(Sara) About damn time

About damn time

Pourquoi est-ce que j’ai accepté de venir ici déjà ? Ah oui, c’est parce que Sara a insisté et j’ai cédé. Elle m’a expliqué qu’Alma et elles allaient faire un tour au scenic rim mais les festivals ça a jamais été mon truc. Je n’ai pas une très grande expérience des festivals, plutôt une mauvaise expérience qui m’a vacciné pour les fois suivantes. Une histoire plus qu’humiliante et que j’aimerais rayer de ma mémoire, mais il faut croire qu’on oublie difficilement quand un mec complètement bourré nous vomit dessus. Je sais que c’est quelque chose qui aurait pu arriver dans d’autres endroits mais c’est après cette fois-là que je me suis dit que c’était vraiment pas le genre d’endroits où j’avais envie de traîner. Et puis j’ai un karma négatif en ce moment, quand je sors la soirée se termine rarement bien comme en ont témoigné mon oeil au beurre noir et mes lèvres fendues et enflées. Depuis cette soirée au bar avec Bellamy je n’ai plus vraiment envie de sortir, cette histoire et les conséquences que ça a eu notamment avec ma mère m’ont vacciné contre ces envies. Mais Sara m’a assuré que ça serait un bon moment, que tout se passerait bien et qu’on ferait le trajet ensemble avec Alma. Elle a insisté sur le fait que ce serait l’occasion de passer un moment entre frère et soeurs et qu’on veillerait l’un sur l’autre. J’ai fini par céder mais avec trois conditions. La première était que je n’avais pas envie de boire et que je n’avais pas envie qu’on me force, la deuxième était que je n’avais pas envie de rester plus de deux jours et la dernière qu’on s’engageait tous les deux à ne pas aller draguer quelqu’un. Hors de question de me retrouver tout seul parce que Sara a décidé d’aller un mec et de mon côté je n’ai plus envie qu’on me voit avec une fille. Même si je sais que c’est con d’espérer parce que ça n’aboutira jamais je pense toujours à Emery et au fond de moi j’ai toujours espoir que la situation s’arrange. Qu’elle finisse par larguer son mec si parfait et qu’on essaie de reconstruire quelque chose ensemble. Donc ne pas flirter avec d’autres filles est une première étape pour débloquer la situation. De toute façon je commence à être fatigué d’avoir toujours le même cycle qui se répète en boucle, de poser toujours les mêmes questions ennuyeuses pour au final ne penser qu’à Emery une fois que je discute avec l’autre fille.

L’ambiance dans la voiture était bonne effectivement, ça faisait bien longtemps qu’on n’avait pas eu un moment de complicité comme ça avec Alma et Sara. La radio à fond nous avons chanté à plein poumons, nous avons ri à en avoir mal au ventre et cela faisait des mois et des mois si ce n’est pas des années que ça ne nous était pas arrivé. Et ça fait un bien fou. Sara avait raison -encore une fois-, venir n’était pas une mauvaise idée finalement. Une fois arrivés, Alma part de son côté et je reste avec Sara, prêt à explorer le festival. “Bon prête ?” Je la regarde avant d’ajouter. “On rappelle ce qu’on s’est dit : on reste ensemble, pas d’alcool pour moi et pas de drague.” Je sais que cette dernière idée l’agace mais un pacte est un pacte. “On va par où en premier?”

***:

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@Cesar Gutiérrez & Sara Gutiérrez
Début mai 2023, The Long Sunset, Scenic Rim, à 1h de Brisbane

Lorsqu'elle descend de la voiture, Sara laisse échapper un soupir discret. Elle remet en place ses cheveux, emmêlés par les rires et les pseudo-chorées qu'elle a improvisées dans la voiture. Travailler dans un théâtre où se produisent des danseurs et danseuses de talent ne lui a pas appris grand chose, si ce n'est que ce qu'elle appelle danse en soirée est loin de ressembler à ce qu'elle voit entre le placement de deux personnes en retard – il faut dire que l'objectif n'est pas le même. Mais elle s'en fout : elle s'est marée comme rarement dans cette voiture, accompagnée d'Alma et de Cesar, en direction de la Scenic Rim. Ça faisait longtemps qu'ils n'avaient pas voyagé comme ça : dans la bonne humeur, avec de la musique et des rires, dans cette ambiance complice qui leur manque depuis des mois. Sara n'a pas voulu y réfléchir plus longtemps : elle a juste profité du moment, chanté à plein poumons les derniers tubes passant à la radio et ri de bon cœur avec son frère et sa sœur. C'était un moment hors du temps, incroyablement agréable – à croire qu'elle planait, mais sans la moindre substance dans les veines.

