Tu es la personne la moins concernée de la salle et, pourtant, tu es sûrement la plus captivée. Ton regard n'arrive pas à se détacher de celui qui raconte son histoire possiblement pour la première fois devant l'auditoire. Tu n'arrives pas à dire si ce que tu vois et ce que tu entends te touche ou t'horrifie. C'est une histoire horrible qui est racontée, mais elle est racontée avec tellement de remords qu'on a pas tellement envie de lui en vouloir. On a envie de tout lui pardonner. Facile à faire quand tu es extérieur à tout ça, quand tu ne connais ni l'homme, ni ses victimes et encore moins son histoire. Sa femme (ou plutôt ex femme si tu as bien compris) n'est sûrement pas prête à lui pardonner ses violences. Après tout, l'alcool ne peut pas tout excuser. Est-ce que c'est comme ça que Alfie se sent à l'intérieur de lui ? Est-ce qu'il se sent aussi déchiré, détruit que l'homme en sanglot à l'avant-scène ? Est-ce qu'il va finir par éclater comme lui ? Est-ce qu'il sera seul quand ça lui arrivera ? C'est la pensée qui te fait le plus souffrir. Il sera seul, parce qu'il est trop fier pour aller chercher de l'aide.

Lorsqu'on annonce dans la salle prendre une pause de quelques minutes pour laisser le temps à l'homme de reprendre ses esprits, tu as l'impression de cligner des yeux pour la première fois depuis le tout début. Tu réalises que tu as même versé une larme pour cette personne que tu ne connais absolument pas. Tu ne connais personne ici, et pourtant, tu es aussi chamboulé que si c'était ton propre père qui aurait pris la parole. C'était peut-être pas la meilleure idée du siècle de venir ici - c'est pas comme si tu étais la championne des bonnes idées c'est temps-ci hm - mais tu as encore envie d'entendre la suite. La plupart des autres sont sortis pour griller une cigarette (changer une addiction pour une autre sans doute), c'est lorsque tu te diriges vers la table qui offre café et collation (sucre et caféine, encore un changement d'addiction) que tu réalises que ce ne sont pas tous les visages qui te sont inconnus finalement. « Oh euh… salut. » Ça, c'était pas prévu. Et ce ne l'était sûrement pas de son côté non plus. Même si tu ne connais pas Finnley personnellement, ça reste que, ouais, tu voulais juste te fondre dans la masse sans que personne ne te porte la moindre attention. « Je m'attendais pas à… » voir un visage connu. « ... peu importe. » que tu ajoutes aussitôt, en revenant sur tes paroles. Ouais, peu importe. On est censé réagir comment dans une situation pareille ? Ce n'est sûrement pas le meilleur endroit pour lui demander comment il va, ni même pour prendre poliment de ses nouvelles. Aucune idée, mais tu n'es pas à l'aise et ça crève sûrement les yeux. Si tu pouvais disparaître sous le sol, tu le ferais. « Désolé, je voudrais pas que ma présence te mette mal à l'aise. » Autrement dit, tu partiras dans la seconde qui suit s'il le souhaite. Il n'a sûrement pas envie que la fille qu'il a croisé quelques fois dans les couloirs de l'hôpital l'entende raconter la fois où il a heurté un gamin parce qu'il conduisait sous l'effet de substances illicites. Oh oui à partir de maintenant tu imagines que chaque personne dans cette salle à une histoire à faire glacer le sang.

@finnley coverdale

Un an. Finnley est sobre depuis une année. Une année interminable, si on lui demande son avis, tant la tentation n’est jamais loin. Certains diront qu’il devrait se féliciter d’avoir tenu le coup malgré l’envie toujours plus forte, toujours plus présente. D’autres souligneraient les efforts fournis depuis qu’il a pris conscience que ses décisions, une fois alcoolisé, n’étaient certainement pas à ranger dans la catégorie des « bonnes ». Finnley, lui, est incapable de donner les raisons exactes derrière cette surprenante volonté. Quand Edge lui a conseillé d’aller étape par étape, qu’il s’est contenté d’envisager un mois d’abstinence, jamais il n’aurait cru qu’il en serait là un an plus tard. Il pensait qu’il retomberait dans l’alcool à la première occasion, ou que le combat serait bien plus marqué que ça, fait de visites hasardeuses dans des bars, de promesses de ne toucher qu’à un verre, d’exceptions mises en place pour les grands événements, accompagnés de ses amis. Mais Finn a tenu le coup. Il a usé d’un nombre interminable d’excuses, mais n’a jamais flanché, malgré son envie toujours bien présente, dont il était néanmoins persuadé de réussir à se débarrasser un jour ou l’autre. Un an après, le constat est sans appel : Finn est sobre depuis un an, et sa première pensée à l’idée de fêter ce cap a été de vouloir boire pour célébrer.

