L’entaille barrant sa joue n’est pas belle à voir et celle de son ventre peut certainement en dire autant, deux nouvelles cicatrices à ajouter à sa collection alors que son corps n’en manquait déjà pas. Il est sans nouvelles de Dom et du sursis que ce dernier lui a accordé, une semaine passée bien trop vite durant laquelle Mickey a bien évidemment tout fait sauf envisagé de le rembourser. Son argent, Dom n’est pas près d’en voir la couleur et ce ne sont pas ses menaces qui y changeront quelque chose car le boxeur ne lui fera certainement pas ce cadeau. Il doit déjà du fric à bien trop de monde dans cette ville, plein aux as un jour et sur la paille le lendemain à l’image d’une vie bancale au possible où ses trafics et les bénéfices de son bar peinent tout juste à compenser ses mauvais investissements. Ces derniers sont nombreux mais ses ennemis ne le sont heureusement pas autant, quand bien même Dom compte au moins pour dix quand il promet de lui faire la peau et de terminer ce qu’il a commencé l’autre soir. Qu’il vienne donc en finir, Mickey ne passera sûrement pas les prochains mois à le fuir mais il se jure aussi que la prochaine fois que sa route croisera la sienne, il ne comptera plus seulement sur ses poings pour défendre cette vie à laquelle il continue malgré tout de s’accrocher. Pourquoi ? Parce qu’il a une fille et qu’à défaut d’avoir pu se soigner pour elle, Mickey peut au moins tenter de ne pas rejoindre ses parents trop vite. Pour ça, toutefois, il devra rester sur gardes et il le sait car un type comme Dom se fiche bien de savoir qu’une enfant pleurerait son père quand tout ce qui l’intéresse réside dans ce fric que le boxeur lui doit. Sa dernière envie est d’ailleurs que cette enflure puisse le suivre jusqu’à son bar car ici, Mickey s’imagine à l'abri de ce qui lui pend au nez dehors à commencer par ces ennuis qu'il réussit à s'attirer un peu partout. Ce n’est pas nouveau qu’il se croit au-dessus de tout lorsqu’il passe les portes du Blind Tiger, oubliant bien vite que ce décor n’est qu’illusion et que son secret le mieux gardé n’est pas pour autant le mieux protégé. Deux ans déjà que Mickey en a fait sa planque et son nouveau gagne-pain mais quelques mois seulement que celle-ci sert également à ses trafics, rendant le lieu plus sombre qu’il ne pouvait déjà l’être. Un lieu dont il ne cessera toutefois jamais de tenir sa famille éloignée, le boxeur y met depuis toujours un point d’honneur pour ne pas mélanger ce qu’il a de plus cher à ce qu’il possède de plus dangereux mais ces deux mondes étaient voués à se rencontrer tôt ou tard, comme un retour à la réalité que l’on pourrait qualifier d’inévitable.

Une tape sur l’épaule en plein tête-à-tête avec sa poudre, et c’est le drame. Son employé n’a besoin que de quelques mots pour se faire comprendre et l’un d’eux hérisse les poils du boxeur sans attendre : Clancy. Qu’on exige de lui parler est une chose mais qu’on utilise le nom de son père pour l’arracher à ses consommations est comme un cauchemar prenant vie sous ses yeux, car il ne voit que Jackson pour brandir cette carte interdite et les calculs ne sont pas bons dès lors que son cousin a une chance de se trouver au bout du fil. Cet appel, Mickey n’a aucune envie de le prendre mais il aggravera son cas en restant planqué là, il en a bien conscience tout comme il sait que l’agent ne le lâchera pas d’une semelle s’il s’avère que ses exploits sont parvenus à ses oreilles. Bon sang, c’est n’est officiellement plus de Dom et de sa fichue revanche à prendre dont Mickey se soucie quand le principal risque planant sur lui devient la découverte de son business par le plus flic de ses proches. Il y avait bien son père autrefois mais l’histoire n’est à porter à la connaissance de personne ici et il maudira son cousin de toutes ses tripes si quiconque doit l’apprendre, l’origine même de sa colère étant enfermée dans une boîte à triple tour et ce depuis toujours. C’est avec bien trop de lucidité que Mickey s’empare alors du combiné, regrettant amèrement de ne pas s’être mis la tête à l’envers quand il le pouvait encore car les choses s’annoncent mal, très mal, et il en est le premier conscient. « Jax. » Sa voix résonne lourdement, sans l’ombre d’une interrogation car ce n’est pas comme s’il subsistait encore un doute quant à l’auteur de cet appel. « J’arrive pas à croire que t’aies balancé son nom comme ça, putain. » il reprend dans un soupir amer et ces mots qui lui arrachent la moitié de la gorge, le boxeur est bien content de ne pas devoir les formuler en croisant le regard de Jackson. En utilisant le fantôme de Clancy contre lui, au moins, l’agent s’assure d’avoir toute son attention pour la suite. « Retrouve-moi à l’intérieur. » Foutu pour foutu, Mickey