" J'ai pris de l'avance. Travail. " C'est par le biais de ce message qu'Ashley l'avait prévenu que, contrairement à ce qui était prévu, ils ne se retrouveraient pas au début du trail choisi antérieurement. Il avait été suivi, à peu près une heure plus tard, d'une série de coordonnées GPS, sans lesquelles Jackson aurait été bien incapable de la retrouver. Le mois de mai étant celui où les sites d'escalade classique étaient les plus fréquentés, tous deux avaient convenu de repérer ensemble un escarpement encore inexploité, et de l'escalader par leurs propres moyens ; à l'ancienne, sans risque d'être dérangés par des grimpeurs du dimanche. Ces derniers mois, au gré de leurs sorties précédentes, il était vite devenu évident qu'ils partageaient ce goût du dépassement de soi, de la quête de défis, et cela avait participé à cimenter leur relation naissante. Mais l'autonomie de l'américaine, confinant parfois à l'individualisme, pouvait faire grincer des dents, exactement comme cette décision de modifier leur programme à la dernière minute. Sa façon de rester accessible tout en paraissant simultanément hors de portée revelait de la magie, et l'australien l'avait appris un peu à ses dépens. Si peu habitué à ce qu'on reste insensible à ses charmes, il s'était heurté à un mur avec la rouquine ; son approche basée sur la séduction semblant destinée à ne jamais porter ses fruits. Qu'à cela ne tienne, le sport et particulièrement l'escalade leur servaient de terrain de jeu plus efficacement que des promesses nuptiales.
Elle offrait un spectacle inattendu quand il arriva sur les lieux. Au pied de la falaise, le matériel dont ils auraient l'usage avait déjà été préparé : les cordes, les coinceurs, les mousquetons, les descendeurs, les harnais, les dégaines et les poulies s'ordonnaient en assemblages réguliers sur le sol, prêts à l'emploi. Immobile, Ashley elle-même était appuyée sur son sac, contre le tronc d'un arbre. Bras croisés sous sa poitrine, jambes repliées contre son ventre, nuque courbée, le haut de son visage disparaissait sous la visière abaissée de sa casquette, sa chevelure nouée en queue de cheval tombant nonchalamment sur son épaule. Jackson aurait facilement pu penser qu'elle piquait un somme, et s'insurger qu'elle ne préfère une sieste à sa compagnie, jusqu'à ce que sa voix ne s’élève. De l'arabe. S'il était incapable de le comprendre, il avait réalisé suffisamment d'interventions au Proche ou au Moyen-Orient pour au moins le reconnaître. Sa silhouette massive, projetée en une ombre fragmentée par la frondaison végétale, signala sa présence à la quadragénaire, qui leva la tête vers lui en conséquence. Sourcils initialement froncés, elle sourit brièvement en le découvrant. De l'index, elle tapota alors l'oreillette qu'elle portait, leva exagérément les yeux au ciel, puis secoua la tête, mimant l'exaspération : le travail ne la quittait jamais.
Incompréhensible, sa conversation ne l'était pas entièrement, des mots-clefs se faufilant au milieu de ses phrases. SpaceX, cloud, satcom, ArianeGroup, SES, plus une poignée de noms de personnalités, et l'abréviation d'un projet, une lettre suivie d'une série de chiffres. Jackson était au courant qu'Ashley partait bientôt pour le péninsule arabique, ce dont il s'agissait sans aucun doute. Entre les ambitions satellitaires de l'Australie et l'Arabie Saoudite se préparant à envoyer deux astronautes sur l'ISS, l'actualité aérospatiale avait le vent en poupe. De ce côté du Pacifique, elle était particulièrement tumultueuse, car plusieurs membres du gouvernement liés au projet JP9102 venaient d'être forcés à la démission, quand un journal avait révélé le versement de pots-de-vin de la part d'Airbus et Northrop Grumman. Il comprit que l'appel touchait à sa fin quand Ashley retira son oreillette. - Un instant. En anglais, pour lui cette fois. Il y avait une sacoche à ses côtés, dont elle sortit une tablette sur laquelle elle pianota quelques instants, vérifiant certaines choses et transférant un courriel avant de la ranger. - Désolée, s'excusa-t-elle enfin, poussant sur ses mains pour se lever. - On m'a sollicitée pour une réunion de dernière minute. Les pires d'entre toutes : celles qui n'étaient pas prévues, et dont la durée restait toujours incertaine. - Les femmes d'abord, je suppose ? Ne serait-ce que pour se rincer l’œil. Après tout, le baudrier qu'elle portait déjà et ses vêtements près du corps avaient le mérite de souligner ses courbes sportives.
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Dernière édition par Ashley Spencer le Dim 11 Juin 2023 - 0:04, édité 1 fois
Dire qu'il ne s'y attendait pas serait mentir. Dire qu'il s'y attendait aussi. Le problème avec Spencer, c'est qu'elle lui plait autant qu'elle lui casse les couilles et que les injonctions de Widow à foutre la rouquine en porte-à-faux ne font que mettre en lumière son incapacité à le faire aussi vite et bien que leur hiérarchie le souhaiterait. Comme à son habitude, Ashley improvise. Jax s'en exaspérerait ouvertement s'il n'était pas conscient d'être taillé du même bois qu'elle. Plusieurs mois de challenges et de taquineries réciproques ont fini de le convaincre que le hasard fait parfois mal les choses. Dans une autre vie, ils auraient pu devenir amis. Vraiment amis. Alors il range son portable et s'élance de toute la longueur de sa foulée, bien plus adroit à retrouver des coordonnées GPS qu'à admettre qu'il est impatient de retrouver sa partenaire de grimpe. Ce détail le rend méfiant autant qu'il l'incite à avancer toujours plus dans cette entreprise périlleuse commencée en janvier. Bond le lui a dit tout net : les enjeux le dépassent - et de loin. Le PSI n'a aucun intérêt à ce que la couverture de Mills tombe tout comme l'agent ferait bien de se tenir sur ses gardes, car ces maudits américains n'ont pas leur pareil pour faire disparaître les quantités négligeables entravant l'avancée de leurs plans.