Il sent qu’il flanche. Le cap est loin d’être une réussite pour le rouquin, aux idées bien arrêtées et à la vision du monde parfois surprenante. Là où d’autres verraient un succès, lui n’y voit que l’échec qui suivra le jour où il replongera. Parce qu’il est pessimiste, Finn, et que jamais il n’a sérieusement envisagé qu’il pourrait tenir le coup. Et même aujourd’hui, douze mois après sa dernière goutte d’alcool, il n’envisage pas de réussir à tenir cette bonne résolution sur la durée. L’alcool lui manque. Atrocement. Toujours plus, et la récente libération de sa mère n’a été que la dernière preuve qu’il attend un événement suffisamment important, suffisamment justifiable, pour flancher à nouveau. Il ne tiendra pas. Il sait bien qu’avec de tels discours, il cédera d’autant plus vite, mais Finn se connaît suffisamment pour savoir que sa volonté finira par craquer ; et que son besoin sera plus fort que le reste. Pour l’heure, l’esprit n’est donc pas à la célébration, le rouquin était habité par un certain fatalisme avec lequel il ne sait pas composer. Il a même envisagé de boire la semaine dernière, pour ne pas se heurter à ce cap et ne pas s’infliger l’inévitable déception qui surviendra au moment de réaliser que tous ses efforts n’ont servi à rien, puisqu’il est voué à se retrouver à la case départ.

Parce qu’il est pris au piège par cette ambivalence, par cette fatalité qui s’annonce autant que son envie de bien faire, il s’est rendu à une réunion – plus par besoin que par envie, une fois encore, de marquer son cap ou de s’en vanter. Au contraire, il est resté en retrait là où d’ordinaire d’autres se seraient empressés de recueillir les félicitations. Personne ne se surprend de son attitude, Finnley ayant pris pour habitude de saisir son tour qu’en cas d’extrême nécessité, ou lorsque les statistiques sont contre lui. Loin d’être le meilleur participant, mais désirant conserver sa place au sein de ces groupes, il ne se dévoile que lorsqu’on s’agace de son silence – et puisqu’il a parlé il y a deux semaines, il estime pouvoir passer son tour pour les deux ou trois prochaines réunions. D’autres ont bien plus à dire que lui, même s’il doit admettre qu’évoquer la libération de sa mère a été difficile, mais lui a permis d’ôter un poids qui compressait sa poitrine. Ce n’est pas parce qu’il se réduit au silence qu’il n’est pas d’une oreille attentive, et Finn respecte le temps de chacun. Il essaie, du moins. Car au loin, guette une présence qui n’est pas la bienvenue, pas plus qu’elle n’était anticipée, alors qu’il a cru reconnaître Juliet. Prostré de son côté de la salle, il lui lance des coups d’œil à intervalles réguliers, nerveux à l’idée qu’elle ait pu le reconnaître alors même qu’il ne lui doit rien. Mais sentir sa présence ici, alors qu’il s’agit d’un lien supposément sécurisant pour lui, n’est de loin pas quelque chose à laquelle il s’attendait, et on ne peut pas dire que Finnley apprécie cette impression. La pause est donc toute indiquée pour qu’il puisse statuer quant au fait de rester ici ou de déguerpir. En réalité, Finn n’opte pour aucune des deux options, préférant confronter la jeune femme à sa présence ici. « Oh euh… salut. » - « Salut. » Il rétorque en arrivant à son niveau, se servant un peu d’eau chaude dans laquelle il trempe un sachet de thé noir. « Je m'attendais pas à… » Il hausse un sourcil peu convaincu, l’invite à finir sa phrase. « ... peu importe. » Peu importe, oui. Juliet est gentille. Dans ses souvenirs, du moins, elle l’a toujours été. Ce n’est pas pour autant qu’il sera plus clément, alors qu’il possède une certaine mauvaise foi et une franchise qui ne font souvent pas bon ménage. « Désolé, je voudrais pas que ma présence te mette mal à l'aise. » - « C’est le cas. » Il l’informe, car il s’agit bien de présent et non de conditionnel. Il n’essaie pas de la ménager, sans pour autant tenter de la mettre dehors ; elle a sûrement des raisons d’être ici et ce n’est donc pas à lui d’en décider. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Il l’interroge, son regard qui se permet de glisser sur elle pour lui faire comprendre qu’elle n’a pas le profil type des gens qui viennent ici.

