@cassie edwards

Cassandra est venue. Il n’était pas certain qu’elle le ferait, puisque lui-même avait l’impression d’être un pathétique tueur en série en train d’attirer sa prochaine victime dans les quelques messages qu’il lui a envoyé. Pour autant, elle semble lui faire un minimum confiance ; ou ne pas avoir regardé tous les documentaires Netflix à ce sujet. Au choix. Les deux, peut-être. Disons simplement qu’il aime l’idée qu’ils aient une base de confiance, à défaut que ce soit une base d’amitié. Cette base aiderait grandement à la suite, comme s’apprête à le prouver son plan dégoté directement du dernier blockbuster américain qui fait vendre des abonnements HBO à défaut de vendre des tickets de cinéma. Il a rigolé nerveusement une dernière fois avant de lui ouvrir, perdu dans ses pensées d’une façon qui ne lui correspond normalement pas. Il est du genre à avoir ses idées rangées, compartimentées, classées. Il est du genre à avoir un plan sur les cinq années à venir, aussi, uniquement parce qu’il sait que le faire sur vingt ans serait trop aventureux en raison de la vitesse à laquelle change leur monde, en plus d’un certain pourcentage d’inattendu.

Actrice ou mannequin. C’est ce que Cassie lui a dit. Actrice ou mannequin, cela peut toujours se faire. Avec son idée, cela pourrait même l’aider. Elle aura l’éternel appui de Midas, son Labrador de compagnie, et elle pourrait même jouir de celui d’Ambrose, son c’est-encore-un-secret. Cela peut se faire. Cela peut se faire, et cela peut même se faire avec un putain de brio, si jamais elle remplit une seule et unique case: être d’accord. Et aussi simple que cela puisse paraître, ce n’est pas gagné. Il déteste James pour avoir eu cette idée dix ans plus tôt, et maintenant il marche dans ses pas sans même le savoir. Et il se déteste pour ça, parce qu’il aurait pu marcher dans ses pas d’un bon millier de façons différentes, et toutes auraient été meilleures.

Il lui a proposé à boire, il lui a ramené ce qu’elle voulait, et il s’est servi un verre de vin d’une des bouteilles hors-de-prix que Norman collectionne avec passion. Il a fait les choses bien, ou aussi bien qu’il le pouvait du moins. “Je tiens juste à dire que j’aurais clairement pu te draguer, et toi t’aurais clairement pu tomber amoureuse de moi.” Elle l’a évoqué par message la première, il ne fait que rebondir dessus. Cassie a dit qu’elle se draguerait carrément à sa place, et Ambrose ne l’a pas nié, parce que dans un autre contexte il aurait aussi pu apprécier à leur juste valeur les traits de son visage. Il se contente simplement de souligner qu’elle aurait carrément pu le draguer en retour, et que rien de tout ceci n’est initié par un quelconque désespoir. Du moins pas parce qu’il n’arrive pas à trouver quelqu’un en qui avoir des sentiments, simplement qu’il n’arrive pas à trouver quelqu’un d’assez bien constitué et balancer pour ne pas avoir l’idée de se foutre en l’air par l’alcool ou au travers de la presse à scandale tous les quatre matins. Parfois les deux en même temps. “Mais je te respecte trop pour pas te dire la vérité en face.” Il la pense aussi trop intelligente pour croire à son petit jeu, si jamais il avait justement décidé de jouer. Il n’apprécie pas réellement Cassie, mais il la respecte, ça c’est au moins vrai. “Je sais pas ce que tu trouves à ton métier actuel, mais ok, soit, amuse-toi. Je dis simplement que tu pourrais avoir accès à bien plus, et tu me l’as dit toi-même.” Il ne la fera pas quitter ce travail qu’elle aime, parce qu’il doute que ce soit une bonne idée. Il dit simplement qu’ils peuvent viser plus haut ; ensemble. “T’as déjà pensé à une alliance ?” Il s’était promis de ne pas tourner autour du pot, mais peut-être qu’il s’est menti à lui-même, en effet. Après tout, il ne peut pas se contenter de lui poser directement la question les yeux dans les yeux, parce qu’elle lui offrirait un refus qu’il ne peut certainement pas entendre à l’heure actuelle. L’affaire Williams est en cours d’écriture, il a plus que jamais besoin d’un certain appui. “Ton père est un politicien, t’as grandi avec un pied dans le milieu, pas vrai ?” Elle sait qu’ils sont tous vendus, elle sait qu’ils sont tous prêts à tout. Et Ambrose doute qu’ils soient les seuls: tout le monde vend une part de soi pour arriver au sommet, peu importe le sommet en question.

