@august constantine

Ambrose a longuement réfléchi avant de proposer à son frère cette discussion. Il y aurait longuement réfléchi en temps normal, mais le fait que leur dernière discussion se résume à un August parfaitement alcoolisé et incapable de tenir des propos cohérents ou sur ses deux pieds n’a certainement pas arrangé l’image que son cadet a de lui. Ambrose a beaucoup de problèmes à gérer en cet instant, personnels et professionnels, et il n’a certainement pas le moindre temps ni envie d’ajouter d’autres familiaux par-dessus tout le reste - quoique le manque de communication avec James continue d’être un certain problème. Il sait qu’il ne peut pas être sur tous les fronts en même temps, mais il sait aussi qu’il ne pourrait pas se contenter d’être passable, ou simplement bon, là où il peut faire couler l’encre pour les meilleures choses. Ce qu’il sait, aussi, c’est que bien trop de semaines et de mois se sont écoulés depuis sa dernière altercation avec Saül Williams, faisant de lui un homme parfaitement libre et capable de fouler le sol de Brisbane en maître, sans que personne ne semble vouloir aller à l’encontre de cette idée. Ambrose est incapable de tourner la page, pas même de s’imaginer dans une véritable relation parce que cela voudrait signifier se confier à un moment ou à un autre sur cette histoire, et parce que cela signifierait encore un bon millier d’autres choses auxquelles il refuse tout simplement de penser. Il doit tomber. Il doit tomber parce qu’il doit payer pour ses erreurs, mais il doit aussi tomber parce qu’Ambrose en a besoin, pour lui en tant que personne bien plus que pour sa carrière. Cette dernière en sera affectée, sans que cela soit pour le meilleur ; il le sait déjà, et il est prêt à courir le risque.

Il ouvre la porte à la seconde même où August s’annonce devant cette dernière, le regard naturellement foncé d’Ambrose se posant de haut en bas sur la silhouette de son frère pour l’ausculter. Il ne sent pas l’alcool, au moins, et c’est sans doute déjà ça. Cela n’excuse pas son comportement pour autant, et il se met le doigt dans l'œil s’il pense que cette invitation à discuter est la façon qu’a Ambrose de prouver qu’il lui pardonne son comportement: il ne lui pardonne rien, absolument rien. Sans le moindre sourire sur le visage, le brun prend la parole. “Hey, rentre. Norman est pas là ce soir.” Norman apprendra la nouvelle au travers des journaux, comme tout le monde, et le fait qu’il soit absent ce soir en particulier a motivé l’idée d’Ambrose de justement inviter son aîné à cette date. Il a déjà du mal à se dire qu’il va partager l’histoire avec August, il ne veut pas non plus avoir à le faire face aux oreilles distraites de son père d’adoption, quand bien même il sait que ce dernier a toutes les meilleures intentions du monde. “T’es sobre ? J’ai besoin de toutes tes neurones sur le coup.” Il lui a dit qu’ils devaient parler, il lui a dit d’apporter son ordinateur pour prendre des notes aussi. Il espérait que cela le motiverait assez pour prendre les bonnes décisions jusque-là, à commencer par celle consistant à laisser tranquilles les bouteilles qu’il pourrait croiser en chemin.

D’un geste de la main, il l’invite tout de même à prendre place sur le canapé, dans ce loft qu’il connaît lui-même. La nervosité d’Ambrose est évidente, cette dernière étant dû à son propre manque de confiance en son histoire autant qu’à celui envers son frère, qui n’a été rien d’autre qu’un poids accroché à leurs chevilles au cours des derniers mois écoulés. Il ne s’apprête pas à lui partager un scoop qui ramènera Yara, c’est certain, mais cela pourrait peut-être lui permettre de prouver qu’il vaut mieux que le journal de bas-étage qui est aujourd’hui le sien. Les Constantine ne se contentent pas de la médiocrité.

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@Ambrose Constantine  & August Constantine #2

Début mai. Il ignore ce que son cadet souhaite lui dire pour le convier chez leur oncle et la méfiance est donc de mise autant de son côté qu’elle ne l’est du côté d’Ambrose. Il faut dire que leur dernière entrevue ne s’est pas déroulée sous les meilleurs auspices, surtout quand August n’a pas lésiné, une fois de plus, sur sa quantité d’alcool ingurgité. Une manie, une mauvaise, qui est devenue la sienne depuis des mois, qu’il ne voulait montrer et infliger à personne et pourtant, après sa jumelle, c’est à Ambrose qu’il a fait la démonstration de son véritable problème avec les boissons alcoolisées. Qu’importe leurs appellations, celles-ci lui sont nécessaires pour anesthésier un mal être réel qui est le sien depuis l’interruption abrupte de ce jour qui aurait dû être le plus beau jour de sa vie. Une sorte de spirale infernale dans laquelle il s’est embourbé et de laquelle il ne parvient plus à sortir, au point que cela met à mal, non seulement sa relation avec ses proches, mais aussi sa carrière professionnelle – car oui, il en a une, que cela ne déplaise à certain. Il ne pense pas que cela soit quelque chose que son cadet ait à sa connaissance, mais il redoute l’instant où cela sera le cas. Il sait qu’il est que déception pour bon nombre de ses proches depuis quelques mois, incapable de tourner la page de ce long chapitre qu’a pu être et est toujours Yara, mais il sait aussi à quel point il peut décevoir son cadet du fait de son manque d’ambition qu’il peut avoir et cela depuis toujours.

Alors évidemment, en se présentant sur le pas de la porte de Norman, ce soir, August souhaite faire bonne figure. Et même si Ambrose lui a demandé d’apporter son ordinateur, il craint que, de l’autre côté de la porte, se tient en réalité un guet-apens, retrouvant derrière celle-ci tous les membres de sa famille, pour lui remonter les bretelles quant à cette addiction qui est la sienne. Une sorte d’intervention d’urgence à laquelle il n’a nullement envie d’assister car, il le sait, il n’est toujours pas prêt à se faire aider par quiconque et à affronter ses problèmes. Ou presque parce qu’il semble prêt à s’aider lui-même, commençant déjà par réduire sa consommation d’alcool. Pour preuve, il n’en a pas bu une goutte ce soir. “Hey, rentre. Norman est pas là ce soir.” Et c’est un soulagement que de l’apprendre, un soupir passant la barrière de ses lèvres. Ambrose ne se doutera pas des véritables raisons mais il sait aussi que les rapports entre August et leur oncle ne sont pas au beau fixe et que l'aîné n’a jamais porté ce dernier dans son cœur. “T’es sobre ? J’ai besoin de toutes tes neurones sur le coup.” Il grimace, August, ses traits se tordant sous l’accusation, justifiée cependant, de son frère « T’en fais pas, je le suis cette fois » reconnaissant ainsi que ce n’était pas le cas lors de leur dernière rencontre, mais il ne lui apprend rien ici « J’ai apporté du soft » Et il brandit une bouteille de Coca-Cola qu’il sait être un soda que son frère apprécie tout particulièrement – comme si cela allait suffire pour se faire pardonner de la dernière fois.  

