprend pas comment Charlie peut avoir l’air si heureuse, et encore moins comment elle peut simplement embrasser une fille dans un bar puis aller danser avec Madison. Toutes les émotions se mélangent en Madison, qui sent la nausée la guetter. Mais elle tient bon - hors de question de vomir devant Charlie qui est déjà si observante sur l’alcool qu’elle boit, même si vu son état actuel, ses compétences de détectives seraient plutôt limitées. La chanson de Queen se terminent mais elles restent, s’amusent, dansent, déshinbées, tellement que Madison ne peut pas s’empêcher de se pencher vers son amie et de hurler par dessus la musique : « Charlie ? » Ce n’est pas l’endroit pour avoir des conversations sérieuses, la musique est trop forte, mais cette agitation protège Madison qui ne pourrait pas être sincère sobre et dans le silence. « Pourquoi tu pensais que je n’étais pas hétéro ? »

@Charlie Fawcett  

C’est Queen, et cette explication se suffit à elle-même pour expliquer l’invitation sur la piste de danse. C’est Queen, alors elles doivent profiter des prochaines minutes comme si elles étaient les dernières, le groupe étant bien trop emblématique pour ne pas le vénérer à sa juste valeur. C’est Queen, alors Charlie se rend compte de la chance qu’elle a de vivre autant que d’être entourée par des amis aussi incroyables que Madison l’est. C’est Queen, et la maison de Madison se retrouve dans celle de Charlie, le sourire de cette dernière se voulant plus immense que jamais. C’était Queen, la chanson est déjà terminée, mais puisqu’elles sont au cœur du bar alors elles en profitent quelques minutes de plus, trop jeunes pour retourner s’asseoir et ne pas profiter un maximum de la soirée. Après tout, elles ne se voient pas très souvent, alors Charlie veut profiter de chaque instant passé en compagnie de sa chère amie. « Charlie ? » Son prénom est hurlé presque aussi fort que la musique ayant pris place au sein du bar, laissant la blonde relever les yeux en direction de son amie. Elle se retourne pleinement vers elle, ses deux mains posées par-dessus ses épaules, uniquement pour rester face à elle et ne pas risquer de se faire emporter chacune de son côté par la foule agitée. « Pourquoi tu pensais que je n’étais pas hétéro ? » Silencieuse, elle lui avait laissé le temps de formuler ses mots, et voilà que Charlie se retrouve prise de court par le sujet autant que par la question en elle-même. Ses yeux l’observent un instant et jugent du sérieux de sa remarque, avant qu’elle ne juge finalement bon de les extraire du cœur de l’action pour préférer à cela un brin d’intimité, ou tout du moins de musique hurlée un peu moins fort dans leurs oreilles.

“Pourquoi est-ce que tu parles comme si tu l’étais pas ?” Le ton de Charlie n’accuse pas, mais elle ne cherche pas un seul instant à cacher la surprise qui est la sienne. Madison parle au passé, elle dit n’était pas, pas n’est pas et c’est le genre de détail qu’elle continue de noter même en ayant beaucoup trop bu. La discussion n’a de cesse de revenir entre elles sans que la blonde ne comprenne le point de tout ceci. “Je sais pas, t’as un petit-ami et on a jamais parlé filles ensemble. C’est juste une intuition.” Largement aidée par l’éducation qu’elle imagine aisément la famille Kwanteen avoir donnée à sa fille, aussi, oui. Ses parents ne voudraient pas qu’elle dénote par sa sexualité, et c’est à peine s’ils peuvent sans doute supporter ses excès d’alcool. “Et ça a presque paru te dégoûter quand j’en ai parlé de mon côté, aussi.” Ce qu’elle ne prend pas mal, consciente qu’il s’agissait bien plus de l’expression de sa surprise plutôt qu’un quelconque jugement. Pourtant, cela s’ajoute aux éléments lui faisant penser qu’il n’y a rien de plus logique en ce monde que de penser que Madison est hétérosexuelle et parfaitement heureuse dans son couple, bien qu’elle semble le tenir aussi secret que possible. Après tout, ce n’est que son choix, et Charlie le respecte, ayant sans doute un peu trop tendance à tomber dans l’excès inverse à son tour et afficher son petit-ami partout à la seconde où il gagne ce titre, justement. “T’essaies de me dire quelque chose ?” Elle finit enfin par demander avec empathie, la musique derrière elles maintenant que Charlie trouve son point d’appui sur le trottoir sur lequel elle s’assoit, observant les rares voitures défile devant elle dans l’obscurité de la nuit.

