@isaac jensen
(toowong → logements)

Il avait promis de passer dans le courant du mois d’avril, le temps s’est écoulé sans prévenir, tout s’est enchaîné, Robin est arrivée dans leur vie et Isaac vit toujours celle d’un père d’une famille déjà bien nombreuse. Ils n’ont pas tout le temps qu’ils voudraient à accorder à leurs amis, mais ce n’est pas pour autant qu’ils s’oublient, et surtout qu’ils ne peuvent pas être présents pour l’un l’autre. Lorsque Swann a entendu parler des derniers articles de bas étage, lesquels ne parlaient plus seulement de Penny mais aussi de son petit-ami, il s’est automatiquement bien assez inquiété pour revoir son emploi du temps et trouver le temps d’aller lui rendre visite. C’est aussi l’occasion pour lui de prendre Robin, pour qu’elle voit autre chose que leur maison, où elle est cependant traitée comme une princesse. Rory et Swann n’ont plus d’yeux que pour elle, mais ils sont aussi conscients qu’elle ne doit pas grandir avec trop de privilèges, à commencer par ne pas se rendre compte qu’il existe tout un monde autour d’elle.

Swann traverse pourtant les rues à une allure élevée, soucieux de ne pas croiser le moindre journaliste encore à l’affût d’un couple dans les environs. Lui-même a du mal à leur faire face quelques fois encore, mais surtout il refuse d’exposer Robin à leur curiosité maladive, raison pour laquelle il presse le pas et toque à la porte de la maison à la seconde où il se trouve sur le perron. Il le dit et il le pense: il aime Rory et il aime le voir exercer le métier qui est aussi sa passion, mais il ne saura sûrement jamais se faire à tout ce qui vient malheureusement avec, et c’est une idée qu’il pense être partagée avec Isaac. Maintenant plus que jamais, alors qu’il a été à son tour la cible des médias et de leur incapacité flagrante à respecter la vie privée de qui que ce soit. Il fait de son mieux pour donner le change au travers d’un sourire lorsqu’Isaac lui ouvre la porte et, sans se faire prier, rentre rapidement dans la maison, la poussette laissée à l’entrée et Robin déjà lovée dans ses bras. “Hey,” il souffle donc, pressé mais éternellement poli. “Au cas où tu manquais d’enfants dans la maison, je te présente Robin.” L’humour est évident et il ne vient pas seulement pour lui présenter sa fille, mais il ne pouvait pas passer outre cette brève introduction, Isaac étant l’une de ses personnes au courant de toutes les épreuves par lesquelles lui et Rory sont passés avant de pouvoir compter leur fille dans leur vie. “Mais je la reprends en partant, sinon Rory va me demander le divorce avant même qu’on soit mariés.” L’humour comme éternelle arme de défense: on ne se refait pas. Il ne se défend pas contre Isaac, mais il le fait au moins contre le reste du monde, et il essaie d’aborder le sujet aussi doucement et humainement que possible. “Comment tu vas, toi ?” Lui, Jude, Maia, Penny. Il est prêt à écouter le point sur toute la famille, sans que cela ne soit par simple politesse: ça l’intéresse. Ça l’intéresse vraiment, parce qu’il tient à chacun d’eux.

Je reconnaissais ne constituer qu'un pion menant à Penny dans la sphère médiatique. L'homme qu'elle avait choisi pour bâtir sa vie, fonder une famille, attirait quelques regards curieux, quand bien même les articles se centraient majoritairement, avec raison, sur les événements importants de la vie de l'actrice à succès. Ce rôle me convenait : celui de l'ombre qui intéressait très peu, un anonyme dans ce monde du showbiz au sein duquel ma petite amie évoluait depuis son jeune âge. Néanmoins, j'avais rapidement compris que je représentais également un vecteur de la star et quand bien même je n'avais jamais mené une vie de débauche, je m'appliquais à présenter une image juste et polie de ma personne en public, afin de ne pas nuire à la réputation de la Stringer.

Si j'avais redouté causer du tort à la vie professionnelle de ma petite amie de multiples manières, très naïvement, je n'avais pas pensé que le volet médical de mon histoire serait dévoilé et usé à outrance. J'avais craint qu'il exténue ma conjointe car mes maux et mes démons étaient présents à chacune de mes journées, mais imaginer que ma santé mentale soit extrapolée sur la toile relevait d'un cauchemar auquel je ne m'étais jamais préparé. Des informations véridiques qui nourrissaient pernicieusement et goulûment des portraits monstrueux sur ma personne, qui alimentaient des scenarii épouvantables supposant même la mise en danger de ma part de Penny et des enfants de notre foyer. Ces articles qui avaient enclenché des déferlantes toxiques de commentaires me laissaient encore abasourdi, effaré et outré. Une vulnérabilité tortueuse m'étreignait face à cet opposant si imposant qu'étaient les réseaux sociaux contre lesquels j'ignorais même si je pouvais prétendre réclamer justice. Le caractère indélébile de ces pixels et des idées que des inconnus pouvaient désormais véhiculer sur ma personne me glaçaient le sang, je me sentais à la fois violé de mon intégrité mais aussi bafoué de mon avenir. Je redoutais que mes propres enfants tombent sur ces articles lorsqu'ils seraient en âge de surfer le web, je craignais sortir de chez moi et me faire apostropher par des fans de Penny qui me définissaient pour certains comme un tortionnaire perturbé et agressif tel que le supposait le grand titre de ce paparazzi de malheur. Si je savais que je pesais peu dans la balance, que si l'on m'agressait de la sorte dans l'objectif de faire le buzz via la popularité de ma petite amie, la sensation de perdre pied dans mon quotidien était tristement bien réelle. Ma tentative de suicide avait été secrète pour nombreuses de mes fréquentations dont ma propre famille ; désormais, je devais également confronter cette vérité que certains de mes proches n'acceptaient pas, ne comprenaient pas, réfutaient totalement. J'étais perdu, piégé dans ce tissu de mensonges teinté de ma plus honteuse vérité.

Je sursautais légèrement lorsque mon téléphone vibrait, annonçant la présence d'une silhouette devant la maison. Peu après l'intrusion du paparazzi à notre domicile, Penny et moi avions investi dans une alarme très performante qui nous alertait notamment sur nos smartphones respectifs de mouvements près des entrées de la maison, tout en envoyant des images de ces dits passages. Que ce soit un chat errant, un livreur ou un ami, les petites caméras les filmaient et envoyaient leurs clichés sur nos téléphones portables, un mécanisme que j'avais longtemps trouvé exagéré mais qui, depuis les derniers événements, me confortait inavouablement. Lorsque je reconnaissais Swann avec une poussette devant la porte principale, je déposais la suce de Maia à côté de son petit corps endormi dans son lit et descendais précipitamment de manière à ouvrir à mon ami. Si le quartier était toujours arpenté par ces journalistes de mauvaise augure, je souhaitais de tout coeur préserver à Swann des clichés involontaires.

