| | | (#)Sam 6 Mai - 17:56 | |
| Le dilemme me mordait sévèrement l'âme tandis que j'effectuais les cent pas dans la réserve du bar où se tenait ce soir un show de drag queens aux couleurs du cinco de mayo. Mes ongles étaient si rangés que je peinais à saisir comment les faux tenaient dessus et les talons que j'avais enfilés pour l'occasion martelaient le parquet sans vergogne. Une folie, je me répétais inlassablement. Je commettais présentement une réelle indécence, tant qu'une partie de mon être me maudissait sans vergogne tandis que l'autre était gorgée d'un enthousiasme renversant à l'idée de mettre prochainement le feu sur les planches. Peut-être avais-je trop dosé ce spectacle ? L'événement était d'envergure, un show prévu en mettre plein la vue à tous en vertu des festivités de ce début de mois de mai doublées de mon come back après cinq mois de pause. Physiquement, je me sentais capable d'assumer, les blessures les plus enquiquinantes désormais assez guéries. Néanmoins, psychologiquement, j'étais tétanisé. Bea n'avait pas peur de faire ce qu'elle savait mieux faire, mais Kai, lui, tremblait des conséquences qui suivraient le spectacle, comme s'il était voué à se faire de nouveau tabasser à l'aube. Break the dawn, je pensais amèrement, comme je l'avais écrit dans le post Instagram posté la veille et qui avait déjà suscité moultes réactions. Si Jiyeon craignait pour ses abonnés, pour ma part, je me fichais de qui me suivait. Cependant, les personnes qui appréciaient Bea s'étaient démontrées manifestement patientes et surtout excitées à l'idée qu'elle réapparaisse après une si brutale pause. Aussi, contrairement à Jiji, je ne vivais pas du drag.
Je sursaute en entendant quelques coups à la porte, lève mes yeux fardés de manière excentrique et parés de gigantesques faux cils pailletés sur une de mes amies drag queen. Lorsque j'avais lancé l'idée à la volée quelques dizaines d'heures plus tôt à des performeurs de confiance, je ne pensais pas qu'ils adhéreraient à ma proposition plutôt précipitée. On n'improvise généralement pas un show de drag du jour au lendemain. Néanmoins, ces trois commères avaient tout de suite accepté et à l'image de fourmis hyperactives, nous avions érigé ce spectacle. Même si elles le disent par insultes et reproches, elles sont ravies que je retrouve la scène, une preuve qui me réconforte lorsque la House que j'avais intégrée m'avait jeté à la porte sans cérémonie, ne percevant en mon agression qu'un apport de mauvaise réputation.
Le premier numéro se fait en groupe tandis que Bea assume entièrement seule le second. Ensuite, Bea animera quelque peu jusqu'à un autre numéro en fin de spectacle, précédant le clou du spectacle. Je soupçonne que je vais être méconnaissable pour Raphael et Noor que j'ai invités à ce show. La tenue que je porte ce soir est totalement innovante, mon style a même changé quelque peu depuis mon dernier spectacle, quand bien même l'on reconnaît aisément mon essence. Les drag queens et les individus qui me suivent sauront qui est Bea, mais les regards moins habitués risquent d'être surpris. Si je soupçonne que Noor serait capable de reconnaître mon regard entre mille, elle n'a jamais vu Bea et il y a des chances pour que Kai se noie dans la masse tape-à-l'œil qu'elle compose, sans compter que Bea révèle des parties de ma personnalité et de moi-même que je m'interdis lorsque je suis Kai. Tout une dualité qui explosera aux yeux de ma meilleure amie et dont je crains les réactions, même si je sais aujourd'hui qu'elle ne me rejettera pas entièrement. Quant à Raphael, le stress est d'une autre nature : la volonté de plaire, de marquer, de faire rire, de séduire... Et en addition, j'espérais que Raphael et Noor s'entendraient bien car ils se trouvaient qu'ils étaient installés à la même table VIP. A croire que j'avais décidé de me mettre toute la pression possible ce soir. |
| | | | (#)Ven 2 Juin - 17:55 | |
| Raphael couinait déjà d’impatience. Après avoir fait quelques recherches au sujet du Cinco de Mayo, un événement que Kai prenait vraiment à cœur, il avait décidé d’arborer le plus de couleurs possible. Mais est-ce vraiment nouveau pour lui ? Couvrant ses longues jambes de flamant : un pantalon taupe. Flottant sur son torse comme un voilier : une chemise bien trop grande pour lui dont les motifs rappellent les tapis à thématique citadine sur lesquels les enfants font rouler des voitures miniatures en métal. Le dégradé à ses paupières traverse toute l’immensité d’un ciel au soleil couchant et ses ongles n’ont pas pu se décider sur une seule teinte : bleu, vert, violet, le pouce noir, l’autre blanc. Il ressemble à un casse-tête dont plusieurs pièces ont été égarées mais, quand il arrive au bar de drag, il apprécie les regards étonnés qui se tournent vers sa silhouette excentrique. Aussi, il a utilisé un fixatif à cheveux rempli de paillettes, ces dernières faisant autant briller sa coiffe que son front et ses épaules. Il n’est pas peu fier de son look et, s’il n’a pas fait les choses à moitié, c’était pour être certain de fêter autant l’occasion que la première apparition de Bea sur scène depuis son agression. Il n’est pas inquiet pour elle. Il sait que tout ira bien, et il n’a même pas eu besoin de se poser de questions.
Les festivités ne sont pas encore commencées. Un brouhaha constant s’élève dans la salle et toutes les tables sont occupées. Une première boule d’inquiétude fait sa place dans le ventre de Raphael alors qu’il survole des yeux la scène vide, les barmans occupés, puis l’espace réservé à des clients VIP. Kai lui avait affirmé qu’une table avait été marquée à son nom et, pourtant, il n’en voit aucune libérée. Plongeant sa main dans sa poche pour récupérer son téléphone, il s’assure de ne pas avoir rêvé. La table 5, tout à droite. C’est bien ça. Il prend son courage à deux mains et se dirige en la direction de cette fameuse table, louche longuement sur chacun des numéros indiqués puis s’arrête à la hauteur de la quatrième n’ose pas lever les yeux vers la jeune femme déjà assise à la numéro cinq. Il se racle la gorge, reprend son téléphone, relit cinquante fois les messages de son ami, lâche un juron plutôt inoffensif dans la lignée des insultes camouflées derrière des noms de pâtisseries et décide de porter ses couilles pour une fois (même s’il ne sait toujours pas si ces dernières lui appartiennent). « Eum pardon… » Il débute. Si ce n’est pas porter ses couilles, ça ! « Je crois que c’est ma table, vous vous êtes peut-être trompé. La mienne, c’est bien la numéro 5. » Il accompagne ses explications d’un bref mouvement du doigt en direction de l’affichette en carton au centre de la table. « Enfin, j’ai pas de preuves ou de papiers de confirmation, mais je connais l’une des drag de la soirée et elle m’a bien indiquée que c’était ma table alors il doit y avoir eu confusion quelque part. » Il ose à peine la regarder dans les yeux. Confronter les gens, même lorsqu’il est certain d’avoir raison, ce n’est pas chose aisée pour lui. Quand un autobus lui a roulé dessus ainsi que sur son vélo, il a passé proche de s’excuser au chauffeur pour avoir abimé le pare-chocs de son bolide gigantesque. Il est peut-être né canadien. Ça expliquerait aussi son teint pâle et le talent de sa peau pour passer du blanc au rouge sans même passer par la case bronze. « J’ai son message sur mon téléphone si jamais tu veux le voir. » Oui bon, la preuve la moins valide qu’il aurait pu lui donner, à cette étrangère. Un juge ne la prendrait pas en compte.
