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@Chad Taylor ☆ crédit/ssoveia

Evie n’avait pas menti lorsqu’elle avait dit à Chad par texto que sa décision de déménager était prise sur un coup de tête. L’ambiance n’était pas au beau fixe avec Lara. Sa cousine avait des griefs contre elle visiblement, et ce probablement parce qu’elle avait taché de rester neutre à propos du conflit qui se dressait entre elle et ses parents sur le point de divorcer, prête à envisager la situation d’un point de vue plus adulte que celui de la danseuse qui ne pouvait pas rester impartiales face à tout ça, et ça se comprenait. Pour autant, ce n’était pas vivable comme situation. L’impression de vivre avec une ado en pleine crise se faisant de plus en plus ressentir, la patience d’Evelyn étant infinie, mais commençant peu à peu à s’étioler, elle s’était dit pourquoi pas ? Qu’est-ce que ça changerait dans le fond, n’était-il pas temps de couper le cordon ? Elle avait déjà l’impression de vivre et d’être seule, livrée à son sort sans que personne ne semble juger ça opportun de s’inquiéter pour elle, alors qu’elle avait vécu des événements compliqués, qu’elle s’en relevait seulement parce qu’elle estimait ne pas être la moins bien lotie sur le sujet. À jouer la femme forte à tous les niveaux, on finissait par perdre la compassion de ceux qui gravitaient autour, aussi elle ne jetait la pierre à personne, cependant elle couvait de plus en plus l’idée d’une vraie solitude pour remettre de l’ordre dans sa tête, et avancer dans la bonne direction. Ce serait un nouveau départ dans les grandes largeurs, qui plus est parce qu’après le mois de juin, elle mettrait définitivement fin à son activité professionnelle. Anticiper sa nouvelle vie, l’organiser pour qu’elle s’y sente en sécurité, c’était à sa portée, et ça lui permettrait de ne plus penser à tout ça, à ses agressions successives, à son angoisse latente à propos du procès annulé de son agresseur qu’elle avait envie de visiter dans l’établissement dans lequel il était interné depuis novembre dernier, mais aussi à Rhett qu’elle voyait de temps à autre pour qu’il lui confie ses achats d’oxycodone.

On se rejoint à Bayside ? Je t’envoie la localisation du restaurant. Avait-elle envoyé à Chad le matin-même. Elle s’en remettait à son ancien colocataire puisqu'il restait encore celui qui paraissait se faire un peu de soucis pour elle. Ça lui était venue comme ça, de le contacter en lui proposant de l’accompagner dans ses repérages, ceux qu’elle avait fait sur internet s’étant avérés infructueux. Elle n’avait encore aucune visite de prévue, mais elle avait promis au jeune homme de le mettre au parfum à propos de cette décision impulsive, et peut-être que ça lui ferait du bien de parler à quelqu’un sans que ça ne tourne en drame, chose qui n’était pas aisée depuis quelques mois maintenant. Un peu de légèreté, c’était toujours plus engageant que la morosité d'un appartement qu’elle quitta sans demander son reste sans Avery sur ses talons, ne tenant pas à se faire chaperonner pour déjeuner avec quelqu’un qui lui apportait confort et tranquillité. Au cas-où, il serait le plus à même de la défendre, encore que l'attention autour d’elle s’était doucement éteinte depuis qu'elle était rentrée de Londres, et ce n’était pas un regret de sa part, bien au contraire.

"Hey, husband." fit-elle en arrivant au restaurant de la marina, ses lunettes de soleil remontant le rideau épais de ses longs cheveux bruns, et son sourire en demi teinte illuminant son visage hâlé. Elle se pencha sur le jeune homme près de qui elle était arrivée par l’arrière, attendant qu’il lève la tête pour lui donner un baiser sur le front, et s’installa en face de lui en lui disant en même temps "J’espère que je ne t’ai pas fait annuler des projets pour la journée, je m’en voudrais." A peine en vérité. Elle avait besoin de voir Chad, et sans doute que ça partait d’une intention purement égoïste de sa part de l’arracher à sa routine, mais elle savait aussi que si l’emploi du temps du jeune homme avait été trop chargé pour qu’il lui trouve une petite place le temps de quelques heures, il l’aurait éconduite avec diplomatie. Ce n’était pas le cas, elle pouvait se rassurer sur ça, et c’est qu’elle décida de faire, retirant ses lunettes de ses cheveux pour les poser sur la table, son regard se perdant un instant vers le panorama pittoresque que représentait ce coin de la baie, l’impression d’avoir mis les pieds dans un village de pêcheur la faisant sourire un instant, puis reprendre pieds dans la réalité pour dire à son ancien colocataire vers qui elle retourna la tête "Merci d'avoir accepté ma proposition. Est-ce qu’on doit se mettre d’accord sur une version à propos de la manière dont on s’est rencontrés, ou on laisse faire l’improvisation ?" s’amusa-t-elle pour briser définitivement la glace.

Après quatre mois de guerre froide, Chad avait consenti à remettre les pieds dans la maison de ses parents à Kilcoy. Ce n'était pas la première fois qu'il retournait dans sa ville natale depuis les déconvenues de Noël, mais jamais il n'avait pris le risque de croiser sa mère, qui s'appliquait à ignorer l'annonce de son homosexualité. Amos l'avait prévenu, et lui-même ne l'avait pas espérée moins dramatique. Maggie s'était étonnée de le voir débarquer seul, comme si son comportement des derniers mois avait pu insinuer qu'elle était capable d'accueillir Casey sans prétendre que la relation qu'il entretenait avec son fils demeurait platonique. Il lui avait bien fallu une année complète et un mariage célébré sans sa bénédiction pour se résigner à la présence de Rae dans la famille, alors Chad n'en avait pas attendu moins de sa part. Contre toute attente – et peut-être que l'absence de Casey jouait beaucoup – elle s'était montrée curieuse et lui avait fait promettre de revenir accompagné une autre fois qu'elle espérait prochaine. Avait-elle succombé à la sagesse de son mari, ou entretenu avec Zach une conversation dont il n'aurait jamais vent, pour changer son fusil d'épaule si soudainement ? La cause importait peu pour Chad, qui se réjouissait simplement de pouvoir retrouver un semblant de relation avec sa mère.

Le message d'Evelyn ressemblait à une ultime providence. Elle était l'une des premières à qui il avait avoué la vérité, et la revoir après plusieurs semaines lui donnait l'impression de boucler la boucle. Si Chad n'avait pas encore eu tous les détails de leur relation, il était partagé entre le soulagement de constater que Rhett s'était pris en main, et la déception d'imaginer qu'Evie avait pu être un dommage collatéral, alors qu'il lui avait soutenu quelques mois plus tôt ne vouloir que son bien. La jeune femme avait elle aussi eu son compte de mésaventures, achevant de faire croire à Chad qu'il y avait une forme de malédiction qui planait au-dessus de lui et de son entourage. Personne n'avait été épargné. Chad s'était efforcé de rester optimiste pour les autres, même s'il lui était arrivé de se retrouver extrêmement seul et vulnérable parfois. Réconforter les gens était un rôle qu'il prenait très au sérieux. La proposition d'Evelyn l'avait enchanté. Il se souvenait avec nostalgie de toutes ces fois où ils s'étaient fait passer pour un couple, lors des mariages qu'elle organisait ou même de leurs préparatifs. Chad connaissait ses goûts par cœur, et se surprenait à savoir ce qu'il voulait pour son hypothétique mariage. Le divorce l'avait cependant suffisamment traumatisé pour ne pas réitérer l'expérience, comme c'était d'ailleurs le cas d'Evelyn, dont les conseils étaient aussi avisés qu'ils étaient inapplicables à sa propre vie.