“Hey,” m'adressa le britannique en s'infiltrant dans la maison rapidement. “Salut,” je le saluais en fermant la porte derrière lui. “Au cas où tu manquais d’enfants dans la maison, je te présente Robin.” Le sourire sincère qui apparut sur mes joues pendant que Swann hissait la petite dans ses bras eut le goût d'une éclipse dans ces derniers jours. “Mais je la reprends en partant, sinon Rory va me demander le divorce avant même qu’on soit mariés.” Les commissures de mes lèvres se creusèrent davantage alors que je caressais avec une infinie délicatesse la petite main potelée du bébé. “Coucou jolie Robin. Tu es une vraie merveille, toi,” je murmurais d'une voix douce avant de porter un regard comblé à l'attention de mon ami. “Un trésor pour des personnes en or,” je qualifiais avec franchise, connaissant assez Swann et Rory par son intermédiaire et celui de Penny, ainsi que leur chemin de croix pour adopter, pour assurer que les deux hommes formeraient des parents exemplaires et aimants que tout enfant aurait une chance inouïe d'avoir. “C'est gentil d'être passé, Swann. J'espère que ça ne te posera pas de problème,” je priais avec inquiétude, quand bien même cette visite me mettait énormément du baume au coeur. Depuis mon exposition dans les médias, sortir de mon domicile relevait d'une torture. J'étais excessivement nerveux face au regard des autres, je me sentais tel un criminel en cavale alors que je n'avais rien fait de mal, si ce n'est d'être malade et de me soigner. Conduire et récupérer Jude à l'école composait un supplice doublé de comédie car je ne désirais rien laisser paraître à mon fils, même si le moindre regard qui s'attardait sur ma silhouette me brûlait cuisamment la peau et m'inoculait l'irrépressible envie de disparaître. En ce moment, le petit garçon était encore à l'école. Penny, quant à elle, s'était rendue à quelques rendez-vous professionnels qu'elle entrecouperait d'une visite éventuelle à Flora et à Micah, projets pour lesquels je ne l'avais absolument pas retenue, même si une fois Maia endormie, la solitude avait été horriblement pesante. A croire que Swann avait senti ma détresse. J'invitais le jeune papa à s'installer dans le salon avec sa petite.

“Comment tu vas, toi ?” “Hum,” j'émettais en me mordillant nerveusement la lèvre, signe de mon sentiment d'être profondément désarmé face à l'optique de communiquer l'agitation qui régnait dans mon esprit et renversait mon estomac tout en me couvant d'une latente honte. “Tu veux boire quelque chose ? Attends, je vais sortir les jouets de Maia et il y a son tapis d'éveil si tu veux, pour Robin,” je proposais en aménageant rapidement le salon à l'époque où Maia avait encore trois mois, de sorte à permettre à Swann de distraire l'enfant s'il le souhaitait. La tâche fut terminée en quelques minutes et à son terme, je me sentais quelque peu angoissé et démuni, comme si pour ne pas me laisser submerger, il me fallait toujours être en mouvement. “Jude est à l'école et Penny est sortie pour l'après-midi, pour le boulot et pour voir des amis,” je répondais en parfait hors sujet à Swann. “C'est bien,” j'ajoutais, comme pour souligner le positif de cette journée, auquel je me rattachais bec et ongle, quand une anxieuse pénombre demeurait omniprésente dans mon esprit. “D'ailleurs -” je continuais, comme si j'évoluais sur un pilote automatique où je ne pouvais pas me stopper plus de quelques secondes. Je récupérais un sac en papier entreposé soigneusement dans le placard de l'entrée au sein duquel reposait un cadeau pour Robin. “Je sais que Penny a déjà donné les cadeaux de notre part à Rory mais j'ai eu cette idée après son passage chez vous et je n'ai pas pu résister,” j'expliquais. A l'intérieur du sac reposait une peluche, de la même collection que celle offerte à Maia par Swann, habillée d'une petite robe représentant une cabine téléphonique bleue, brodée du nom de la petite, en clin d'œil à ce que je soupçonnais être la série impérialement favorite de mon ami. J'avais sollicité les talents de ma sœur, couturière, pour ce petit habit. “Je me suis dit qu'il n'y avait jamais assez de Doctor Who. Et comme ça, elle a une peluche avec une Tardis à elle,” je présentais en me forçant enfin à m'asseoir, à me poser.

Le soulagement est sincère lorsqu’Isaac vient lui ouvrir rapidement, pour des raisons nouvelles à son existence et qu’il n’aurait jamais cru connaître un jour: il ne veut pas que le visage de Robin se retrouve dans la presse, tout comme il à coeur de garder aussi secret que possible ses propres allers et venus autant que ses amitiés. Cela n’a toujours regardé que lui et ses proches, peu importe le degré de popularité de leur compagnon respectif. Isaac le salue rapidement à son tour, et Swann ne se fait pas prier pour se frayer un chemin dans la maison, la poussette trouvant sa place à l’intérieur de cette dernière sans qu’il ne l’amène plus loin que nécessaire. Déjà, Robin trouve ses bras. “Coucou jolie Robin. Tu es une vraie merveille, toi. Un trésor pour des personnes en or.” Il est plus doux et délicat que jamais, le genre de choses qu’on peine à croire lorsqu’on connaît la nature déjà douce et chaleureuse du Jensen. Il redouble d’efforts auprès de la toute jeune Robin, qui l’observe de ses grands yeux éternellement curieux du nouveau monde et des nouvelles personnes qui l’entourent. De son côté, c’est avec un sourire aussi fier qu’attendri que Swann observe la scène et les réactions de Robin, apprenant encore lui-même à la connaître. “On essaie de pas trop le lui dire souvent, pour préserver ses chevilles, mais c’est difficile.” Lui autant que Rory aiment leur fille plus que tout au monde, c’est une évidence que personne n’avait besoin de voir soulignée pour le comprendre. “C'est gentil d'être passé, Swann. J'espère que ça ne te posera pas de problème.” Le sous-entendu est évident, et l’anglais le balaie aussi rapidement que possible. “Aucun.” Il apprend encore à gérer l’intrusion permanente de curieux dans sa vie privée, celle de son couple et désormais celle de sa fille, mais il jure aussi avoir grandi de ses expériences et en être aujourd’hui plus fort que jamais. Certains titreront sans doute sa venue jusqu’ici, mais les deux hommes s’assurent déjà de protéger leur descendance autant que l’aspect privé de leur conversation. Alors non, il n’y aura aucun problème, d’aucune sorte, et le fait qu’il se pose simplement sur le canapé n’en est qu’une preuve supplémentaire.