@Jules Rhodes

« Salut. » Tu ne sais pas sur quel pied danser depuis la seconde où ton regard a croisé celui de Finnley. La salutation complètement neutre de sa part ne t'aide pas vraiment à prendre une direction quelconque. C'est idiot de se sentir coupable simplement en voyant un visage connu. Au fond, comment peut-il savoir la raison de ta venue ? Le mot addict n'est collé sur le front de personne ici. On dit souvent qu'on ne sait pas ce qu'il se passe dans une maison une fois les portes closes. Même les personnes avec les réputations les plus impeccables peuvent cacher de sombre secret - ce sont même souvent eux les pires. C'est peut-être justement ça le problème : tu n'as pas envie qu'il te mette dans le même panier que les autres quand bien même tu ne juges aucunement sa présence ici. Après tout, c'est tout à son honneur d'être ici à tenter de garder la tête hors de l'eau au lieu de retourner vers ces vieux démons - peu importe ce qu'ils sont. Tu prends alors les devants. Tu ne veux pas lui imposer un visage familier dans un endroit qui devrait respecter son anonymat. Tu sais où se trouve la porte de sortie si ta présence le met mal à l'aise. Ce n'est sans doute pas le seul groupe de parole que tu peux épier. Peut-être que cet échec suffira à t'enlever l'envie de revenir une autre fois. « C’est le cas. » Ah. On peut dire qu'il est plus que direct. Et ça n'aide en rien à diminuer ton malaise face à lui. Tes yeux s'agrandissent légèrement avant de se détourner de lui pour se diriger vers le chemin menant à la sortie. La voie est bel et bien libre. En quelques enjambées, tout ceci sera derrière toi. Tu étais sur le point de bredouiller des excuses supplémentaires - à croire que tu ne sais que t'excuser pour aucune raison à tout le monde - lorsque Finnley reprend la parole. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » Tu as beau le connaître à peine, ce n'est pas trop difficile de comprendre que le regard qu'il pose sur ta silhouette veut dire que tu fais tâche dans le décor. Les apparences trompeuses ne sont pas quelque chose qu'il a appris ici ? Ou alors ils ont un espèce de radar pour se reconnaître entre eux ? Peu importe, il a vu juste et ce serait complètement idiot de prétendre le contraire. Tu serais repéré au premier mensonge qui sortirait de ta bouche de toute manière. « J'ai un… ami- "ami" hm, hm, tu es zéro convaincante dans ta simple manière de prononcer ce mot. - qui a des problèmes et je… j'essaie juste de comprendre comment l'aider. » Les quelques minutes passés ici ne t'éclairent pas vraiment sur la bonne méthode à employer pour aider Alfie, mais tu n'en peux plus de juste rester assise à attendre pendant qu'il se détruit un peu plus tous les jours. Alors tu as eu envie d'entendre sa vision des choses au travers de la parole d'autres personnes au problème semblable. « Il est du genre borné tu vois. Il trouverait sûrement ce genre d'endroit inutile. » Ou il ferait semblant qu'il trouve ça idiot et inutile. Alfie n'irait jamais admettre devant quelques inconnus qu'il a un problème. Il n'est même pas capable de se l'avouer à lui-même. Pourtant, ça lui serait sûrement bénéfique. « J'doute que ça t'intéresse vraiment. » La phrase parfaite de la fille qui fait genre qui ne veut pas étaler ses problèmes à quelqu'un, alors que, oui, totalement, tu pourrais te confier à lui pendant des heures. Quelqu'un qui n'en a pas marre de t'entendre parler de Alfie, ça court par les rues. Mais au vue de ses paroles très claires concernant ta présence dérangeante, tu doutes que Finnley soit du genre à écouter une femme se plaindre sur des problèmes bien insignifiants comparativement au siens. Pourtant, tu pourrais être cette personne pour lui. Tu peux être cette personne pour tout le monde.

