because I just love the music, not the bling
Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveiagifs

Jo est fabuleuse sur scène et personne ne me persuadera jamais du contraire. Certes, sa setlist du soir est composée presque exclusivement de reprises, mais cela ne gâche rien à mes yeux. Son talent donne des nuances et couleurs différentes aux travail d’autrui qui, entre ses mains, devient chef d’oeuvre. Sa voix chaude et profonde m’envoûte moi qui, même si j’ai prétendu le contraire au reste de mon équipe, n’ai pas envisagé une seule seconde de ne pas être dans le public ce soir, alors qu’elle livre sa seconde et dernière prestation du festival. En me voyant rejoindre l’espace réservé aux VIPs, les photographe et fans dotés d’un téléphone portable s’en sont donnés à coeur joie. Les flashs ont crépité dans ma direction tandis que je tentais de dissimuler mon visage sous une casquette enfoncée sur ma tête pour m’offrir un peu d’intimité. Aux curieux qui ont tanté de m’interpeler, de me demander ce qu’il s’était passé sur le tournage pour que ce soit la première fois que l’on nous situe au même endroit au même moment depuis sa victoire, ou encore aux plus audacieux qui m’ont de but en blanc demandé si nous étions un couple, la brune et moi, je n’ai pas adressé le moindre mot. Jo se livre au jeu de la presse bien mieux que moi alors qu’elle perce à peine, mais je n’ai jamais eu le moindre doute à ce sujet : nous sommes dans son univers, un univers auquel j’appartiens grâce à un formidable coup du sort mais auquel je n’étais pas prédestiné.

Jo me bouleverse, mais tout ce que j’ai pu ressentir au cours de sa performance n’est rien en comparaison de ce que je ressens alors qu’elle entonne les première note d’une chanson que je reconnais immédiatement, puisqu’il s’agit de l’une des miennes. Une mélodie issue de mon premier album et pas n’importe laquelle, puisqu’il s’agit de celle que nous avons reprise elle est moi à l’abri des regards la première fois qu’elle m’a rendu visite au studio. Ce jour là, notre duo m’avait remué les tripes. Alors que je l’écoute chanter seule - je n’ai pas espéré ou attendu qu’elle m’invite sur scène pour la chanter avec moi et ce malgré les murmures qui ont parcouru la foule et les regards qui se sont tournés vers moi lorsque le public a à son tour commencé à reconnaître le titre - je me sens envahi par une tristesse sans nom. En silence, je pleure ces quelques semaines que nous avons passées ensemble, et je pleure la terrible fin de notre relation. Elle était évitable même si, pour l’instant, je suis incapable d’assurement totalement que je suis l’unique fautif dans cette situation. Blamer Cassie est bien plus simple que d’accepter qu’elle n’a été que l”allumette qui a mis le feu au poudre, mais que tout le reste était là, prêt à s’embraser et par ma faute.

Lorsque la musique s’arrête, mon regard est embué, brillant, et je tourne la tête en réalisant que plusieurs flash sont tournés vers moi, dans le public. Je recule de quelques mètres, bien loin de la barrière séparant les VIP du reste de la fosse, pour le soustraire au regard des curieux dont le poids me semble insupportable. Le reste du concert, j’ai l’impression de le vivre à moitié conscient de ce qu’il est en train de sa passer et, pour éviter la cohue synonyme d’une scène qui se vident, de festivaliers qui quittent une scène pour en rejoindre une autre, je pars une dizaine de minutes avant la fin, alors que Jo entame l’une de ses dernières chansons.

Rejoindre les coulisses est facile pour quelqu’un comme moi. Personne ne songe à tenter de m’empêcher de rejoindre l’arrière du rideaux, l’arrière scène que Jo rejoindra très bientôt. Le son est plus étouffé ici, moins pur et correctement restitué, mais j’entends malgré tout la fin du dernier morceau de la chanteuse, je l’entends remercie son public et le noeud dans mon ventre se ressert un peu plus. Depuis mes derniers aveux, nos routes ne se sont pas recroisées. Moi, je lui ai demandé de prendre son temps mais de me revenir. Mais elle ne m’a pas laissé grand chose, pas de bribe d’espoir à laquelle m’accrocher pour entretenir l’illusion que notre situation était temporaire. Au contraire, elle a plutôt été claire mais je n’arrive pas à m’empêcher d’espérer que cette reprise de mon répertoire était une main tendue dans ma direction. Elle me sait dans le coin, Jo, si bien qu’elle se doutait que j’assisterais à son concert, non ? Est-elle venue m’écouter ? M’a-t-elle entendu chanter pour la première fois ce morceau que j’ai écris au mois de décembre et qui parle d’elle, comme tant d’autres ? Comment s’est-elle sentie ? A-t-elle était bouleversée au point de m’envoyer un signal, espérant que je l’entendrai et je la rejoindrai. Je suis un rêveur si bien que, même si j’essaie, je n’arrive pas tout à fait à m’ôter cette idée de l’esprit.

Et elle est là Jo, plus belle encore qu’elle ne le semble déjà lorsqu’on la regarde de loin, depuis le public. Lorsque son regard se pose vers moi, alors que son équipe vient à peine de lui coller une bouteille d’eau dans les mains, j’ignore si elle ressent l’envie de m’étriper ou si une part d’elle est heureuse que je sois là. « T’étais fantastique sur scène alors je me suis dit que… » Que quoi ? Je ne suis pas ici par simple politesse et nous le savons tous les deux. « Je me suis dit que j’avais envie de venir te féliciter moi-même. Et te dire que t’es née pour ça, c’est évident. »

because i love the music, not the bling
@Midas Sterling ☆ crédit/ssoveia

"Tu peux pas changer la setlist à une demi-heure du début du concert, Jo." "Tu veux parier ?" Un duel de regards se déclara sous les yeux des musiciens qui accompagnaient Jo, entre cette dernière et le manager du festival qui en avait sûrement essuyé d’autres des caprices de star. C’était encore le moins pire auquel il répondrait, et parce que la volonté de la petite brune qu'il avait en face de lui ne faiblissait pas au plus les secondes s’égrainaient, il finit par se tirer en ronchonnant, annonçant sans ouvrir la bouche la victoire par KO du camp adverse. Les musiciens autour s’en amusèrent avant de se mettre rapidement au travail pour mémoriser les changements de dernières minutes sans chercher à comprendre pourquoi la chanteuse tenait à cette chanson. Si son équipe n’avait pas fait remonter l’info venant de celle de Midas qu'il serait là ce soir, rien de tout ça ne se serait passé, et les plans initiaux auraient été respectés sans que personne ne se sente obligé de jouer des coudes pour faire entendre sa démarche.

Elle n’avait pas envie d’expliquer pourquoi c’était important pour elle de reprendre cette chanson, elle savait juste que ça partait d’une bonne intention et peut-être d’un besoin de vérifier qu’il y avait toujours une connexion entre elle et le jeune homme qui ne partait pas seulement de questions impudiques ou de rumeurs grotesques. Et puis elle l’avait entendue, sa nouvelle chanson, celle dont elle avait vu les premiers jets en janvier dernier, et à défaut d’avoir quelque chose d’aussi personnel à présenter, cantonnée aux reprises le temps de se créer son propre répertoire, ses intentions avaient statué que ce serait encore ce titre, celui qu’ils avaient chanté ensemble dans l’intimité du studio de Midas, six ans après avoir partagés la scène pour la dernière fois, qui lui parlerait le plus.
Elle avait été plus discrète que lui, encore qu’elle se demanda si Olive n’avait pas vendu la mèche à propos de sa présence lors du concert de son frère pour que ce dernier se sente obligé de passer une tête au sien. Il était délicat Midas, sûrement un peu trop pour son propre bien, alors qui savait s’il n’avait pas seulement voulu lui rendre la pareille en se pointant pour faire les choses bien. C’était mieux de penser de cette façon que de songer à l’éventualité qu’il voulait la voir, comme elle avait voulu le voir. Elle avait une heure et demi de scène à assurer, elle n’avait pas envie de s’enfermer dans ce genre de pensées quand les avis à son sujet étaient dithyrambiques. Ce n’était pas le moment de flancher, même si à plusieurs reprises déjà, elle s’était curieusement sentit oppressée par tout ce que représentait ce premier projet qu’elle menait seule.

Une fois sur scène, l’angoisse latente qu’elle ressentait, elle disparaissait. Elle ne prétendrait ne pas savoir ce qu’elle faisait, elle prétendrait encore moins ne pas être bonne pour le faire : il suffisait de la regarder. Elle avait attendu ça longtemps, son énergie était soumise à sa volonté de prouver de quoi elle était capable, et c’était devenu une obsession. Personne ne soupçonnait la tricherie dans laquelle elle avait été propulsée, le secret était bien gardé, néanmoins elle se sentait obligée de travailler plus dur qu’elle ne l’avait jamais fait, souffrant de ce que d’autres appelleraient sans doute un syndrome de l’imposteur qui remettait son humilité au centre d’une façon de faire qui n’était pas la sienne. Douter ne faisait pas partie de ses mécanismes, mais ça lui était tombée dessus comme la nouvelle que Cassie lui avait annoncée avant la finale, et c’était déstabilisant, assez pour qu’elle veuille faire taire tout ça à coup de calmants refilés sous le manteau par une équipe occupée à vouloir bien prendre soin d’elle. De là à dire qu’elle voyait tout défiler en ayant l’impression de ne profiter de rien, ce serait exagéré, mais ça l’aidait au moins à canaliser son énergie vindicative en dehors de la scène, et c’était une bonne chose quand on savait qu’elle avait tendance à ne pas savoir retenir sa voix.
Elle ne la retint pas ce soir. Lorsque vint le moment de chanter la chanson de Midas, elle le fit avec un naturel qui entrait en contradiction avec ce qu’elle ressentait sur le moment, prenant un temps de pause pour s’asseoir, son souffle se régulant doucement, et dévaler les couplets avec une douceur amenée par la mélodie et les paroles de cette chanson. Elle ne le chercha pas dans le carré VIP — elle ne voulait pas confronter son regard —, elle n’eut pas non plus de mots à son intention en la terminant  — elle ne voulait pas provoquer davantage d’émotion chez elle —, mais là encore, elle ne serait pas tout à fait honnête si elle disait ne pas savoir ce qu’elle faisait. Elle le regretterait plus tard, quand on lui demanderait pourquoi elle avait glissé cette chanson entre deux autres, si on devait y déceler un message personnel. Bien sûr que oui, mais ce n’était destiné à personne d’autre que Midas, alors elle éluderait avec tout le mordant qui la caractérisait lorsqu’il s’agissait de lui, d’eux plus précisément.