August laisse son regard parcourir les lieux, qui n’ont pas changé avec le temps. C’est ici qu’il a grandi, c’est ici qu’il a d’innombrables souvenirs et pourtant, aucune nostalgie ne le gagne ici. Il s’installe sur le canapé, déposant pour le moment son ordinateur sur la table basse sans l’allumer. Il observe son frère se mouvoir dans l’espace, remarquant assez rapidement l’état de nervosité dans lequel il se trouve. Face à constat, son sourcil s’arque, interrogeant ainsi son cadet « Qu’est-ce qui se passe, Rose ? » Il marque un temps avant de surenchérir  « Ça semblait urgent, pourquoi tu m’as fait venir ? ». Il ne s’en tiendra pas à un simple non rien d’important ou une quelconque fuite de sa part. Il attend des explications, n’ayant pas fait ce chemin jusqu’ici pour rien, et d’autant plus maintenant en le voyant dans cet état qui l’inquiète tout particulièrement.

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« T’en fais pas, je le suis cette fois. » Ambrose repose ses prunelles dans celle de son aîné, comme pour en vérifier la forme et la taille des pupilles, pourtant conscient qu’il est question d’une consommation excessive d’alcool et non de drogue - il ne manquerait plus que ça, bon sang. Plus sérieux que jamais, le benjamin se garde de tout commentaire, bien incapable de féliciter August pour un fait qui devrait être évident et naturel. « J’ai apporté du soft. » La bouteille est brandie en guise de drapeau blanc, ce qui a pour mérite de faire sourire le brun cette fois-ci. August fait des efforts, c’est évident, et il tente à son tour que ce ne soit pas à sens unique, bien que le stress commence peu à peu à l’envahir et l’empêche de pleinement se réjouir de l’amélioration de l’état d’esprit de son frère. Il est pourtant conscient que les choses avancent dans le bon sens, et c’est tout ce qu’il mérite.

Il laisse August s’installer sans lui présenter les lieux, pour des raisons évidentes. De son côté, il gagne quelques secondes en faisant un détour par la cuisine pour leur trouver deux verres, de quoi les occuper lorsqu’ils boiront leur fameux soda qui les tiendra éveillés tout le temps nécessaire. « Qu’est-ce qui se passe, Rose ? Ça semblait urgent, pourquoi tu m’as fait venir ? » Ce n’est pas urgent en tant que tel, pas au sens où il pourrait l’imaginer du moins, mais il est vrai qu’il ne s’imaginait pas continuer comme si de rien n’était pendant d’autres jours encore. “Je vais bien, pour commencer.” Il s’inquiète et est sûrement même déjà occupé à se faire des idées à propos de tout et n’importe quoi, donc Ambrose rétablit rapidement la réalité des faits: il va bien. Maintenant, aujourd’hui, il va bien. Assez bien pour qu’August ne puisse rien faire pour le reste, du moins. “Je t’ai appelé parce que j’aimerais que tu écrives un article.” Parce qu’il est son frère et qu’il a de ce fait parfaitement confiance en lui, mais aussi et surtout parce qu’il est un journaliste talentueux, malgré le peu d’efforts qu’il semble faire pour tenter de le prouver. Il vaut mieux que ce que tout le monde pense, et cet article pourrait être la porte ouverte sur le reste du monde.

Les verres se retrouvent posés sur la table basse et Ambrose échappe un long soupir lorsqu’il s’assoit sur le retour du canapé, ses coudes posés contre ses cuisses. Son regard se reporte sur celui d’August. “C’est une grosse histoire. Et si tu penses que je te dis ça pour te mettre la pression et pour que tu comprennes que t’as pas le droit à l’erreur, alors ouais, c’est exactement ça.” Il est son frère et il l’aime, mais lorsqu’il s’agit de son travail il n’existe aucune sorte de passe-droit. Il exige le meilleur de ceux avec qui il travaille, tout comme lui-même se donne toujours au maximum. Pour la première fois, l’heure est sûrement venue de tester la solidité du lien qui l’unit à August. Le jeune Constantine accuse une seconde de silence, le temps pour lui d’articuler artificiellement sa mâchoire pour en sentir les muscles craquer ; le genre de geste qui est visible sous sa chair et qu’il n’aurait donc jamais entrepris face aux caméras. Ce soir, pourtant, il n’y a qu’eux. “James l’a appris il y a un moment, mais j’en ai jamais parlé à personne sinon.” Et par personne, il entend surtout par là que Flora et Malone ignorent tout de cette histoire, tout comme le fait qu’il ne compte pas les en avertir avant la publication de l’article. Libre à lui de leur dire, mais Ambrose ne veut rien savoir, et il souhaite encore moins observer un avant et un après dans la façon dont son frère et sa soeur le regardent. “J’ai eu recours à des offres sexuelles pour un homme haut placé. Il avait des relations, de l’argent, de l’influence.” Il a besoin de temps pour planter le décor, il se contente des grands lignes pour donner un aperçu de l’étendue de l’affaire à August. Après, il donnera son nom et tous les autres détails aussi difficiles à partager que nécessaires à l’élaboration de l’article. “Je pense que tu vas avoir besoin d’ouvrir ton ordi. J’ai pas envie de répéter l’histoire.” Il renifle, cligne rapidement des yeux. De l’eau a coulé sous les ponts mais il s’en veut toujours d’être tombé aussi bas, et il n’assume toujours pas ses actes, encore moins face à sa propre famille. Il sait qu’August le regardera différemment, comme James avant lui.

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Début mai. “Je vais bien, pour commencer.”Il a beau dire, cela n’enlève en rien l’air inquiet qu’adopte August depuis qu’il est rentré dans cet appartement, soucieux de savoir ce que son cadet souhaite lui dire pour le convier en ces lieux – qu’il sait qu’il apprécie que très peu, tant il n’en garde que très peu de bon souvenirs, en plus de cet air qu’il adopte lui-même et contraste avec ce côté rassurant qu’il veut se donner Je t’ai appelé parce que j’aimerais que tu écrives un article.” Un sourcil s’arque sur les traits de son visage, August usant d’humour, sûrement pour détendre un peu l’atmosphère qu’il sent lourde autour d’eux « Je ne savais pas que je devais faire des heures supplémentaires » Son ton se veut léger, ignorant totalement les raisons d’une telle volonté de son cadet et sûrement ce serait-t-il abstenu s’il connaissait la teneur exacte de l’histoire derrière cette demande   « En tout cas, c’est quelque chose qui reste dans mes cordes et que je devrais réussir à faire. De quoi il s’agit, Rose ? ». Il connaît les milieux dans lesquels évoluent son frère mais ignore si l’article qu’il lui demande d’écrire sera en rapport avec cette carrière politique qu’il souhaite entreprendre ou s’il s’agit de sa carrière musicale – il sait qu’il a rejoint récemment un groupe de musique mais, aux dernières nouvelles, celui-ci est en stand-by pour des raisons qu’il n’est pas sûr d’avoir saisi.  