décrète que la discussion qui s’impose n’aura au moins pas lieu par téléphone ou sur un bout de trottoir. Il l’attendra côté bar à une table isolée ou plus bas si son cousin tient à lui régler son compte à l’abri des regards car peu importe, finalement. L’ancien champion va à tous les coups passer un sale quart d’heure et c’est à un échange des plus déplaisants qu’il se prépare tout en ajoutant d’une voix basse : « Et n’oublie pas de demander à Annie si elle va bien. » Message codé à travers lequel Jackson trouvera le mot de passe pour entrer, et qui mieux que lui peut saisir la référence alors qu’ils ont écouté en boucle le mythique Smooth Criminal lorsqu’ils étaient plus jeunes. Quatre mots et les portes du Blind Tiger s’ouvriront à lui pour une confrontation que Mickey n’a pas hâte de voir venir, car quel genre de chaos éclatera dans son bar si l’on vient à apprendre que le dernier initié est aussi un agent fédéral... Sur quoi s’est-il trahi ? Quelle erreur a-t-il pu commettre pour que son cousin soit venu le trouver jusqu’ici ? Tout ça, Mickey suppose qu’il le saura bien assez vite.

Leur accord est rompu à la seconde même où le nom de son père résonne par-dessus son épaule, en un lieu où Mickey n'a jusqu'ici jamais laissé son enfance le rattraper et pour cause, le jeune Michael devenu orphelin bien trop tôt n'a pas sa place dans cette forteresse que sa version adulte et débauchée s'est construite. Ce n'est pas le moment de lui rappeler que Clancy doit se retourner dans sa tombe chaque fois que son fils franchit un pas supplémentaire dans l'illégalité et la dépravation mais l'autre rappel dont Mickey se serait bien passé, c'est que son cousin n'est officiellement plus disposé à rester à l'écart de ce bar et de tout ce qu'il peut renfermer. Son secret n'en est plus un dès lors qu'il fournit à son cousin de quoi le rejoindre, conscient que repousser son entrée dans son antre ne serait bon pour personne car laisser dehors un Jackson sur le point d'imploser reviendrait à fuir le problème pour mieux le voir éclater. Ici au moins, Mickey veut croire qu'il gardera un minimum de contrôle sur la chose quand bien même il ne sait rien de ce qui l'amène et se montre un peu moins serein à chaque seconde le rapprochant de cette confrontation. Il faut dire que le boxeur a des cadavres dans ses placards que l'agent n'a pas trop intérêt à venir renifler par ici, notamment un étage plus bas où fort heureusement pour lui, Jackson ne mettra au moins pas les pieds dans l'immédiat.

C'est à une table quelque peu à l'écart du reste que les cousins se retrouvent, sans que Mickey n'ait en tête de se cacher derrière son statut de gérant car il le sait, s'il peut jouer au grand seigneur avec les autres Jackson, lui, n'est pas né de la dernière pluie. « Qu'est-ce que tu fous ? » Première question et déjà, celle-ci vient à sonner comme un reproche. C'est leur truc à tous depuis quelques temps, pointer du doigt son mode de vie comme s'il avait encore de quoi étonner qui que ce soit mais quand Jackson vient y mettre son nez à son tour, étrangement, l'effet n'est pas le même. Ce n'est pas pour autant que Mickey voit où il veut en venir et il le démontre en restant d'abord silencieux, ses yeux se contentant de le fixer et ses pensées commençant sérieusement à s'agiter. À quel point peut-il être démasqué et surtout dans la merde, au juste ? « Me dis pas que c'est pour l'adrénaline. » Et à nouveau, l'allusion pourrait englober bien trop de choses pour qu'il sache ce dont on vient très précisément l'accuser. « Va falloir être plus précis. » il souffle alors, croisant ses bras en attendant de savoir de quelle adrénaline on parle ici. De celle de ses combats illégaux, de ses courses sauvages ou de sa vie en général, où Mickey passe son temps à défier la mort et ce, en collectionnant les risques comme les mauvaises décisions ? Une chose est sûre, Jackson a découvert quelque chose et ça ne sent pas bon pour son matricule. « Qui t'as fait ça ? » Ça, ou l'affreuse balafre gardée de son accrochage avec Dom durant lequel le boxeur n'a pour une fois pas fait le poids. Le combat était perdu d'avance contre l'arme que ce dernier a brandi et comme son cousin risque de l'entendre, son amertume est encore grande. « Un connard auquel je dois du fric et qui n’en verra pas un centime. » Autrement dit quelqu’un de déterminé à lui faire la peau et ne rigolant vraiment pas avec cet argent que Mickey lui doit, ce qui ne l'empêche pas de rejeter toute possibilité de le rembourser malgré les menaces qui lui pendent au nez. Car quitte à s’attirer des problèmes et des ennemis à la pelle, autant ne pas le faire à moitié et si le boxeur a déjà un plan comme on l'imagine, ce dernier n'augure là encore rien de très bon.