Elle lui avait donné rendez-vous dans un restaurant côtier de Bayside. Evelyn avait le chic pour dégoter des perles de ce genre. A son image : élégantes et raffinées. Chad s'était badigeonné le visage, la nuque et les avant-bras de crème solaire avant de s'installer à la table vers laquelle on l'avait conduit. Il observait la baie derrière ses lunettes de soleil en acétate lorsque la voix de la jeune femme lui intima de lever la tête. En fermant les yeux, il aurait pu se croire 15 ans en arrière, lorsque les apparences de son mariage avec Kelly étaient encore intactes. « Hey, wifey. » avait-il plaisanté à son tour, déchaussant ses lunettes pour les poser sur un coin de la table. « Si tu savais le nombre de projets que j'ai dû annuler. Et je ne regrette rien. » avait-il répondu, seulement à moitié ironique. En général, ses projets impliquaient des événements sportifs lors desquels il cherchait des sponsors, ou d'autres événements sportifs desquels il participait pour le plaisir, ou pour des motifs caritatifs. Rien qu'il ne puisse repousser à une prochaine fois, ou déléguer à Brad, qui était toujours ravi de pouvoir user de ses charmes et de son bagou pour trouver des partenaires. « On s'est évidemment rencontrés dans un cours de pâtisserie où on a confectionné les plus beaux macarons de tous les groupes, raison pour laquelle je t'appelle mon petit macaron. » avait-il inventé à la volée, comme ils s'amusaient souvent à le faire autrefois. La spontanéité avec laquelle cette histoire lui était venue à l'esprit lui arracha un sourire satisfait. « Tu as un petit surnom pour moi ? »

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Elle ne pouvait pas compter sur grand-monde, Evie. C’était triste, mais c’était une réalité qui faisait partie de sa vie et dont elle s’était accommodée avec le temps. Chad faisait  néanmoins partie de la courte liste de ceux dont elle savait détenir l’affection, aussi sincère que fidèle, et la réciproque était vraie. Ils n’avaient pas passé beaucoup de temps sous le même toit finalement, pourtant une amitié sincère s’était tissée au travers de la volonté de la jeune femme de ne pas s’attacher sur l’instant. À l’époque, elle n’était pas certaine de rester sur la durée, mais au plus le temps passait, au plus Chad s’était joint aux raisons qui la poussaient à envisager de ne plus quitter l’Australie. Encore aujourd’hui, alors qu’elle avait hésité un temps à rentrer à Londres, fatiguée de l’attention qu’on lui accordait, pas certaine que son histoire avec Rhett soit une bonne chose sur la durée compte tenu de ses moments d’impulsivité, entre autre, elle avait fait peser l’amitié qu’elle lui réservait dans la balance en décidant que ce ne serait pas une bonne idée, qu’elle ne pouvait pas le laisser quand il semblait enfin que sa vie était en train de prendre un essor qu’il avait longtemps couvé sans parvenir à faire tomber les barrières qui retenaient son envie d’être qui il était vraiment. Il avait réussi aujourd’hui, il était à l’aise avec la personne qu'il était, et c’était bouleversant d’y assister. C’était de la fierté qu’elle ressentait à son égard, plus encore que de l’amitié sur laquelle elle pouvait se reposer le temps de quelques heures seulement. Le voir épanoui, c’était une belle récompense à chérir, et bien qu’elle-même était dans une période compliquée, ça la réconfortait que ceux auxquels elle tenait le plus s’en remette à une évolution aussi saine que celle de Chad qu’elle regarda avec les yeux brillants de tendresse lorsqu’elle arriva enfin à leur point de rendez-vous.

S’installant en face de lui, elle détailla ses traits avec la volonté d’une soeur inquiète pour le sort de son frère, encore que ce rôle ne serait pas celui qu’elle tiendrait le mieux. Leur jeu de l’époque, celui qui les faisait passer pour mari et femme, reprit de plus belle après une seconde à peine de contact, et si les paroles du jeune homme fit s’enfoncer Evelyn dans une réflexion un peu surjouée, ça l’amusait d’envisager le dialogue de cette façon plutôt que d’être obligée d’entrer d’emblée dans les sujets qui fâchaient : à savoir les raisons de son déménagement, ou encore la curiosité que ça devait être pour quelqu’un qui savait qu’elle n’était pas célibataire qu’elle préférait trouver une maison en compagnie d’un ami, plutôt que de son amoureux "Mon robot ne fonctionnait pas alors je t’ai emprunté le tien et on s’est rendu compte qu’on formait une bonne équipe ?" A côtoyer des clichés d’amour toute la journée, on finissait par voir la vie sous le prisme des comédies romantiques. Non, c’était faux. Evie ne tombait pas dans les travers induits par sa profession, autrement sa vie sentimentale ne serait pas aussi chaotique. Concentrée, mais pas tellement en vérité, ses coudes trouvant le bord de la table pour se rapprocher de l’espace qui la séparait de Chad, elle continua sur sa lancée, son menton posé dans la paume de sa main "J’ai fini avec ta toque sur la tête, et toi avec la mienne sur la tienne, c’est pour ça que je t’appelle mon chef d’amour." Ça venait facilement tant ce n’était pas sérieux "Nos enfants, on les appellera Myrtille et Cerise parce que c’est notre association de fruits préférés pour les tartes du dimanche chez belle-maman." Encore un peu, et elle aurait pu battre des cils pour faire-valoir son statut de meilleure bru du pays. Si seulement.

Elle lâcha enfin un rire, sortant de sa transe faussement romanesque pour se laisser basculer en arrière, son dos butant contre le cadre de sa chaise en fer forgé qui n’était certes pas très confortable, qui collait pourtant à l’ambiance désuète de l’endroit qu’elle observa de nouveau d’un regard circulaire, qu’elle finit par poser sur Chad pour lui demander enfin "Quel genre de projets tu as dû annuler ? N’hésite pas à me faire culpabiliser." Elle maîtrisait déjà assez bien la discipline pour s’y soumettre sans broncher. Encore que pour l’éviter, elle ajouta, la tête penchée "Comment tu vas ?" Aussi basique qu’était la question, elle était posée d’une manière aussi sincère que le contact de ses yeux avec ceux du jeune homme se consolida pour anticiper sa réponse.

