Les nombreux ajournements du procès ont été à la fois une torture, qui me laissait dans l’expectative d’un moment que je ne voulais voir venir, mais également un temps non négligeable pour me permettre de me préparer à toutes les éventualités. Mon avocate avait pris à parti de me lister tout ce qui était susceptible de se produire sans chercher à me ménager. A ses côtés, et avec le soutien infaillible de Megan, je m’étais petit à petit, mise en condition pour braver le procès. Au milieu de tout le stress engendré par l’approche de la date fatidique, je m’étais promis de ne pas flancher devant Lawrence. Je voulais être capable de lui démontrer que sa présence ne me faisait plus aucun effet, qu’il n’avait plus aucune emprise sur ma personne. Au travers de cette procédure, j’avais à souhait de retrouver ma liberté en me libérant du poids qu’il pouvait représenter. Consciente que rien n’allait être simple, je n’avais néanmoins pas complètement intégré la possibilité – pourtant si probable – que Lawrence cherche à se présenter comme la victime dans cette histoire. Dans mes souvenirs Lawrence n’était qu’arrogance et empreinte d’un ego bien trop surdimensionné pour se donner une quelconque image de faiblesse. La surprise a été réelle lorsque les portes de la salle d’audience se sont ouvertes pour laisser place à un Lawrence méconnaissable, le visage comme adoucie par une tristesse infinie, les épaules rentrer vers l’intérieur et le regard fuyant. Si je ne l’avais pas si bien connu, j’aurais pu tomber dans son jeu d’acteur en un claquement de doigt, prenant en pitié le pauvre homme probablement manipulé par son ex-compagne. Mais Lawrence n’a jamais été patient et lors de mon témoignage, quand bien même je m’efforçais de ne pas laisser mon regard se poser dans sa direction, je pouvais le sentir entrain de s’agiter, prêt à vociférer ce qu’il prétendait être sa vérité.

Chaque soupir exaspéré de sa part équivalait à un trou béant dans mes fondations. Qu’importe toute la préparation dont j’avais bénéficié, l’exercice me paraissait être un véritable supplice. Durant une heure, j’ai dû raconter, une fois encore, comment nos chemins s’étaient croisés, ce qui avait lentement et sinueusement changer dans notre relation, l’emprise qu’il avait peu à peu exercer sur mon quotidien au point de me couper de mes proches et de m’enfermer dans une bulle dans laquelle j’avais fini par cruellement manquer d’oxygène. Les questions de son avocat était cruelle, dénuée de toute empathie, me ramenant à être une fille simple d’esprit qui se voulait d’avoir son petit moment de gloire avec une personne à la célébrité montante. A chaque nouveau coup, j’avais l’impression de sentir la présence de Lawrence dans mon dos, je pouvais encore sentir ses mains se serrer sur mes poignets et sa voix cracher toutes les horreurs qu’il avait su me dire au fil des années. Il a fallu parler des abus en tout genre pour en finir par évoquer la violence physique. Mon histoire tout entière s’est retrouvée mise à nu devant un parterre d’inconnu et au milieu de tout cela résidait le visage de Megan, tel un phare dans la tempête, elle qui ne m’a pas quitté d'un regard une seule seconde. J’ai puisé ma force dans ce visage familier pour tout dire, sans ne rien cacher, qu’importe la difficulté que je pouvais avoir en ce qui concerne certain sujet. Je voulais que les gens sachent qui était réellement Lawrence une fois la porte de notre appartement fermé, mais son avocat ne me laissait aucun répit, reprenant chaque tournure de phrases, émettant un doute dès que je prenais un temps avant de répondre. A chaque nouvel acte, je me sentais comme bâillonner à nouveau, incapable de pouvoir donner mon avis sans que quelqu’un n’intervienne avec violence. Je me suis retrouvé comme propulsé dans notre ancienne cuisine, quand Lawrence prenait plaisir à me rabaisser et qu’il était impossible que je ne puisse répliquer. On cherchait à me faire reculer dans un coin pour me faire avouer des torts que je n’avais pas, mais j’avais à cœur de répliquer sans jamais démontrer la moindre arrogance. Par tous les moins, et parce qu’on m’a donné le droit d’être écouté, je donne ma version des faits quand bien même il est parfois difficile d’entrer dans certains détails. Néanmoins, l’avocat de la défense viendra donner le coup de grâce en remettant en doute ma parole dès lors que j’ai commencé à évoquer les abus sexuels. J’ai fait l’erreur de laisser mon regard glisser vers Lawrence à cet instant, et j’ai pu lire le sourire de satisfaction qui se dessinait sur son visage à mesure que les questions acerbes de son avocat venaient me faire bégayer de plus en plus fort.

A un moment donné je n’ai plus su faire, paniquée par ce qui était sous-entendu de ma personnalité et profondément blessée de voir ma parole remise en cause d’une façon aussi vulgaire. J’ai laissé mon avocate diriger la fin de la conversation jusqu’à ce qu’elle réclame une pause de quelques minutes. Le président de la cour venait tout juste de donner son accord que j’étais déjà sur mes jambes, prête à rejoindre la sortie sans oublier de m’arrêter près de Megan. « Je vais aller prendre l’air. » Mon affirmation ne laissait place à aucune question, mais j’avais besoin qu’elle me suive, pour sentir sa présence à mes côtés plutôt que d’avoir la sensation que le regard de Lawrence continuait à me poursuivre. Une fois dans le couloir, je reprends mon souffle, encore à peine consciente de ce que je venais de faire après avoir mis tant de temps à redouter cette étape. En sécurité dans un coin, le corps de Megan faisant bouclier avec le reste du monde, je m’autorise à fermer les yeux juste un instant. « Je sais pas si je vais avoir la force de l’écouter se faire passer pour la victime. » Jusqu’à présent Lawrence n’avait encore rien dit, mais je redoute de plus en plus le moment où sa voix puissante viendra résonner dans la salle d’audience.

Du coin de l’œil, alors que je cherche encore à reprendre mes esprits, j’aperçois un visage familier qui quitte la salle, semblant chercher quelqu’un dans ce couloir. « Lucia ! » Malgré une certaine fébrilité encore présente, un doux sourire se dessine sur mes lèvres, alors que je m’extirpe de mon coin pour m’approcher de la jeune femme. « J’aurais préféré te revoir dans d’autres circonstances. » Nous avions longuement échangé par messages, mais c’est la première fois que je revoyais Lucia depuis qu’elle avait quitté la ville et au vu de son ventre arrondi sous sa blouse, les choses avaient changé pour elle. Je ne saurais expliquer la légère pointe de jalousie qui émergea dans le tumulte d’émotions qui s’emparait de moi depuis ce début de journée, mais la sensation était là comme venant appuyer sur un mal-être dont je refusais de parler. Lucia avait avancé, j’étais encore terrorisée à la simple idée d’entendre la voix de mon ex-compagnon. Me reprenant, je lui adresse un autre sourire de circonstance. « Félicitation. » que j’indique en désignant l’évidence. « Et merci d’être venue surtout. » Cela ne devait pas être facile pour elle malgré tout et j’ose espérer que Lawrence aura la décence de ne pas l’aborder. « Ça compte énormément pour moi que tu sois là. » Sans son témoignage, mon histoire avait bien moins de force et d’impact.

@megan williams

what i'm supposed to do haunted by the ghost of you
Megan Williams & @Shiloh Atkins (&Lucia) ☆ crédit/missatomicbomb

(MEGAN)
Je n’entends pas ce que Shiloh dit, penchée vers son avocate, mais à en croire son visage déformé par la honte et la tristesse, elle ne tiendra pas plus longtemps sans pause dans les audiences. Dès que la pause est demandée par l’avocate de mon amie et accordée par le juge, je n’ai plus qu’un seul objectif en tête : me précipiter à sa suite pour savoir comment elle se sent, si elle a la force de continuer ou si j’ai enfin l’autorisation d’employer la manière forte : casser les deux genoux de son ex de façon anonyme et en pleine nuit. J’ai de l’argent maintenant : il s’agit du genre de service que je dois pouvoir payer, non ? Plus besoin de me salir les mains, un monde parfait. « Je sais pas si je vais avoir la force de l’écouter se faire passer pour la victime. » La blonde est recroquevillée et adossée contre le mur en granit blanc du tribunal, et je fais barrière de mon corps pour empêcher qui que ce soit de la voir et de l’aborder. « Tu vas la trouver. Parce que c’est toi la victime et lui le coupable et il est hors de question qu’il quitte ce tribunal en étant reconnu comme autre chose qu’un énorme connard violent et manipulateur. » Shiloh a tantôt besoin de douceur et de soutient, tantôt d’un genre d’amour plus violent pour la secouer et, aujourd’hui, j’emploie le second. Avec douceur, j’attrape son visage en coupe dans mes mains et je caresse ses joues de mes pouces. « T’as rien à te reprocher. Laisse pas cette pauvre merde ou son avocat te convaincre du contraire. C’était sûr qu’il allait essayer de faire ça. » Parce que dépeindre Shiloh comme une allumeuse et une arriviste, c’est la carte la plus facile à jouer. « T’as rien fait de mal, ok ? » Et lui, il est temps qu’il paye ce qu’il t’a fait.