Swann et Robin sont les seuls à se poser sur le canapé, en réalité, quand la question de savoir comment Isaac se porte semble le perturber bien plus que l’anglais n’aurait pu l’anticiper. Il se mord silencieusement l’intérieur de la lèvre et se maudit d’avoir grillé les étapes, pourtant un peu plus inquiet à son sujet qu’il ne l’était déjà une minute plus tôt. Machinalement, il caresse du bout des doigts les cheveux fins de sa fille, ne voulant pas qu’elle comprenne qu’il existe une certaine tristesse dans la pièce. “Tu veux boire quelque chose ? Attends, je vais sortir les jouets de Maia et il y a son tapis d'éveil si tu veux, pour Robin,” L’offre est acceptée rapidement, bien plus parce qu’il comprend que cela fait plaisir à Isaac de se rendre utile que parce que Robin en a besoin. Elle ne sera sûrement pas contre, de toute façon. “Je veux bien du thé. Je peux me le faire, le temps que tu sortes tout ça.” Il propose à son tour, pour ne pas se sentir totalement inutile dans cette situation, et surtout pour ne pas avoir à observer Isaac se démener en silence sans rien faire à son tour. “Jude est à l'école et Penny est sortie pour l'après-midi, pour le boulot et pour voir des amis. C'est bien.” C’est bien. Il reconnaît les mécanismes de défense de son ami de longue date mais n’en tient aucun commentaire, tentant simplement de se concentrer sur le positif. “Maia est ici alors ?” Peut-être qu’il la verra, si elle se réveille - tant que ce n’est pas à cause du bruit qu’ils font, il en serait heureux. “Et elle a son papa pour elle toute seule, cette chanceuse.” Ce n’est pas ce vers quoi les mots d’Isaac allaient, mais c’est la direction que Swann préfère prendre, un sourire simple au coin des lèvres alors qu’il lui rappelle à quel point il est doué dans son rôle, ce que rien ni personne ne pourra jamais lui enlever.

“D'ailleurs, je sais que Penny a déjà donné les cadeaux de notre part à Rory mais j'ai eu cette idée après son passage chez vous et je n'ai pas pu résister.” L’anglais attrape le sac et l’ouvre avec une certaine curiosité, avant d’en tirer avec émotion une peluche ressemblant grandement à celle faisant partie de la collection de Maia. “Je me suis dit qu'il n'y avait jamais assez de Doctor Who. Et comme ça, elle a une peluche avec une Tardis à elle.” - “Tu t’es bien dit. Merci beaucoup. Tu la gâtes déjà.” Il rétorque donc avec sincérité, présentant déjà la peluche sous les mains de Robin pour qu’elle puisse s’en saisir si elle en nourrit l’envie. En réalité, déjà posée sur le tapis d’éveil, elle est un peu trop occupée avec tout ce qu’il contient pour se contenter d’une seule chose. Son regard se pose sur sa fille quelques instants, avant qu’il ne se concentre de nouveau sur son ami. “Penny est avec des amis, alors ? Tu sors un peu toi aussi, parfois ?” Oh il sait bien qu’il a annoncé qu’elle était d’abord sortie pour le travail, mais ce n’est pas ce que Swann retient en priorité. Il pense à la facilité avec laquelle Penny va de l’avant, non parce qu’elle est moins sensible à cette histoire, mais bien parce qu’elle en a malheureusement plus l’habitude qu’Isaac. Pour une fois, il est celui à avoir été touché de plein fouet. Il n’était pas un dommage collatéral, il était la cible. “Tu sais que tu peux toujours venir à la maison, si jamais t’as pas envie de faire grand chose. Nos filles sont déjà vouées à être les meilleures amies du monde quoiqu’il en soit.” Il esquisse un sourire rassurant, tentant de prouver à son ami qu’il sera toujours présent pour lui malgré la force des attaques médiatiques et surtout de leurs conséquences. “J’ai entendu parler de ce qu’il s’est passé. Je suis désolé.” Swann ne tourne pas davantage autour du pot et lui présente ses excuses sincères, ayant connu lui-même ce genre de problèmes avec les médias, sans qu’ils n’aient jamais réussi à savoir pour ses propres tentatives de suicide. Tant mieux.

La présence de Swann et Robin à la maison me réconforte comme me rassure indubitablement. Si je m'empresse à accueillir mon ami et sa fille dans la sphère privée de ma demeure et ainsi à l'abri des regards potentiellement mal intentionnés desquels Penny et moi avions soufferts récemment, le caractère agréable de cette visite et la reconnaissance entière qu'elle génère en moi pulsent de chacun de mes gestes. Attendri, j'admire le poupon aux grands yeux curieux qui se love confortablement dans les bras de son père aimant, le coeur déjà exponentiel d'affection pour la petite et débordant de fierté comme de bonheur envers le britannique qui a concrétisé avec son fiancé un de leurs très beaux projets. Je ne doute pas une seule seconde que Robin sera choyée dans son foyer et un léger sourire amusé flotte sur mes lèvres pendant que mon interlocuteur commente, sur un ton léger et teinté d'humour qui lui est propre - ce même ton qui possède déjà la faculté d'apaiser les maux qui me tiraillent et chasser délicatement mes angoisses : “On essaie de pas trop le lui dire souvent, pour préserver ses chevilles, mais c’est difficile.” “Je ne peux pas te blâmer pour ça,” je fais, complice, tout autant coupable de couvrir mes enfants de compliments et divers mots doux.

La tendresse de mon regard fait néanmoins promptement place à de l'inquiétude et une pointe de culpabilité lorsque je remercie sincèrement Swann de sa visite mais que je prie que celle-ci n'imposera pas de conséquence sur son quotidien. La réaction de mon ami est inestimable : de sa spontanéité à prendre place sur le canapé du salon à son affirmation verbale catégorique que ce déplacement ne lui sera pas négatif. Mes muscles se décontractent en retour, ma gratitude est profonde envers le britannique qui me confirme, une nouvelle fois, qu'il fait réellement partie des vrais et sincères amis de mon répertoire et que j'ai beaucoup de chance de le connaître. “Merci,” je m'entends répéter, ému, ne parvenant à trouver les termes justes pour lui exprimer tout la positif que sa visite m'apporte.