Ce n'était pas de faire-valoir que lui avait servi Evelyn, un temps après son divorce, alors qu'il n'en assumait pas encore tout à fait les raisons. Sa séparation avec Kelly était un commun accord dont chacun se tenait plus ou moins responsable. Ils se rejoignaient néanmoins sur le fait qu'ils ne s'aimaient pas tout à fait comme ils le devraient, mais Chad n'avait jamais eu en tête de faire d'Evie une remplaçante sous ce toit qu'ils avaient longtemps partagé. La plupart des fois où ils s'étaient amusés des rumeurs les concernant étaient plutôt motivées par la volonté d'Evelyn de ne pas trop attirer l'oeil, ou du moins d'éviter les questions intrusives qu'on posait sans vergogne aux femmes célibataires de son âge. Aujourd'hui, elle avait l'air bien plus affirmée, quoique toujours un peu abîmée par l'intérêt que suscitait son nom et ses accointances avec Rhett. Chad ne l'avait pas remarqué tout de suite, mais son garde du corps la talonnait toujours comme une ombre discrète, diffuse entre toutes celles du monde qui l'entourait constamment. En tant qu'ami, il avait du mal à comprendre les raisons d'autant d'acharnement médiatique. Evelyn était accomplie, mais si elle avait eu le bonheur d'être un homme, ses succès n'auraient été accordés qu'à son propre mérite plutôt qu'à l'héritage de son père, ou au rayonnement désormais dramatique de Rhett, qui n'avait foncièrement pas tant à lui envier. Depuis qu'il était plus engagé dans les causes qui le tourmentaient autrefois, Chad remarquait et s'agaçait de ces injustices. Bien avant qu'Avery ne fasse partie du tableau de sa vie, le sportif avait envisagé de se dresser lui-même entre Evelyn et ses détracteurs.

La spontanéité de leurs échanges démontrait un attachement profond. S'il était courtois et procédurier, Chad appréciait aussi la légèreté et la franchise brute, affranchie des civilités. « Je vois qu'on perd pas les bons réflexes. » avait-il répondu, amusé, lorsque Evelyn prit le relais de leur histoire inventée de toute pièce. Chad n'avait pas le moindre doute qu'il n'y avait aucun regret inconscient dans ce récit romantisé de leur rencontre. « C'est audacieux Myrtille et Cerise. Faudra bien veiller à n'avoir que des filles. Sinon on a Oliver pour les tartes salées. » Certainement que belle-maman, s'il était question de Maggie Taylor, serait ravie de voir que son fils était revenu à la raison. Elle avait beau se résigner aux choses, elle n'en demeurait pas moins attachée à la norme. L'écho de leurs rires s'entremêla avant de s'évanouir dans le brouhaha ambiant. Ils avaient beaucoup trop de détails de vie à rattraper pour s'appesantir sur leurs bêtises. « T'as même pas à culpabiliser, je ne fais que travailler et j'en suis conscient. La salle fonctionne vraiment bien et on manque jamais de faire parler de nous à tous les événements sportifs. » Personne n'en voulait à Chad de se donner corps et âme dans ce projet longtemps repoussé. Le succès d'une entreprise se jouait souvent dans ses premières années, si bien qu'il profitait de cet élan avant de pouvoir se reposer un peu sur les autres. « Notre travail s'arrête jamais, j'ai presque l'impression d'être devenu un influenceur : constamment attentif aux opportunités. » Dire qu'un an plus tôt il ne connaissait rien à Instagram, alors qu'il s'appliquait à devenir un véritable coach de vie pour ses abonnés. Sur internet comme dans la vie, Chad aspirait à ne transmettre que le positif. Sa souffrance et ses échecs, il les considérait comme un moyen d'ouvrir la voie à d'autres. Il espérait être le modèle qu'il n'avait jamais eu. « Mais ça va plutôt bien, j'aurais pas pu espérer mieux. » conclut-il pour ne pas donner l'impression de se plaindre de ce tourbillon d'opportunités. L'inertie aurait été bien plus difficile à gérer. « Et toi alors, est-ce que les choses s'arrangent ? » demanda-t-il finalement, en référence aux quelques traumatismes qu'elle avait subis récemment. Il lui laissa le choix de s'épancher sur celui qu'elle voulait, que ce soit les agressions dont il l'avait soupçonnée d'être victime depuis bien longtemps, ou la sortie de route de Rhett, avec qui il s'était initialement réjoui de la savoir en couple. Evelyn avait des tas de raisons de vouloir tourner la page dans sa vie, et Chad devinait que ce soudain déménagement n'était finalement qu'un symptôme.

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Un léger rire s’échappa d’Evie lorsque Chad nota que leurs réflexes étaient impeccables même après quelques années de pause dans leur jeu préféré "C’est comme le vélo." En matière de mariage, Chad était plus expérimenté qu’elle ne l’était, c’était peut-être pour ça que ça paraissait plus aisé de s’en amuser avec lui. D’un point de vue théorique, Evelyn était une spécialiste, mais du point de vue pratique, son ancien colocataire était clairement le plus renseigné, et qu’importe l’échec du sien, il savait de quoi il parlait. Ça n’avait pas été une mauvaise chose pour lui de quitter Kelly pour qui il avait toujours alimenté une affection profonde et un respect qui aurait dû faire honte à ceux qui tiraient dans les pattes de leur ex. Sur le papier, ce couple avait toujours été parfait, Evie s’était aperçu qu’il ne l’était pas qu’une seule fois que Chad lui avait parlé de son homosexualité, là elle avait compris que la cage dans laquelle il s’était enfermé avait dû jouer sur sa perception de la vie, et elle l’avait encouragé à en sortir doucement, mais sûrement. C’était ce qu’il faisait aujourd’hui, et elle l’en félicitait certainement pas assez au demeurant. Mais chaque fois qu’ils se voyaient, elle ne pouvait pas passer à côté du sourire qu’il arborait et de la sérénité qu’il dégageait. Pour lui, les planètes s’étaient enfin alignées.