(LUCIA)
A entendre l’avocat de la défense dépeindre Shiloh comme une allumeuse – elle m’aurait volé Lawrence, ce que je considère au demeurant comme une bénédiction – et comme une manipulatrice, je suis autant révoltée que j’en tremble de tout mon corps. D’un coup, je doute d’avoir la force de prendre la parole pour témoigner lorsque je serai appelée à la barre, mais je sais que c’est nécessaire pour que mon ex paye pour toutes les femmes qu’il traitée comme des moins que rien, moi comprise. Sans Harlow pour me tenir la main, je crois que j’aurais pris mes jambes à mon cou. « Je vais aller voir comment elle se sent, d’accord ? Ne bouge pas. » Je dépose un baiser sur les lèvres de mon fiancé et, soutenant mon ventre de ma main gauche, je quitte ma rangée en m’excusant platement à chaque personne qui doit se reculer sur le banc pour que je puisse passer. L’avantage d’être une femme visiblement très enceinte, c’est que personne n’ose s’indigner d’être dérangé.

La silhouette de Shiloh est dissimulée par celle de la blonde avec laquelle je l’ai déjà vue et je m’approche d’elle le plus doucement possible. Si ma présence la dérange, elle aura ainsi tout le loisir du monde de me demander de m’éloigner avant que je n’ai atteint son niveau. Sauf qu’elle m’accueille avec… Ce qui se rapproche le plus d’un sourire étant donné les circonstances. Je le lui retourne, avant de m’approcher un peu plus et de laisser ma main se poser délicatement se poser sur son bras. « J’aurais préféré te revoir dans d’autres circonstances. » - « Moi aussi. » Nous n’avons pas eu le temps de devenir de vraies proches, mais nous sommes amies, aussi étrange que cela puisse paraître. Elle recevra assurément l’un des nombreux faire parts que j’enverrai quand l’organisation du mariage reprendra : il était hors de question de dire oui avec un ventre plus gros qu’une planète. « Félicitation. » Mes joues rougissent, et je pince même les lèvres. « Merci beaucoup. C’est un petit garçon, c’est pas un secret, mais on voulait pas forcément le dire sur les réseaux sociaux. » Je me détache de ces derniers, toujours aussi atteinte par les remarques cruelles que se permettent certains. Je trouve mon équilibre, depuis plusieurs mois, auprès de l’homme qui partage ma vie. Je retrouve mon équilibre grâce à l’amour, la douceur et l’éloignement : les terres australiennes portaient trop de mauvais et douloureux souvenirs pour que je refuse la proposition de Harlow de venir vivre auprès de lui, en Nouvelle Zélande. « Et merci d’être venue surtout. Ça compte énormément pour moi que tu sois là. » - « T’as pas besoin de me remercier. J’étais pas sûre que le médecin m’autoriserait à prendre l’avion, mais c’est important que je sois là. » Mon témoignage apporter bien plus de poids au sien, même si je me sens sur le point de flancher. « C’est important et courageux ce que tu fais, tu sais. J’aurais aimé être capable de le faire plus tôt. » Je regrette qu’après moi, il y ai eu des suivantes.

« Tu vas la trouver. Parce que c’est toi la victime et lui le coupable et il est hors de question qu’il quitte ce tribunal en étant reconnu comme autre chose qu’un énorme connard violent et manipulateur. » Sont les mots que m’adresse Megan sans jamais que son regard ne quitte le mien, son corps étant venu se placer devant le mien, faisant office de bouclier au monde extérieur. Il n’existe plus que sa détermination dans ce petit cercle qu’elle est venue resserrer tout autour de moi. Si j’avais demandé une pause pour obtenir quelques minutes de répit, c’était surtout pour me retrouver seule avec Megan. Je savais qu’elle aurait tous les mots nécessaires, la dureté qu’il fallait, pour me remettre les idées en place, pour supplanter ce que Lawrence cherchait à insinuer depuis plus d’une heure. Ses mains se glissent sur mes joues, comme si elle cherchait à me partager toute son énergie, toute la rage qu’elle paraissait avoir accumulée à mesure que Lawrence déroulait son plan machiavélique. « T’as rien à te reprocher. Laisse pas cette pauvre merde ou son avocat te convaincre du contraire. C’était sûr qu’il allait essayer de faire ça. » Je hoche de la tête tant bien que mal, sans jamais chercher à me défaire de son étreinte. Un instant, je ferme les yeux, cherchant à aspirer tout ce qu’elle compte me transmettre, prenant le temps de replacer mes pensées loin de toute cette peur qu’il avait su m’inspirer. « T’as rien fait de mal, ok ? » - « J’ai rien fait de mal. » que je répète pour accentuer ses paroles et me rappeler la raison qui m’avait amené ici. Je n’ai rien fait de mal, il cherche juste à se rendre innocent. « Il était déjà en train de perdre sa patience, il faut que je dise à mon avocate d’insister, je sais qu’il va vriller à un moment, si elle appuie aux endroits qui font mal. » Contrairement aux autres personnes présente dans la pièce, je pouvais reconnaître les limites de Lawrence, ce qui allait finir par le pousser à hausser la voix. Il pouvait jouer un rôle un temps, mais sa vraie nature allait rattraper durant le procès, je comptais là-dessus pour prouver mon point, pour faire entrevoir la façon dont il est capable de changer de personnalité en un claquement de doigt.

Mon arme la plus puissante ne se tenait pas entre les mains de mon avocate, mais plutôt dans la présence de la jeune femme qui s’approchait lentement de nous. Je ne l’avais pas aperçue parmi l’audience et j’ose imaginer que Lawrence n’a toujours pas conscience de sa présence. Savoir que je me suis liée avec Lucia allait peser dans la balance, j’en étais persuadée, plus encore lorsqu’elle était présente et allait apporter son témoignage à la barre. Il aurait été préférable de se retrouver ailleurs, avec un véritable plaisir de se revoir et non tâché par des souvenirs qu’aucune de nous deux n’avait réellement envie de revivre, mais Lucia était présente et c’est tout ce qui comptait à mes yeux. Elle n’était d’ailleurs pas seule. « Merci beaucoup. C’est un petit garçon, c’est pas un secret, mais on voulait pas forcément le dire sur les réseaux sociaux. » Un sourire se dessine sur mes lèvres à l’idée de l’imaginer future maman. « Je suis vraiment heureuse pour toi ! » Ce n’était pas un mensonge, elle le méritait après tout ce qui lui était arrivé avec Lawrence, après ce que je lui avais fait sans même le savoir. « T’as pas besoin de me remercier. J’étais pas sûre que le médecin m’autoriserait à prendre l’avion, mais c’est important que je sois là. » - « Je sais qu’il s’attend sûrement pas à te voir là. » que je souligne espérant encore une fois que cela aura le mérite de lui tirer la pire des réactions.