Je démontre mes piètres capacités à fuir une question lorsque le trentenaire s'enquière sur comment je me porte. Hésitant et désolé, je me lance à corps perdu dans une distraction visant à combler Robin de jouets de son âge de toutes sortes et proposer une boisson de son choix au blond. “Je veux bien du thé. Je peux me le faire, le temps que tu sortes tout ça.” “Je te laisse opérer avec ta magie britannique en termes de thé,” je lance dans une tentative de me concentrer sur la légèreté de la situation plutôt que le monstre invisible de l'intrusion du paparazzi et ses conséquences qui prospère dans la pièce. “Normalement rien n'a changé de place, tu trouveras tout au même endroit,” je renseigne, la présence du professionnel de santé à la maison n'étant pas la première. Nerveux, je poursuis en repoussant le silence en informant Swann sur les autres membres de la maisonnée, je m'applique avec dynamisme pour procurer à Robin un espace de jeu aussi sécuritaire que plaisant du haut de ses quelques mois, je me rattache au moindre élément positif pour ne pas sombrer dans la panique et le doute.

“Maia est ici alors ?” J'acquiesce, préoccupé. “Et elle a son papa pour elle toute seule, cette chanceuse.” Le sourire qui étire la commissure de mes lèvres est spontané mais se veut teinté d'une tristesse inavouable. Les paroles de Swann me vont droit au coeur et ont l'effet d'agir directement sur mes chagrins et mes dilemmes ; c'est peut-être ceux-ci qui transparaissent sur mes lippes et dans le regard que je dédie à mon ami, comme un poison qui ose enfin se dérober de l'organisme qu'il tyrannise. “Elle dort dans sa chambre. Mais elle se réveillera sûrement avant que vous ne partiez,” j'annonce, lorgnant vers la pendule en calculant les siestes traditionnellement courtes de ma fille.

Je fais volte-face vers le sachet cadeau que je tends au jeune papa, décrivant le présent supplémentaire que j'avais tenu à offrir à Robin : un clin d'œil à la peluche qui ne quitte jamais Maia depuis que Swann lui a offerte en provenant de la même collection, avec un clin d'œil à la passion du kinésithérapeute. “Tu t’es bien dit. Merci beaucoup. Tu la gâtes déjà.” Un nouveau sourire arpente mon portrait, mon regard suit la peluche qui rejoint le nourrisson qui gazouille gaiement sur le tapis d'éveil, véritable bonheur de quelques kilos qui me fait songer à mes propres enfants puis plus sombrement au potentiel impact que l'article ayant paru sur ma personne aura sur eux. “Penny est avec des amis, alors ? Tu sors un peu toi aussi, parfois ?” Swann me sort de mes hantises et comme pris en flagrant délit d'un tort, je bafouille : “Hum. Non. Pas trop. Pas trop en ce moment.” Je m'assis sur le bord du canapé, rejetant l'impression d'être prêt à me lever instantanément à l'apparition du moindre prétexte. “Tu sais que tu peux toujours venir à la maison, si jamais t’as pas envie de faire grand chose. Nos filles sont déjà vouées à être les meilleures amies du monde quoiqu’il en soit.” Je cille, de nouveau touché par chaque mot articulé par le britannique : de son invitation à m'accueillir chez lui à sa promesse détournée que j'y serais toujours le bienvenue. “C'est vraiment très gentil, Swann,” je prononce, la gorge serrée, croisant furtivement son regard, n'osant le soutenir de peur qu'il y lise des notions qu'il saurait aisément interpréter quand elles sont par exemple plus faciles à dissimuler à Penny. “J’ai entendu parler de ce qu’il s’est passé. Je suis désolé.” Un étau s'impose contre ma cage thoracique, le monstre invisible est pointé. Celui qui prend goulument tout l'espace, contamine pernicieusement l'oxygène, pèse sur ma poitrine constamment, blanchit imperturbablement mes nuits et me livre pharamineusement en noir à broyer. J'inspire profondément, en quête de vaillance. “Merci beaucoup pour ta visite et pour tes mots et pour tout ce que tu fais,” je reconnais d'une sincérité indéniable. Je triture nerveusement mes doigts, observant la petite Robin se mouvoir candidement à proximité. “Je n'ose pas sortir parce que j'ai peur de confronter les gens. Je redoute leur regard.” J'avoue doucement à mon interlocuteur, d'une voix étonnement posée bien que les mots soient bruts ; le genre d'intonation qu'on utilise pour annoncer des faits certes sérieux sans alerter pour autant les alentours qui n'en saisiraient pas la sémantique autrement que par les ondes émises. “Je sais que je suis personne et que ce journaliste voulait surtout faire le buzz via Penny,” je reconnais, soulignant ma maigre réputation et, je l'espérais, ma possibilité à être éphémère dans les mémoires. “Et je n'en veux absolument pas à Penny. Ce n'est pas sa faute. J'ai toujours su qu'il y avait des risques et je signerais toujours pour.” L'amour que je vouais envers l'actrice n'avait aucunement été altéré par ces publications véhémentes et blessantes sur mon cas. Les seuls coupables étaient à mes yeux ceux qui avaient écrit et diffusé cet article. “Mais il y a eu tellement de messages haineux que j'ai peur de sortir et m'en prendre en plein visage plutôt que par écrans interposés, ou qu'on me regarde de travers.” Chaque sortie pour récupérer Jude à l'école s'était ainsi transformée en chemin de croix, tout comme mes déplacements et gardes au travail. “Je me dis qu'avec le temps, on me reconnaîtra peut-être moins et que si je ne me montre pas, on m'oubliera plus vite,” j'expliquais. Un drôle de sacrifice, en somme, à base de se terrer et de ruminer derrière des volets précautionneusement fermés. “J'aurais aimé me défendre, tu sais. Prouver que l'homme qu'ils ont décrit n'est pas qui je suis. Mais je ne sais pas comment faire. Je ne sais même pas si c'est bien faisable. Probablement pas,” j'avouais en baissant les yeux. J'en rêvais encore, néanmoins, de montrer à cette partie de la population que je n'étais pas un individu agressif, violent et perturbé qui manipulait jalousement sa conjointe avec des grossesses rapprochées. “Je doute que ma parole ait beaucoup de poids contre celle de ce journaliste.” Je marquais une pause, tranché par un petit cri jouasse de Robin qui m'arracha un sourire en coin. “Pour ce qui est de la part de vérité qui a été écrite, si tu l'as lue... Mes parents ne veulent plus me voir, ni les enfants, depuis.” Je passais l'esclandre téléphonique initiée par ceux-ci, dont les valeurs religieuses rejetaient tous ceux ayant atteint à leur vie - tous ceux s'étant pris pour Dieu pour reprendre leurs termes. “C'est pas grave pour moi,” je tentais de banaliser. “Mais c'est dommage pour les enfants.” De ne pas connaître leurs grands-parents paternels, dans un premier temps. Ensuite, il y avait cette terreur qui hachait mon sommeil qu'ils tombent sur ces articles dans le futur et soient horrifiés et aient honte de leur père, que je leur porte préjudice. “Je n'ai pas envie qu'ils souffrent par ma faute.” Si j'avais toujours rêvé être père, mon cauchemar reposait sur l'idée d'en être un nuisible.

