| (parkers #5) i promise if you go, i will make sure she's alright |
| | (#)Jeu 27 Avr 2023 - 13:12 | |
| D’un point de vue extérieur, ce moment ressemblait à n’importe quelle réunion familiale chez les Parker. Eleonora n’a aucune envie d’être là, j’essaye de ne pas faire une remarque à la minute et maman parle à vive allure dans la simple idée de ne jamais laisser le silence s’installer. La gêne est palpable dans l’air, aucun de nous ne sait où trouver sa place et le small talk n’a jamais été l’un de nos points fort. Bien sûr ma mère à chercher à nous faire parler, j’ai eu le droit à des questions sur la grossesse de Rosalie et Leo a eu son lot d’interrogation concernant son emploi ou ses amis, mais tout me paraît forcer à l’extrême. On n’avait jamais vraiment su y faire les uns avec les autres, mais cette fois tout ressemblait à une farce de mauvais goût. J’ai parfaitement conscience de ce qui se cache derrière cette invitation à dîner, mais j’ai promis à ma mère qu’elle aurait le choix quant au moment où elle voudra annoncer la nouvelle à Leo. J’avais promis de ne pas m’interposer, mais l’attitude de Leo me donne envie de hurler. Sous couvert de sa mauvaise humeur habituelle et accompagnée d’un regard assassin, elle ne cesse de pousser sa nourriture du bout de sa fourchette en nous gratifiant d’un concert de soupirs sans fin. Et elle s’étonne encore que je continue, parfois, à la traiter comme une adolescente difficile. Dans cinq minutes, elle va hurler qu’on est la pire famille du monde et qu’elle a franchement autre chose à faire que s’asseoir cinq minutes avec nous. Je peux entendre son sang qui bouillonne au rythme de sa basket qui tape contre le carrelage et je dois me mordre la lèvre pour ne pas hurler que, moi aussi, je préférerais crever dans un coin plutôt que d’être ici, à cet instant précis. Pourtant, aucun son ne s’échappe d’entre mes lèvres, parce qu’en face de moi, se trouve le regard inquiet de ma mère qui ne cesse d’ouvrir la bouche sans faire jamais émettre le moindre bruit. Cette scène, je l’ai déjà vécue, il y a vingt ans de cela, quand il avait fallu annoncer à Leo qu’elle allait vivre chez nous. À cette époque, la gamine ne jurait que par moi et tout le monde avait trouver cela normale que je sois celui qui la fasse s’asseoir sur une chaise pour lui dire que sa mère n’allait plus assez bien pour s’occuper d’elle. Je ne pourrais jamais oublier son regard ce jour-là et je ne suis clairement pas prêt à la regarder traverser la même épreuve une seconde fois. « Vous n’avez plus faim ? » Mon regard se détache de Leo pour croiser celui de ma mère qui fixe tristement nos assiettes encore presque pleines. Pour faire bonne figure, Leo enfourne quelques bouchées, mais je n’arrive pas à passer outre le nœud qui me sert le ventre depuis ce matin.
