Lily n’est pas la meilleure des amies, c’est un fait. Disons simplement que ses amitiés ne sont pas au premier plan dans les plans de son existence. Elle les chérit, parfois, mais elle sait qu’elles peuvent surtout être de puissants leviers pour la suite. Bien s’entourer est nécessaire, surtout avec des ennemis tels qu’Eliot, par exemple. Elle doute pourtant que Maritza puisse apporter quoi que ce soit de tangible à son quotidien, raison pour laquelle elle se contente de penser qu’elle agit purement et simplement en tant que bonne citoyenne. Se souvenir qu’autrui a des problèmes bien pires que les siens permet aussi de relativiser, et il faut bien avouer que Maritza Gutiérrez n’a pas eu une vie facile récemment. Lily sait évidemment qu’elle a perdu un enfant bien trop tôt dans son existence, et elle mentirait si elle disait pouvoir rester de marbre face à une telle nouvelle qu’elle a vécu encore et encore au gré de ses nombreuses fausses-couches ayant ponctuées la dernière décennie de son existence.
Lily Keegan Bonjour, vous avez laissé quelques affaires à l’Association Beauregard, est-ce que je vous les mets de côté ?
L’excuse est toute trouvée, sans doute même un peu trop simpliste, mais peu importe. Lily pense sincèrement qu’elle a besoin de parler à quelqu’un qui peut comprendre la sensation de perdre un enfant bien trop jeune, sans que cela ne soit dans le cours naturel des choses. Et quand bien même elle ne voudrait pas lui parler directement de cela, la brune est doté d’un talent certain pour le small talk du quotidien, cela ne représenterait donc pas un problème pour elle. Elle a caché ses deux mois de grossesse sous une chemise à peine plus ample qu’à son habitude, son ventre étant déjà bien plus gonflé qu’elle n’en a eu l’habitude. Pour autant, elle ne cherche pas à ce que la nouvelle se sache déjà, pas alors que sa fille a à peine quatre mois. Les bruits de couloirs se propageraient à la vitesse de la lumière et elle ne peut pas les gérer en cet instant, pas alors qu’elle se montre éternellement à bout de nerfs et accablée de fatigue.
Un problème à la fois, donc. Aujourd’hui, elle fait sa bonne action en s’assurant que Maritza se préserve autant que possible à en juger par la situation, ce qui n’est certainement pas une mince affaire. Depuis leur dernière rencontre, Maritza a perdu un enfant et Lily a donné la vie. Parfois, la vie est injuste, et pour autant la Keegan ne changerait pour rien au monde l’existence d’Alice dans son quotidien, bien qu’elle rende les choses plus difficiles au jour le jour. Elle sera une fille à papa, c’est certain. En attendant qu’elle soit véritable en âge de statuer de ses propres mots qu’elle préfère papa à maman, c’est perchée sur ses talons hauts que Lily accueille elle-même Maritza à l’accueil du building de l’Association, soucieuse qu’elle ne passe pas au travers de diverses personnes avant d’arriver jusqu’à elle. “Maritza, cela faisait longtemps.” Elle l’accueille avec son sourire répété encore et encore, lisse et parfait. Une main passe nerveusement contre son ventre, comme pour s’assurer qu’il n’a pas grossi le temps que l’ascenseur la mène quelques étages plus bas. “J’ai ramené les affaires dans mon bureau. Thé ? Café ?” Elle essaie de faire de son mieux pour lui rendre la visite la plus simple possible, à défaut que cela lui soit sûrement agréable d’évoluer dans un milieu aussi fort en émotion que celui d’une Association se battant contre le cancer. “Votre absence s’est fait ressentir.” Elle rajoute avec un sourire poli, non pour la faire culpabiliser mais bien pour qu’elle comprenne qu’elle est un atout précieux de l’Association.
Maritza Gutiérrez
la cheffe de tribu
ÂGE : 51 ans SURNOM : Mari, Za' STATUT : Divorcée. Elle a été mariée pendant 10 ans avec Sergio. En 2002 ils signent les papiers du divorce mais depuis la mère de famille n'a jamais refait sa vie. MÉTIER : Femme de ménage, nourrice, cuisinière, en gros, elle est bonne à tout faire. LOGEMENT : #32 Parkland Boulevard (Spring Hill) POSTS : 682 POINTS : 0
Maritza avait attendu quelques jours avant de répondre à Lily. La vérité était qu'elle avait dans un premier temps choisi d'ignorer le sms qu'elle avait reçu. Lorsqu'elle l'avait lu, elle avait senti des palpitations, son cœur s'était emballé tandis que des sueurs froides glissaient le long de sa colonne vertébrale. Elle ne s'était pas attendue à recevoir un message de la trentenaire. Cette dernière l'avait informé qu'elle avait laissé des affaires à l'association. Faire la morte avait été la seule réponse qu'elle avait trouvé. Cette décision n'avait pas tenu longtemps. Les jours étaient passés mais le mexicaine n'avait eu de cesse de se rappeler les mots lus. Elle avait envisagé de lui dire de donner ses affaires à des gens dans le besoin mais s'était ravisée. Elle ne savait pas ce qu'elle avait pu laisser là-bas et l'idée de donner des objets qui auraient pu appartenir à Maria lui glaçait le sang. Elle avait donc répondu qu'elle passerait le samedi dans l'après-midi afin de récupérer tout cela.