Oui, mais lesquels ? Personne n'est capable de lui répondre clairement. L'ASIO ne parle que de suppositions, de spéculations et de pions bougés sur l'échiquier des manœuvres diplomatiques et internationales. Tout ce que Jackson n'aime pas. L'australien ne joue pas ce genre de jeux. Les flous artistiques, très peu pour lui. Jax fonce, c'est bien connu. Clair, net, précis. Ce qu'on ne lui donne pas, il le prend. Plus rapide, plus simple ... plus efficace ? Pas vraiment. Mais il avance, c'est indéniable, autant vers le point de rendez-vous que dans l'établissement d'un lien de confiance avec sa cible. Sparrow est plus modérée que leur cheffe, elle lui répète que cela prendra le temps qu'il faut et qu'il ne sert à rien de se précipiter. Des semaines, des mois, des années ... Tant qu'on ne lui donnera pas l'ordre explicite de s'en prendre à la rouquine, son job consiste à veiller sur elle. Quel paradoxe.
Il freine sa course à l'approche de la falaise pour constater que Spencer a déjà tout prévu. Mills s'apprête à lui lancer un « j'en connais une qui frétille d'impatience » caractéristique de ses tentatives veines pour la séduire, mais avorte sa plaisanterie quand les mots arabes viennent confirmer les informations récoltées récemment concernant les futurs déplacements de la rousse. L'agent passe aussi tôt en mode enregistreur. S'il est épouvantable pour retenir la liste des courses, c'est parce que remplir le frigo n'a rien de passionnant. En revanche, quand il s'agit d'enregistrer de l'information confidentielle, Jackson se débrouille plutôt bien. « Un instant. » Mills ne bronche pas, feinte de ne rien avoir bité à la conversation quand plusieurs des termes retenus ont déjà fait tilter ses neurones. « Désolée. On m'a sollicitée pour une réunion de dernière minute. »« Tu parles d'un cadre bucolique pour travailler. » Rester léger. Depuis le début, Jax joue les mecs sympas. Ce n'est pas dans son intérêt de souligner les détails potentiellement révélateurs de ses connaissances. Passer pour un lourd ne le dérange pas. On se méfie moins de ceux que l'on n'estime pas en mesure de nous atteindre ...
« Les femmes d'abord, je suppose. »« Si tu insistes. » Ose-t-il tout en entreprenant de s'équiper. Mills s'applique, vérifie que tout est en place, car non contentes de devenir de plus en plus complexes, leurs explorations rocheuses sont également les premières de sa carrière en situation réelles. L'agent ne compte pas le block pratiqué à l'entraînement ni les quelques cabrioles faites pour la frime lors de randonnées en compagnie de Louisa. Grimper nécessite autant de force que d'habilité. S'il ne manque pas de la première, Jax pêche parfois sur la deuxième. Son corps massif est puissant, mais il est aussi lourd à tracter contre les parois. Cela ne l'empêche pourtant pas de se mettre torse nu. D'une part parce qu'il déteste sentir son t-shirt riper contre la roche, d'une autre parce qu'il sait bien que cela exaspère Spencer. Ou que ça l'amuse. Ou peut-être bien les deux à la fois. Peu importe. Ça la fait réagir. Il prêtera le flanc à tous les râteaux nécessaires si cela leur permet de consolider les bases de cette amitié factice. « Quoi d'neuf à part les heures supp ? » Questionne-t-il après s'être élancé à sa suite, leur petite gymnastique ayant d'ores et déjà quelques réflexes bien huilés de passement de corde et d'échanges de mousquetons. Le parfait binôme. La parfaite mascarade.
PS:
Ça doit bien faire 15 ans que j'ai plus grimpé. Je t'épargne le massacre des détails pratiquo-pratiques et des protocoles de sécurités - on fera comme si Mills était bien plus au courant que moi
L'importance de se fier à son récit était abordée très tôt dans la formation d'un officier traitant, en particulier lorsque celui-ci serait déployé de façon clandestine. L'idée très concrète selon laquelle le respect de l'histoire rédigée en amont était la meilleure ligne de défense contre les menaces extérieures ; la règle cardinale stipulant qu'il ne fallait en aucun cas s'éloigner de son arc narratif, et ce peu importe la situation. Un autre aspect primordial du métier était de garder à l'esprit que, dès lors qu'on occupait une position " high profile ", – comme c'était presque toujours le cas – créer des suspicions n'était pas un risque, mais une fatalité ; et tôt ou tard, les renseignements intérieurs du pays hôte viendraient toquer à la porte. C'est à partir de ce moment qu'on attendait de l'espion qu'il déploie toute sa sagacité, utilise l'éventail de ses compétences pour résister aux pressions, et déjouer les pièges qui lui seraient inévitablement tendus. Ceux-ci pouvaient être nombreux : allant des méthodes plus discrètes telles que la filature, la mise sur écoute ou l'épluchage des factures, à celle plus subtile consistant à créer un lien de confiance avec la cible, et jusqu'aux techniques plus extrêmes d'intimidation, de harcèlement moral voire de kidnapping, généralement utilisées en dernier recours, puisqu'elles vendaient la mèche.
Pour ces deux raisons, cela ne dérangeait pas Ashley qu'on la surprenne en pleine conversation téléphonique. Elle ne s'était pas non plus cachée de partir prochainement pour l'Arabie Saoudite ; tout cela faisait parti de son travail, et vis-à-vis de celui-ci, on serait bien en peine de l'accuser de quoi que ce soit. Que Jackson mémorise ce qu'il entendait, qu'il le transmette ensuite à d'éventuels collègues, et qu'ils y réfléchissent ensemble, ils n'obtiendraient rien qui ne soit tangible au bout du compte, si ce n'était les préoccupations actuelles de son employeur au Moyen-Orient, et celles du marché aérospatial dans son ensemble. Elle n'allait pas les plaindre, c'était leur job. Elle leur avait même offert du travail supplémentaire, en révélant la corruption de certains membres du gouvernement, dont l'enrichissement personnel était vraisemblablement plus important que la protection des intérêts de leur pays. Une espionne idéale ! « Tu parles d'un cadre bucolique pour travailler. » - Ca a le mérite de changer un peu, répliqua-t-elle. Elle connaissait toutes les salles de réunions du bâtiment appartenant à Boeing par coeur, et la vue depuis son bureau avait perdu de son attrait avec le temps. Au fond, qu'est-ce qui l'empêchait de travailler ici, ou les pieds dans le sable, plutôt que là-bas ?