"J’aime Oliver. Tous les grands hommes ont un nom composé de deux prénoms, et Oliver Taylor ça sonne vraiment très bien." Tous les grands hommes ou une majorité de tueurs en série, mais inutile de pencher du côté glauque de l’histoire. Au contraire, elle reprit place dans la réalité composée de leur quotidien séparé, et pas de cette version alternative de leur univers dans laquelle ils étaient mariés et heureux parents d’un trio d’enfants affublés de prénoms peu communs. En effet, ça ne pouvait pas être plus éloigné de la réalité d’Evelyn, et pas seulement parce qu’elle avait mis sa relation actuelle sur pause et que son partenaire de plusieurs mois lui avait bien fait comprendre à sa manière qu’il était inutile de songer à avoir des enfants, encore heureux qu’elle n’avait jamais projeté de le faire par ailleurs. Opinant du chef en entendant Chad la rassurer quant à sa potentielle culpabilité à l’avoir extirpé de sa petite vie bien organisée, elle marqua l’attention qu’elle lui accordait en penchant la tête sur le côté "Et qu’est-ce qu’il en dit Casey de tes travers de bourreau de travail ?" Elle n’avait jamais rencontré le jeune homme. Mais chaque fois qu’elle posait ses yeux sur Chad et qu’elle le voyait heureux, elle ne pouvait s’empêcher de l’incomber à celui qui partageait sa vie depuis quelques temps maintenant. C’était sans doute pas très fiable comme échelle de mesure, mais c’était ça restait tout de même une bonne jauge pour lui accorder au moins la moitié de sa confiance. Elle ne se faisait pas de soucis quant une potentielle future rencontre, il fallait laisser le temps au temps "C’est une bonne chose, non ? Tant que tu te mets pas à faire du dropshipping et à arnaquer tes followers, je suis certaine que tu peux faire changer les codes en te montrant le plus honnête de tous ceux qui se revendiquent comme tels." Les réseaux sociaux n’étaient pas la tasse de thé d’Evelyn, seulement elle n’ignorait pas que c’était un bon outil quand on savait s’en servir. Ce n’était pas son cas. Elle avait abandonné la lutte plus tôt dans l’année, fatiguée de l’attention autour d’elle, et avait fermé son profil sans regret "Je suis contente pour toi, t’as l’air très heureux." lui fit-elle remarquer, un peu comme si elle sentait que la question lui serait retournée bientôt, et espérant  naïvement que Chad se lancerait dans un nouveau pan de son histoire pour la faire saliver avec tout ce qui se passait de bien dans sa vie.
Mais bien sûr, il n’était pas assez égocentré pour ça, et il lui retourna la faveur seulement une minute après, faisant prendre une profonde inspiration à Evelyn qui se redressa sur sa chaise pour mieux lui avouer, le vague à l’âme malgré son sourire "Je dirais que c’en est au même point." Elle pensait que le pire était déjà arrivé, c’était sans compter l’histoire de Nell qui gobe un cachet d’oxycodone de Rhett alors qu’elle était supposée être sous sa surveillance. Détournant très brièvement les yeux, sa tête se tournant pour focaliser son attention sur autre chose que Chad, elle lui dit "On fait une pause avec Rhett." Quoi que pause voulait vraiment dire. C’était un terme assez flou pour susciter plusieurs réactions à la fois, mais Chad était assez délicat pour ne pas en faire tout un drame, Evie le savait tandis qu’elle continuait "Et j’ai décidé de fermer l’agence après le dernier mariage que j’organise en juin. Je vais bien. Je dirais que c’est pour mieux avancer que je tourne cette page maintenant que je m’en sens capable." Hochant la tête pour essayer de donner de la conviction à ses propos, elle ajouta en s’inclinant de nouveau sur la table "Je veux profiter de ça pour faire table-rase. C’est pour ça que je veux déménager, histoire d’engager des changements tout à la fois. Ça va me faire du bien." De voir autre chose, de vivre autre chose que des drames.

« C'est drôle que t'en parles, j'ai justement repris le vélo il y a peu. » avait rétorqué Chad, entre sérieux et insouciance. Cette coïncidence ne ferait rire que lui, mais elle avait un certain charme à ses yeux, comme si revoir Evelyn faisait finalement écho à ce vestige retrouvé dans son garage duquel il n'avait pas réussi à se séparer. Leur amitié ressemblait à ces objets sentimentaux qu'on gardait trop précieusement pour en abuser. On passait devant tous les jours sans les remarquer, jusqu'au jour où la nostalgie les rendait soudainement magnétiques. Chad mesurait ses amitiés à leur longévité plutôt qu'à la fréquence des conversations, souvent futiles et superficielles, qu'il entretenait avec les personnes qui rythmaient son quotidien. Comme il le répétait souvent, il valorisait la qualité de ses échanges avec Evelyn bien plus que la quantité. Ce petit jeu entre eux n'était qu'une amorce avant les révélations sérieuses qu'elle avait tacitement promises dans ses messages. Chad lui laissait simplement le soin de choisir le bon moment pour les aborder, sans la brusquer comme son entourage le faisait depuis des mois. « C'est vrai que Oliver Taylor ça sonne beaucoup trop bien. » avait-il admis, pensif. Bien-sûr, la question des enfants s'était immiscée dans son mariage, et avait d'ailleurs elle aussi une part de responsabilité dans son échec. Kelly avait toujours été la plus ferme des deux sur ce sujet. Elle voulait des enfants, et son incapacité à en avoir de façon naturelle l'avait rongée. En ce qui le concernait, Chad n'avait jamais considéré devoir faire des enfants à tout prix. Il avait même fini par se demander si l'idée lui paraissait séduisante par essence, ou simplement parce que c'était la vie qu'on lui avait tracée. De toute manière, il semblait que le destin avait fait ce choix à sa place.

Comme souvent, le nom de Casey s'invitait dans la conversation, et chaque fois Chad se surprenait à avoir les mêmes palpitations que celles qui avaient précédé leur premier baiser. Le tout premier, timide et interdit, échangé alors qu'ils avaient une vingtaine d'années. « Il est pas en reste, alors ça s'équilibre un peu. C'est pas toujours facile de se synchroniser, et je commence à me dire que ce serait quand même plus simple de vivre ensemble pour pouvoir se retrouver. » Il hocha les épaules, penaud. « C'est un sujet un peu sensible... j'ai pas envie d'abandonner la maison, et lui a construit son foyer d'accueil. Il y a clairement des compromis à faire. » Et le sujet était souvent savamment évité, parce que l'un comme l'autre détestait la confrontation. Ce n'était pas tant pour Kelly que Chad souhaitait garder la maison, mais parce que lui aussi avait beaucoup investi dedans, et qu'elle commençait enfin à ne plus ressembler à l'image polie et conventionnelle de leur couple. Il y avait aménagé sa salle de sport, et avait gardé les habitudes desquelles il était attaché. « Oui j'y ai pris goût. J'essaye de prôner le body positivisme. » Encore un terme qu'il n'avait jamais entendu un an plus tôt, comme tous ceux qui qualifiaient des valeurs auxquelles il n'avait jamais prêté attention lors de son ancienne vie hétéronormée. Elle lui paraissait désormais si lointaine.

La sincérité d'Evie était palpable, et ne dégageait pas la moindre pointe de jalousie. Chad était bien placé pour savoir qu'on pouvait envier les gens qu'on aimait le plus. Mais encore fallait-il admettre qu'il y avait une part de lui qui était capable et non obligée d'aimer son frère Zach. « J'aimerais en dire autant de toi. » avait-il répondu en esquissant un rictus compatissant, lorsqu'elle souligna son bonheur manifeste. Chad lui laissa le temps de puiser les forces nécessaires, et de trouver les bons mots pour lui exposer sa situation. Son entrée en la matière fut timide. De son point de vue, l'inertie n'était pas toujours une mauvaise chose. Mais Evelyn sous-entendait peut-être par là que ses malheurs commençaient à s'installer un peu trop confortablement dans sa vie. Elle enchaina sur Rhett, qui était finalement le nœud du problème. « J'ai appris pour Rhett. Est-ce que c'est une décision concertée ? » Faire une pause, c'était un euphémisme pour dire qu'une relation battait de l'aile. Ce n'était que du sursis qu'on se donnait souvent par déni. « Je lui en veux un peu à vrai dire. Je sais que c'est pas mon rôle, mais on a eu cette discussion il y a quelques semaines et il m'avait assuré qu'il ne te ferait jamais de mal. C'est raté j'ai l'impression. » Chad avait presque autant d'admiration pour Rhett que pour Amos, mais contrairement à ce dernier, il n'avait pas eu l'obstination nécessaire pour vaincre ses démons. Cette cure, c'était moins une preuve de bonne volonté qu'un aveu d'échec. « T'es courageuse de te lancer dans tous ces changements d'un coup. C'est une bonne idée de t'occuper l'esprit. » Fermer l'agence, déménager, changer de vie. Lui était bien trop attaché à son confort pour se lancer dans de telles entreprises. « Qui va bien pouvoir m'inviter à des mariages où je peux consommer à l'oeil maintenant ? Puis ça me faisait une bonne excuse pour troquer mes tenues de sport. » avait-il ajouté pour détendre un peu l'ambiance qui s'était alourdie. « Tu as une idée de ce que tu vas faire après ? » avait-il demandé, sans savoir si c'était un sujet tabou ou même un secret qu'elle refuserait de révéler par superstition. Chad comprendrait qu'elle préfère garder ses projets pour elle, par peur de se décevoir elle-même et les autres si elle échouait à les concrétiser. C'était ce qu'il avait fait des années durant.