Ce fut donc la boule au ventre qu'elle se gara devant l'association. La mère resta dans sa voiture de longues minutes, tentant de calmer sa respiration qui était beaucoup trop rapide et d'afficher une mine à peu près présentable. Elle entrait, elle saluait le personnel, récupérait ses affaires et disparaissait à tout jamais pour ne plus jamais remettre les pieds dans cet endroit qui lui rappelait tant sa fille. C'était ça le plan. Elle finit par descendre et par passer les portes. Elle offrit quelques sourires réservés aux personnes qu'elle croisa et tomba rapidement sur Lily qui venait à sa rencontre. « Maritza, cela faisait longtemps. ». Gutiérrez fut incapable de répondre et se contenta de sourire de manière distraite en hochant affirmativement la tête. Si la mère de famille semblait ailleurs et quelque peu perdue, elle ne manqua pas le geste qu'elle venait de faire sur son ventre. Maritza ne dit rien pourtant ses sourcils se froncèrent. Lily avait accouché c'était certain. Quand ? Elle l'ignorait. Ce qui perturbait quelque peu la cinquantenaire était le fait qu'elle ait caressé le morceau de tissu qui recouvrait son corps. Ce geste était habituellement réservé aux femmes enceintes ou à ceux qui avaient trop mangé. Elle fut sortie de ses pensées lorsque Lily reprit la parole : « J’ai ramené les affaires dans mon bureau. Thé ? Café ? ». Prise au dépourvu, elle répondit instinctivement : « Un thé, merci. » Pourquoi n'avait pas décliné son offre comme elle se l'était dit dans son véhicule. Rester en compagnie de Lily ne faisait pas partie de ses plans. Elle savait qu'en buvant un thé elles seraient obligées de discuter et la mexicaine ne s'en sentait pas la force. Elles déambulèrent dans les couloirs, Maritza tremblant par moments à la vue de certains cadres, de dessins d'enfants ou encore de certains endroits où elle s'était tenue avec sa fille quelques mois plus tôt. « Votre absence s'est fait ressentir. » Les mots la frappèrent de plein fouet alors qu'elle relevait le visage vers la directrice. Elle se mordit la lèvre et murmura : « Je ne suis pas sûre d'être d'une grande aide actuellement... » La confession était difficile à admettre mais elle était sincère. La matriarche avait déjà du mal à tenir sur ses jambes et à soutenir sa famille à bout de bras, elle savait pertinemment qu'elle ne serait qu'un poids pour les autres. Il y avait ça, et aussi le fait que ces lieux lui rappelaient sans cesse le fait qu'elle avait perdu sa fille, qu'elle ne reverrait jamais Maria. Elles arrivèrent devant le bureau de Lily mais Maritza se stoppa instantanément. Elle ressentait de l'appréhension à l'idée de se retrouver dans cette pièce. Gênée, elle balbutia : « Vous... Les affaires que vous avez trouvées... Qu'est-ce que c'est ? » Il fallait qu'elle se prépare mentalement à ce qu'elle allait découvrir sous ses yeux.
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Dernière édition par Maritza Gutiérrez le Mar 16 Juil 2024 - 23:29, édité 1 fois
Lily use et abuse de politesse sans que cela ne soit par stratégie, pour une fois. La cause la touche sincèrement, et cela n’a pas tout à voir avec son état de santé actuel et le fait qu’elle s’apprête à donner la vie pour la deuxième fois d’ici la fin de l’année. Maritza a perdu sa fille sans que ce soit dans l’ordre des choses, et cette dernière a perdu la vie à l’hôpital, après avoir été aussi suivie que possible par l’Association. Personne n’a pu la sauver, mais elle a au moins à cœur de penser qu’ils ont pu alléger un brin la douleur de la mère. « Un thé, merci. » Lily fait passer le mot à son assistante et se contente d’amener Maritza jusqu’à son bureau pour qu’elle puisse se poser et peut-être se sentir un peu plus à l’aise. Elle lui épargne le choix plus précis de thé, bien certaine qu’une telle question représente pour l’heure le cadet de ses soucis.
« Je ne suis pas sûre d'être d'une grande aide actuellement... » Elle est touchante de sincérité. Elle est bouleversante, aussi. “Je ne vous demande rien, ne vous en faites pas.” Elle n’a pas le moindre service ou demande à lui proposer: elle peut récupérer les affaires et s’en aller, tout comme elle peut refuser de les récupérer et toujours s’en aller. Lily comprend sa peine, et elle ne cherche pas à l’étendre outre mesure. Lorsque ses talons hauts cessent de claquer contre le carrelage de l’immeuble, ce n’est que pour lui ouvrir la porte de son bureau et laisser à Maritza la politesse de passer la première. La seconde qui s’ensuit, Lily lui désigne le canapé du bout de son bras tendu pour l’inviter à s’asseoir, et ce n’est qu’à cet instant qu’elle se rend compte que la matriarche n’a jamais passé le seuil de la porte. « Vous... Les affaires que vous avez trouvées... Qu'est-ce que c'est ? » - “Asseyez-vous, s’il vous plaît.” Elle veut lui en parler aussi calmement et doucement que possible, ce qui commence par une discussion sur le canapé, pour qu’elle n’ait pas à (littéralement) tomber de trop haut. Il n’y a aucun secret caché dans les affaires qu’elle s’apprête à lui rendre, loin de là. Le véritable problème réside dans tous les souvenirs qu’elles amènent avec elles. “Ce sont des photos, des souvenirs des différents ateliers. Quelques affaires, aussi.” Il n’y a pas à faire de suspens sur la nature desdits souvenirs, raison pour laquelle Lily décide de lever rapidement le voile tout en menant la danse pour s’asseoir la première sur le bout du canapé. Le dos droit, le menton relevé, elle laisse son regard se poser avec empathi sur le profil de la mère endeuillée. “Je peux appeler quelqu’un d’autre de votre famille pour récupérer les affaires, si vous préférez. Ou les entreposer à l’association un peu plus longtemps, si nécessaire.” Elle peut comprendre qu’elle ne se sente pas de faire face à la mort de sa fille, tout simplement. Lily a perdu des enfants à même son ventre et elle ne s’en est jamais remise alors qu’ils n’avaient même pas de prénoms ; elle n’ose pas imaginer ce que représente le fait de perdre un enfant avec laquelle elle a interragi et aimé pendant des années.