Il faut bien admettre que ce message sorti de nulle part t’a suffisamment intriguée pour que tu juges nécessaire d’y répondre. Ambrose Constantine, le wannabe futur dirigeant d’Australie, qui te demande si tu peux venir le rencontrer chez lui. Ses arguments ont piqués ta curiosité et, puisque Midas est toujours trop occupé à faire la gueule pour te consacrer du temps, tu prends l’opportunité de te changer les idées en allant à la rencontre du jeune homme. Honnêtement, tu ne pensais pas réellement ravoir de ses nouvelles un jour, pas comme ça en tout cas. Jusque là vos rencontres se sont toujours limitées à des cadres publics et à des discussions polies bien que teintées d’un petit quelque chose qui a au moins l’avantage de t’amuser assez pour avoir envie de remettre le couvert dès que l’occasion se présente.
Alors voilà, tes obligations de travail pour la journée sont remplies, le rendez-vous est fixé et l’adresse est rentrée dans Waze, plus qu’à aller voir ce qu’il attend de toi. En quoi un éventuel futur scandale en politique te concerne ? Si ça t’intéresse d’avoir les bonnes infos, t’as toujours du mal à voir pour quelle raison il a jugé bon de venir t’en parler à toi plutôt qu’à n’importe qui d’autre. Ne sachant pas tellement à quoi t’attendre, tu restes méfiante sur le fond de la question et surtout sur le procédé, t’attendant un peu à tout et à n’importe quoi. Ambrose a la réputation d’être sérieux, il soigne son image et ses apparences publiques et c’est bien la seule raison pour laquelle tu décides d’aller jeter le rencontrer.
Une fois garée près de l’adresse indiquée, tu ne perds pas plus de temps et tu files directement chez ce fameux oncle qui semble l’héberger (ou lui prêter son loft pour rencontrer des gens, qui sait.) Les banalités échangées, tu te retrouves avec ton verre d’eau pendant que lui opte pour du vin et inconsciemment, tu te dis qu’il est tout de même trop tôt pour les boissons alcoolisées, qu’importe le prix que ça a pu coûter. Sans être experte en la matière, tu sais reconnaître certains noms indiqués sur l’étiquette, l’avantage d’avoir un paternel intéressé par l’oenologie. « Je tiens juste à dire que j’aurais clairement pu te draguer, et toi t’aurais clairement pu tomber amoureuse de moi. » Ca te fait doucement rire, qu’il revienne dessus. « Attention Ambrose, je vais finir par croire que je t’intéresse. » Comme si c’était réellement un souci. « Mais je te respecte trop pour pas te dire la vérité en face. » Voyez-vous ça. « Trop aimable. » Tu ne peux pas t’empêcher de commenter, n’allant pas plus loin pour l’inviter à continuer. « Je sais pas ce que tu trouves à ton métier actuel, mais ok, soit, amuse-toi. Je dis simplement que tu pourrais avoir accès à bien plus, et tu me l’as dit toi-même. » « Ca me convient pour le moment. » Que tu grognes quand bien même tu remets un peu tout ça en question, dernièrement. Mais ok, tu mords à l’hameçon et t’es prête à écouter ce qu’il a à dire, peut-être qu’il est temps de passer à autre chose et de laisser Midas voler de ses propres ailes, puisque visiblement il n’a plus besoin de toi dans les parages. « T’as déjà pensé à une alliance ? » Doucement, tu arques un sourcil interrogateur. « Ton père est un politicien, t’as grandi avec un pied dans le milieu, pas vrai ? » Bien sûr c’est de ça qu’il s’agit, tu souffles un rire en soupirant doucement. « Si jamais tu mets un pied en Ecosse en période électorale, tu peux te retrouver avec des tracts à son nom, oui. » La version longue de “oui”. « De quel genre d’alliance tu parles, exactement ? Tu veux que je te présente mon père et son carnet d’adresses ? » C’est toujours bien, d’avoir des hommes influents dans ses contacts. « J’y gagnerai quoi ? » A part des ragots concernant des scandales en politique, t’es pas certaine que ça soit réellement un échange équivalent.

@Ambrose Constantine

Ambrose n’a pas pour habitude de perdre une once de sa superbe. Il est toujours assuré, toujours certain de ses mots et de ses idées. Il a toujours le menton haut, parce qu’il sait ce qu’il vaut et que généralement, cela se résume à “meilleur que les personnes en face”. Et peut-être qu’il vaut mieux que Cassie, il ne s’abaisserait pas à dire l’inverse, mais il ne peut pas réellement jouir d’assurance en cet instant. Son idée est faillible, elle est plein de défauts et pourtant il est tout ce à quoi il arrive à se raccrocher en cet instant. Il aurait opté pour quelque chose de plus assuré et plus terre à terre s’il l’avait pu. « Attention Ambrose, je vais finir par croire que je t’intéresse. » Ambrose en rigole simplement, parce que le sujet est assez innocent pour qu’il n’ait pas à s’en faire. Il ne voit pas Cassie d’une telle manière, et il sait qu’il en est de même à l’inverse, bien qu’il trouve tout de même le besoin de souligner qu’elle aurait pu tout à fait tomber amoureuse de lui à en juger par ses qualités.