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"Je vais le garder en tête juste au cas-où." Le nom de leur rejeton imaginaire qui aurait la chance de partir avec quelques atouts dans la vie et qui ne souffrirait pas des carences affectives de sa maman. Elle avait le droit de l’espérer, c’était un enfant imaginaire.
Ce qui n’était pas imaginaire en revanche, c’était le sourire de Chad lorsque Casey était mentionné. Elle retrouvait ce sourire chez les futurs mariés desquels elle s’occupait, c’était une valeur universelle lorsqu’on était un tant soi peu épris par le quelqu’un avec qui on voulait terminer sa vie. Elle savait être cynique à propos de tout ça, elle avait vu trop de mariages se dissoudre parfois dans le sang et les larmes pour ne pas savoir que c’était beaucoup trop éphémère quelques fois, et qu’une fois la lune de miel passée, la vraie vie venait rattraper les amoureux qui prenaient toute la mesure de ce que ça signifiait vraiment de s’engager avec une personne qui pouvait tout aussi bien avoir décidé de vous montrer la meilleure partie de lui-même le temps d’accéder au sceau de l’éternité, laissant la découverte de l’autre aux mains du temps jusqu’à éclater de la façon la moins agréable qui était. Elle savait aussi qu’elle était imperméable à tout ça, qu’elle s’était blindée parce qu’elle n’acceptait pas qu’on fasse peser sur ses épaule un poids sociétal sur ses épaules, se revendiquant indépendante et fière de l’être quand son parcours était jalonné de rencontres amoureuses déterminantes. Pour ce qui était de Chad et Casey, elle se plaçait du côté de la subjectivité parce que son ami était profondément heureux, alors pourquoi ne pas y croire un peu pour une fois ? Plissant un oeil en l’entendant parler de la facilité potentielle à réguler leur emploi du temps s’ils vivaient sous le même toit, elle lui demanda "Est-ce que j’ai l’exclusivité de la demande que tu vas lui faire bientôt, ou c’est juste une réflexion que tu te fais tout haut ?" lui demanda-t-elle, parlant évidemment d’un emménagement imminent, et pas d’un autre événement qu’elle se ferait pourtant une joie d’organiser s’il lui demandait "Je comprends. Rien ne presse de toute façon, vous avez encore le temps de vous accorder à ce sujet." Et Kelly, qu’est-ce qu’elle en pensait de tout ça ? Evelyn ne posa pas directement la question à Chad, la trouvant indélicate et trop personnelle aussi. Mais ça l’intriguait de savoir comment elle avait pris toute cette histoire.

"Je vais bien, je t’assure." répéta-t-elle en entendant Chad se désoler de ne pas vraiment pouvoir se réjouir de son bonheur en contrepartie, un petit rire venant donner une caution d’authenticité à son auto-diagnostique "Ça a surtout été une décision prise dans l’urgence, il s’est passé quelque chose." Dont elle ne souhaitait pas tant parler que ça. Néanmoins, elle avait une confiance aveugle en Chad qui avait l’avantage de connaître Rhett depuis plus longtemps qu’elle en vérité "Nell a ingurgité un de ses comprimés d’oxycodone. La situation est devenue hors de contrôle, et c’est lui qui a soulevé l’idée de se soigner pour ne plus m’infliger ce genre de drame. Elle va bien, il y a eu plus de peur que de mal." tint-elle à préciser au jeune homme, son regard retrouvant le sien quand il admit en vouloir un peu à Rhett et lui précisant le fond de sa pensée.
C’était peut-être un peu idiot sur le moment, mais elle fut touchée par ce qu’il lui rapporta sans même hésiter. Son menton retrouvant l’ouverture de sa paume, Evelyn le regarda avec un très léger sourire en lui disant, attendrie "Tu as endossé le rôle de grand-frère pour moi ? Est-ce que tu l’as menacé frontalement ? Ça expliquerait qu’il veuille soudainement ne plus m’avoir dans ses pattes." Elle voulait tourner un peu les choses en dérision simplement parce que c’était un enfer à vivre et qu’au-delà de la blague, elle était sincèrement émue de savoir que Chad prêchait pour sa paroisse, chose à laquelle elle était loin d’être habituée, et pas seulement parce qu’elle n’avait que des soeurs. Un soupir fila d’entre ses lèvres et elle ajouta "J’aimerais pouvoir te dire qu’il fait ce qu’il peut, mais tu le connais mieux que moi. Il a fallu qu’il mette quelqu’un d’autre en danger pour estimer que ça devenait urgent de faire quelque chose." Ce quelque chose étant de se sevrer lui-même en confiant ses achats d’anti-douleurs à Evelyn qui s’en débarrassait tout de suite après. Ça, ça lui restait trop en travers dans la gorge pour qu’elle réussisse à en parler à Chad à qui elle adressa un dernier sourire mi-figue mi-raisin tandis qu’il soulignait son courage de faire un virage à 360 degrés pour se retirer la sensation constante qu’elle avait de prendre la tasse au fur et à mesure que sa vie avançait.
"Je vais garder des contacts, on pourra toujours jouer au petit couple parfait une fois de temps en temps." Et puis au final, elle ne laissait que l’organisation de mariage de côté, prévoyant d’organiser d’autres événements au sens large pour le compte de La Fondation Pearson. Opinant du chef, elle lui confia ses projets "Hm, je vais travailler un peu avec ma soeur pour La Fondation. Elle m’a vendue ça comme une collaboration à l’organisation d’événement, mais je m’attends plutôt à être rétrogradée au poste d’assistante sitôt que j’aurais signé mon contrat." Et si elle avait l’impression de mettre côté tous ses principes, elle qui avait toujours refusé de se produire dans ce cirque qu’était La Fondation de sa mère, elle haussa les épaules en admettant sans rougir "Mais ça me va pour l’heure. Je sais ce que je vaux. J’ai juste besoin d’un peu de temps pour remettre un peu d’ordre dans tout ça, ça a été une année compliquée." Si elle était un tant soi peu vulgaire, elle aurait même dit autre chose, seulement la classe d’Evie n’avait d’égale que sa volonté de ne pas s’apitoyer. Ainsi dans la foulée, se redressant sur sa chaise en replaçant ses lunettes de soleil sur son nez, elle demanda à Chad "Qu’est-ce que tu veux boire pour commencer ?"