@Noor Guerrero @Kai Luz toutes mes excuses pour ma lenteur. |
| | | | (#)Mar 6 Juin - 11:04 | |
| Cinco de mayoNoor était arrivée en avance, et se sentait singulièrement perdue et fade, malgré sa robe traditionnelle dans les tons orangés. La plupart des autres invités du bar étaient plus excentriques qu'elle, une chose surprenante mais amusante. Et perchée à la table VIP que Kai avait réservé pour elle, elle pouvait admirer les tenues et les maquillages - trop élaborés pour elle, elle se savait incapable de les reproduire -, tout en se demandant à quoi Bea allait ressembler ce soir-là. Elle était perdue dans ses pensées, et dans les reflets pailletées d'une robe dont elle aurait bien aimé avoir la référence, quand un homme attira son attention. Plus extravagant que la plupart des clients du bar, avec un dégradé de fards à paupière qu'elle tuerait pour savoir comment le reproduire. Déjà qu'elle se félicitait quand son eye liner était symétrique... Clairement, cet homme avait des mains et un goût pour choisir les couleurs ! « Oh, c'est la table que le serveur m'a indiqué pourtant » lui répondit-elle quand elle eut finit de regarder son maquillage. « La numéro cinq ? » Le cinq pour le cinco de mayo, la référence l'avait fait sourire, et elle avait même envoyé le petit chiffre à Kai, parce qu'elle savait qu'il l'avait choisi exprès. C'était donc étrange que l'inconnu ait la même table, à moins d'un problème au niveau des réservations ? « C'est K... Bea qui m'a invitée » reprit-elle, évitant de justesse de se tromper de prénom. Elle n'était pas encore habituée à la double vie de son meilleur ami. Il avait toujours été Kai, Bea n'était qu'une image floue, à peine apparue pour disparaître aussitôt dans l'enfer de l'agression et du procès. C'était étrange de prononcer ce prénom à voix haute pour nommer son meilleur ami. Surtout que c'était la première fois qu'elle l'utilisait, pas très certaine que les autres Five aient eu l'information, et ne voulant pas leur confier le secret de Kai sans l'accord de ce dernier. Les couleurs que portait l'inconnu, ou sa prestance, ou elle ne savait vraiment quoi, lui firent penser à des papillons. Qui la ramenèrent à Kai, et à ses confidences sur l'homme qui faisait naître des papillons dans son ventre. Peut-être qu'il était cet homme-là, et qu'ils avaient donc la même table pour une raison bien particulière ? Une preuve de plus que Kai ne faisait rien à moitié, lui présenter l'homme aux papillons et Bea la même soirée ! Ils n'eurent que quelques minutes pour converser, avant que les lumières ne s'éteignent. Le spectacle allait commencer, et Noor se tendit sur son siège, comme pour essayer de s'approcher le plus possible de la scène. Elle ne voulait rien rater, même si elle n'était pas très sûre de ce qu'était un spectacle de drag queens. (Et subitement, elle comprenait mieux pourquoi Kai avait toujours évité de regarder RuPaul Drag Race avec elle, quand c'était si populaire sur Netflix.) Les images de Bea que Noor avait vues sur son instagram ne rendait pas justice à la véritable Bea, qu'elle voyait pour la première fois sur scène. Dans le numéro de groupe, elle avait d'ailleurs eu du mal à la reconnaître parmi les autres drag queens. Peut-être aussi parce qu'elle avait été soufflée par les couleurs de leurs tenues, de la musique latina qui lui rappelaient son enfance, et juste le fait que Kai l'ait invitée. Elle était persuadée qu'elle ne verrait Bea que sur quelques posts de réseaux sociaux, et la découvrir sur scène était extraordinaire. Surtout vu comme il avait semblé refuser ces dernières semaines d'en parler - elle se souvenait encore de sa tête quand elle avait promis de lui acheter du vernis, pendant leur road trip dans la campagne du Queensland. Si Kai et Bea n'avaient pas les mêmes démarches, elle finit pourtant par reconnaître le regard si profond de son meilleur ami, un repère rassurant et familier qui faisait du bien. C'était aussi la joie et l'émotion d'un cinco de mayo ensemble - elle avait passé le dernier à aligner les tequilas au Saucibar, parce qu'il n'y avait pas de grosse communauté mexicaine organisant quelque chose sur Brisbane. Savoir qu'il en avait fait d'autres avant, quand ils vivaient aux Etats-Unis, en son honneur à elle même s'il ne lui avait jamais avoué... Elle avait été émue de l'apprendre. Même si elle-même s'était souvent rendue dans des bars de San Francisco pour célébrer avec d'autres concitoyens, ça lui avait faire plaisir d'apprendre que d'une certaine manière, et même s'il avait toujours refusé de l'accompagner, il avait quand même toujours été avec elle. « Magnifique » souffla-t-elle, des étoiles dans les yeux en voyant cette facette de Kai. code par drake. |
| | | | (#)Mar 20 Juin - 20:50 | |
| Tout ne se passe pas comme prévu. Une femme qu’il ne connait pas lui a volé sa table et ce n’est pas comme s’il pouvait envoyer un message à Kai pour lui demander s’il faisait erreur ou s’il y avait eu un malentendu. Il devait s’apprêter à monter sur scène dans sa plus belle parure et sous les traits de Bea, la plus colorée du duo. « Oh, c'est la table que le serveur m'a indiqué pourtant » Devra-t-il prendre son courage à deux mains et simplement accepter le fait que la table en question est bien assez grande pour les accueillir tous les deux. « Oui, la numéro 5. » Que Raphael marmonne avec embarras lorsque l’étrangère lui demande confirmation. « C'est K... Bea qui m'a invitée » Sa bouche s’entrouvre. Il l’a entendu, le petit K traître qui a presque arraché l’anonymat du garçon. Hésitant, il jette un dernier coup d’œil autour d’eux, comme s’il allait le trouver, cet idiot qui lui a visiblement joué un tour, mais il décide de mettre l’histoire sous le tapis, cette fois. Il adresse un sourire un peu plus sincère à la jeune femme puis abdique : « La même personne nous a invité, alors. » Il la regarde un moment, lèvres pincées, pis se permet de répéter : « K… Bea. » Pour lui faire comprendre qu’il est dans le coup lui aussi et qu’il connait l’identité de cette drag queen qui, pourtant, lui a assuré qu’une très petite poignée de gens avaient été gratifié de son plus grand secret. Elle doit être très importante pour lui, si elle se trouve à la table cinq en même temps que lui. « Je ne connais pas vraiment ses amis. J’ai entendu quelques noms mais je n’ai rencontré personne. » Il commence en s’installant face à elle, marquant son territoire sur cette table qu’ils devront partager sur la durée du spectacle. « Tu es ?.. » Il insiste en s’efforçant de prolonger le eye contact pour paraître sympathique, bien qu’il ait particulièrement envie de fuir le lieu maintenant qu’il sait que la soirée ne se passera pas comme prévu. Il n’aime pas les surprises. Il avait bien bâti son plan dans sa tête, et il pouvait désormais le déchirer et le jeter à la poubelle.