« C’est important et courageux ce que tu fais, tu sais. J’aurais aimé être capable de le faire plus tôt. » On en avait déjà longuement parlé toute les deux, j’avais compris depuis longtemps pourquoi elle ne l’avait pas fait et elle sait à quel point j’ai eu besoin de temps avant de me lancer. « J’aurais pas eu autant de courage sans elle. » Je me tourne légèrement pour amener Megan à s’avancer. « Lucia je te présente ma meilleure amie, Megan. » J’avais assez mentionné Lucia pour que mon amie sache de qui il s’agit. « Elle était en train de me faire un petit pep talk pour que je retourne là-dedans la tête haute. » Il serait idiot de prétendre que les paroles de Lawrence n’avaient aucune influence sur ma personne. Je pouvais trembler rien qu’au son de sa voix, mais pas aujourd’hui, c’était fini tout cela. J’avais juste eu besoin d’une pause et de revoir le visage de ses deux femmes fortes pour me rappeler pourquoi j’avais entrepris ce genre de démarche. Il ne fallait pas que cela arrive à quelqu’un d’autre, je ne pourrais pas me le pardonner. « Je sais que ça doit pas être facile pour toi aussi de te replonger dans tout cela. » que je souffle malgré tout, parce que je ne voulais pas être responsable de son mal-être une fois encore. « Je vais arrêter de te remercier cent fois. » que je plaisante un peu, ma nervosité m’amenant à me répéter en boucle et en boucle.

Il avait fallu retourner dans la salle d’audience. Comme je l’avais prédit, Lawrence a perdu de sa prestance lorsque Lucia s’est présentée à la barre. Si sa présence l’énervait, je crois que c’est de voir son ventre arrondi et son air radieux et impassible qui a fini de faire le tour. Lawrence a flanché, son ton devenant changeant, son agressivité venant nous rendre visite. Je n’ai pas flanché, maintenant ma tête haute, le fixant du regard à chacune de ces accusations. Il n’allait pas m’avoir, il ne pouvait pas me rendre responsable de tout ce qu’il m’avait fait subir. Je n’allais pas lui faire ce plaisir, s’en étais terminé de son influence sur ma vie. Il a essayé pourtant, les coups de son avocat se voulaient violents, il savait exactement comment m’atteindre, mais j’ai tenu bon. Je voulais me défendre, rappeler que je n’étais pas ici pour lui réclamer de l’argent, mais simplement pour le faire disparaître de ma vie.

« Le juré va désormais procéder aux délibérations. La séance reprendra quand ils seront parvenus à un verdict. » Plus rien ne pourrait changer désormais, tout restait entre les mains des jurés. Est-ce qu’ils seront tous tombés sous le charme de Lawrence ou certaines des femmes présentes auront réussi à nous entendre avec Lucia ? Toutes les possibilités se déroulent dans un coin de ma tête alors que j’aperçois Megan qui s’approche à nouveau de moi. « Je crois que je vais avoir besoin d’un autre de tes pep talk. » que j’annonce d’un rire faible. Tout le stress de la journée est en train de retomber et je me sens presque trembler. « J’ai hâte que tout se termine. » A ce point, je ne souhaite que rentrer chez moi et prendre cette semaine de vacances que James m’avait promis. « T’es occupée les prochains jours ? » Elle voudrait pas s’échapper avec moi ? « On pourrait aller faire un tour à Byron Bay ou un truc comme ça. » Je parlais à mille à l’heure, pour combler, pour ne pas essayer d’imaginer ce que les jurés étaient en train de se dire.

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Megan Williams & @Shiloh Atkins (&Lucia) ☆ crédit/missatomicbomb

(LUCIA)
« Je suis vraiment heureuse pour toi ! » Un immense sourire étire mes lèvres et, naturellement, je pose une main sur mon ventre très arrondi. « Merci, t’es adorable. Il devrait arriver dans trois mois s’il décide pas de pointer le bout de son nez plus tôt. » Je pince mes lèvres, aussi timide que je l’ai toujours été, et j’ajoute. « C’était pas prévu si tôt. On devait rester plus longtemps au Cambodge, mais on est rentrés en Nouvelle Zélande dès qu’on l’a su. » Parce qu’il était hors de question de faire autre chose que d’avoir cet enfant. J’aime Harlow, et j’ai toujours voulu d’une grande famille, d’une fratrie d’au moins trois enfant pour égaler mes parents, plus si je suis chanceuse et que le ciel le permet. J’ai retrouvé un peu de fois, aux côtés de mon fiancé. « On s’est fiancés. Tu recevras une invitation dès qu’on se mettra dans l’organisation, mais ça devra attendre un petit peu. » Je pose à nouveau une main sur mon ventre mon ventre pour qu’elle comprenne le pourquoi du comment : les premiers mois de vie de la merveille qui grandit en moi ne seront consacrés qu’à lui et uniquement lui. Moi, je n’ai pas recommencé à travailler en rentrant de mon volontariat et je n’ai pas l’intention de le faire la première année de vie de mon fils. L’avantage, c’est que je sais organiser un mariage réussi de façon efficace ; et cela me fait penser que je rendrais visite à Evelyn avec plaisir, si j’ai le temps pendant que nous restons à Brisbane. Mes parents m’auraient déshéritée s’ils avaient appris que j’avais fait l’aller-retour et que je n’avais pas même pas prévu de passer une semaine chez eux. Gabrielle et Hannah m’aurait assassinée sur le champ. « Je sais qu’il s’attend sûrement pas à te voir là. » Mon cœur se serre, et j’ai l’impression de manquer d’air d’un coup : je n’ai pas autant de courage qu’elle, de toute évidence. Shiloh m’offre une distraction en s’écartant d’un pas pour me laisser voir la blonde en la compagnie de laquelle je l’ai trouvée. « J’aurais pas eu autant de courage sans elle. » L’inconnue m’a en effet l’air bien moins commode : il suffit d’apercevoir sa mine refrogner pour théoriser qu’elle est une force de la nature. J’aurais aimé être comme ça. Au contraire, je suis le genre de fille fragile qui rougit encore lorsqu’on soulève sa grossesse pourtant bien entamée.

« Lucia je te présente ma meilleure amie, Megan. Elle était en train de me faire un petit pep talk pour que je retourne là-dedans la tête haute. » - « Enchantée. Et c’est une excellente idée, je crois que ça m’aurait pas fait de mal non plus de l’entendre. » Puisque je vais bientôt devoir témoigner et qu’à cette idée, j’ai l’impression que mes jambes se changent en coton. « Je sais que ça doit pas être facile pour toi aussi de te replonger dans tout cela. » Je hoche la tête, les joues rougies par la honte et la détresse à l’idée d’être replongée dans ma relation avec un ex qui n’a été que destructeur. J’ai retrouvé le peu de confiance en moi dont la nature m’avait dotée, mais il m’arrive encore de me réveiller en sursaut la nuit, et de demander à Harlow de me serrer dans ses bras pour me rassurer. « Je vais arrêter de te remercier cent fois. » - « Je suis heureuse d’être là Shiloh. Pas dans l’absolu évidemment, mais je suis heureuse de faire ça pour toi et pour les autres. » Parce que Lawrence ne peut pas s’en sortir juste parce qu’il est riche, célèbre et, par conséquent, le portrait de tous les hommes qui restent impunis. « Et mes parents te remercieraient certainement aussi s’ils en avait l’occasion. On avait pas prévu de rentrer avant la naissance, ils désespéraient de pouvoir m’avoir un peu à la maison. » Bien sûr, ils ne savent pas ce que nous faisons réellement ici : personne ne sait.

(MEGAN)
L’audience se termine, et la petite blonde à laquelle Shiloh m’a présentée peut enfin arrêter de trembler. Moi, je me moque bien de sa présence : la seule personne sur laquelle je me concentre est Shiloh et c’est tout naturellement que je la suis alors qu’elle quitte la salle d’audience. « Je crois que je vais avoir besoin d’un autre de tes pep talk. » - « Tu t’en es très bien sortie… Et Lucia aussi : si j’avais fait partie du jury, je vous aurais cru. » Malheureusement, je ne suis pas tout à fait objective. Auront-elles convaincue ces inconnus qui ont passé la journée à écouteur leur histoire ? Ou bien adhèreront-ils à l’histoire de Lawrence ? Elle a des preuves de ce qu’elle avance, Shiloh. Peut-être pas du fait qu’il ait levé la main sur elle, ni de la plupart des violences psychologique qu’elle a subies, mais elle a ses messages, et elle a des preuves de l’existence du compte sur lequel il a divulgué ses photos intimes, bien qu’il nie en être à l’initiative. Qui d’autre aurait pu les avoir en sa possession ?