Comme convenu lorsque le trio a quitté Brisbane, Alma s'en va rejoindre ses amis tandis que son frère et sa sœur restent en tête à tête. Si Sara a prévu de rejoindre Laurie ce soir, elle compte passer le reste de la journée avec son cadet qui d'ailleurs se tourne à présent vers elle. « Bon prête ? » Bien sûr qu'elle est prête, quelle question ! Vêtue d'un large pantalon en jean avec quelques grandes poches, d'un haut blanc cassé aux allures de corset et de multiples bijoux – cheap, très cheap, mais qu'importe – décorant son cou et ses poignées, la brune est prête et motivée à aller s'éclater – sobrement – dans ce festival. « On rappelle ce qu’on s’est dit : on reste ensemble, pas d’alcool pour moi et pas de drague. » Putain mais il est chiaaaant avec ça ! Heureusement qu'il ne lui a pas interdit de boire hein, sinon elle lui aurait fait un croche-patte avec sa foutue idée de pacte. Ça va que Sara est cool et prête à faire des compromis pour son hermano qu'elle aime fort – et qu'elle tenait à faire sortir de sa routine morne en l'amenant ici. « Oui oui j'ai compris hermano, » assure-t-elle en roulant des yeux comme une gamine à qui on répète sans cesse les mêmes règles. Quelle idée elle a eu d'accepter ça ? C'est bien pour lui qu'elle fait ça, parce que la troisième condition du pacte l'a fait clairement froncer du nez. C'est pas grave, elle se rattrapera demain, quand il sera parti. Ce n'est pas Laurie qui va la blâmer d'emballer un gars, hm. « On va par où en premier? » « Moi je veux un verre pour commencer ! » assure la brune en levant le nez, son regard sondant ce qui l'entoure à la recherche du manège carré. « Et ensuite... On peut s'approcher un peu des scènes pour voir la musique qui nous plaît, » propose-t-elle. Mais d'abord : un verre. D'ailleurs, la voilà qui repère un stand où ils pourront s'acheter à boire. « Ah, là-bas ! » lance-t-elle en le désignant d'un geste du menton. Elle offre son plus beau sourire au gars qui vient leur demander ce qu'ils veulent boire – oups, c'est l'habitude. « Une bière s'te plaît, » commande-t-elle pour elle, puisque le pacte n'inclue pas le fait qu'elle ne boive pas, avant de se tourner vers son frangin. « Tu veux quoi du coup ? Un soft ? Ils ont des sodas, de l'ice tea... » Elle a accepté de ne pas l'inciter à boire et s'y tient.