Son côté antisocial se voit rassuré : le show ne tarde pas à commencer et un silence s’impose de lui-même maintenant que les artistes se déhanchent sur scène avec gaieté et triomphe. Raphael n’attend que de voir une seule personne, celle dont il avait déjà aperçu la parure le jour précédent et qu’il s’impatientait de découvrir sous la lumière des projecteurs. Il n’est pas déçu lorsque vient son tour d’animer le spectacle. Il revoit Bea comme il l’a rencontrée la toute première fois, il oublie qu’elle a été martelée de haine quelques semaines plus tôt, se réjouit de la voir se réjouir, et le sourire qui étire ses lèvres semble éternel. Son cœur bourdonne. Ses joues rougissent. « Magnifique » Qu’il entend se faire susurrer à sa droite. Il jette un coup d’œil à Noor le temps qu’elle ne le remarque pas. Elle semble la découvrir pour la première fois. C’est peut-être pour cette raison qu’elle a bafoué son nom. Sait-elle qu’elle remonte sur scène pour la première fois depuis trop longtemps ? Quel genre d’amitié entretiennent-ils ? « Rassure-moi, tu l’avais déjà vue ? » Sa question a sonné plus passive-agressive qu’escompté. Ce n’était pas voulu. Il ne sait pas comment s’y prendre avec les étrangers. Résultat : il trébuche, tombe en bas des escaliers et se casse quelques os en chemin, s’il n’en casse pas aux autres en même temps.
@Noor Guerrero @Kai Luz (viens sauver Noor avant que Raph empire ) |
| | | | (#)Sam 24 Juin - 14:01 | |
| Cinco de mayoNoor fronça les sourcils devant l'inconnu. Ils avaient donc Kai en commun - et connaissaient tous les deux ses deux facettes. Même si la façon dont il répéta la presque bourde qu'elle avait faite la fit se tendre. Elle découvrait tout ce monde que lui avait caché son meilleur ami pendant des années, et elle n'avait pas spécialement envie de se faire moquer par un inconnu. Il lui revient soudain en mémoire que Kai lui avait parlé d'une nouvelle connaissance, cette personne qui apaisait son esprit trop rapide et lui donnait des papillons dans le ventre. Elle espérait fortement que ce n'était pas ce clown qui venait se pointer devant elle pour la critiquer. Et qui ne connaissait pas tant Kai que ça s'il ne connaissait aucun des prénoms des Five - mais peut-être que Monsieur Je-sais-tout-mieux-que-tout-le-monde connaissait plus Bea, finalement. « Je m'appelle Noor » répondit-elle, son accent mexicain un peu plus fort alors qu'elle tâchait de se faire entendre par dessus la musique de fond du bar. « Et toi ? » Kai ne lui avait pas donné de prénom. Il n'avait pas précisé le genre de la personne qui lui faisait tourner la tête, même si elle avait juste assumé que c'était un homme, parce qu'elle le connaissait assez pour savoir ça, même sous plusieurs couches de déni. Leur conversation fut vite interrompue par le spectacle, un soulagement pour elle autant que pour l'autre invité de Bea. Visiblement, ils étaient tous les deux sur leurs gardes devant cette rencontre imprévue - comme toujours, Kai montrait un certain culte du secret. La trêve fut pourtant vite cassée, par une remarque de Raphael. Noor quitta des yeux la scène pour le fusiller des yeux. Il se prenait pour qui, celui-là, avec ses vêtements plus colorés qu'un costume d'Harlequin, et ses petits airs supérieurs ? « Non. Parce que ça ne fait que quelques mois que Bea s'est présentée à moi » répondit-elle, glaciale. Si la première fois qu'elle avait entendu parler du coup de cœur de Kai, elle avait eu hâte de pouvoir le cuisiner, pour savoir comment ils s'étaient rencontrés et si l'homme serait assez bien pour son meilleur ami, ses envies avaient bien changé. Maintenant, elle avait plus envie de commander un pichet de vin pour le répandre sur ses vêtements - elle n'allait pas gâcher sa tequila pour un homme qui jugeait sans rien savoir. « Tu crois savoir quoi de ma vie pour me juger alors qu'on se connaît depuis littéralement vingt minutes ? » Si Kai avait jugé bon de ne pas lui en parler, comment aurait-elle pu savoir ? Elle n'était pas télépathe, et elle n'était pas non plus du genre à fouiller sa chambre quand il n'était pas là, ou à fouiller dans son téléphone. Et s'il y avait eu des indices lui ayant laissé pensé que Kai lui cachait quelque chose, elle avait plus mis ça sur le fait qu'il n'était pas à l'aise avec sa sexualité plutôt qu'une carrière d'artiste drag queen. code par drake. |
| | | | (#)Dim 9 Juil - 20:27 | |
| J'ai pensé mille fois à me dégonfler prodigieusement en visualisant Bea de retour sur la scène. Ma tenue de drag me paraissait alors beaucoup trop étouffante, tel un tortueux filet duquel je serais prisonnier, à la merci de tout être mal intentionné, pendant que mon maquillage me signalait comme la proie à abattre. Je déversais un regard paniqué sur la salle qui se remplissait à vue d'œil, je me retenais de malmener nerveusement ma perruque, mes faux ongles ou même mes lèvres pailletées en y plantant fermement mes dents. J'inspirais profondément, posais mes mains sur mes tempes, la musique tonitruant dans les loges m'inspirant vaillance. Je me répétais mentalement le spectacle, intimement convaincu que je ne pouvais faire marche arrière, que je m'en voudrais toute ma vie de ne pas avoir été au bout de ce spectacle que j'avais moi-même initié à la dernière minute et pour lequel des sœurs s'étaient libérées. De plus, je refusais d'avoir invité Raphael et Noor pour qu'ils remarquent mon absence, pour qu'ils me cherchent sans me trouver. Cette soirée était aussi l'occasion de leur présenter officiellement Bea, essence de mon être, et de les introduire l'un à l'autre. Je fermais mes yeux parés de cils exubérants, recueillant tout mon courage et ma contenance. Ca se passerait bien. Tout irait bien.