Lucia d’ailleurs sort de la salle d’audience, prend une dernière fois Shiloh dans ses bras et s’excuse de ne pas pouvoir rester plus longtemps : visiblement, elle est attendue. Moi, je pense surtout qu’elle veut s’éloigner de cet endroit au plus vite et c’est difficile de le lui reprocher. Je laisse mon amie et elle se dire au revoir, avant de passer un bras sur les épaules de la blonde. « J’ai hâte que tout se termine. » - « C’est pas surprenant. La journée aurait été éprouvante pour n’importe qui. » Je grimace, avant d’ajouter. « Ton avocate t’a dit combien de temps les délibérations allaient durer ? » Et, moins réjouissant. « Elle t’a dit qu’il pouvait et risquer de faire appel ? » Autrement dit : le chemin de croix ne sera pas tout à fait terminé après le verdict, quel qu’il soit. « T’es occupée les prochains jours ? On pourrait aller faire un tour à Byron Bay ou un truc comme ça. » - « Je ferai de la place pour toi. J’ai pas repris le boulot de toute façon. » Pas depuis fin octobre et la mort de ma mère. « Tu sais que tu peux dormir quelques jours chez nous, si t’en ressens le besoin. Ça dérangera pas Damon, je pense que t’es largement en tête du classement de mes amies le concernant. » Ce n’est guère difficile d’être devant Jo et Charlie : ce sont des pestes, c’est pour ça que je les aime tant.

« Merci, t’es adorable. Il devrait arriver dans trois mois s’il décide pas de pointer le bout de son nez plus tôt. C’était pas prévu si tôt. On devait rester plus longtemps au Cambodge, mais on est rentré en Nouvelle Zélande dès qu’on l’a su. » Mon regard se pose à nouveau sur le ventre quelque peu proéminent de la jeune femme et un sourire se dessine sur mes lèvres malgré les pensées conflictuelles qui m’envahissent peu à peu. « On s’est fiancés. Tu recevras une invitation dès qu’on se mettra dans l’organisation, mais ça devra attendre un petit peu. » - « Ce sera avec plaisir. » Je n’ai l’impression de faire que des réponses de circonstance, ce qu’il est demandé de répondre dans ce genre de conversation, pour ne pas faire de vagues. Je ne sais pas ce qui me prend, à l’observer d’un regard envieux, mais je vois Lucia qui a avancé quand je tremble encore à l’idée d’être approché par un homme. Ne voulant laisser mes émotions transparaître, je préfère lui présenter Megan, qui se tient contre mon flanc droit, prête à sauter sur la première personne qui oserait venir m’importuner. Je les entends échanger quelques paroles, mon regard résolument bloqué sur les nouvelles formes de Lucia. « Je suis heureuse d’être là Shiloh. Pas dans l’absolu évidemment, mais je suis heureuse de faire ça pour toi et pour les autres. » - « Merci. » que je murmure lentement. Elle m’avait toujours laissé comprendre que l’on pourrait se soutenir contre Lawrence et elle n’avait pas manqué à sa parole.  Sans elle, le procès n’aurait sans doute pas eu la même portée, je me serais retrouvé seul à accuser un homme adulé. A deux, tout prenait une autre dimension et j’essayais de me convaincre que cela ferait au moins la différence, ne serait-ce qu’un peu. « Et mes parents te remercieraient certainement aussi s’ils en avaient l’occasion. On n'avait pas prévu de rentrer avant la naissance, ils désespéraient de pouvoir m’avoir un peu à la maison. » - « J’espère que tu pourras profiter des tiens après tout ça. » Elle n’aura sans doute aucun mal à tourner la page et dans le fond j’en suis heureuse pour elle. Mon après procès me paraît bien plus vague et indistinct.

***

A la sortie de la salle, je prends une longue inspiration. C’est terminé. Désormais, quoi qu'il arrive, le résultat se tient entre les mains des juges et mon cœur s’emballe à l’idée de l’attente qui se profile. « Tu t’en es très bien sortie… Et Lucia aussi : si j’avais fait partie du jury, je vous aurais cru. » Megan sait toujours trouver le mot juste, la formulation qui vient apaiser mes pensées et qui me rappelle que je ne pouvais pas faire mieux que ce qui venait de se dérouler. J’ai tout dit, j’ai raconté ma version des faits et si l’avocat de Lawrence à chercher à me faire flancher, je ne me suis pas effondrée à la barre. Je voulais que mon histoire soit entendue, c’est désormais chose faite. « Ce qui me rassure un peu c’est que les femmes étaient plus nombreuses. » Le jury est entré en délibération dès la fin de la séance et j’ose espérer que les femmes auront eu plus de nuance à l’écoute de tout ce qui vient d’être dit ces dernières heures.

Lucia a décidé de ne pas rester et je ne peux pas lui en vouloir, je n’avais de toute manière pas très envie de voir son ventre rond et son fiancé parfait encore longtemps. Je ne saurais expliquer tout ce que cela provoquait chez moi, mais je n’avais pas à cœur de me retrouver confronter à cette vision parfaite. Il était mieux que je sois à nouveau seule avec Megan, celle qui m’a soutenue depuis le départ et sans qui je ne serais pas là aujourd’hui. « C’est pas surprenant. La journée aurait été éprouvante pour n’importe qui. » Mon corps me paraît être encore soumis à toute une énergie vibrante, mais dès que le verdict sera annoncé, je sais que tout pourra lâcher à tout moment. J’ai la sensation d’être vidé de mes forces, mais de tenir le coup dans le simple espoir d’entendre une conclusion satisfaisante à mes années de calvaire. « Ton avocate t’a dit combien de temps les délibérations allaient durer ? » - « Ça peut durer des heures. » Malheureusement, personne n’a une idée de combien de temps cela pourrait prendre, mais mon avocate m’avait assuré que le verdict serait rendu avant la fin de la journée. « Tout dépend s’ils sont d’accord les uns avec les autres ou non. » Un verdict trop rapide allait me stresser autant qu’une attente trop longue de toutes les manières. « Elle t’a dit qu’il pouvait et risquer de faire appel ? » Je hoche la tête en guise de réponse positive. Bien sûr que l’on avait parlé de tout cela, c’est même la première hypothèse qu’elle m’avait présentée, ayant à cœur de ne pas me bercer d’illusions inutiles. « Elle pense qu’il le fera que s’il est reconnu coupable des violences. » Pour le reste, il laissera probablement couler pour ne pas ternir un peu plus son image avec un second procès. J’ai conscience que l’on se dirige probablement vers cette conclusion, les violences sont si complexes à prouver et il a tellement bien joué son discours du garçon modèle qui s’est laissé manipuler par une allumeuse. « Honnêtement, aujourd’hui tout ce que je veux c’est qu’il n’est plus jamais le droit d’entrer en contact avec moi. » Je ne m’attendais à aucun miracle, mon avocate m’avait assez préparé à cela, mais j’aimerais simplement que le harcèlement soit reconnu et que Lawrence soit dans l’interdiction la plus totale de m’approcher ou de me contacter. « Et que le harcèlement soit reconnu… » Au moins cela, le reste j’avais déjà un peu fait la paix avec. « Je me fais aucune illusion sur le sujet des violences même si ça prouvera encore une fois que ce type d’homme peut faire ce qu’il veut entre quatre murs sans jamais se retrouver inquiété de quoi que ce soit. » Je ne peux m’empêcher de penser à toutes les femmes qui sont actuellement coincées dans ce genre de relation et qui verront une fois encore qu’on ne peut pas les entendre.

« Je ferai de la place pour toi. J’ai pas repris le boulot de toute façon. » On n'avait pas parlé de tout cela encore, de sa vie depuis le décès brutal de sa mère. Megan était douée pour détourner l’attention depuis des semaines, sous prétexte du procès qui approchait, mais bientôt j’allais prendre le temps de m’assurer que mon amie ne s’enfermait pas dans une spirale négative. « Tu sais que tu peux dormir quelques jours chez nous, si t’en ressens le besoin. Ça dérangera pas Damon, je pense que t’es largement en tête du classement de mes amies le concernant. » Mes lèvres s’étirent dans un léger sourire. « Ce soir, j’ai pas envie d’être toute seule après ça. » Je n’allais sûrement pas être la plus bavarde, mais avoir de la compagnie ne sera pas de refus. « Je cherche une nouvelle colocataire depuis le départ de Trent, mais ça prend un peu de temps. » Je ne voulais pas ouvrir la porte de chez moi à n’importe qui et peut-être que mes exigences se font un peu trop grande.