- J'insiste *, lui confirma-t-elle juste après. Considérant leur différence de poids et de force, il était préférable qu'il joue le rôle de l'assureur plutôt que celui de l'assuré. - De cette façon, je pourrai te regarder depuis le sommet. Cela avait des airs de provocation vaguement dissimulée. Le hasard voulut qu'au moment de prononcer ces mots, Jackson venait de faire tomber son t-shirt. La réaction d'Ashley ne se fit pas attendre, levant les yeux au ciel dans une supplique silencieuse. A croire que c'était pathologique, de vouloir toujours montrer ainsi abdos et pectoraux. Oui, il était taillé comme une statue grecque. Le buste en tout cas. Pour le reste, elle ne voulait pas savoir. Espérait quand même pour lui que ce ne fut pas le cas. S'abstenant de tout commentaire supplémentaire, et surtout écartant ces pensées de son esprit, elle tâcha de s'équiper à son tour. Sac à dos avec poche remplie d'eau, casque, plus le nécessaire d'escalade, et surtout son enceinte Marshall, qu'elle ne tarde pas à allumer. Au programme aujourd'hui, du rap west coast, ou d'inspiration west coast. « Quoi d'neuf à part les heures supp ? » - Je saute en parachute la semaine prochaine. Un petit moment d'observation précède le début du parcours, avant que les mains de l'américaine ne viennent chercher les premières prises. Assez vite, ils se retrouvent à deux mètres du sol. - J'accompagne une amie pour qui c'est la première fois. S'ils savaient.
Le sourire en coin se garde de commentaire, mais laisse deviner la pensée sous-jacente : Il se doutait bien qu'elle était du genre " on the top " ... « Ouuuuh ! » Siffle-t-il aux premières notes de musique, visiblement séduit par le choix de la rouquine. Son casque ondulant au rythme des basses en témoigne tandis qu'ils commencent leur ascension sans rencontrer d'autres difficultés que celle de choisir les meilleures prises. Mills se concentre. Il n'a toujours pas soigné cette clavicule cassée en avril et la sent se dérober chaque fois qu'il lève le bras un peu trop haut. Sofia a mieux à faire que de le retaper en ce moment, l'agent en est persuadé, mais il note tout de même de revenir vers la kiné assez rapidement, car, à la vitesse à laquelle se compliquent leurs sorties escalade, le dévers risque de lui donner du fil à retordre. Ou de le tuer, tout simplement. Ce serait triste de se rompre le cou aussi bêtement après avoir survécu à une balle en pleine tête. Mais tous ses proches pourraient en témoigner : Mills prend bien mieux soin des autres que de lui-même ...
« Je saute en parachute la semaine prochaine. J'accompagne une amie pour qui c'est la première fois. »« Ça c'est de la sortie entre meufs ! » S'exclame-t-il, imaginant une pauvre fille pas du tout préparée se faire pousser de l'avion par une Ashley arborant ce petit sourire innocent qu'il commence à reconnaître lorsqu'elle le prend de haut. Ok, peut-être que Mills diabolise un peu l'américaine et que ce genre de comportement relèverait davantage des farces que lui-même serait prêt à faire à ses recrues. Nostalgique, l'agent se remémore les missions en Irak et la puérilité du comportement de leurs troupes à certains moments, comme si l'insouciance était le seul moyen d'oublier les horreurs croisées au cours de leurs missions et de leurs entraînements. « Vous sautez où ? » La curiosité de l'agent est plus sincère qu'on ne pourrait l'imaginer. Évidemment, Jackson cherchera systématiquement à en apprendre plus sur sa cible - on le paye pour ça - mais c'est avant tout l'amateur de sensations fortes qui s'exprime. « T'as checké qu'elle a pas le vertige, au moins ? » Plaisante-t-il alors que leur grimpe les amène peu à peu à une bonne dizaine de mètres du sol.
Des réminiscences de ce jour où l'une de ses recrues les plus intrépides s'était tout simplement pissée dessus face à la nécessité de descendre en rappel lui reviennent à l'esprit. Personne jusqu'alors n'aurait soupçonné ce gros malabar d'être capable de couiner à ce point face au vide. En tant que formateur, Jackson s'était efforcé de rester impassible, mais le seul souvenir de la scène suffit à le faire glousser. Il lui coûte beaucoup de sacrifices, mais l'agent aime de tout son cœur ce métier dangereux et ultra sollicitant.
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Dernière édition par Jackson Mills le Mar 27 Juin 2023 - 21:21, édité 1 fois
En tant que grimpeuse de tête, c'est à elle qu'il incombait d'assurer leur progression sur la falaise, plaçant points de protection et relais à intervalles réguliers. Une tâche dont elle se défaussait volontiers en temps normal, quand elle grimpait en solo, et qui lui ajoutait ici une charge mentale supplémentaire, cherchant les failles adéquates dans la roche. Le premier coinceur placé à deux mètres du sol, et tous les suivants espacés de trois mètres, c'est cette redondance méthodique qui leur permettait de mener l'ascension en toute sérénité, mieux que n'importe quelle corde ou mousqueton. Un concept auquel Ashley n'était pas du tout étrangère ; qu'il s'agisse de la redondance linguistique, qu'elle avait étudié lors de ses études de langues à l'université de Virginie ; celle de l'ingénierie aérospatiale, la multiplication des systèmes à l'intérieur d'une machine améliorant la fiabilité de cette dernière ; ou encore celle des opérations clandestine, le plan B succédant au plan A, le C succédant au B, et ainsi de suite. L'ironie, dans le cas présent, reposait sur le fait que sa propre redondance existait en la personne de Jackson, l'agent du contre-espionnage servant de filet de sécurité à l'espionne.