A sa façon, il commence donc son laïus, sans oublier de préciser qu’il estime que Cassie n’exerce pas un métier à la hauteur de ses capacités, ce qui le fait se questionner sur ce qu’elle peut bien trouver à un quotidien aussi plat et inutile. Pour autant, il s’agit de son choix et du sien seul, sur lequel il n’a pas vocation à exercer la moindre pression. « Si jamais tu mets un pied en Ecosse en période électorale, tu peux te retrouver avec des tracts à son nom, oui. » Donc oui. Il a fait ses recherches, elle ne lui apprend rien, mais il est au moins rassuré qu’elle ne revoit pas ses attentes à la baisse en lui disant qu’il n’est pas si connu que ça, pas si influent non plus. Tant mieux. Il hoche la tête pour tenter de lui signifier que ses paroles ont du poids, bien que cela ne soit pas le cas. « De quel genre d’alliance tu parles, exactement ? Tu veux que je te présente mon père et son carnet d’adresses ? » Le brun rigole nerveusement, pas certain d’avoir à nouveau le cœur à rencontrer des hommes de trois fois son âge pour profiter de leur carnet d’adresses. Cela aurait pu être la version simple des choses, ceci dit, bien que le carnet d’adresse d’un homme à l’autre bout du monde ne l’intéresse pas tant que ça alors que seul le Commonwealth les unit. « J’y gagnerai quoi ? » - “Non, je veux pas son carnet d’adresses. Ni même que tu me le présentes.” Ce n’est pas lui, sa cible. Elle représente un moyen d’arriver à ses fins peu importe l’angle sous lequel la question est étudiée, certes, mais il a un minimum d’estime pour ne pas l’utiliser dans ce sens. La pulpe de ses doigts se repose contre le pied de son verre, qu’il observe un instant avant de replonger son regard dans celui de la jeune femme. “Tu sais que j’ai de l’ambition. Et tu sais que je ferai tout pour arriver à mes fins.” Il veut arriver au sommet, et il y arrivera. “Mais j’ai besoin d’alliés.” Et pas n’importe quel genre d’allié. Il n’a pas besoin de quelqu’un pour appuyer ses idées devant les médias et autres politiciens, il n’a pas besoin d’un parti politique ou quoi que ce soit en ce genre. Il a besoin de quelqu’un qui restera à ses côtés quoiqu’il advienne, le genre de rôle qui permet de rafler toute la mise. Ou risquer de tout perdre. “On veut la même chose. T’es ambitieuse. T’es comme un poisson dans l’eau dans les soirées, je le vois bien.” Bien sûr qu’il n’a pas posé sur elle qu’un regard réprobateur, il ne va pas le nier. Parfois, il se rend compte de leurs ressemblances et de ses capacités. Parfois, il se dit que leur guéguerre sans fondement n’est qu’une perte de temps. “Je peux t’aider pour ça. Te donner de la visibilité.” Elle rêve de gravir les échelons d’un monde différent, et tant qu’elle ne montre pas ses seins en couverture de magazine, c’est un immense avantage bien plus qu’un problème: ils pourraient couvrir un terrain immense.

“On peut raconter une histoire devant les médias. T’as déjà vu une seule interview de Barack et Michelle Obama qui n’en reviennent pas à la façon dont ils sont tombés amoureux à l’adolescence et s’aiment chaque jour un peu plus depuis ? Parce que moi non.” Elle peut lutter contre l’obésité infantile si elle le veut, elle aussi. Ça marche toujours bien que de vouloir protéger les enfants. Son regard reste posé contre celui de Cassandra, incapable de faire autrement tant il cherche à anticiper sa réaction et ses pensées. La proposition est tout sauf anodine, tout sauf attendue aussi, mais il veut croire qu’ils se ressemblent assez pour qu’elle comprenne tout l’intérêt d’une telle alliance. “C’est ce genre d’alliance dont je parle.” La gravité de son visage autant que de ses mots prouvent bien que l’heure n’est pas à l’humour.