Les heures ont défilé ainsi entre quelques bribes de conversation avec Megan et des pas à ne plus en finir dans les couloirs du tribunal. Nous avons été rappeler dans la salle en milieu d’après-midi et le verdict est tombé très rapidement : Lawrence a été reconnu coupable d’harcèlement en ligne, mais rien ne sera retenu contre lui en ce qui concerne les violences, la raison avancée étant la faute de preuves. Il écope d’une amende de quelques milliers de dollars avec en prime une injonction définitive l’empêchant de m’approcher. Lawrence a choisi de ne pas faire appel, quittant la salle de manière dramatique, profitant de son passage près de mon banc pour me rappeler que je ne suis rien qu’une menteuse. Mon avocate m’adresse quelques mots que je n’entends à peine, figée sur place depuis la lecture du verdict. J’ai besoin d’un peu de temps pour tout réaliser. J’étais préparé, mais on n'imagine jamais réellement ce que ça peut faire de s’entendre dire qu’il n’avait pas tapé assez fort pour être reconnu coupable.

what i'm supposed to do haunted by the ghost of you
Megan Williams & @Shiloh Atkins ☆ crédit/missatomicbomb

« Ce qui me rassure un peu c’est que les femmes étaient plus nombreuses. » J’ai moi aussi envie de m’accrocher au fait que c’est un bon signe, que la tranche d’âge des membres féminines du jury ne fait pas non plus partie de celle des midinettes qui écoutent les chansons de l’ex de Shiloh en mouillant leur petite culotte, alors je lui adresse un sourire et je hoche la tête. « Oui c’est une bonne chose. » Est-ce que ce sera suffisant pour que ce salopard soit condamné à la hauteur de ce qu’il mérite ? Certainement pas, puisqu’à mon sang, c’est un bon coup de batte entre les jambes qu’il aurait dû recevoir, le cas échéant. « Ça peut durer des heures. Tout dépend s’ils sont d’accord les uns avec les autres ou non. » Mes seules connaissances en matière de droit pénal se limitent aux épisode de Law and Order que regardait souvent la mère de l’une des famille d’accueil dans lesquelles j’ai séjourné, je ne peux donc que hocher la tête et adresser à la blonde un sourire encourageant. « Elle pense qu’il le fera que s’il est reconnu coupable des violences. » - « Oui, il le fera surement. » Et ce n’est pas nécessaire d’avoir un doctorat en droit pour le deviner : l’ex de Shiloh m’a semblé prêt à se battre pour ses salades et pour se faire passer pour un innocent, dans la salle d’audience. « Honnêtement, aujourd’hui tout ce que je veux c’est qu’il n’est plus jamais le droit d’entrer en contact avec moi. Et que le harcèlement soit reconnu… » Je pose ma main à plat dans son dos pour le caresser doucement. « Une fois que ce sera derrière toi, tu seras contente de t’être battue. » Et de ne pas l’avoir laissé la terroriser en plus de l’avoir maltraitée. Evidemment, pour l’instant elle préférerais sans doute être à des kilomètres de là et personne ne peut le lui reprocher. C’était réellement horrible, d’entendre son ex la dépeindre comme une femme ambitieuse ne l’ayant approché que pour se faire une place au soleil et acquérir un peu de notoriété, et faisant ce scandale que pour lui soutirer de l’argent. Shiloh n’est rien de tout ça. Lorsque l’avocat de Lawrence a fait avouer à Lucia, appelée à la barre, que le jeune homme l’avait trompée avec mon amie lorsqu’ils étaient encore ensemble – dépeignant ainsi Shiloh comme une croqueuse d’homme – mon sang n’a fait qu’un tour. La frêle brunette a eu beau préciser qu’elle n’en voulait pas à Shiloh et que cette dernière l’avait certainement sauvée, j’ai vu les murmures désaprobateur s'élever du banc des jurés. « Je me fais aucune illusion sur le sujet des violences même si ça prouvera encore une fois que ce type d’homme peut faire ce qu’il veut entre quatre murs sans jamais se retrouver inquiété de quoi que ce soit. » Si mon regard se voile lorsque j’entends ça, ce n’est pas à cause de Lawrence, de ce qu’il a fait, et de l’idée qu’il puisse être impuni. Non, ma gorge se serre parce que je pense à un autre homme intouchable qui a fait des dégâts incommensurables autour de lui, parce que je pense à Saül Williams et à ses mains se autour de ma nuque tout en me décollant du sol. Je pense aux bleus sur le visage de Damon, et à la certitude que l’homme d’affaires ne sera jamais puni, et cela me remplit d’amertume. Je tente de chasser ces idées noires – Shiloh ne sait rien de tout cela et je ne veux pas l’alarmer – mais c’est compliqué tant les points communs enter ces deux hommes me sautent aux yeux à présent. J’ai envie de dire à Shiloh d’y croire, mais je n'y crois pas réellement moi-même. Elle a certainement raison. « Que tu sois reconnue comme victime, c’est le principal ok ? » Si ce n’est pour les violence, au moins pour ces horribles photos qu’il a publiée et les textos dont il a torturé mon amie pendant des mois. « Et pour le reste… Quoi que la justice décide, il y a toujours l’opinion publique. » Et j’en connais un rayon à ce sujet. Elle n’a qu’un mot à dire, et je mets en marche la machine pour détruire sa réputation. Jo m’aidera certainement, et elle a des contacts dans le milieu de la musique. Quant à moi, j’ai encore les adresses directes de la plupart des gros tabloïds du pays. « Garde espoir. » D’une façon ou d’une autre, ce pauvre type aura ce qu’il mérite. Je ne crois ni au karma ni au destin, mais j’ai envie d’y croire, pour une fois. « Ce soir, j’ai pas envie d’être toute seule après ça. Je cherche une nouvelle colocataire depuis le départ de Trent, mais ça prend un peu de temps. » - « On reparlera de ça. » Du départ de son soit disant meilleur ami et de la façon dont ça s’est fait. Pour l’instant, l’important c’est le procès. « Mais oui, tu dors chez nous. C’est réglé, on rentre direct après le verdict. » Et quant à moi, je lui prêterai des vêtements : j’en ai tant que je ne pourrais compter, depuis que je suis devenue madame Williams.

***

Le verdict est tombé et il est exactement ce à quoi nous devions nous attendre. Je ne peux pas m’empêcher d’être déçue par cette décision qui pue le compromis et sans la moindre prise de risque. Shiloh ne fera certainement pas appel, et les choses resteront ce qu’elles sont : cela me rend malade. Toutefois, lorsque Shiloh quitte la salle d’audience après moi qui l’ai devancée, je passe un bras autour de ses épaules et colle ma tempe contre la sienne. « Allez viens, on rentre. » Et nous ne sommes obligés de reparler de rien de tout ça.