« Ça c'est de la sortie entre meufs ! » Malgré les doutes nourris à son encontre, il y avait quelque chose de rafraîchissant à fréquenter l'australien, lui offrant une sorte de décontraction inhabituelle dans son entourage – à quelques exceptions près, Cade par exemple. – Ce n'était pas demain la veille que les membres du Conseil Administratif de Boeing emploiraient du langage familier, ni qu'ils exprimeraient le fond de leur pensée avec autant de spontanéité. Il n'y avait guère plus d'espoir pour les officiers supérieurs ou généraux qui visitaient souvent leurs bureaux, et occupaient les diverses bases sur lesquels elle se rendait. Celui des uns était châtié, celui des autres protocolaire, et au milieu de ceci, elle-même jonglait entre les deux, avec une préférence nette pour les militaires. « Vous sautez où ? » - A Marcoola, juste au-dessus de Sunshine Coast. « T'as checké qu'elle a pas le vertige, au moins ? » Profitant d'une anfractuosité, Ashley s'arc-bouta en bloquant ses genoux, et marqua une pause. Le temps de s'hydrater, de regarder au-dessus d'eux, et de se reposer un peu les bras, dont les muscles commencaient à chauffer. - Je l'admirerais d'autant plus si c'était le cas.
De l'aveu de Sofia d'avoir pratiqué le parachute ascensionnel, et surtout de leurs sorties précédentes, elle doutait que la kiné souffre du mal des hauteurs. A moins qu'elle ne soit très, très douée pour le cacher. - Il sera trop tard une fois dans l'avion, de toute façon. Il n'y avait qu'une seule façon d'en sortir, et c'était par les airs : aucun instructeur de tandem au monde n'accepterait de revenir au sol par la voie classique. Un sourire aux lèvres en pensant aux supplications parfois loufoques qu'elle avait pu entendre venant de néophytes à l'attitude initialement bravache, Ashley dégagea une jambe après l'autre afin de poursuivre sur fond de 2Pac. Moins d'un mètre plus haut, le premier défi sérieux se présentait à eux. Non contente d'évoluer en un obstacle surplombant, puis de se poursuivre en un dévers léger sur plusieurs mètres, la paroi ne proposait aucune prise à portée directe, ce qui impliquait l'usage de techniques plus avancées. Laquelle ? L'américaine y réfléchit un instant avant de tourner la tête vers son partenaire. - Donne moi du mou. Cette requête impliquait d'avantage que ce qu'elle laissait entendre, l'aisance liée à un excédent de corde rimant naturellement avec danger de chute. - Prêt ?
Citation :
WIN : Confirmation de Jackson reçue, Ashley inspire avant de débuter le mouvement du derviche, qui lui permet d'attraper une prise plus éloignée. Suivi d'un pied-main avec lequel elle peut déplier son corps, puis d'une élévation souple de sa jambe directrice, sa progression est fluide et se termine deux mètres plus haut, où elle peut préparer un relais pour assurer Jackson. - A ton tour. Y'a-t-il un défi dans sa voix ?
SO CLOSE : Venu le moment du pied-main, la chaussure d'Ashley dérape sur l'aspérité qu'elle avait choisie pour : elle se rattrape de justesse un demi-mètre plus bas, s'écorchant au passage l'avant-bras gauche et étouffant un juron. La sueur perle sur son front tandis qu'elle se rétablit, et atteint la position voulue. - A toi. Elle n'est pas particulièrement fière de sa prestation, et se fait petite.
FAIL : Tandis qu'elle dérape, sa main cherche une prise – en vain –, et le vide l'appelle. Sa chute se termine deux mètres plus bas, interrompue par Jackson qui n'a aucun mal à retenir ses quelques cinquante kilos. L'inévitable mouvement de balancier, en revanche, l'envoie percuter la surface rocheuse, sa hanche et son coude absorbant le plus grand du choc. Un " FUCK "sonore retentit, rapidement suivi d'un " God fucking dammit " encore plus coloré, catalysant tant la douleur ressentie que l'explosion soudaine d'adrénaline.
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Dernière édition par Ashley Spencer le Mar 27 Juin 2023 - 19:06, édité 3 fois
LE DESTIN
l'omniscient
ÂGE : des milliers d'années, mais je suis bien conservé. STATUT : marié au hasard. MÉTIER : occupé à pimenter vos vies, et à vous rendre fous (a). LOGEMENT : je vis constamment avec vous, dans vos têtes, dans vos esprits, et j'interviens de partout, dans vos relations, dans vos joies, vos peines. POSTS : 31460 POINTS : 350
TW IN RP : nc PETIT PLUS : personne ne sera épargné, c'est promis les chéris.AVATAR : je suis tout le monde. CRÉDITS : harley (avatar), in-love-with-movies (gif) DC : nc PSEUDO : le destin. INSCRIT LE : 15/12/2014
« Je l’admirerais d’autant plus si c’était le cas. » Jackson profite que l’américaine concentre son attention sur la paroi qui les attend pour afficher une grimace appréciatrice. L’agent et le formateur en lui saisissent parfaitement cette façon de voir les choses. Il s’interdit toutefois d’approuver verbalement, conscient que se trouver trop de points communs avec une cible – et les lui communiquer - n’apporte rien de bon. « Il sera trop tard une fois dans l’avion, de toute façon. » « J’espère que tu choisiras un son de circonstances. » Lance-t-il avant de fredonner quelques notes de R-Kelly. Imaginer Ashley sauter sur les accords d’I believe I can fly provoque un ricanement stupide que la demande de la rousse vient éteindre. Il donne du mou tout en observant à son tour les complications au-dessus de leur tête. De sa position, Mills n’est pas encore en mesure de voir le problème que représentera pour lui le devers, même léger, mais croit suffisamment à l’application de Spencer dans la pose des relais de sécurité pour appréhender cette grimpe sans trop d’inquiétudes. Ils ne servent pas les mêmes intérêts, ne jouent pas dans le même camp, mais sont résolument du même côté de la corde aujourd’hui. Si elle tombe, il sera là pour la retenir. « Prêt ? »« Ready. » Répond-il comme il le fait en mission avec ses hommes.