Être “la fille de”, ça a toujours été autant une malédiction qu’une bénédiction. Au pays, c’était une pression constante pour faire bonne figure, chaque mouvement était étroitement surveillé et critiqué, rien ne semblait suffisant pour le paternel qui réclamait sans cesse l’excellence. Un rien devenait une compétition et l’échec n’était envisageable que pour les adversaires. De l’autre côté, c’est ce qui fait qu’aujourd’hui t’en es là. T’as charbonné comme personne, t’as tout donné pour te faire des contacts et prouver ta valeur et personne ne peut te le reprocher. Le nom de papa Edwards, pour ceux que ça intéresse, franchit parfois les frontières de son Ecosse natale, et si son influence ailleurs se retrouve forcément limitée, ça reste tout de même le genre d’atout dans la manche sur lequel on ne crache pas. « Non, je veux pas son carnet d’adresses. Ni même que tu me le présentes. » Sourcil arqué, tu n’ajoutes rien mais t’as bien du mal à y croire. Si ce n’est pas pour ça, il n’y a aucune raison logique à cette entrevue, pas à tes yeux en tout cas. « Tu sais que j’ai de l’ambition. Et tu sais que je ferai tout pour arriver à mes fins. » Rien de nouveau jusque-là, il faut être aveugle pour ne pas s’en rendre compte. Tu n’ajoutes rien, te contentant d’un vague hochement de tête pour lui signifier que oui, t’es bien au courant. « Mais j’ai besoin d’alliés. » En politique comme partout ailleurs, on en a besoin. « On veut la même chose. T’es ambitieuse. T’es comme un poisson dans l’eau dans les soirées, je le vois bien. » « On ne joue pas sur le même genre de terrain, » si la forme diffère, le fond reste tout de même relativement similaire. Les milieux ne sont pas incompatibles, mais ça reste tout de même épineux. « Je peux t’aider pour ça. Te donner de la visibilité. » Inconsciemment, tu pinces les lèvres dans une ligne presque parfaite, l’air pas spécialement amusée par toute la situation. Qu’est-ce qui lui fait croire que tu as besoin de lui pour avoir ce que tu recherches tant. « J’écoute. » Et comme ça, tu l’invites à préciser sa pensée.

« On peut raconter une histoire devant les médias. T’as déjà vu une seule interview de Barack et Michelle Obama qui n’en reviennent pas à la façon dont ils sont tombés amoureux à l’adolescence et s’aiment chaque jour un peu plus depuis ? Parce que moi non. » Plus attentive que jamais, t’écoutes pendant que ton cerveau procède les informations qui lui arrivent. L’histoire du couple Obama, c’est le genre dont les médias raffolent et ils l’ont bien peaufinée. Leurs rôles sont magistralement interprétés et s’il est possible qu’il y ait des soucis dans leur quotidien, ça a toujours été bien dissimulé et masqué sous leur complicité apparente. C’est le genre d’histoire dont on parlait lors de son élection, le genre dont on parle encore même des années après leur quasi disparition de la scène médiatique. « C’est ce genre d’alliance dont je parle. » A ce moment là, tu t’attends presque à un éclat de rire, quelque chose qui indiquerait qu’il se fiche de toi et que c’est bel et bien pour le carnet d’adresse de ton père qu’il voulait te voir. Pourtant, dans son regard, une chose est claire ; il est on ne peut plus sérieux et ça te déstabilise suffisamment pour que tu ressentes la nécessité de poser ton fichu verre d’eau histoire qu’il ne t’échappe pas. « Attends, t’es vraiment en train de proposer qu’on s’affiche ensemble ? » Tu récapitules sans trop parvenir à y croire. Allons Ambrose, ce n’est pas sérieux ? Si ? « C’est quoi ton plan, qu’on invente une love story digne d’un conte de fées et puis on la vend ? » Hors de question. « Du coup admettons que moi j’y gagne en visibilité, il est où ton profit à toi ? » Donc son alliance consiste à devenir les nouveaux Obama aux yeux des autres ? « Tu te rends bien compte que c’est le genre de chose qui ne marche pas en vrai, hein ? » Ou alors il faut être sacrément doué et organisé. « Non, sérieusement, c’est quand même pas pour ça que tu voulais qu’on se voit, hein ? » Tant qu’il n’aura pas clairement exposé ses intentions, tu refuses de croire que c’est pour ça qu’il voulait te voir.

Garde tes amis proches et tes ennemis plus encore n’est pas simplement le genre de maxime qui rendrait bien à la fin d’un épisode de Grey’s Anatomy. C’est un véritable objectif à suivre, sur lequel Ambrose ne compte pas lésiner un seul instant. Cassandra n’a rien d’une véritable ennemie, simplement d’une personne avec qui il a du mal à s’entendre, mais il pense sincèrement qu’elle pourrait le devenir et il ne souhaite pas en arriver jusque là. Du moins, il ne souhaite pas que leur combat soit visible pour qui que ce soit autre qu’eux-mêmes. « On ne joue pas sur le même genre de terrain, » Peu importe. « J’écoute. » Voilà ce qui importe.