Le silence s’étire encore et je sens mes nerfs qui s’effritent à mesure que les minutes défilent. Ma mère ne trouvera jamais le courage de lancer la conversation et je refuse d’être celui qui endosse le mauvais rôle une fois encore. Alors, on se fait un café, on continue à parler de la pluie et du beau temps, on se contente d’être trois idiots qui tentent de former une famille fonctionnelle. Mais le poids de la révélation se fait de plus en plus lourd, parce que je sais et que Leo n’a toujours connaissance de rien et bientôt maman ne pourra plus la retenir sans raison. On a terminé de manger, Leo est en train de dégommer sa deuxième tasse de café et je peux déjà l’entendre ruminer l’excuse qui la fera sortir d’ici. Je voudrais qu’elle sache, qu’elle réalise que les moments comme celui-ci sont compté et qu’elle ne peut pas continuer à jouer cet acte de la gamine insolente avec sa propre famille. Les non-dits perdurent malgré tout, parce que maman a décidé de sortir les photos de son mariage et je perds patience… Puis Leo soupire une fois encore, la fois de trop. « Souffle encore une fois et je t’arrache la tête ! » que je crache dans une agressivité qui n’a rien à faire là. « Wyatt ! » Comme toujours, ma mère s’offusque tandis que Leo se prépare à me servir une remarque assassine, mais je ne lui en laisse pas le temps. « Maintenant, tu lui dis ou c’est moi qui le fais ! » A trop se tourner autour, j’en suis venu à perdre ma patience, alors que je m’étais promis de ne pas le faire, alors que je voulais laisser du temps à ma mère. Excéder d’avoir craqué aussi rapidement, épuisé par des nuits sans sommeil à ruminer la révélation de ma mère dans un coin de ma tête, je finis par me lever de table pour aller prendre appui sur le comptoir de la cuisine, tournant le dos aux deux femmes. J’ai besoin que ma mère parle pour m’enlever de la tête cette petite voix qui ne cesse de me dire que si elle ne dit rien, c’est peut-être parce qu’elle va bien au final. Et je suis incapable de leur faire face quand j’entends la voix ma mère emplie de larmes qui prononcent ces quelques mots. « Écoute ma chérie, je suis malade… »
Ce n’est pas vrai, ça ne peut pas nous arriver encore une fois…
@eleonora parker |
| | | | (#)Lun 1 Mai 2023 - 14:49 | |
| « Vous n’avez plus faim? » Tu n’avais même pas faim lorsque tu as pris la première bouchée de ton repas, mais pour que le calvaire finisse plus vite, tu en prends quelques-unes d’affilée, persuadée qu’ainsi, tu seras libérée plus rapidement de l’horreur que sont les repas de famille. Tu ne sais même pas ce que vous célébrer. Vous n’avez rien à célébrer. L’anniversaire de Wyatt date d’il y a quelques mois maintenant, le tien est encore dans plusieurs semaines et dieu sait que celui de ta tête n’est seulement que vers la fin de l’année. Non, son repas est tombé comme un cheveu sur la soupe sans raison aucune et tu n’avais pas envie d’être là. Tu n’étais pas d’humeur à échanger des plaisanteries et entretenir une discussion qui n’avait ni queue ni tête. Pas d’humeur, pas de patience, pas non plus la prétention de vouloir faire semblant ne serait-ce qu’un petit peu. L’humeur était particulière autour de la table et tu n’étais pas certaine de savoir pourquoi, mais une chose était certaine : tu n’avais pas envie de gérer peu importe ce qui semblait se jouer entre ton cousin et ta tante. Non, tu as bien assez de tes propres problèmes et de tes propres emmerdes pour avoir envie de ne serait-ce savoir ou comprendre tous les sous-entendus qui se jouent présentement entre deux regards qu’ils pensent que tu ne remarques pas. Ta tante commence à t’assaillir de questions auxquelles tu ne veux pas répondre, la même chose que d’habitude : le travail, tes amis, tes fréquentations. La surprise qui se lit sur son visage quand tu lui dis d’un grognement que tu travailles encore au vignoble depuis plusieurs mois t’insulte, même si tu sais parfaitement que c’est un miracle quand on te connaît que tu aies pu tenir un emploi aussi longtemps.
