@Ezra Beauregard

Je sais que si je viens lui annoncer la nouvelle tout en sachant que Sloan n’est pas très loin, tout ira bien mieux. Je sais au moins que cela me poussera à rester dans le contrôle, et c’est une bonne chose pour Ezra autant que pour moi. Les doigts de mon fils s’accrochent tant bien que mal aux miens alors qu’il se concentre sur l’idée de faire un pas devant l’autre, remonter l’allée menant à la maison du Beauregard semblant être pour lui un véritable parcours du combattant pour un petit bonhomme qui s’approche enfin du mètre. Il a déjà beaucoup grandi, mais ce n’est rien en comparaison de Noah, qui s’approche dangereusement de ne même plus pouvoir être qualifié d’enfant. J’ai néanmoins promis à Sloan sa présence, bien conscient qu’il a toujours apprécié son demi-frère mais n’a que très rarement l’occasion de le croiser, et ce particulièrement depuis que Ginny ne les unit plus à Brisbane.

Cette fois-ci, au moins, j’ai prévenu de mon arrivée. Je ne l’ai pas fait par politesse, simplement pour m’assurer de la présence d’Ezra autant que demander si Noah serait lui aussi présent - tout en précisant que je demandais pour Sloan. Je suis bien conscient que le jeune garçon a un avis mitigé sur ma personne, et je n’ai pas à cœur de forcer les choses et lui expliquer par A + B que je n’ai jamais voulu faire fuir sa mère. Ce n’est pas le genre de discussion qu’on a avec un gamin de son âge, voilà ce que j’en dis. Plus tard, peut-être. S’il veut connaître la vérité sans la censure inhérente, je lui en parlerai, quand bien même je doute que la vérité l’aide à faire le deuil.

“Je savais pas que t’avais un second gamin en route.” Je commente la décoration du salon, qui trahit la présence d’un nourrisson dans les environs. Noah a passé l’âge des biberons, voilà tout ce que j’en dis. Je me contente de hausser les épaules, n’en ayant aucun commentaire supplémentaire à en tirer. J’imagine que c’est sans doute mieux pour lui s’il a refait sa vie à un tel niveau. Sloan tire sur mon t-shirt, je le fais remonter dans mes bras. Il connaît Ezra, de visage au moins, mais il est toujours aussi peu enclin à se montrer à l’aise dans de nouveaux environnements. “Noah est dans le coin ? Je me suis dit qu’il voudrait passer un peu de temps avec Sloan.” Je ne précise pas leur lien de parenté, ce qui aurait été synonyme de remuer le couteau dans la plaie. Ezra sait très bien ce qu’il en est: je peux lui reprocher de nombreuses choses, mais pas de ne pas se tenir un minimum au courant. Après tout, Sloan est son filleul, aussi impossible cela puisse-t-il être à penser aujourd’hui. “Je pense que ça serait mieux s’ils jouaient dans le jardin, ou dans sa chambre.” Mon regard se pose enfin dans celui du mécanicien, assez sérieux pour qu’il comprenne que je ne suis pas une fois de plus venu jusqu’à lui pour tenter d’enterrer la hache de guerre. J’essaie de le faire au passage, oui, mais mon but premier n’est pas là: nous devons parler. Sérieusement. Le genre de sujets qui n’ont pas à remonter jusqu’aux oreilles d’enfants, surtout alors que cela concerne leur mère.

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@auden williams

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Il avait déjà mal au crâne avant même de voir Auden chez lui. Mais, toutes choses considérées, ce n’était plus réellement le moment de faire la fine bouche quant à savoir si ce dernier pouvait ou non naviguer dans leur quotidien - il se devait de le faire, au moins temps qu’ils sauraient encore tous dans le flou et l’inconnu concernant Ginny. « Il passerait quand ? » Noah le regardait depuis le haut de l’escaliers, et Ezra savait qu’il faisait lui aussi tous les efforts nécessaires pour que cette situation se passe malheureusement pour le mieux pour tout le monde; à commencer, en cet instant, par être présent pour Sloan alors que ce dernier était encore plus dans le flou qu’eux concernant sa mère. Pinçant les lèvres, Beauregard sénior finit par soupirer légèrement. « Demain aprèm. » Après une seconde de silence, Noah finit par hocher sans vivacité sa tête et par se soustraire à la vue de son père - qui reporta son regard sur Alice et ses pensées sur celle qui n’était pas sa mère, parce-qu’il ne saurait imaginer la petite sans Lily dans son quotidien et que son coeur se brisait à l’idée que c’était pourtant ce qui arrivait à Noah et Sloan en cet instant.

« Je savais pas que t’avais un second gamin en route. » Aussi idiot que cela pouvait l’être, il avait effectivement un second gamin en route - qui pouvait même être qualifié de troisième pour Ezra, mais ce n’était pas de cet enfant là qu’Auden parlait en cet instant et dont il avait lui également envie de débattre. Au moment où les deux hommes se voyaient, personne d’autre que Lily et Ezra étaient au courant que cette dernière était de nouveau enceinte, et c’était très bien ainsi. « Alice est née en janvier, si tu veux tout savoir. » Il savait qu’il n’en avait rien à faire, mais cela ne leur coutait rien d’avoir un semblant de discussion normale avant qu’ils n’abordent des sujets bien mois légers - parce-que c’était forcément pour ça que Williams était venu jusque chez lui, il n’y avait pas d’autre explication en réalité. « Noah est dans le coin ? Je me suis dit qu’il voudrait passer un peu de temps avec Sloan. Je pense que ça serait mieux s’ils jouaient dans le jardin, ou dans sa chambre. » Le regard d’Ezra était porté sur son filleul, dans les bras de son père, alors qu’il ne se rappelait même plus la dernière fois qu’il avait vu le petit garçon devenu déjà presque grand finalement. Etant donné l’état des liens entre Auden et lui, il n’était pas le meilleur parrain du monde dans l’univers du gamin - à son grand damn, là où il arrivait à être présents pour les autres enfants de son entourage de façon tout fait satisfaisante. Gardant ses yeux posés sur Sloan encore un instant, Ezra finit par détourner son regard vers l’escaliers de la maison. « Noah ? Sloan est là. Tu peux descendre ta soeur aussi au passage s’il te plait ? » Parce-que Sloan était son frère aussi, mais les relations n’étaient pas de la même façon entretenues entre les différents éléments de la famille - qui était on ne pouvait plus compliquée que cela, en réalité.