Quoi qu’il en soit, August se redresse dans le canapé, regardant son cadet venir prendre place à ses côtés et ne peut ignorer l’anxiété dont il fait preuve  “C’est une grosse histoire. Et si tu penses que je te dis ça pour te mettre la pression et pour que tu comprennes que t’as pas le droit à l’erreur, alors ouais, c’est exactement ça.” Il ne s’attendait pas à une telle pression de sa part, bien que cela ne l’étonne qu’à moitié, connaissant le côté perfectionniste et exigeant d’Ambrose. Il se contente d’hausser les sourcils sous la surprise mais acquiesce la seconde suivante en venant joindre ses deux mains entre elles « Tu n’as pas besoin de me mettre une quelconque pression, il n’y aura aucune erreur commise » parce qu’il tient trop à son frère pour faire n’importe quoi et le mettre en porte à faux, ce qui n’est pas le cas de sa propre carrière qui bat de l’aile, chose qu’il s’abstient de dire pour le moment à son cadet. Durant ce moment de silence qui s’installe entre eux, August observe son frère et comprend que cette grosse histoire n’est pas rien. Dire que cela ne commence pas à lui serrer l’estomac et lui faire craindre le pire serait mentir. “James l’a appris il y a un moment, mais j’en ai jamais parlé à personne sinon.” James est toujours au milieu, James est toujours le premier au courant mais l’instant est mal choisi pour que sa jalousie renaisse concernant cette place privilégiée que peut avoir leur cousin auprès du cadet Constantine « Tu peux tout me dire, Ambrose » qu’il précise sur un ton qui se veut rassurant et pour le mettre en confiance, alors qu’il semble éprouver des difficultés à passer aux aveux. August est pendu à ses lèvres, impatient d’en savoir plus, craignant cependant que ce qu’il s’apprête à lui confier lui déplaise “J’ai eu recours à des offres sexuelles pour un homme haut placé. Il avait des relations, de l’argent, de l’influence.” Et il s’attendait à tout sauf à ça, c’est certain. Il a l’impression d’avoir pris une claque en pleine figure, se trouvant dans une forme de léthargie de laquelle il semble peiner à sortir “Je pense que tu vas avoir besoin d’ouvrir ton ordi. J’ai pas envie de répéter l’histoire.” August ne quitte pas Ambrose du regard, et se rendant compte des mimiques qu’il adopte l’instant d’après c’est assez machinalement qu’il se rapproche de son frère et vient poser une main sur son bras « Attends, oublions cet article quelques instants, veux-tu ? » Il tente de prendre sur lui, de ne pas s’emporter en sachant que son frère a eu recours à de telles pratiques, imaginant déjà bien la suite de l’histoire « Qui est cet homme  ? Qu’est-ce qu’il t’a fait subir au juste ? ». Des milliers de questions tournent dans son esprit, il peine à rester en place mais le fait pour soutenir son frère dans ses confessions qu’il se doute lui être difficile « Je suis pas là pour te juger Ambrose. Mais tu ne m’empêcheras pas de jouer mon rôle de grand frère » c’est-à-dire de s’inquiéter pour lui, de s’emporter, de vouloir lui faire justice et tout mettre en œuvre pour que cet homme tombe. Il se battra à ses côtés, c’est certain. « Mais avant d’aller plus loin, je me dois de te poser cette question au moins une fois et ce sera la seule fois que je le ferai : est-ce que tu es sûr de toi ? Est-ce que tu es sûr de vouloir passer par la presse pour faire tomber cet homme ? » Il ne veut pas qu’il ait un quelconque regret par la suite, il ne veut surtout pas que son nom soit entaché si jamais cet homme, aussi influent soit-t-il, parvient à s’extirper des mailles du filet qui tendent à se refermer autour de lui « Je ne cherche pas à te dissuader, je veux juste être certain que tu as envisagé tous les scénarios possibles et imaginables » et il n’en doute pas en réalité, en connaissant son cadet mais veut l’entendre lui dire à voix haute « Je te soutiendrai quoi que tu décides » conclue-t-il en plantant son regard dans celui de son petit frère.  

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August utilise l’humour un temps mais reprend son sérieux dans le second, pour assurer à son frère qu’il peut bel et bien écrire un article. Tant mieux, parce que le plan tout entier repose évidemment sur cette faible fondation, et ce n’est encore là que la partie la plus simple de toute l’équation. C’était la partie la plus rapide à prononcer et à proposer, celle qui n’impliquait aucun sentiment ni même état d’âme. Celle qui n’impliquait surtout pas qu’il donne de sa personne, aussi. « Tu n’as pas besoin de me mettre une quelconque pression, il n’y aura aucune erreur commise. » Il hoche la tête, voulant plus que jamais y croire. Il ne craint pas tant une erreur de la part d’August (quoique si, bien sûr, il y a une part de ça), mais en réalité il craint surtout la première réaction de son frère et la propension de ce dernier à justement agir en tant que frère, bien avant qu’en tant que journaliste. Pourtant, si Ambrose lui fait part de cette grosse histoire, ce n’est que pour qu’il la couche sur papier, pas qu’il tente de prendre soin de lui. A ce niveau-là, il est trop tard.