L’émotion amenée par ce moment, il prit de l’ampleur au moment où elle réalisa pour de bon que c’était son dernier concert. Les au revoir ne s’étirent pas cependant, et tandis que la promesse de faire encore parler d’elle accompagna son départ de scène, elle fût réceptionnée par un régisseur qui lui souffla qu’elle avait été géniale avant de lui donner une bouteille d’eau, une serviette éponge, en lui annonçant qu’il allait la déséquiper tout de suite, et tout ça avant qu’elle n’arrive au bas du petit escalier qui la menait en backstage.
Le souffle à peine court, mais poisseuse d’une pellicule de sueur qui faisait briller son cou, Jo tourna la tête en sentant un regard posé sur elle. À un autre moment, elle aurait peut-être glissé quelque chose comme un t’es vraiment prévisible, étant donné qu’elle avait été persuadée qu’il viendrait la voir après l’avoir entendu chanter sa chanson, mais ce serait jouer avec l’aveu sous-jacent qu’elle serait obligée de lui faire, mettant en avant l’idée qu’elle avait chanté son titre pour le faire venir. De fait, elle ne dit rien sur l’instant, prenant une gorgée de son eau par la paille qui était glissée dans la bouteille, et épongeant la sueur sur son cou en entendant Midas lui parler pour la première fois depuis trop longtemps pour que ça ne lui fasse pas quelque chose.

Elle n’affronta pas son regard encore une fois, refilant sa serviette au régisseur et le remerciant d’un signe de tête avant d’enfin tourner la tête vers lui pour s’approcher et lui répondre, son ton manquant certainement de conviction bien qu’elle essayait pourtant d’être aussi bêcheuse qu’elle l’était d’ordinaire "Pour me dire ça t’aurais juste pu me faire livrer des fleurs et m’écrire une carte. C’est ce que tout le monde fait, je t’en aurais pas voulu." Dégageant ses épaules du rideau de longs cheveux bruns qui s’étaient agglomérés à sa peau, elle détacha le ruban qui en surélevait une partie pour chasser la pression pesant à l’arrière de son crâne. Secouant la masse de ses mèches avec une main enfoncée dedans, elle regarda par-dessus l’épaule du jeune homme — juste à quelques centimètres à peine de sa tête pour qu’il ait l’impression qu’elle le regardait, même si ce n’était pas vraiment le cas en vérité "Ta soeur t’a dit que j’étais venue te voir ?" Pas de merci pour les compliments qu’il lui avait fait. Pas de je suis contente de te voir alors que c’était le clou de soirée — mais un regard hésitant qu’elle se somma enfin de lui accorder frontalement.

because I just love the music, not the bling
Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveiagifs

Elle n’a rien dit Jo, quand je lui ai demandé de prendre le temps qu’il lui fallait, le recul qu’il lui fallait, pas de ne pas prendre de décision. Elle ne m’a pas rejeté, mais elle n’a pas dit qu’elle le ferait non plus. Depuis, j’attends un signe, n’importe quoi de sa part dans ma direction pour m’orienter, m’aider à deviner si je dois attendre une issue favorable ou non à tout ça. Bien sûr, j’ai à l’esprit le récit d’Amos qui, persuadé qu’il ne faut pas abandonner, qu’il faudrait que je pousse Jo dans ses retranchements en étant omniprésent pour éviter qu’elle m’oublie ou, en tout cas, essayer de faire en sorte qu’elle me pardonne. En tout cas, c’est ce que j’ai compris de son récit : sa femme l’a quitté, au début de leur relation et à cause d’un mensonge et, plutôt que de lui laisser le loisir de l’oublier, il a fait le pied de grue devant son appartement pendant une journée entière pour la forcer à lui parler, à lui dire quelque chose, n’importe quoi. Sauf que moi, j’ai l’impression que le simple fait de poser les yeux sur mon met Jo en rogne tout en la plongeant dans une tristesse que je n’ai pas envie de lui faire subir. Je veux la récupérer et je suis prêt à payer n’importe quel prix, tant que c’est moi qui règle l’addition. Je ne veux pas qu’elle en souffre, d’une quelconque façon. Je refuse de devenir toxique pour elle mais comment aurais-je pu faire autre chose que de venir la voir sur scène ? Elle était là, à quelques mètres de mois, participant au même événement. Ne pas l’approcher plus tôt dans la semaine a été une torture. Je l’ai cherchée des yeux dans la foule à chaque seconde, mon cœur a fait un sursaut à chaque fois que j’ai posé les yeux sur une femme brune me rappelant la chanteuse, et j’ai à chaque fois souffert de réaliser que ce n’était pas elle.

Qu’elle chante ma chanson, comment suis-je censé le prendre ? J’ai beau tenté de modérer mes ardeurs, je n’y peux rien si une part de moi vois son geste comme ce signe que j’attends depuis des semaines. N’est-ce pas humain, d’envisager que cela puisse être une main tendue dans ma direction ? N’est-ce pas ce que beaucoup auraient pensé à ma place ? Dans ce contexte-là, à quoi est-ce que je m’attends au juste, en la retrouvant en coulisse, un air penaud et presque trop timide sur le visage ? Je l’ignore. Mais certainement pas à ce qu’elle n’arrive même pas à me regarder dans les yeux et à ce qu’elle me serve son sarcasme. Ce dernier, il m’écœure et me donne l’impression qu’elle crache sur tout ce que nous avons été. Elle me donne l’impression de n’être à ses yeux que l’un de ses nombreux groupies et, bien que conscient que je ne le mérite pas, j’aimerais malgré tout être plus que ça pour elle. « Pour me dire ça t’aurais juste pu me faire livrer des fleurs et m’écrire une carte. C’est ce que tout le monde fait, je t’en aurais pas voulu. » - « Je peux m’en aller, t’as qu’un mot à dire. » Je ne suis ni agressif, ni sur la défensive. Je crois que je suis simplement désabusé, qu’en une phrase à peine de sa part, elle a fait s’écrouler mes espoirs d’apaiser la situation. Pourquoi a-t-elle chanté l’une de mes chansons, pourquoi a-t-elle chanté celle-là en particulier si ce n’était pas pour me toucher, pour me faire passer un message et me dire que je lui manquais toujours ? Je me battrai pour elle, mais je ne me battrai pas contre elle. Si elle me demande de partir, je partirai, la mort dans l’âme, mais je partirais. « Ta soeur t’a dit que j’étais venue te voir ? » Mal à l’aise, j’enfonce mes mains dans mes poches, incapable pour autant de la lâcher des yeux, maintenant qu’elle affronte mon regard. Je secoue la tête. « Non, j’ai pas croisé Oli, elle est rentrée directement sur Brisbane après le concert. » Elle ne s’est pas éternisée. Je l’ai trouvée fatiguée et j’ai été soulagé qu’elle accepte mon offre d’être reconduite en voiture à mes frais. « Elle sait qu’on était ensemble et elle sait aussi que c’est plus le cas. » Je ne le lui ai pas avoué mais, comme tout le monde, elle a vu la vidéo de la gifle, et a tiré ses propres conclusions de mon humeur massacrante depuis mon retour de Sydney. Elle a oublié d’être bête, ma petite sœur, je suis certain qu’elle sait. « Je doute qu’elle ait envie de se mettre au milieu. » De nous. Je n’ose pas employer le pronom. « T’es venue alors ? » Qu’en a-t-elle pensé ? A-t-elle reconnu la chanson que j’ai peaufiné en sa compagnie de nombreux soirs durant ? Une nouvelle mélodie qui parle d’elle, comme beaucoup d’autres ? « Qu’est ce que t’en as pensé ? » De mon nouveau single, de quoi d’autre ? Malgré tout ce qu’il a pu se passer, son avis compte pour moi, et il comptera toujours.

because i love the music, not the bling
@Midas Sterling ☆ crédit/ssoveia

"Dis pas n’importe quoi." Il savait mieux que personne que pour repousser les gens, Jo avait la même fibre instinctive que pour chanter. Sauf qu’elle ne s’était pas échinée à reprendre sa chanson pour le faire venir et lui dire de dégager la seconde d’après. Elle était certaine de le pouvoir, seulement elle n’avait jamais joué avec lui, elle ne le ferait pas maintenant, même si une petite voix à l’arrière de sa tête lui disait qu’il mériterait un traitement à la hauteur de sa connerie. Elle ne lui dirait pas de s’en aller, elle ne lui dirait pas de rester non plus. Elle était toujours celle qui lui demandait de le faire, souvent avec succès et ce n’était pas la dernière fois en date qui prouverait le contraire. Ce temps-là était révolu. Elle laisserait juste les choses se passer avec une certaine appréhension puisqu’elle n’était pas en pleine capacité de ses moyens, qu’elle avait du mal à le regarder tout en crevant d’envie de le voir, de lui parler encore plus.
Toutes ces contradictions mêlées, ça faisait trop à gérer pour une seule personne. Elle pouvait au moins s’avouer qu’elle en était épuisée. Malgré le fait qu’elle ne savait pas bien ce qui se passait-là, prise entre l’adrénaline de son passage sur scène et la tristesse qui était la sienne depuis la veille de la finale, elle n’essaya même pas de le savoir. Elle accepta simplement d’échanger quelques mots avec lui, se satisfaisant de le connaître au point de réussir à deviner ce qui le ferait venir quand bien même il craignait de dépasser une limite, celle qu’elle avait tracé en refusant de lui donner une réponse claire à propos de ce temps qu’il lui avait donné pour l’inciter à ne pas prendre de décision hâtive.