Quand elle aborde le sujet du mariage et de la fille qui était censée t’accompagner, tu perds le peu de bonne foi qu’il te restait encore. La dernière chose dont tu as envie, c’est d’étaler le bordel qu’est ton lien avec Albane devant ta tante et Wyatt, des plans pour qu’elle se fasse encore plus d’idées qu’elle ne semble déjà en avoir et que l’autre se moque de toi pour tout un tas de raisons qui seraient pourtant valides. Tu ne fais que grogner et soupirer, ce qui semble heurter ta tante légèrement, mais ce à quoi tu ne t’attendais pas, c’est que Wyatt perde patience contre toi, sans crier gare. « Souffle encore une fois et je t’arrache la tête! » « C’est quoi ton problème?! » que tu rétorques aussitôt alors que ta tante s’exclame en même temps. Tu n’as pas la moindre idée de ce qui se passe, mais il est bien évident que peu importe ce que c’est, c’est plus grave que de simplement se faire chier à lors d’un dîner que personne n’a demandé. « Maintenant, tu lui dis ou c’est moi qui le fais! » Tu fronces les sourcils, réalisant que peu importe ce qui se passait dans les sous-entendus de la soirée, tu n’avais véritablement rien compris. Que ce qui n’a pas encore fait surface te concerne et te voilà désormais sur les nerfs, ton regard passant constamment entre ton cousin dont la colère est palpable et ta tante dont le visage semble s’être allongée d’une dizaine de centimètres en quelques secondes à peine. « Me dire quoi? » que tu demandes d’une voix forte alors que le silence s’allonge à nouveau, même si cette fois-ci, il est rempli pour les battements de ton cœur qui se sont accélérés, comme si tu décelais un stress dont tu ignorais pourtant encore toutes les raisons. Wyatt se lève, le bruit de sa chaise qui crispe le plancher te dérange et tu détestes encore plus la distance qu’il semble vouloir imposer entre lui et vous. Quand les mains de ta tante viennent se poser sur les tiennes et que tu vois son regard se mouiller avant même qu’elle n’ait ouvert la bouche, tu sais que peu importe ce qui s’en vient, tu ne vas pas apprécier. « Écoute ma chérie, je suis malade… » « Non. » Tu refuses le contact de ta tante. Tu refuses d’entendre les mots qu’elle cherche à te dire, les explications qu’elle cherche à te donner. Tu ne veux pas entendre, tu ne veux pas savoir. Tu ne laisses à personne la chance de dire quoique ce soit que tu te lèves en trombe, un rire fort s’échappant de tes lèvres. « Le poisson d’avril, c’était il y a quelques jours. Vous êtes vraiment pas drôles. » Mais personne n’entend à rire. Si les regards que te lancent Wyatt et Sara sont éloquents, tu refuses de les comprendre, d’assumer ne serait-ce qu’une seule seconde que ce qu’elle vient de te dire puisse être vrai. « Non. Non, non, NON! » que tu cries cette fois alors que ta tante se met à essayer de t’expliquer quelque chose, des mots que tu n’entends pas parce que tes mains ont déjà trouvé tes oreilles et tu refuses de leur faire face, ton regard concentré sur l’horrible peinture accrochée sur le mur de la cuisine de ta tante. |
| | | | (#)Sam 6 Mai 2023 - 18:48 | |
| Eleonora perdait patience, dans quelques minutes allaient commencer son éternel manège des remarques plus sarcastiques les unes que les autres, dans le seul but que l’assemblée se vexe et décide de lui foutre la paix. Que cela lui plaise ou non, je pouvais encore deviner la moindre de ses réactions, interpréter le plus faible de ses soupirs et si auparavant cela me servait à suivre son rythme pour démarrer les hostilités, aujourd’hui cette faculté s’en vient à jouer avec ma propre patience. La tension se veut trop forte quand je sais parfaitement ce qui s’en vient et que ma cousine reste encore dans l’ignorance la plus totale, l’attente à trop durer et si personne n’agit rapidement tout risque d’imploser dans une catastrophe dont nous sommes les seules à connaître la recette. « C’est quoi ton problème?! » Il serait si facile d’engager la querelle, de répliquer plus fort qu’elle, d’utiliser tous les tours du bouquin pour la faire enrager, mais ce serait oublier la véritable raison de notre présence dans cette maison. Elle doit savoir, quelqu’un doit lui dire et je refuse d’être cette personne. On m’a demandé d’être là pour contrôler l’après, pour contrer les mots durs et les reproches qui finiront forcément par pleuvoir, pas pour être le messager de la mort. La première fois m’avait suffi pour toute une vie.