Alors, Ambrose arrache le pansement. Il pose les mots: sexe contre pouvoir. Un problème vieux comme le temps, un échange tout aussi vieux. Saül voulait quelque chose qu’Ambrose pouvait lui offrir ; et Saül pouvait lui offrir quelque chose qu’Ambrose voulait. La discussion n’est pas allée plus loin, la négociation non plus alors qu’aucun des deux n’avait à y gagner à ce que l’histoire sorte, entre le futur politicien ambitieux et le père de famille évidemment hétérosexuel. Maintenant, Ambrose estime que la donne a complètement changée et, plus que tout, il estime que ses proches n’auraient jamais dû payer pour son silence, lequel a seulement profité à protéger l’italien. Il ne mérite pas un tel traitement de faveur. « Attends, oublions cet article quelques instants, veux-tu ? » Il est doux et rassurant, August. Il fait de son mieux, et pourtant ce n’est pas ce dont Ambrose a besoin. Il veut prononcer cette histoire une seule et dernière fois, pour qu’il soit celui qui la propage au reste du monde à travers son article. Il ne veut plus avoir à observer de la pitié dans le regard de ses proches alors qu’il tient évidemment une part de responsabilités dans toute cette situation. « Qui est cet homme ? Qu’est-ce qu’il t’a fait subir au juste ? » - “Il s’appelle Saül Williams.” Et à en juger par le regard qu’Ambrose remonte doucement et douloureusement sur le profil de son aîné, il s’attend à ce qu’il reconnaisse ce nom. Il est connu du monde des affaires, et son frère évolue lui-même dans un environnement qui ne lui permet pas d’ignorer qui il est. Cela lui permet, aussi, de ne pas avoir à expliquer plus longuement ce que l’italien avait à lui offrir, autant que toute l’influence immense qui est la sienne. Il est un gros poisson. « Je suis pas là pour te juger Ambrose. Mais tu ne m’empêcheras pas de jouer mon rôle de grand frère. » Le benjamin souffle doucement, pourtant bien conscient qu’August ne veut que son bien. “Écris cet article, s’il te plaît, c’est ce dont j’ai besoin.” Rares sont les fois où Ambrose prononce un s’il te plaît, et c’est un indice de plus parmi la masse venant à prouver toute l’importance de sa requête. Pour lui, pour son bien, pour son avenir. Pour l’avenir d’August, aussi, parce que cet article pourrait être un véritable tremplin.

« Mais avant d’aller plus loin, je me dois de te poser cette question au moins une fois et ce sera la seule fois que je le ferai : est-ce que tu es sûr de toi ? Est-ce que tu es sûr de vouloir passer par la presse pour faire tomber cet homme ? » Il serre les dents, n’ayant toujours pas totalement su répondre à cette question: sait que Saül doit tomber, oui, mais il n’est pas sûr de lui pour autant parce qu’il sait que les répercussions seront nombreuses et que toutes ne peuvent pas être anticipées, et ce peu importe à quel point il tenter d’y travailler et de faire de son mieux pour se protéger. “Je peux pas vivre avec l’idée qu’il continue de vivre comme si de rien n’était.” Ruben a été cogné à sa place, qui plus est. Et peut-être même qu’il existe d’autres personnes dans le cas d’Ambrose, ce qui ne lui permet évidemment pas de mieux trouver le sommeil. Il veut que justice soit faite, il veut que le monde entier sache ce dont il est question et qui est réellement cet homme qui cherche à se faire un nom en politique. Il veut faire tomber cet adversaire avant qu’il n’en devienne justement un, parce qu’il ne mérite pas la confiance de quiconque et, surtout, qu’il serait dangereux avec plus de pouvoirs entre les mains. “Ca me terrifie, ok ? Mais je pense que c’est la meilleure chose à faire.” Il a perdu de sa superbe, le petit frère qui lutte au quotidien pour justement faire oublier qu’il est le dernier né. Il aimerait avoir une mère contre qui se lover, le temps qu’elle le protège de la dureté du monde alentour. « Je ne cherche pas à te dissuader, je veux juste être certain que tu as envisagé tous les scénarios possibles et imaginables. » - “Je sais, je sais.” Ils sont dans la même équipe et, peu importe ce qu’il a pu en dire, il n’en a surtout jamais douté. Ils ont une vision différente de toutes choses, mais il sait qu’ils sont dans le camp des gentils.

« Je te soutiendrai quoi que tu décides. » Leurs regards se retrouvent et Ambrose hoche la tête, la mine plus sérieuse. Les mains liées, il trace une ligne invisible faite de ses deux pouces, remontant du bout de son nez jusqu’à son front. “Je sais que c’est injuste de te demander ça, mais écris comme si ce n’était pas moi. Ne vois pas ton petit frère dans cette affaire, sinon tu vas être biaisé.” Il doit rester objectif. Peu importe à quel point cela s’avèrera difficile, il doit rester neutre dans cette histoire où Ambrose n’est pas le petit agneau égaré qu’il aimerait croire parfois. “J’étais consentant, je savais dans quoi je m’engageais.” Il était jeune, et il jouera là-dessus. Il était naïf, il était sous son emprise. Mais il n’en restait pas moins consentant, et il ne mentira jamais là-dessus, ni sur rien d’autre. “Il m’a frappé un soir. Ça m'a fait me rendre compte de… tout ça. Je lui ai dit que tout était terminé.” Et il n’en a été que plus violent encore, mais peu importe. August n’a pas besoin de tous les détails: James a vu les ecchymoses lui-même, et à l’époque déjà Ambrose était tout sauf fier. “Cette histoire me suivra toute ma vie, mais je sais aussi qu’elle pourrait faire décoller ta carrière.” En plus de rendre justice. Le risque vaut la peine d’être pris, si ce n’est pour lui-même alors pour sa famille. August pourrait renaître de ses cendres, et il le mérite.

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Début mai. “Il s’appelle Saül Williams.” Le nom lui dit évidemment quelque chose. Ce Williams n’est pas inconnu au bataillon, il est même un grand nom de Brisbane, son empire plus que réputé dans la région. Il n’est pas improbable que le journal pour lequel il travaille ait pu écrire quelques articles au sujet de cet homme et aujourd’hui, August est bien heureux de ne pas avoir été l’auteur de ceux-ci car il s’en voudrait, surtout après les révélations de son cadet. Qu’il ait fait subir ces atrocités à Ambrose, bien que consentant, cela ne change rien au fait que l’ainé serait capable d’aller frapper à la porte de cet homme répugnant pour lui foutre un coup de poing en pleine face. « Putain, l’enfoiré » qu’il laisse échapper entre ses dents, les poings serrés. August ne jugera pas les choix de son frère, bien qu’il déteste savoir qu’il ait pu en arriver à de tels compromis pour atteindre certains objectifs dans sa carrière, le lui fait savoir mais l’avertit qu’aucunement il ne s’interdira de réagir comme le grand frère qu’il est pour lui “Écris cet article, s’il te plaît, c’est ce dont j’ai besoin.” Fixant longuement son cadet, August finit par acquiescer d’un simple signe de tête, et pour lui prouver, c’est de son laptop dont il se saisit pour l’ouvrir et le démarrer sous ses yeux.