Les premiers signes du début du spectacle s'amorcent. La luminosité s'attenue dans le bar. Je sens les doigts d'une amie se nouer solidement aux miens. Un sourire timide se dessine au coin de mes lèvres, nous communiquons par le regard ; elle me rassure, je m'engaillardis. J'inspire profondément, autant que mes poumons me le permettent. Je fais abstraction du monde, du passé, du futur. Ce soir, c'est la fête. C'est la renaissance de Bea, un cinco de mayo.
Le feu sur les planches.
(tenue numéro n°1)
Comme si une magie s'était opérée quand mes talons eurent touché pour la première fois la scène, c'est la métamorphose. Kai s'évanouit, Bea exulte. Elle se pavane comme si demain n'existait pas, elle rayonne à chaque note de musique, elle exploite chaque instant pour en mettre plein la vue d'acrobaties inopinées, de gestes à l'attention du public, de rires communicatifs, de mouvements de danse euphoriques. Bea est fière mais aussi avenante, son premier intérêt est de s'amuser et de distraire les autres, de les inviter également à célébrer avec une complicité et un enthousiasme rares. Lorsque le premier numéro de la soirée, en groupe, se termine, l'audience lui paraît bouillante, électrique. Le DJ s'en met à coeur joie contre ses platines, les lumières virevoltent, quelques confettis sont propulsés à des moments phares du spectacles. Les serveurs s'amusent, les billets fusent, les verres et les shooters s'accumulent rapidement. Le chiffre d'affaire promet d'être intéressant, autant pour les drag queens que pour l'institution.
Il n'y a que quelques minutes entre le premier numéro et le second, que j'assure également. Ma tenue est inchangée, bien qu'elle comprend un reveal qui sera le clou du prochain show. Les premiers pas sont suaves et sensuels sur la scène, un charme ravageur et pétillant. Quelques spectateurs dansent au même rythme, et à la fin du refrain, je décroche une partie de ma robe pour la faire tomber longuement contre mes jambes, des pétales de rose tournoient de part et d'autres dans un effet de surprise suscitant quelques "wow" et applaudissements du public. Le spectacle se poursuit avec cette même énergie de festoyer comme si chaque seconde était un présent inestimable.
Essoufflée, je me faufile dans les loges alors que la scène est confiée à une autre performeuse. J'abandonne mon jupon pour rester sur une tenue plus légère qui me permettra de me mouvoir plus facilement dans la salle bien que je conserve mes talons vertigineux. Je ne peux m'empêcher de rire, à la fois soulagée et euphorique, tant que les individus dans les loges finissent par en être contaminés. Puis, j'indique que je reviens, décidant d'aller retrouver Noor et Raphael qu'il me tarde de voir, ne me doutant absolument pas que je retrouverais une ambiance tendue et froide à leur table. « Oi ! » Je les salue en apparaissant dans le dos de Noor avec un gigantesque sourire, ma main se posant sur l'épaule de la jeune femme. « Je suis tellement contente que vous soyez là ! » Je me réjouis intensément, ne captant même pas avoir parlé de moi au féminin face à mes deux interlocuteurs, enivré par le bonheur. Je dévoile ainsi à Noor que sous Bea, je me considère femme et plus homme - une autre spécificité que je n'ai eu le courage de lui exprimer dans la vie de tous les jours. Je m'accroupis de manière à ne pas bloquer la vue des personnes installées derrière. « Comment vous allez ? Ca vous plait ? » Je m'enquières, trépignant, électrique, exalté et priant très fort pour qu'ils passent une excellente soirée. « On a vraiment mis le paquet. On va faire plein d'autres surprises. On veut faire de cette soirée quelque chose de mémorable. » Je ris doucement, ne pouvant m'empêcher de penser que ni Noor, ni Raphael, ne m'ont jamais vue dans cette état de félicité survoltée. « Je suis désolée, je voulais venir avant que vous soyez installés mais j'ai foiré mon organisation, » je reconnaissais. « Mais Noor, je tenais à te présenter Raphael. Et Raphael, Noor, ma meilleure amie. » Petite prouesse pour ne pas donner une étiquette au garçon. « Ca me fait super plaisir que vous soyez là tous les deux ce soir. » Je répétais, comblée. « J'ai une surprise pour toi pour la fin, » j'annonçais à mon amie avant de déposer un baiser sur son front et de me redresser. « C'est son anniversaire à minuit ! » J'informais Raphael avec une fierté vibrante. « Hésitez pas à commander à boire si vous voulez. C'est gratuit pour les VIP. Il y a aussi des mets mexicains à grignoter. » Je décris ensuite Noor, puis un peu plus longuement Raphael qui a usé de plusieurs artifices sur sa tenue. « Vous vous êtes mis sur votre 31 ce soir. Vous êtes canons. » Je complimentais avec sincérité et gaieté. |
| | | | (#)Dim 23 Juil - 18:35 | |
| Les plans ont changé. Raphael n’apprécie pas de voir ses plans partir en couille. Il avait imaginé la soirée d’une certaine façon, et cette certaine façon venait de se faire plaquer et contorsionner par un lutteur professionnel. Maintenant, il devait s’adapter à cette nouveauté qui prenait la forme de Noor, une jeune femme qui avait visiblement hérité de la même table que le garçon. Ce n’est pas qu’il déteste les gens ; c’est qu’il ne sait pas comment agir avec ceux dont il ne connait ni la personnalité, ni les manières. Il doit s’emparer d’un bouclier pour se protéger, mais aussi pour protéger Noor, parce qu’il sait ô combien il peut faire du dommage en ne filtrant pas le moindre mot qui s’échappe de ses lèvres lorsqu’il se trouve en situation de survie. Il ne veut pas décevoir Kai. S’il les a invités tous les deux, c’était certainement pour une bonne raison. Il est intelligent, il sait ce qu’il fait, alors Raphael doit suivre le courant et faire confiance en son ami. « Raphael. » Il répond enfin après avoir pensé à s’identifier d’une autre façon, pour prétendre changer de personnalité ce soir. Il aurait pu être Loïc, Sebastian, Maxim… N’importe qui qui arrive à entretenir une discussion et à se faire apprécier dès les premières banalités échangées. Heureusement, il n’a pas à lui poser plus de questions parce que les lumières de la salle se tamisent et celles de la scène s’intensifient et font briller sur le sol les dernières paillettes qui ont échappé au balai lors du dernier grand nettoyage.