A ses yeux, il n’existe rien de mieux qu’un exemple pour illustrer parfaitement son propos, et c’est ce à quoi lui servent les Obama sans qu’il n’éprouve la moindre honte à les utiliser dans le rouage de ses explications, sous une Cassandra toujours un peu plus étonnée à chaque seconde. Il y a de quoi, il ne lui en tient pas rigueur. « Attends, t’es vraiment en train de proposer qu’on s’affiche ensemble ? » Il dégage sa tête de droite à gauche. Non, ce n’est pas réellement ce qu’il propose. Ils ne sont pas à l’école primaire. “Des fiançailles.” Voilà ce qu’il propose réellement. Des fiançailles qui s’étendront autant que possible dans le temps, pour le bien de tous, mais qui devra en résulter sur un mariage. Comme le ferait n’importe quel couple éperdument amoureux, donc. « C’est quoi ton plan, qu’on invente une love story digne d’un conte de fées et puis on la vend ? » Tout dans son ton de voix lui dit qu’elle déteste l’idée et, une fois de plus, il n’est ni surpris ni déçu. Il s’attendait à devoir argument, ce n’est pas un problème à ses yeux et il ne se démonte pas, son regard toujours posé sur celui de la jeune femme face à lui. “Rien de moins.” Ils doivent faire rêver. Ils feront rêver.

« Du coup admettons que moi j’y gagne en visibilité, il est où ton profit à toi ? » - “La même chose. Visibilité, crédibilité, assurance.” Il n’est qu’un gamin, et il sait très bien que tout le monde ne voit que ça en lui, avant de reconnaître la moindre de ses capacités. S’il prouvait avoir une vie privé (pour ne pas dire “de famille”) déjà bien rangée et avancée, cela lui ferait gagner une confiance considérable de la part des électeurs. Et une fois au sommet, cela assoirait son pouvoir et donnerait à Cassie tout ce qu’elle désire. Gagnant-gagnant. « Tu te rends bien compte que c’est le genre de chose qui ne marche pas en vrai, hein ? Non, sérieusement, c’est quand même pas pour ça que tu voulais qu’on se voit, hein ? » Elle persiste dans ses doutes malgré tout mais il a bon espoir que cela ne s’étende pas éternellement tout au long de leur conversation. “T’es dans ton domaine. Je suis dans le mien. On se marche pas dessus. Tu veux la lumière, les dîners officiels, la visibilité: je t’offre ça. Je veux l’illusion de perfection, et toi tu peux m’offrir ça.” Ils se complètent et ne se marchent pas même dessus. Elle peut continuer son travail auprès de Midas, il continue de paver le terrain de son ascension. Leur vie ne change pas, simplement le discours qu’ils racontent à autrui. “C’est une idée de génie, Cassie.” Rien de moins, évidemment. Pas alors que l’idée est celle d’Ambrose. “Ça sera difficile de faire croire à nos proches qu’on se fiance du jour au lendemain, mais ça peut le faire. Je sais qu’on peut arriver à sortir une histoire et à la suivre.” Ils peuvent s’inventer des anecdotes ensemble, ils peuvent tout apprendre de l’un l’autre. Ils peuvent mentir aux yeux et à la su de tous, et il a beau ne pas connaître autant Cassie que l’histoire le voudrait, il pense qu’elle est faite pour ce rôle de demi-vérités et autres apparences. Ils ont simplement besoin d’accepter l’idée que leurs destins puissent être liés du jour au lendemain. Et tout les mènera haut, très haut.

Tu fais au mieux pour te montrer prudente, pas que tu n’as pas confiance en Ambrose mais tu ne le connais pas plus que ça. Alors le fait qu’il te demande de venir et qu’il se la joue grand brun ténébreux et mystérieux, ça monte toutes tes barrières d’un coup. Devenir alliés, pourquoi pas. Ils sont dans des milieux suffisamment lointains pour ne pas se marcher dessus et chacun doit avoir un carnet d’adresse qui peut intéresser l’autre. Et ça, c’est sans parler du reste. « Des fiançailles. » qu’il annonce sans même sourciller pendant que toi, tes yeux s’écarquillent de surprise. Ok, autant s’afficher à deux tu pouvais bien admettre que c’était pas si con comme idée, mais ça, tu t’y attendais clairement pas. « Rien de moins. » « Attends quoi ? » Pourtant tes oreilles fonctionnent bien, tu as très bien entendu et tu n’es pas sûre de la réaction à adopter. C’est à dire qu’il n’y a pas vraiment de mode d’emploi pour une situation pareille.