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Partir en soirée avec Sara c’est un vrai défi. J’ai l’impression de passer pour un vieux con ou un père de famille inquiet en lui disant qu’elle ne doit pas boire ce soir mais c’est nécessaire. Je la connais trop bien pour savoir que même si on s’est promis de respecter quelques règles ce soir il suffirait que je n’insiste pas assez ou juste que j’ai le dos tourné pour qu’elle n’en fasse qu’à sa tête. C’est bien un trait de caractère qu’on a en commun d’ailleurs. « Oui oui j'ai compris hermano, » Je la regarde pas franchement convaincu, on verra si d’ici la fin de la soirée elle tiendra parole. De mon côté je sais que je ne trahirai pas ma promesse. J’ai trop souffert de l’alcool et de ses débordements récemment et l’horrible gueule de bois que j’ai eu après le nouvel an m’a bien dissuadé de recommencer. Et c’est peut être con mais j’ai envie d’avoir toute ma tête pour veiller sur elle, parce qu’un festival c’est le paradis des emmerdeurs. Je décide de mettre fin à la leçon de morale en essayant de me convaincre qu’elle est peut-être décidée à tenir parole cette fois. A la place je lui demande ce qu’elle aimerait faire en premier. « Moi je veux un verre pour commencer ! » Je vois qu’elle cherche du regard le bar alors je me mets à faire de même. “Cn peut y aller oui j’ai soif. Et ensuite ? ” Elle réfléchit quelques instants avant de continuer. « Et ensuite... On peut s'approcher un peu des scènes pour voir la musique qui nous plaît, » Je hoche la tête, c’est un bon programme. « Ah, là-bas ! » Elle montre le bar qui est un peu plus loin sur notre gauche. “Allez c’est parti.” Nous avançons vers le bar et je la laisse commander pendant que je regarde un peu le prix des boissons. Purée ça coûte un bras, ils doivent se faire une marge énorme. Finalement le fait que j’ai décidé de rester sur du soft ce soir est une excellente idée pour mon portefeuille. Il faut croire que j’ai pas le budget pour me prendre une cuite ici. « Une bière s'te plaît, » Elle offre un grand sourire au serveur et je roule des yeux, décidément elle ne peut pas s’en empêcher. « Tu veux quoi du coup ? Un soft ? Ils ont des sodas, de l'ice tea... » Je jette un léger coup d'œil sur les prix et je me décide pour un Ice tea, quelque chose d’un peu moins cher que les mocktails aux noms toujours plus farfelus. “Je veux bien un ice tea oui s’il te plaît.” A contre coeur je sors mon portefeuille pour régler nos boissons et nous prenons nos verres. “Bon, santé.” Je dis en levant mon verre, le tout accompagné d’un sourire. Parce que même si ma sœur m’agace, même si c’est une sacrée emmerdeuse par moments je suis content de pouvoir passer un moment avec elle en dehors de la maison. “Je suis vraiment content qu’on ait décidé de venir ici, ça me fait plaisir qu’on soit là tous les deux.” Je bois une gorgée avant d’ajouter. “ça nous fera du bien je pense”. Du bien de changer d’air, de sortir de l’ambiance de la maison qui peut être assez étouffante avec maman. Du bien de ne plus penser à Maria le temps d’une soirée, d’oublier toutes les emmerdes et les conflits qu’on peut avoir au quotidien et surtout de recréer des liens tous les deux. Les dernières années ont été difficiles entre tout, on s’était beaucoup éloignés alors faire la fête ensemble ne pourra qu’être positif pour nous.

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Lorsque leur après-midi commence, Sara croit dur comme fer qu'elle pourra tenir ce pacte pour faire plaisir à son frangin. Certes, elle trouve ça un peu idiot, et ça se sent lorsqu'elle s'agace qu'il lui rappelle encore une fois les trois règles qu'ils se sont fixés, mais il a bien fallu ça pour le convaincre de venir ici. Et la brune y tenait, à ce qu'il l'accompagne : Cesar a besoin de se détendre et de se changer les idées, ça crève les yeux. Et à défaut de pouvoir réellement changer d'air puisqu'ils vivent encore tous les deux chez Mamá, ils peuvent s'offrir le plaisir de se barrer une journée pour faire la fête – raisonnablement, dirait le cadet. Enfin, lui a dit qu'il ne boirait pas, mais Sara n'a rien promis : elle cherche déjà une buvette, ayant besoin d'un verre avant toute chose. « On peut y aller oui j’ai soif. Et ensuite ? » Elle ne va pas se montrer originale dans le programme mais, quitte à être à un festival avec tant de styles de musique différents, autant en profiter et chercher celui qui leur plaira le plus. De style, Sara, pas de chanteur ou de musicien.