Avec la même passion dans le regard et le même fourmillement dans les jambes, Raphael observe Bea s’animer sur son piédestal et il a l’impression qu’elle a fait ça toute sa vie. Un instant, il se trouve dans sa bulle, et il n’y a que lui et son amie ; il se revoit le jour d’avant, lui aussi costumé, leurs mains qui se joignent ainsi que leurs lèvres, mais il n’a pas le temps de rêvasser plus longtemps que la voix de Noor l’extirpe de son cocon. Ah, oui. Ils ne seront pas seuls, ce soir. Il peut au moins faire semblant d’avoir envie de la rencontrer, bien que ses intentions ne se trouvaient pas là au début. Plans modifiés : Raphael pas content. « Non. Parce que ça ne fait que quelques mois que Bea s'est présentée à moi » Fronçant les sourcils, il se crispe sur sa chaise. Ses griffes s’enfoncent dans ses genoux. Il observe Noor avec deux yeux bien fixes, tantôt impartiaux, tantôt divisés. Vient-elle de lui parler sur un ton froid, ou a-t-il imaginé l’animosité ? Il vaut mieux lui laisser le bénéfice du doute. « Okay. » S’il prononçait un seul autre mot, il tomberait du côté obscur de la force. « Tu crois savoir quoi de ma vie pour me juger alors qu'on se connaît depuis littéralement vingt minutes ? » Il déglutit et, s’il avait commandé une boisson et bu une gorgée, il l’aurait recrachée sur la table. « What the fuck. » Qu’il bredouille en jetant un regard vers les autres tables. Il passe sa main dans ses cheveux, se racle la gorge, sent son ventre prendre feu. Non non non non. Surtout pas. Il ne faut pas allumer la dynamite dans un lieu public comme celui-là, et encore moins dans la salle où Bea performait quelques secondes plus tôt. Non… Nonononon… NOOOON ! « J’ai absolument rien dit, t’as le feu au cul ou quoi ? » MEEEEEEEEEEERDE. « Oi ! » AAAAAAAAAAH !!! Yeux gros comme des melons, il fixe Bea, dont la silhouette s’est affinée, puis déglutit difficilement pour ravaler la rage. Il tente un sourire, mais ce dernier est maladroit. « Je suis tellement contente que vous soyez là ! » Héhéhéhéhé… Raphael est très content que Noor soit là aussi. « Comment vous allez ? Ca vous plait ? » Son regard croise une seconde celui de la jeune femme et il le détourne immédiatement dans un mouvement instinctif, voire primitif. Il a déclenché son mode survie. « Je t’ai trouvée magnifique. J’avais déjà vu cet habit mais… » Hein, Noor, il l’a déjà vu cet habit, lui. « Il a brillé encore plus ce soir ! » Il est coincé au milieu de trop d’émotions qui menacent d’imploser à tout instant. Quelle misère. Il ne veut pas montrer cette part de lui à Bea qui ne mérite rien de tout ça. Mais c’est la faute à Noor. Gre gre. « Mais Noor, je tenais à te présenter Raphael. Et Raphael, Noor, ma meilleure amie. » Il se pince les lèvres, fait passer ses yeux de Bea à Noor, qu’il observe en silence. « Oui… On a pu se parler un peu… » Il marmonne en arborant un sourire aussi peu naturel que la couleur de ses ongles. Sa meilleure amie ? Vraiment ? « C'est son anniversaire à minuit ! » Il inspire lourdement. « Ah bon ? » Quel heureux événement. « Hésitez pas à commander à boire si vous voulez. C'est gratuit pour les VIP. Il y a aussi des mets mexicains à grignoter. » Son sourire ne peut être plus crispé que ça. Heureusement, Bea profite de ce moment pour scruter sa tenue, ainsi que celle de Noor, qui est, selon Raphael, beaucoup trop banale. Probablement comme sa personnalité, tiens. « Vous vous êtes mis sur votre 31 ce soir. Vous êtes canons. » « Hahahahahahahahaha…. » Qu’il couine comme un canari. Il voulait être avec elle. Seul à seul. Leur table, leur soirée, leur second baiser peut-être. Mais Kai n’aurait jamais pu deviner que Raphael ne supporte pas les changements de plan ; après tout, ils ne se connaissent que depuis peu et, clairement, il perd la course contre Noor même s’il refusera de l’admettre. Il veut se croire spécial parce que c’est la première fois de sa vie qu’il se sent considéré. « Tu as encore plusieurs numéros sur scène ? » Qu’il relance à l’intention de Bea, souhaitant autant la voir dompter la scène une deuxième fois que la préserver de l’animosité qui gronde au-dessus de cette table maudite.
@Noor Guerrero @Kai Luz |
| | | | (#)Jeu 27 Juil - 19:20 | |
| Cinco de mayoL'arrivée de Bea fut un vrai soulagement pour Noor, qui put détourner son regard de l'Harlequin insupportable qui partageait sa table. Insupportable et grossier, vu la dernière phrase qu'il venait de lui balancer. Elle en avait bien besoin, de cette bouffée d'air frais, parce qu'elle se sentait à deux doigts de briser son verre et d'utiliser les morceaux pour le blesser. « C'est déjà mémorable de voir tout ça » assura-t-elle à son ami·e. « Et c'est chouette de revivre un peu le Mexique comme ça ! » Elle n'y avait pas mis les pieds depuis près de quinze ans, mais voir ces couleurs si familières sur la tenue de Bea la rendait un peu émotive - surtout maintenant qu'elle était assez près pour que Noor voit ce regard si familier, si protecteur et si rassurant. Même si forcément, c'était aussi le moment des présentations à Raphael. Le garçon aux papillons. L'Harlequin désagréable qui se pensait supérieur au monde entier. Elle avait presque envie de déconseiller à Kai d'arrêter de le fréquenter, parce que clairement, il n'allait que lui attirer des ennuis. Mais elle avait noté la façon détournée pour le présenter, cette absence de qualificatif - Kai et Bea n'assumaient pas, quoi qu'ils ressentent pour Raphael. « T'avais pas besoin de prévoir quoi que ce soit ! C'est déjà cool de m'avoir invitée ! Et puis on se voit demain ! » La soirée était prévue, l'alcool et les victuailles prêtes. Elle n'avait plus qu'à tout cuisiner le lendemain - et avec Dani et Kai de présents, elle pouvait se permettre de forcer sur les épices et vraiment savourer ses plats d'anniversaire. Quoi qu'elle frôlait l'indigestion rien qu'à écouter l'autre se pavaner. " Oh mais j'ai déjà vu cette robe, elle est si belle... Et elle, elle connaissait Kai depuis quinze ans, savait préparer son plat préféré les yeux fermés, avait déjà partagé son lit pendant des vacances ou après une soirée arrosée. Si l'Harlequin voulait transformer ça en compétition, elle était prête. « Si Bea est un tant soit peu comme je la connais, elle ne partagera pas ses secrets mais nous laissera les découvrir au fur et à mesure » glissa Noor d'une voix mielleuse à Raphael. Et si Bea se décidait à répondre à la question du jeune homme, Noor allait s'énerver. Elle refusait de voir son si secret Kai devenir une Bea trop bavarde et prête à gâcher les surprises qu'elle préparait. code par drake. |
| | | | (#)Dim 8 Oct - 9:38 | |
| Je trépigne au sein du bar, perché sur mes talons vertigineux, de longs cheveux noirs synthétiques ondulant en cascade sur mes épaules hâlées dénudées. Mon coeur tambourine face à la réalité qui se présente devant mes yeux : Noor et Raphael assistent présentement au coming back de Bea, un retour sur scène que j'avais cruellement craint, couardement repoussé. Ce soir, néanmoins, je suis enchanté d'avoir osé m'enthousiasmer de nouveau de ma passion, de mon art, d'une de mes raisons de vivre - un rush de félicité m'envahit et un nouveau souffle m'habite. Même si cela me paraît totalement superflu que deux personnes qui me connaissent en tant que Kai me fréquentent désormais sous les traits de Bea, même si ce simple fait met à mal ces interdits que je respecte d'ordinaire religieusement pour me protéger, j'éprouve une fierté incommensurable à ce que ces deux personnes aient répondu à mon invitation et à ce que je puisse leur dédier le meilleur de mon talent.