Pour autant, il demande une seule et unique fois à son cadet s’il est certain de sa volonté à vouloir aller plus loin, tant les retombées peuvent être autant bénéfiques que catastrophiques et ceux pour diverses raisons. L’homme influent qu’est Saül Williams peut avec aisance détruire de telles allégations contre lui tout comme son charisme et son image que tout le monde lui connait et qui parait si impeccable, pourrait être aussi là les raisons d’un accueil mitigé voire d’une dégringolade certaine pour eux. “Je peux pas vivre avec l’idée qu’il continue de vivre comme si de rien n’était.” Sa détermination n’est plus à prouver, ces mots suffisent pour le montrer et malgré ses sourcils froncés, August comprend qu’ils entament là, ensemble, une bataille qu’ils sont tout deux plus ou moins prêt à mener “Ca me terrifie, ok ? Mais je pense que c’est la meilleure chose à faire.” Il reconnait le petit frère en lui et, en délaissant sa carapace quelques instants, il permet à August d’endosser ce rôle de grand frère, celui qu’il n’a eu que trop peu l’occasion de jouer à l’égard d’Ambrose, à regret. Il tente donc de l’apaiser en lui disant ne pas chercher là à le dissuader dans sa démarche, si ce n’est être certain qu’il ait envisagé toutes les retombées qui feraient suite à cet article “Je sais, je sais.” Sa main vient se poser quelques secondes à peine sur l’épaule de son frère dans un signe affectif et il ne manque pas de lui faire savoir qu’il le soutiendra quoi qu’il décide.  

“Je sais que c’est injuste de te demander ça, mais écris comme si ce n’était pas moi. Ne vois pas ton petit frère dans cette affaire, sinon tu vas être biaisé.” « Ce n’est pas injuste, bien au contraire. Je suis même touché que tu ai décidé de me faire confiance là-dessus » qu’il lui avoue en toute sincérité, tournant son regard vers son frère pour le trouver. « Je ferai la part des choses, Rose. Dans mon article, tu peux en être certain. Mais… en attendant et alors que je découvre cette histoire, tu dois au moins m’autoriser à réagir comme le grand frère que je suis ». Il veut qu’il soit objectif, il le sera. Mais il doit lui concéder au moins ça, l’autorisation de réagir, de s’emporter, de s’inquiéter, de ne pas comprendre. Une sorte de compromis entre eux pour garantir aussi cette impartialité qu’il aura à l’écrit, à n’en pas douter. “J’étais consentant, je savais dans quoi je m’engageais.” Ce mot est surement un des mots clés qu’il se doit de noter, celui qui montre aussi qu’il est capable de faire preuve d’objectivité, bien que cette idée ne ravisse pas le grand frère qu’il est. Il s’est pourtant juré de ne pas juger Ambrose, et c’est ce qu’il fait en le laissant poursuivre “Il m’a frappé un soir. Ça m'a fait me rendre compte de… tout ça. Je lui ai dit que tout était terminé.” Et alors qu’il était en train de noter certaines choses, tout en écoutant en parallèle le récit de son cadet, August s’interrompt, ses doigts restant suspendus au-dessus du clavier. Sa tête pivote doucement pour trouver à nouveau le regard de Rose et s’il reste sans mot dire, son regard, sévère, exprime tout ce qu’il ne dit pas. « Pourquoi il est devenu violent ? Parce que tu as refusé de lui faire des faveurs, ce soir-là? ». Ses mains se recroquevillent, ses poings se serrant jusqu’à sentir ses ongles contre sa peau. « C’est arrivé qu’une seule fois, Ambrose ? Ou plusieurs fois ? » A la façon qu’il a de lui poser la question, il lui montre clairement qu’il n’a pas le choix que de répondre sincèrement. Ça fait partie du deal aussi « Qu’est-ce qu’il t’a fait subir exactement, cet enfoiré ? » La colère se fait ressentir dans son ton de voix, alors qu’il n’a pas lâché le regard de son cadet. « On ne sera pas obligé de le noter dans l’article. Mais j’ai besoin de savoir ». Même s’il n’a pas besoin de ça pour être doublement convaincu de la nécessité de la parution de cet article, dénonçant une pratique plus de douteuse d’un des plus grands noms du milieu des affaires. “Cette histoire me suivra toute ma vie, mais je sais aussi qu’elle pourrait faire décoller ta carrière.” Il s’arrête dans ses gestes, une nouvelle fois et c’est un soupir qu’il laisse échapper « C’est donc pour ça que tu me le proposes ? Ne fais pas ça pour moi, Ambrose. Fais le pour toi, uniquement pour toi » Il refuse que son cadet vole à son secours, refuse aussi d’écrire cet article si c’est pour qu’il en tire profit. Il a déjà écrit sur un de ses proches en pensant y gagner en retour et l’issue n’en a été que désastreuse. Et même si l’histoire est différente ici et que le concerné est d’accord avec cet écrit, il ne souhaite pas que cet article se transforme en un quelconque champ de bataille entre eux. « Je le publierai que lorsque tu seras prêt. Et, juste pour que tu saches, je pense que cet article trouverait plus sa place dans le Daily Insider, le journal de Blake. Il pourrait d’ailleurs nous aider avec cet article. Si tu es d’accord, bien sûr ». Ce n’est pas qu’il n’avait pas confiance en ses propres capacités mais disons que le Aldridge était calé dans le domaine de la dénonciation et particulièrement habile pour faire tomber de gros noms. Il pourrait leur donner son avis à propos de cet article et les conseiller pour qu’ils arrivent à leur fin : faire tomber définitivement Saül Williams. « Ou je peux le publier en indépendant si tu préfères. C’est ton choix, Rose ». Il ne le fera pas pour son journal local parce qu’il est sur la sellette et qu’il refuse d’utiliser l’article de son frère pour attirer les bonnes grâces de son éditeur actuel et regagner une place confortable au sein de celui-ci.  

BY PHANTASMAGORIA

(tw. mention de violences physiques et sexuelles) « Je ferai la part des choses, Rose. Dans mon article, tu peux en être certain. Mais… en attendant et alors que je découvre cette histoire, tu dois au moins m’autoriser à réagir comme le grand frère que je suis. » Il serre les dents avec tristesse, demandant à son frère de faire la part des choses alors qu’il a de son côté toute la peine du monde à y arriver. Il veut tuer Saül Williams, politiquement parlant, et il ne veut pas recevoir l’empathie de sa famille alors qu’il est le premier à avoir foncé tête baissée dans la gueule du loup. Il connaissait les conséquences, il savait à quel point il jouait avec le feu, et pourtant il a tout nié parce qu’il se pensait plus fort que quiconque, capable de passer au travers des flammes tel un dragon immaculé. Il n’en est rien. Sans rien dire, il hoche la tête. C’est d’accord. Face à son frère, il parle enfin.