La rousse s’élance. Fermement calé sur ses appuis, Jax se tient prêt à réagir en cas de nécessité. Son regard attentif suit les mouvements de sa partenaire, s’imprègne des gestes à reproduire s’il veut franchir l’obstacle. Sa poigne se ressert sur la corde et bloque le mécanisme lorsqu’il la voit glisser, s’attendant à ressentir d’un instant à l’autre le poids mort d’Ashley qui parvient à se rattraper de justesse. « Tout est ok ? » Lance-t-il, une pointe d’inquiétude dans la voix, après avoir entendu l’impact de son corps contre la paroi. Mills sait ce que c’est. Sur l’instant, l’adrénaline anesthésie la douleur et puis on finit par réaliser la casse. Contusions et entorses ne sont que de la bobologie pour les baroudeurs qu’ils sont, mais une faiblesse articulaire ou une perte de mobilité fait toute la différence dès qu’il s’agit d’altitude… Pour toute réponse, un juron s'élève avant que Spencer ne parvienne à achever sa manœuvre. Mills se garde de commentaire. D’une part, parce que le rétablissement était propre ; d’une autre, parce qu’en dépit de leurs taquineries, l’idée de se foutre de sa gueule après ce genre de frayeur ne l’intéresse pas. Ils en rigoleront autour d’une bière plus tard … « À toi. »
Il s’exécute, ajuste la corde, vérifie ce qui doit l’être sur son équipement et prend une bonne inspiration. Son bras se tend, l’agent pousse sur son pied, gaine ses abdos et parvient à passer la première difficulté sans encombre. Au moment d’entreprendre le devers, il serre les dents, fait abstraction de la douleur, contracte les muscles de son dos afin de venir en aide sa ceinture scapulaire défaillante et prie pour que la clavicule tienne le coup …
Citation :
WIN : C’est le cas. Sans défection de son squelette, Mills a largement la force de se hisser sur ce genre de terrain et rejoint Ashley en quelques secondes, accompagnant son arrivée d’un petit haussement de sourcils qui, à défaut de rouler des mécaniques, fera surement rouler les yeux de l’Américaine. « Un jour t’admettras que tu mates. »
SO CLOSE : Grimace. L’agent avale un grognement souffreteux, se crispe et tire plus vite mais aussi plus fort que nécessaire par soucis de se sortir de cette situation rapidement. « Fait chier … » Grince-t-il après s’être trainé péniblement jusqu’à la rousse, dépourvu de toute superbe, pour ne pas dire déconfit. « J’pensais que ça passerait, mais ma clavicule refuse de guérir. » Avoue-t-il tout en roulant de l’épaule dans l’espoir de la soulager.
FAIL : Échec. Cette pauvre clavicule ne supporte pas le poids de buffle de son propriétaire. Jackson tire, s’élève puis lâche tout à coup prise tandis qu’un bruit discret, mais inquiétant accompagne l’abdication du petit os. « FUCK ! » Lâche-t-il, aussi bien de douleur que de frustration. Son corps massif tombe dans le vide et, bientôt, la corde stoppe sa chute. En plus d’avoir les couilles complétement compressées dans le baudrier, l’agent peine à retrouver prise contre la paroi, car la perte de mobilité dans son épaule est handicapante. « Balance-moi. » Demande-t-il, concentré sur la seule solution s’offrant à lui dans une situation aussi pénalisante que la sienne : remettre le tout en place en tapant volontairement contre la roche son articulation HS.
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Dernière édition par Jackson Mills le Lun 10 Juil 2023 - 22:23, édité 1 fois
LE DESTIN
l'omniscient
ÂGE : des milliers d'années, mais je suis bien conservé. STATUT : marié au hasard. MÉTIER : occupé à pimenter vos vies, et à vous rendre fous (a). LOGEMENT : je vis constamment avec vous, dans vos têtes, dans vos esprits, et j'interviens de partout, dans vos relations, dans vos joies, vos peines. POSTS : 31460 POINTS : 350
TW IN RP : nc PETIT PLUS : personne ne sera épargné, c'est promis les chéris.AVATAR : je suis tout le monde. CRÉDITS : harley (avatar), in-love-with-movies (gif) DC : nc PSEUDO : le destin. INSCRIT LE : 15/12/2014
« Tout est ok ? » - Plus de peur que de mal. C'était le contraire. Passé le sursaut d'angoisse lié à l'emprise soudaine de la gravité, assez vite remplacé par un réflexe né d'années de pratique, l'adrénaline se dissipait et les nocicepteurs entraient en action. Son avant-bras la brûlait, de même que son flanc droit, qu'elle n'avait pourtant pas senti sur le moment. Malgré la protection offerte par ses habits, il y avait fort à parier que sous les textiles, la peau avait été écorchée par la roche. Ashley en avait vu d'autres ; des matchs " amicaux " de football avec des Marines la traitant comme n'importe lequel d'entre eux, aux déluges de plomb de fusillades lorsqu'une opération tournait au vinaigre, en passant par les séances de close combat avec un Mark inflexible. En bref, ce n'était pas un bobo qui allait l'arrêter. Il n'en restait pas moins que la sensation était désagréable, et elle s'en détacha pour se focaliser sur Jackson, prêt à la rejoindre. Vérifiant que le relais était convenablement mis en place par acquis de conscience, elle fit simultanément coulisser sa corde dans le système de freins au moment où il s'élanca. Une précaution se révélant aussi indispensable qu'inutile, considérant l'aisance avec laquelle l'australien franchit l'obstacle pour la rejoindre. « Un jour t’admettras que tu mates. » Rouler des yeux ? Pas cette fois : la rouquine se contenta de clore ses paupières, lever le menton et inspirer profondément, comme un parent puisant dans sa patience face à l'énième bêtise de son enfant. « Tu es imbuvable, commenta-t-elle sobrement, sans animosité. - On continue ? »
Même si ses abdos ne rivalisaient pas avec la tablette de chocolat honteusement exposée de son partenaire, elle avait un ventre dessiné – et de façon générale une silhouette – qui rendrait jalouses des fitness modèles d'Instagram deux fois moins âgées qu'elle. Le tout sans avoir besoin de se rendre à la salle de gym pour enchaîner des fentes et des squats entre deux selfies. L'âge, c'est cela surtout en fin de compte qui la différenciait des stars aux millions d'abonnés, et donc la résistance à l'effort. Evoluer sur un dévers sollicitait les muscles – surtout ceux profonds - de façon autrement plus intense que sur une surface classique ou en dalle, et n'appelait ni à la conversation, ni au repos. L'américaine estimait qu'une quinzaine de mètres les séparaient du sol à présent, et qu'il leur en restait encore la même hauteur à surmonter avant d'atteindre le sommet. La façade choisie aujourd'hui n'ayant jamais été officiellement grimpée, elle ne disposait d'aucune cotation statuant de sa difficulté. Mais par expérience, elle serait prête à parier que celle-ci se situait quelque part entre 30 et 34 selon le système de notation australien, soit le premier palier de " Super Expert " et le dernier palier " d'Elite ", respectivement. A cela s'ajoutait la gestion de leur sécurité à tous les deux, et elle était convaincue de ne pas faire long feu une fois rentrée chez elle ce soir.