Deux questions balancées en l'espace de quelques secondes, et combien d'autres encore susceptibles de lui tomber dessus que le boxeur s’imagine tout autant détester ? Mickey n'attend même pas de le savoir pour en poser une à son tour, celle qui lui brûle la langue à la vue d'un Jackson très remonté. « C’est quoi au juste, un putain d’interrogatoire ? » Est-il ici en qualité de cousin ou d'agent, c'est ce qu'il cherche à savoir car bien sûr, ses réponses à venir pourraient être très différentes en fonction de ce qu'il risque. Et finalement, Mickey considère que l'étiquette que son intrusion peut porter n'a aucune importance quand il peut dans tous les cas sentir l'influence sous-jacente de son métier. « Qu’est-ce que je t’avais dit ? » Il vrille un regard noir vers son ainé qui n'était encore jamais venu le chercher sur un tel terrain, et c'est en quelque sorte l'autre accord brisé entre eux après la mort de ses parents que le boxeur refuse d’évoquer depuis des années. Jackson a fermé les yeux sur son business pendant près de trois ans et cela arrangeait bien tout le monde, en particulier un Mickey qui n'avait aucune envie de le mêler à ce qu'il peut trafiquer dans l'ombre. « De jamais jouer au flic avec moi. » il complète et peut déjà imaginer que ses infos ne sont pas tombées du ciel car ce n'est certainement pas lui qui a un jour laissé échapper cette adresse. Jackson savait sans vraiment savoir et vingt ans plus tôt, déjà, l'adolescent qu'il était lui demandait de ne jamais intervenir dans sa vie de cette manière en le sachant destiné à porter le badge et l’uniforme. « Et je suis censé faire quoi, te souhaiter la bienvenue ? » Mickey ironise, à deux doigts de lui offrir à boire comme un patron le ferait avec un nouveau client qu'il aurait bon espoir de convertir en initié. Mais non, il n'a pour ainsi dire pas le cœur à ingurgiter quoi que ce soit ni à s'amuser d'une situation craignant en tous points, malgré sa capacité à ignorer parfois l'instabilité du fil sur lequel il peut jouer les équilibristes. « De toute évidence, t’avais pas besoin de moi pour t’indiquer l’entrée. » Tout ce qu'il lui a fourni c'est un mot de passe mais Jackson savait déjà à quelle porte se présenter, apparemment trop bien renseigné pour que ça ne l'inquiète pas un peu. Qui lui a parlé de quoi, c'est ce qu'il crève d'envie de savoir alors que ses doigts malmènent déjà le marbre de la table.