Mon sourire s'élargit face au compliment de Raphael que je remercie d'un regard éloquent d'émotions. Mes mains caressent, réconfortantes, les épaules de Noor lorsqu'elle banalise mes excuses et ressasse le Mexique que je devine lui manque. « L'objectif est d'y faire honneur à fond, » j'annonce à ma meilleure amie, avant de présenter en bonne et due forme les deux convives. Le sourire crispé de Raphael me laisse entendre que les atomes ne sont pas si crochus entre lui et Noor et je m'en inquiète désormais, enroulant nerveusement une mèche de cheveux autour de mon doigt. Je tente d'alléger l'atmosphère en ajoutant une nouvelle dose de festivités : dans quelques heures, la Guerrero fêterait une année de plus sur cette planète. Autre ingrédient : la nourriture et la boisson à volonté. « T'avais pas besoin de prévoir quoi que ce soit ! C'est déjà cool de m'avoir invitée ! Et puis on se voit demain ! » « Je sais mais je n'ai jamais fait de ton anniversaire un événement banal, Lyb, » je rappelle avec complicité, avant de complimenter avec entrain les tenues des deux adultes. Je devine toute l'attention particulière que le Elly a placé dans ses choix et j'en suis charmé, j'apprécie les couleurs mexicaines qu'arbore Noor. Ils sont sublimes, je suis comblé, sauf que je devine qu'ils valsent tous deux à l'antipathie vu le rire du danseur et le débat sur les futures performances. « Tu as encore plusieurs numéros sur scène ? » « Si Bea est un tant soit peu comme je la connais, elle ne partagera pas ses secrets mais nous laissera les découvrir au fur et à mesure » « Il y en a d'autres, » je tente de couper la poire en deux. « J'avoue que j'ai pour objectif de vous séduire assez pour que vous tentiez le drag un de ces quatre, » j'annonce avec audace, me redressant pour me pavaner devant eux, tournant sur moi-même pour démontrer ma métamorphose. « Et j'espère être méconnaissable. Bea est bien mieux. » J'affirme, réduisant ma forme masculine sans scrupule. Par ailleurs, si Kai est un tempérament discret et réfléchi, Bea est pour sa part exubérante et énergique. Bea ne tient pas en place quand Kai se force toujours à rester tranquille. Bea est dotée d'un franc parler quand Kai se noie sous les non-dits. Bea n'a pas de filtre et exhibe chaque part de sa personnalité quand Kai discrédite toute entité qui le compose. En quelque sorte, elle est le soleil généreux et il est la lune noire. |
| | | | (#)Lun 6 Nov - 3:33 | |
| Raphael voulait que ça fonctionne. Il n’est pas de nature méchante. Il n’attaque jamais le premier, même si parfois sa gêne et sa précipitation peuvent lui conférer de mauvaises intentions aux yeux de ceux qui ne le connaissent pas. Il ne sait pas comment agir avec des inconnus, encore moins avec les filles qui l’ont toujours impressionné par cette façon qu’elles ont d’être toujours au meilleur d’elles-mêmes. Il ne voit pas les défauts chez ces dernières, qu’elles se coiffent et se maquillent ou pas. Noor l’a déstabilisé en posant simplement ses yeux sur lui et voilà que le mécanisme s’était enclenché. Inévitables jambes tremblantes et gorge nouée. Il s’est tortillé du mieux qu’il pouvait en dehors du malaise qui s’était creusé au fond de son ventre, lui qui pensait que Kai avait réservé une table pour lui, et pour lui seul. Mais il s’en était mal tiré (comme d’habitude) et leurs personnalités avaient déjà envie de se mener une bataille sanglante. Il s’agit d’une guerre où un soldat prouvera à l’autre qu’il est le préféré de la drag qui les a invités ce soir. Qui s’en sortira gagnant ? Seul l’avenir le dira.
Pour l’instant, Noor semble prendre un peu le dessus. Ce sont ses épaules qui sont malaxées par les mains pleines d’amour de Bea et Raphael se tient devant eux comme une tache sur la toile blanche, ou une mouche sur la soupe. Il n’arrive pas à détacher ses yeux de ce contact physique entre eux, ses dents grinçantes, sa langue claquante silencieusement contre son palet comme le ferait un serpent qui refuse de se laisser approcher. Il écoute leurs échanges d’une oreille inattentive. Ses ongles s’entretuent sous la table. Il s’arrache des morceaux de vernis alors qu’il a tellement travaillé cette manucure pour qu’elle soit parfaite pour Bea. Il ne comprend pas comment cette explosion a eu lieu. Il n’a rien dit de mal. C’est injuste. Noor est injuste. « Si Bea est un tant soit peu comme je la connais, elle ne partagera pas ses secrets mais nous laissera les découvrir au fur et à mesure » Son regard agacé se plonge à nouveau dans les yeux foncés de la jeune femme. Il se refuse de la provoquer pour ne pas décevoir son amie qui a perçu la tension à la table. Ce serait la fin du monde, que de bousiller cette soirée qui était si importante pour elle. Elle remontait sur scène et voulait les inviter dans cette aventure effrayante, qui était-il pour laisser son égo prendre le dessus ? « Il y en a d'autres, » Il redresse la tête vers Bea, qui surplombe Noor. Il lui adresse un sourire pas tout à fait naturel, mais il fait de son mieux pour ne pas la vexer. « J'avoue que j'ai pour objectif de vous séduire assez pour que vous tentiez le drag un de ces quatre, » S’il plisse un peu les paupières, il arrive à effacer Noor de son champ de vision (et de sa vie, par le fait même). La robe de Bea, qui se déploie comme une fleur, lui vole un sourcillement d’étonnement. Bien sûr qu’il a envie de lui dire qu’il tentait toutes les expériences avec elle, et qu’il a envie de sonder les loges pour se trouver un accoutrement excentrique, mais il refuse de partager cette information avec l’anomalie à table. « Et j'espère être méconnaissable. Bea est bien mieux. » « Les deux sont parfaits ! » Qu’il s’exclame aussitôt pour être le premier à le faire et, surtout, pour empêcher Noor de lui voler ses compliments. « Mais ce soir, toute la salle est heureuse de revoir enfin Bea sur la scène. » Il lui dirait tellement d’autres choses. Il la prendrait dans ses bras même si son maquillage lui tacherait le visage, même s’il avale une dizaine des cheveux de sa perruque épaisse au passage, mais il refuse de perdre son intimité avec elle. Leur amour n’a pas besoin de témoins.