Il ne fallut que quelques instants pour que le gamin n’arrive à leurs côtés, Alice dans ses bras, avant qu’Ezra ne décroche son regard de celui d’Auden pour prendre la petite dans ses bras. Oh, il avait compris dès qu’il avait reçu son message que la conversation qu’ils allaient avoir n’était pas des plus agréables, mais elles appartenaient toutes à cette catégorie dès que cela impliquait Auden, aux yeux d’Ezra de toutes façons, alors. « T’emmènes Sloan jouer dans le jardin mon grand ? » Il formulait à haute voix les mots que Noah avait déjà du deviner avant même qu’il ne les entende, car il tendait déjà les bras vers un Sloan se tortillant dans les bras de son père pour s’en extirper et aller voir son frère. Au moins, il aurait eu ça de construit avec les années écoulées, et ce n’était pas rien. « Lily a fait un gâteau et de la limonade, si vous voulez en prendre. Dans le frigo. » Parce-que bien sur que c’était là le genre de choses auxquelles elle pensait sans qu’il n’ait besoin de mentionner le moindre mot. Noah hocha la tête et disparut avec Sloan peu de temps après dans le jardin. L’attention d’Ezra se posa sur Alice, déjà rendormie dans ses bras, alors qu’il cherchait à gagner quelques instants de répit sur la conversation à suivre. Pour se faire, il agit d’une façon qu’il n’aurait jamais pensé possible: sans attendre son avis, il déposa sa fille dans les bras d’Auden. Au moins, il le savait assez responsable pour ne pas faire de mal à une petite innocente de la sorte, et peut-être qu’ils allaient avoir besoin de ce type de perspective selon les informations qu’il s’apprêtait à lui donner. « Alice, trois mois, déjà prête à mener Noah à la baguette d’ici quelques années. » Parce-que comme toutes les personnes présentes sous ce toit, elle était à ses yeux une petite princesse. « Je sais que t’es pas venu ici pour ça, mais elle est magnifique et mérite d’être présentée à tout le monde. »

« Alice est née en janvier, si tu veux tout savoir. » Je ne cherche pas à tout savoir et loin de là, mais j’accepte la nouvelle sans ajouter le moindre commentaire. Alice est née en janvier. Grand bien lui fasse, j’imagine. J’hoche la tête sans pour autant faire l’effort d’un sourire artificiel: j’accède à la nouvelle comme étant uniquement factuelle. “Félicitations.” Il sait que je ne souhaite rien de mauvais à cette enfant, mais il sait sûrement aussi que je n’en ai pas grand chose à foutre. Sloan est le seul enfant au centre de mes préoccupations, comme le prouvent mes mots à son égard alors que j’essaie de proposer qu’il passe un peu de temps avec son demi-frère, ce qui réjouira sans doute les deux garçons. Pour l’heure encore, mon fils se serre un peu plus contre mon cou, éternellement timide, même face à son parrain. « Noah ? Sloan est là. Tu peux descendre ta sœur aussi au passage s’il te plait ? » Sloan est Sloan, mais Alice est sa soeur. Je ne commente pas le traitement différent des prénoms et garde mon regard posé sur le Beauregard, qui semble enfin avoir dignement tourné la page. Si je l’avais pu, j’aurais choisi de ne plus jamais lui reparler de Ginny.

Les pas lours du jeune garçon se font rapidement entendre, ils féblissent à l’approche de l’escalier alors que je devine déjà Noah utiliser toute sa concentration pour ne pas aller trop vite et risquer de tomber avec sa sœur dans ses bras. Preuve en est, elle arrive bel et bien en pleine forme lorsqu’elle retrouve les bras de son père et que Noah se retrouve entre nous sans plus savoir où se poser, ni quoi faire. « T’emmènes Sloan jouer dans le jardin mon grand ? » La question n’en est pas vraiment une, les petites jambes de Sloan s’agitent déjà et je le pose rapidement au sol, sa main tout aussi vite reprise par celle de Noah. Les frères n’ont pas grandi ensemble longtemps, mais il est évident que Noah a déjà un goût prononcé pour la famille, et ce même alors que rien n’a jamais été simple pour lui à ce niveau. Mon regard reste posé sur le duo lorsqu’ils s’approchent du jardin et je ne sais faire autrement que de continuer de surveiller où ils se posent et ce qu’ils font pendant quelques minutes, bien qu’ayant une parfaite confiance en Noah. Il reste un enfant, avec un jugement différent sur la réalité. « Lily a fait un gâteau et de la limonade, si vous voulez en prendre. Dans le frigo. » Ezra me ramène à moi, je relève aussitôt la tête en sa direction et plonge un instant mon regard dans le sien. “Elle a l’air en pleine forme.” Est l’effort que je fais avec un sourire au coin des lèvres lorsque je pose brièvement mon regard sur Alice. Je suis heureux pour lui, sincèrement. Il méritait de passer à autre chose. Les enfants font demi-tour, attrapent de quoi se sustenter, et retournent à leurs aventures. Aussi simplement que cela.