La buvette repérée, Sara y entraîne son frère avec un sourire. Ils vont passer une belle après-midi, elle en est sûre, et elle a bien l'intention de laisser repartir Cesar uniquement lorsqu'il sera vraiment dé-ten-du. « Allez c’est parti. » Les voilà au comptoir, la brune commandant sans surprise une bière puisqu'à aucun moment elle n'a promis qu'elle ne boirait pas d'alcool. Et puis une bière ce n'est pas vraiment de l'alcool, si ? « Je veux bien un ice tea oui s’il te plaît. » Elle n'a même pas capté que son frère avait roulé des yeux en réponse à son attitude avec le barman – c'est pas sa faute si les barmen sont sympas et lui donnent envie de sourire, hein. « Et un ice tea pour mon frère, s'te plaît. » Et hop, le barman s'active tandis qu'ils sortent leurs porte-monnaie pour régler leurs consommations. Verre à la main, frère et sœur trinquent finalement. « Bon, santé. » « Santé ! » La brune engloutit une première longue gorgée de bière, en savourant le côté rafraîchissant. « Je suis vraiment content qu’on ait décidé de venir ici, ça me fait plaisir qu’on soit là tous les deux. » « Moi aussi, hermanito. » Elle répond avec un sourire plus doux. Ô, elle pourrait lui reprocher mille choses à son petit frère, mais dans le fond elle l'aime plus qu'elle ne peut le formuler. « ça nous fera du bien je pense. » Elle hoche la tête. Bien sûr que ça leur fera du bien ! « Tu vois que j'ai eu une super idée, » souligne-t-elle avec un sourire en coin, car après tout c'est elle qui lui a proposé et s'est efforcé de le convaincre que c'était une brillante idée. Et elle a galéré, en témoigne ces foutues règles qu'ils se sont imposées. « Allez viens, allons écouter de la musique cool, » lance-t-elle, se dirigeant vers la scène la plus proche et entraînant son frangin à sa suite.

* * * * *

Elle ne saurait dire depuis combien de temps ils passent de scène en scène, dansent, chantent – mal – et rient au rythme des musiques qui font vibrer leurs palpitants lorsque Sara affirme avoir besoin d'une pause au bar. Elle a chaud, elle a soif, elle a besoin d'une bière. Cesar, lui, réclame une pause pipi, et la brune affirme qu'elle l'attendra ici. Ce à quoi elle ne s'attendait pas, c'est à ce qu'une silhouette apparaisse à côté d'elle et l'accoste à peine son frère disparu de son champ de vision. « Je peux vous offrir un verre ? » Le vouvoiement lui fait froncer les sourcils. Elle a l'air d'avoir quoi, quarante ans ? « Que si tu me tutoies, » répond-elle sans hésiter, naissant automatiquement sur ses lèvres un sourire peu innocent. Peut-être qu'elle aurait dû dire non, mais elle aime tellement se faire draguer, se sentir désirable, qu'elle n'y a pas vraiment réfléchi. Peut-être qu'accepter était le début d'une pente glissante sur laquelle la Gutiérrez n'aurait pas dû s'aventurer, mais elle y a surtout vu une opportunité de se voir offrir un cocktail et ne s'est donc pas méfiée. Peut-être qu'elle aurait dû lui dire qu'elle n'était pas intéressée, être claire, mais elle s'ennuyait et Cesar ne revenait toujours pas. Peut-être que lorsque son frère revient – une éternité plus tard –, Sara a ses lèvres contre celle du métisse qui l'a accostée. Peut-être qu'elle a brisé une des règles du pacte, en effet, mais pour l'instant elle ne s'en rend pas compte, dos à son cadet – et très occupée – lorsque ce dernier revient au bar.