Avec lui, c'est souvent une histoire d'argent sale alors il ne s'attend pas à surprendre Jackson en lui donnant un aperçu de la merde dans laquelle il s'est fourré, une fois de plus. Il a choisi de faire attendre le mauvais type et ce dernier ne l'a pas entendu de cette oreille, jurant depuis de faire regretter sa canaillerie au boxeur sans que ces menaces n'aient fait trembler Mickey en grand habitué qu'il est. C'est pourtant bien sérieux cette fois, autant que peut l'être la présence de son cousin dans son antre car il le sait, Jackson n'aurait jamais fait le déplacement par simple envie de voir comment il peut rebondir et déjà, Mickey désapprouve les façons de faire de son cousin comme ces questions lui donnant l'impression d'être le grand suspect du jour. « Tu s'rais d'jà menotté si j'étais venu jouer au flic. » Fait incontestable et plutôt drôle quand il y pense car lui tendre ses poignets pour le symbole, Mickey y a sérieusement pensé avant de se raviser. Nul doute que Jackson préfèrerait lui passer des gants comme à l'époque mais les adolescents qu'ils étaient sont aujourd'hui très loin derrière, et jamais les mots de son ainé n'ont résonné avec une telle intensité. Plus personne ne doit encore espérer le voir échapper aux menottes dont il parle et lui pendant souvent au nez, beaucoup s'étonnent même qu'en trempant dans toutes ces histoires Mickey n'ait encore jamais vu la couleur des barreaux d'une cellule. C'est après tout ce que ses professeurs lui prédisaient, un avenir en prison où sa colère ne pouvait d'après eux que le mener et ce, en admettant qu'il ne se destine pas plutôt à finir entre quatre planches avant l'heure comme son regretté père auquel il ne risque cette fois encore pas de faire honneur. « On t'as vu. » Ce on n'annonce lui non plus rien de bon alors qu'il peut déjà supposer avoir attiré l'attention des mauvaises personnes. S'il est dans le viseur de ses collègues comme il le devine alors c'est officiel, l'heure est aussi grave que le regard de Jackson peut l‘être. « J'ai au moins le droit de savoir où ? » Sans doute que non mais il peut bien tenter, ne serait-ce que pour prétendre à davantage de vigilance sur le terrain où il semble avoir brillé par son inconscience. Rien de bien étonnant pour celui qui agit constamment au mépris des risques et des dangers et dont le côté insaisissable en prend aujourd'hui un coup comme le reste, incapable désormais d'ignorer le couperet menaçant de tomber et les avertissements d'un Jackson sérieusement remonté.

« Écoute-moi bien, Mickey. » Qu'il ne s'en fasse pas pour ça, Mickey a même rarement été autant à l'écoute que ce soir à l'image de ses oreilles pleinement tendues et de ses yeux rivés vers le seul homme capable d'un minimum d'autorité sur lui. « C’est pas un secret qu’on est cousins ... » Non seulement il veut bien le croire mais il se doute aussi que ça n'en restera pas un longtemps par ici, là où Mickey ne désire surtout pas trahir le lien qui peut les unir tout comme le métier de son cousin dont la simple évocation pourrait semer la zizanie que l'on imagine. Il fallait bien qu'un jour leurs chemins empruntés diamétralement opposés entrent en conflit et que le boxeur soit aussi rappelé de la plus rude des manières au souvenir de son père, dont seul Jackson perpétue encore la mémoire pendant que lui s'abime et se sabote aux quatre coins de cette ville. Des cousins semblables sur beaucoup de points mais certainement pas promis au même destin, comme le montre bien aujourd'hui la position de chacun et le fait que s'il le voulait, Jackson pourrait le mettre hors d'état de (se) nuire. « J’peux assurer pendant que tu te détruis, mais j’peux pas tenir le for si j’tombe avec toi. » Si sombrer seul lui a toujours fait peur, Mickey met éternellement un point d'honneur à ne jamais emporter les membres de sa famille dans sa sombre dérive. Bien plus qu'un cousin, Jackson est aussi un pilier dont il ne peut imaginer menacer l'équilibre car sans lui pour prendre soin des siens, c'est à se demander comment les Mills-Reeves ne pourront pas à leur tour s'effondrer. Le fait est qu'il ne lui demande rien et qu'il ne demande même rien à personne, car lui attirer des emmerdes est bien la dernière chose que Mickey ait en tête en sachant en plus qu'il s'apprête à devenir père. « Fais chier. » il soupire et enfouit son visage entre ses mains quelques secondes, le temps d'intégrer à quel point la situation peut être critique. Les détails il ne les a peut-être pas mais il lui suffit de regarder Jackson pour comprendre qu'il s'est mis dans de beaux draps, à croire qu'il ne l'était pas suffisamment jusque là. « Si ça craint autant