❀ no need to fight it, no need to hide it
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Au milieu de trop d’alcool, trop de musique, trop d’angoisse, Madison a besoin de savoir : qu’est-ce qui l’a trahi, pourquoi est-ce que Charlie pense cela d’elle ? Et les émotions sont contradictoires, comme toujours, la peur d’être découverte, le déni profond où elle se dit que Charlie a tort sur toute la ligne, et tout au fond d’elle, cette envie stupide que quelqu’un la voit et lui dise que oui, elle n’est pas hétérosexuelle, que quelqu’un lui prenne ce foutu poids sur les épaules, lui dise la vérité qui lui ferait du bien. Mais tout en elle semble vérouillé par mille cadenas. Elle n’arrive même pas à se souvenir qu’il y a seulement quelques mois, elle disait à haute voix à Archie qu’elle aimait les filles. Elle a enfoui ce souvenir en elle et vit comme s’il n’a pas existé. ”Pourquoi est-ce que tu parles comme si tu l’étais pas ?” Le visage de Madison se colore et elle retient à temps une grimace que Charlie aurait encore interprêté comme du dégoût. « Hein ? Non, j’ai pas dit ça », se défend-t-elle, les lèvres tremblantes mais avec un petit rire, comme pour repousser la situation, la rendre légère. ”Je sais pas, t’as un petit-ami et on a jamais parlé filles ensemble. C’est juste une intuition.” Une intuition. Le coeur de Madison bat s’il vite qu’il sort de sa poitrine et se balade dehors, dansant au rythme de la musique dans une chorégraphie effréné. Elle ne sait même pas quoi dire, comme réagir, elle a pensé que Charlie évoquerait peut-être leur amitié passée fusionnelle. Madison se souvient de la façon dont elles se tenaient la main quand elles allaient au mall, riant ensemble comme deux adolescentes, mais les regards qu’elles s’échangeaient ont depuis hanté les nuits de Madison. Mais Charlie ne met pas des mots sur ça, elle ne l’a peut-être pas ressenti. Elle ne se doute de rien, se dit Madison. Ni de la nature des sentiments que Madison a eu pour elle, ni le fait qu’elle les a pensé réciproque, ni qu’elle a coupé tous les ponts pour cette exacte raison. Charlie n’a même pas l’air de se douter qu’elles se sont éloignées pour une raison précise. Naïve, et surtout pleine de bonnes intentions, Charlie pense sûrement que c’est la vie, c’est comme ça.

”Et ça a presque paru te dégoûter quand j’en ai parlé de mon côté, aussi.” Madison secoue à nouveau la tête. Toute cette discussion est une erreur. « Non, non, j’étais surprise », dit-elle, mais Charlie ne l’écoute déjà plus, elle sort du bar, complètement ivre, et s’asseoit sur le trottoir. Les lumières de la rue clignotent, percent le ciel noir. Madison reste debout, le regard vers l’horizon. Le brouhaha du bar lui manque. Il la cachait bien. ”T’essaies de me dire quelque chose ?” Pendant une demi-seconde, elle manque de lui parler, de lui dire quelque chose. Elle sent la boule dans sa gorge qui pourrait sortir, le vomi verbal qu’elle ravale. « Non, j’étais juste curieuse. » Elle se justifie, toujours ivre, toujours flottante. Elle a trop peur pour s’approcher ne serait-ce un instant de la vérité. « Tu ne veux plus danser ? » Demande-t-elle en faisant un signe de tête vers l’intérieur. « Il faut que je retrouve mes amis aussi… » Et voilà, la fuite, l’échappatoire, la cachette. Elle est une spécialiste de l’illusion, une véritable magicienne.

@Charlie Fawcett  

Charlie aborde le sujet alors que ses épaules bougent doucement au rythme de la musique. Elle en parle comme si elle faisait la liste des courses tant le thème est ancré dans son quotidien et tant, aussi, elle a fait son possible toute sa vie durant pour qu’il ne soit pas qualifié de spécial. Il n’y a rien de spécial à parler garçons, il ne devrait rien y avoir non plus de spécial à parler filles, même alors qu’elle en est une elle-même. Ce sont des détails qui n’ont aucune importance, et une part d’elle espère que Madison le sait, même si son amie semble avoir à coeur de lui assurer qu’elles ne sont pas à ranger dans la même case. Tout ce qu’elle dit, c’est qu’il n’y aurait pas de mal à ce que ce soit le cas. Du reste, elle ne peut pas changer le monde, à défaut de le vouloir. « Non, non, j’étais surprise » Peu convaincue, elle n’arrive même plus à feindre l’acceptation, l’alcool lui empêchant d’être une personne raisonnable. Rien ne s’arrange une fois à l’extérieur du bar, de toute évidence.

Elle lui tend une perche. Assise sur son bout de trottoir, ses jambes relevés contre son torse, Charlie relève les yeux dans ceux de son amie pour l’interroger. Il n’y a rien de semblable à l’attitude qu’elle aurait pu avoir au poste de police, mais sans doute qu’elle se montre un peu plus insistante que ce qu’elle l’aurait été en temps normal. Une fois de plus, et comme à son habitude, son amie se dérobe. « Non, j’étais juste curieuse. » Comme toujours. La curiosité a bon dos, mais peut-être qu’elle est effectivement le reflet de la réalité. Charlie ne cherche pas à creuser, cette fois-ci elle hoche la tête, l’air à peine plus convaincue. « Tu ne veux plus danser ? » Un coup d’oeil à son téléphone lui apprend l’heure qu’il est et, dans un souffle, elle pense à la journée du lendemain qui s’annonce particulièrement longue. “Non, je dois rentrer.” Et de toute façon, la soirée ne l’amuse déjà plus. « Il faut que je retrouve mes amis aussi… » Madison a toujours des excuses à tout, mais puisque son amie l’a effectivement observée en compagnie, elle n’en dit rien de plus. Ses autres amies l’embêtent sans doute bien moins et, à leurs côtés, la jeune Kwanteen peut se permettre de danser et de boire sans se poser trop de questions, sans jamais se faire de souci non plus. A dire vrai, c’est un programme que Charlie pourrait presque jalouser, estimant désormais ne pas avoir assez bu puisqu’elle peut tenir un discours de pensées un peu trop logique, un peu trop triste aussi. “Fais attention à toi.” Elle annonce simplement, lui signifiant par la même occasion que leurs chemins se séparent en cet instant, l’au revoir étant marqué par le baiser que Charlie dépose contre sa joue par pure habitude. De son côté, elle est déjà occupée à se commander un taxi pour rentrer.