Et dans l’histoire, qui gagne quoi ? « La même chose. Visibilité, crédibilité, assurance. » C’est pas tout à fait faux, mais il faudra être convaincants et ne pas faire le moindre faux pas. « T’es dans ton domaine. Je suis dans le mien. On se marche pas dessus. Tu veux la lumière, les dîners officiels, la visibilité: je t’offre ça. Je veux l’illusion de perfection, et toi tu peux m’offrir ça. » « Je vois le tableau, oui. » Et pourtant, t’as encore un peu de mal à totalement le dessiner, il va te falloir un petit moment pour assimiler la bombe qu’il vient de lancer. « C’est une idée de génie, Cassie. » De génie, t’irais quand même pas jusque là mais c’est ton côté méfiant qui veut ça. Pourtant quand tu fais les calculs, tu peux effectivement voir tous les avantages que ça peut apporter, une situation pareille. Et d’un autre côté, tu ne sais pas trop si t’as envie de te retrouver coincée dans un mensonge aussi gros. Pas que tu ne saurais pas gérer, là-dessus tu n’as aucun doute, mais tu ne sais pas dire s’il réalise à quel point c’est épineux, ce genre de mode de vie. « Ça sera difficile de faire croire à nos proches qu’on se fiance du jour au lendemain, mais ça peut le faire. Je sais qu’on peut arriver à sortir une histoire et à la suivre. » A croire que l’appel trimestriel tout droit venu d’écosse sera un peu avancé.
« C’est pas tellement la partie qui m’inquiète le plus, je t’avoue. » Genre vraiment pas. « Ok alors, disons que j’accepte et qu’on annonce ça au reste du monde, » autant rester sur les hypothèses pour le moment, « et en dehors du fait que l’histoire servie devra être béton, » une “idylle” comme la leur, ça ne peut pas sortir de nulle part. Il leur faut un plan solide, des circonstances, des anecdotes, une date, tant d’autres détails qui t’échappent encore vu que tu te retrouves prise complètement au dépourvu et que tu n’as pas eu l’occasion de réfléchir à la question et encore moins d’en préparer des réponses, « tu comptes qu’on tienne la barque pour combien de temps ? » Juste pour te laisser suffisamment d’espace pour réfléchir, tu poses ton verre et observe Ambrose d’un air grave. « Des fiançailles, ok, à la rigueur. Mais après ? Tu comptes pousser jusqu’au mariage et tout ce qui s’en suit ? » Quand bien même tout ça sera faux et archi faux, ça veut accessoirement dire une dating life plus que limitée. Et si par malheur l’un ou l’autre est surpris avec n’importe qui à l’extérieur, ça fera les choux gras de la presse people pour les mois suivants, que c’est le genre de tâche qui reste ancrée et que c’est complètement le type d’étiquette que t’aimerais éviter de te coller sur le front. « C’est à double tranchant ton histoire, t’en as conscience, hein ? » Y a tellement d’autres choses qui pourraient mal tourner, t’espères qu’il a déjà bien poussé la question parce que c’est très gros, comme proposition.

Elle hésite, pose des questions et prend le temps de la réflexion. Et il n’y a rien de plus normal face à une proposition qui, justement, est tout sauf normale. Ils doivent être convaincants auprès de leurs proches, parce que leur confiance est nécessaire à toute la suite du plan. S’ils doutent, s’ils en parlent, s’ils répandent la rumeur alors tout serait rapidement terminé d’eux et du stupide plan d’Ambrose. « C’est pas tellement la partie qui m’inquiète le plus, je t’avoue. » Cassandra coupe pourtant rapidement, là où en retour Ambrose avait à cœur de finement préparer son argumentaire pour qu’elle n’y trouve aucune faille et, par extension, puisse accepter la proposition bien plus aisément sans faire de zèle. « Ok alors, disons que j’accepte et qu’on annonce ça au reste du monde, » Il y a des si qu’il n’entend pas, désormais assuré que la réponse de la jeune femme face à elle sera positive. Tant mieux. « et en dehors du fait que l’histoire servie devra être béton, tu comptes qu’on tienne la barque pour combien de temps ? » Ambrose connaît la réponse à cette question, mais il aurait aimé qu’elle se la pose plus tard dans leur aventure, parce qu’il sait qu’il va encore un peu plus passer pour un fou à le la lui donner de but en blanc. “Aussi longtemps que nécessaire. Et possible.” Si cela pouvait durer pour le reste de leur vie, alors c’est ce qu’il voudrait. L’image qu’il renvoie sera toujours importante, peu importe son ascension en politique, alors il ne compte pas lui mentir en lui donnant une temporalité erronée: il aura besoin d’elle pendant très, très longtemps puisque ses ambitions politiques ne sont pas prêtes de se tarir sous peu de temps. “On trouvera des arrangements pour être heureux malgré tout.” Elle pourra aller voir ailleurs tant que personne n’en sait rien ; il pourra aller voir ailleurs tant que personne n’en sait jamais rien. C’est sûrement le seul arrangement qu’il y ait à trouver dans toute cette histoire et, surtout, le seul qu’ils puissent se permettre puisque le futur parfait petit couple chéri des médias ne peut pas se permettre d’afficher une union fissurée, et encore moins l’idée que leur union ne suffise pas à leur bonheur.