« On se voit après le show ? » Qu’il s’ose à demander sans jeter un seul regard à Noor. « Je ne bosse pas demain alors ça me ferait plaisir de fêter ton retour jusqu’à 4h du matin s’il le faut ! » Et l’autre n’est pas invitée, hehehe.
@Noor Guerrero @Kai Luz |
| | | | (#)Jeu 9 Nov - 21:12 | |
| Cinco de mayoNoor esquissa une grimace. Depuis le temps qu'ils se connaissaient, Kai devait savoir qu'elle s'estimait déjà costumée dans ses tailleurs sérieux d'architecte, et qu'elle ne préférait rien tant que de rester chez elle à traîner en vêtements confortables. Ses jours de télétravail étaient des petits oasis de bonheur dans ses semaines bien chargées. « Je pense que vous vous valez et que je vous aime autant l'un que l'autre » reprit-elle, sérieuse. Parce que Bea était peut-être exubérante et colorée, solaire presque, elle n'effaçait pas totalement Kai, son inquiétude, et son refus de trop en partager de peur de faire fuir les autres. Parfois ça la frustrait, souvent ça l'inquiétait, mais il n'en restait pas moins son meilleur ami, et elle l'aimait comme il était. Toutes ses facettes incluses. Elle essayait d'ignorer Harlequin qui s'agitait pour avoir toute l'attention sur lui - Bea avait organisé ça pour son anniversaire à elle, en toute amitié, et l'autre ne pouvait pas supporter de devoir partager leur ami commun pour une simple discussion de quelques minutes ? Elle le mettait tant en danger que ça par sa simple présence ? Honnêtement, elle ne savait même pas en quoi elle pouvait lui faire peur ou lui donner l'impression qu'ils étaient en compétition, alors qu'ils avaient visiblement des relations différentes avec Kai et Bea, et qu'ils ne cherchaient de toute façon pas à avoir la même. « Je suis contente sur tu aies préparé tout ça pour mon anniversaire » dit-elle en souriant, posant ses mains sur celles de Bea et serrant doucement ses doigts autour des siens. « C'est une jolie surprise, et ça me fait du bien toute cette nostalgie. J'en avais bien besoin. » Elle évitait d'ordinaire de trop penser au Mexique et à sa famille - trop de sentiments contradictoires, de choses qu'elle regrettait ou qu'elle aurait pu faire mieux. Comme d'habitude, Kai savait comment adoucir les choses, et lui rappeler une de ses fêtes favorites, sans trop y associer de tristesse. « Oh, tu me ramènes pas ce soir, après le show ? » demanda-t-elle, innocemment, après l'invitation de Raphael. Les sourcils un peu froncés et presque un tremolo dans la voix, parce que rentrer seule tard dans la nuit n'était pas quelque chose qu'elle aimait. Encore moins depuis quelques mois, et le souvenir du visage de Kai qui la réveillait encore la nuit, trempée de sueur et tremblante de peur. code par drake. |
| | | | (#)Dim 24 Déc - 22:44 | |
| La bonne entente ne semblait pas naturelle entre Noor et Raphael, bien que ceux-ci s'appliquaient à demeurer, bien heureusement, cordiaux autour de la table. Je dissimulais ma désolation et ma culpabilité derrière un large sourire que je leur priais contagieux, tout en me réjouissant du spectacle soigneusement élaboré en l'honneur des festivités mexicaines du cinco de mayo. J'espérais malgré tout que ma meilleure amie et mon ami de coeur conservent un excellent souvenir de cette soirée atypique au sein de laquelle j'osais placer tant d'espoir. En effet, non seulement marquait-elle le retour en grandes pompes de Bea et représentait mes nouveaux pas vers ma secrète passion qui m'avait cruellement manqué ces derniers mois, il s'agissait également de célébrer l'anniversaire d'une personne qui était chère à mon coeur et de lui faire rencontrer quelqu'un qui y avait une place toute particulière. Néanmoins, je ne pouvais m'empêcher de me questionner sur le bienfait de contredire cette dualité, d'ordinaire si précautionneusement respectée, entre mes deux modes de vie. Vu l'atmosphère qui paraissait régner entre Raphael et Noor, peut-être que ma décision de toujours compartimentaliser mon existence était une bonne chose, finalement. Mes deux alters egos n'étaient pas compatibles. J'avais beau supposer pouvoir créer des ponts entre la vie de Bea et celle de Kai, il m'était forcé de constater que ceci n'était probablement pas compatible, comme Noor et Raphael ne semblaient pas l'être.
« Les deux sont parfaits ! » s'exclamait Raphael lorsque je dénigrais allègrement mon visage masculin de tous les jours pour celui qui me faisait exulter. Je lui offrais un sourire aussi joyeux que reconnaissant. Etait-ce saugrenu de ma part de craindre que Raphael préférait Bea à Kai et qu'il s'était peut-être entiché uniquement de cette dernière ? Après tout, s'il avait rencontré Kai de prime abord, il avait embrassé la drag queen. A jouer sur deux tableaux, j'ignorais qui préférait le danseur, qui il appréciait de cette manière si douce et agréable, tout en considérant totalement incroyable qu'il puisse autant aimer Bea que Kai ; qu'il puisse accepter le lot complet. « Je pense que vous vous valez et que je vous aime autant l'un que l'autre. » Je dédiais un regard à la fois touché et sceptique à Noor. Finalement, peut-être que cette tentative audacieuse d'unir mes deux mondes possédait des avantages, quand bien même le sentiment de me faire violence et de jouer avec le feu me brûlait les entrailles de manière lancinante, aigre malaise dissimulé grossièrement sous les artifices exubérants de Bea.