Maritza Gutiérrez
la cheffe de tribu
ÂGE : 51 ans SURNOM : Mari, Za' STATUT : Divorcée. Elle a été mariée pendant 10 ans avec Sergio. En 2002 ils signent les papiers du divorce mais depuis la mère de famille n'a jamais refait sa vie. MÉTIER : Femme de ménage, nourrice, cuisinière, en gros, elle est bonne à tout faire. LOGEMENT : #32 Parkland Boulevard (Spring Hill) POSTS : 682 POINTS : 0
« Je ne vous demande rien, ne vous en faites pas. » Maritza acquiesça en silence. Elle était rassurée de savoir que Lily n'attendait rien d'elle parce qu'elle savait qu'elle n'avait actuellement rien à offrir. Si la directrice de l'association lui avait demandé à quelconque service ou une quelconque aide, Mari n'aurait jamais su dire non et se serait sans nul doute trouvée en difficulté. Elle avait déjà du mal à garder la tête sur les épaules et à affronter chaque nouvelle journée qui commençait pour pouvoir décemment se rendre utile ailleurs. Une fois devant le bureau de la brune, Gutiérrez se retrouva incapable de passer le seuil. Quelque chose dans son for intérieur la pétrifiait sur place tandis qu'elle sentait des picotements dans sa nuque qui s'était raidie. Lily ne parvint pas à la détendre lorsqu'elle lui répondit : « Asseyez-vous, s’il vous plaît. » Au contraire, la mère de famille sentit l'angoisse croître en elle. Pourquoi n'avait-elle pas tout simplement répondu à sa question ? Comme toujours lorsqu'elle s'inquiétait, la mexicaine se mit à imaginer tous les scénarios envisageables, des plus crédibles aux plus absurdes, des plus rationnels aux plus irrationnels. Sentant que ses jambes tremblaient de plus en plus alors qu'elle commençait à regretter amèrement d'être venue dans les locaux, elle s'accrocha maladroitement à la porte afin de ne pas vaciller. La directrice dut sentir son inquiétude ou lire la panique grandir dans son regard puisqu'elle finit par concéder : « Ce sont des photos, des souvenirs des différents ateliers. Quelques affaires, aussi. ». La cinquantenaire déglutit avec difficulté, se préparant mentalement à revoir des objets que Maria avaient touchés, des photos sur lesquelles elle apparaissait. Elle ne savait pas si elle était prête pour tout cela. Elle n'arrivait déjà pas à remettre les pieds dans la chambre de sa fille et mettait un point d'honneur à laisser la porte close alors avoir sous le nez des images de son enfant lui paraissait insurmontable.
Maritza observa Lily s'installer sur le bord du canapé et fronça les sourcils lorsqu'elle l'entendit lui dire : « Je peux appeler quelqu’un d’autre de votre famille pour récupérer les affaires, si vous préférez. Ou les entreposer à l’association un peu plus longtemps, si nécessaire ». Avec virulence elle répondit : « Je... Non ! ». puis finit par retrouver l'usage de ses jambes qui la menèrent maladroitement sur le canapé où elle se laissa tomber. A l'opposé de Lily, la mère de famille se rendait compte qu'il n'était pas question que quelqu'un d'autre touche aux affaires de sa fille. Bien sûr Sergio aurait pu venir les récupérer mais égoïstement, Maritza voulait que tout lui revienne. S'il s'était montré présent, à l'écoute et attentionnée envers sa fille, la mexicaine n'oubliait pas qu'il les avait abandonnés à de trop nombreuses reprises. « J'ai un peu peur » murmura-t-elle honteuse. Peur de quoi ? Elle n'aurait su le dire. Revoir sa fille sur du papier glacé était plus terrifiant que ce qu'elle aurait pu imaginer. Elle avait peur d'être balayée par la tristesse et la douleur et de s'effondrer dans le bureau de la jeune femme. Maritza finit par relever le visage en direction de la brune et après s'être nerveusement mordu la lèvre poursuivit : « C'est ridicule, je sais. ». Elle baissa quelque peu le visage en direction du ventre de Lily, et dans un sourire nostalgique lui demanda : « Votre bébé se porte bien ? ». Elle n'avait pas oublié que la directrice était enceinte la dernière fois qu'elles s'étaient vues, mais Maritza trop préoccupée par son deuil n'avait même pas pris la peine de la féliciter pour son accouchement. Un peu timidement, et gênée de faire irruption dans sa vie personnelle, elle osa tout de même demander : « C'est une petite fille ou un petit garçon ? ». Parler d'autre chose que Maria la détendait quelque peu et retardait le moment fatidique où elle devrait affronter les souvenirs qui risquaient de tout ravager sur leur passage.
Elle tente de parler aussi doucement que possible, sans pour autant en venir à infantiliser Maritza. Simplement, l’instant est difficile et Lily en a parfaitement conscience, elle tente simplement d’adoucir les angles sur les maigres points où elle a le contrôle. Le premier d’entre eux reste la façon dont elle lui annonce la nouvelle, par exemple. « Je... Non ! » La réponse a le mérite d’être claire, et Lily n’insiste pas davantage. Maritza semble vouloir s’occuper elle-même des affaires de sa fille et, évidemment, elle ne peut que comprendre. A sa place aussi, elle aurait refusé que qui que ce soit s’en charge. Elle a mis au monde cet enfant, elle seule. Tout le reste n’est que la suite logique de cet événement, à commencer par l’amour qu’elle continue de lui porter, et ce même après sa mort. Lily a aimé chacun de ses enfants, même ceux qu’elle n’a jamais pu observer de ses propres yeux, et ce n’est qu’une raison parmi tant d’autres qui l’aident à comprendre le deuil incommensurable de la mère de famille, enfin assise sur le canapé désormais.
« J'ai un peu peur. » La confession est touchante, de celles que jamais Lily n’aurait pu tenir en public, encore moins face à une quasi-inconnue. Après tout, avoir un parcours semblable ne fait pas d’elles des alliées, ou des proches. Elles se comprennent simplement. Pour l’heure, elles en sont là. « C'est ridicule, je sais. » - “Non, je ne pense pas.” Elle n’aurait pas su trouver les mots courageux pour autant, ce n’est pas ce qu’elle dit, mais elle refuse de penser qu’ils ont quoi que ce soit de négatif pour autant. Il n’y a pas de mot pour appeler une mère ayant perdu son enfant, et ce simple fait suffit à résumer l’ignorance du monde à propose de la ribambelle de sentiments qui suivent une telle période difficile de l’existence de certaines personnes. “De quoi avez vous peur exactement ?” Elle n’est pas psychologue, mais elles peuvent peut-être trouver des solutions ensemble malgré tout.