que tu le dis alors.. laisse-moi tomber. » En le suggérant de cette façon, Mickey lui-même ne sait pas vraiment ce qu'il veut dire. Peut-être bien qu'il l'invite à cesser de le couvrir et à le dénoncer avant que quelqu'un d'autre ne se charge de l'attraper, si tout cela peut donner une chance à Jackson de s'en tirer et à leur lien de ne pas entrer en compte. Personne ne croira sans doute que son cousin ne savait rien mais il cherche actuellement une solution pour que cette histoire n'impacte que lui, tout en sachant pourtant qu'il n'est pas aussi seul qu'il veut le croire dans la barque dérivante de sa vie. « Il est pas question que je t’entraîne avec moi et je suis sérieux Jax, tu vas être père. Et si t'es venu me demander d'arrêter mes conneries tu sais déjà que j'en ferai rien. » Il dira avant tout qu'il ne peut pas et dans un sens, ce n'est pas tout à fait faux. Le bouton stop en ce qui le concerne, Mickey n'est même pas certain qu'il puisse encore exister car à trop creuser sa débauche et le reste, il semblerait qu'un retour en arrière soit à présent impossible. « L'histoire avec le type. » Cet enfoiré auquel il doit du fric, Dom s'il faut encore le nommer. « Je peux pas te promettre que ça finira bien et si ça doit être sa peau ou la mienne, je te fais pas de dessin. » S'il le dit c'est seulement pour que son cousin comprenne qu'il a déjà signé pour le pire et qu'il n'est peut-être pas trop tard pour se dissocier de lui, préférant imaginer un Jackson veillant sur sa fille et son enfant à naitre que ses ennuis les rattraper tous les deux.

« Au volant. » Lorsque la réponse lui parvient enfin, Mickey s'enfonce dans son siège et demeure sans réaction. S'il paraît impassible, c'est en réalité une sacrée claque que ces deux mots lui mettent alors que jusqu'ici, c'est invincible et au-dessus de tout qu'il se croyait au volant de sa 911 en prenant les routes de cette ville pour le plus dangereux des terrains de jeu. Et puis, il y a ces services que le boxeur honore aussi en ignorant les règles comme les risques dont il ne s'encombre plus depuis longtemps, conscient pourtant qu'un tel cocktail n'est pas à mettre entre les mains de n'importe qui dès lors que son nom bien connu dans le milieu des courses et ses liens de plus en plus assumés avec la pègre de cette ville sont susceptibles de jouer contre lui. Ainsi donc Jackson sait sans qu'il ne sache précisément quoi, comment et grâce à qui. Il sait et c'est déjà trop aux yeux de Mickey, confronté à une autre réalité ce soir qui ne le rend pas plus fier : si son cousin connait maintenant la façon dont il peut occuper ses nuits, il a également un aperçu des affaires qui sont les siennes par ici et tout ce qu'il espère, c'est qu'il ne mettra jamais les pieds un étage plus bas pour constater ses méfaits d'encore plus près. Des trafics dont Jackson doit bien se douter à cette heure-ci mais que le boxeur se gardera bien de souligner s'il peut espérer s'en sortir au moins sur ce point à ses yeux, en attendant que cette carte-là finisse elle aussi par se retourner contre lui. Combien de temps avant que Jackson le reprenne également sur tout ce qu'il peut fournir dans cette ville ? Oh, Mickey se donne quelques mois avant que son cousin ne découvre à quel point sa survie l'a fait tomber bas et à quel point, surtout, passer quelques années à l'ombre lui pend au nez quand il se pense un peu trop à l'abri de se faire attraper. Mais n'est-ce pas ce qu'il risque avec ce que son cousin flic lui apprend ? Il semblerait en tout cas qu'il se retrouve dans le collimateur de personnes peu souhaitables et que cette fois, Jackson ne pourra pas se contenter de le prendre entre quatre yeux pour lui remettre les idées en place. Autrefois il parvenait à le redresser quand il avait le malheur de s'égarer un peu trop mais à présent, qui peut encore arrêter un Mickey mouillé jusqu'au cou dans des affaires aussi sombres que lui ? L'homme voulant sa peau n'est même plus son principal problème à cet instant, pas quand il devient question des risques que Jackson pourrait lui aussi encourir avec un enfant en route et une carrière qui n'est pas sans rappeler celle de son père. Il ne se pardonnerait pas de détruire la vie d'un autre en plus de la sienne et encore moins celle du seul homme parvenant à garder leur famille à flot, c'est la raison pour laquelle Mickey parle avant même de réfléchir et propose une solution qui n'en est pas vraiment une : que son cousin cesse de le couvrir, comme s'il pouvait seulement claquer des doigts et se désolidariser d'un nom de famille qui finira par faire écho au sien et d'un lien que l'un et l'autre n'ont jamais pu trahir.