La blague avait trop duré pour être tout à fait anodine, et si Chad connaissait sa position sur les enfants, il réalisait finalement qu'il ignorait si celle d'Evelyn avait changé depuis leurs discussions à cœur ouvert sur le canapé de leur colocation. C'était une question qu'on ne posait plus aux femmes, avait-il appris de la jeunesse bienveillante qui fréquentait sa salle de sport. Ces jeunes aux émotions surdouées lui enseignaient chaque jour à ne pas reproduire les erreurs inconscientes de ses parents. Par respect, il n'aborderait pas ce sujet avec Evelyn, d'autant qu'il était au courant de ses récents déboires sentimentaux. Les siens étaient d'une insolente futilité à côté, mais Evie était manifestement trop curieuse, et assez compatissante pour ne pas lui tenir rigueur d'être heureux par ailleurs. « Pour être honnête j'en sais rien... j'aimerais bien, ce serait la suite logique de notre relation. Mais j'ai peur d'ouvrir une boite de Pandore. » avait-il répondu avec une moue songeuse. Ce n'était pas la logique qui avait écrasé leur relation, alors étaient-ils véritablement à une convention près ? Chad s'était plié aux usages du mariage une fois. Respecter les étapes n'était a priori pas la recette miraculeuse d'une relation épanouissante. Etaient-ils heureux dans l'état actuel des choses ? Oui ; Chad s'en satisfaisait-il pour autant ? La question méritait d'être posée. « Mais tu sais quoi, j'ai l'impression que tu es un peu ma bonne fée, alors peut-être que c'est un signe ? » Evelyn avait assisté à de nombreux jalons de leur histoire. Chad n'oubliait jamais qu'elle avait participé à la concrétisation de ce fameux rancard. Celui qui avait tout fait basculer.  « Tu seras évidemment la première informée. Je suis pas sûr que Kelly soit aussi ravie que toi... »

Evie lui assura aller bien, comme le faisaient toutes les personnes trop humbles pour voir les autres s'appitoyer à leur place. Il décida de la croire en lui rendant un sourire attendri. Elle laissa planer le suspense, mesurant le pour et le contre d'un aveu qu'elle avait de toute évidence fait à peu de gens. Chad se sentait flatté de pouvoir l'entendre, aussi effroyable était-il. Les parents appelaient les pompiers pour moins que ça, et il remerciait le destin de ne pas l'avoir mobilisé à cet instant fatidique de la rédemption de Rhett. Chad aurait eu beaucoup de mal à séparer le pompier de l'ami dans de telles circonstances. « Qu'est-ce qui s'est passé, vous avez fini aux urgences ? » demanda-t-il un peu effaré, même si Evelyn lui avait soutenu que Nell allait bien. Elle sembla relativement bien prendre les libertés qu'il s'était permises en voulant la protéger de Rhett. De toute manière, il avait tragiquement échoué. « J'ai pas eu à le menacer, je l'ai cru quand il m'a soutenu qu'il ne te ferait jamais de mal. » Parce qu'il voulait croire en leur histoire comme si elle lui appartenait un peu. Deux personnes qu'il estimait beaucoup s'étaient éprises l'un de l'autre, comment les choses auraient-elles pu mal se passer ? « Tu m'en veux pas d'avoir montré les crocs ? » Rhett l'avait certainement moins entendu comme une menace que comme une confession. Celle qu'il prendrait le parti d'Evie si jamais la situation l'obligeait à choisir un camp. Il n'avait jamais vraiment pensé que son rôle de cadet dans une fratrie l'avait déchargé de quelque chose : la possibilité de protéger. Considérait-il Evelyn comme la petite sœur qu'il n'avait jamais rêvé avoir ? « Mon frère est pareil. Je vais pas totalement lui jeter la pierre, le principal c'est qu'il ait eu un électrochoc. » conclut-il en hochant les épaules. Pour Amos, il avait fallu la naissance d'un nouvel enfant. Il n'était jamais trop tard pour se repentir. « On peut aussi changer par amour, c'est tout ce que je lui souhaite. Quelle que soit l'issue de votre pause. Tu as gardé des contacts avec lui ? » avait-il demandé naïvement.

La proposition d'Evelyn lui arracha un sourire complaisant. A bien réfléchir, l'idée de jouer au couple parfait avec son amie sans qu'elle soit accaparée par ses devoirs d'organisatrice lui paraissait encore plus séduisante. « Tu vas donc travailler pour ta sœur ? Tu crois que tu vas survivre après avoir travaillé si longtemps pour ton propre compte ? » Il posait la question car en ce qui le concernait, Chad ne pouvait plus s'imaginer travailler pour le compte d'un autre. Être son propre patron avait beaucoup d'avantages, mais aussi sont lot d'inconvénients. Comme celui de devoir s'épuiser à la tâche pour prospérer. Evelyn avait peut-être fait le meilleur choix après tout. Leur attention dévia enfin sur la carte. Chad mentirait s'il faisait mine de ne pas savoir quoi répondre. « Qui je serais si je répondais autre chose que du vin ? J'ai pas pu m'empêcher de remarquer des vins français à la carte. » Il gardait de la France le souvenir joyeux d'un mariage qui ne l'avait pas toujours été. Une destination que Kelly chérissait toujours, et dont il espérant bien faire profiter Casey un jour. « Blanc ou rouge ? »

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@Chad Taylor ☆ crédit/ssoveia

"Et je prends ce rôle très à coeur." Elle surjoua juste un peu l’honneur que Chad lui remettait en la définissant comme sa bonne fée au point de poser son menton sur ses mains jointes et de battre des cils pour donner le change, amusée. Ce n’était pas la première fois qu’elle recevait ce titre, et quand bien même son passé d’organisatrice de mariage semblait déjà loin derrière, elle était toujours flattée qu’on la voit de cette façon. Ce n’était pas seulement gratifiant, c’était la preuve que ceux qu’elle avait dans son sillage croyaient à la bienveillance dont elle usait pour les rendre heureux, et ça comptait beaucoup pour elle "C’est toujours aussi compliqué ?" Finalement, elle n’eut pas besoin de poser de questions à propos de Kelly  étant donné que Chad la mentionna de lui-même. Elle prit ça comme une perche tendue. Il la guiderait comme il le souhaitait, mais s’il ne tenait pas à s’épancher davantage sur le sujet, elle dévirerait ailleurs sans insister.

Elle hésita un peu à lui raconter l’épisode avec Nell. En fin de compte, elle devait avoir besoin d’en parler : ça lui vint sans qu’elle n’y réfléchisse plus longtemps, partageant les faits avec le jeune homme "Tout de suite après qu’on se soit rendu compte de ce qu’elle avait fait. Mon beau-frère a bien failli en venir aux mains, mais ça a fini par s’apaiser quand les médecins nous ont dit qu’elle ne risquait rien." À peine en vérité, que ça s’était apaisé. Sa soeur lui en voulait toujours, la rendant responsable de la situation dans laquelle sa fille s’était retrouvée. Elle n’avait sûrement pas tout à fait tort. Evie ne ferait jamais peser la faute entièrement sur Rhett, même si les mots qu’elle avait eu à son égard n’avaient pas été tendres. Elle défendait contre vents et marées, ça finirait pas causer aussi bien sa perte que celle de leur couple, elle commençait à le sentir.
Elle ne pouvait pas s’en empêcher cependant, consciente dans le fond que les intentions de Rhett n’étaient pas mauvaises, qu’il était piégé. Il ne faisait cependant pas tous les efforts requis pour s’en sortir, et sur ce sujet, elle avait suffisamment ouvert les yeux pour ne plus se mentir ni lui trouver des excuses. Alors il ne voulait pas lui faire du mal, elle l’entendait sans remettre en doute ses paroles, touchée qu’il puisse l’assurer à un ami proche sans rougir. Sauf que c’était tout de même ce qu’il faisait, et il ne pouvait pas le nier.