Elle dérange, oui. Finnley n’essaie pas de prendre de pincettes quand il le verbalise, parce que ça n’a jamais été son genre. Elle pose une question, il y répond, peu importe si la réponse n’est pas celle qu’elle espérait. S’il lui arrive parfois de songer aux mots qu’il utilise, il n’a jamais été partisan des grands efforts visant à tirer une situation en longueur pour ne pas vexer les partis impliqués. Dans ce cas précis, tout est très clair : elle est là, elle s’inquiète de son malaise, il le confirme. Il ne voit pas pourquoi il devrait arrondir les angles pour lui offrir une réponse similaire ou, pire encore, prétendre que ce n’est pas un problème et s’enfoncer dans son inconfort. C’est sans doute égoïste, mais c’est aussi une manière de ne pas se jouer de Juliet en détournant la vérité. Ainsi, les choses sont dites et ce n’est pas parce qu’il peut manquer cruellement de délicatesse qu’il compte lui demander de quitter les lieux ; non, il peut être brusque, mais Finn tend à apprécier les consensus pour que tous les partis soient satisfaits. En l’occurrence, il s’agit surtout de lui demander ce qu’elle fait ici afin qu’il puisse envisager de ne pas se rendre aux mêmes réunions qu’elle, ou, à défaut, lui demander de ne pas ébruiter ce qu’elle pourrait entendre de sa part – encore faudrait-il qu’il se décide à prendre la parole. Mais bien que sa présence accentue son malaise, le fait est qu’elle a tout autant le droit d’être ici – même s’il n’aurait jamais pu imaginer Juliet Rhodes avec une quelconque dépendance à l’alcool. Les gens sont surprenants, ma foi. « J'ai un… ami qui a des problèmes et je… j'essaie juste de comprendre comment l'aider. » Et décevants, aussi, alors que les yeux de Finnley se ferment légèrement, ses sourcils qui se froncent pour traduire de son désaccord quant à cette manière de faire. « Il existe des réunions réservées aux proches. » Ce n’est pas tant un reproche qu’une manière de l’en informer. Évidemment, qu’elle soit là alors qu’elle n’est pas personnellement concernée lui déplaît parce qu’elle n’est pas la première à se rendre à une réunion, poussée par une curiosité déplacée. Pour autant, sans être particulièrement proche de Juliet, il sait qu’elle n’a pas un mauvais fond et que ses intentions sont réellement celles qu’elle évoque et, malgré tout, elle est concernée, indirectement. Pour cette raison, il n’ira pas jusqu’à lui demander de quitter les lieux, car aussi distant qu’il puisse être, il n’en a pas moins une empathie bien cachée. « Il est du genre borné tu vois. Il trouverait sûrement ce genre d'endroit inutile. » - « Comme nous tous au départ. » Il précise, pas nécessairement pour la rassurer, mais désireux cependant qu’elle possède cette information. Il ne connait personne dans cette salle qui soit venu en sautillant et sans y réfléchir à deux fois. Lui-même a mis un certain temps avant de se résigner à pousser la porte de cet endroit. « J'doute que ça t'intéresse vraiment. » - « J’doute que t’aies envie de garder tout ça pour toi. » Il rétorque, simple constatation, alors que si les rôles avaient été inversés, il n’aurait certainement pas précisé autant de détails à cette question piège. Il aurait sans doute souligné que ça ne la concerne pas, ou aurait précisé qu’il a de bonnes raisons, sans pour entrer dans les détails. À la rigueur, il aurait pu se sentir accusé et disparaître sans même prendre la peine de se justifier. Jamais il ne se serait épanché sur la question, contrairement à Juliet, et encore moins face à quelqu’un qui relève de la connaissance plus que de l’ami. « Tant qu’il voudra pas être aidé, tu ne pourras rien faire pour lui, Juliet. » Il précise, avant d’ajouter, sur un ton parfaitement neutre : « C’est peut-être brutal, mais c’est la vérité. » Et elle le sait sans doute autant que lui, alors qu’il plante son regard dans le sien durant quelques instants. « Et je suis pas sûr qu’entendre les autres t’aide à mieux vivre la situation. » Ce n’est pas ce qu’elle recherche ; pour autant, avant tout espoir, elle aura surtout des témoignages décrivant la descente aux enfers que ces gens ont connus ; pas sûr qu’elle ait besoin de ce degré d’immersion.