Une demi heure d'efforts plus tard, le duo de choc atteignit enfin un point de décontraction où se reposer. Précaution mise au banc, Ashley choisit de s'attacher à deux coinceurs qu'elle venait de poser, et de se suspendre dans le vide, retenue par son harnais et ses mousquetons. Un long soupir de soulagement lui échappa au moment où ses membres se détendirent enfin. « Jésus, Marie, Joseph... Elle était en nage. Sa nuque relâchée, ses doigts ankylosés vinrent déclipser son casque, qu'elle attacha à une boucle de sac, libérant sa chevelure en une cascade. La bonne nouvelle, c'est qu'ils avaient dépassé la cime des arbres, et qu'une brise à peu près fraîche venait les soulager. L'autre, c'était le panorama sur la campagne australienne, à condition d'y jeter un œil. - Je n'ose pas regarder en haut. Pour la plupart des gens, c'était en bas qu'il valait mieux ne pas regarder. Ici, c'est plutôt la distance les séparant de la ligne d'arrivée qui la préoccupait, plutôt que le gouffre mortel s'ouvrant sous leurs pieds. Une belle mise en perspective de sa mentalité pour l'agent des renseignements intérieurs. - Dis moi qu'on y est presque. Bien sûr, elle en rajoutait. Son corps n'avait pas encore atteint ses limites, mais elle commençait doucement à tirer sur la corde, l'acide lactique saturant ses muscles le disputant à l'endorphine secrétée par ses glandes cérébrales. Ou non. Ne dis rien. » L'ignorance avait parfois du bon.
rainmaker
Dernière édition par Ashley Spencer le Mer 20 Sep 2023 - 16:00, édité 2 fois
Imbuvable. Jackson sourit tout en secouant la tête. Chacune de ses perches se transforme en retour de bâton. Il s'en vexerait probablement s'il n'avait pas grandi aux côtés d'une meilleure amie pilote de chasse et lesbienne assumée, mettant depuis plus de vingt ans un point d'honneur à le recadrer dans ses attitudes vis à vis de la gente féminine. Ashley fait peut-être partie du même bord, se dit-il, tandis que l'américaine l'invite à continuer leur ascension. En guise de réponse, Mills lui emboîte le pas sans perdre de vue la nécessité de se concentrer.
À mesure qu'ils prennent de la hauteur, ses muscles tétanisent et bientôt la sueur se met à perler sur sa peau foncée. L'agent compense son expérience moins nourrie que celle de la rouquine par la ténacité de ses qualités physiques. La puissance musculaire lui permet de forcer le passage là où sa partenaire joue de techniques et de lectures plus justes des possibilités de prises que leur offre la falaise, tant et si bien qu'ils arrivent dans un état de fatigue similaire au point de relâchement. Jax tend les jambes après s'être lui aussi attaché aux coinceurs. La position assise dans laquelle le place son étirement face à la paroi lui permet de basculer la tête en arrière et d'apprécier l'image retournée du paysage s'étendant sous leurs pieds. Des dizaines et des dizaines de kilomètres de beauté sauvage qu'il contemple en silence tandis qu'à côté de lui Big Mac cite les héros de la bible.
« Je n'ose pas regarder en haut. » Chose que Mills fait par réflexe. À vue d'œil, il dirait qu'il leur reste un peu moins d'un quart du chemin, mais le changement de couleur de la roche l'interpelle et le fait se masser inconsciemment les doigts. Ces derniers, tout comme les muscles de ses mains, commencent à tétaniser. Leurs extrémités rougies par la friction sont sensibles. Il espère qu'un changement de texture rocailleuse ne viendra pas les égratigner davantage et lui faire perdre en qualité de prise. La magnésie présente dans le fond de sa poche ne peut rien contre les pierres poreuses ou tranchantes. « Dis-moi qu'on y est presque. Ou non. Ne dis rien » L'australien ravale un sourire et se contente de palper l'arrière de son harnais auquel est accrochée une poche d'eau. Il s'en empare, en boit une longue rasade puis la tend à sa voisine. « Bois. » C'est le meilleur conseil qu'il puisse lui donner, car le petit vent d'altitude leur rafraîchissant le visage ne sert en réalité qu'à masquer à quel point l'effort les déshydrate. Ils auront bien mérité cette bière post-ascension !
« Qu'est-ce qui t'a motivée à commencer la grimpe ? » Demande-t-il sur le ton de la conversation. Mills estime qu'ils peuvent se donner encore quelques minutes de repos. Cette montée n'est pas une course et toute information est bonne à prendre. Profiter de la fatigue d'Ashley pour en lui soustraire quelques renseignements fait partie du plan de match. Jax est le premier à savoir que l'activité physique rapproche, que la bonne fatigue qu'elle génère rend les gens moins méfiants, surtout vis-à-vis de leurs partenaires de pratique. Se faire confiance dans la sécurité de la grimpe, partager les ressources, se challenger sous le regard de l'autre : autant d'infimes détails qui, cumulés, desserrent la bride des suspicions.
(c) sweet.lips
Dernière édition par Jackson Mills le Mer 30 Aoû 2023 - 17:11, édité 2 fois
En fermant les yeux et avec un peu de gymnastique mentale, elle pouvait presque s'imaginer à la plage. Son harnais de sécurité serait un transat ; la pellicule de sueur en train de sécher sur sa peau, l'eau de mer après une baignade rafraîchissante ; l'ombre offerte par la falaise, celle d'une allée de palmiers ; et le vent caressant la cime des arbres, le son des vagues s'échouant paisiblement sur le sable chaud. Bien sûr, ses deux pieds restaient en butée contre la pierre, et la main du bras qu'elle n'était pas en train de délayer restait à une proximité raisonnable de la paroi. Ashley n'était pas inconsciente au point de confier sa vie à de seuls coinceurs. Mais cela lui fit tout de même songer qu'elle n'avait pas lézardé au bord de l'océan depuis un petit moment. Qu'elle ne s'était pas accordé un moment de répit tout court, en fait. De grasses matinées, de petits-déjeuners en terrasse, de cocktails, de jacuzzis, de massages... Rien de tout cela, et avec en prime un voyage imminent au Moyen-Orient, alors même que le contenu de ses comptes en banque lui aurait permis de passer six mois all inclusive aux Caraïbes.