Comme elle aurait dû s’y attendre, les gestes naturels et répétés contre son ventre finissent par attirer la curiosité de Maritza, sans que cela n’ait jamais été l’effet escompté. « Votre bébé se porte bien ? » Mais à en juger par son regard, elle ne parle pas de celui qu’elle porte de façon encore assez discrète, mais bien de celui qui anime le babyphone régulièrement. « C'est une petite fille ou un petit garçon ? » Les questions s’accumulent déjà et Lily y répond enfin, après avoir pris place face à la mère de famille, un maigre sourire au coin des lèvres. “C’est une petite fille qui se porte à merveille.” La comparaison est sans doute d’autant plus difficile à avancer en cet instant mais Lily n’aurait pas eu à coeur de mentir sur un tel sujet: Maritza a perdu une fille, Lily en a donné vie à une autre. Ce n’est que le cours de la vie, sans doute, et il n’y a pas à en tirer davantage de conclusions. En disant ça, elle continue de garder une main posée contre son ventre. “On est pas obligées d’en parler. Je sais que le sujet est difficile.” Il l’est aussi pour Lily, de toute façon, sans qu’elle n’ait jamais su le prévoir. Alice se porte à merveille mais Alice ne dort jamais et refuse de manger lorsque Lily lui propose quoi que ce soit, ce qui n’aide certainement pas la mère à se sentir à sa place, sereine et reposée. “Je suis revenue travailler aussi vite que je l’ai pu. Je fais la distinction entre ma famille et le reste.” Elle ne cherche pas à la cacher, mais elle ne cherche pas non plus à en faire le centre de son attention: Maritza n’est pas tenue de poser des questions par pure politesse ; Lily ne lui tiendrait pas rigueur d’un certain silence. “J’ai… Je ne saurai jamais ce que c’est que de perdre un enfant, mais j’ai connu plusieurs fausses-couches avant Alice. Ce n’est pas comparable, mais si jamais vous pensez que vous ne pouvez pas vous confier, c’est faux.” Elle esquisse un sourire en demi-teinte, tentant de se montrer présente sans s’imposer, un exercice ô combien délicat.
Maritza Gutiérrez
la cheffe de tribu
ÂGE : 51 ans SURNOM : Mari, Za' STATUT : Divorcée. Elle a été mariée pendant 10 ans avec Sergio. En 2002 ils signent les papiers du divorce mais depuis la mère de famille n'a jamais refait sa vie. MÉTIER : Femme de ménage, nourrice, cuisinière, en gros, elle est bonne à tout faire. LOGEMENT : #32 Parkland Boulevard (Spring Hill) POSTS : 682 POINTS : 0
Admettre à Lily qu'elle avait peur avait été difficile pour Maritza. Entendre sa voix prononcer ces mots l'avait elle-même surprise. Depuis le décès de sa fille, la mexicaine mettait un point d'honneur à ne pas montrer ses faiblesses. Elle préférait s'enfermer dans sa chambre, hurler dans son oreiller, pleurer sous la douche que d'admettre qu'elle était en souffrance. Garder la tête haute était ce qui lui permettait de tenir debout. Bien sûr personne n'était réellement dupe. Le fait qu'elle ait perdu son sourire éclatant, qu'elle se soit renfermée, qu'elle passe ses nerfs sans arrêt sur ses enfants étaient des signes qu'elle n'allait pas bien. Dire à une presque inconnue qu'elle était effrayée ne lui ressemblait pas et elle n'aurait su dire pourquoi c'était à Lily qu'elle avait fait une telle confession. Lorsqu'elle balbutia qu'elle savait que c'était ridicule, elle fut quelque peu soulagée de voir la femme qui lui faisait face la détromper. « De quoi avez vous peur exactement ? » Maritza fronça les sourcils, sentit ses joues s'empourprer et continua de jouer nerveusement avec les bagues qu'elle avait autour des doigts. Elle se pinça les lèvres quelques secondes, hésita et puis répondit : « De m'effondrer. » Paradoxalement, elle n'avait pas cillé en disant ces mots, n'avait pas détourné le regard. Sa voix n'avait pas tremblé, sa langue n'avait pas fourché. Dans un souffle elle ajouta : « De ne jamais m'en remettre. » Son cœur se mit à battre plus vite alors qu'une vérité bien différente venait de faire son apparition dans son esprit. Cette fois-ci elle baissa la tête alors qu'elle acheva : « Ou au contraire, de m'en remettre. ». La confession lui retourna l'estomac tandis qu'elle prenait soudainement conscience d'une partie du problème qu'elle n'avait jamais envisagée avant. Que dirait-on d'elle si elle parvenait à faire son deuil ? Avait-elle le droit de profiter à nouveau de la vie ? On lui avait retiré la chair de sa chair, on lui avait ôté ce qu'elle avait de plus précieux, cela lui paraissait inconcevable de retrouver le goût de vivre. Que ferait-elle si cela venait à lui arriver ? Serait-ce une trahison auprès de Maria ? Elle ferma les yeux, refusant de cogiter davantage sur ce point.