La main de Megan agis comme un calmant naturel, une manière si simple de me permettre de rester ancrer à la réalité de l’instant. Quoiqu’il se passe désormais, j’ai réussi à franchir l’étape qui me paraissait insurmontable. Je l’ai fait, j’ai réussi à me tenir sur mes jambes sans jamais trop vaciller, même s’il y a eu quelques hésitations, j’ai su faire entendre ma voix et ma vision des choses. Ce n’était pas parfait, ce n’était pas le discours militant que j’avais mille fois essayé de répéter dans un coin de ma tête, mais c’était quelque chose malgré tout, le témoignage de ce que j’avais vécu qui sortait de la sphère privée. « Une fois que ce sera derrière toi, tu seras contente de t’être battue. » Il me faudra peut-être une journée ou deux pour réellement croire aux paroles de mon amie, mais dans le fond, j’ai déjà la sensation de m’être libéré d’un poids qui pesait sur mes épaules depuis bien trop longtemps. Rien n’est parfait, je ne m’attends pas à un verdict idéaliste, mais je suis en paix avec mes démarches et je continue à espérer que bientôt tout cela pourra se raconter au passé. « Que tu sois reconnue comme victime, c’est le principal ok ? » - « C’est tout ce qui m’importe. » J’avais depuis longtemps cessé de me faire des illusions sur une quelconque autre conclusion. Je voulais au moins entendre que tout ce qu’il m’avait fait subir n’était pas normal, qu’il serait au moins épinglé pour son comportement après notre rupture à défaut de tout ce qu’il avait su me faire subir entre quatre murs. « Et pour le reste… Quoi que la justice décide, il y a toujours l’opinion publique. Garde espoir. » Je ne suis pas certaine de saisir la pleine nuance des propos de Megan, mais je finis par hocher la tête. Tout ce que je voudrais, c’est que le verdict arrive et qu’il arrive vite avant que je me torde un doigt à force de jouer avec mes mains. Si je n’ai pas le cœur à me lancer dans de grandes discussions, j’arrive encore à demander à Megan de pouvoir passer la soirée en sa compagnie. Juste ce soir, pour ne pas être seule, pour ne pas retourner dans cet appartement résolument vide. « On reparlera de ça. » Une fois encore, je hoche la tête, consciente que la blonde a sûrement bien des questions en stock au regard de cette situation. « Mais oui, tu dors chez nous. C’est réglé, on rentre direct après le verdict. » Je murmure un faible merci, ne quittant jamais ses côtés, mais laissant mes pensées vagabonder vers tout ce qui a pu être dit au cours de cette journée.

***

Emmitouflé dans un pull appartenant à Megan, recroquevillée dans un coin de son canapé, mon regard fixe le liquide qui tourne dans le fond de ma tasse. Le verdict n’a pas été une surprise et pourtant, il me laisse un certain goût amer, comme une frustration de ne pas avoir pu faire reconnaître l’entièreté de l’enfer de ces dernières années. Lawrence à gagner la bataille à laquelle il tenait le plus : il ne sera jamais reconnu au travers de sa véritable personnalité comme un homme manipulateur et violent. Dès demain, des jeunes filles inonderont ses réseaux sociaux pour chercher à gagner une place à ses côtés dans la promesse de lui faire oublier tout ce qu’il a vécu. Elles ne prendront pas en compte la reconnaissance de mon harcèlement, iront même sûrement dire que je l’avais bien cherché pour avoir quitté Lawrence de manière aussi abrupte. Ce genre d’homme arrive toujours à obtenir des excuses, on admire son charisme sans jamais imaginer qu’il puisse être un monstre dans l’intimité. « Je ne ferais pas appel. » que je finis par murmurer après de très longues minutes de silence. « J’en aurais pas le courage. » Je ne veux plus jamais avoir à reparler de tout cela, je ne veux plus jamais le voir. « Je lui laisse encore ça. » Un dernier acte de faiblesse, lui laisser sa notoriété plus ou moins intacte. Ou vraiment ? « Quand tu parlais d’opinion publique tout à l’heure ? » Je n’oublie pas les mots que Megan avait prononcés avec tant de ferveur. « Tu voulais dire quoi exactement ? » Je suis persuadée qu’elle ne parlait pas des fans du chanteur, mais qu’elle avait bien un tout autre scénario en tête.

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Megan Williams & @Shiloh Atkins ☆ crédit/missatomicbomb

Le verdict me révolte. Il me dégoute, il me donne envie de hurler à tous les membres de ce putain de jury qu’ils ont de la merde dans les yeux et que ce procès n’était qu’une mascarade. Si je me contiens, c’est pour Shiloh, pour ma réputation et un peu pour Damon avec qui je partage un nom déjà assez maudit comme ça. Je ne me prise pas d’un regard noir planté dans celui de Lawrence lorsqu’il passe à mon niveau en quittant la salle, en souvenir de cette fois il m’a blessée en voulant brutaliser Shiloh. Peut-être aurais-je dû parler. Peut-être était-ce égoïste de ne pas présenter les dossiers médicaux qui prouvait l’accès de violence du jeune homme, parce qu’ils contiennent aussi les spéculations d’un médecin qui a pensé que j’étais une femme battue en voyant les marques – plus anciennes – laissées par Saül sur ma nuque gracile. Tous des fils de pute, tous autant qu’ils sont. Si cela ne tenait qu’à moi, je lui éclaterais les rotules, à Lawrence.

Mais Shiloh est la priorité et je m’en rappelle tout au long du trajet qui nous conduit chez moi. J’ai appelé un taxi : personne n’était en état de conduire et je l’avais de toute façon anticipé : j’étais venue sans mon véhicule. Le trajet se fait en silence, je me contente simplement de garder la main de la blonde dans la mienne et d’en caresser le dos avec mon pouce. Arrivée dans l’appartement, j’embrasse Damon, et lui glisse à l’oreille un rapide état des lieux : il n’a pas besoin de plus pour comprendre qu’il s’agit du genre de moments où mon amie a besoin d’être seule avec moi. Et puisque j’ai épousé le garçon parfait, il récupère quelques affaires, m’embrasse une dernière fois avant de partir, puis quitte l’appartement en direction de l’atelier de son oncle père. (coucou @Damon Williams le PNJ) Shiloh installée sur le canapé, je me laisse tomber à ses côtés. « Damon a sorti une pizza du congélateur, si tu veux manger un peu. » Elle doit avoir l’appétit coupé, mais il faut malgré tout qu’elle mange quelque chose. Du reste, je la laisse venir à moi, sans trop savoir comment gérer la situation.

« Je ne ferais pas appel. » Je hoche la tête. Je m’en doutais. « J’en aurais pas le courage. » Ça aussi, je m’en doutais, pour être tout à fait honnête. « Oui. Je me doutais que tu déciderais ça. » Loin de moi l’idée de sous-entendre qu’elle est faible ou qu’elle manque de courage : simplement que je sais toute l’énergie que cette histoire lui a pompée. Moi, j’aurais espéré une autre issue. Je me serais battue bec et oncle, mais Shiloh est bien différente. Qui est tu Megan pour penser que tu aurais eu plus de courage quand Saül n’a jamais été inquiété pour ce qu’il vous a fait à toi et son propre fils, hein ? Le retour de conscience est douloureux. Le sentiment d’impuissance grossit encore un peu dans ma poitrine et gonfle dans ma gorge. « Je lui laisse encore ça. » - « Je comprends. » Elle n’a pas besoin de se justifier. Personne ne peut lui en vouloir : elle est la victime dans toute cette histoire. Elle, Lucia et dieu sait combien d’autres. « Quand tu parlais d’opinion publique tout à l’heure ? » Mon visage reste neutre, mais je suis toutefois surprise qu’elle aborde à nouveau le sujet. Je ne la pensais pas prête à le faire. « Tu voulais dire quoi exactement ? » Je pousse un soupir, avant de me relever. « Tu veux que je te prépare un thé ? Une infusion peut-être ? » Je suis plus jeune que ma meilleure amie, mais je la materne depuis des années et ce n’est pas aujourd’hui que ça va changer.

Doucement, je me rassieds à côté d’elle, et je plonge mon regard dans le sien. « Je veux dire que le tribunal c’est pas le seul moyen de ruiner la vie de quelqu’un. De ruiner sa réputation. » Et ce n’est même pas le plus efficace, la majeure partie du temps. « Et la réputation, c’est tout dans un milieu comme le sien. Surtout en 2023 : personne prendrait le risque de bosser avec un type qui se trimballe ce genre de casseroles. » Mais pour ça, elle doit crier plus fort. Un verdict en demi-teinte n’est pas assez : c’était à peine une tape sur la main. « Et t’aurais pas à prendre le moindre risque. J’ai gardé pleins de contacts dans la presse. » Shiloh n’a jamais connu mon vrai gagne-pain, mais elle sait toutefois que je naviguais dans ce milieu-là.