« Me dire quoi? » C’est mon regard qu’elle vient chercher en premier, appelant à une honnêteté qui vient m’enserrer la gorge, quelque chose que je suis incapable de lui donner. Tel un lâche, je préfère lui tourner le dos, cherchant à contrôler la moindre de mes émotions face à la vérité qui viendra résonner dans cette cuisine dès que ma mère aura retrouvé sa voix. L’espace d’un instant, juste une seconde, un maigre battement de cœur, j’espère que l’annonce sera différente, un peu moins emplie de fatalité, peut-être un brin plus optimiste. « Écoute ma chérie, je suis malade… » Mais tout s’écroule à nouveau, sans changement, avec cette même vérité assassine et une autre vie qui se chamboule. « Non. » Sa voix explose dans le silence pesant suivi de sa chaise qui heurte le sol dans un bruit fracassant me forçant à me retourner pour croiser le regard incrédule de ma cousine. Elle attend la chute, je peux le voir dans ses pupilles qui scrutent attentivement chacun de mes traits. Elle attend que j’éclate de rire, que je devienne le connard qui a voulu lui faire une blague de mauvais goût, mais mon silence précipite sa frayeur. « Le poisson d’avril, c’était il y a quelques jours. Vous êtes vraiment pas drôles. » J’aimerais tellement lui dire que c’est juste une blague stupide et lui annoncer une nouvelle bien plus insignifiante, mais les mots me manquent cruellement face à son regard si intense. Je voudrais qu’elle cesse d’attendre un dénouement de ma part, je voudrais lui dire qu’à moi aussi ça m’a fait mal, mais le silence perdure sans qu’aucun d’entre nous ne dise quoi que ce soit. L’équilibre que l’on avait su retrouver ces derniers mois venait de s’écrouler comme un château de cartes.
Dans ce concours de regard ne menant à rien, ma mère tente d’expliquer les choses, sa voix cherchant à percer nos carapaces pour nous donner les éléments qu’elle avait mis en place avec son médecin, mais aucun d’entre nous ne l’écoute. Finalement, c’est Leo qui craque en premier. Sous mes yeux sa forteresse s’écroule pour ne laisser la place qu’à la petite fille qui avait perdu sa mère bien trop tôt. « Non. Non, non, NON! » Elle hurle sans raison à en faire trembler la maison, comme chacune de ses négociations pouvait détourner la vérité. A cet instant, Leo n’a jamais autant ressemblé à Ariane, la gamine qui pensait que chaque crise pouvait être résolue par un caprice. J’avais vu ma sœur se boucher les oreilles de cette manière un nombre incalculable de fois, quand papa n’était jamais revenu, quand tante Cassie est tombée malade, quand je suis allé en prison… Les souvenirs s’empilent à la vitesse de la lumière tandis que les doigts de Leo commencent à tirer sur ses cheveux blonds et que le regard de ma mère cherche désespérément le mien. « Wyatt… » Elle attend de moi que je gère, comme j’avais toujours été obligé de le faire au fil des galères qui nous avaient accompagnés. Aujourd’hui, je voudrais hurler aussi fort que ma cousine, mais on ne m’en laisse pas l’autorisation, il fallait reprendre le rôle de l’aîné, celui qui n’avait jamais flanché et qui avait toujours su maîtriser les crises de manière froide et contrôlé.
Je savais que Leo n’allait pas m’écouter, de toute manière je n’avais rien à lui dire. Elle pouvait hurler autant qu’elle le désirait, rien n’allait changer, mais à se répéter ainsi elle était en train de perdre son air et ma mère paraissait effrayer face à sa détresse. Sans réfléchir, je viens attraper ma cousine, encerclant sa taille de mes bras avant même qu’elle ne cherche à se débattre. Dans la confusion, je réussis à la tirer vers l’extérieur, loin de la cuisine, à l’abri du regard de ma mère. « Leo arrête… » Mais elle gardait ses mains plaquées contre ses oreilles comme une gamine obstinée qui cherchait à se réveiller d’un cauchemar devenu bien trop réaliste. Mes doigts vinrent s’enrouler autour de ses poignets sans chercher à retirer ses mains, juste pour lui donner une chaleur à laquelle s’ancrer de nouveau. « Vas-y hurle ! » Je ne voulais pas de ce rôle, mais je pouvais encaisser tout ce qu’il allait venir. Quelqu’un devait le faire pour elle. Alors hurle Leo, je serais là pour te rattraper. |
| | | | (#)Mar 9 Mai 2023 - 9:51 | |
| La terre a arrêté de tourner.