@Jules Rhodes

À la simple réaction de Finn à tes paroles,  tu as l'impression d'avoir échoué au contrôle sans même savoir que tu étais en train d'en passer un… En fait, oui, tu savais déjà que tu n'avais rien à faire dans ce lieu (même si tu avais envie de croire le contraire), l'homme en face de toi ne fait que confirmer ce que tu ne voulais pas t'avouer au départ. Il est toutefois trop tard pour rebrousser chemin. « Il existe des réunions réservées aux proches. » Des réunions où tu vas apprendre ce que tu sais déjà ? Des réunions qui te feront réaliser des choses que tu n'as pas envie d'accepter ? Là où on t'apprendra les premiers signes que tu n'as jamais vus ? Ceux qui auraient sûrement permis à ce que les choses se passent différemment pour Alfie et pour la survie de votre couple sans doute ? Non, tu n'as pas envie d'être là-bas. Tu veux être ici. Sauf que tu déranges. Tu n'as pas ta place. Où est-elle alors si elle ne peut être ici et que tu ne veux pas qu'elle soit là-bas ? « Comme nous tous au départ. » Personne n'a envie de se retrouver ici à confirmer qu'ils ont un problème et qu'ils ont besoin d'aide au départ. Ça veut aussi dire qu'éventuellement, la mentalité change en quelque sorte, quand on atteint le véritable fond sans doute. Est-ce que Alfie pourrait tenir un pareil discours dans quelques semaines ? quelques mois ? plus encore ? Tu as envie d'espérer que oui. « J’doute que t’aies envie de garder tout ça pour toi. » Non, tu n'en as pas envie, mais tu n'as personne avec qui le faire. Personne qui ne soit totalement impartial dans toute cette situation. Personne pour qui Alfie n'est pas le méchant de l'histoire. Est-ce une invitation à le faire avec lui ? Tu as du mal à croire que oui même si ce ne serait pas de refus de vider tout ton sac à un quasi inconnu. Surtout si c'est pour ne jamais le recroiser, ou presque. « Tant qu’il voudra pas être aidé, tu ne pourras rien faire pour lui, Juliet. » Ton regard se dévie sur le côté pendant quelques secondes. Au fond de toi, c'est quelque chose que tu sais déjà. Sûrement que tu ne fais qu'empirer les choses en forçant quelque chose que Alfie ne désire pas. « C’est peut-être brutal, mais c’est la vérité. » En effet, c'est brutale, mais tu n'es pas encore prête à assimiler cette information. « Donc ton meilleur conseil, c'est de le laisser se tuer à petit feu ? » Tu peux pas faire ça. Finnley n'a pas besoin de te l'entendre dire à voix haute pour le comprendre. Tu ne peux pas juste rester les bras croisés et prendre le risque qu'il consomme une fois de trop. Alfie a côtoyé la mort de trop près de trop nombreuses fois pour que tu aies confiance en l'avenir. « Ça ne semble pas très judicieux. » que tu ajoutes comme si c'était toi l'experte et lui l'ignorant. Son jugement est sans doute bien plus judicieux que le tien peut l'être. « Et je suis pas sûr qu’entendre les autres t’aide à mieux vivre la situation. » Après moins d'une heure à écouter les autres, tu ne peux pas dire si ça t'aide ou non, mais tu n'es pas vraiment venu ici pour t'aider toi. Tu es bien la dernière dans tes priorités de bonheur alors que tu devrais être la première. « Je ne fais pas ça pour moi. » Tu le fais pour Alfie, comme toujours. « J'essaie juste de comprendre l'autre côté de la médaille. » Ne dit-on pas qu'on a besoin des deux côtés de la médaille pour comprendre une histoire ? L'autre côté est un total mystère pour toi. Un univers que tu ne comprendras jamais en entièreté, mais tu as au moins le mérite d'essayer de le comprendre. « Tu t'es jamais posé la question ? » que tu lui demandes sans que ce ne soit un jugement qu'il ne l'ait jamais fait. Il n'y a que les victimes pour se mettre à la place de leurs bourreaux et certainement pas l'inverse.