« Bois. » La voix de Jackson était là pour la rappeler à une réalité plus tangible. Celle où elle avait choisi, pour occuper son samedi après-midi, de se lancer à l'assaut d'un versant aussi long que coriace. Quelque chose ne tournait décidément pas rond chez elle. - J'ai ce qu'il faut, dit-elle en refusant l'eau qu'il lui tendait, ne t'inquiète pas. Elle suivit quand même son conseil, tournant la tête pour aspirer sur l'extrêmité du tube qui sortait du sommet de son sac, une petite gorgée après l'autre. Mieux encore, elle récupéra une barre énergétique dans une poche latérale, pleine de protéines, de vitamines, et surtout de sucres rapides, qui lui offriraient le boost nécessaire pour atteindre le sommet. La dernière chose dont ils avaient besoin, c'est que son corps refuse d'aller plus loin, et qu'ils soient obligés de descendre en rappel alors qu'ils touchaient presque au but. Ce serait un échec, et à ses yeux, un aveu de faiblesse.
« Qu'est-ce qui t'a motivée à commencer la grimpe ? » En son for intérieur, Ashley sourit. Les combines pour pousser les gens à baisser leur garde, elle les connaissaient toutes. Le sport, l'alcool, le flirt, le travail... La personne avec laquelle on partageait d'innombrables points communs. Celle qui écoutait patiemment et sans juger les doléances, ou qui prêtait son épaule pour pleurer. A sa façon, c'était un peu comme découvrir les tours de passe-passe du magicien : les prestations suivantes perdaient de leur spectaculaire incrédule, pour être remplacées par un jeu d'observation, où l'on cherchait à repérer quand le subterfuge avait lieu exactement. La différence – et le risque –, dans le domaine du renseignement, c'est que cela n'impacte pour toujours les relations ultérieures. Elle-même, avait-elle été émoussée par ses deux années d'interruption de carrière ? C'est une question à laquelle l'américaine ne saurait répondre honnêtement ; on l'était rarement dans le cas d'une introspection. - UVA, répondit-elle après avoir mordu dans la barre. - L'université de Virginie, précisa-t-elle juste après pour le non-initié que Jackson représentait.
Suspicions mises à part, cela ne la dérangeait pas de parler de son adolescence, au contraire. - La sororité que je fréquentais proposait des sorties sportives, le week-end, pour changer un peu du classique basket, foot et baseball. La Sainte-Trinité des sports américains, ceux avec lesquels on obtenait des bourses et on s'offrait un avenir, pour les meilleurs joueurs. Se mettant à l'aise, Ashley cala son pied sur un débordement de la roche, en même temps qu'elle attrapait une aspérité. - Il y avait le bowling, le waterpolo, l'équitation... même le curling. Cette fois-ci, elle souriait pour de vrai, se remémorant des souvenirs datant de plus de vingt ans. Ce jour-là, ils avaient ri jusqu'à en avoir mal aux côtes, essayant de toutes leurs forces de prendre cette pratique farfelue au sérieux. Sans vraiment de succès. - Mais à l'époque, reprit-elle, les salles indoor ouvraient un peu partout. La toute première avait vu le jour en 1987, à Seattle, et son succès avait peu à peu convaincu d'autres investisseurs de s'y frotter. - On a voulu essayer, nous aussi, et ça a plu à beaucoup de monde. Elle compris, pour ce côté à la fois ludique et compétitif, chacun essayant des voies différentes pour terminer le premier. - Après l'université, j'ai estimé que j'en avait fait le tour, et j'ai commencé à pratiquer en extérieur. Voilà, conclut-elle.
Il savait tout, à ce sujet en tout cas, et elle n'avait pas eu besoin de mentir. C'est un peu plus tard que les choses s'étaient vraiment compliquées ; sa formation à la CIA avait monopolisé l'essentiel de son temps libre, immédiatement suivie de ses premières opérations, le temps qu'on ne bâtisse sa légende. La rouquine termina son snack, rangea le papier, puis se rinça la bouche avec de l'eau, crachant par-dessus son épaule aussi discrètement que possible. Compliqué, dans de telles circonstances. - Et toi, alors ? Il n'était sûrement pas un amateur, sinon il ne serait pas à ses côtés en cet instant. Mais l'escalade occupait-elle une place importante dans sa vie, quatre mois plus tôt, avant leur rencontre ?
L'université de Virginie. Jax en a vu passé la mention dans les rapports d'enquête de ses collègues. Une photo d'Ashley plus jeune, entourée de ses camarades de campus passe dans son esprit, lui permettant d'illustrer les propos que lui tient l'américaine. Il l'imagine travailler son strike, monter à cheval, ricane à l’évocation du curling et la voit arrivée pleine de curiosité dans l'une de ces salles indoor qu'il visualise de la même taille et du même aspect que celle construite par le MOSC pour le perfectionnement physique des agents.