Elle le voyait mal à l’aise. Elle l’était autant que lui. Son regard trouvant le sien renforça ce sentiment tout en faisant naître quelque chose d’autre au travers. Certainement de la nostalgie. Tout était très frais en vérité, tout s’était enchaîné trop vite pour que chacun d’eux mette une vraie distance avec le souvenir de leur relation, avec ce qu’ils ressentaient encore plus, c’était pour ça que Jo avait été un fantôme ces derniers temps. Tout en sachant qu’il n’était pas bien loin, elle ne l’avait pas approché. Elle avait même tout fait pour ne pas le croiser tout en passant de longues minutes à le chercher à droite et à gauche, à le surveiller au travers des médias sociaux du festival. C’était pathétique. C’était sûrement ça qui faisait planer un malaise. Encore qu’à sujet, ça partait de plusieurs facteurs qu’elle n’avait pas envie de soulever.
Elle mentionna Olive pourtant, et la réponse de Midas lui fit lui avouer "J’ai pas été très sympa avec elle." Parce qu’elle était immature diraient certains, surtout parce qu’elle n’avait pas envie de se faire sermonner comme elle l’avait été en février dernier par Cassandra. Elle se ferait pardonner plus tard. Ou elle ne le ferait pas. Ce n’était pas une mauvaise chose de prendre de la distance avec tout l’entourage de Midas pendant un temps.

Retirant sa main de ses cheveux, posant le ruban qu’elle avait dénoué sur la console devant laquelle ils étaient, Jo tira une gorgée de sa bouteille d’eau par la paille en pensant atténuer l’effet que ça lui faisait de l’entendre dire qu’il avait été ensemble, que ce n’était plus le cas, ne pouvant lui en vouloir de le mentionner quand c’était la vérité. Elle hocha très graduellement la tête en avalant doucement, détournant de nouveau ses yeux des siens en ne sachant pas quoi dire d’autre sur l’instant, comprenant qu’Olive ne voulait pas jouer les intermédiaires, et c'était tout à son honneur. Elle ne réagit de nouveau que lorsqu’il rebondit sur son aveu, celui qu’elle était venue le voir.
Jo ne le regarda pas de nouveau tout de suite, lâchant dans un très léger sourire, ses yeux perdus au milieu du ballet des régisseurs qui se hâtaient de faire le changement de décor pour l’artiste qui passerait après elle "J’ai réalisé que je t’avais jamais vu sur scène." Bien sûr qu’elle l’avait déjà vu sur scène. Ça méritait explication, et c’est en la lui donnant qu’elle s’obligea à retourner la tête dans sa direction, ses sourcils se fronçant en même temps "Sur une vraie scène, je veux dire. En live, devant des gens qui sont venus te voir et qui te connaissent. C’est impressionnant." La clameur de ceux qui trouvaient dans son répertoire quelque chose à quoi se raccrocher, et qui scandaient ses mots à l’unisson ? C’était même bouleversant à observer. Ça lui faisait comprendre à quel point il ne déméritait pas son succès, encore moins la place de demi-dieu à laquelle ça l’avait fait accéder "T’es bon sur scène. J’en ai jamais douté, je t’ai vu dans le feu de l’action d’une façon différente. Mais ça, c’est ce qui te va le mieux." Soutenant son regard, probablement une seconde de trop avant d’incliner la tête, Jo fit dériver ses yeux sur un autre point d’accroche en dehors des traits de son visage avant de répondre à sa seconde question tout de suite après qu’il lui eut demandé ce qu’elle en avait pensé "De ta nouvelle chanson ?" S’agrippant à deux mains à sa bouteille, Jo continua, la langue un peu pâteuse de devoir remonter dans ses souvenirs "Je t’ai déjà dit qu’elle était bonne à l’époque, et c’était pas pour te caresser dans le sens du poil." Dans quel monde Josephine Carter caressait qui que ce soit dans le sens du poil ? "Tu l’as bien retravaillée. Les arrangements sont géniaux, les gens ont eu l’air d'accrocher." Tu sais combien d’entre eux se sont demandés si tu parles de moi ? Ça lui brûlait les lèvres de lui demander. Cependant aspirer à un retour à la normale de ce badinage qui était le leur depuis le premier jour, c’était se précipiter vers un désastre qu’elle se voyait prendre en pleine gueule. De fait, même si l’impression de n’être que des partenaires de travail était douloureuse sur l’instant, c’était encore la seule ligne de conduite acceptable pour l’heure. Dans une profonde et pénible inspiration, laissant enfin sa bouteille d’eau de côté, elle reprit à la place le ruban qu’elle avait abandonné plus tôt pour le nouer autour de son propre poignet, et lui demander en tachant d’y faire un noeud "T’en as travaillé d’autres ? Celles que j’ai aperçu au studio l’autre fois ?"

because I just love the music, not the bling
Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveiagifs

Son dis pas n’importe quoi j’ignore comment l’interpréter. Un instant, Jo me donne l’impression qu’elle n’a même pas le temps de me donner l’heure et qu’elle se s’abaissera certainement pas à me faire la conversation et, celui d’après, je devrais considérer comme acquis qu’elle ne veut pas que je parte, qu’au contraire son intention depuis le début a toujours été de m’inciter à la rejoindre. Et pourquoi ? Parce qu’elle a des choses à me dire ? Qu’elle n’a pas l’intention de fuir au bout de quelques minutes parce que la conversation devient trop douloureuse, cette fois ? Je ne sais que penser et, chaque jour qui passe, je me dis que les choses auraient été moins compliquées si je l’avais laissée tranquille et m’était contenté de refuser le Revival de but en blanc. Elle n’aurait jamais eu ce qu’elle a toujours mérité – la foule qui l’acclame encore alors qu’elle a quitté la scène – mais elle n’aurait pas eu mal au cœur non plus. Et moi, j’aurais peut-être réussi à faire ma vie et à finir par l’oublier. Foutaises. Je n’y crois pas une seule seconde. Mais je n’aurais pas nourri autant de regrets. Je n’aurais pas eu ce dont je rêvais pour qu’on me le reprenne presque aussitôt. Me demander ce que nous aurions été aurait été douloureux, mais moins que de le savoir puis de tout perdre.  

« J’ai pas été très sympa avec elle. » - « T’aurais pas dû. Oli y’est pour rien dans toute cette histoire. » S’il existe une personne sur terre qui n’a pas une seule mauvaise intention, il s’agit de ma petite sœur et j’aurais préféré que Jo l’épargne de notre séparation et des disputes. Malgré tout, je ne prononce pas ces mots comme un reproche directement visé dans sa direction, mais simplement avec regret. « Elle me dira certainement rien. Elle a toujours l’impression qu’elle dérange, ou que c’est de sa faute. » Ma sœur pense-t-elle que Jo et moi sommes toujours en guerre à cause de sa visite impromptue à Brisbane ? L’idée m’effleure l’esprit et m’horrifie : si j’ai raison, elle doit se blâmer pour ça et que je lui ai répété que je ne lui en voulais pas d’avoir amené Posy sans prévenir n’a certainement rien changé. Elle doit se dire que c’est elle qui est coupable du naufrage de ma relation, et je ne peux pas la laisser penser ça plus longtemps. « Je parlerai avec elle. » Sans lui avouer toute la vérité, mais pour lui ôter toute culpabilité de l’esprit. Du reste, la relation entre Jo et ma petite sœur ne me regarde pas. Faire preuve d’honnêteté, c’est admettre que j’aime savoir qu’il me suffit de demander à Oli pour savoir ce qu’il se passe dans la vie de la chanteuse, mais elle n’a pas à porter ce poids là non plus. Malgré tout, je sais qu’elle apprécie réellement la brune, et qu’elle serait peinée si les choses en restaient là.

« J’ai réalisé que je t’avais jamais vu sur scène. » Je fronce les sourcils, et m’apprête à répondre que bien sûr que si, elle m’a vu sur scène, mais elle m’interromps et se reprend. « Sur une vraie scène, je veux dire. En live, devant des gens qui sont venus te voir et qui te connaissent. C’est impressionnant. » Mal à l’aise, je gratte l’arrière de ma nuque avant d’enfouir mes mains dans mes poches. « Je t’aurais fait parvenir des invitation plus tôt si j’avais su que ça t’intéressait. » Peut-être que non. Je dirai même qu’il y a de grandes chances qu’il pour s’agisse de politesse. « T’es bon sur scène. J’en ai jamais douté, je t’ai vu dans le feu de l’action d’une façon différente. Mais ça, c’est ce qui te va le mieux. » Je sais prendre les compliments la plupart du temps mais lorsqu’ils viennent d’elle, c’est une toute autre paire de manche. Je ne sais pas sur quel pied danser. Je ne sais pas si j’ai le droit de me réjouir de l’avoir touchée, ou si cette période est révolue. Je ne sais pas si nous sommes en train de partager quelque chose de plus qu’une discussion polie parce qu’elle s’en sent obligée. « Merci. Et ouais, j’ai toujours eu l’impression que c’est pour ça que j’étais fait. » Maintenant qu’elle a eu un avant-goût de ce que cela représente, comprend-t-elle mieux pourquoi je suis prêt à faire un trait sur une partie de ma liberté artistique ? Pourquoi je considère que la seule chose qui compte, c’est d’avoir un public et de pouvoir continuer à me produire devant lui ? « Et encore, c’est qu’un festival. Tu verras ce que ça fait quand tu seras face à une salle de concert remplies de personnes qui ne sont vraiment venues que pour toi. » C’est magique. C’est un instant de communion qui m’a toujours donné l’impression de flotter plusieurs mètres au-dessus du sol. Ça me fait pousser des ailes et fait office de drogue bien plus addictive que n’importe quelle substance artificielle. Je veux qu’elle le vive, Jo.