tw : addiction & alcool

Sans excuser le raisonnement de Juliet, il peut le comprendre ; toutefois, il est persuadé qu’elle serait plus à son aise en échangeant avec d’autres personnes dans sa posture. Des proches, en d’autres termes, ceux qui voient leur conjoint, enfant, parent, se détruire à petit feu alors que leur sentiment d’impuissance s’accentue en fonction de la gravité de la situation. Ici, elle n’entendra que des récits qui, s’ils sont parfois conclus d’une pointe d’espoir, révèlent toute l’ampleur du problème et il n’est pas certain qu’entendre des expériences de vie aussi tragiques puisse réellement l’aider. D’autant que les proches ont un rôle à jouer dans la plupart des cas, et qu’elle n’est sans doute pas prête à être mise devant ses propres erreurs – si elles existent, il s’abstient de juger. S’il n’a pas caché que la présence de la jeune femme le mettait mal à l’aise, il se doute aussi que sa posture doit être délicate ; personne ne vient ici de gaieté de cœur et encore moins les principaux concernés, comme il lui l’avoue. Il ne compte même plus le nombre de fois où ses proches ont suggéré l’idée, pour qu’il la rejette aussitôt. C’est quand ils ont commencé à se faire à l’idée qu’il était inutile d’insister parce qu’il n’avait aucune envie d’aller mieux que Finn a commencé à ouvrir les yeux et qu’il a lui-même sauté le pas, sans pression extérieure, et c’est sans doute ce qui lui permet de se rendre encore ici aujourd’hui. Parce qu’il le voulait, malgré son ambivalence, et qu’il ne se contentait pas de faire ce que l’on attendait de lui. C’est pas totalement des conneries, les histoires de volonté comme principal facteur pour s’en sortir. Il ignore tout de la situation de l’ami de Juliet, il sait seulement que ce n’est pas elle qui pourra le forcer à venir ici. Ou plutôt, il ignore presque tout, puisque la jeune femme semble contenir beaucoup de choses pour elle – raison de plus pour la diriger vers le groupe de proches, où elle pourra partager son expérience avec des personnes qui sont passées, ou passent encore, par là. Mais elle n’a pas l’air très enthousiaste à cette idée, et il ne peut que tenter d’appuyer son propos. « Donc ton meilleur conseil, c'est de le laisser se tuer à petit feu ? » - « J’ai pas dit que c’était un bon conseil. » Il n’a jamais prétendu que son conseil était le meilleur, il ne l’est certainement pas, mais il est sans doute le plus réaliste. « Mais c’est soit toi, soit lui. D’une façon différente, c’est tout. » Son ami en plongeant dans l’addiction, Juliet en s’épuisant à essayer de le sauver contre sa volonté. « Ça ne semble pas très judicieux. » Il hausse les épaules, rétorquant d’un ton cynique : « pas plus que de commencer à consommer. » En d’autres termes, à comportement peu judicieux, conseil qui l’est tout autant. Finnley ne dit pas qu’il ne faut pas tendre la main, il n’aurait sans doute pas pris la pleine mesure de son problème si personne n’avait essayé de l’aider, mais toujours est-il qu’elle ne peut pas vivre les étapes à la place de son ami et que le risque dans tout ça, c’est qu’elle s’oublie dans toute cette histoire. Elle semble déjà être un dommage collatéral. « Je ne fais pas ça pour moi. » - « Et c’est tout à ton honneur. » Oui, il le pense vraiment. « J'essaie juste de comprendre l'autre côté de la médaille. » - « Il y a pas grand-chose à comprendre, Juliet. C’est une maladie et c’est pas toi qui a le remède. » La dépendance altère le cerveau ; et il ne fonctionne plus comme celui des autres. C’est pas son cerveau qui est concerné, ce n’est pas elle qui peut lui apprendre à réagir autrement. « Tu t'es jamais posé la question ? » Le regard de Finnley reste froid, alors qu’il ne s’attendait pas à ce que la situation se retourne à son désavantage. Faire la leçon à Juliet est bien plus appréciable que d’être mis face à ses comportements, peu importe qu’ils soient passés. Ils ont été les siens à un moment ou à un autre, ils ont impacté son entourage. Mais sans se délaisser de l’entier de sa responsabilité, il n’a jamais nié que c’était aussi son entourage qui l’avait mené là en premier lieu. Ça n’excuse pas, mais ça aide à comprendre. « Si, sauf que c’est à double tranchant. » Il rétorque dans un premier temps, portant son gobelet d’eau chaude à ses lèvres. « Soit ça te permet d’avoir une raison de t’en sortir, soit la culpabilité t’amène à tout lâcher. » Tant mieux si c’est la première catégorie qui l’emporte ; dans le cas de Finnley, la honte a gagné et ça a été une excuse pour continuer à s’enfoncer dans son alcoolisme. « Et c’est pas à moi que je devrais poser la question, mais à mes proches. » Il souligne, parce que se poser la question à soi-même est une chose ; obtenir la réponse par les principaux concernés en est une autre. « Tu répondrais quoi, toi, si ton ami te la posait ? J’assume qu’il ne l’a jamais fait. » Sans quoi elle ne serait sans doute pas là, désemparée comme elle l’est. Comment c'est, de l'autre côté ?