« Des fiançailles, ok, à la rigueur. Mais après ? Tu comptes pousser jusqu’au mariage et tout ce qui s’en suit ? » Elle prend tout au sérieux et cette idée pousse Ambrose à afficher un sourire conquis, bien que ce dernier n’ait pas sa place au coeur de la discussion. Peu importe. A cette question aussi, il a évidemment réfléchi. “Les fiançailles peuvent s’éterniser un peu. Envie de préparer le moindre détail et de réunir tous nos proches ; on peut trouver des raisons à cela. Mais à terme il faudra que ça devienne un mariage, oui.” Et tout ce qui s’en suit ? Il est question des enfants, de toute évidence et il n’est pas naïf: il sait qu’ils font partie de tout le package de la famille parfaite. Simplement, pour une fois, les ambitions du Constantine semblent rencontrer un obstacle de taille. “On discutera plus tard pour les enfants.” Il met les mots mais bifurque de la discussion allant avec, incapable de savoir quoi en penser et plus encore quoi en dire. Il n’a pas à cœur d’imposer un mensonge à des enfants qui ne demandent que des parents aimants, et sa propre histoire lui rappelle que c’est une idée avec laquelle il n’a pas à cœur de jouer. Ils pourront faire sans les enfants. “A moins que tu en veuilles ?” Il se mord l’intérieur de la lèvre, priant pour que sa réponse soit négative, parce qu’il ne voudrait pas voler une partie du bonheur de Cassandra non plus en l’amputant d’une famille qu’elle pourrait vouloir. Sur ce point, chaque angle d’attaque est difficile à aborder.

« C’est à double tranchant ton histoire, t’en as conscience, hein ? »
“Mais ça en vaut la peine, sinon tu serais pas en train d’en discuter avec moi.”

Le menton relevé, pas particulièrement fier ni assuré pour autant, il sait que son plan comporte failles et dangers mais il sait aussi qu’ils peuvent se comprendre lorsqu’il est question d’ambitions et de rêves dévorants. Ils ne se comprennent pas sur le reste, à commencer par se supporter au quotidien, mais il vaut mieux garder ses ennemis proches plutôt que les observer de loin. Et de cette façon, Cassie serait plus proche que jamais. “Tu vis seule ? On va devoir emménager ensemble.” Il annonce enfin. Le sujet aurait pu faire couler beaucoup d’encre chez d’autres couples mais pour eux, cela n’a plus réellement d’importance, au point où ils en sont.

Bien évidemment que t’as tout un tas de questions et sûrement qu’il devait s’y attendre en faisant une telle proposition. Celle qui te taraude le plus dans l’immédiat, c’est combien de temps cette petite mascarade devra-t-elle durer. Aussi sûrement que pour un vrai mariage, il va falloir tenir sur la durée pour rester crédible aux yeux de tous. « Aussi longtemps que nécessaire. Et possible. » Ca implique énormément de choses, ce genre de situation et tous les deux en ont conscience. « On trouvera des arrangements pour être heureux malgré tout. » Encore heureux, manquerait plus que ça. Se retrouver coincée dans un faux mariage et n’avoir le droit de rien faire à côté, c’est la pire des idées s’ils veulent que ça ait une chance de fonctionner. « Tu vois quelqu’un en ce moment ? » La véritable question voilée ici, c’est de savoir si partenaire il y a, quel sera leur point de vue.

Et après quoi ? Une première étape qui sera vite avortée ou alors il compte pousser le vice jusqu’au bout. « Les fiançailles peuvent s’éterniser un peu. Envie de préparer le moindre détail et de réunir tous nos proches ; on peut trouver des raisons à cela. Mais à terme il faudra que ça devienne un mariage, oui. » « C’est facile ça, toute ma famille est en Ecosse, ça fait un peu loin pour les visites de courtoisie et les réunions du dimanche. » Qu’est-ce qu’ils vont penser de tout ça, d’ailleurs ? Leur fille chérie qui suit les traces de sa demi-soeur tout ça pour se retrouver fiancée loin d’eux sans leur avoir jamais parlé du concerné. « On discutera plus tard pour les enfants. A moins que tu en veuilles ? » Doucement, tu secoues la tête. « Je t’avoue que je n’ai pas tellement réfléchi à la question et on ne peut pas dire que c’était dans mes priorités pour le moment. » Clairement, ce n’est pas le genre de sujet que tu t’attendais à devoir considérer aussi tôt dans ta vie. Si ta mère a eu des enfants jeunes, ce n’est pas pour autant que tu as envie de suivre le même schéma. Pour l’heure, ta carrière est bien plus importante que l’envie de maternité, et tu espères qu’il en est de même pour Ambrose. Enfin ça, c’est si vous vous engagez dans cette voie là parce que tu n’as pas encore dit oui.