« De ta nouvelle chanson ? » De quoi d’autre ? Je hoche la tête, les yeux toujours dans les siens, mais mes mains toujours dans les poches. Je ne peux m’empêcher de notre qu’elle a l’air aussi nerveuse que moi : ses doigts jouent avec l’étiquette de sa bouteille d’eau. « Je t’ai déjà dit qu’elle était bonne à l’époque, et c’était pas pour te caresser dans le sens du poil. » - « Je sais. Mais c’est différent, elle était pas finie, et c’était que des mots sur du papier à l’époque. » Une bonne mélodie transforme des paroles accrocheuses en titre transcendent. C’est la mélodie qui fait qu’on est capable de reconnaître un titre au bout de deux accords, c’est elle qui fait les tubes et ces titres que l’on connait par cœur dix ans après leur sortie. Les paroles, c’est la cerise sur le gâteau. « Tu l’as bien retravaillée. Les arrangements sont géniaux, les gens ont eu l’air d'accrocher. » Une ombre de sourire passe sur mes lèvres et disparaît aussi vite. L’espace d’un instant, j’en oublie que nous sommes séparés, que j’ai tout gâché et je redeviens ce type avide de l’approbation de l’élue de son cœur. La réalité frappe bien vite, toutefois, et ne reste plus de mon bonheur qu’un sourire en coin et un cœur en miette. « T’en as travaillé d’autres ? Celles que j’ai aperçu au studio l’autre fois ? » - « Ouais, deux trois. Ça revient petit à petit. » Ce qui se dessine n’aura rien de joyeux ou de feel good, mais ça sort de mes tripes et étant donnée la réaction du public ce soir, le label n’aura aucun argument pour rejeter mes proposition. « Je voulais pas que mon label les rejette toutes sans leur avoir donné une chance, c’est un peu pour ça que j’ai ajouté celle-là à la tracklist au dernier moment. » Pour pouvoir prendre la température auprès de mon public. J’ai beau ne pas être calé en relations publiques, je ne suis pas un idiot : dès ce soir, Cassie et ses collègues éplucheront les réseaux sociaux pour recueillir la réception de ce nouveau titre. « J’ai noté quelques idées pour notre duo aussi. Enfin ça, c’est si t’as toujours l’intention de le faire. » Mal à l’aise, je fixe mes chaussures avant de relever mon regard dans sa direction. « C’est le cas ? »

because i love the music, not the bling
@Midas Sterling ☆ crédit/ssoveia

Son roulement d’yeux lui échappa, son soupir aussi, et sa bouche s’ouvrit avant qu’elle ne parle, sa tête se secouant pour amener une confession plus qu’une excuse "Je fais ce que je peux Midas. Tout le monde me parle que de toi." Jo ne prononça pas ça agressivement, c’était ce qui sortait sans qu’elle n’y réfléchisse davantage. Il était omniscient Midas, il n’y avait pas un jour où elle n’entendait pas parler de lui. Elle n’était pas la plus armée pour gérer tout ça en dehors des plateaux, alors elle avait anticipé maladroitement l’idée qu’Olive lui ferait remarquer que c’était de sa faute si son frère était mal luné. Ils se ressemblaient trop, les Sterling, pour que ça n’alimente pas chez elle le feu de la rébellion en tombant sur la jeune femme, et puisqu’elle ne savait pas se tenir, évidemment qu’elle avait dérapé. Restait qu’ils étaient d’accords sur la question, Olive ne méritait pas que Jo soit dure avec elle. Seulement, elle s’en voulait déjà pour ne pas accepter qu’on lui fasse la leçon.
Là où Midas était entouré pour mieux vivre leur rupture, là où il avait droit à un peu de compassion parce qu'il avait su parler d’eux, Jo n’avait pas grand-chose en contre-partie, fermée comme une huître. Olive était sa petite-soeur, son parti était pris. C’était puérile, elle avait juste voulu se protéger de la mise en garde. Elle en avait reçu suffisamment pour ne plus vouloir essuyer les fausses idées à propos de qui avait brisé le coeur de qui, quand bien même personne ne savait ce qui s’était passé entre eux ces dernières semaines. Elle avait forcément le mauvais rôle dans tous les cas. C’était elle qui avait la mauvaise réputation, pas l’inverse "Je m’excuserai." fit-elle en même temps qu’il il lui disait qu’il parlerait à Olive, sa tête se baissant pour dissimuler l’embarras qu’elle ressentait de s’en être prise à la mauvaise personne.

"Je voulais pas que tu saches que je viendrais." admit-elle, ne boudant pas son honnêteté. Laissant un semblant d’amusement modifier l’expression de son visage en même temps qu’elle le regardait, elle ajouta "Comme tu voulais pas que je sache que tu viendrais ce soir. Mais on est entourés de cafteurs, tu devrais le savoir." Une disquette pour Cassie qu’elle espérait en train d’accuser le coup d’une insolation quelque part, priant pour qu’elle sorte de ces deux semaines dans le désert avec le teint écrevisse et des cloques plein la gueule.
Prenant le temps de le complimenter, elle ne réussit pas tout à fait à partager avec lui plus qu’un récit tiède de ce qu’elle avait ressenti en le voyant sur scène. Elle craignait que si elle s’ouvrait pour de bon à ce sujet, si elle lui disait qu’elle avait adoré assister à son set, qu'elle avait été émue de voir le public communier avec lui, rendant l’expérience proche d’un moment de partage sacré, elle finirait par s’effondrer comme elle l’avait fait devant Megan. C’était autant exclu que d’avouer qu’elle avait utilisé sa chanson comme un chant de sirène pour le pousser à faire un pas dans sa direction, pas très à l’aise avec l’idée d’être celle qui initierait quoique ce soit malgré l’espèce d’ultimatum qui planait au-dessus de sa tête "C’est pas une impression. C’est là que t’es le meilleur, et je le pense." Au point d’en opiner pour appuyer ses mots, les paupières lourdes de la pudeur dont elle faisait preuve pour une fois. À un autre moment, elle se punirait de ne pas réussir à faire preuve d’objectivité à son sujet, sauf qu’elle avait beau être amoureuse, elle n’était pas débile non plus, Jo : le talent de Midas était incontestable. Elle n’avait pas besoin de ressentir quoi que ce soit de profond pour lui pour croire à ce qu’elle disait, ceux qui prétendaient qu’il n’avait rien à faire là n’étaient que des connards qui n’y connaissaient rien. Elle y connaissait quelque chose — pour ce qui était de son côté connasse, elle ne pourrait pas le renier, au moins elle en était consciente "Ce sera pas pour tout de suite, j’ai du chemin à faire avant de pouvoir aspirer à remplir des salles de concert. J’en suis qu’au tout début." Ça c’était étonnant de la part de Josephine, d’être un peu humble face à la grandiloquence d’un projet qui la mettait au centre de l’attention. C’était sans doute ce qu’on gagnait vraiment à remporter un concours sous le joug d’un complot : on perdait en même temps une partie de sa confiance en soi-même.

Délaissant sa bouteille d’eau pour un autre gri-gri sur lequel se concentrer histoire de ne pas se laisser déstabiliser par Midas, elle s’évertua à nouer son ruban autour de son poignet seulement pour pouvoir le serrer fort et se punir par anticipation d’accepter de lui parler un peu comme si rien ne s’était passé. L’ambiance était différente, la tension qui régnait entre eux l’était aussi. Ça lui rappela que rien n’était comme avant seulement parce qu’elle était incapable de ne pas se focaliser sur ce qu’elle avait appris coup sur coup, tirée sauvagement de son petit nuage en réalisant qu’elle avait été assez conne pour avaler les couleuvres de celui sur qui elle reposa enfin ses yeux en inspirant doucement "C’est bien. Cassie doit être contente." Qu’il se soit remis au travail, que sa tête soit à l’élaboration de ce nouveau projet plutôt qu’à autre chose. D’une certaine façon, elle l'était aussi, contente pour lui. Elle aurait pu le lui dire, mais elle choisit de ne pas le faire.
À la place, elle pencha la tête en étirant un léger sourire, le haut de son nez finissant par se froncer, lorsqu'elle l’entendit dérouler sa stratégie à propos de sa nouvelle chanson — et probablement qu’elle l’observa avec un peu trop de curiosité à ce moment-là, ses yeux se posant successivement sur plusieurs points de son visage "Et tu prétends pas être fait pour ce monde ? Des conneries tout ça." Il était capable d’être fin au point de décider d’un stratagème comme celui-ci histoire d’assurer ses arrières, ça voulait tout dire. Elle refusa de penser manipulateur, même si bien sûr, ça lui effleura l’esprit le temps d’un instant, celui dont elle usa plutôt pour laisser un mouvement de tête acquiescent démontrer qu’elle était impressionnée par son choix de ce soir, ses cils battant pour qu’elle cesse enfin de le fixer comme elle le faisait depuis quelques secondes maintenant "C’est une bonne stratégie. Tu les prends à leur propre piège, ils pourront rien te refuser quand ils se rendront compte que ton public compte dessus." Face à l’approbation de ce dernier, son label ne pourrait pas grand-chose.