@Jules Rhodes

« J’ai pas dit que c’était un bon conseil. Mais c’est soit toi, soit lui. D’une façon différente, c’est tout. » Le bon conseil pour toi n'est pas forcément le bon conseil pour Alfie. Tu te demandes quel genre de discours Finn aurait si c'était Alfie qui était devant lui. Est-ce que ses conseils seraient les mêmes ? Sûrement pas. On a toujours envie de prendre le parti pris de la personne en face de toi. Surtout lorsqu'elle a l'air aussi démunie que tu as l'air devant lui. « pas plus que de commencer à consommer. » Touché. La situation n'a absolument rien de joyeuse, mais sa répartie réussit tout de même à te décrocher un sourire. « Un point pour toi. » Non, c'est sûrement bien moins judicieux de commencer à consommer, de noyer ses problèmes plutôt que d'essayer de les résoudre. C'est bien ce que font les addicts, non ? Les rechutes viennent toujours avec des moments difficiles. « Il y a pas grand-chose à comprendre, Juliet. C’est une maladie et c’est pas toi qui a le remède. » Tu es impuissante. Tu ne peux rien faire. Tu ne peux pas l'aider. Voilà ce qu'il est en train de te dire. Voilà ce que tout le monde essaie de te dire. Un jour, tu l'accepteras. Tu comprendras que tu dois te choisir, que tu dois continuer à vivre, que tu dois te permettre de vivre autre chose. Mais ce jour n'est pas encore arrivé. « Si, sauf que c’est à double tranchant. Soit ça te permet d’avoir une raison de t’en sortir, soit la culpabilité t’amène à tout lâcher. » Peut-être que c'est la raison pour laquelle Alfie est parti, parce qu'il n'arrive plus à vivre avec la culpabilité. Peut-être qu'elle le pousse à consommer encore. Elle ne devrait pas. L'important c'est le présent, c'est l'effort que l'on fait pour réparer nos erreurs, pas le passé. « Et c’est pas à moi que je devrais poser la question, mais à mes proches. Tu répondrais quoi, toi, si ton ami te la posait ? J’assume qu’il ne l’a jamais fait. » Il assume parce que, lui non plus, il ne l'a pas fait ? Il ne voulait pas prendre le risque d'être incapable de remonter à la surface de l'eau ? Mais, non, effectivement, Alfie ne t'a jamais posé la question. Il n'a jamais voulu connaître la réponse et tu ne lui aurais sûrement pas dit non plus. Tu n'aurais pas pris la chance qu'il s'enfuit de nouveau. Pourtant, c'est quand même ce qu'il a fait. Tu marques toutefois une pause pour bien réfléchir à ta réponse. Toi non plus, ce n'est pas une question que tu t'es déjà posé. « J'imagine que j'essayerais de lui mentir. » Et que ça ne fonctionnerait pas, mais qu'il choisirait sans doute la version facile : celle où il n'a rien à se reprocher. Mais ce n'est pas vraiment la réponse que Finnley cherche avec sa question. Non, il cherche la brutale vérité, celle qui fait qu'on s'accroche ou qu'on capitule. Il a envie d'entendre ce que les autres ne lui disent pas. « Je lui dirais que, moi aussi, je sais ce que ça fait d'aimer quelque chose qui nous fait du mal. » Tu aimes Alfie qui lui aime l'héroïne - et toi, un peu, quand même. On dirait que tu comprends mieux les addicts que tu ne le pensais mh. « Peut-être que je suis à ma place ici finalement. » que tu ajoutes alors qu'un sourire triste passe sur ton visage. Peut-être que, toi aussi, tu es malade. Malade d'amour, oui. Autour de vous deux, la vie semble reprendre. La réunion reprendra dans les prochaines minutes et tu as promis de partir, même si tu n'en as toujours pas envie. « J'espère que tu n'es pas trop dure avec toi-même. Ça se voit que tu es quelqu'un de bien. venant d'une Juliet qui voit le meilleur en tout le monde, c'est à prendre en considération (non) Peu importe ce qui t'a poussé jusqu'ici. » Peu importe les erreurs qu'il a commises. Peu importe à quel point il s'est enfoncé du côté obscur. Il est là aujourd'hui et c'est tout ce qui compte.