« Je suis vraiment heureuse que ça vous plaise et que vous soyez là, » je réponds avec émotion aux compliments de Raphael et de Noor. Le contraire m'aurait indubitablement déçu et chagriné, tant ma participation à l'art du drag m'est précieuse. Lorsque le Elly évoque l'après-show, un entrain sincère investit mon portrait qui rayonne de hâte de prolonger cette soirée comme s'il n'y avait pas de lendemain. Noor me rappelle son retour à la maison et je hoche la tête en signe de dénégation. « Oui, bien sûr que je te ramène quand tu souhaiteras rentrer. Hors de question que tu rentres seule, » j'affirmais, sachant pertinemment que raccompagner Noor à son appartement rimerait aussi à un baissé de rideaux pour Bea. Il était en effet impensable que la drag queen arpente les rues australiennes rafraîchies par le clair de lune. Je quitte Noor et jette un coup d'œil à la scène où un numéro se termine. Puis je glisse, complice, à l'oreille de Raphael : « J'ai plein d'idées d'after-show » avant de reprendre à voix haute : « je vous retrouve dans une vingtaine de minutes. » Je me retiens de me mordre la lèvre discrètement, espérant que Noor montrera la voie de l'alcool gratuit comme je leur avais annoncé plus tôt pour éventuellement détendre et plus facilement apprécier le moment.
Le show tire à sa fin. C'est dans une tenue légère, féminine et excentrique que je retrouve Noor et Raphael, profondément soulagé qu'ils aient tenu jusqu'à la fin du spectacle. « Est-ce que vous voulez qu'on boive un verre ensemble ? Ou que je vous montre les coulisses ? » Je proposais, espérant tout de même leur laisser un bon souvenir de cette soirée peu ordinaire mais symbolique à mes yeux et en laquelle j'avais placé l'espérance qu'elle leur soit aussi mémorable qu'agréable, aussi significative qu'elle l'était déjà pour moi. |
| | | | (#)Mer 3 Avr - 22:52 | |
| Raphael n’a jamais été à l’aise dans les groupes. Il a besoin de donner toute son attention à une seule personne et de recevoir la même chose en retour. Aux côtés d’une jeune femme qu’il ne connaissait même pas avant ce soir, il n’arrive pas à s’adapter. Il a tenté les sourires forcés, la discussion légère, mais ça n’a visiblement pas fonctionné. Maintenant, il navigue dans des eaux qu’il n’a pas eu le temps d’apprivoiser, et même s’il tente d’être de bonne compagnie pour le garçon qu’il admire beaucoup, il n’arrive pas à passer par-delà l’obstacle que représente sa meilleure amie. En lui crachant dessus, elle lui a bien fait savoir qu’elle n’avait pas envie de sympathiser de son côté, mais de réfléchir et d’overthink à ce qu’il a fait de mal sera un problème pour plus tard. Sûrement au plein milieu de la nuit, pour bien l’empêcher de dormir. « Je suis contente sur tu aies préparé tout ça pour mon anniversaire » Oh ? C’était pour elle ? Ah bon… « C'est une jolie surprise, et ça me fait du bien toute cette nostalgie. J'en avais bien besoin. » Terriblement mal à l’aise, il s’oblige à baisser les yeux pour ne pas fixer ce contact physique entre elle et Bea. Ce n’est pas de la jalousie. Il sait qu’il ne risque absolument rien parce que Kai préfère les garçons, c’est plutôt… L’impression d’être un surplus, un emballage de plastique autour d’une banane. En dernière tentative vaine, pour que sa soirée ne soit pas gâchée de A à Z, il propose à son ami de passer un peu plus de temps avec lui une fois que son show sera terminé. Il pensait que le moment serait pour eux – après tout, c’était le retour de Bea sur scène – mais il n’arrivait pas à s’imaginer être la troisième roue du groupe pour encore bien longtemps. Antisocial comme il est, il a déjà abandonné tout espoir de faire entrer Noor dans son minuscule cercle amical. « Oh, tu me ramènes pas ce soir, après le show ? » Noor s’interpose, faisant arrondir les yeux de Raphael qui la dévisage. « Oui, bien sûr que je te ramène quand tu souhaiteras rentrer. Hors de question que tu rentres seule, » Il déglutit, observe encore ailleurs. La foule, la table voisine, la scène vide à cause de l’interlude, un serveur habillé en faune qui zigzague entre les clients… Le murmure de Bea contre son oreille vient ensuite le faire frissonner de surprise. « J'ai plein d'idées d'after-show » Il l’interroge du regard, une lumière intriguée dans les yeux, oubliant la présence de la tierce personne. « je vous retrouve dans une vingtaine de minutes. » Bien obligé de laisser partir la drag, il se referme aussitôt et reprend place à la table, s’efforçant de ne plus jamais regarder l’élément problématique. Elle l’intimide, il veut lui manquer de respect aussi, parce qu’il veut lui rendre la monnaie de sa pièce.
Heureusement, le spectacle sur scène arrive à le faire se détacher de cette réalité à sa droite, et il arrive à profiter des quelques numéros restants, ne se gênant pas être celui qui applaudit le plus fort à toutes les fois où Bea termine de faire sienne la scène. Il a décidé de fermement éviter le regard de Noor jusqu’à ce que mort s’en suive. Il n’a plus l’âge d’accorder de l’importance à ceux qui ne font aucun effort de leur côté. Une trentaine de minutes plus tard, de nouvelles lumières s’ouvrent dans la salle afin d’annoncer la fin du spectacle. Le bar reste toutefois ouvert, s’apprête même à combler les besoin d’alcool d’une nouvelle vague de personnes. D’un œil de lynx, il fixe le côté de la scène, où les artistes se présentent dans des habits plus confortables. À la vision de Bea, il se redresse d’un coup (pour être le premier à le faire !). Sa proposition l’aurait tenté s’il l’avait pour lui, juste lui, mais tandis qu’il évite toujours de regarder Noor, il répond avec timidité : « Eum… En fait, je crois que ne me sens pas très bien. J’ai dû manger un truc pas frais aujourd’hui. » Le mensonge le moins crédible de l’histoire des politiciens. Pas question de partir sans féliciter la star du soir ! « Tu as vraiment été parfaite. Encore meilleure qu’avant. Je suis fier de toi, vraiment. » Ces cinq petits derniers mots, il les a prononcés un peu moins fort, pour que ce soit leur petit secret à eux. Aussi, il tente de s'excuser avec ses yeux, pour s'effacer ainsi, mais il pense qu'elle comprendra. « L’autobus passe dans dix minutes, je vais y aller pour ne pas le louper ! » Il annonce en faisant un petit signe de la main à Bea, puis il accorde enfin un ultime coup d’œil à Noor, à laquelle il ne glisse qu’un « salut… » avant de tourner les talons comme un voleur coincé sur le lieu du crime.
@Noor Guerrero @Kai Luz |
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