Il n’entre pas de trop dans les détails, conscient de ce que le public mérite d’entendre et de ce qui ne regarde que lui. Il y a des détails pervers, il y a des choses que personne n’a besoin de savoir. La curiosité maladive n’a pas sa place dans son histoire, pas alors qu’Ambrose a déjà bien assez à faire avec les réactions naturelles et empathiques de son aîné, qui ne sait faire autre chose que se créer du souci à l’égard du jeune politicien. Il a bien raison. « Pourquoi il est devenu violent ? Parce que tu as refusé de lui faire des faveurs, ce soir-là? » Oui. Et non. Il y avait ça, mais il n’y avait pas que ça. “Il m’a annoncé qu’il allait quitter le rôle de PDG de son entreprise et s’engager en politique. On allait être des ennemis, il ne voulait plus m’aider à quoi que ce soit.” Ce qui aurait pu mettre un point final à leur sordide arrangement, aussi simplement que cela. Bien évidemment, cela ne s’est pas passé de cette façon. “Mais il voulait toujours que je joue son gigolo. J’ai refusé, il s’est emporté.” Ambrose étouffe un rire amer et faux en repensant à cette soirée. Il n’y a rien dans ses souvenirs qui le fasse rire, ce n’est qu’un moyen de défense parmi tant d’autres. L’adage dit bien qu’il vaut mieux en rire qu’en pleurer, et c’est exactement le croisement où il se trouve.

« C’est arrivé qu’une seule fois, Ambrose ? Ou plusieurs fois ? » Les faveurs sexuelles, ou la violence ? Les réponses diffèrent, et Ambrose préfère encore aborder le sujet qui heurte le moins son ego. “Il m’a frappé une seule fois.” Du reste, il est évident que leur accord s’est engagé dans la durée et qu’Ambrose s’est mis à genoux plusieurs fois devant lui, repoussant au loin toute once de dignité. « Qu’est-ce qu’il t’a fait subir exactement, cet enfoiré ? On ne sera pas obligé de le noter dans l’article. Mais j’ai besoin de savoir. » - “Rien de si grave, August.” Il joue l’adulte à son tour en tempérant l’attitude de son aîné et, surtout, en tentant de le rassurer. Un seul coup était déjà le coup de trop et il ne reviendra jamais là-dessus, mais à en juger par la carrure et la propension colérique de l’italien, tout aurait pu être bien pire. “Il a… Il m’a violenté en me poussant contre une armoire. J’en ai gardé les marques, c’est ce que James a remarqué. Et il a essayé de m’étrangler.” Il l’a étranglé, c’est un fait, mais il s’est arrêté avant qu’Ambrose ne perde connaissance, ou pire encore. August a demandé les détails, et Ambrose les lui donne sans chercher à lutter. Peut-être que cela fera du bien à son frère d’avoir les détails de la scène pour ne pas avoir à les imaginer lui-même. Il pourrait imaginer des atrocités impossibles, et Ambrose ne veut pas qu’il aille jusque là.

« C’est donc pour ça que tu me le proposes ? Ne fais pas ça pour moi, Ambrose. Fais le pour toi, uniquement pour toi. »
“Elle sortira de toute façon, August. Je veux que ce soit avec toi.”

Il veut que Saül tombe, il le lui a dit et il le fera quoiqu’il en coûte, alors autant que cela desserve un minimum les intérêts de sa famille, malgré toute la difficulté qu’Ambrose éprouve à lui faire part de ce qu’il a vécu. Il n’y a rien dont il soit fier, absolument rien, et ce n’est pas ce genre d’histoire qu’il a pour habitude de partager, ayant au contraire toujours eu à cœur de garder sa vie privée pour lui, justement. “Je suis déjà prêt. Et le Daily Insider est ce que j’avais en tête aussi.” Plus influent, plus susceptible d’être pris au sérieux aussi. Il a tout à y gagner à le publier là-bas, surtout s’il se fait aider dans l’exercice. Sur ce sujet au moins, les deux frères sont sur la même longueur d’onde. “Certainement pas en indépendant.” Il coupe aussitôt. August se ferait broyer sur place, le risque n’en vaut pas la peine. Il doit le publier dans un journal. “On va te reprocher d’écrire pour quelqu’un de ta famille, tu le sais ça ? Tu dois te blinder, toi aussi.” Ambrose est en première ligne mais il n’est pas le seul qui risque d’être éclaboussé par l’histoire, et il veut à son tour protéger sa famille autant que possible. “Demande à Blake de l’aide seulement si tu lui fais confiance. Ça va faire beaucoup de bruit, cette histoire.” Et il ne voudrait pas qu’on lui coupe l’herbe sous le pied d’une façon ou d’une autre. “Tu me promets de pas parler à Flora avant que ça sorte ? Ni à Malone ?” Bien qu’il y ait peu de chances qu’il en parle à Malone, Ambrose le demande quand même, par souci de clarté avec son frère. A partir de maintenant, tout ceci est leur secret, et il doit le rester jusqu’à la parution de l’article.

the last time we talked, you reduced me to tears

@Ambrose Constantine  & August Constantine #2

Début mai. TW : mention de violences physiques et sexuelles

Son impartialité et son objectivité sont primordiales dans son métier. Elles le sont tout autant aujourd’hui alors qu’il doit faire face à une histoire dont il ne se serait jamais douté de l’existence, une de celles qui concerne surtout une des personnes qui lui est la plus chère sur cette planète. Et c’est là toute la difficulté de l’exercice pour lui. S’il promet d’écrire un article digne de ce nom, August ne peut garantir à Ambrose d’avoir, pour l’heure, des réactions toutes sommes logiques, celles d’un grand frère s’inquiétant pour son cadet. “Il m’a annoncé qu’il allait quitter le rôle de PDG de son entreprise et s’engager en politique. On allait être des ennemis, il ne voulait plus m’aider à quoi que ce soit.” August garde quelques instants son regard porté sur Rose avant de laisser ses doigts parcourir le clavier de son ordinateur pour noter ces faits qu’il lui relate, ceux qui sont les moins difficiles à entendre et qui lui permettent encore de garder sa ligne de conduite. “Mais il voulait toujours que je joue son gigolo. J’ai refusé, il s’est emporté.” Il se fige à nouveau. Quelques secondes à peine alors que les muscles de sa mâchoire se tendent, contrastant avec la réaction d’Ambrose dont le rire, bien que sonnant faux, résonne dans la pièce devenue bien trop silencieuse. Un soupir s’échappe d’entre ses lèvres alors qu’il reprend sa manœuvre sur son clavier, préférant se cantonner au silence jusqu’à la prochaine question qu’il posera à son frère.