Foutu pour foutu, Mickey en vient même à envisager d'éliminer le type qui ne rêve que de faire la même chose avec lui, des pensées qu'il n'avait encore jamais eu de façon sérieuse mais qui, aujourd'hui, sonneraient presque comme l'issue la plus probable de cette guerre que le boxeur refuse de perdre par principe. Si Dom veut jouer alors ils joueront à deux, s'il veut s'armer alors il fera de même et s'il compte le traquer, qu'il sache que la réciproque pourrait être vraie là aussi. Et Jackson dans tout ça ? Il va être père et cette réalité n'est pas anodine, pas alors qu'un enfant comptera bientôt sur lui et que quatre ans plus tôt, Mickey replongeait sous les yeux innocents de sa fille. Il ne veut pas d'un autre destin brisé dans la famille, sous-entendant que tomber seul sera toujours plus acceptable que de tomber à deux mais face à lui, son cousin n'a pas vraiment le regard de celui dont la protection pourrait s'arrêter ici. Pire, son silence est presque plus parlant que ses mots quand bien même les prochains ne manquent pas de le faire sourciller. « On doit s'préparer. » Ce on n'a rien d'étonnant quand on connait la force de ce qui les lie mais sur le moment, Mickey se demande quand même ce qu'il peut englober. « Pourquoi tu parles comme si j’étais pas le seul à avoir fait de la merde ? » Il espère se tromper en ressentant que Jackson trimballe peut-être bien lui aussi son lot de conneries ou du moins, veut croire qu'elles ne pourront jamais être pires que les siennes. Impossible, dirait-il. « C'est pas toi contre moi, Scar ... » Le surnom choisi le ferait presque sursauter car aujourd'hui, ce dernier est autant associé à sa gloire sacrifiée qu'à son implication dans le monde de la nuit. Scar représente à la fois le meilleur et le pire en lui, symbole d'un entre-deux dans lequel Mickey s'est perdu et d'une vie conjuguée au présent comme au passé entre ce qu'il a perdu et ce qu'il peut encore perdre à la différence qu'ici, sa vie n'est plus la seule à pouvoir en pâtir. « On n'a rien a gagner à la jouer solo sur ce coup, crois-moi. » Qu'il range donc sa fichue fierté et accepte d'entendre cette vérité : non, il ne pourra pas écarter Jackson cette fois et non, il n'ira bien loin sans son cousin même s'il aurait grandement préféré que ses mauvaises décisions n'impactent que lui. « Je sais et c’est pas ce que je veux non plus. » Car la jouer en solo, Mickey l'a sûrement bien trop fait jusqu'à présent et le résultat n'est pas glorieux, preuve en est leur discussion ce soir. Ses conneries, à défaut de pouvoir les réparer, il entend au moins en limiter les dégâts en s’alliant au meilleur coéquipier qui soit : son cousin, à ses côtés depuis toujours et mieux placé que personne pour le faire réfléchir. Ce n'est pas pour autant que Mickey entreprendra de s'assagir mais cet échange qu'ils ont actuellement entre branches du même arbre, il ne pourra pas prétendre l'oublier après coup.