Tu sais que techniquement parlant, ce n’est pas le cas. La terre tourne encore. Le temps continue d’avancer. La journée va finir et une nouvelle va commencer, et pour la plupart du monde, rien n’aura changé. Tu aurais aimé faire partie de ces gens-là. Être de ceux qui se font simplement chier pour les petites choses de la vie, qui se plaignent d’un rien, de continuer ta minable existence de la manière minable dont tu as décidé de la vivre. Ça te va, tu ne demandes rien de plus. Mais la vie, elle semble toujours décidée à t’en mettre plus. Plus que tu ne saurais gérer. Plus pour te rappeler finalement à quel point tu n’as le contrôle sur rien. Que tu ne mérites même pas le confort de ton inconfortable existence, non. C’est sûrement la raison pour laquelle rien ne va jamais comme il faut. C’est de ta faute. Karma débile pour une vie malmener ou une connerie dans ce genre-là. Tu ne sais pas. Tu ne veux pas savoir. Pas plus que tu ne veux entendre les mots qui s’échappent désormais des lèvres de ta tante, alors qu’elle tente de t’expliquer une réalité à laquelle tu ne veux pas faire face. Tu te rappuies sur Wyatt, en espérant y voir la moindre trace que tout cela n’a rien de vrai, mais tu n’y trouves rien du tout. Rien de plus qu’une cruelle nouvelle pour une journée cruelle.
Tes mains passent de tes oreilles à tes cheveux, tu tires si fort mais ça ne fait pas mal. Pas aussi mal que d’entendre les mots je suis malade dans la bouche de ta tante. Pas aussi mal que de rejouer les vagues souvenirs que tu conserves d’un moment bien trop similaire à celui-ci, toute petite Eleonora qui n’arrive pas à comprendre pourquoi elle ne peut pas rester avec sa maman, pourquoi sa maman doit toujours aller à l’hôpital, pourquoi elle est toujours fatiguée et qu’elle ne peut plus rien faire avec elle, sa maman. Elle te fait pitié, la petite Eleonora, et tu détestes te sentir exactement comme elle encore une fois. D’une émotion si forte et si puissante que tu ne contrôles absolument plus rien, tu ne vois rien de la panique qui empare les traits du visage de ta tante, c’est à peine si tu sens la présence de ton cousin derrière toi jusqu’à ce que ses bras ne t’enroulent. Tu tentes de te débattre, et au milieu de la crise tu ne fais même pas attention à savoir si tu le frappes ou non dans ta tentative de te défaire de son contact, mais il est plus grand et plus fort que toi et éventuellement, il parvient à t’emmener à l’extérieur de la maison. « Leo arrête. » « LÂCHE-MOI. » que tu hurles alors qu’il tente d’attraper tes mains, celles qui s’entêtent à tenter de bloquer le bruit tout autour sans y parvenir, tes doigts qui viennent arracher des amas de cheveux blonds qui finissent à tes pieds sans que tu n’arrives à contrôler le mouvement. C’est l’emprise de Wyatt qui finit par t’arrêter, c’est carrément lui qui te soutient alors que tu voudrais te laisser t’effondrer. Tomber à même le sol, disparaître dans le gazon, ne jamais remonter à la surface. « Vas-y hurle! » Tu n’as plus la force d’hurler. Alors pour une rare fois, tu t’effondres. Ce ne sont pas des cris qui s’échappent du fond de ta gorge. Ce sont des sanglots. Tous plus douloureux les uns après les autres, qui semblent durer une éternité et puis une autre avant que tu ne t’arrêtes aussi subitement que tu as commencé, le corps épuisé et complètement vidée.