Après un instant de silence, la discussion bascula sur Lily et son enfant. En la questionnant, Maritza avait cherché à détourner la conversation afin de ne pas s'enfermer dans une spirale destructrice. Un moment de répit, voilà ce qu'elle venait de s'offrir. « C’est une petite fille qui se porte à merveille. » La poitrine de la mexicaine se souleva brusquement. L'annonce d'une petite fille la bouleversait plus qu'elle ne l'aurait imaginé. Elle resta médusée, n'ayant pas le réflexe de la féliciter, de lui demander son prénom ou encore de lui demander quand elle avait accouché exactement. Sans doute que son silence avait parlé pour elle puisque Lily s'était empressée d'ajouter : « On est pas obligées d’en parler. Je sais que le sujet est difficile. » Cela sortit Maritza de sa léthargie qui s'empressa alors de secouer sa tête de gauche à droite : « Non, non, pas du tout. Je suis heureuse pour vous. » dit-elle en souriant. Elle était sincère, malgré le fait qu'elle ait perdu une enfant, elle se réjouissait de savoir que les autres ne vivaient pas le même enfer. Elle était d'autant plus heureuse pour Lily qui avait fait tant de choses pour elle et sa famille. Cette femme était d'une aide précieuse, et le réconfort et le soutien qu'elle apportait aux familles qui se battaient contre la maladie n'avaient pas de prix. Lorsqu'elle lui expliqua qu'elle avait rapidement voulu retourner au travail, Maritza hocha la tête pour lui faire comprendre qu'elle comprenait son choix. Elle avait fait l'inverse de son côté. Lors de sa première grossesse, la mexicaine faisait des études pour devenir infirmière, elle avait alors tout plaqué du jour au lendemain et n'avait jamais repris le chemin des bancs de l'école, ce qu'elle regrettait parfois. « J’ai… Je ne saurai jamais ce que c’est que de perdre un enfant, mais j’ai connu plusieurs fausses-couches avant Alice. Ce n’est pas comparable, mais si jamais vous pensez que vous ne pouvez pas vous confier, c’est faux. » Les lèvres de la brune s'entrouvrirent tandis que la compassion se lisait dans son regard. Jamais elle n'aurait pu se douter d'une telle chose. Maritza se doutait que la douleur ressentie par Lily devait être incommensurable pourtant elle ne pouvait se l'imaginer. La mexicaine avait mis au monde sept enfants, elle n'en avait jamais perdu aucun – avant Maria – elle n'avait jamais senti la vie la quitter alors qu'elle la tenait en son sein. « Je suis navrée de l'apprendre, sincèrement. » lui dit-elle d'une voix douce. « Personne ne devrait endurer une telle épreuve. ». Alors qu'elle lui parlait, Maritza se rendit compte que Lily ne lâchait toujours pas son ventre. La matriarche fronça les sourcils. Lily avait accouché quelques semaines peut-être même quelques mois auparavant, ce geste-là – si les mères de famille le gardaient encore quelques jours après l'accouchement – disparaissait normalement bien vite. Elle hésita quelques secondes, sans savoir comment formuler sa question, et de but en blanc demanda : « Vous êtes à nouveau enceinte ? » Il n'y avait aucun jugement dans sa voix, peut-être un peu de surprise. Etait-ce possible que Lily attende une nouvelle fois un heureux événement ? Etait-ce un retour de couche ?
Il est bien rare que Lily reçoive des patients, anciens patients et de la famille dans son bureau uniquement pour parler paperasse et faits. Elle est à la tête d’une association qui pousse les cœurs à tantôt se déchirer et à tantôt se réparer maladroitement. Il ne se passe pas un jour sans qu’elle n’ait le coeur retourné, ou rassuré. Il n’existe jamais de juste milieu, pas alors que beaucoup de ses patients ne sont que des enfants et qu’elle ne sait faire autrement que de se demander si un jour Alice fera partie de l’un d’eux, ou si Noah retrouvera les bancs de l’hôpital avec toute l’injustice qu’une telle idée représente. Mais plutôt que de se concentrer sur sa propre famille, c’est vers Maritza qu’elle relève le regard, tentant de l’aider au maximum, ce qui débute par la clarification de ses peurs et craintes. De quoi a-t-elle réellement peur ? Elle a perdu sa fille, le pire est déjà arrivé. « De m'effondrer. De ne jamais m'en remettre. Ou au contraire, de m'en remettre. » Elle a peur de beaucoup de choses, notamment d’idées qui pourraient sembler inconciliables pour d’autres. Et pourtant Lily comprend le paradoxe, bien malgré elle: la peur de s’effondrer, la peur d’aller de l’avant. La peur d’oublier celle qu’elle a enterrée. “Vous avez d’autres enfants, si je ne me trompe pas ?” Elle recommence à son tour, doucement, calmement. “Personne n’attend de vous que vous continuiez votre vie comme si de rien n’était. Mais je me permets de croire que le reste de la fratrie vit le même genre de douleur, et que rester soudé est votre plus grande force.” Ils ont tous vécu le même drame, bien que la société n’en attende pas autant d’un frère ou une sœur endeuillé que d’un parent. “Je peux garder ses affaires, je vous l’ai dit, ce n’est pas un problème.” Mais elle peut les lui donner aussi si c’est ce qu’elle préfère, le menton de Lily se dégageant vers un meuble presque inutilisé de la pièce, uniquement surmonté d’une boîte en plastique. Elle peut le lui donner en cet instant, ou elle peut repousser le moment à plus tard. “Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise réponse, simplement ce dont vous avez envie et besoin.” Elle ajoute avec un mince sourire, tentant d’être rassurante.
Elle ne raconte pas à tous les patients et leur famille qu’elle a connu des fausses-couches, loin de là, mais face à toute la vulnérabilité de Maritza, Lily pense que cela peut l’aider. Elle pense qu’elle comprendra ainsi qu’elles se ressemblent bien plus que ce qu’elle aurait pu penser, et elle pense que cela la poussera à écouter peut-être un peu mieux ses conseils pour aller de l’avant. Elles ont vécu des épreuves et des difficultés mais elles sont fortes, et rien ne les mettra à terre, pas même un affres d’une telle hauteur. « Je suis navrée de l'apprendre, sincèrement. Personne ne devrait endurer une telle épreuve. » Lily sourit à son tour, la remerciant silencieusement de sa compassion, sans chercher à en parler davantage. Sa propre histoire n’est pas au coeur de la discussion, elle l’est d’autant moins alors qu’elle travaille toujours sur son propre deuil et que remuer ses sentiments ne rendrait que le tout un peu plus difficile encore. “C’est ce que je pense tous les jours à l’association.” Ils meurent tous bien trop tôt à cause du cancer. Peu importe leur âge, c’est toujours trop tôt. Ce qui arrive bien trop tôt, aussi, c’est la question que la mère de famille improvise à la plus grande surprise de Lily. « Vous êtes à nouveau enceinte ? » La surprise de la directrice se lit dans le regard qu’elle pose soudainement sur le profil de Maritza. Ses mains se retirent automatiquement de son ventre, consciente que ce sont elles qui l’ont trahi. “Je… Oui. Ce n’était pas au programme, mais oui.” Le sourire est plus difficile à esquisser, simplement parce que la nouvelle ne rend pas Lily aussi heureuse qu’elle aurait dû l’être, après avoir passé une vie à tenter de fonder sa famille. “Je n’ai pas encore passé le premier trimestre, personne n’est au courant.” Elle explique, comme pour excuser son silence, et sans doute aussi pour demander le sien. Ezra est le seul à savoir, et elle préfère que tout reste ainsi, aussi longtemps que possible.