Leur lien du sang en fait des complices tous désignés et même si Mickey aurait honte de l'avouer, il est un peu rassurant de se dire que Jackson sait en partie dans quoi il trempe car c'est tout autant de secrets qu'il n'aura plus à avoir pour lui. « Ce type ... Est-ce qu'il travaille seul ou pour quelqu'un ? » Et déjà l'intérêt de son cousin pour celui à l'origine de ses entailles ne se fait pas attendre, supposant qu'ils détiennent maintenant un ennemi en commun dans cette ville. Il hausse alors les épaules et ne prétend pas mentir. « Je connais pas grand-chose de lui et son nom, je suis même pas sûr que ce soit le bon. » Dom n’est peut-être qu’un pseudonyme dans le milieu, il n'a à vrai dire jamais vraiment cherché à le savoir et ce soir encore, Mickey ne le voit pas comme un problème à côté du reste. « Je dirais que c’est pas le genre à bosser pour quelqu’un mais il est pas seul, je l’ai vu entouré de ses gars une fois. Un de ces quatre, je serais pas étonné qu’il les envoie me "saluer" tiens. » Il laisse échapper un bref rire, aussi froid que résigné. Qu'il les envoie donc se charger de lui, d'ici-là Mickey espère bien avoir de quoi se défendre en dehors de ses poings et sans surprise, il n'ira se vanter de rien face à son cousin si un flingue doit un jour lui parvenir entre les mains. « Il a fait de la prison sinon, ça fait pas très longtemps qu’il est dehors d'après ce qu'on dit et moi, j’ai été assez con pour lui emprunter du fric en sachant ça. » Ses fréquentations sont toujours aussi mauvaises, son cousin ne rêve pas et pourtant Mickey le jure, son intention n'a jamais été de collectionner à tout prix ces dernières. C'est alors qu'une prise de conscience le saisit au ventre et l'amène à se raidir, comme si Mickey réalisait l'ampleur du merdier dans lequel il se trouve ou plutôt, les conséquences qui pourraient très largement dépasser les premiers concernés. « Putain Jax. Le type doit avoir quarante ans, t’imagines s’il a des gosses ? » Et merde. Peut-être même qu'il est marié et cette autre pensée le confronte à toutes ces vies que cette histoire pourrait briser, comme s'il ne songeait pas déjà assez à sa propre fille et à celle qu'il n'a jamais cessé de considérer comme la femme de sa vie. « Ça me ferait chier de rendre un gamin orphelin. » il souffle alors entre deux soupirs, pas franchement à l'aise avec l'idée de faire subir à un enfant ce qu'il a lui-même connu mais bien décidé, pourtant, à en finir avec Dom si ce dernier compte s'acharner. S'il n'a aucun doute quant au fait qu'il soit un mauvais type ce n'est nul autre qu'un père qui pourrait être arraché à un être innocent et cette réalité le tiraille, bien plus qu'il ne l'aimerait. T'as pas envie qu'un autre gosse passe par là et finisse comme toi, que sa foutue conscience ose même lui dicter.

« Parce que c’est le cas. » Si son cousin se contente d'en rester là, un simple regard échangé persuade Mickey que son interlocuteur signe devant lui des aveux silencieux. Ces mots sont après tout lourds de sens, si lourds que le boxeur n'a pas besoin d'en entendre davantage pour comprendre qu'ils figurent bel et bien sur le même bateau. Tous deux fourrés dans de sales histoires et destinés à faire équipe pour ne pas plonger, voilà où leur relation semble en être rendue et ce n'est évidemment pas une chose que Mickey serait fier d'annoncer aux enfants qu'ils ont un jour été pour les préparer à cette rude réalité et aux conséquences leur pendant au nez. Il ignore à quel point les ennuis de Jackson sont sérieux, il ignore même de quoi son cousin s'est rendu coupable, mais poser des questions n'est pas son intention quand il peut presque aller chercher ses réponses dans le blanc de ses yeux. Il n'a pas besoin d'un nom ni même besoin de précisions, certaines choses valant mieux de ne pas être dites car ici comme ailleurs, on ne sait jamais si les murs n'en seront pas témoins. Mickey ne fait en revanche pas un secret de son violent différend avec Dom, ce dernier ayant promis de lui faire regretter jusqu'à son existence et ce, sans que ces menaces soient parvenues à le faire trembler une seule seconde. Il n'a pas peur d'un type comme lui, pas plus qu'il n'a d'ailleurs peur de la mort mais il refuse en revanche de le laisser rôder autour de lui sans prendre ses précautions, pour la simple et bonne raison que Mickey n'a jamais été du genre à se laisser atteindre facilement. Il n'est pas de ces adversaires que l'on éradique du premier coup, ni de ces types suppliant qu'on les épargne car Dom n'est pas près de le revoir à genoux, l'ancien champion se l'est juré. « Porte un couteau. » Bien sûr, Mickey y a pensé. Ce n'est pourtant pas son option préférée, lui que le sang n'a pourtant jamais répugné s'imagine étrangement faire les choses proprement car à ses yeux, rien ne vaut la précision d'une balle bien placée. « Ou un flingue. » Plus rapide et efficace à son sens, même s'il n'en sera que plus risqué aussi. Certains penseront qu'il ne veut pas se salir les mains ou qu'il compte prendre Dom ou ses minables disciples en traitre, mais dans la réalité Mickey doit avouer que faire les choses à distance ne lui déplairait pas compte tenu des limites qu'il pourrait déjà franchir. Il y a une sacrée différence entre se battre comme il le fait les trois quarts du temps et liquider quelqu'un avec ce que cela sous-entend, une sombre entreprise à laquelle Mickey s'adonnera par nécessité mais sûrement pas par plaisir. Ce n'est pas un jeu, des vies en dépendent et cette discussion en devient bien trop sérieuse pour que le boxeur ne soit pas rattrapé par sa conscience. Il jurerait pourtant ne pas l'avoir conviée.