Tu utilises le peu d’énergie qu’il te reste encore pour te défaire de la prise que ton cousin avait toujours sur toi, et puis tu finis par t’asseoir sur le bord du trottoir, la tête calée entre tes mains. Tu as beau ne pas vouloir faire face à ce qui a été dit, encore moins faire face à ce qui vient de se passer, la vérité c’est que tu ne peux pas simplement ignorer ce que Sara à dit, même si l’envie est immense de simplement prendre le volant de ta voiture et repartir comme si rien de la dernière heure n’avait eu lieu. Tu renifles légèrement avant de relever la tête, croisant le regard anxieux que ton cousin pose sur toi. « Ça fait combien de temps que tu le sais? » Ça te fait chier, qu’il l’ait su en premier, mais tu n’es pas assez conne pour croire que cela n’a rien à voir avec ta réaction, bien au contraire. Tu es l’électron libre, l’onde de choc, la gamine imprévisible qui explose d’abord et réfléchis ensuite, même si franchement, tu ne veux toujours rien savoir, rien entendre de ce que ta tante peut avoir à te dire. « Je veux pas savoir. » que tu conclues donc avant même qu’il n’ait le temps de te donner le moindre détail. « Je peux pas y retourner, Wyatt. » Et tu parles autant de la maison de ta tante que tu parles de cette situation de merde, cette réalité trop lourde à porter, celle dont tu ignores encore tous les détails et les horribles similitudes avec ce qui s’est passé pour ta mère, mais tu sais déjà que c’est trop gros pour toi, que tu ne peux pas y faire face. Tu ne voudras jamais l’admettre, mais tu n’es pas assez forte.
Petite gamine brisée sur qui la vie ne cesse de s’acharner. |
| | | | (#)Sam 20 Mai 2023 - 23:01 | |
| Elle se débat de toute son âme la gamine, donnant des coups de pied dans le vide, agitant les bras dans tous les sens. Je me prends son coude dans les côtes sans broncher. Il faut qu’elle sorte, qu’elle explose ailleurs que face à ma mère qui est déjà en train de perdre pied face à la douleur qu’Eleonora cherche vainement à exprimer. Je déteste la voir ainsi, à se débattre avec elle-même dans une manœuvre désespérer pour ne pas ressentir la douleur qui s’est emparée d’elle à l’instant où elle a entendu le mot fatidique. Je voudrais pouvoir l’enfermer dans une bulle qui viendrait l’épargner, l’empêchant d’avoir à vivre cette épreuve à nouveau, mais rien de ce que je ne pourrais faire désormais n'aura le moindre impact. Leo est au courant, tout cela n’est plus une simple rumeur, mais la réalité de cette vie qui semble décider à s’acharner sur notre famille. « LÂCHE-MOI. » Elle hurle à m’en vriller les oreilles sans que je ne relâche la pression exercée sur ses poignets, les maintenant proches de mon corps, éloigné du sien, évitant par tous les moyens à ce qu’elle vienne à se faire du mal. Je la sens flancher sous les soubresauts de son propre corps et j’attends le moment où elle va hurler à s’en décrocher les poumons, mais rien ne vient. Un silence, un hoquet et finalement Leo s’effondre. Sans un cri, mais dans un sanglot qui s’ancre à vif au plus profond de ma chair tant il paraît animal dans son désespoir. Un sanglot qui viendra me hanter pour le reste de ma vie. Elle pleurs et mes bras s’enroulent autour de ses hanches pour la soutenir, pour ne pas la laisser s’écrouler. Mon cœur se serre à chaque fois qu’elle reprend son souffle pour pleurer plus encore. « Je suis désolé. » que je lui répète sans raison, la serrant un peu plus contre moi, sans savoir quoi faire de plus. Je m’excuse pour tout et pour rien, mon regard trouvant celui de ma mère qui a fait le choix de rester à l’abri de la maison, juste derrière la baie vitrée. Je suis désolé de ne pas savoir quoi faire pour les protéger. Je suis désolé d’être aussi vulnérable qu’elles, pour une fois.