Depuis l’annonce du verdict, j’ai l’impression de m’être retrouvé enveloppée dans un brouillard épais. Tous les sons me paraissent étouffer et mon regard n’arrive pas à se fixer sur un point en avant. Mon esprit tourne à mille à l’heure, les paroles de Lawrence et de son avocat se rejouant en boucle dans une cacophonie qui m’empêche d’être pleinement consciente de tout ce qui se déroule autour de moi. Heureusement, Megan avait déjà tout prévu en avance. Sans que je n’aie besoin d’engager la moindre réflexion, on se retrouve chez elle et alors que je m’installe sur le canapé, je vois Damon qui semble s’agiter pour s’échapper de chez lui. Sous mes yeux le couple marié échange quelques mots avant que le jeune homme se dirige vers la porte d’entrée, un sac à la main. « Il pouvait rester. » Je me sens mal à l’aise à l’idée même d’avoir viré Damon de son propre appartement. Je ne voulais pas rester seule ce soir, mais je n’avais pas l’intention de lui demander de partir, cela ne m’aurait jamais traversé l’esprit. Mais c’est comme si Megan avait tout anticipé depuis des jours et que la danse se déroulait exactement comme elle l’avait envisagé. « Damon a sorti une pizza du congélateur, si tu veux manger un peu. » Je relève les yeux vers Megan qui a enclenché son mode de protection la plus intense. « J’ai pas vraiment faim. » L’idée même de sentir l’odeur de nourriture accentue la nausée qui ne m’a pas quitté de la journée. « Peut-être plus tard. » que j’ajoute, malgré tout, pour ne pas l’inquiéter plus que nécessaire.

« Oui. Je me doutais que tu déciderais ça. » Je hausse les épaules. Aucun argument ne pourrait venir expliquer quoi que ce soit. J’ai conscience que Megan aurait aimé voir un dénouement tout autre. J’ose imaginer qu’à ma place, elle aurait continué à se battre bec et ongles, mais je n’ai pas sa détermination et encore moins sa rage. J’ai tenté. Lawrence est passé en justice, le harcèlement a été reconnu, j’ai pu raconter mon histoire et me débarrasser de ce poids. A la fin de cette journée, malgré le mal-être qui s’accroche à mes épaules, j’ai fait tout ce que je pouvais. « Je comprends. » - « Merci. » Ce remerciement n’est pas là que pour reconnaître sa compassion, mais plutôt un sentiment général après cette journée où elle ne m’a pas quitté durant une seconde. « Tu veux que je te prépare un thé ? Une infusion peut-être ? » Je hoche la tête en resserrant le plaid autour de mes épaules. « Je veux bien. » J’ai la sensation d’être frigorifié et je crois qu’il me faudra encore un moment avant de me sentir à nouveau moi-même.

Je prends cet instant seule pour souffler un bon coup. Il m’est encore difficile de réaliser que tout cela est bel et bien terminé, que je ne devrais plus jamais entendre parler de Lawrence. Et il ne subira aucune conséquence de ses actions. Ce qui m’amène à repenser aux paroles de Megan qui vient de s’installer à mes côtés, son regard toujours aussi compatissant. Elle avait une idée en tête, je le sais, et maintenant j’ai besoin de comprendre ce qu’elle avait sous-entendu un peu plus tôt. « Je veux dire que le tribunal c’est pas le seul moyen de ruiner la vie de quelqu’un. De ruiner sa réputation. » Cet élément, je l’avais parfaitement compris, mais il y avait plus que cela dans sa réflexion. « Et la réputation, c’est tout dans un milieu comme le sien. Surtout en 2023 : personne prendrait le risque de bosser avec un type qui se trimballe ce genre de casseroles. » J’entends tout ce qu’elle me dit, mais ce n’est pas ce qui est ressorti de cette journée. J’ai vu le regard de Lawrence, il n’était même pas inquiet, il n’avait peur de rien. Au fond de lui, il savait que rien de tout cela n’allait pouvoir l’atteindre. « Il s’en fiche complètement Megan. » Je ne suis pas ravie de le dire, mais je connais encore assez Lawrence, pour avoir parfaitement compris son état d’esprit durant la journée. « Et t’aurais pas à prendre le moindre risque. J’ai gardé plein de contacts dans la presse. » Je fronce les sourcils, avant de me redresser dans le canapé pour mieux me planter face à mon amie. « Je vais quand même pas m’abaisser à son niveau. » Lawrence avait cherché à m’humilier en publiant les photos, il avait gagné sans aucune difficulté avec un tel contenu, je n’avais rien de ce niveau en ma possession, si ce n’est ma parole. « Je n’ai aucune preuve de tout ça Meg, il était trop malin pour ça. » Elle le sait, je lui ai dit mille fois, elle en a été témoin. « Personne ne croit jamais les femmes et c’est des vraies conneries tous ceux qui pleurnichent en disant que ce genre d’accusation ruine des carrières. » Je ne sais pas pourquoi je m’emporte d’un seul coup, mais je crois que tout a besoin de sortir subitement. « Ce genre d’homme n’a rien à craindre, on les croit forcément sur paroles et il ne reste plus que les véritables victimes qu’on dépeint comme des hystériques et avides de reconnaissance. Je voulais pas de son argent, je voulais juste qu’il m’aime ! » Un sanglot s’échappe d’entre mes lèvres alors que je baisse la tête. « Alors qu’est-ce que ça pourrait changer hein ?! Il en a rien foutre. » En réalité, ce n’est plus Lawrence qui m’intéresse, mais plutôt celle qui pourrait encore tomber dans son piège. « Et tu sais quoi en vrai, je l’emmerde Lawrence. C’est qu’un crevard qui pense pouvoir assouvir son petit pouvoir en hurlant sur une femme et en levant la main sur elle. » Et la rage gronde encore. « Tout ce que je voudrais c’est que plus aucune femme ne s’intéresse à lui, je m’en fous de sa carrière, je voudrais qu’elles soient toutes au courant de ce qu’il est capable de faire après les mots doux, qu’il a l’a fait à deux reprises et qu’il ne s’arrêtera jamais. Ce mec mérite de finir seul comme un chien. » Qu’il continue à chanter, je n’en ai rien à faire, mais qu’il ne touche plus jamais une femme de sa vie. « C’est ça que je voudrais faire… » que je souffle en retombant dans les coussins de son canapé. « Faire de la prévention, relever la tête et en aider d’autres. » Mon regard se relève pour croiser celui de mon amie. « Sans toi, je n’y serais jamais arrivée. Je serais sûrement repartie dans ses bras. Je voudrais trouver le moyen de faire ça pour une autre. Pas demain, mais bientôt… Cela fera toujours partie de moi, je l’ai compris maintenant et je voudrais en faire une force, d’une manière ou d’une autre. » Mais mes pensées se mélangent, je suis encore chamboulé par cette journée et je crois que je n’ai pas les idées claires pour réfléchir à quelque chose de censé.

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Megan Williams & @Shiloh Atkins ☆ crédit/missatomicbomb

« Il pouvait rester. » Revenant vers le sofa, je rassure Shiloh avec toute la bienveillance dont je suis capable. « C’est Damon, tu sais comment il est. Ça le dérange pas, il va aller peindre à l’atelier et il rentrera avec des sucreries, tel que je le connais. » A nouveau, comme plusieurs fois par semaine et parfois même plusieurs fois par jour, je me fais la réflexion que je ne mérite pas qu’un homme comme lui soit tombé amoureux de moi.  Je ne mérite pas sa gentillesse, cette façon qu’il a d’être d’une bienveillance rare avec tout le monde, même avec ceux qui ne représentent pas grand-chose pour lui. « J’ai pas vraiment faim. Peut-être plus tard. » Je fais la grimace, mais décide malgré tout d’allumer le four pour réchauffer la moitié de pizza que nous avons laissée de la veille. Shiloh n’a pas faim maintenant, mais j’espère qu’elle retrouvera un peu d’appétit une fois alléchée par les arômes de sauce tomate et d’origan. Avec elle et surtout dans les moments comme celui-là je suis maternelle. Uniquement avec elle et jusqu’à ce que j’estime qu’elle a besoin d’être secouée. Elle accepte une infusion, et je suis contente d’arriver au moins à ça : je mets de l’eau à bouillir et lui revient quelques minutes plus tard avec deux tasses pleines, et la pizza au four quoi qu’elle en dise.