C’est parce que cette pensée lui traversa l’esprit qu’elle préféra ne pas rebondir sur ce que Chad lui confia à ce sujet, ne tenant pas à mettre Rhett en porte-à-faux. Elle baissa seulement les yeux, prenant une légère inspiration en même temps. Elle finit par les relever pour les poser sur Chad qui s’inquiétait de savoir si elle lui en voulait d’avoir prêché pour sa paroisse. Elle tendit la main dans sa direction pour atteindre la sienne dans un geste spontané, qu’elle ne faisait pas avec grand-monde par pudeur , et qui ne dura qu’une seconde "Absolument pas. Tu veux que je te dise quelque chose ? Je crois que si j’avais été à ta place à ce moment-là, j’aurais fait exactement fait la même chose que toi." Elle n’avait jamais eu trop l’occasion de mettre qui que ce soit en garde, mais elle ne portait pas Kelly dans son coeur. Si l’envie lui était venue de faire du mal à Chad, sans aucun doute qu’elle se serait dressée entre eux pour la faire battre en retraite, et certainement moins subtilement que Chad avait dû le faire. Bienveillance et douce Evelyn, elle savait être une louve quand c’était nécessaire "Il s’en veut beaucoup, ça le pousse à considérer ses options en matière de sobriété plus sérieusement qu’à un moment donné." Et elle ajouta, s’en voulant déjà de le faire "Je ne suis pas sûre qu’il le fasse vraiment pour moi." Changer. Il s’engageait dans cette voie parce qu’il avait eu peur, pas parce qu’Evelyn le lui avait demandé — elle ne l’avait pas fait de toute façon. Dans la perception des choses de Rhett, elle était persuadée qu’aimer quelqu’un n’était pas synonyme de sacrifice et d’effort. Elle le respectait beaucoup, elle l’aimait profondément aussi, elle n’ignorait pourtant pas qu’il avait l’égoïsme chevillé au corps. Reprenant une inspiration pour répondre à la suite des interrogations de Chad, Evie lui avoua "On se voit de temps en temps. Je ne crois pas que ce soit la définition qu’on donne à une pause, mais on l’a décidé comme ça." Pour une seule raison qu’elle ne voulait pas donner à Chad.

Qui enchaîna sur autre chose. Ça la soulagea sur le moment "Si je fais de nouveau la Une des journaux, tu sauras que je n’aurais pas supporté très longtemps de me faire mener à la baguette." Et qu’un drame digne des faits divers les plus sanglants aura eu lieu. Elle en rit, parce qu’elle ne pouvait faire que ça à ce sujet-là, sa rhétorique prenant des allures de on verra qu’elle redoutait un peu dans le fond. Se redressant sur sa chaise, elle se rangea à l’avis de Chad en matière de premier verre "Allons-y pour le vin, je te suis." Blanc ou rouge, peu importait pour elle. Sa tête s’inclina sur le côté après qu’ils eurent commandé, et qu’elle quitta le serveur des yeux pour les poser sur Chad  avec une tendresse qu’elle lui réservait particulièrement "Ça me fait du bien de te voir. J’ai toujours l’impression de te délaisser quand je finis par faire le compte des fois où on s’est vus dans l’année." Trop peu de fois, c’est ce qui la poussa à lui demander presque timidement "Tu ne m’en veux pas trop ?"

Expert en la matière, Chad savait déceler la fausse modestie, et Evelyn avait bien raison de croire en ce don qu'elle avait de semer le bonheur sur son passage. Si elle refusait de s'engager elle-même dans le mariage par cynisme, elle n'avait jamais méprisé les autres de recourir à ce conformisme pour concrétiser leur amour. Elle y avait toujours contribué avec complaisance, finesse et beaucoup de goût. Et c'était finalement ce qui la rendait si brillante dans l'art de son métier. « Avec Kelly ? Nous deux ça va, et elle tient assez à ce que ça reste comme ça pour se montrer cordiale avec Casey. Mais ils ne seront jamais amis, et je peux pas les blâmer. L'ironie, c'est que je suis justement la personne qui les empêchera de s'entendre un jour. » Sans lui, leur chemin ne se serait jamais croisés, mais ils n'auraient surtout jamais nourri la rancoeur d'avoir un jour rompu respectivement le lien spécial qui les unissait à lui. Il était le seul dénominateur commun dans cette histoire. Alors il était bien heureux d'avoir de temps en temps l'avis objectif d'une amie comme Evie, qui n'en voulait à personne d'avoir accaparé son temps et ses sentiments. « Mais bon, que ce soit Casey ou un autre, Kelly serait restée sur la réserve de toute manière. Homme ou femme d'ailleurs. » A vrai dire, elle en aurait voulu davantage à une femme, n'en déplaise à son homophobie latente, entretenue par des années de conditionnement religieux. Kelly était typiquement de ces femmes opiniâtres qui n'hésitaient pas à rogner certains principes de solidarité par désir d'émancipation. Les femmes qui se dressaient sur sa route étaient des ennemies plus redoutables encorre que les hommes, dont la seule masculinité rendait légitime à ses yeux.

Le temps avait beau rendre l'incident moins douloureux, on perçevait toujours une pointe d'horreur et de honte dans le récit d'Evie. Comme si elle avait une part de responsabilité dans l'histoire. Chad ignorait les détails, mais il trouverait dans tous les cas, et sans objectivité aucune, que la faute pesait entièrement sur Rhett. « C'est normal, il a eu peur pour sa fille. J'imagine donc que Rhett est devenu persona non grata dans le clan Pearson ? » avait-il demandé avec une moue contrariée. Evelyn était certainement assez magnanime pour lui pardonner un jour, mais c'était une autre paire de manches pour sa sœur. Non pas que son avis comptait particulièrement dans ses choix de vie, de ce qu'il avait cru comprendre. Il avait plus ou moins la même relation avec ses propres frères, et s'il aurait argué se ficher de leur avis sur la question de son couple, une partie de lui aurait eu l'impression de ne pas être tout à fait complète et satisfaite. Un peu comme ce qu'il avait ressenti après le reniement prévisible de sa mère. D'ailleurs, il avait beau ne pas être du clan Pearson, il avait la même sensation de trahison. Entendre Evelyn approuver son comportement, quoique tout à fait civilisé en comparaison, le rassura néanmoins. Son geste tendre et fugace n'en était qu'une autre manifestation. Il s'en serait voulu d'avoir outrepassé les limites de leur amitié. « Tant mieux. Franchement j'ai aucun doute que tu aurais réagi pareil. Et si jamais un jour tu as l'impression que je fais les mauvais choix, j'espère que tu n'hésiteras pas à me le dire. » Il pensait notamment à Casey, qu'elle idéalisait de fait grâce à ses discours passionnés, mais dont elle n'avait pas eu beaucoup d'occasions de se faire un avis. Chad refusait de croire Kelly par principe, mais existait-il une infime possibilité qu'elle ait raison sur leur compte ? « Qu'il le fasse pour toi, pour lui ou pour sa réputation, l'important c'est que ça fonctionne et que ça dure. » Certaines motivations étaient plus honorables que d'autres, mais finalement n'était-ce pas le résultat qui importait ? Amos avait décidé de rester sobre pour sa fille, mais il aurait eu autant de mérite à le faire pour Rae, ou tout simplement pour garder la ligne. « Tant que ça vous convient comme ça. Il a besoin de soutien, je trouve ça très noble de ta part de rester là pour lui malgré tout. » En attendait-il moins de la part d'Evelyn, la bienveillance incarnée ? Il avait beaucoup à apprendre d'elle.