Je ne saurais dire combien de temps l’étreinte à durer, je sais juste que mon tee-shirt est trempé de morves et de larmes, mais qu’aucun d’entre nous ne relèvera le détail. Rain était rentré, il avait entraîné ma mère vers le salon, sûrement pour nous laisser le temps. Leo ne disait rien et chaque seconde qui venait rallonger son silence provoquait une certaine panique en moi. Ce n’est pas normal. Je lui laisse le temps de souffler, le temps de s’asseoir, le temps de l’observer en silence sans trouver la force de dire quoi que ce soit. C’est elle qui relève les yeux vers moi en premier, elle qui cherche des réponses au fond de mes prunelles et moi qui baisse le regard en une seconde. « Ça fait combien de temps que tu le sais? » Est-ce que cela allait changer quoi que ce soit que j’ai été le premier au courant ? « Je veux pas savoir. » Je suis presque soulagé qu’elle ne réponde avant moi, mais elle a tout de même posé la question. Elle sait, je sais, tout le monde sait que ma mère m’en avait parlé avant pour que je ne sois pas pris de court le jour où elle l’apprendrait à son tour. « Juste quelques jours Leo. » A moi on m’avait laissé un peu d’avance, mais cela n’effaçait en rien la douleur et l’incompréhension.
« Je peux pas y retourner, Wyatt. » Cela aussi j’aurais pu le voir venir, à des kilomètres. Au moins, elle avait eu la décence de ne pas s’en fuir immédiatement. Dans un soupir, je ferme les yeux, laissant une de mes mains venir glisser dans le dos de ma cousine, dans un soutien silencieux. « Je sais. » Je sais parce que je n’ai pas envie d’y retourner non plus, parce que je ne veux pas avoir à affronter tout cela à nouveau. Aucun d’entre nous ne le veut vraiment. « Mais elle va avoir besoin de nous Leo… » De nous, pas de moi uniquement. Je ne pourrais pas le faire seul, j’en ai conscience, et j’espère que ma cousine pourra l’entendre. « Je comprends si tu as besoin de temps pour digérer tout ça, mais ne t’en va pas sans aller la voir. » que je plaide en douceur. « Elle est déjà si inquiète pour toi. » On en a parlé des heures durant, de ce que cette nouvelle allait faire à Leo, si c’était une bonne idée de lui en parler immédiatement. Maman voulait la préserver, j’ai été celui qui a poussé pour qu’elle sache tout, de suite, parce que Leo ne nous aurait jamais pardonné de la tenir à l’écart de tout cela. « Et moi, je suis là. » Pour elle, uniquement pour elle, a toutes les heures du jour et de la nuit, j’espère qu’elle ne l’oubliera jamais, même quand je sens que Leo est déjà en train de m’échapper à chaque minute qui défilent. |
| | | | (#)Jeu 8 Juin 2023 - 11:51 | |
| « Je suis désolé. » Les mots tournent en boucle mais ne veulent plus rien dire. Ce n’est pas que Wyatt ne veut pas apaiser ton être brisé, c’est qu’il ne peut pas le faire. Et c’est injuste de ta part d’être celle qui s’effondre en mille morceaux alors que cette fois-ci, c’est de sa mère à lui dont il est question, mais tu ne penses plus clairement, tu n’arrives plus à avoir assez de compassion pour autrui, pas même pour celui qui t’a pratiquement élevé toute ta vie pour te tenir debout et être assez forte. Non, tu n’as absolument plus rien à offrir parce que tu n’as plus de mère, tu n'as jamais eu de père et bientôt, peut-être, ta mère de substitution connaîtra le même sort malheureux. Tu réalises que tu n’as même pas eu de détails sur ce qu’elle a. Tu n’en veux pas non plus. Tu sais parfaitement que si Sara et Wyatt ont décidé de faire un gros moment de cette annonce, c’est qu’elle n’était pas en train de dire qu’elle avait une grippe. Elle n’aurait pas eu cet air complètement dévasté sur le visage si ce n’était que ça, tout comme