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Aujourd’hui j’ai décidé de faire des efforts, pour une fois. J’ai compris récemment que faire ma tête de con ne m’avance à rien et qu’au contraire je n’arrive qu’à m’attirer plus d’emmerdes. On m’a bien fait comprendre qu’il fallait que je change, que j’essaie d’être moins borné et même si j’ai fait mine de ne pas écouter sur le coup ça m’a fait réfléchir. J’y ai pensé le soir dans mon lit pendant de longs moments avant de me dire qu’ils avaient peut-être raison. Je me suis donc levé avec comme idée de faire des efforts, à la manière des bonnes résolutions de nouvel an. Ce jour-là quand Sara m’a proposé d’aller ensemble au festival j’ai accepté. Je n’aime pas les événements bondés comme ça et j’ai eu une overdose de soirées récemment mais je me suis dit que c’était l’occasion de passer un moment ensemble, de renouer des liens entre frère et soeurs et de laisser les tensions derrière nous. J’ai fait un effort, mais si je dois faire des efforts, alors Sara doit en faire aussi. Parce que je refuse qu’elle fasse n’importe quoi, qu’elle fasse du grand Sara : c’est à dire draguer une tonne de mec en me laissant comme un con. Que ma soeur ait une vie amoureuse -aussi chaotique qu’elle soit- je m’en fiche, elle fait ce qu’elle veut et je serais très mal placé pour juger ça, mais là on passe un moment en famille. Donc pas de drague et pas d’alcool pour moi, le deal est simple. « Et un ice tea pour mon frère, s'te plaît. » Je vois bien qu’elle fait les yeux doux au serveur, ça me gonfle mais je me contente de rouler des yeux, y a rien de très grave. « Santé ! » Je lève mon verre pour trinquer. “Salud!” Je suis souriant parce je suis vraiment heureux d’être là, de voir que les choses rentrent à peu près dans l’ordre à la maison. « Moi aussi, hermanito. » Elle sourit et moi aussi, j’en profite pour lui dire que ça nous fera du bien de s’amuser, en dehors de la maison, et accessoirement sans maman sur le dos. « Tu vois que j'ai eu une super idée, » Elle marque un point, elle a raison et elle le sait. « Allez viens, allons écouter de la musique cool, »

***

J’ai laissé Sara près du bar et je suis parti aux toilettes. Sur le chemin je suis tombé sur Logan, une vieille connaissance du lycée qui m’a pas mal surpris. On a bu un verre ensemble pour fêter nos retrouvailles, ça m’a vraiment fait plaisir de le recroiser et d’avoir de ses nouvelles. Sara est restée seule pendant un moment, plus longtemps que prévu alors sur le chemin du retour j’espère qu’elle n’est pas partie à l’autre bout du festival. Au loin je repère ses cheveux bouclés et je fronce les sourcils en voyant un mec beaucoup trop proche d’elle à mon goût. En me rapprochant je vois qu’elle est carrément en train de l’embrasser. Putain c’est pas possible. “Tu fais vraiment chier Sara.” Je ne suis même pas en colère, c’est encore pire : je suis déçu. On ne peut vraiment pas lui faire confiance. “Je pars deux minutes et je te retrouve dans les bras d’un mec, t’es pas possible putain.” Je fais des efforts pour qu’on puisse passer un moment sympa, pour qu’on se crée de beaux souvenirs après avoir passé deux ans à se faire la gueule et elle me fait un coup comme ça après une demi-heure d’absence putain. “T’es qui toi ? Son mec ?” J’ai un rire nerveux à sa question, ce qui le fait froncer les sourcils. “Son mec ? C’est la meilleure ça, c’est ma débile de sœur.” Je pèse mes mots, là elle a clairement abusé.

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Voir son frère avec un tel sourire fait un bien fou à Sara. Même si leur relation est loin d'être parfaite, elle tient énormément à lui – plus qu'elle ne l'admettra jamais, question de fierté – et s'est énormément inquiétée lorsqu'il s'est assombri à la mort de Maria. Il paraît que chacun doit faire son deuil à sa façon, et la brune n'est sans doute pas la mieux placée pour juger celle des autres sachant que la sienne est constituée à quatre-vingt pourcents de déni. Pourtant, lorsque Cesar s'est détourné de l'art, de ce qui l'a toujours fait vibrer malgré la désapprobation de leurs aînés, elle ne pouvait plus faire comme si de rien était. Et puis le nouvel an n'a pas aidé : elle ne l'avait jamais vu dans un état si pitoyable, et c'en serait bien passé tant ça lui a fait bizarre – pour une fois que les rôles étaient inversés. C'est pour ça qu'elle est si contente d'avoir réussi à le convaincre de venir à la Scenic Rim avec elle, même une simple journée. Et si elle doit faire quelques efforts pour cela, dont celui de ne pas draguer de tout l'après-midi, elle se dit qu'elle peut s'y tenir. Promis, lorsqu'elle a trinqué avec son frangin au son de son « Salud! », elle y croyait vraiment.