« Il s’en fiche complètement Megan. » Je sens gronder en Shiloh une colère qui ne m’est pas dirigée, je le sais bien, mais qui risque fort de m’éclater au visage dans les prochaines minutes. « Je vais quand même pas m’abaisser à son niveau. » - « Je te parle de dire la vérité. Pas de s’abaisser à son niveau. » Mais de la dire là où on écoutera de l’entendre, si ce n’est pas le cas d’un tribunal et de la justice australienne. Je lui parle de raconter en détail ce qu’elle a subit à toutes ces idiotes sans cervelle qui idolâtrent encore le chanteur. « Je n’ai aucune preuve de tout ça Meg, il était trop malin pour ça. Personne ne croit jamais les femmes et c’est des vraies conneries tous ceux qui pleurnichent en disant que ce genre d’accusation ruine des carrières. » - « Les preuves, c’est pour les cours de justice Shiloh. » La presse à scandale ce moque bien de ce genre de considération. Tout ce qui est laid les attire comme des mouches à merde, et c’est la réelle personnalité de l’ex de ma meilleure amie l’est, laide. Tout comme le sont les choses qu’il lui a faites subir. Shiloh semble hésiter entre fondre en larme et hurler, et c’est parfaitement compréhensif. Personne ne devrait avoir à vivre ce qu’elle vit, aucune victime ne devrait non plus avoir à se battre pour se protéger et protéger les autres femmes, les prochaines qui auront le malheur de tomber sous le charme d’un homme aussi charismatique que manipulateur.

Mais Shiloh a raison et si je ne dis rien, je compare sans le vouloir sa situation à la mienne, à celle de Damon, à toutes les victimes potentielles de Saül. Lui non plus ne sera jamais puni si personne n’ose parler. Lui aussi mériterait pourtant d’être déchu de tous les avantages que la vie lui offre et de son pouvoir. « […] Tout ce que je voudrais c’est que plus aucune femme ne s’intéresse à lui, je m’en fous de sa carrière, je voudrais qu’elles soient toutes au courant de ce qu’il est capable de faire après les mots doux, qu’il a l’a fait à deux reprises et qu’il ne s’arrêtera jamais. Ce mec mérite de finir seul comme un chien. C’est ça que je voudrais faire… » Shiloh crie maintenant, mais je n’ai pas peur de sa fureur. Au contraire, je l’attire contre moi pour la prendre dans les bras. « Faire de la prévention, relever la tête et en aider d’autres. » Elle est trop bonne pour son propre bien. Comme Damon, elle a la main sur le cœur et a oublié qu’être égoïste lorsque c’est nécessaire est un droit et que parfois, cela a du bon d’en abuser. Moi, je l’ai peut-être un peu trop bien compris. « Fais-le alors. Je suis sûre que tu peux trouver des associations dans lesquelles t’engager si c’est vraiment ce que tu veux. » Mais elle ne protègera pas direction les victimes de Lawrence. Au mieux, elle aidera des jeunes femmes à être mieux armées face à des types comme lui, mais qui ne seront pas lui. Lui, il restera libre de faire subir à une autre ce qu’il lui a fait subir à elle et ça me révolte. Déjà, j’envisage d’agir contre la volonté de la blonde et de les contacter, mes relations. De leur servir l’histoire de la blonde sur un plateau d’argent pour la venger moi si elle n’a plus la force de le faire. « Sans toi, je n’y serais jamais arrivée. Je serais sûrement repartie dans ses bras. Je voudrais trouver le moyen de faire ça pour une autre. Pas demain, mais bientôt… Cela fera toujours partie de moi, je l’ai compris maintenant et je voudrais en faire une force, d’une manière ou d’une autre. » Je la serre un peu plus contre moi, avant de la relâcher pour me reculer et pouvoir la regarder dans les yeux. « Je serai toujours là pour toi et tu le sais. » Je lui aurais cassé les deux jambes pour l’empêcher de retourner voir Lawrence, s’il avait fallu que j’aille jusque-là. « Les associations, tout ça, j’y connais rien tu sais. » Moi, je n’ai que la vengeance à la bouche et je suis persuadé que c’est la voie à toujours choisir. « Mais si tu veux faire ça pour quelqu’un d’autre, si tu veux aider, je suis sûre que c’est possible. Rien que raconter ton histoire pourrait peut-être éviter un jour qu’une gamine vive la même chose que toi. » Du reste, je comprends que ce soir elle soit chamboulée. « T’as pas besoin de décider ce soir. C’est normal que t’y vois pas clair pour l’instant. » Elle vient de passer une journée qui a certainement été l’une des plus difficiles de toute son existence.

« Je te parle de dire la vérité. Pas de s’abaisser à son niveau. » C’est comme si Megan avait déjà tout planifier et qu’elle n’attendait que mon feu vert pour ouvrir les enfers. Je sais reconnaître la détermination dans son regard, cette flamme qu’elle a toujours eue en elle et que j’ai parfois jalousé. Je voudrais avoir cette rage sans arrière-pensée, sans avoir à tout remettre en question une dizaine de fois par jour. Mais je ne suis pas capable d’une telle chose. Pas encore tout du moins. « Les preuves, c’est pour les cours de justice Shiloh. » D’accord donc selon elle, quelqu’un, n’importe qui pouvant travailler dans un de ces magazines à la noix, voudra m’écouter ? Mais pourquoi ? Remuer la merde ? Se croire important et en la possession du scoop du siècle. Lawrence n’est pas aussi important qu’il aimerait tant le faire croire. Il n’est qu’un chanteur de bas étage, dans un groupe quelque peu populaire. Rien de plus. « Je sais pas Megan. » On en revient toujours au même point. Je ne sais pas. Je n’ai aucune idée de quoi l’avenir sera fait et je ne suis même pas certaine d’en vouloir un aperçu, pour être honnête.

Je n’avais pas prévu qu’on se lance dans une telle conversation et encore moins de me laisser entraîner dans le sujet. On venait d’ouvrir la boîte de Pandore et je n’arrive plus à contrôler toute la haine qui semble vouloir se déverser au creux de mes paroles. Je ne sais pas réellement pourquoi je dis tout cela à Megan ou même si mes paroles ont un quelconque sens, mais tout m’échappe. « Fais-le alors. Je suis sûre que tu peux trouver des associations dans lesquelles t’engager si c’est vraiment ce que tu veux. » Une fois encore, je voudrais juste lui répondre que je n’en sais rien. Et pourtant, j’ai cette sensation tout au fond de moi, que je devrais faire cela. Que je devrais partager mon expérience, essayer de faire quelque chose avec tout cela, pour aider, pour me séparer de ce fardeau également.

« Je serai toujours là pour toi et tu le sais. » - « Je sais. » J’en avais douté, quand Lawrence avait réussi son emprise, mais désormais, je ne pourrais plus jamais remettre la loyauté de Megan en question. Elle a tout fait pour moi. Elle serait encore capable de tout pour aller détruire la réputation de Lawrence. Je sais que je n’aurais qu’un seul mot à dire pour qu’elle aille se défouler sans s’arrêter avant qu’il ne soit à terre. Elle fera tout et je ne sais pas comment je pourrais assez la remercier dans cette vie. « Les associations, tout ça, j’y connais rien, tu sais. » Et je ne lui demande clairement pas de me prendre par la main pour cela. « Mais si tu veux faire ça pour quelqu’un d’autre, si tu veux aider, je suis sûre que c’est possible. Rien que raconter ton histoire pourrait peut-être éviter un jour qu’une gamine vive la même chose que toi. » Je sais qu’elle ne pense pas à cela comme une solution. Megan est pleine de rage, prête à s’en servir. À ses côtés, j’ai juste l’impression d’avoir être passé au rouleau compresseur. « T’as pas besoin de décider ce soir. C’est normal que t’y vois pas clair pour l’instant. » A défaut de savoir quoi dire de plus, je dépose ma tasse sur la table basse et reviens me plonger dans le fond du canapé pour venir déposer ma tête contre l’épaule de mon amie. « Pour le moment, je veux juste oublier cette journée. » Une étape après l’autre. Chaque chose en son temps. Le procès a eu lieu. Lawrence n’a pas été condamné, mais j’ai au moins été reconnu comme victime. Ce n’est pas un all win, mais au moins quelque chose qui se veut de clôturer ce chapitre de ma vie. « Mais j’oublie pas ce que tu m’as dit. » Je ne sais pas encore ce que je vais faire de ce genre d’information, mais je sais aussi que l’information ne va pas quitter mes pensées dans l’immédiat. « Je vais y penser. » que j’ajoute en me blottissant un peu plus contre elle. « Demain. » Demain, commence un tout nouveau chapitre.