Swann laisse Isaac s’occuper de sa fille sans douter un seul instant du soin qu’il portera à cette dernière, conscient qu’il peut avoir une totale confiance en l’anglais, au point où il change de pièce pour préparer une tasse de thé rapidement. Il n’en meurt pas d’envie, mais il comprend avec une certaine aisance qu’Isaac a besoin de temps et d’espace, ce qu’il lui offre autant que possible tout en restant paradoxalement dans la même pièce. De mon côté, je laisse à l’eau tout le temps dont elle a besoin pour chauffer, écoutant les différents bruits laissant sous-entendre qu’Isaac prépare un espace de jeu digne de ce nom pour la jeune Robin qui s’épuisera pourtant en un rien de temps. Mais Swann n’en dit rien: il n’y a rien qu’il puisse apprendre à son ami. “Elle dort dans sa chambre. Mais elle se réveillera sûrement avant que vous ne partiez.” - “On aura d’autres occasions de la croiser si ce n’est pas le cas.” Il ne doute pas un seul instant qu’il observera Maïa grandir au quasi même rythme que Robin, les deux familles étant vouées à continuer à se voir pendant de longs moments encore. S’ils ne la voient pas aujourd’hui, alors cela sera demain, et il n’y a aucun mal à cela.

Leurs filles ne leur servent d’excuse que pour un temps et, déjà, Swann s’enquiert de savoir comment se porte réellement son ami, ayant eu vent de son altercation avec un journaliste et connaissant sans doute mieux que personne les conséquences de telles actions sur la psychologie d’une personne. Qui plus est alors que lui et Isaac se ressemblent à bien des niveaux. “Prends le temps dont t’as besoin, Isy. Tu finiras par retrouver ta vie le moment venu.” Il craindra toujours particulièrement les journalistes, c’est certain, mais il apprendra à y faire face et surtout à se surpasser, pour lui, pour sa famille. Il a des enfants à élever et une femme à aimer, ce qui sont bien assez de raisons pour le pousser à se surpasser et aller de l’avant, peu importe à quel point cela lui semble difficile en cet instant, pour ne pas dire impossible. “Tu es tombé amoureux de Penny, pas de l’actrice.” Il veut une vie auprès d’elle, pas auprès des journalistes qui gravitent autour. Evidemment que rien n’est la faute de la Stringer non plus ; Swann dit simplement que les risques et conséquences de leur relation ne devraient pas peser dans la balance tant cela est injuste pour Penny. Elle a choisi de faire le métier qui la rendait heureuse, pas de voir le moindre de ses gestes épié et jugé. “Tu sais… ils passeront à autre chose. Tu es une bonne cible pour le moment, mais demain ils s’amuseront ailleurs.” Et Swann est désolé de l’avancer de cette manière, ne pouvant pas se réjouir qu’il existera encore et toujours de nombreuses cibles à travers le monde. Les médias sont injustes et féroces, il en a à son tour fait l’expérience sans s’y être préparé un seul instant. Ils se sont contentés de rendre publique ses fiançailles avec Rory et pourtant il jure avoir ressenti une flèche lui traverser le cœur de part en part. “Je sais que tu n’es pas l’homme qu’ils décrivent.” Il reprend dès qu’Isaac tente de le lui dire: il est un agneau, il ne ferait jamais de mal à personne et il souhaite simplement protéger ceux qu’il aime. “Mais avec les médias… Connaître la vérité ne suffit pas.” L’image d’un homme violent fait vendre plus de papiers, surtout avec l’affaire Byers volant toujours autour de la personne de Penny.

“Quoi ? Tes parents ?” Il fronce les sourcils, sincèrement étonné et surtout choqué qu’ils aient cru la version du journaliste et fassent payer leur fils de cette histoire. “Et ta fratrie ?” Ont-ils suivi l’idée préconçue de leurs parents ? Swann ne l’espère pas, trouvant particulièrement injuste l’idée qu’il soit rejeté par son propre sang, eux qui devraient pourtant le connaître bien mieux que quiconque en ce monde. Ils devraient savoir qui est réellement Isaac, c’est-à-dire un homme à des années lumière de ce que les médias décrivent. “Tu n’es pas à blâmer. Tu es un bon père, tu sais. Personne n’aurait pu y faire quoi que ce soit dans toute cette histoire.” Il n’a pas à s’en vouloir pour ses enfants, parce que s’il y a justement une personne à blâmer, ce ne sont que ses parents - et le reste du monde croyant naïvement à cette histoire. “Tu as essayé de leur expliquer la situation ?” Swann demande avec souci, son regard trouvant douloureusement le profil d’Isaac alors qu’il prend une première gorgée de son thé.

C'est avec une infinie douceur que Robin se retrouve confortablement et précautionneusement entourée de divers jouets de son âge visant à la distraire le temps que sa jeune attention le lui offrira. A quelques dizaines de pas, Swann se sert un thé dont il a le secret, une rupture temporaire entre nous deux qui me suffit, tout en ne cessant de couvrir du regard sa fille, à sentir prendre une ampleur maladive ce stress et cette angoisse qui jamais ne me quittent. Depuis l'intrusion à notre domicile, il m'est devenu impossible de dormir profondément, ni même d'enchaîner plus de trois heures de sommeil. Plutôt, je tergiverse dans l'obscurité de la chambre que je partage avec Penny, aux aguets du moindre bruit suspicieux. Je ressasse aux différents clairs de lune l'article qui était paru le lendemain de mon altercation avec ce voyou de paparazzi et les commentaires sauvages qui en ont découlés. Je m'affuble de toutes les médisances possibles tout en concoctant des scénarii aussi désastreux les uns que les autres dans mon esprit. Au-delà de la carence de repos, ce qui m'esquintait reposait sur mon impossibilité à me détendre, à me rassurer, et plus les jours passaient, plus je me maudissais de ne pas être en mesure de maîtriser cette nouvelle épreuve.