Sentant un engourdissement au bout de ses doigts, la faute à son ruban qu’elle avait serré trop fort, Jo se frictionna le poignet en prenant sens de la suite. Pinçant les lèvres, elle releva brusquement la tête pour mieux réussir à faire de nouveau la focale sur les yeux de Midas, les affrontant avec une pointe de défi certainement malvenu. Elle aurait aimé ne pas être attirée par ce bleu limpide dans lequel se réverbérait la somme de l’attention qu’il lui avait toujours accordé, lui faisant croire qu’elle était spéciale, mais la vérité, c’était qu’elle y revenait toujours à un moment donné, qu’importe si ça lui faisait du mal
Il était, et il resterait, foutrement maladroit, Midas. Ça la tuait à un point tel qu’elle s’entendit rire très doucement, un soupçon de déception et d’amertume dans la nuance qu’elle laissa filer avant de lui demander, ses pupilles ne lâchant pas les siennes, passant même de l’une à l’autre pour chercher à savoir s’il se rendait compte du message que ça faisait passer de parler de leur collaboration maintenant "C’est pour ça que t’es venu ? Tu voulais juste me parler de tes idées et t’assurer que je te donnerais ce que je t’ai promis ?"

because I just love the music, not the bling
Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveiagifs

« Je fais ce que je peux Midas. Tout le monde me parle que de toi. » Pour éviter de me parler d’elle, la plupart des gens évitent tout simplement de me parler. Je suis d’humeur massacrante la plupart du temps, même si je préfère employer le terme d’humeur créative puisque, l’avantage de tout ça, c’est que pour ne voir personne et ne pas être confronté à l’image de Jo – je peine encore à l’appeler mon ex – je m’enferme pendant des heures seuls, soit au studio aménagé chez moi, soit dans celui mis à ma disposition au centre-ville. La plupart du temps, je ne vois pas la lumière du jour à moins d’avoir un impératif sur mon calendrier, un pour lequel je ne peux pas me défiler. Le pendant positif de tout ça, c’est que ma créativité semble avoir été débloquée. Ce que j’écris n’a rien de joyeux, mais je ne serais pas la première popstar à poser des paroles tragiques liées à une rupture sur un rythme entrainant avec un refrain accrocheur qui sera repris par tous les fans. Cassie a eu ce qu’elle voulait, finalement. « Je m’excuserai. » Je hausse les épaules : je ne veux pas en entendre plus, c’est trop douloureux d’envisager que nous allons retomber dans une situation où Olive et Jo continuent d’échanger comme deux amies quand, moi, j’ai perdu le privilège de faire partie de sa vie. « Elle t’en voudra pas. » Ce n’est pas ça qui me fait peur. Olive ne réagit pas avec colère à ce genre de situation, mais en doutant encore plus d’elle qu’elle ne le fait déjà en temps normal, en s’enfermant dans une mélancolie et dans une tristesse dont il est difficile de la faire sortir. Mais cela se saurait, si Jo savait épargner la sensibilité des uns et des autres.

« Je voulais pas que tu saches que je viendrais. » Les lèvres pincés, j’acquiesce pour notre que j’intègre l’information. Elle ne voulait pas que je sache, et je me demande ce que je suis supposé faire avec ça. « Comme tu voulais pas que je sache que tu viendrais ce soir. Mais on est entourés de cafteurs, tu devrais le savoir. » - « Non, c’est pas que je voulais pas que tu saches. » Si j’avais voulu faire de ma venue un secret, je m’y serais un peu mieux pris. « C’est juste que je pensais pas que ça t’intéressait de le savoir. » Elle donne l’impression de tourner la page, peut-être pas avec brio, mais de façon définitive. Ses réseaux sociaux sont remplis de conversations suggestives et ambiguës avec celui qui a autrefois été l’objet d’une dispute entre nous, et je crois qu’aujourd’hui, je me moque de savoir pourquoi elle agit comme ça. Je la trouve cruelle Jo, et bien que je sois parfaitement conscient qu’elle a toutes les raisons de l’être, je ne tire pas moins d’amertume au fait de la voir batifoler et se donner en spectacle avec un autre que moi. Qu’elle l’épouse, son acteur. « C’est pas une impression. C’est là que t’es le meilleur, et je le pense. » Les mains enfoncées dans les poches – j’aurais voulu avoir de quoi les occuper – je suis tellement mal à l’aise que ça en devient risible : difficile de reconnaître le showman en lequel je me transforme lorsqu’on me place un micro dans les mains et dès que je mets un pas sur la scène. Ce n’est peut-être pas plus mal au final, que je n’ai pas su qu’elle était là dans la foule, lors de ma prestation. « Ouais, merci. » Que dire de plus ? Comme réagir alors qu’elle me dit ces choses là après m’avoir dépeint comme un profiteur et un sale type lors de nos dernières conversations ? Et c’est elle, qui s’exaspère et prend la mouche de se sentir dépeinte d’une façon qui lui déplait à travers mes doutes et mes mots. C’est elle qui les reprend et les transforme pour imaginer que je la considère comme la pire des personnes alors que je pourrais embrasser la terre qu’elle foule. « Ce sera pas pour tout de suite, j’ai du chemin à faire avant de pouvoir aspirer à remplir des salles de concert. J’en suis qu’au tout début. » - « Ça viendra. J’ai pas le moindre doute à ce sujet. » Si toutefois elle accepte de s’entourer et d’écouter ceux qui la conseillent, Jo. Si elle s’entête à aller à contre-courant et à jouer en ignorant la règles du jeu auxquels nous jouons tous malgré nous… Et bien je ne donne pas cher de sa peau, mais je ne pourrais que l’admirer un peu plus encore si toutefois elle réussissait.

« C’est bien. Cassie doit être contente. » - « Si tu crois que j’en ai quelque chose à foutre de ce que pense Cassie… » Elle est furieuse que j’ai chanté un nouveau titre devant mon public sans lui en parler, furieuse que je ne passe plus par elle pour échanger avec le label et que je leur ai même envoyé un premier morceau. Tant pis pour elle. Si elle est encore à mes côtés, c’est parce qu’elle fait partie de la famille et qu’on ne se sépare pas de sa famille. Du reste, je suis toujours furieux contre elle. « Et tu prétends pas être fait pour ce monde ? Des conneries tout ça. » Je préfèrerais faire autrement, mais je me suis cassé les dents pendant des années, j’ai au moins appris quelques astuces. « La faute à l’expérience. Je suis pas un naturel, mais je suis pas idiot non plus. Je sais comment les choses fonctionnent. » Et le mot d’ordre est le suivant : on donne au public ce que le public réclame. Et si mon titre plait au public, s’ils le réclame, le label ne pourra que s’incliner. Je l’ai appris à la dure, à défaut d’avoir ça dans le sang comme c’est le cas de la chanteuse. « C’est une bonne stratégie. Tu les prends à leur propre piège, ils pourront rien te refuser quand ils se rendront compte que ton public compte dessus. » - « Si ça fait parler, ça fera vendre. Et c’est tout ce qui les intéresse au fond. » Pas la direction artistique de mon album, pas même ce que je voudrais réellement chanter et jouer. Non, combien d’argent ils empochent à la fin de la journée. C’est triste mais, à nouveau, ce sont les règles d’un jeu que j’ai accepté. Si je tente de tirer mon épingle du jeu, je n’en ai pas moins accepté de jouer. « C’est pour ça que t’es venu ? Tu voulais juste me parler de tes idées et t’assurer que je te donnerais ce que je t’ai promis ? » Je secoue la tête et pousse un soupir. Dieu qu’elle est compliquée. Est-elle capable de se comporter autrement avec moi que sur la défensive ? Le sera-t-elle un jour ? Si non, n’est-ce pas être masochiste que de s’accrocher ? « Non. Je t’ai entendu chanter cette chanson, j’ai cru que c’était une main tendue et que, peut-être, ça te ferait plaisir de me voir. C’est ça que tu veux entendre ? » Je tire mes mains de mes poches pour les présenter devant moi, en signe d’innocence et de combien je suis démuni. « Mais je me suis trompé, de toute évidence. C’est pas grave. Je t’ai dit que je te donnerai tout le temps dont t’as besoin. » Et être séparé d’elle et observer sa parade nuptiale sur les réseaux sociaux a beau me briser le cœur, je suis là, toujours suspendu à ses lèvres. « Mais Jo… » J’ai la gorge sèche et tout d’un coup beaucoup trop chaud. « Si tu sais déjà que ça passera pas, que j’ai tout gâché et que tu pourras pas revenir en arrière, il faut que tu me le dises. » Parce que je m’accrocherais comme un con tant qu’elle ne l’aura pas dit d’une façon qui ne laisse pas de place au doute. « Si tu sais pas, si t’es perdue, je suis prêt à m’accrocher et à me battre. Mais me laisse pas le faire si tu sais que y’a pas la moindre chance que tu puisses un jour me voir autrement que comme un pauvre type. » Je n’hausse pas le ton, pas plus que je ne suis agressif. Au contraire, je la supplie presque d'être clémente.

because i love the music, not the bling
@Midas Sterling ☆ crédit/ssoveia

Les doutes de Midas se justifiaient. Jo n’était pas la moins capable de souffler le chaud et le froid, elle était même douée pour ça. Il y avait pourtant une clause essentielle à son fonctionnement : on ne l’obligeait pas à faire quelque chose qu’elle ne voulait pas faire. Elle l’évitait, c’était une certitude, un rempart dont elle avait besoin pour se reprendre, avancer la tête haute, et composer avec le sentiment de trahison qui pesait lourd sur à peu près tout ce qui constituait son être, mais ne pas être intéressée par quoi que ce soit le concernant ? "Si j’étais pas intéressée, je t’aurais même pas approché quand je t’ai vu ici." Elle n’était pas facile à cerner, mais ça remettrait en doute ce qu’elle lui avait dit l’autre fois, au studio, quand voulant lui faire entendre qu’elle ne lui pardonnerait rien de ce qu’il lui avait caché, elle lui avait dit qu’elle était amoureuse de lui. Autant elle savait mettre son coté rancunière au service de ses déceptions lorsqu'il s’agissait des autres, autant avec Midas ça paraissait beaucoup trop compliqué. Elle lui en voulait à crever, elle ne ressentait pas moins de choses pour lui. C’était ça qui rendait les choses pénibles à vivre.

Ils essayaient. Il était mal à l’aise, elle s’évertuait à vouloir rester celle qu’elle était d’ordinaire, mais leur conversation autour de leur carrière respective sonnait creux, tout comme la conviction prononcée par Midas à propos de l’avenir de Jo dans la musique. Si elle n’avait pas des restes de xanax dans l’organisme, elle aurait probablement sauté sur l’occasion pour faire tourner court la conversation juste à ce moment-là en lui conseillant d’aller se faire foutre et en lui rappelant qu’il n’avait pas le droit d’émettre ce genre de velléités positives la concernant, pas quand il avait entaillé sa confiance en marchandant sa victoire, lui laissant croire qu’elle n’aurait jamais pu l’obtenir seule. Il ne voyait pas les choses comme ça, elle avait entendu ses explications, elle avait compris ce qu’il avait essayé de faire et pourquoi il l’avait fait, cependant on ne se débarrassait d’une mauvaise impression comme celle-ci surtout quand on était têtue comme Jo Carter : elle la suivait partout. Néanmoins, elle prit sur elle en laissant échapper une inspiration hachurée, déviant son regard du sien pour le poser sur le bout de ses bottines à talons, ne sachant que dire. Moi non plus j’ai pas le moindre doutes, tu m’as bien vue ce soir ? J’ai pas besoin que tu me dises que je suis bonne, je sais que je le suis ? Des punchlines qu’elle aurait eu la foi de prononcer dans un passé pas si éloigné, quand elle se savait méritante du succès qui lui pendait au nez, pas comme maintenant où chaque fois qu’elle se produisait, elle ressentait le besoin excessif de prouver ce qu’elle était capable de faire en en foutant plein la vue à ceux qui pensaient que ça lui était inné.