* * * * *

Même lorsqu'il est parti pour une pause pipi, Sara restait convaincue qu'elle tiendrait parole. Ce n'est rien de grave, d'accepter un verre d'un mec lambda : elle le fait parce qu'elle a l'opportunité de boire un coup gratuitement, absolument pas parce qu'il est beau garçon. Et si elle rit à ses blagues c'est parce qu'il est drôle, rien d'autre. Et puis ça n'engage absolument à rien. Pourtant, chaque minute qui s'égrène sans que son frère ne soit à ses côtés augmente le risque qu'elle retombe dans ses vieux travers – il n'y avait qu'à voir les sourires qu'elle faisait au barman pour réaliser que c'est un peu trop instinctif pour elle, de draguer. Surtout lorsqu'à ses côtés il y a un mec qui lui a offert un cocktail, qui est charmant, qui est souriant... Et que son frère ne revient toujours pas. Alors lorsque le métisse rapproche finalement ses lèvres de celles de la Gutiérrez, elle a totalement oublié la promesse idiote faite à son cadet – elle s'ennuie et sa distraction est toute trouvée, c'est aussi con que ça. « Tu fais vraiment chier Sara. » C'est la voix de Cesar qui la fait redescendre sur terre et se détacher de sa conquête. Et merde, le pacte. « Je pars deux minutes et je te retrouve dans les bras d’un mec, t’es pas possible putain. » Elle se tourne vers son frangin, affrontant ses yeux qui lancent des éclairs sans mal – il faut dire qu'elle a l'habitude. « T'es parti une putain de demi-heure ! » proteste-t-elle, parce que c'est son unique excuse pour avoir trahi sa promesse. Sara se comporte juste comme une gamine : sans surveillance, elle n'en a plus rien à foutre des règles. « T’es qui toi ? Son mec ? » Cesar se marre, elle se sent con, génial. « Son mec ? C’est la meilleure ça, c’est ma débile de sœur. » Elle claque sa langue contre son palais, agacée – vexée. « Ta débile de sœur t'emmerde. » Et puis jusque là elle assurait comme frangine, à l'avoir amenée dans ce super endroit pour un super festival, non ? Alors oui, elle a un peu merdé et a embrassé ce gars malgré leur pacte, mais elle reste convaincue que ça ne compte pas si c'est Cesar qui l'a abandonnée la première – et ce n'est pas du tout de la mauvaise foi typiquement Gutiérrez. Elle se tourne vers sa conquête et lui offre un sourire pincé qui symbolise assez bien sa frustration. « Tu devrais y aller. » De toute façon ils n'iront pas plus loin : son frère est revenu et c'est avec lui qu'elle a prévu de passer son après-midi, la distraction n'a donc plus d'intérêt malgré son charmant sourire. « Merci pour le verre. » Voilà, ce sera sa gratitude maximale avant qu'elle ne se tourne vers son frère pour complètement oublier l'autre. « T'étais parti où sans déconner ? Tu t'es battu avec un requin dans les chiottes ? » Sans surprise, la brune tente de retourner la situation : si elle a fauté, c'est parce que son frère s'est trop longtemps absenté, pas parce qu'elle est vraiment faible face aux hommes.