A nouveau face à lui, j’ouvre la bouche pour tenter de trouver les mots nécessaires mais la referme aussitôt lorsqu’il en vient en réalité à poser sa fille entre mes bras, lesquels je courbe rapidement pour l’accueillir avec délicatesse. “A quoi tu joues ?” Je demande sans hargne, les sourcils pourtant froncés par la seule incompréhension. « Alice, trois mois, déjà prête à mener Noah à la baguette d’ici quelques années. » Pour la première fois, mon regard se pose sur le bambin durant plus d’une seule et maigre seconde. Elle ne ressemble pas à Noah et Sloan, pas de la façon dont les deux frères ont des traits communs que personne ne saurait nier. « Je sais que t’es pas venu ici pour ça, mais elle est magnifique et mérite d’être présentée à tout le monde. » Elle l’est, et je ne cherche pas à le nier, mais je ne peux pas accueillir la nouvelle de sa naissance de la même façon que cela en a été le cas pour Ezra, et de la même façon qu’il a de toujours l’observer avec amour et bienveillance - le même genre de regard qu’il a eu à l’égard de Noah dès qu’il est entré dans sa vie, je n’en doute pas. “Reprends-la. Ezra, s’il te plaît, reprends-la.” Je ne veux pas la brusquer, je ne veux pas la déranger, mais je ne peux pas la tenir dans mes bras comme si de rien n’était, comme si on était deux hommes ayant aimé la même femme et étant capable de passer outre pour le bien des enfants. Il y a de ça, mais il n’y a pas que ça. Une de mes mains reste posée sous sa tête avant d’être assuré qu’elle retrouve les bras rassurants de son père. “Je viens pas par nostalgie.” J’aurais aimé lui dire ne venir que pour que les deux frères passent un peu de temps ensemble. J’aurais vraiment aimé.

Nerveusement, je gratte mon front de mon pouce, à la recherche du bon angle sur lequel débuter cette conversation. “Tu devrais t’asseoir avec la petite.” Disons simplement que je ne veux pas qu’il reste debout lorsqu’il apprendra la nouvelle, surtout pas en ayant un bambin dans les bras. “J’ai des choses à te dire au sujet de l’enquête.” Au cas où il pensait encore faire de la résistance, je lui précise donc que je viens au sujet de Ginny - sans que ce soit une surprise -, et j’espère de cette façon qu’il ne cherchera pas à faire de la résistance.

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« Félicitations. » - « Merci. »

Rapidement, Noah les retrouva dans le salon avec Alice dans les bras, qu’Ezra s’empressa de récupérer. Il avait une confiance aveugle en son fils, mais il avait surtout besoin qu’il s’occupe de Sloan pour le moment afin qu’Auden et lui puisse discuter tranquillement. La petite ne pouvait comprendre la conversation qui suivrait, mais l’ainé Beauregard avait compris dès l’instant où il avait su qu’Auden serait sur le pas de sa porte aujourd’hui que ce n’était pas une discussion pour les deux autres enfants présents autour d’eux. Eux, ils méritaient d’aller jouer au foot dans le jardin, de se goinfrer de gâteau et de limonade, et rien d’autre pour le moment. Alors, rapidement, Noah attrapa la main bien plus petite de Sloan, pour l’emmener avec lui à l’autre bout de là où ce petit groupe se tenait jusqu’à alors, ayant parfaitement compris le rôle qu’il avait à jouer dans cette situation. Pendant ce temps, Ezra put observer un instant Auden qui n’arrivait pas à lâcher son fils du regard; il avait les traits tirés, la fatigue semblait avoir pris possession de la moindre parcelle de son visage. Il semblait avoir pris de l’âge aussi, en regardant avec plus d’attention - et ce n’était pas là des éléments qui étaient rassurants à observer. Autant parce-que cela voulait dire qu’il vieillissait lui-même aussi, que parce-qu’il devait se faire du soucis pour quelque-chose en trop ces derniers temps et que le sujet concerné n’était pas bien difficile à deviner.

Finalement, l’attention de l’italien finit par revenir dans sa direction. « Elle a l’air en pleine forme. » Bien sur que cela étira un petit sourire en coin à Ezra. « Elle l’est. » Alice était on ne pouvait plus en forme et tâchait de le faire comprendre à la moindre personne se trouvant dans la maison, nuit et jour s’il le fallait. Présentement, elle avait retrouvé le sommeil et les bras de Morphée à peine avait-elle été despote dans ceux de son père, mais d’ordinaire elle savait sinon se faire entendre. Et loin de désirer perturber ce dit-sommeil du juste, le prochain geste d’Ezra fut surtout là pour retarder la suite des événements, pour prendre la température un petit peu aussi; selon la façon dont réagirait Auden, il pourrait savoir à quel point il devait s’en faire pour la suite de la conversation, de la journée, du reste de leur vie en réalité. « A quoi tu joues ? » Il lui dit que c’était pour être sur qu’il ait pu apprécier la beauté de sa fille; Auden n’était malheureusement pas né idiot et comprendrait rapidement que ce n’était pas réellement dans un tel but qu’il agissait de la sorte. « Reprends-la. Ezra, s’il te plaît, reprends-la. » Ses mots étaient prononcés doucement, et ses gestes étaient précautionneux. En revanche, l’empressement dont il faisait preuve pour retirer le petit être innocent de ses bras confirmait ce que pensait Ezra - et ce fut donc avec un petit soupire d’avance dépité qu’il récupéra son petit ange au creux de ses propres bras. « Je viens pas par nostalgie. » - « Je me doute. »