Parce que si elle fait suite logique à sa réponse, sa position est avant tout celle d’un frère qui veut savoir à quel point Saül Williams s’en est pris à lui. “Il m’a frappé une seule fois.” Une seule mais une de trop car rien ne justifiait le geste entreprit par le PDG à l’égard d’Ambrose. Il hoche la tête mais c’est pour revenir plus fortement à la charge, ayant besoin de savoir ce qu’il lui a fait subir exactement, ces détails dont il a besoin lui de connaitre du fait de sa relation avec la victime et qui ne termineront pas dans l’article. “Rien de si grave, August.” « Ca reste grave, quoi qu’il en soit, Ambrose ! » Son ton est autoritaire sur son cadet alors que ce dernier tente d’apaiser les craintes de son ainé. Ce n’est pas ce dont il a besoin parce que toute cette situation est grave à ses yeux et n’est pas à prendre à la légère. “Il a… Il m’a violenté en me poussant contre une armoire. J’en ai gardé les marques, c’est ce que James a remarqué. Et il a essayé de m’étrangler.” Une de ses mains se ferme autour de son poing, ses doigts craquant au contact. Et Ambrose qui disait que ce n’était pas si grave ? « Tu lui as dit à James ? A ce moment-là ? » Ce n’est pas non plus une question pour l’article qu’il lui pose là mais une qui le rend curieux quant au fait que James ait été au courant et n’ait pas cherché à agir en apprenant ça « J’aurai aimé connaitre l’histoire bien avant. On aurait dû agir dès l’instant où il a levé la main sur toi ». Mais il se doute que son frère aussi a eu besoin de temps, car une part de lui culpabilisait face à tout ça, ce qui ne lui reproche en rien ici. En revanche, dire qu’il n’en veut pas à James de ne pas l’avoir poussé à agir plus vite – sans parler du fait qu’il aurait aimé que son cousin vienne le trouver pour lui faire part de la situation – serait mentir. « Tu n’aurais jamais dû avoir à subir une chose pareille, Ambrose. J’espère que tu en as conscience ». Il précise alors que son regard trouve celui de son cadet et que ses sourcils s’affaissent avec compassion et tristesse. Connaitre tous ces détails le révoltent mais au-delà de ça, cela le rend malade, à un point où son estomac en devient douloureux et qu’il aimerait avoir le cran et le droit, à cet instant, de prendre son frère dans ses bras pour lui promettre que jamais il ne revivra une telle violence.  

“Elle sortira de toute façon, August. Je veux que ce soit avec toi.” et cela le touche d’une façon toute particulière quand il lui accorde sa confiance à ce sujet, alors qu’il connait aussi l’opinion de son frère sur sa carrière, celle qu’il ne lui admire en rien car son ainé n’a – selon lui – aucune ambition. Il ne cherche pas à prouver le contraire à Ambrose mais il faut dire que la carrière d’August est tout de même en stand-by actuellement, et même sur la sellette. Peut-être que c’est le coup de pouce dont il a besoin, bien qu’il n’attende en rien après cet article qui va, certes, dénoncer les pratiques douteuses d’un homme puissant, mais qui va surtout mettre sur le devant de la scène son petit frère. “Je suis déjà prêt. Et le Daily Insider est ce que j’avais en tête aussi.” C’est pour cette raison qu’il veut faire les choses comme il se doit et ne pas écrire cet article pour le Westender. Il est persuadé que son rédacteur en chef s’opposerait catégoriquement à ce qu’un tel article sorte, là où le Daily Insider est connu pour dénoncer sans ménagement toutes ces personnes qui usent et abusent de leur pouvoir. “Certainement pas en indépendant.” L’idée n’était pas forcément la meilleure, il le conçoit, et les retombées n’en seraient pas nécessairement les mieux, autant pour l’un que pour l’autre. “On va te reprocher d’écrire pour quelqu’un de ta famille, tu le sais ça ? Tu dois te blinder, toi aussi.” « Je le sais. Je suis prêt à encaisser, quoi qu’il en coûte ». Pour lui parce que c’est son frère cadet qu’il a toujours voulu protéger sans y parvenir. « Qu’ils me fassent tous les reproches qu’ils veulent, cet article sortira et s’il en faut d’autres derrière, on le fera, Ambrose ». En somme, il mènera cette guerre à ses côtés, prendra les armes nécessaires pour se faire mais ne baissera pas les bras au premier obstacle. “Demande à Blake de l’aide seulement si tu lui fais confiance. Ça va faire beaucoup de bruit, cette histoire.” « Il a l’habitude de dénoncer de grands noms. Je lui fait une confiance aveugle, il est le mieux placé pour nous aider et, si tu le souhaites, je peux même te le présenter ». August est ami avec Blake depuis des années. Mais du fait de cette relation qui a toujours été la leur, aucune présentation n’a jamais pu être faite entre les amis d’August et Ambrose, et vice versa. La différence d’âge y joue peut-être aussi, bien que minime, mais si cette rencontre peut rassurer et mettre en confiance Rose quant à la parution de cet article dans le Daily Insider et surtout, sur la personne que peut être Blake, alors il n’hésitera pas à les mettre en contact. “Tu me promets de pas parler à Flora avant que ça sorte ? Ni à Malone ?” Il n’y a pas de risques concernant l’ainé, bien qu’une part de lui estime qu’il est tout autant en droit que les autres de connaitre la vérité, celle désagréable qu’il apprendra lorsque l’article paraitra. Quant à Flora « Tu sais que ça m’est compliqué, surtout pour Flora. L’idée ne m’enchante pas qu’elle l’apprenne comme tout le monde, surtout quand elle va comprendre que j’étais au courant… » Ils sont proches, l’ont toujours été et leur relation a été suffisamment fragilisée du fait de choix entrepris par August. Les jumeaux n’ont jamais eu de secrets l’un pour l’autre – du moins, c’est ce qu’il pense – et mentir à Flora ou, plutôt, dans ce cas de figure, faire omission de lui parler de quelque chose qu’il sait pertinemment que cela va la toucher, parce que cela concerne Ambrose et que cette histoire n’est pas rien, n’enchante pas le journaliste qui se trouve là à faire un choix cornélien. Il soupire alors, tournant son regard vers son cadet pour trouver le sien « Mais je t’en fais la promesse, Ambrose » Parce qu’il lui accorde sa confiance et qu’il ne veut pas la perdre, ni le décevoir. Qu’il espère aussi sincèrement que Flora comprendra le choix qu’il fait là en décidant de la préserver de la vérité, bien qu’il sache par avance qu’il devra des explications à sa jumelle et que cela amènera sûrement à de nouvelles tensions entre eux. « Mais lorsque cette histoire sortira, je veux que tu sois honnête avec elle, comme tu l’es aujourd’hui avec moi » parce qu’il sait que Flora aura autant de questions que lui peut en avoir pour son cadet et cela impliquera de n’omettre aucun détail, même les plus difficiles. « Qu’est-ce qu’il te promettait exactement ? Est-ce que tu as obtenu certaines contreparties de sa part ? Ou aucune ? » qu’il demande, dans cette volonté d’obtenir tous les éléments nécessaires à l’écriture de cet article mais aussi pour savoir si c’est quelque chose qui pourrait leur revenir en pleine figure, quelque chose que Saul Williams lui-même pourrait se servir pour se défendre « Tu n’es plus en contact avec lui, aujourd’hui, on est bien d’accord ? ». Il veut s’en assurer, il ne doute pas de la jugeote de son frère, mais craint l’emprise que le Williams peut avoir encore sur lui, cherchant à savoir si l’homme d’affaires tente encore à rentrer en contact avec lui. « Je ne t’apprends rien mais tout ce qu’il peut avoir sur toi, il saura l’utiliser ».
 