Les peurs se multipliaient tortueusement : j'étais terrifié à l'idée de nuire à Penny, dont sa carrière, et aux enfants par mon attitude certes involontaire, je redoutais le regard des autres en sortant de la maison, j'entretenais une honte et une culpabilité sans nom sur mes agissements, je me jugeais coupable alors que mon instinct m'avait clairement dicté de protéger les miens de cet inconnu qui entrait en infraction dans notre intimité en plein coeur de cette nuit fatidique. Si j'espérais toujours que je me sentirais mieux le lendemain, il n'en était tristement rien jusque là, si bien que je m'entendais murmurer discrètement un “j'espère” lorsque Swann me soumettait de prendre le temps dont j'avais besoin et m'indiquait à juste titre que je finirais par retrouver ma vie le moment venu. Je donnerai cher pour savoir mieux gérer ce nouveau heurt, qui s'additionnait aux rebondissements rapprochés dans mon quotidien depuis le retour et la sortie en trombe de Lucy dans mon histoire. “J'espère que j'arriverais à mieux gérer les choses rapidement.” Je confiais en me mordant nerveusement la lèvre inférieure, regrettant ma couardise. Je m'ouvrais davantage sur mes sentiments et appréhensions, intimement convaincu que Swann les comprendrait et serait assurément de bons conseils, ce que le britannique me démontra une nouvelle fois spontanément en rappelant la carrière qui présentait ses risques de mon amoureuse et en reprenant des termes similaires à ceux qu'elle m'avait répétés plusieurs fois concernant le caractère éphémère de ce scandale qui se verrait prochainement remplacé par de nouvelles victimes, si ce n'était pas déjà le cas. “Tu sais… ils passeront à autre chose. Tu es une bonne cible pour le moment, mais demain ils s’amuseront ailleurs.” “Penny m'a dit la même chose que toi,” je fais en souriant légèrement, plus par politesse et gratitude que par réconfort. Il s'agissait sans nul doute là d'un argument que je me devais d'ancrer dans mon esprit, une clef offerte par des experts en la matière qui m'aiderait à retrouver un semblant de sérénité. Pourtant, la sensation de nager en plein brouillard et de tourner en rond dans mes travers s'avouait récalcitrante, quand bien même je croyais en les prédictions de mon ami et de ma petite amie. Peut-être me fallait-il ce temps que m'avait évoqué plus tôt Swann, durée qui ferait retomber ces poussières anxieuses et toxiques. Peut-être me fallait-il simplement accepter que ma réputation, quelle qu'elle soit, était à la merci de tous et ce qui comptait vraiment était, comme Swann me le rappelait, l'opinion de ceux que j'appréciais et qui savaient que cet article relatait avec exubérance d'odieux mensonges sur mon compte. J'avais si peur de fauter, de faire du mal, que le fait que cet article cause du tort à mes proches me rendait malade.

Je soupirais doucement, démuni, puis abordais la part de vérité présente dans cet article : ma tentative de suicide survenue en mars 2018, élément médical confidentiel désormais utilisé comme traînée de poudre aux élucubrations de chacun, doublé aux tristes tabous sur les maladies mentales. Mes parents s'étaient rangés du côté de ces intolérants : apprendre que leur fils avait attenté à sa vie, geste interdit au sein de leur religion, leur étant intolérable. L'échange téléphonique avait été bref, acerbe et catégorique, duquel je confiais un résumé à mon interlocuteur. Un rictus apparaît sur mon portrait face à la surprise de Swann, simple geste qui me prouve une nouvelle fois à quel point il sera un père exemplaire et inconditionnellement aimant pour Robin, vu comment l'attitude de mes géniteurs le choque. J'acquiesce doucement puis je lui explique concernant ma fratrie : “Mon frère m'en veut de lui avoir caché que je n'allais pas bien mais je pense qu'il finira par passer par-dessus. Mes sœurs quant à elle étaient davantage désolées pour moi.” Si Esther se trouvait dans une autre ville australienne, Phoebe s'était empressée de me rendre visite et de me garantir son soutien inestimable. “Tu n’es pas à blâmer. Tu es un bon père, tu sais. Personne n’aurait pu y faire quoi que ce soit dans toute cette histoire.” Voilà là une autre clef : accepter les faits tels qu'ils sont et apprendre à concilier avec eux. Comprendre que je n'étais pas coupable ni bourreau mais bien victime. Je ne suis pas à blâmer et j'enregistre les paroles de mon ami, qui sauront me faire du bien en cas de doute. “Merci, Swann,” je fais d'une voix douce mais indubitablement sincère. Me soigner contre la dépression ne faisait pas de moi une mauvaise personne, ni un mauvais parent. En réalité, ma maladie ne définissait pas la valeur de ma personne, un autre élément que Penny aussi me clamait et que je devais enfin intégrer. “Tu as essayé de leur expliquer la situation ?” Je haussais une épaule, sceptique. “Ils étaient tellement véhéments dans leurs propos que je n'ai pas tenté,” j'avouais. “C'est un déshonneur, pour eux. C'est contre leur religion,” je présentais, timoré, évitant d'entrer dans les détails dans la crainte de mettre potentiellement Swann mal à l'aise. “J'ai conscience que c'est peut-être lâche mais j'aimerais faire une avance-rapide jusqu'au mois prochain, question de me sentir mieux plus vite,” je confessais dans un léger rire nerveux. “Mais toi, comment tu vas ? Comment se passe la vie à quatre et la préparation de votre prochain jour mémorable à Rory et à toi ?” Je questionnais, n'oubliant pas Brownie, leur adorable boule de poils, et ce prometteur mariage qui approchait à grand pas. Mon sourire était enfin franc à mes lèvres, le coeur à aider, soutenir et me réjouir pour Swann pendant qu'une sincère félicité m'étreignait en songeant à ce que cette année avait apporté de magnifique au garçon : l'arrivée de sa merveilleuse fille, sa formidable union avec l'amour de sa vie.