« Tu devrais t’asseoir avec la petite. J’ai des choses à te dire au sujet de l’enquête. » Laissant un nouveau soupire lui échapper, il fit une petite moue. Oh, qu’il aurait préféré pour une fois avoir tort - là où d’ordinaire, il se maudissait que ce soit souvent le cas. Déglutissant avec peine, il mit une bonne poignée de secondes avant de faire un signe de tête à Auden de le suivre jusqu’au canapé. « Pas que ça m’enchante que tu me donnes des ordres, mais j’ai compris dès le moment où tu m’as envoyé ton message que c’était pour ça que tu voulais me voir. » Pour quelle autre raison, après tout ? Ce n’était pas comme s’ils étaient de vieux amants qui tentaient par tous les moyens de renouer contact: ils n’établissaient ce dernier que lorsque les enfants étaient en jeu. Ou alors, si Ginny était impliquée.  Ezra se laissa tomber doucement sur le canapé, Alice dormant toujours paisiblement dans ses bras. « Qu’importe ce que t’as à me dire aujourd’hui, tourne pas autour du pot s’il te plait. On sait tous les deux que les gars vont pas réussir à rester tous seuls dehors trop longtemps, même si Noah fait de son mieux, et je veux pas qu’ils interceptent la conversation. » Ses iris azurs finirent par se porter sur le visage d’Auden, naviguant d’un oeil à l’autre. « Parce-que c’est pas pour de bonnes nouvelles que t’es venu jusqu’ici. Je me trompe ? » Pour une fois, il se montrait perspicace - ce qui était une toute nouvelle nuance de couleurs à sa palette. Il n’était peut-être pas très futé, mais parfois, de temps en temps, son instinct ne le trompait pas tant que ça.

Je ne veux pas prendre sa fille dans mes bras. Je ne veux pas porter un enfant dans lesquels je continue de m’épuiser à retrouver les traits de Ginny, quand bien même elle n’est évidemment pas d’elle. Je les ai longtemps observés sur le profil de Noah, et les ai associés à ceux d’Ezra, désormais difficilement capable de différencier les deux. Sloan aussi est le portrait crachée de sa mère, mais Sloan s’amuse plus loin dans le jardin, sans avoir à se soucier un seul instant de la conversation que les adultes rechignent à avoir. Il fait bien de profiter de son enfance, quand son seul souci reste encore de savoir s’il pourra manger les nuggets dont il aime la forme - puisque si tel n’est pas le cas alors ils ne sont pas bons, l’un ayant une incidence sur l’autre, c’est évident. De mon côté, je me retiens d’avoir un soupir soulagé lorsqu’il reprend sa fille dans ses bras et que les miens restent ballants, libres de toutes responsabilités. Tout ce que je peux faire pour elle et son père, maintenant, c’est au moins conseiller à ce dernier de s’asseoir. Il en aura besoin, j’imagine. Comme moi j’en ai eu besoin.

Suivant son signe de la main, je suis leurs deux silhouettes jusqu’au canapé, non sans en profiter pour jeter un regard à la silhouette des deux frères jouant dehors. « Pas que ça m’enchante que tu me donnes des ordres, mais j’ai compris dès le moment où tu m’as envoyé ton message que c’était pour ça que tu voulais me voir. » J’en serais venu à la même conclusion à sa place. Nous ne sommes pas du genre à nous tenir au courant de l’avancée de la vie de chacun, pas même à s’envoyer des messages spontanés pour proposer d’aller boire un verre de temps à autres. Chacun vit sa vie de son côté, et c’est réellement tout ce qu’il y a à retenir. “J’ai pas trop fait de mystères.” J’avoue simplement, sans même chercher à lui dire que je le trouve passablement stupide, ou à enfoncer le couteau dans la plaie. Evidemment que je viens lui parler de Ginny, en sa qualité de mère de nos enfants et de femmes qu’on a tous les deux connu pendant bien longtemps. En qualité de personne à laquelle nous continuons tous les deux de tenir, malgré tout ce qui a pu se passer. Malgré ce qu’en disent les autorités quant à son sort, aussi. « Qu’importe ce que t’as à me dire aujourd’hui, tourne pas autour du pot s’il te plait. On sait tous les deux que les gars vont pas réussir à rester tous seuls dehors trop longtemps, même si Noah fait de son mieux, et je veux pas qu’ils interceptent la conversation. » Il porte son regard sur moi mais le mien trouve refuge sur le profil de sa fille endormie, nouveau-né que j’ai eu le temps de rapidement souhaiter de nouveau après la naissance de Sloan sans que cette hypothèse n’ait plus rien pour devenir réalité, désormais. Je n’aurai pas la grande famille que je désire en silence, et je me fais à l’idée bien malgré moi. « Parce-que c’est pas pour de bonnes nouvelles que t’es venu jusqu’ici. Je me trompe ? » - “Non.” Je souffle et me pose à mon tour sur le canapé, les coudes que je pose sur mes cuisses m’empêchant de prendre mes aises. Je n’en ai aucune envie, de toute façon. “Evidemment pas.” Il suppute bien, Ezra, pour une fois. Malheureusement.