Finnley n’a pas la prétention de croire que ses conseils sont bons, encore moins utiles ou efficaces. À vrai dire, le terme conseil est sans doute inadapté, parce qu’il ne s’agit pas de ça ; ce n’est pas tant une recommandation sur ce que Jules doit faire dans sa situation, mais plutôt une mise en garde. Il l’a côtoyée quelques fois par le passé, pas assez pour la considérer comme une amie, mais suffisamment pour qu’il remarque ses traits plus tirés, son sourire moins radieux, son ton plus défaitiste. Autant de choses qui ne collent pas avec le souvenir qu’il avait de la jeune femme, et qui peuvent justifier de l’énergie perdue dans une cause qui l’est tout autant. Il n’est pas solidaire, Finnley, sans quoi il aurait modéré son discours pour ne pas être autant défaitiste quant au sort de son ami ; parce qu’il a été à sa place, parce qu’il peut s’estimer chanceux que certaines personnes de son entourage n’ait pas baissé les bras et aient fait preuve de la même détermination que Juliet semble possédé. Il devrait tenter de mettre en avant l’autre point de vue, celui de la personne directement touchée par l’addiction, prise au piège par cette maladie, prétextant s’en sortir sans réellement croire en cette possibilité sur le long terme. Il pourrait, oui, mais il ne connait pas son ami et c’est sans doute ce qui fausse son point de vue ; le sien consiste à poser son regard sur Juliet et y lire toute l’impuissance qui est la sienne. Que son ami sombre, se mette en danger, c’est une chose. Qu’elle le suivre dans sa tentative de le sauver, c’en est une autre.  « Un point pour toi. » Ce n’est pas tant une affaire de points ou de victoire, il ne peut y en avoir dans cette situation. Son ami qui s’enfonce dans une spirale dont il ne ressortira peut-être pas, Juliet qui s’épuise à trouver des solutions qu’il ne veut pas voir, et Finnley qui est involontairement renvoyé à ses propres comportements destructeurs. Personne ne sortira de cette conversation vainqueur, et pendant un instant, il envie toutefois l’ami de Juliet qui continuera  de rester dans l’ignorance de tout ce qu’elle met en place pour lui, et donc de l’absence de culpabilité qui va avec l’indifférence.

Plus la conversation se poursuit, plus Finnley regrette de lui avoir adressé une bienveillance qu’il aurait retirée sans hésitation s’il savait sur quel chemin il s’apprêtait à glisser. Non satisfaite d’exposer la situation de son ami, Jules se permet également de poser les questions qui fâchent, de celles qu’il s’est parfois posées, sans jamais s’arrêter trop longuement sur elles ; conscient que la réponse ne serait sans doute pas à son avantage. Protégé par la perspective que ses deux sœurs aient déserté avant qu’il ne perde son combat contre l’alcoolisme, supposant qu’il n’a ainsi aucun compte à rendre à qui que ce soit et se préservant quelque peu du sentiment de culpabilité inhérent à son addiction, Finnley tente de balayer le sujet au plus vite. Il n’est pas venu ici pour s’en retrouver plus perturbée à la fin de cette séance qu’à son arrivée. Alors il se contente d’une réponse qui reste assez vague, avant de la replacer au centre de leur discussion ; si Juliet se pose autant de questions, c’est sans doute que personne n’a pris le temps de les lui poser, à elle. « J'imagine que j'essayerais de lui mentir. » - « Juste après lui avoir suggéré que le mensonge n’a pas sa place entre vous, n’est-ce pas ? » Ce n’est pas qu’il veut absolument la mettre face à des contradictions. Non, il ne prend aucun plaisir sadique à contrer ses arguments, seulement à lui faire comprendre que la situation est beaucoup plus compliquée que de simplement considérer ses proches comme une motivation suffisante pour s’en sortir. Il se souvient des réflexions de sa sœur cadette quant au fait d’être parfaitement transparent. Mais ça ne marche souvent que dans un sens. « Je lui dirais que, moi aussi, je sais ce que ça fait d'aimer quelque chose qui nous fait du mal. » Et elle a raison, Juliet. Il n’a jamais vu les choses sous cet angle, mais c’est parfaitement recevable ; il n’ira pas jusqu’à prétendre qu’il n’a jamais fait du mal autour de lui parce que c’est très exactement pour réparer celui-ci qu’il est là aujourd’hui. « Peut-être que je suis à ma place ici finalement. » - « Peut-être, oui. » Il concède, plus ébranlé qu’il ne le voudrait même s’il demeure d’apparence neutre. En d’autres termes, elle peut rester. « J'espère que tu n'es pas trop dure avec toi-même. Ça se voit que tu es quelqu'un de bien. Peu importe ce qui t'a poussé jusqu'ici. » - « Tu peux être quelqu’un de bien et quand même faire beaucoup de mal. » L’un n’empêche pas l’autre et en ce sens, il n’est pas sûr qu’il puisse se considérer comme étant ainsi ; pas alors qu’il a encore beaucoup de choses à réparer. « J’espère que ça ira, pour ton ami. » Les gens s’activent autour d’eux, reprenant leurs places. « Et pour toi aussi. » Surtout pour elle. « Si un jour, ça fait trop à garder pour toi, tu sais où me trouver. » Il conclut, avec un sourire pincé, mais sincère, reprenant sa place sans se retourner.

@Jules Rhodes