La tristesse et la fébrilité d’Isaac le touchent à son tour, parce qu’il est son ami mais aussi parce que Swann se reconnaît un peu trop bien à travers ses mots et ce qu’il ressent. La situation ne s’est jamais présentée de cette façon à lui, mais il est en retour bien placé pour comprendre l’attitude parfois injuste des paparazzis et les mots douloureux des médias. L’injustice prime bien trop souvent pour des cœurs comme eux, des personnes qui pensent encore et toujours que la vérité aura le dernier mot peu importe le contexte. C’est sans doute bien naïf de leur part, mais c’est au moins un espoir auquel ils arrivent toujours à se raccrocher, même dans les pires tempêtes. “J'espère que j'arriverais à mieux gérer les choses rapidement.” Il l’espère aussi, et le plus vite sera le mieux. Sa pensée se transmet à travers un sourire simple, nourri d’un espoir nouveau. Isaac est entouré de sa famille, aujourd’hui, et c’est une force nouvelle qu’il n’avait jamais eu à ses côtés jusque là. Maintenant, il est plus fort que jamais, ce qui fait dire à son ami qu’il arrivera à s’en sortir sans mal.

Ce que l’anglais ne s’attendait pas à entendre, cependant, c’est le rejet subi par Isaac de la part de sa propre famille. Pas celle qu’il a fondée, mais celle avec laquelle il a grandi toute sa vie durant ; la famille sur qui il aurait dû pouvoir toujours compter, quoiqu’il soit dit. Cette pensée a tout pour rendre l’anglais malade, si bien qu’il n’arrive pas à cacher toute sa tristesse et son aspect démuni lorsqu’Isaac l’informe de la situation. “Mon frère m'en veut de lui avoir caché que je n'allais pas bien mais je pense qu'il finira par passer par-dessus. Mes sœurs quant à elle étaient davantage désolées pour moi.” Il resserre son poing, incapable de voir autre chose qu’une attitude parfaitement égoïste à travers le jugement de son frère. Isaac allait mal au point où il était incapable de poser des mots sur ce mal, et pourtant cela lui est encore et toujours reproché. C’est injuste, parfaitement injuste. A peu de choses près, c’est Swann qui aurait pu être jugé pour ce mal être. Lui a simplement la chance d’avoir eu une famille plus ouverte d’esprit. Combien ne l’ont pas connu, cette chance ? “Ils étaient tellement véhéments dans leurs propos que je n'ai pas tenté. C'est un déshonneur, pour eux. C'est contre leur religion.” Le regard de l’anglais trouve le sol, incapable d’aller contre l’argument de la religion tant ce dernier est impérieux pour ceux qui y croient. Lui, de son côté, a cessé d’y croire il y a longtemps. “Ils comprendront leur erreur un jour.” Il souffle donc, l’espérant bien plus qu’il n’en est certain. A ses yeux, il n’existe aucun monde dans lequel on peut reprocher à un proche d’avoir été mal au point de vouloir ne plus jamais souffrir. De toute évidence, d’autres ont un avis bien différent sur la question. “Et qu’ils ont de la chance que tu sois encore parmi eux.” Il n’en rajoute pas davantage sur ce point, lui comme Isaac sachant parfaitement à quoi s’en tenir, tout comme ils savent à quoi ressemble un réveil à l’hôpital après une telle expérience.

“J'ai conscience que c'est peut-être lâche mais j'aimerais faire une avance-rapide jusqu'au mois prochain, question de me sentir mieux plus vite,” Isaac en rit nerveusement mais l’anglais n’en fait pas de même. Il ne trouve pas ça lâche, pas du tout même. Pour lui, il n’y a rien de plus humain que de ne pas avoir envie de souffrir. “Mais toi, comment tu vas ? Comment se passe la vie à quatre et la préparation de votre prochain jour mémorable à Rory et à toi ?” Le changement de sujet est perceptible, évidemment, mais il ne peut pas lui en vouloir de ne pas avoir davantage envie de parler de ce qui lui ronge déjà le coeur à change seconde. “On a décidé de partir en lune de miel à Cuba.” Où Matt avait la sienne, il y a peu de temps de ça. La symbolique est forte, les souvenirs omniprésents. “Et on a accepté l’idée de laisser Robin à Brisbane, pour ne pas lui imposer autant d’heures d’avion.” Ce qu’ils ont eu du mal à accepter tant ils veulent tous les deux passer le plus clair de leur temps avec la nouvelle et merveilleuse membre de leur famille. “Autant te dire que je dois déjà me préparer pour le jour où où elle commencera à aller à l’école toute la semaine.” Il avoue dans un sourire, son regard se posant sur le bambin qu’il aime déjà de tout son cœur. Il sait que la séparation sera difficile tant elle est tout le temps dans ses pensées. “Mais tu vas vivre ça avant moi, alors je t’annonce déjà que je viendrai chercher conseils.” Il ajoute, son sourire croissant celui du profil de son ami. Leur vie est bien différente depuis la première fois qu’ils se sont croisés. Déjà plus sérieux, il inspire lentement avant de reprendre. “C’est jamais facile d’être associé à une personnalité publique. Mais Penny en vaut la peine, et votre famille plus encore.” S’il doit puiser sa force quelque part, c’est là. Même si cela sera douloureux, certains jours parfois plus que d’autres. “Et je sais que tu vas me dire que ça va, mais les jours où ça sera pas le cas, je serai toujours là. Si tu veux parler.” Des problèmes du quotidien ou de son incapacité à comprendre les rôles exacts de chacun dans la production d’un film. Peu importe. Swann sera toujours là pour lui, il le jure.

C'est avec un coeur périlleusement dilaté d'angoisse, de culpabilité et de honte que j'avais ouvert la porte de mon domicile à Swann et à Robin, les accueillant promptement en son intimité dans l'objectif premier de les protéger des regards malsains de potentiels paparazzis. Puis, à mesure de la présence de mon ami, doublé du caractère profondément adorable de sa fille, mon palpitant s'était peu à peu allégé, les maux l'assénant progressivement excommuniés grâce à un dialogue aisé avec le britannique. Swann comprenait, tout simplement. Non seulement le garçon était-il doté d'une empathie et d'une sensibilité admirables, nous partagions également des expériences qui faisaient que de simples soupires, silences ou regards en coin étaient éloquents. Je détenais la chance inouïe de partager mon quotidien avec une femme entièrement à l'écoute et dévouée à m'épauler, cependant, il y avait des aspects de mon mal-être que je n'étais pas capable d'exprimer à Penny, faute de moyens dont je disposais. Ces premiers, toutefois, étaient compris spontanément par Swann, les mots désuets lorsque l'expérience prime.