J’inspire une ultime fois, parle dès la seconde qui suit. Ils ont décidé d’arrêter les recherches, pour Ginny.” L’annonce principale est faite, tout le reste ne fait qu’en découler. Je parle vite, je ne prends pas le temps de laisser à mes émotions le loisir de s’exprimer. Elles l’ont déjà bien assez fait, et je sais qu’Ezra n’a pas besoin de ça en face non plus. Son histoire avec Ginny est différente, mais je ne remets pas en question toute l’affection qu’il continue de lui porter aujourd’hui encore. Laquelle va désormais de pair avec un chagrin injuste. “Ça signifie qu’ils ne s’attendent plus à la retrouver vivante.” Il s’en doutait, je sais très bien qu’il s’en doutait, mais je ressens le besoin de poser des mots sur la situation, parce que je veux qu’il se rende compte du peu d’espoirs qu’il subsiste encore. Parce que je ne veux pas qu’il laisse Noah s’y accrocher de trop fort: sa mère ne reviendra pas. “Ils penchent pour une disparition volontaire.” J’annonce, un rire nerveux appuyant mes propos. Lui comme moi savons très bien qu’elle n’aurait jamais abandonné ses enfants. Nous, peut-être, mais jamais Noah ni Sloan. Elle se serait battue jusqu’au bout pour eux, et cette idée me met un peu plus en colère encore, nourri par l’impression de ne pas avoir été écouté. Je prends ma tête entre mes deux mains, balayant mes mèches par exaspération. “Je vais déménager, tu pourras venir avec Noah prendre ce que vous voulez.” Ce qui appartient à Ginny, voilà ce dont je parle réellement. Noah aussi a quelques jouets et quelques affaires à la maison, là où il a un temps grandi. Je suis dans leur équipe, et je tente de le faire comprendre au père de famille. “Il y a encore des affaires de nourrisson de Sloan. Des jouets, des biberons, ce genre de trucs. Pour la petite.” Il en aura bien plus l’utilité que moi, ou que mon fils qui a déjà bien trop rapidement grandi. “Je sais pas quoi te dire d’autre.” J’annonce avec un rire nerveux. Il y aurait tant de choses à dire, et je rêve pourtant de me muer dans un silence rassurant, pour la première fois de ma vie.

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« J’ai pas trop fait de mystères. » Il n’en avait pas trop fait, il n’en avait même pas fait un seul: ce n’était pas là leur façon d’interagir, cela ne l’avait jamais été, plutôt du genre à s’envoyer valser et leurs quatre vérités en pleine figure qu’autre chose. Il n’avait pas fait trop de mystère mais rein que le fait qu’il envoie un message à Ezra restait tout de même étrange - et c’était surtout sur cette partie là que l’attention pouvait être portée. Ils ne se parlaient pas, ne prenaient pas de nouvelles l’un de l’autre - cela avait toujours été le cas et ils se portaient tout fait correctement à faire ainsi. Les rares occasions où ils avaient du se retrouver dans la même pièce n’avaient jamais rien eu de réellement joyeux, excepté le jour où Ezra avait rendu visiter à la maternité pour rencontrer Sloan venant à peine de pousser ses premiers cris. A côté de tout ça, il y avait fort à parier qu’insultes et regards de travers, si ce n’était coups portés, seraient de mise quasiment de façon certaine. Aujourd’hui ne serait pas de ces journées là - lire ici de celles où l’épiderme d’Auden finissait contre celui d’Ezra, ou l’inverse - car les mains de ce dernier étaient chargées d’un cadeau qu’il protégerait du monde entier s’il le fallait, et auquel Auden ne ferait aucun mal il le savait. Même s’il était venu jusque chez lui sans pour autant apporter de bonnes nouvelles, il savait qu’il ne s’énerverait pas contre lui si Alice restait dans ses bras. Un être si petit, et pourtant si puissant en cet instant. « Non. » Il souffla et le jeune père se surprit à en faire de même. « Evidemment pas. » - « Crache le morceau alors, Auden. » Il pouvait passer outre le fait qu’il ne soit venu ici que pour servir de messager; en revanche, le pansement avait intérêt à être arraché rapidement pour ne pas le faire trop souffrir.

« Ils ont décidé d’arrêter les recherches, pour Ginny. » Avec surprise, les paroles de Williams vinrent elles sans surprise, justement. Ezra avait anticipé, sans s’en rendre compte, que c’était ce que l’homme à ses côtés s’apprêtait à lui apprendre. « Ça signifie qu’ils ne s’attendent plus à la retrouver vivante. » Laissant son regard s’accrocher un instant supplémentaire au visage d’Auden, alors qu’une lourde peine se posait lentement mais surement sur son coeur, il finit par soupirer à son tour - ses prunelles se déplaçant pour accrocher le doux visage endormi de sa petite fille dans ses bras. Il sentait son coeur se briser, et tout un tas d’émotions accompagner cette action arrivant au pas de course, mais de savoir Alice en bonne santé et paisiblement aux pays des songes dans ses bras arrivait à faire barrière chez Ezra. « Ils penchent pour une disparition volontaire. » Le rire nerveux qui se fit entendre côté Auden était de circonstance. « Ils ont tort. » Ce n’était pas la peine de le prononcer à haute voix, c’était là leur avis à tous les deux il aurait fallu être idiot pour penser autrement. Il ne voulait cependant pas laisser croire Williams qu’il n’écoutait pas ses mots, ses nouvelles, et qu’il n’accueillait pas toutes les conséquences qui allaient de paire avec. « Jamais elle aurait disparu. Pas Ginny. Pas sans donner des nouvelles à quelqu’un, en tous cas. » Elle n’aurait jamais disparu des radars de la sorte, sans faire en sorte de garder le contact avec au moins une personne en qui elle avait confiance. Matt n’était plus de ce monde, mais Jill faisait toujours partie du décor et aurait été parfaite pour ce rôle, dans ces circonstances. « Je vais déménager, tu pourras venir avec Noah prendre ce que vous voulez. Il y a encore des affaires de nourrisson de Sloan. Des jouets, des biberons, ce genre de trucs. Pour la petite. »