"Dis pas ça. T’as besoin d’elle." Elle ne souhaitait que du mal à Cassie, prétendre le contraire serait jurer avec la rancune tenace qu’elle lui réservait, cependant elle avait écouté ce que Micah lui avait dit à propos des assistants : ils étaient essentiels au bon maintien d’une carrière "C’est pas à toi qu’elle essayait de faire du mal. Reste pro, ça passera." Cassandra, elle ne l’avait jamais beaucoup aimée, Jo en était persuadée. Elle était même certaine qu’elle aurait été capable de retourner le cerveau de son boss pour lui faire entendre qu’elle était mauvaise, et pas que pour l’image de Midas. Ça aurait certainement été un problème s’ils avaient continué sur la lancée de leur relation, la propension de la blonde à fourrer son nez dans les affaires du jeune homme ayant déjà le don de taper sur les nerfs de Jo, alors si ça avait été aussi sérieux que c’était en passe de le devenir, comment tout ça se serait passé ? Ce n’était même plus un point à soulever, ce serait se faire du mal pour rien "Fais gaffe, tu deviens cynique." fit-elle avec un semblant d’amusement sur le visage, repoussant le moment où leur conversation deviendrait plus centrée sur ce qu’ils étaient — sur ce qu’ils avaient été — que sur de quelconques félicitations ou projets.

Et ça ne loupa pas. Elle ne pouvait que se l’incomber, tombant dans le piège de son impulsivité qui s’arrêta sur la maladresse de Midas à parler de leur duo quand elle avait espéré qu’il soit là uniquement pour la voir et rien d’autre. Elle baissa la tête de nouveau en l’entendant soupirer, et elle sut que les prochaines minutes seraient désagréables autant pour lui que pour elle. Fermant les yeux pour rassembler le calme qu’elle n’avait pas dans son inventaire de bonne conduite à adopter, elle respira seulement par à coup, essayant de rester un minimum maîtresse de ce qui formait la somme de tout ce qu’elle ressentait depuis des semaines maintenant, et l’écouta dire exactement ce qu’elle avait envie d’entendre sans l’interrompre.
Mais comme tout ce qui se disait depuis tout à l’heure, ça sonnait d’une façon curieuse, teintée d’un regret et d’une détresse qui lui faisait mal au coeur parce qu’elle se demandait si elle réussirait un jour à croire de nouveau à ce qu’il lui disait. Le sentant remuer, elle leva la tête pour le regarder retirer les mains de ses poches et les lui présenter comme un gage de bonne foi, lui demandant si c’était ça qu’elle voulait entendre, arguant ensuite qu’il s’était visiblement trompé "Tu t’es pas trompé. J’avais pas prévu de chanter cette chanson avant de savoir que tu venais. Je me suis engueulée avec le manager du festival avant de monter sur scène parce que je l'ai ajoutée à la dernière minute." lui avoua-t-elle, ses traits froncés se détendant lorsqu’elle ajouta, presque avec une nuance de fierté mal placée dans le regard "Moi aussi je peux être une bonne stratège." Ou une manipulatrice qu’il l’avait soupçonné d’être à plusieurs reprises. Il la faisait devenir ce qu’il croyait qu’elle était finalement, et peut-être que si elle n’avait pas été trop prise dans le moment, à le fixer avec autant de résolution, elle s’en serait agacée. Sauf qu’elle secoua la tête légèrement, et campant sur le contact visuel qu’elle avait initié à ce moment là, elle continua "Je vais pas te mentir et te dire que je savais pas ce que je faisais. Je savais que tu m’attendrais à la fin si je la chantais, c’est pour ça que je l’ai fait." Mais qu’il ne lui demande pas ce qu’elle anticipait de faire en obtenant ce qu’elle voulait, elle n’en savait rien.

Comme elle ne sut pas quoi lui répondre tandis qu’il continuait sur sa lancée, assurant ses arrières pour la suite, et elle ne pouvait pas lui en vouloir de le faire. Elle avait été plus que vague concernant ce qu’elle envisageait à propos de leur relation. Elle avait tout retourné des centaines de fois dans sa tête, elle s’était confrontée à ce qu’elle voulait faire et ce qu’elle ressentait, et le fait était que ça n’était pas compatible. Se sentant soudainement tirée vers le sol, Jo posa à plat sa main sur le bord du caisson de matériel devant lequel ils se trouvaient, et laissa une légère expulsion de son souffle filer d’entre ses lèvres lorsqu'il termina sa phrase  — un pff qui fût évidemment accompagné d’un roulement d’yeux "Arrête. Je t’en veux, mais je crois pas que t’es un pauvre type." Ça aurait été plus facile si ça avait été le cas. Elle marqua un temps de réflexion, le bout de sa langue creusant la cavité d’une dent du fond.
Et puis finissant par lever les bras devant elle pour les laisser retomber l’instant d’après, autant démunie que Midas face à ce qu’il lui disait, elle reprit "Je sais pas quoi te dire. Y a une partie de moi qui a envie de te pourrir et y a l’autre qui a passé les quinze derniers jours à surveiller la moindre bribe d’info à ton sujet. J’ai activé une alerte Google à ton nom, et pense même pas à te payer ma tête pour ça." Même si franchement, il en avait le droit, elle n’aurait pas hésité un instant à le faire si les rôles avaient été inversés. Il ne pouvait sans doute pas s’imaginer le nombre de conneries qui sortaient sur lui tous les jours, pas du genre à souscrire à ce genre de trucs pour rester au fait de ce qui se racontait à son sujet. Admettre qu’elle le faisait à sa place, c’était sans doute mignon, mais elle se sentit tellement crétine de le lui dire qu’elle poussa un soupir profond pour se recentrer de nouveau. Clignant des yeux en battant des cils, elle chercha le meilleur moyen de reprendre sur elle, et lança un regard par-dessus sa propre épaule, son menton se posant dessus à la recherche de quoi ajouter — elle statua sur quoi dire quelques secondes plus tard seulement, se redressant pour lui concéder enfin "Ça doit vouloir dire que je suis perdue, ouais. J’imagine ?" Elle lui posait la question putain, comme s’il le savait mieux qu’elle. Expirant de nouveau profondément, elle finit par reprendre un peu plus vite "Je veux l’écrire avec toi cette chanson. J’y ai beaucoup pensé aussi, ça pourrait être un bon moyen de remettre les choses à plat. J’ai juste pas envie que ça nous fasse du mal d’être aussi proches sans vraiment l’être." Elle ne lui ferait pas l’affront de rentrer dans les détails, il savait ce que ça voulait dire "Déjà là, c’est une putain de torture." Et ça, elle l’ajouta plus pour elle-même que pour être entendue, sa voix devenant murmure pendant que, pour de donner bonne contenance, elle glissait un index entre le ruban qu’elle avait serré autour de son poignet et la marque qu’il avait laissé sur sa peau.

because I just love the music, not the bling
Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveiagifs

« Si j’étais pas intéressée, je t’aurais même pas approché quand je t’ai vu » Je hoche la tête, incapable de savoir si je prends pour argent comptant cette affirmation ou si, au contraire, j’en doute. « D’accord. » Et c’est tout. Je crois qu’au fond, Jo est bien trop imprévisible pour que je sache à quel Saint me vouer et je me demande si elle en a conscience. Je sais qu’elle déteste être incomprise, Jo. Qu’elle déteste avoir cette image que beaucoup lui renvoient d’elle-même, qu’elle est difficile à cerner, trop sanguine pour que l’on sache comment l’aborder et trop facilement agressive. Et si je suis conscient qu’elle est aussi beaucoup plus que ça – sans quoi je ne l’affirmerais pas, contrairement à ce que les récentes révélations peuvent porter à croire, je suis authentique avec elle – ne dit-on pas qu’il n’y a pas de fumée sans feu ? N’est-il pas temps qu’au lieu de reprocher aux autres la façon dont elle est perçue, elle s’interroge sur le pourquoi ? Et dans le cas présent, peut-être me reprocher de ne pas savoir sur qu’elle pied danser ni ce qu’elle veut et ce qui l’intéresse étant donné son accueil glacial et sarcastique ? Tu dois te remettre en question, Jo. Voilà ce que je lui dirai si nous étions amis et que j’étais dans ses bonnes grâces. Mais notre situation est assez compliquée comme ça : alors, je continuerai à macher sur des œufs à et ne supposer de rien.

« Dis pas ça. T’as besoin d’elle. C’est pas à toi qu’elle essayait de faire du mal. Reste pro, ça passera. » - « Elle a plus besoin de moi que l’inverse. » A l’heure actuelle, le nom de Cassandra Edwards ne veut rien dire du tout. Le mien ouvre des portes, et je ne suis pas assez naïf pour penser le contraire. Et si je ne suis pas le plus subtil des hommes et le plus à l’aise avec le fonctionnement des esprits féminins, je sais ce qui anime Cassie : briller, se faire remarquer et que son nom soit sur toutes les lèvres. Alors oui, Cassandra peut se transformer en assistante parfaite pour à peu près n’importe qui, mais je doute qu’elle trouve une aussi grosse pointure que moi d’une part, et une qui lui laisse autant de liberté d’autre part. « Fais gaffe, tu deviens cynique. » - « Sois patiente : pour ça aussi ton tour viendra. » Si elle a la chance de faire carrière et d’évoluer dans l’univers de la chanson, alors elle comprendra elle aussi que je n’ai pas vraiment le choix que de fonctionner ainsi, si je veux me faire entendre. Peut-être aura-t-elle plus de chance que moi. Peut-être tombera-t-elle sur un manager et un label qui la produise pour l’artiste qu’elle est, sans fard et entièrement. Mais je crois sincèrement que mon cas est loin d’être une exception.