Dans un vœu pieu, j'aimerais que les jours se dérobent pour que le temps et ses vertus imposent un caractère révolu à cette nouvelle épreuve que je me dois d'affronter. L'intrusion de ce photographe amateur suivie de l'esclandre médiatique qu'il a créée de toutes pièces m'obsède le jour pour me hanter la nuit. Le cauchemar est incessant, les sensations de regret et d'horreur me glacent inlassablement l'échine alors que les éléments de ce désastre brutalise ma mémoire impérialement, poisons récalcitrants. Je désirerais que les semaines filent à vive allure pour que le mal soit moins lancinant et violent. J'éprouve une hâte certaine à accepter que cette catastrophe ternisse ma vie à jamais et que j'en parvienne, aussi loufoque soit-il, à en tirer force et enseignement. En attendant, néanmoins, l'angoisse compacte mon estomac et menace ma raison.

Je choisis soigneusement mes mots pour confier à mon interlocuteur la réaction de mes parents et de ma fratrie. dommages collatéraux d'un secret sur ma santé mentale bien gardé par mes soins et révélé contre mon gré par la cupidité humaine. Mon silence se veut justifié par le rejet catégorique de mes géniteurs de ma personne et par la colère quelque peu égocentrée de mon frère à la nouvelle que j'eus attenté à mes jours. Si je suis résigné face à leurs réactions, je sens que comme Penny, Swann est choqué par l'injuste de ce comportement des miens. Je me mordille nerveusement la lèvre inférieure, mon regard ému au fil des secondes de silence durant lesquelles la douleur d'être repoussé et bafoué par les personnes qui sont sensés aimer inconditionnellement me happe. La voix posée du britannique m'extrait de ma torpeur et je l'entends qu'ils comprendront un jour l'erreur qu'ils commettent à mon attention et qu'ils sauront se satisfaire du fait que mes ambitions funèbres ne se soient pas concrétisées. La gorge nouée, j'acquiesce, avalant péniblement mes larmes, ne risquant pas de laisser échapper la détresse par ma voix qui pourrait sonner trop fébrilement.  

Je concentre mon attention sur Robin, petit ange comblé, et puise du courage dans sa candeur. Je pense à la vie qui l'attend, entourée de deux parents aimants et bienveillants qui jamais, ô grand jamais, ne sauront lui tourner le dos, j'en suis intimement convaincu. Je songe à mes propres enfants et comment ils composent ma force, auprès de Penny, d'avancer chaque jour ; leur apporter mon soutien et mon amour tout en étant la meilleure version de moi-même est l'un des arguments majeurs à me lever chaque matin. Puis je me ressasse le mariage imminent de mon ami et de son amant, le portrait de sa famille liée par tant d'amour faisant naître un sourire encouragé sur mes lippes. Il y a ce beau, dans le monde, qui nous prouve malgré tout que la vie détient du sens et mérite d'être vécue, que nous détenons tous un dessein dont nous pouvons être fier et qui saura nous apporter sérénité et contentement ultimement.

Swann me répond s'envoler pour Cuba pour sa lune de miel avec son amoureux. “C'est une belle destination,” je me permets de commenter avant de lui offrir un rictus compréhensif lorsqu'il indique que sa fille ne les accompagnera pas et que les futures séparations promettent d'être crève-cœur. “Mais tu vas vivre ça avant moi, alors je t’annonce déjà que je viendrai chercher conseils.” Je ris légèrement, confessant : “Quand Jude était chez sa mère, je comptais les jours jusqu'à nos retrouvailles et je me demandais plusieurs fois chaque jour ce qu'il faisait et comment il se sentait.” Une relation atypique avec mon fils que j'avais dû construire alors qu'il était déjà âgé de trois ans. Pourtant, l'amour inconditionnel s'était imposé dès notre première rencontre et je chérissais chaque heure passée avec mon enfant, celles-ci ayant d'autre part un goût aigre de dettes. “Quand je le récupérais, j'avais toujours l'impression que mon coeur allait exploser d'amour et de soulagement qu'il soit bien là et heureux. Le sentiment de l'avoir de nouveau dans mes bras et de l'entendre rire sous mes baisers dans son cou n'a pas de prix,” je relate avec tendresse. “Et ça me le fait encore maintenant que je vais le chercher à la crèche. Ca me le fait aussi pour Maia quand je rentre du travail et elle se manifeste par ses petits poings et ses balbutiements déterminés.” Et bien sûr, un sentiment différent mais tout autant pulsé d'amour me saisissait quand je retrouvais Penny à la maison, dans notre chez nous dont j'étais si honoré, et qu'elle m'avait manquée durant ces heures de distance. “C'est dur mais quand on retrouve les gens qu'on aime, c'est tellement divin.” Une chance providentielle. “Robin te racontera tout ce qu'elle a fait et tu seras si fier.” Je prédis avec affection.

“C’est jamais facile d’être associé à une personnalité publique. Mais Penny en vaut la peine, et votre famille plus encore.” Je hoche la tête. La Stringer en valait assurément largement la chandelle. “J'espère ne pas lui causer du tort,” j'avouais. Car ultimement, l'insupportable représentait cette épouvante de la rendre malheureuse, de mettre à défaut sa carrière pour laquelle elle s'est tant consacrée à cause de ces horreurs qui véhiculent sur la toile et dont je suis originaire, cette terreur que Penny se réveille un jour et regrette le choix de son conjoint, qu'elle déduise que les défis qui sont les nôtres ne valent peut-être plus la peine, pour elle. Je lève un regard gorgé de dépréciation et d'appréhensions vers mon interlocuteur qui complète : “Et je sais que tu vas me dire que ça va, mais les jours où ça sera pas le cas, je serai toujours là. Si tu veux parler.” Je soutiens son regard, vouant une gratitude incommensurablement à l'homme qui, par son altruisme et ce temps qu'il m'offre en bravant de plus une sortie avec Robin en terrain miné d'yeux mécaniques, me démontre une écoute et une amitié à toutes épreuves. “Merci Swann.” Je formule, les mots me paraissant cruellement faibles, priant pour qu'il comprenne par le ton de ma voix et mon regard expressif à quel point je suis reconnaissant de sa présence et de son soutien. “C'est réciproque, tu sais.” J'affirme. Si ma propre famille me tourne définitivement le dos, j'ai malgré tout appris depuis des années à fonder la mienne, celle de coeur, celle que je défendrai bec et ongles, et Swann en fait indubitablement partie.