Et si Dom était un père dont des enfants attendent le retour chaque soir avec des souvenirs d'école à lui raconter ? L'imaginer à la tête d'une famille n'est bon qu'à lui tordre le bide et il déteste à cet instant ces pensées qui le tiraillent. Il pense à sa fille, oui, mais aussi au jeune Michael à qui un père a été brusquement arraché. Il ne méritait pas de grandir sans figure paternelle et ces enfants ne le méritent pas eux non plus, mais peut-il sérieusement s'égarer dans un tel raisonnement quand Dom prévoit de son côté de ne s'encombrer d'aucune culpabilité ? Jackson a pour sa part un avis bien tranché. « Penses pas à ça. » Il aimerait bien balayer ces questions comme elles lui viennent et n'y voir qu'un homme à éliminer, c'est le niveau de froideur auquel Mickey peut présentement aspirer mais il faut croire que le père et l'orphelin en lui se sont passés le mot pour le faire réfléchir. Dom l'a menacé le premier, il est aussi celui qui n'a pas hésité à frapper et contre lequel le boxeur pourrait être de nouveau amené à riposter, et ce n'est pas dans un moment pareil que les enfants de l'un ou de l'autre pourront compter. Aussi triste que vrai, s'il doit être question de sa peau ou de la sienne, Mickey ne pourra pas se permettre de peser le pour et le contre car il le sait, son temps de réaction pourrait être très court et ses options tout aussi limitées. « J’vais me renseigner. Y’a forcément plusieurs solutions, mais on doit choisir la bonne. » Ou à défaut, il faudra peut-être choisir la moins pire. Mickey lui adresse un regard entendu, plus reconnaissant qu'il ne peut à cet instant le montrer car voir Jackson prendre officiellement part à l'affaire le rassure autant que le contraire. Il n'est plus seul et peut compter sur les moyens relatifs au métier de son cousin, mais il sait aussi que ce n'est pas rien lorsque ce dernier s'engage à se renseigner. Complices, c'est bien l'étiquette figurant sur leurs fronts respectifs et Mickey mentirait s'il disait se sentir parfaitement serein ici. Tout est bien plus compliqué quand ils sont deux à pouvoir tomber, d'où l'importance de l'avertissement déguisé que son ainé vient après ça lui adresser. « Fais pas l'con et reste en vie jusqu'à ce que j'te revienne avec un plan. » Il hoche la tête et ne décroche pas son regard du sien, peu importe ce que Jackson pourra y lire. Un semblant de trouille, peut-être. « Toi aussi, fais attention. » C'est bien tout ce qui lui importe avant même sa propre sécurité car si l'agent doit se faire prendre, ce sera le pire échec que leur famille pourra affronter. « Ça les a pas fait chier d'buter Clancy. » Un frisson le parcourt face à ce terrible rappel, celui que Mickey a encore bien trop de mal à regarder en face comme tout ce qui s'apparente à son père. Le sujet ne cessera jamais d'être hautement sensible comme très douloureux, mais il ne peut qu'accorder un point à son cousin face à ce fait avéré. « Ouais. » souffle-t-il en gardant le reste de ses pensées pour lui, comme le fait qu'il ne pourra jamais le leur pardonner. Ils n'en avaient rien à faire d'abattre un flic possiblement père et encore, Clancy figurait parmi les meilleurs hommes que pouvait compter cette ville. Pas un titre auquel Dom peut prétendre, lui. « Ce mec vaut pas le tiers de ce que valait mon père. » Sa gorge prend feu en le disant mais pour une fois, Mickey en parle comme de celui qu'il était et, surtout, celui qu'il a perdu. Pas de détour pour éviter le sujet ou pour ne pas devoir prononcer son nom car en faire un tabou ne le fera pas revenir, et n'aidera pas non plus un travail de deuil jamais vraiment commencé. « Je me tiens tranquille en attendant tes nouvelles. Juré. » Une promesse que Mickey s'efforcera bel et bien de tenir, lui que d'autres faits ont de toute façon tendance à assagir malgré lui. Peut-être bien que dans le fond, cette vie-là ne l'amuse plus.