Un léger silence, puis: « Je sais pas quoi te dire d’autre. » - « T’as pas besoin d’ajouter quoi que ce soit. »

La main libre d’Ezra se leva pour venir caresser, avec douceur et une stabilité étonnante, le visage d’une Alice qui remuait légèrement contre lui. Surement quelques mauvaises images dans son rêve d’enfant. « Y’a pas besoin d’ajouter quelque-chose. » Ce qu’il lui communiquait était on ne pouvait plus clair: Ginny ne reviendrait pas. Qu’importe l’espoir qu’ils avaient pu, chacun de leur côté et en commun, porter à une réalité où elle réapparaissait un jour s’écroulait désormais. « Ils font leur métier, savent mieux que nous dans ces situations là. » Et même s’il aurait voulu s‘accrocher encore et encore à cet espoir, Ezra ne se montrait pas dupe pour une fois: il n’y avait pas d’utilité à ça. « On passera récupérer les affaires, pour pas que ça t’encombre. Je sais pas quand, tu me diras quand tu comptes déménager, mais ça nous servira. » Il hésita un instant, puis avec un petit sourire en coin malgré lui, il releva son regard vers Auden. « Noah est pas encore au courant, mais les affaires seront pas que pour une petite soeur. » Il n’y avait aucun risque à dévoiler cette information à haute voix face à l’autre homme, puisque ce dernier n’avait aucun intérêt à la divulguer à qui que ce soit une fois en sa possession. Ezra serait de nouveau papa d’ici à quelques mois, et des affaires de nouveau-né supplémentaires ne serait jamais de refus. Surtout qu’en connaissant Auden, il risquait de tomber sur quelques pièces sympathiques - quoi qu’avec des gouts étranges. Après tout, Sloan était le fils de lui et de Ginny; les deux avaient toujours été un brin étranges, aux yeux d’Ezra, malgré tout. « Quand au reste des affaires… On aura qu’à faire le tri sur le moment, je crois. » Parce-que de tout ce qui avait appartenu à Ginny, bien des choses pourraient surement être données ou jetées: il n’était pas nécessaire de tout garder. Ezra avait déjà assez d’affaires qui ne lui appartenaient plus, avec le temps et les épreuves, ce n’était pas forcément nécessaire d’en rajouter une couche. Et puis surtout: ce n’était pas de sa femme dont il était question. « T’auras surement envie de garder plus de choses que moi. »

« Crache le morceau alors, Auden. »

J’aimerais que tout soit aussi simple. J’aimerais que mon silence se résume à être le fruit d’une timidité qui n’est pas la mienne, ou d’une certaine difficulté à statuer la vérité lorsqu’elle se présente face à moi. Ce n’est pas dans mes habitudes. Je parle haut et fort, que mes mots s’apprêtent à être bien accueillis ou non. La réaction des personnes face à moi ne m’importe pas le moins du monde. Sauf ici, maintenant, dans ce cas précis. Sauf lorsqu’il s’agit du parrain de mon fils, sauf lorsqu’il s’agit de la mère de ce dernier aussi. Sauf que le tout n’a jamais fait aussi mauvais ménage, qui plus est. Alors, je souffle une dernière fois et je parle, enfin. « Ils ont tort. » - “Je sais.” Il la connaît comme moi, et il a lui aussi eu un enfant avec elle, ce qui sont assez d’indices et d’informations nous informant tous deux que jamais ô grand jamais la McGrath n’aurait cherché à disparaître volontairement. Elle n’est pas courageuse, mais elle le serait devenue pour ses fils, et jamais elle n’aurait pu en venir à une telle conclusion. « Jamais elle aurait disparu. Pas Ginny. Pas sans donner des nouvelles à quelqu’un, en tous cas. » J’étouffe un nouveau je sais qu’il n’a sûrement pas besoin d’entendre. Non, en effet, jamais Ginny n’aurait disparu d’elle même, mais nous n’avons pas à ressentir le besoin de trouver des arguments entre nous: nous le savons, tout simplement. Ce n’est pas Ginny, et la police a faux sur toute la ligne, ce qui me rend d’autant plus en colère autant qu’attristé face à la conclusion de l’enquête. Une connerie, une vaste connerie.

Mon regard plus triste que jamais se repose sur le Beauregard et sur sa fille dont il prend le plus grand des soins à travers des gestes que je ne connaîtrai plus jamais de mon côté, mon âge autant que la disparition de ma femme me poussant à croire que Sloan est déjà le dernier de mes enfants. Ça non plus, ça n’était pas prévu de cette manière. « Ils font leur métier, savent mieux que nous dans ces situations là. » Ma tête marque la négation. Ils ne savent rien mieux que nous. “Ils parlent sans la connaître.” Les preuves matérielles sont une chose, les témoignages une autre, mais jamais ils n’ont réussi à se mettre dans la tête de Ginny, et pour ça je continuerai de leur en vouloir pour le reste de mon existence, à avoir perdu du temps à faire de moi le coupable tout désigné plutôt que de se concentrer sur tous ceux qui auraient réellement pu l’être. “J’ai engagé une détective privée.” Je souffle au milieu du reste, sans chercher à ce qu’il prenne de nouveau part aux recherches de River. Je veux simplement que ce soit une information portée à sa connaissance. Du reste, je ne lui demande rien.