BY PHANTASMAGORIA

La discussion est difficile parce qu’ils jonglent à de nombreux niveaux, non seulement autour de la personne du Williams mais aussi du reste de leur famille, impliquée à plus ou moins haut niveau dans cette histoire. James se trouve en tête de liste, sans doute bien malgré lui. « Tu lui as dit à James ? A ce moment-là ? » - “Il l’a su, oui. Mais je lui ai toujours caché le nom de Saül.” Il voit très bien où August veut en venir et il comprend déjà de ce qu’il reproche à James, sans que ce dernier ne doive être tenu pour responsable de quoi que ce soit. Ambrose lui a volontairement dit aussi peu que possible et il lui a aussi demandé de ne rien dire à personne, chose qu’il lui est reconnaissant d’avoir fait, parce qu’il ose à peine imaginer quels seraient leurs rapports aujourd’hui si son cousin n’avait pas su tenir parole. « J’aurai aimé connaitre l’histoire bien avant. On aurait dû agir dès l’instant où il a levé la main sur toi. Il sait que ses mots ne plairont pas, mais il les prononce tout de même rapidement. “Y’a pas de on qui tienne. C’est mon histoire, et c’est moi qui la gère.” August l’aide dans cette aventure maintenant, mais il aurait pu faire appel à un autre. Il n’y a pas de on qui existe quand Ambrose est le seul à avoir été touché et, de fait, le seul légitime à entrer en guerre à son tour. Ses proches n’ont pas à s’en mêler de trop, encore moins pour le défendre, surtout alors qu’ils voudront tous obtenir vengeance bien avant la moindre justice. « Tu n’aurais jamais dû avoir à subir une chose pareille, Ambrose. J’espère que tu en as conscience. » Son regard a du mal à garder tout son sérieux lorsqu’August l’observe avec autant de pitié, et c’est la raison pour laquelle les yeux du cadet se dégagent doucement des siens. “Je vais pas excuser ce genre de geste, non.” Il sait que rien n’était normal ; l’existence même de leur arrangement ne l’était pas, et tout ce qui s’en est suivi l’était évidemment tout aussi peu. Mais il savait ce qu’il risquait, et il a foncé tête baissée.

Ambrose hoche la tête lorsque son frère défend l’implication de Blake Aldridge dans l’écriture de l’article. Il n’en pense pas davantage et il se contente de croire son aîné lorsque ce dernier lui dit que l’inconnu est digne de confiance. Il se contente simplement d’ajouter ne pas désirer le rencontrer, pas alors qu’il anticipe déjà que cela signifie répondre à de nouvelles questions et faire face à son regard. De ça, Ambrose n’a aucune envie, et il laisse son frère s’entendre comme il le veut avec cet inconnu, surtout si cela lui donne un peu plus confiance en son histoire et sa plume. A son tour, il lui demande de garder le secret, tout particulièrement auprès de leur famille: il sait qu’au-delà du cercle restreint de cette dernière, le secret ne risque pas de se faufiler un seul instant. “Je lui dirai tout quand ça sortira, c’est promis.” Et il compte tenir parole, parce qu’il tient autant à Flora qu’August chérit sa jumelle. Il n’est pas aussi proche d’elle que son frère l’est, mais la protéger reste néanmoins sa quête perpétuelle. Il n’a simplement pas la force d’aborder le sujet avec elle avant qu’il ne soit rendu officiel, parce qu’il sait qu’il devra réitérer l’expérience encore et encore.

Et s’il pensait avoir fait le tour de la question, August voit les choses différemment, comme le prouvent ses nouvelles questions, qui prennent le cadet de court. « Qu’est-ce qu’il te promettait exactement ? Est-ce que tu as obtenu certaines contreparties de sa part ? Ou aucune ? » Toujours aussi sérieux, posé et terre à terre, Ambrose prend le temps de réfléchir à sa question alors que son regard a retrouvé celui de son aîné. “Il m’a présenté quelques personnes. Rien de tangible ni palpable.” Rien qui ne pourrait lui porter préjudice dans un tribunal, par exemple. Saül a profité qu’il soit dans la même salle que lui pour le présenter à ses collaborateurs, et personne n’aurait jamais pu se douter que ce soit le fruit d’un arrangement longuement pensé. Il s’agissait de quelques mots à peine, jamais rien de plus. « Tu n’es plus en contact avec lui, aujourd’hui, on est bien d’accord ? » - “Evidemment August.” Cette fois-ci, un certain agacement pointe le bout de son nez: il n’est pas assez stupide pour avoir gardé contact avec lui. Que pourrait-il même lui dire, au juste ?

« Je ne t’apprends rien mais tout ce qu’il peut avoir sur toi, il saura l’utiliser. » Il sera rapidement acculé et il utilisera tout ce qu’il a à portée de main, Ambrose le sait parfaitement et pourtant les mots de son frère lui arrachent un nouveau rire amer. “Tu veux qu’il raconte quoi ? Comment je suce ?” Il ose auprès de lui des mots dont il se gardera face à quiconque, et surtout en public. Mais pour l’heure, cela lui permet sans doute de dédramatiser un brin la situation, ou du moins ce qui peut l’être. “Il a rien, August. Absolument rien. Tout ce qu’il avait contre moi, c’étaient les mots et les gestes.” Il a utilisé les deux lorsqu’Ambrose était encore à portée de main, mais maintenant il s’en sera plus rien. “On a terminé ? Je répondrai à tes messages si t’as d’autres questions.” Il souffle, quémandant une pause, quitte à ce qu’ils se revoient plus tard pour parler à nouveau des détails et autres grandes lignes. Pour l’heure, Ambrose estime avoir eu son compte de mauvais souvenirs.