« Et toi, alors ? » La curiosité devait fatalement lui être retournée. Mills s'y attendait, c'est pourquoi sa réponse vient sans tarder et sans hésitations : « L’orgueil. » Comment ne pas le croire quand Jackson passe le plus clair de son temps à rouler des mécaniques pour tenter de la faire rire ? Un air canaille accompagne son humble aveu lorsqu’il explique : « L’un de mes partenaires de boxe a sous-entendu que je ferais moins le malin si j’avais à l’affronter sur block ... » Demi-mensonge, demi-vérité. Le partenaire en question est en réalité un collègue du MOSC, formateur lui aussi. L’évaluation transversale est l’une des clés du programme, un gage d’amélioration continue et le meilleur moyen de s’assurer qu’aucun participant, pas même les enseignants, ne se repose sur ses acquis. Tous partagent leurs connaissances et leur savoir, car l’objectif est d’offrir aux recrues un panel varié d’outils et d’habilitations utiles pour la réalisation de l’objectif commun : le Management Of Serious Crime. Un ennemi organisé demande à ce que la riposte le soit également … Que penserait Big Mac du fait que Mills a dû apprendre les rudiments de la couture dans le cadre de son perfectionnement ? Il réprime un sourire à cette pensée et poursuit : « … et il avait raison. » Il faut le reconnaître : Jax grimpe comme une brute, sans lire les pistes, sans chercher l’angle d’attaque le moins fatiguant. Ses ascensions sont à l’image de ses combats : directes, agressives, basées sur une foi solide en ses réflexes, ses intuitions et la solidité de sa charpente anatomique. « Quand tu m’as proposé de grimper en extérieur, j’me suis dit que c’était l’occasion de changer de décor et de passer aux choses sérieuses. » Mills avoue à demi-mot son manque d’expérience dans le domaine tout en sachant que la vitesse de son adaptation à la situation est honorable. « J’apprends mieux sous pression. » Nouveau coup d’œil au vide sous leurs pieds. Pas d’enjeu, pas d’adrénaline…
L’entreprise reprend quand se termine la conversation. Tous deux redoublent d’efforts pour venir à bout du dernier quart de la montée. À un moment, le pied de Jackson glisse. L’agent se rattrape. Ashley pousse quelques soupirs de fatigue. Mills partage son ressenti. Lorsqu’ils arrivent au sommet, la vue est telle qu’ils l’avaient supposée : à la hauteur de l’effort. Ils contemplent en silence le paysage, chacun plongé dans ses pensées tantôt suspicieuses vis-à-vis de l’autre, tantôt simplement sereines de partager ce moment de contemplation. Jax a beau le connaître, en avoir conscience et le documenter à chacun de ses retours au QG : il peine à ressentir le danger que représente la rouquine. La troublante impression de proximité tend à minimiser les gouffres séparant leurs allégeances, plus grands que celui qu’ils dominent du haut de leur perchoir. Triste constat relatif aux orientations de chacun : les meilleurs soldats ont en commun de savoir reconnaître la valeur chez l’ennemi, mais ne quand même pas hésiter à lui damer le pion lorsque l’occasion se présente. De la chair à canon, voilà ce qu’ils sont. Jouer à cache-cache plutôt qu’à s’étriper ne les rend pas moins asservis aux directives de leur nation …
Indépendamment de l'incongruité du lieu choisi pour, et à condition d'oublier qu'elle avait perdu presque l'ensemble de ses amis d'époque, il y avait quelque chose d'agréable à se replonger dans ses souvenirs d'adolescence. Si loin de sa famille, Ashley n'avait que rarement l'occasion de les partager. Les cadres posés en évidence sur les meubles, les albums photos rangés dans les cartons, les vieux portraits remisés au grenier ; tout ceci était resté en Virginie, à quelques exceptions près, réparties entre le vestibule de son penthouse et sa chambre à coucher. Des clichés de ses parents, de ses années dorées à l'université... L'ironie voulut qu'elle se prêta à cet exercice de nostalgie avec un membre potentiel des renseignements intérieurs australiens ; ce qui n'était pas vraiment un problème en soi. L'essentiel des informations partagées aujourd'hui restaient vérifiables sans avoir besoin de fouiller trop profondément, et donc pour eux, d'éviter le risque que quelqu'un, quelque part, tire une sonnette d'alarme. Ici comme ailleurs, la maison veillait sur ses agents... La politesse voulant qu'elle rendit la pareille à Jackson, la réponse de celui-ci ne tarda pas.
« L’orgueil. » Une source de motivation pour les uns, et un outil pour les autres ; un levier puissant sur lequel s'appuyer pour pousser quelqu'un à agir. L'excès de fierté n'était pas considéré comme l'un des sept péchés capitaux par la réligion chrétienne par hasard. En bref, un trait de caractère à ne pas négliger, lorsqu'on le découvrait chez autrui. « L’un de mes partenaires de boxe a sous-entendu que je ferais moins le malin si j’avais à l’affronter sur block ... » Même si elle n'avait pas abordé le sujet alors, Ashley se souvenait des gants présents sur la plage arrière de sa Jeep arrière, lors de leur rencontre initiale. Elle pouvait se réjouir qu'ils aient choisi de se tester sur des versants plutôt que sur le ring ; malgré la boxe thaï et les cours de close combat, il n'y avait aucun doute que Mills la démolirait entre les cordes, trop avantagé par son allonge et surtout, sa carrure. « Quand tu m’as proposé de grimper en extérieur, j’me suis dit que c’était l’occasion de changer de décor et de passer aux choses sérieuses. » - Je comprends mieux nos premières sorties. Un petit tacle amical, ponctué d'un sourire en coin, considérant qu'il n'avait aucune raison de rougir de ses performances jusqu'à présent.
Leur pause se concluant, Ashley ne jugea pas nécessaire d'équiper à nouveau son casque, considérant la distance les séparant de la ligne d'arrivée. Quelques minutes plus tard, c'est le soulagement qui prévalait quand ils atteignirent enfin le sommet. Un long soupir lui échappa tandis qu'elle s'allongeait. Le stress auquel ses muscles avaient été soumis témoignait de la difficulté du parcours choisi aujourd'hui, et sous elle, la roche était presque comme un matelas de plumes. Bienvenue, la chaleur du soleil automnal se couplait à la douceur du vent ainsi qu'au panorama pour les récompenser de leurs efforts. Ils formaient une équipe fonctionnelle, songea l'américaine ; aussi fonctionnelle que fictive. Les secrets, les demi-vérités et les mensonges formaient ensemble un gouffle infranchissable, pas seulement entre eux deux, mais entre tous ses proches. Une réalité dont elle était seule responsable. Une soudaine pointe de solitude et de tristesse la força à se lever avant qu'elle ne soit complètement submergée, et à préparer leur descente en rappel. Au bord du précipice, elle adressa un clin d'oeil à Jackson. - Le dernier en bas invite l'autre. A boire. Une flexion des jambes plus tard, et elle se propulsait en arrière, sans peur ni hésitation.