Puisque je ne sais pas quand est-ce que j’aurai le coeur de parler de nouveau au Beauregard, j’en profite aussi pour lui faire part de mon intention de déménager, ce qui va de pair avec des affaires de Ginny qu’il peu récupérer, et d’autres de Sloan dont il aura bien plus besoin que moi maintenant que le garçon est déjà grand. « On passera récupérer les affaires, pour pas que ça t’encombre. Je sais pas quand, tu me diras quand tu comptes déménager, mais ça nous servira. » J’hoche la tête et me note mentalement de le tenir au courant, quand bien même rien n’avance réellement pour l’heure. Vivian attend après moi, j’attends après James, et mon ego bloque le tout. Je compte déménager, je compte me faire de nouveaux souvenirs. Je ne sais simplement pas quand. Un jour. Bientôt, peut-être. « Noah est pas encore au courant, mais les affaires seront pas que pour une petite soeur. » Je relève vivement mon regard en sa direction, pour m’assurer que je comprends bien ce qu’il tente de me dire. Il a plus que jamais refait sa vie, bien mieux que je ne saurai sans doute jamais le faire. Tristement, et pourtant sincèrement, j’esquisse un sourire en sa direction. “Félicitations.” Je souffle donc. Encore. Noah va grandir entouré d’enfants dont aucun n’aura la même mère que lui, et peut-être qu’une part de moi craint un peu trop qu’il puisse oublier Ginny. Je sais qu’Ezra veillera à ce que cela n’arrive jamais. Je veux y croire, du moins. « Quand au reste des affaires… On aura qu’à faire le tri sur le moment, je crois. T’auras surement envie de garder plus de choses que moi. » A nouveau, je souffle. Les raisons sont différentes mais la finalité identique. “Je sais pas. On verra le moment venu, j’imagine. Pour le moment j’ai touché à rien.” Parce qu’une enquête était en cours et parce que ça m’arrangeait bien, cette excuse. Je ne veux pas déranger ses affaires, je ne veux pas les bouger de sa place. Je veux qu’elle revienne, tout simplement, et je refuse de prendre le risque de lui faire croire qu’elle n’est plus la bienvenue si jamais elle voyait ce que j’ai fait de ses souvenirs et des nôtres. Finalement, Ezra a vécu quelque chose de semblable en son temps. J’ai passé ma vie à lui reprocher son inaction, et j’en suis au même stade. “Je me suis toujours dit que j’abandonnerai pas avant qu’ils aient un corps.” Que je n’abandonnerai pas sans preuves. “Et… ils en ont un. Pas Ginny. Rien d’identifiable, du moins. Mais c’est une femme de son âge et… ça pourrait être elle. Je dis pas que c’est le cas. Je dis juste que ça pourrait. Hypothétiquement.” Plus d’empreintes, plus de dents, pas de tatouages. Rien de significatif, évidemment plus aucun ADN d’aucune sorte. Mais c’est une femme dont la taille correspond, alors, alors… ça pourrait. Si c’était bien elle, peut-être… “Je suis allée l’identifier. J’ai espéré que ce soit elle pendant un moment, tu sais. Pour au moins avoir une conclusion sur cette histoire.” Et comme il l’entend par mon ton de voix, je m’en veux évidemment, parce qu’il n’y a aucun monde dans lequel j’aurais préféré la savoir morte plutôt qu’entre mes bras.

moved on the edge to throw it all away

@auden williams

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« Je sais. » Bien sur qu’il savait, la question ne se posait même pas. Ezra se contentait d’ailleurs d’énoncer les faits avec lesquels il se mettait à jour, et ce à haute voix; rien de plus. Bien sur qu’Auden savait qu’elle n’aurait jamais abandonné les garçons, parce-qu’il le savait lui-même aussi bien que le premier. Ses fils étaient la plus belle réussite de sa vie à travers toutes les étapes qu’elle avait du traverser, et elle avait toujours fait en sorte d’être une excellente mère pour eux. Ginny n’aurait pas conséquent jamais disparue volontairement de la circulation - en revanche, il était fortement possible qu’elle n’y réapparaisse pas de si tôt, voire pas du tout effectivement. A partir du moment où la police avait été impliquée et où la jeune femme avait été portée disparue officiellement, c’était là une possibilité qui avait toujours été mise en avant.  Il voyait bien dans le coin de son regard qu’Auden n’était pas d’accord avec lui, mais une fois n’étant pas coutume, ce n’était pas important pour la situation qu’ils soient sur la même longueur d’onde; ça ne ferait pas réapparaitre miraculeusement Ginny plus rapidement. « Ils parlent sans la connaître. » - « Mais ils ont l’expérience dans le domaine. » Ils n’avaient peut-être pas les souvenirs que les deux hommes possédaient, mais ils avaient les techniques qu’aucun des deux ne savaient utiliser. Peut-être qu’elle n’était pas partie volontairement, mais elle restait introuvable dans tous les cas. « J’ai engagé une détective privée. » Fronçant légèrement les sourcils, le visage d’Ezra se releva vers celui de l’italien depuis celui de sa fille. « Une détective privée ? Pourquoi faire ? » Il ne faisait pas confiance en les capacités des forces de l’ordre, mais apparemment même il désirait aller contre elles; pourquoi ? Ce n’était pas en s’éparpillant de la sorte qu’un miracle allait arriver. Pour une fois, Ezra était tout à fait lucide sur la situation - il l’avait été depuis plusieurs semaines déjà.