« Tu t’es pas trompé. J’avais pas prévu de chanter cette chanson avant de savoir que tu venais. Je me suis engueulée avec le manager du festival avant de monter sur scène parce que je l'ai ajoutée à la dernière minute. » Je ne me trompe pas sur l’élément déclencheur donc, mais je suis bien incapable d’émettre une supposition sur le pourquoi ?. Parce que je lui manque ? Au contraire, parce qu’elle voulait me narguer et me rappeler ce que j’ai perdu ? Que je l’ai perdue elle ? Qu’elle mette son cœur à l’aise : je n’ai pas besoin de piqûre de rappel pour le regretter tous les jours que Dieu fait. Je pense à elle le matin, à midi, dans l’après-midi et le soir. Je pense à elle même lorsque j’essaie de ne pas le faire, et c’est une torture. « Moi aussi je peux être une bonne stratège. Je vais pas te mentir et te dire que je savais pas ce que je faisais. Je savais que tu m’attendrais à la fin si je la chantais, c’est pour ça que je l’ai fait. » J’ai beau estimer que Jo n’est ni une manipulatrice, ni une calculatrice, je n’ai pas le moindre mal à l’envisager. « Tu me connais bien. » Elle me sonde et me comprend bien mieux que la réciproque et elle peut tenter de se convaincre que c’est faux, qu’à la vue des récentes vérités dévoilées elle ne me connait pas, nous savons tous les deux que ce n’est pas aussi simple que ça. Que mon mensonge ne change pas le genre de personne que je suis, qu’il complexifie la situation certes, mais qu’il n’efface pas ma nature profonde. Moi, j’ai le sentiment de la voir dans son entièreté, la brune, dans toute sa complexité mais, lorsqu’il est question de moi, je peine pourtant à savoir ce qu’elle veut et la place que je tiens dans son cœur. Peut-être est-ce tout simplement parce qu’elle-même ne le sait pas.

Et son langage corporel, que dit-il ? Qu’est ce que je dois comprendre alors qu’elle soupire et lève les yeux au ciel face à l’expression de toute ma vulnérabilité ? Je ne suis pas un homme débordant de fierté et, pourtant, je me sens désavoué. J’aurais aimé, pas qu’elle me porte aux nues parce que j’ai parlé avec mon cœur, mais qu’elle mesure et respecte ma démarche. Je ne me cache pas derrière une fausse indifférence. Je ne me cherche pas d’excuse. Je suis juste un type fou d’elle qui lui demande de me libérer et de cesser de me torturer si elle sait déjà quelle sera l’issue de toute cette histoire, et j’aurais aimé qu’elle soit en mesure de l’accueillir à sa juste valeur. Sauf qu’elle est en colère Jo, et qu’elle a toutes les raisons du monde de l’être alors, si je suis déçu, je ne lui en veux pas pour autant. « Arrête. Je t’en veux, mais je crois pas que t’es un pauvre type. » Ma mâchoire contractée est agitée par un tressaillement. Je suis nerveux, frustré et malheureux de réaliser qu’elle dédramatise et tourne presque en dérision une situation qui me dévore. Pour un peu, je lui demanderai "à quoi tu tournes ?", tant elle me semble à côté de ses pompes. Je ne me le permets pas, évidemment, j’ai bien trop de respect pour elle. « Je sais pas quoi te dire. Y a une partie de moi qui a envie de te pourrir et y a l’autre qui a passé les quinze derniers jours à surveiller la moindre bribe d’info à ton sujet. J’ai activé une alerte Google à ton nom, et pense même pas à te payer ma tête pour ça. » Je n’en ai pas la moindre intention. Le sujet est sérieux – peut-être pas mortellement sérieux – mais assez pour que je n’envisage pas une seule seconde de tourner sa confession en dérision. « Ça doit vouloir dire que je suis perdue, ouais. J’imagine ? » Cette fois, elle a l’air si sérieuse que je me risque à poser une question qui la froissera peut-être. Tant pis, je doute de pouvoir descendre un peu plus dans son estime. « T’as pris quelque chose ? » Si elle est sous l’emprise de quoi que ce soit, je perds mon temps à discuter avec elle. Et si elle est sous l’emprise de quoi que ce soit, j’ignore comment je réagirai. Ce n’est plus mon rôle, de tenter de la tenir éloignée de ce genre de vice parce que j’ai vu les dégâts que cela peut occasionner, pour autant, j’ignore si je serai capable de rester les bras croisés.

« Je veux l’écrire avec toi cette chanson. J’y ai beaucoup pensé aussi, ça pourrait être un bon moyen de remettre les choses à plat. J’ai juste pas envie que ça nous fasse du mal d’être aussi proches sans vraiment l’être. Déjà là, c’est une putain de torture. » - « Je te parlais pas de la chanson. » Je me moque qu’elle me berce d’illusion à ce sujet sans être certaine de savoir si elle sera prête un jour à l’écrire. La chanson n’est qu’un prétexte, que ma façon de rester non loin d’elle parce que, pour l’instant, il s’agit de la seule excuse que j’ai trouvée. « Je veux pas juste écrire une chanson avec toi Jo. Je veux être avec toi. Ça a pas changé. » Et si j’ai l’intention de lui laisser tout le temps dont elle aura besoin, j’ai besoin de savoir que je n’attends pas pour rien. « Et si tu sais déjà que ça n’arrivera plus, tu dois me le dire. J’ai pas l’intention d’apprendre à me contenter d’être juste ton ami ou juste un collaborateur. » Cela ne m’intéresse pas et ce serait une torture. Du reste, je ne pense pas que nous soyons capables de nous contenter de ça sans souffrir, ni elle ni moi. Je crois qu’essayer de continuer à nous côtoyer sans jamais dépasser une nouvelle fois les limites du professionnel, ce serait tenter de mettre un rond dans un carré et nous condamner à être bien malheureux, elle comme moi. « Mais j’entends, que tu es perdue. » Peut-être ne sait-elle pas ce qu’elle veut et, si cela me fait mal au cœur, je serai bien hypocrite si je prétendais que je ne suis responsable de la situation. « Et j’en suis désolé. Je peux pas revenir en arrière et changer ce que j’ai fait. » Et je crois qu’une part de moi sait que je n’aurais pas forcément fait les choses différemment, si ce n’est que je me serais arrangé pour ne pas me faire prendre. « Mais je ferai tout ce qui est en mon pouvoir et que tu me demanderas de faire pour te prouver ma bonne foi. » Je n’ai pas eu l’occasion de le lui dire, au studio, elle est partie aussi vite qu’elle a déboulé.

because i love the music, not the bling
@Midas Sterling ☆ crédit/ssoveia

C’était curieux de voir Midas en colère contre quelqu’un, mais pas désagréable. C’était un tableau assez séduisant selon un certain angle, selon celui de ses daddy issues assurément. C’était une confession qu’elle ne ferait ni maintenant ni jamais, trop consciente de ne pas souvent donner une bonne image d’elle pour en plus ajouter que ça ne lui déplaisait pas de le voir sortir de son rôle de gendre idéale.
Elle ne lui retirerait pas son soudain manque d’humilité, pas quand il mettait en exergue l’influence limitée de Cassandra dans le milieu dans lequel ils co-habitaient. Si elle ne dit rien, c’était parce qu’elle s’était jurée de ne jamais mettre les pieds dans ce pan-ci de la vie du chanteur. Sa carrière était la sienne. Quand bien même il avait voulu s’immiscer dans celle de la jeune femme en la portant victorieuse tout en se basant sur sa propre culpabilité, elle préférait ne pas lui dire qu’il était en colère, qu’il n’avait pourtant qu’à s’en prendre qu’à lui-même puisque c’était lui qui avait commis la faute déjà, qui avait permis à son assistante de prendre autant ses aises ensuite. Elle n’avait pas envie de semer davantage les graines de la discorde et se faire rabrouer sous le prétexte que ça ne la regardait pas.

Il osa lui poser une question qui lui fit répéter "Est-ce que j’ai pris quelque chose ?" Ses sourcils se haussèrent, sa tête s’inclina sur le côté, et ses yeux scannèrent les traits de son visage à distance sans en rater un seul "Pourquoi ? Parce que je tiens une conversation sans monter dans les tours ? Je croyais que c’était ça que tu voulais, que je me comporte comme une adulte." Un peu blessée par l’interrogation qu’il faisait avec sérieux, Jo remonta ses yeux pour maintenir le contact avec les siens avant de trouver ça pénible. Résolue à ne pas flancher la première toutefois, elle détourna cependant le regard avant lui en lui expliquant sans mentir, ne se souciant pas de le faire culpabiliser alors que ses prises de Xanax étaient liées à l’idée qu’elle craignait d’avoir la langue trop pendue en interview, risquant de dégueuler les nombreux secrets qu’ils échangeaient maintenant comme des putains de cartes Pokémon "Je me défonce pas à la coke si c’est ça ta question. Je dors mal et je suis stressée, c’est sous contrôle médical." Ou plus ou moins. Son équipe étant aussi proche de pouvoir faire des ordonnances, qu’elle d’être un adulte sans assistance donc "Je t’ai pas étripé. Estime-toi heureux que ça fasse effet." Ça n’avait pas vocation à devenir une addiction. Charlie lui en voudrait, Megan aurait de la peine, et aussi étrange que ça paraissait, elle n’avait pas envie de les décevoir en tombant dans le cliché de la star qui soigne ses névroses avec de la drogue dure. C’était un tranquillisant, une aide bienvenue le temps qu’elle redevienne elle-même et qu’elle parvienne à faire le point sur ce que ça signifiait d’être devenue celle qu’elle avait toujours voulu être sans pouvoir en tirer un vrai mérite.