Lily inspire, trouve rapidement de quoi rebondir. “Maria était votre dernière ?” La dernière née, et la première morte. Quelle injustice.
Maritza Gutiérrez
la cheffe de tribu
ÂGE : 51 ans SURNOM : Mari, Za' STATUT : Divorcée. Elle a été mariée pendant 10 ans avec Sergio. En 2002 ils signent les papiers du divorce mais depuis la mère de famille n'a jamais refait sa vie. MÉTIER : Femme de ménage, nourrice, cuisinière, en gros, elle est bonne à tout faire. LOGEMENT : #32 Parkland Boulevard (Spring Hill) POSTS : 682 POINTS : 0
Les mots de Lily étaient d'une justesse déconcertante. A moins qu'ils ne soient simplement ceux que Maritza attendait depuis des semaines d'entendre. Lorsqu'elle lui avoua ses peurs et ce qui la rongeait, la directrice, une nouvelle fois, ne la jugea pas. Bien au contraire, elle l'écouta attentivement puis avec une douceur bienvenue lui expliqua qu'elle n'était pas seule dans cette épreuve, que sa famille souffrait aussi et qu'ils avaient besoin les uns des autres. Maritza avait baissé la tête à ce moment-là. Elle avait six autres enfants, et si certains étaient partis de la maison depuis quelques années, d'autres vivaient encore sous son toit. Ils s'étaient toujours serrés les coudes et soutenus. Lorsque Sergio était parti la première fois, ils avaient tous fait en sorte que leur famille tienne debout. L'entraide et la solidarité étaient les maîtres mots de la famille Gutiérrez. Ces derniers temps néanmoins cela s'avérait plus difficile. La mexicaine se sentait trop fragile pour réellement pouvoir aider les siens. Elle avait si peu de se mettre à pleurer devant eux ou à avoir une crise d'angoisse qu'elle avait tendance à fuir le domicile familial. Le travail, bien qu'il l'épuisait, lui permettait de se vider la tête et de penser à autre chose l'espace de quelques heures.
Maritza fut tirée de ses réflexions lorsque Lily lui proposa à nouveau : « Je peux garder ses affaires, je vous l’ai dit, ce n’est pas un problème. » Plus calmement cette fois-ci, Mari secoua la tête de gauche à droite et chuchota : « C'est gentil mais... Je vais les récupérer... » Repousser le moment de récupérer les affaires n'était pas une bonne idée. Plus le temps passait plus cela risquait difficile de passer le cap. D'autre part le risque était que Mari vienne chercher le carton avait la sensation qu'elle gérait mieux la situation pour au final s'effondrer de plus belle. Aujourd'hui elle souffrait, regarder des photos, des dessins, des peluches de Mari lui ferait mal, mais cela ne l'achèverait pas. Elle gérerait sa souffrance comme elle le faisait depuis des mois. Sa décision était prise et étrangement cela la soulageait quelque peu.
L'histoire des fausses-couches de Lily peinait énormément la mexicaine qui se disait que le monde était décidément bien injuste. Que se passait-il dans la tête de dieu ? Elle si croyante, n'avait de cesse de remette en question sa foi. Elle ne trouvait aucune logique, aucune rationalité dans les décisions qu'il semblait prendre. Pourquoi rendre malade des enfants innocents, pourquoi tuer dans l'oeuf des enfants à naître. Qui désirait-il punir de la sorte ? La mexicaine n'était pas parfaite mais elle restait quelqu'un de bien, de droit, une femme en qui on pouvait avoir confiance. Pendant des années elle s'était rendue à l'église au moins une fois par semaine et c'était ainsi qu'on la remerciait ? Pour dire vrai, elle n'attendait rien de la part de Dieu, aucun cadeau, aucun remerciement, mais la moindre des choses aurait été de lui épargner ce drame intolérable. En observant Lily elle se fit la même réflexion : Cette femme donnait de son temps et de sa personne pour venir en aide à des enfants malades et à leur famille. Comment pouvait-on en tout conscience lui retirer le droit d'être mère ? C'était à n'y plus rien comprendre. Un soupir de dépit échappa des lèvres de Mari alors qu'elle baissait son regard vers son ventre. C'était à cet instant-là qu'elle avait compris que la femme qui lui faisait face était à nouveau enceinte. Lorsqu'elle retira vivement ses mains de son ventre la brune n'eut pas besoin d'autre chose pour avoir sa confirmation. Pourtant elle écouta attentivement Lily lui dire : « Je… Oui. Ce n’était pas au programme, mais oui. ». Les lèvres de la cinquantenaire s'entrouvrirent tandis que son cœur battait à une vitesse folle. Deux sentiments se battaient en duel dans sa tête : la joie pour Lily mais aussi la jalousie. Ne vous méprenez pas, la Gutiérrez n'avait aucune intention de devenir mère à nouveau, elle trouvait simplement la situation injuste et même si elle s'en voulait de penser ainsi, elle ne pouvait s'empêcher de le faire. Mari était médusée devant cette annonce mais fronça quelque peu les sourcils devant l'expression figée de la directrice. Cette dernière semblait tendue, mal à l'aise. La cinquantenaire avait du mal à imaginer les raisons d'un tel comportement mais sembla obtenir un début d'explication : « Je n’ai pas encore passé le premier trimestre, personne n’est au courant. » Sans doute était-ce la peur de perdre à nouveau un enfant qui restreignait la joie de Lily. Lentement Mari se décala sur le canapé afin de se rapprocher de la jeune femme, elle posa sa main sur la sienne et les yeux plantés dans les siens lui affirma : « Je ne dirai rien. ». Elle ne savait pas à qui elle aurait pu raconter ce genre de choses mais elle préférait rassurer la directrice quant à son silence. « Félicitations à vous » parvint-elle à articuler avec plus de difficulté qu'elle ne l'avait envisagé.