Ce n’était ni par envie, ni par gaieté de coeur que les deux faisant partie des hommes les plus importants de la vie de Ginny s’échangeaient des nouvelles de leurs vies; en général, et aujourd’hui était le cas, ils le faisaient lorsqu’ils avaient des choses importantes à mettre en avant en agissant de la sorte. Ce n’était pas parce-qu’il était fier de lui annoncer qu’il allait déménager que Auden le faisait, mais simplement pour le prévenir qu’il y aurait des affaires appartenant à Noah et surement d’autres à Ginny à venir chercher sur place. Ce n’était pas parce-qu’il était pressé de le crier sur tous les toits - peut-être un petit peu, tout de même - qu’Ezra s’empressa de préciser que les affaires d’enfant n’irait pas à Alice mais au prochain enfant que Lily mettrait au monde, celui qu’elle portait déjà en son sein. Lorsque Williams releva son regard dans le sien, une certaine interrogation persistant dans ce dernier, Ezra hocha quelque peu la tête en étirant un maigre sourire pour lui faire comprendre justement qu’il avait bien compris. « Félicitations. » - « Merci. » Etrangement, cela lui faisait du bien de pouvoir le lui dire sans avoir peur d’une quelconque conséquence; il en existait, certes, mais ce n’était pas quelque-chose que Beauregard craignait en cet instant, étrangement. « Je sais pas. On verra le moment venu, j’imagine. Pour le moment j’ai touché à rien. » Doucement, il hocha la tête. De toutes façons, ce n’était pas pressé, ils avaient tout le temps devant eux pour décider de ce qu’ils feraient des affaires qui restaient entre leurs mains - et rien que de conjuguer cette partie là au pluriel prouvait que c’était le genre de situation qui demandait de prendre le temps d’être intégrée.

« Je me suis toujours dit que j’abandonnerai pas avant qu’ils aient un corps. » Il s’était surement dit bien plus de choses qu’Ezra n’avait pu s’en dire de son côté pendant le même laps de temps. Ils n’avaient pas eu les mêmes rôles dans cette affaire, et même si cela était forcément fortement désolant, c’était ainsi que les choses étaient établies. Auden était officiellement le mari de Ginny, si bien qu’il était celui se retrouvant en première ligne et étant tenu informé des avancées. Ezra n’était qu’une pièce rapportée désormais dans ce tableau, et c’était l’italien lui-même qui lui fournissait les nouvelles qui permettaient de ne pas perdre le fil. Ezra s’était toujours dit qu’il arrêterait lorsque l’espoir paraitrait vain, et lorsque la police ne pourrait leur donner de nouvelles informations - il ne pouvait pas être bien plus efficace que les professionnels du domaine, alors il se remettait à eux sans hésiter. Ce n’était pas le cas d’Auden, il avait toujours eu une façon bien à lui d’être borné. La façon dont il abordait cette partie là des sujets sensibles en revanche voulait dire une seule et unique chose: ils avaient trouvé un corps. Alors, Ezra retint sa respiration, attendit silencieusement la suite de son explication - heureusement qu’elle ne tarda pas à se faire entendre. « Et… ils en ont un. Pas Ginny. Rien d’identifiable, du moins. Mais c’est une femme de son âge et… ça pourrait être elle. Je dis pas que c’est le cas. Je dis juste que ça pourrait. Hypothétiquement. » Bien sur qu’il peina à déglutir correctement en cet instant, et qu’instinctivement il resserra un brin davantage la petite contre lui. Ca pourrait être elle: ce n’était pas assez, en réalité. Ca pourrait être elle voulait dire qu’il y avait une infinité de possibilités où ça ne l’était pas, justement. Mais pouvaient-ils exiger davantage dans une situation où ils n’avaient pas la main. « Et ? » Sa voix était presque timide. « Je suis allée l’identifier. J’ai espéré que ce soit elle pendant un moment, tu sais. Pour au moins avoir une conclusion sur cette histoire. » Ce n’était donc pas elle, in fine. Auden l’aurait reconnu, même si la vie lui avait joué de sales tours entre temps; c’était au moins une chose sur laquelle Ezra lui faisait confiance - et ces choses là se comptaient à peine sur les doigts d'une main. Le regard de Beauregard passait de sa fille pour se rassurer et se donner une certaine contenance en continu, à Auden dont la voix était différente, changée par rapport à d’habitude. Les dernières paroles qu’il avait prononcé repassèrent en boucle pendant une poignée d’instants dans l’esprit d’Ezra, avant qu’il ne soupire légèrement. « Ca aurait été plus simple pour tout le monde, je crois. » Que ce soit elle, que ce soit Ginny qui avait été identifiée. « Pour les garçons surtout je crois. » Ezra ne voulait pas avoir à apprendre que quiconque sur cette planète pouvait confirmer le décès de Ginny; mais il préférait encore que ce soit le cas que de savoir qu’elle pouvait être en danger quelque part.

Un vilain frisson lui parcourut l’échine, lui faisant secouer quelque peu son visage. Ses yeux se raccrochèrent bien sur sur Alice, sur cet avenir qu’il tenait entre ses bras, sur tout un tas de choses qui faisaient qu’aujourd’hui, il ne pouvait se permettre de trop glisser dans des pensées qui pouvaient être dangereuses pour son esprit. « On aura un réponse un jour, je suis sur. Pas aujourd’hui, mais un jour. » Malgré tout, il faisait partie des optimistes - même lui avait souvent du mal à le croire, mais c’était pourtant le cas. « Faut juste… laisser le temps faire, quoi. » Ils ne pouvaient pas faire grand chose d’eux même, et ils avaient d’autres personnes sur qui veiller en attendant qu’une nouvelle leur parvienne du front. « Et si un jour ils trouvent un autre corps et que tu veux que j’aille l’identifier à ta place… » Il vomirait probablement toutes ses tripes dans la seconde qui suivrait la vision d’un corps froid, mais ce qu’il voulait dire c’était qu’il restait sur le banc de touche tout de même. Un brin reculé, semblant moins appliqué que d’autres joueurs dans le match se déroulant sous ses yeux, mais il saurait prendre le devant de la scène au dernier moment si on lui demandait. En attendant, il se concentrait sur d’autres choses, sur d’autres personnes, sur d’autres détails.