Ce n’était pas ça le vrai sujet de leur conversation "Je sais." Qu’il ne parlait pas de leur chanson quand il lui avait demandé de l’éclairer sur ses intentions. C’était facile de faire tout comme cependant. Elle comprenait ce qu’il lui demandait, elle comprenait qu’elle avait le pouvoir absolu, celui de retenir ses espoirs et d’en faire ce qu’elle voulait. Elle ne serait pas tout à fait honnête si elle prétendait être rebutée par cette idée, ayant trop besoin d’être désirée pour ne pas apprécier qu’on se languisse d’elle et de l’effet qu’elle faisait. Il l’avait trahie, une part d’elle estimait avoir le droit d’alimenter des sentiments négatifs à son égard, encore plus de lui faire payer sa trahison en le faisant tourner en bourrique et en l’empêchant de tourner la page. Seulement l’autre le respectait — pour ne pas dire autre chose — trop pour ça "T’insistes Midas. T’as dit que tu me laisserais du temps." lui fit-elle remarquer en l’entendant lui dire qu’il voulait toujours être avec elle, que ça n’avait pas changé.
Elle dériva ses yeux un instant pour les poser sur le branle-bas de combat qui se jouait en backstage, à quelques mètres d’eux à peine, et regretta qu’ils tiennent cette conversation ici sans pour autant réussir à lui proposer de bouger pour aller s’enfermer ailleurs, là où l’air serait moins respirable, là où il y aurait plus de proximité entre eux. Ne bougeant pas de là, Jo remua pour vérifier qu’elle était bien vivante, et puis elle se hissa à bout de bras sur le caisson de matériel sur lequel elle avait posé sa main tout à l’heure. Elle s’y assit pour mieux réfléchir et lui répondre après quelques secondes de silence, ses chevilles se croisant en même temps "Je sais ce que je veux." Lui. Est-ce qu’il l’avait écouté la dernière fois au studio, ou prendre en compte ses sentiments, pas ceux de Jo, c’était tout ce dont il était capable ? Elle ne lui demanda pas, pas en mesure d’être plus cruelle que ça pour l’heure, torturée sur bien des choses pour vouloir le froisser maintenant. Au lieu de quoi, elle prit une profonde inspiration, douloureuse tant elle creusa loin, continuant en secouant la tête, ses yeux trouvant le squelette de l’infrastructure de la scène qui se déployait au-dessus de leur tête "Mais je t’en veux tellement. Je suis tellement en colère contre toi." Ça ne le surprendrait pas. Elle n’arrêtait pas de le lui dire. Il la connaissait assez pour ne pas ignorer qu’elle avait la rancune tenace "J’arrive pas à passer au-dessus de cette colère-là. C’est pas un truc que je sais faire, c’est plus facile de rester en colère que de pardonner." Elle se mordit l’intérieur de la joue, marquant un temps d’arrêt juste pour rependre en décalé, ses yeux retrouvant les siens en même temps "Mais je sais que je te veux." Elle voulait répéter je sais ce que je veux. Peut-être qu’il relèverait la manière dont sa langue avait fourchée. Elle, elle fit mine de ne rien avoir remarqué en reprenant "Je peux pas te dire que ça arrivera plus. J’ai besoin de trouver comment passer l’éponge avant, et je veux réussir à le faire pour de bon, pas en me précipitant sous le prétexte que tu me manques autant que je te manque." Elle l’affirma sans sourciller tout en détestant la fragilité qui transperça dans le son de sa voix. Se trouvant pathétique sur le moment et certainement pour le reste de la soirée, elle glissa du bord du caisson de matériel pour se donner bonne contenance, et ajouter, ses deux pieds ancrés au sol, la tête levée dans sa direction "Me rappelle pas que je te dois une réponse à chaque fois qu’on se voit, c’est la seule chose que je te demande. Je vais pas faire semblant que ça me plaît pas que tu sois prêt à faire n’importe quoi pour passer du temps avec moi parce que moi aussi, je veux malgré tout passer du temps avec toi." Le dilemme était réel. L’exprimer à haute voix, c’était souligner davantage combien elle était perdue "Mais fais-en pas un piège pour me forcer à prendre une décision à propos de nous."

because I just love the music, not the bling
Midas Sterling & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveiagifs

« Est-ce que j’ai pris quelque chose ? Pourquoi ? Parce que je tiens une conversation sans monter dans les tours ? Je croyais que c’était ça que tu voulais, que je me comporte comme une adulte. » Jo s’offusque et je ne suis pas surpris. Pour être tout à fait honnête, si j’avais eu à cœur de rentrer dans ses bonnes grâces, je n’aurais pas évoqué du tout ce sujet. Je sais qu’il est délicat, je suis que je risque de la tendre plus que je ne le voudrais, mais je me fais surtout et avant toute chose du souci pour elle. Elle n’est pas juste calme et posée : elle a l’air perdue, presque hagarde et c’est de ça que je parle, pas de son manque de combativité. Parce que tu n'es pas toi-même Jo, et que même son regard semble peiner à fixer un point et à rester focalisé dessus. Comment peut-elle m’accuser de la méjuger, sachant qu’elle me confirme l’instant d’après que j’ai raison. « Je me défonce pas à la coke si c’est ça ta question. Je dors mal et je suis stressée, c’est sous contrôle médical. » - « C’est comme ça que ça commence toujours, Jo. » Qui, de nos jours, commence à se défoncer à la coke directement parce que ça a l’air fun ? Plus personne, nous ne sommes plus dans les années 70. Les camés sont à la base des artistes dépassés, sursollicité et qui estiment avoir besoin de quelque chose pour tenir le rythme ou pour supporter la pression et la surexposition, avec tout ce que cela entraîne comme angoisses potentielles. « Franchement, commence pas à compter sur ce genre de merde. » Dors quand t’en as besoin. Mange quand t’en as besoin. Pète un câble s’il le faut. Sa version sans filtre et dangereusement honnête vaut toujours mieux qu’une addiction progressive à des tranquillisants. Est-ce que j’exagère ? Certainement : mon instinct de protection de réveille quand il est question d’elle. « Je t’ai pas étripé. Estime-toi heureux que ça fasse effet. » Si nous en sommes-là, je crois que j’ai nourri bien trop d’espoir en l’entendant entonner ma chanson.

« T’insistes Midas. T’as dit que tu me laisserais du temps. » Et elle aura tout celui du monde, mais pas si j’estime qu’elle me fait attendre pour rien ou parce que se sentir désirée alimente son égo. Je suis un gentil, je suis peut-être aussi trop naïf lorsqu’il est question d’elle, mais moi aussi j’ai mes limites. « Je te demande de pas jouer avec moi. C’est tout. » Ne comprend-t-elle pas que, dès qu’elle me siffle, j’accours comme un pauvre con ? Que je continuerais à le faire quoi qu’il arrive, qu’elle tiens ma fierté et mon cœur entre les mains et qu’avoir un peu d’humanité, c’est m’épargner de souffrir pour rien. « Je sais ce que je veux. Mais je t’en veux tellement. Je suis tellement en colère contre toi. J’arrive pas à passer au-dessus de cette colère-là. C’est pas un truc que je sais faire, c’est plus facile de rester en colère que de pardonner. » Penaud, je baisse les yeux : que répondre à ça ? Elle pourrait rester en colère jusqu’à la fin de ces jours que je n’aurais pas la moindre raison de le lui reprocher, mais je veux le savoir, c’est tout ce que je demande. « Mais je sais que je te veux. » Instantanément, je relève la tête et plonge des yeux écarquillés dans les siens. Ai-je bien entendu ? Mon esprit me joue-t-il des tours ? Vient-elle de me dire exactement ce que je veux entendre, et pourquoi nous nous battons sans réelle raison, si nous voulons la même chose ? « Je peux pas te dire que ça arrivera plus. J’ai besoin de trouver comment passer l’éponge avant, et je veux réussir à le faire pour de bon, pas en me précipitant sous le prétexte que tu me manques autant que je te manque. » - « C’est tout ce que je voulais savoir Jo. La conversation aurait pu se résumer à ça. » Je voulais être certain que nous œuvrions dans la même direction. Je voulais être certain de ne pas me battre contre des moulins à vent. Dire que je ne suis pas soulagé serait mentir. J’ai toujours le cœur brisé moi aussi et, bien que je sois fautif, cela ne disparaîtra pas d’un coup de baguette magique, mais elle vient de me donner une chose précieuse à laquelle m’accrocher : de l’espoir. L’espoir que je ne me bats pas comme un con pour rien.

« Me rappelle pas que je te dois une réponse à chaque fois qu’on se voit, c’est la seule chose que je te demande. Je vais pas faire semblant que ça me plaît pas que tu sois prêt à faire n’importe quoi pour passer du temps avec moi parce que moi aussi, je veux malgré tout passer du temps avec toi. Mais fais-en pas un piège pour me forcer à prendre une décision à propos de nous. » Tu peux pas tout avoir Jo. C’est ce que je devrais lui dire, ce que je ferais si j’avais un peu plus d’amour propre. J’en ai, mais lorsqu’il est question d’elle j’ai tendance à l’oublier. Oui, elle ne peut pas tout à voir. Elle ne peut pas avoir envie de passer du temps avec moi tout en me sautant à la gorge dès que j’ouvre la bouche, elle ne peux pas avoir envie que je m’accroche si tout est perdu, mais je n’ai pas la force de le lui dire, par peur de ternir les vérités qu’elle m’a avoué à demi-mot. « Je vais attendre. Et je vais pas disparaître. » Je préfère qu’elle m’ait dans son champ de vision aussi souvent qu’elle me le permettra, afin d’être certain que ce rappel permanent l’empêchera de passer à autre chose si elle avait des velléité d’aller de l’avant. « Mais je suis pas un surhomme. » Elle comprendra ce qu’elle veut bien comprendre. Ce que j’entends moi, c’est que je ne peux pas rester un ange si elle s’entête en me traiter comme de la merde. Je m’approche d’elle, presque certain qu’elle ne me repoussera pas. Peut-être bien que je suis en train de profiter de son état légèrement catatonique, et je me sens dégueulasse de le faire, mais j’en ai besoin. J’enroule ma main autour de sa nuque et, sans lui laisser le temps de me repousser, j’embrasse le sommet de son crâne. Mes doigts divorcent bien vite de sa peau et je recule d’un pas. « On va se revoir alors. » C’est rassurant de le dire à haute voix. « D’ici là, prends soin de toi, tu veux bien ? »