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Je sais pas ce qui est le pire, de voir que Sara est en train d’embrasser un mec alors qu’elle m’avait promis de pas le faire ou le fait que ça ne me surprend même pas. J’étais sûr que ça allait merder à un moment où à un autre, mais quand on est arrivés j’y ai vraiment cru, je suis vraiment trop con. « T'es parti une putain de demi-heure ! » Je rêve ou elle est en train de me mettre la faute dessus ? Comme si j’avais fait exprès de partir longtemps pour tester sa volonté. Vraiment elle est en train de me faire monter en pression alors que j’avais prévu de passer une bonne soirée. “Et alors ? Y a un putain de minuteur dans ta tête ? Genre au bout de 20 minutes c’est ok de trahir des promesses ?” Le mec à qui elle roulait une pelle y a deux minutes me regarde extrêmement mal et me demande si je suis le copain de Sara. Une question absolument ridicule à laquelle je réponds tout en lâchant une pique à ma sœur. « Ta débile de sœur t'emmerde. » La conversation commence à prendre un mauvais tournant et je sens que je vais vraiment m’énerver. « Tu devrais y aller. » “Oui c’est ça, dégage” c’est ce que l’autre mec peut lire sur mon visage complètement fermé et crispé. « Merci pour le verre. » Je souffle, je suis sûr qu’elle va me sortir que c’est de la faute à ce mec qui est venu la draguer et qu’elle est innocente puisque ce n’est pas elle qui a fait le premier pas. « T'étais parti où sans déconner ? Tu t'es battu avec un requin dans les chiottes ? » Je fronce les sourcils, le ton est en train de monter et je ne compte pas me laisser marcher sur les pieds. Elle fait vraiment chier, j’avais fait des efforts pour être plus sympa, arrêter de faire la gueule et râler comme il peut m’arriver. J’avais dit oui pour passer un moment entre frère et soeur et là elle est en train de me faire péter un câble. Je pense que si on cherche “culot” dans le dictionnaire il doit y avoir la photo de Sara pour illustrer le concept. “Change de sujet t’as raison. Je suis tombé sur un pote à moi que j’avais pas vu depuis le lycée.” C’était plus que surprenant de le croiser après tout ce temps alors forcément j’ai voulu prendre de ses nouvelles et on a discuté autour d’un verre. Rien d’exceptionnel et elle aurait fait la même chose à ma place. J’allais quand même pas lui dire “content de te voir mais je m’en vais parce que ma soeur supporte pas d’être seule cinq minutes.” “Non mais sérieux Sara, on peut pas te faire confiance.” Je secoue légèrement la tête de gauche à droite, je juge totalement ce qu’elle vient de faire. C’est du grand Sara et ce n’est pas une nouveauté : on ne peut pas lui faire confiance, alors qu’elle ne vienne pas se plaindre que je ne fasse pas assez d’efforts.

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Mettre sa connerie sur le compte de la disparition de son frère alors qu'il devait juste aller aux toilettes, c'est du Sara tout craché : un mélange d'impulsivité, de propension à prendre la pire décision possible et de – beaucoup de – mauvaise foi. Elle serait capable d'avancer que le pacte aurait été vachement plus simple à respecter s'il n'y avait que des moches à la Scenic Rim, mais non elle repousse la faute directement sur Cesar qui l'a abandonnée – aller pisser ça ne prend pas trente minutes, donc c'est lui qui a tort. « Et alors ? Y a un putain de minuteur dans ta tête ? » Si elle lui dit que ça s'appelle la libido et que ça l'inquiète qu'il ne sache pas ce que c'est, il lui fait la gueule pendant combien de temps ? « Genre au bout de 20 minutes c’est ok de trahir des promesses ? » C'est vrai que dit comme ça, l'argument sonne très con – parce qu'il l'est. Mais elle s'apprêtait tout de même à rétorquer qu'au bout de vingt minutes elle s'ennuie comme si c'en était un meilleur, une volonté heureusement interrompue par sa conquête qui se demande si elle n'est pas en train de s'engueuler avec son mec.