Wyatt ne serait pas là à essayer de te calmer si c’était le cas. Si ce n’était rien, il n’aurait pas hésité une seule seconde à te dire que tu es dramatique et complètement ridicule, avec tes réactions trop intenses, mais ce n’est pas ce qu’il fait et c’est presque pire ainsi. Le retour à la réalité est douloureux, quand tes larmes cessent de couler et que tes sanglots s’arrêtent subitement, ne laissant place qu’à ton enveloppe corporelle lourde et pourtant si vide à la fois. Tu ne veux même pas te tourner vers la maison de ta tante, tu ne veux pas savoir si elle te regarde par la fenêtre en se demandant si tu t’es calmée. Tu ne veux pas sentir qu’elle s’inquiète pour toi alors que c’est toi qui devrais s’inquiéter pour elle. Tu ne veux plus rien ressentir, tu ne veux plus rien penser, mais c’est impossible de t’éteindre complètement alors que Wyatt est toujours à côté de toi, son regard brûlant sur ta peau alors qu’il se demande sûrement comment t’aborder ensuite, comment gérer le moment à la fois cruellement familier et toujours aussi déstabilisant. Tu poses une question à laquelle tu ne veux même pas la réponse. Tu remplis l’air de mots qui n’ont aucune importance tant tu sais que la finalité sera celle que tu as trop souvent connu, celle que tu appréhendes constamment : une inconfortable solitude qui te donne envie de crever tant elle t’étouffe. « Juste quelques jours Leo. » Tu ne comprends pas, comment il peut tenir sur ses jambes, comment il peut être encore capable de respirer normalement, d’avoir la force de gérer avec toi alors que son monde à lui aussi s’apprête à s’effondrer sous ses yeux. Tu voudrais lui dire que tu es là, que vous êtes ensemble dans ce bordel, mais tu en es incapable. Tu ne peux pas. Tu veux disparaître. Être loin, toute seule, là où tu n’es pas obligée de faire face à cette réalité et Wyatt, malheureusement, il te ramènera toujours à ça, qu’il le veuille ou non. « Je sais. Mais elle va avoir besoin de nous Leo… » Tu secoues déjà la tête de droite à gauche, en complète négation avec les mots qui quittent les lèvres de ton cousin. « Je comprends si tu as besoin de temps pour gérer tout ça, mais ne t’en va pas sans aller la voir. » Tu te caches le visage entre les mains, à deux points de te boucher les oreilles pour ne plus l’entendre dire toutes ces choses que tu sais, mais sur lesquelles tu es bien incapable d’agir comme tu le devrais. « Elle est déjà si inquiète pour toi. Et moi, je suis là. » « J’peux pas. » Tu es déjà en train de te relever, t’assurant de ne pas croiser le regard de Wyatt. « J’peux pas revivre ça. J’peux pas vous entendre essayer de me rassurer, me dire que ça va bien aller comme quand j’étais gamine. J’veux pas revivre ça. » Tu sais que ce n’est pas ton choix, tu sais logiquement parlant que tu n’y échapperas pas éternellement, mais là, tout de suite, la simple idée de retourner dans cette maison est au-delà de tes forces. Tu ne lui donnes pas le temps d’argumenter avant de te rendre à ta voiture stationnée à quelques mètres de là. Sa voix s’élève sans doute dans l’air, mais tu n’entends plus rien. « J’suis désolée. » que tu souffles à ton tour dans un murmure, incertaine qu’il puisse t’entendre alors que tes clés tournent déjà, le moteur grondant derrière toi. Le vide. Tu as besoin du vide et tu n’aurais pas pu faire ça avec Wyatt, avec Sara, avec petite pluie et leurs yeux larmoyants et leurs discours à la con. Non. Tu ne veux rien voir, rien entendre. Il n'y a que la route sous ta voiture qui s’étend encore et encore et le vide.
Le vide qui ne pourra jamais cacher éternellement tous tes démons. |
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