« Mais ça en vaut la peine, sinon tu serais pas en train d’en discuter avec moi. » Vrai. Si tu n’as jamais eu une quelconque pression de la part de tes proches à l’idée d’une union, tu sais que ça finira par arriver tôt ou tard et au moins là, ça y coupera. Il faudra quelqu’un de suffisamment ambitieux pour convaincre ton père et le moins que l’on puisse dire c’est qu’Ambrose répond complètement à cette idée là. « Tu vis seule ? On va devoir emménager ensemble. » Ah oui donc il est vraiment vraiment décidé. « J’ai un loft suffisamment grand pour deux. » Il y a même largement assez d’espace pour qu’ils ne se marchent pas dessus au besoin, tout en se gardant un bureau pour bosser en plus de la possibilité de faire chambre à part. Tu réponds par automatisme plus qu’autre chose, ton esprit étant encore en train de procéder tous les et si qui s’entremêlent depuis tout à l’heure. L’idée qu’il s’immisce comme ça chez toi te déplaît un peu, mais il le faudra bien si jamais tu donnes ton accord. Et puis si ça se trouve il va dire qu’il préfère garder son appart à lui pour que vous vous installiez là-bas. « Écoute, ça fait vraiment beaucoup d’un coup et je t’avoue que je ne suis sûre de rien, là. Je peux y réfléchir un peu avant ? » Enfin un peu de bon sens. « Donne-moi deux jours. » C’est relativement court comme délai de réflexion, surtout étant donné tout ce qui est impliqué ici. « T’auras ta réponse à ce moment-là. » Ca promet une paire de nuits blanches tout ça.

« Tu vois quelqu’un en ce moment ? » La question lui glace le sang un instant, simplement parce qu’il n’avait pas anticipé que Cassandra aurait l’audace de la lui poser. Il voit quelqu’un, oui. Plusieurs quelqu’un, à vrai dire, mais est-ce qu’elle a vraiment besoin de le savoir ? Il ne veut pas prendre le moindre risque, surtout au début de leur relation: ils ne doivent voir personne, ils ne doivent pas prendre le risque d’être vus au bras d’autres, ils ne doivent pas voir leur couverture voler en éclats aussi rapidement. Plus tard, il sera toujours temps de dire qu’ils sont dans une relation ouverte, bien qu’Ambrose anticipe déjà que cela ne plaira pas à l’électorat australien. Pour vivre heureux vivons caché devra s’adapter à eux. “Non.” Il ment, le menton relevé et ses yeux posés dans ceux de Cassandra. Officiellement, non. Officieusement, cela ne regarde que lui, pas même celle à qui tout le monde pense qu’il donnera son nom. « Je t’avoue que je n’ai pas tellement réfléchi à la question et on ne peut pas dire que c’était dans mes priorités pour le moment. » Continue-t-elle au sujet d’une vie de famille. Aux yeux d’Ambrose, elle ferait mieux de ne jamais y penser, parce que leur arrangement inclut implicitement l’idée qu’ils n’auront jamais d’enfants et s’il pourrait en avoir de son côté en secret, ce serait de toute évidence bien plus compliqué pour Cassie. “Essaie que cela reste loin de tes priorités.” Il continue à son tour d’un ton posé, ne pouvant que la conseiller sur ce point sans le lui ordonner pour autant.

« J’ai un loft suffisamment grand pour deux. » Sur ce point là, l’affaire est déjà conclue. Ils ne peuvent de toute évidence pas emménager chez Norman et Ambrose n’a pas un sou de côté, ce qui rend inenvisageable l’idée qu’ils prennent un autre appartement à deux. Chez elle, tout sera plus simple. Il ne prendra pas de place, de toute façon trop occupé à toujours travailler. “Je prendrais le canapé.” Si l’affaire est conclue, il s’en contentera. Ils rangeront les preuves au moment d’inviter des amis, voilà tout. « Écoute, ça fait vraiment beaucoup d’un coup et je t’avoue que je ne suis sûre de rien, là. Je peux y réfléchir un peu avant ? Donne-moi deux jours. » Deux jours, il trouve le délai terriblement long et pourtant il sait qu’il ne peut pas entamer une négociation sur tous les aspects de sa proposition. Ils s’apprêtent à changer sa vie du tout au tout, elle peut avoir le droit à deux jours pour y penser, même s’il sait que de son côté il les occupera à devenir fou. « T’auras ta réponse à ce moment-là. » - “Deux jours.” Il répète donc, incapable de lui donner un seul instant de plus. Il a besoin de sa réponse, maintenant plus que jamais.