Maritza retira sa main lorsqu'elle vit Lily inspirer profondément et changer de discussion : « Maria était votre dernière ? ». Au tour de la jeune femme de détourner la conversation. La mexicaine tiqua mais n'osa rien dire. Après tout Lily n'était pas obligée d'entrer dans les détails et de lui raconter sa vie privée. La brune hocha la tête et répondit : « Oui, c'était la petite dernière, la petite princesse. » Un sourire nostalgique glissa sur son visage. Lorsqu'elle avait annoncé au reste de la fratrie qu'elle était à nouveau enceinte, elle avait senti de la lassitude chez certains pourtant dès le jour où le bébé avait pointé le bout de son nez, elle était devenue le centre de l'univers de chacun des enfants Gutiérrez. C'était leur petit bonbon, leur petite poupée, celle qu'il fallait protéger plus que tout. Malheureusement malgré toute la bonne volonté dont ils avaient fait preuve : cela n'avait pas suffi. Elle replongea à nouveau son regard dans celui de la jeune femme et tout en lui souriant lui dit : « Vous verrez, c'est formidable que vos enfants soient proches en âge. » Ne désirant pas exagérer les choses et ne dresser qu'un portrait idyllique elle précisa : « Bon, au début cela risque d'être fatigant... Mais vous verrez, ils seront toujours là l'un pour l'autre. » C'était du moins ce qu'elle aimait penser. Elle avait vu ce phénomène se produire entre Diego et Alma qui n'avaient qu'un an de différence. Elle avait d'ailleurs toujours trouvé leur relation magnifique. Un petit rire lui échappa et alors qu'elle levait les yeux au ciel, elle acheva : « Oh... Ils risquent aussi de s'allier contre vous. » Et dieu savait de quoi elle parlait. Avec sept enfants à charge, Maritza en avait vu des alliances se nouer et se dénouer...
Bien consciente du poids que le deuil exerce sur le corps autant que sur l’âme d’une personne, Lily prend rapidement la décision de ne pas empirer la situation, ce qui est la raison pour laquelle elle annonce en retour à Maritza que cette dernière dispose de tout le temps dont elle a besoin. L’association est grande, elle jouit de nombreux investissements et possède des locaux bien assez grands pour entreposer un simple carton d’affaires encore quelque temps, si tel est ce dont elle a besoin. « C'est gentil mais... Je vais les récupérer... » La brune acquiesce sans commenter davantage sa décision. Il n’existait ni bonne ni mauvaise réponse à une situation qui reste, avant toutes choses, un véritable crève-cœur.
Personne ne pourrait reprocher à Lily son manque de professionnalisme et, au contraire, on pourrait plutôt lui reprocher de tout prendre avec bien trop de sérieux. En cet instant, pourtant, elle n’a pas longtemps réfléchi avant de confesser simplement à Maritza avoir perdu ses enfants à même son ventre, il y a de ça plusieurs années. De mère à mère, elles savent pourtant que ce genre de blessure ne guérit jamais, et ce peu importe le temps écoulé, même s’il en vient à se compter en années et même en décennies. Elle pleure toujours ses enfants qui n’avaient pas de noms, Lily, et elle comprend d’autant plus que Maritza n’arrive pas à faire le deuil d’une fille qu’elle a aimé et vu grandir. « Je ne dirai rien. Félicitations à vous. » Elles pirouettent et parlent de la grossesse de Lily, sujet sur lequel aucune des deux brunes ne semble avoir envie de s’appensantir. Tant mieux. Elle aimera son enfant le moment venu, elle le sait, mais en attendant Lily est encore bien incapable d’accueillir sa grossesse comme elle le voudrait. “Merci.” Qu’elle finit pourtant par souffler, avec cet éternel même sourire, aussi faux que poli.
A son tour, la directrice préfère plutôt faire la conversation au sujet de Maria, ne sachant pourtant si cela aidera sa mère à accepter sa mort, ou si cela ne fera que remuer le couteau dans la plaie. Le doute subsiste et pourtant Lily continue. « Vous verrez, c'est formidable que vos enfants soient proches en âge. » Et elle veut bien le croire: un jour, elle sera capable de voir les choses sous cet angle, quand elle aura assez de recul sur la situation et qu’elle saura aimer Alice comme elle le mérite ; quand il en sera de même aussi pour la crevette grandissant lentement mais sûrement dans son ventre. « Bon, au début cela risque d'être fatigant... Mais vous verrez, ils seront toujours là l'un pour l'autre. » Et par habitude, puisque le bébé est au coeur de leur discussion, Lily repose ses mains contre son ventre. « Oh... Ils risquent aussi de s'allier contre vous. » Le rire de Lily est sincère, simple. “Oh, j’en doute pas un seul instant. Alice a déjà son petit caractère.” Et, selon elle, une sacré propension à préférer papa à maman. Mais peu importe, sans doute. Là n’est pas le sujet. Elle prend les conseils de la mère comme ils viennent, certaine qu’elle en sait bien plus qu’elle grâce à toute l’expérience dans ce domaine qui est déjà la sienne. Et il est rare que Lily accepte la simple idée de ne pas être dans tous les domaines. Lorsqu’il s’agit de ses enfants, elle tâche au moins de faire un effort. “Mais je vais vous laisser, le devoir m’appelle. Je vous laisse la boîte. S’il y a quoi que ce soit que vous ne voulez pas garder, vous pouvez le laisser sur mon bureau.” Elle lui donne le temps de faire un premier tri si elle le désire, elle lui donne le temps de prendre le sien et de rester dans la pièce si nécessaire. Lily a réellement beaucoup de choses à faire, son absence liée à son premier accouchement n’ayant pas réduit la montagne de tâches. Elle lui laisse néanmoins son bureau, bien consciente que tous les documents privés sont de toute façon rangés sur son ordinateur et protégés par un mot de passe, alors personne n’a rien à craindre.