L'inconvénient de rattraper le temps perdu était d'oublier les discussions futiles pour se concentrer sur le plus grave. Alors Chad ne manquait jamais une occasion de garder un peu de légèreté lorsqu'ils le pouvaient. « Je te souhaite de rester loin des médias le plus longtemps possible. Ils doivent bien avoir d'autres chats à fouetter. » Lui ne lisait pas les potins dans la presse, alors il était bien incapable de dire ce qui pouvait se colporter de plus intéressant que les tribulations de la fille d'un héro national parti trop tôt. Acquiesçant respectueusement, il commanda au serveur qui passait près de leur table une bouteille d'un Chardonnay grand cru de Bourgogne, qui flairait bon les vignes et le soleil. « Bien-sûr que non je t'en veux pas, l'important c'est d'être là quand ça compte. Mais tu sais que la porte de la maison t'est toujours ouverte, et on a aussi un nouveau chez toi à trouver. » avait-il déclamé avec un sourire complaisant. A son tour, il laissa reposer sa tête sur ses mains pour l'écouter d'une oreille avide et d'un regard enjoué. « Quels sont tes critères d'ailleurs, fais-moi rêver ? »

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@Chad Taylor ☆ crédit/ssoveia

L’opinion d’Evie concernant Kelly étant ce qu’elle était, elle ne pouvait en effet pas la blâmer d’alimenter quelques griefs à l’encontre de Casey. Difficile de s’entendre avec quelqu’un qui vous ravissait la place dans le coeur d’un être aimé, encore qu’Evelyn restait persuadée que Chad aimerait Kelly toute sa vie. Leur histoire n’était pas évidente d’un côté, elle restait belle dans l’autre, et la rancoeur d’une ex-épouse à l’égard d’un nouvel amoureux ne devrait pas l’entacher. Elle ne doutait pas que le temps passant, ils réussiraient à trouver un consensus, et que tout ce petit monde finirait par couler des jours heureux, et ce dans une harmonie relative à l’affection portée à l’encontre du principal concerné. De toute façon, Evie n’imaginait pas Chad être autre chose que bienveillant, même s’il s’accusait d’être la pomme de la discorde entre ceux qui se disputaient son attention, il n’y pouvait rien en réalité. Et puis, il avait raison : homme, femme, accepter que la personne avec qui on avait prévu de construire toute une vie se reconstruise après un divorce, c’était quelque chose de difficile à envisager. Compréhensive, elle hocha donc la tête, gardant sur son ancien colocataire un regard scrutateur, mais pas trop, s’inquiétant que ça puisse jouer sur son moral à un moment donné. Il était assez grand, il finirait par lui en parler si c’était le cas, aussi elle s’abstint de lui souffler l’idée de trop se fustiger à propos de tout ça, et retint son intime appréhension pour s’arrêter sur une autre qui se matérialisait sous la forme de Rhett qui s’inséra, sans être présent pourtant, dans leur conversation.

"Disons qu’il devra certainement passer pas mal d’étapes avant de pouvoir prétendre avoir la confiance confiance d’Ester au moins." répondit-elle à Chad quand ils rentrèrent dans le vif de l’incident entourant Nell. Ça désolait Evie, d’être obligée d’admettre que sa soeur avait une dent féroce contre Rhett, mais dans un sens, elle la comprenait. Elle ne l’exprimerait jamais de cette façon, le conflit perpétuel entre elles la faisant camper sur une fierté étonnante chez elle, mais elle réussissait de moitié à se mettre à sa place. Elle aussi, elle avait eu peur pour Nell. Elle n’était pas sa fille, elle ressentait pour elle un amour sincère toutefois, étant la seule nièce qu’elle avait vue grandir dans le cheptel d’autres qu’elle connaissait à peine, exilée à l’autre bout du monde. Elle était la petite dernière, celle qu’elle préférait, alors forcément, l’incident prenait des allures de cauchemar duquel elle avait bien dû se réveiller, mais qui restait vif dans son esprit. Elle se recala sur sa chaise, lâchant la main de Chad qu’elle avait attrapée pour lui insuffler un peu de la gratitude qu’elle ressentait à son égard pour être autant investi dans sa protection — comme un frère qu’elle n’avait jamais eu, c’était nouveau, mais pas désagréable comme sentiment. Elle lui sourit "Tu pourras toujours compter sur moi pour te remettre dans le droit chemin si tu perds de vue le sens des réalités. J’évite de faire des promesses, mais celle-ci, je te l’offre sans hésiter." Elle lui donna un nouveau sourire, sa tête s’inclinant sur le côté pour capter ses yeux lorsqu’il conclut que la guérison de Rhett, qu’importait au fond qu’il l’envisage pour les bonnes raisons ou pas, elle resterait importante tant qu’elle fonctionnait, et surtout qu’elle perdurait. Une partie d’elle aurait aimé qu’il l’envisage pour elle, vraiment, mais elle ne tenait pas à l’avouer, se sentant ridicule d’avoir ce genre de velléités quand elle était du genre à prôner l’estime de soi et l’importance de penser à son bien-être avant celui des autres. Elle était autant égoïste que Rhett finalement "Il est sur la bonne voie." ponctua-t-elle seulement, farouchement convaincue par ça, au point d’en opiner, mais de se taire lorsqu’il souligna sa noblesse de rester à ses côtés malgré les difficultés.

Mimant de croiser les doigts pour assurer ses chances de rester loin de la presse, Evelyn se laissa porter par la suite de la conversation qui promettait la dégustation d’un verre dont elle rêvait depuis qu’elle était arrivée. Elle avait presque failli oublier pourquoi ils étaient là tous les deux "Je le sais. J’ai plus de temps maintenant, peut-être que je pourrais passer te voir un peu plus souvent." Et dans son ton, une pointe de culpabilité qui révélait qu’effectivement, si Chad lui pardonnait d’être une amie-fantôme, elle n’en était pas moins désolée. Mais l’occasion était belle d’être là, et que Chad remette ses plans en perspective, ça lui permit de se raccrocher au but premier de leur rencontre d’aujourd’hui. Elle se redressa, pleine d’entrain, et lui dit en joignant les mains sous son menton "C’est vrai, ma première vraie maison en Australie." Ça promettait une pendaison de crémaillère, songea-t-elle vaguement sans s’y arrêter, préférant répondre au jeune homme dans la foulée "Je rêve d’une maison type maison de vacances — j’espère que tu as du temps devant toi parce que j’ai concocté les meilleurs tableaux Pinterest que tu auras l’occasion de voir de toute ta vie, prépare-toi à être éblouis." ajouta-t-elle, joignant le geste à la parole en remuant pour attraper son téléphone portable, et le poser au milieu de la table histoire de donner une idée plus concrète de sa maison de rêve à Chad.

rp terminé.