Conquête qui est priée de s'en aller vu la tournure qu'ont pris les événements, histoire qu'elle règle le conflit familial avec autant de mauvaise foi et de roulements d'yeux qu'elle en a l'habitude. Mais vu la tronche que tire son frère lorsqu'elle se tourne de nouveau vers lui, c'est à se demander si elle n'aurait pas mieux fait de partir avec le gars qui lui faisait vachement moins la gueule malgré l'interruption de leur baiser. Enfin quand même, ils avaient dit sortie fratrie, et malgré sa connerie Sara y tient assez pour... s'enfoncer, apparemment, en lui demandant ce qu'il a foutu pour se barrer si longtemps. « Change de sujet t’as raison. Je suis tombé sur un pote à moi que j’avais pas vu depuis le lycée. » En temps normal elle lui aurait demandé qui, curieuse de savoir si elle le connaît aussi, surtout qu'il a passé un bout de temps avec donc il doit même savoir ce que le dit pote est devenu depuis le lycée. En temps d'engueulade, Cesar et son pote du lycée peuvent aller se faire voir. « Non mais sérieux Sara, on peut pas te faire confiance. » La brune roule des yeux, lâche un long soupir bien agacé. « Ooooh Cesar s'te plaît ! Ça va quoi ! On n'a pas couché ensemble au milieu de la foule, on s'est juste embrassés, y a pas mort d'homme. » Y a mort de pacte par contre. Et au regard que lui lance son frère – le genre qui foudroie sur place son aînée aussi irresponsable qu'immature –, elle comprend que ce qu'elle dit n'a pas du tout arrangé les choses. « D'accord, c'est bon, je m'excuse. » Elle essaie d'y mettre du sien – enfin. « Lo siento hermano. » Ça sonne même sincère parce qu'à défaut de se sentir coupable d'avoir embrassé ce type, elle s'en veut un peu d'avoir trahi son frère – même si elle maintiendra que trahir est un bien grand mot. « On peut reprendre à zéro ? J'embrasse plus personne et toi tu évites les pauses pipi d'une demi-heure. » Oui parce que la faute est quand même partagée, bien sûr. « Bon c'est qui que t'as croisé ? J'le connais ? » Voilà ils changent de sujet, histoire réglée, pas besoin de continuer à s'engueuler.

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(Sara) About damn time VNCfyuC

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Je savais très bien que je ne pouvais pas faire confiance à Sara, elle a le chic pour trahir ses promesses en un rien de temps, j’aurais dû le savoir. Je suis profondément en colère mais je suis surtout déçu de voir qu’encore une fois j’avais raison. De mon côté j’avais promis de faire des efforts et j’ai tenu parole, mais elle, elle n’en est pas capable alors je l'engueule comme une gamine une fois l’autre crétin parti.« Ooooh Cesar s'te plaît ! Ça va quoi ! On n'a pas couché ensemble au milieu de la foule, on s'est juste embrassés, y a pas mort d'homme. » Je fais les gros yeux, ma colère augmente d’un cran, comme si c’était moi le fautif dans l’histoire, elle ne manque pas d’air. “Mais il ne manquait plus que ça en fait !” J’ai envie de la planter là, de me barrer avec la voiture, elle aura qu’à se débrouiller pour rentrer. « D'accord, c'est bon, je m'excuse. » Elle a l’air si peu sincère, ça crève les yeux que c’est juste pour que j’arrête de l’emmerder. « Lo siento hermano. » Je soupire, je ne suis même pas sûr qu’elle le pense vraiment mais j’en ai assez de me battre contre elle et son immaturité. « On peut reprendre à zéro ? J'embrasse plus personne et toi tu évites les pauses pipi d'une demi-heure. » Je roule des yeux, elle s’excuse mais en m’accusant quand même d’avoir été trop long, c’est la meilleure celle-là. “Vale.” Je dis simplement pour mettre fin à l’accident, mais je n’oublie pas ce qu’elle a fait et je ne manquerai pas de lui ressortir son erreur en temps voulu. « Bon c'est qui que t'as croisé ? J'le connais ? » Ouais c’est ça change de sujet. “Un mec du lycée.” Je ne m’attarde pas davantage, je suis trop sur les nerfs pour vouloir faire la discussion comme si de rien n’était. Cette histoire m’agace plus qu’elle ne le devrait et j’en arrive à un point où je n’ai même plus envie de rester là pour faire la fête. “Bon je suis désolé mais je suis fatigué, je vais rentrer, tu verras avec Alma pour le retour.” Je lui tends son verre avant de tourner les talons vers la voiture : elle a tout gâché encore une fois.

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