Maritza Gutiérrez
la cheffe de tribu
ÂGE : 51 ans SURNOM : Mari, Za' STATUT : Divorcée. Elle a été mariée pendant 10 ans avec Sergio. En 2002 ils signent les papiers du divorce mais depuis la mère de famille n'a jamais refait sa vie. MÉTIER : Femme de ménage, nourrice, cuisinière, en gros, elle est bonne à tout faire. LOGEMENT : #32 Parkland Boulevard (Spring Hill) POSTS : 682 POINTS : 0
Maritza savait ce que c'était que d'élever des enfants proches en âge. Elle avait fait l'expérience à maintes reprises. Si elle ne se pensait pas la meilleure des mères, elle aimait tout de même croire qu'elle faisait bien son boulot. Elle avait aimé chacun de ses enfants avec passion et dévotion et s'était toujours pliée en quatre pour qu'ils soient heureux et aient la meilleure vie possible. C'était donc tout naturellement qu'elle avait discuté de cela avec Lily, qu'elle lui avait laissé entrevoir un fragment de ce qui l'attendait dans quelques mois, quelques années. La jeune femme l'écoutait mais la mexicaine ne savait pas si elle le faisait par courtoisie et politesse ou si au contraire elle s'intéressait réellement à ce qu'elle pouvait entendre. Lorsque Lily se mit à rire et lui dit : « Oh, j’en doute pas un seul instant. Alice a déjà son petit caractère. » Maritza prit un air faussement dépité et secoua la tête de gauche à droite. Elle soupira et lui répondit avec une compassion nettement exagérée : « Je vous souhaite bien du courage dans ce cas-là... » le petit clin d'oeil qu'elle parvint à faire ponctua ses propos qui étaient plus taquins que sincères. Avoir du caractère dès le plus jeune âge pouvait être effrayant mais en grandissant cela devenait presque rassurant. Bien sûr les conflits et les disputes s'enchaînaient et s'entassaient mais au moins les parents savaient que leurs enfants ne se laisseraient pas faire et qu'il y avait peu de chance qu'on leur marche dessus.
Elle vit la directrice jeter un coup d'oeil à sa montre et annoncer : « Mais je vais vous laisser, le devoir m’appelle. Je vous laisse la boîte. S’il y a quoi que ce soit que vous ne voulez pas garder, vous pouvez le laisser sur mon bureau. » Soudain Maritza sentit son cœur battre un peu plus vite alors qu'elle avait du mal à reprendre son souffle. Une boule d'angoisse grandissait à nouveau au creux de sa gorge alors que des frissons parcouraient son échine. La brune commençait à nouveau à paniquer. Elle inspira profondément, ne désirant pas alerter Lily et lui faire perdre plus de temps. Elle déglutit avec difficulté et murmura : « Merci. » Rien de plus. Elle n'en avait ni la force ni le courage. Elle jeta un coup d'oeil à la boîte qui était posée sur le bureau et lorsque Lily quitta la pièce, attendit de longues minutes avant de se lever du canapé. Ses jambes tremblaient et ses mains étaient devenues extrêmement moites. Une fois à quelques centimètres de la boîte, Mari hésita. Devait-elle réellement l'ouvrir ou ne lui suffisait-il pas de simplement la prendre pour ensuite la glisser dans un placard ?
Contre toute attente, la mère de famille ouvrit brusquement la boîte comme on enlève un pansement. Les larmes perlèrent avec une rapidité déconcertante aux coins de ses yeux alors que s'étalaient devant elle des souvenirs qu'elle ne s'attendait pas à revoir. Le tissu d'une écharpe en soie glissa entre ses doigts alors qu'elle revoyait très nettement Maria fourrer son nez dedans. Une photographie de la petite couverte de peinture avec Cesar à ses côtés lui provoqua un petit rire. Elle sortit ensuite une peluche à laquelle manquait une oreille. Maritza resta de longues minutes dans le bureau, à explorer cette boîte qui lui donnait l'impression d'être dans la caverne d'Ali Baba. Elle avait tenu bon la mère de famille, jusqu'à ce qu'elle ne tombe sur une photo d'elle au chevet de sa fille qui dormait. Les larmes devinrent alors incontrôlables et inondèrent ses joues. Il lui fallut de longues minutes pour se calmer mais lorsqu'elle eut enfin retrouvé ses esprits, Mari sortit un dernier objet de la boîte, rangea tout le reste et prit un post-it qui traînait sur le bureau. Elle griffonna dessus : « Pour Alice, si elle a du mal à trouver le sommeil... » Elle glissa le morceau de papier sous une boîte à musique qui avait appartenu à Maria et, le carton dans les bras, sortit du bureau.
Elle parcourut les couloirs avec plus d'aisance à l'allée, soulagée d'avoir surmonté cette épreuve, contente d'avoir pu plonger dans ce passé à la fois si proche et si lointain. Alors qu'elle était sur le point de partir, elle aperçut Lily un peu plus loin. Elle s'approcha et lui dit d'une voix douce : « Je vous remercie pour tout... » elle hésita quelques instants puis acheva : « Si vous avez besoin de quoi que ce soit... N'hésitez pas. » C'était l'inverse normalement qui se produisait mais Maritza ressentait au fond d'elle un sentiment étrange sur lequel elle ne parvenait à mettre un mot. Elle savait juste que si Lily avait besoin d'aide concernant sa fille ou son futur enfant, elle serait là. Elle lui fit un sourire et puis quitta enfin les lieux. Finalement, elle avait une fois de plus survécu.