« Tu restes encore un peu ? » Le regard que lui adressa Swann était empli d’un espoir qu’Arthur n’avait pas à cœur de ravagé. « Je vais juste fumer. » Il chercha à prouver sa bonne foi en dégageant le paquet de cigarette de la poche de son costume ce qui lui valut un sourire de la part de son ami. S’il avait fini par se mêler aux invités, entamant une conversation digne de son intérêt avec l’un des nouveaux beaux-frères de Swann, Arthur avait besoin d’un peu d’air. Il était clean depuis trois semaines et dans sa lutte contre ses addictions, il avait réalisé que fumer quelques cigarettes, lorsque son corps jouait à lui rappeler le manque de drogue, pouvait l’aider à apaiser le tourbillon de ses pensées. Ce n’était jamais pleinement suffisant, l’effet ne restant qu’un trompe l’œil, et Arthur ne passait jamais plus de quelques heures sans que la petite voix sournoise de l’addiction lui rappelle à quel point tout était plus facile sous cocaïne. Dans un tel contexte, quand son cerveau avait toujours fait rimer célébration avec consommation, Arthur se trouvait en prise d’une lutte acharnée contre ses propres instincts et désirs. Ses mains se mirent à légèrement trembler autour de son paquet, signe qu’il devait aller s’en griller une rapidement. « Je reviens. » Qu’il assura fermement à Swann sans jamais se défaire de son sourire de circonstances. Arthur avait besoin de s’isoler quelques minutes loin de l’agitation avant de reprendre son rôle auprès de son ami.

L’air frais provenant de l’océan vint lui fouetter le visage dès qu’il mit un pied dehors. Arthur prit une seconde pour inspirer l’air iodé, profitant du calme environnant pour relâcher la tension qui s’était installé au creux de ses muscles. Il n’allait pas craquer ce soir, il avait simplement besoin de quelques minutes et d’un peu de nicotine. Peut-être également d’une distraction. Elle vint à lui sous la forme de Greta qui venait de quitter la salle à son tour, une cigarette éteinte entre ses lèvres et ses mains occupés à fouiller son sac à main probablement à la recherche d’un briquet qu’elle ne trouvera jamais. Arthur retint un éclat de rire devant la familiarité de la scène. S’il s’était fait violence pour ne pas l’approcher en début de soirée, il était incapable de contrôler les pas qui l’amenaient à se rapprocher de la blonde. Arthur avait assez observé de loin, elle était venue accompagner, mais elle était sortie sans son garde du corps et il avait cruellement envie de l’approcher. Il ne lui avait pas parlé depuis des années, mais depuis leur retrouvaille dans cette boîte de nuit le Coventry passait un peu trop de temps à penser à Greta Sighbury. Elle l’avait toujours un peu obsédé après tout.

Sans un mot, dans un geste qu’il avait tant de fois répété par le passé, il vint se glisser devant Greta pour lui tendre la flamme de son propre briquet. Arthur sut reconnaître la surprise dans les yeux de la jeune femme, il l’accueillis avec un sourire tendre qu’il avait bien longtemps réservé que pour elle. Le silence paraissait s’étirer à l’infini tandis qu’ils consommaient leur cigarette, l’un à côté de l’autre. De sa place, Arthur avait une vue d’ensemble sur l’intérieur du domaine, là où Swann continuait de danser avec son mari. « T’aurais imaginé, un jour, qu’on se retrouverait vraiment tous les trois en Australie ? » Qu’il demanda lentement, soucieux de briser le moment, mais incapable de laisser le silence perdurer entre eux.

@greta moore

Greta avait toujours aimé les mariages et il était aisé de le lire sur son visage quand Rory avait rejoint Swann devant l’autel, le tableau était parfait, les costumes impeccables et le sourire ému de son ami avait réussi à venir humidifier son regard. Lucas s’était évidemment gentiment moqué d’elle et elle avait retrouvé le sourire, s’efforçant de ne pas faire le lien avec sa vie passée avec un Arthur qui n’était jamais loin de son champ de vision. Plus tard dans la soirée, après que les verres d’alcool se soient enchaînés et qu’elle réussisse à en boire un nombre correct, Greta s’était permise une cigarette, un plaisir qu’elle s’accordait à de rares occasions. Arrivant jusqu’à l’extérieur, la blonde cherchait désespérément de quoi l’allumer dans son sac à main sans succès - preuve qu’elle n'était pas une fumeuse compulsive. Quelqu’un s’était approché et l’avait aidée et elle avait hésité un temps à avoir une réaction similaire à celle qu’elle avait eu à l’Electric Playground mais s’était retenue, préférant le silence. « T’aurais imaginé, un jour, qu’on se retrouverait vraiment tous les trois en Australie ? » Appuyée contre le muret qui faisait face à la baie vitrée qui laissait s’échapper les éclats de rire des convives, elle avait doucement soufflé la fumée pour se laisser de temps de formuler une réponse. « Je l’ai cru un jour, ouais. » avait-elle répondu en sachant pertinemment combien les sous-entendus que cachaient cette phrase seraient compris. La surprise des retrouvailles était passée, son animosité et ses larmes de ce soir-là n’interromperaient plus leur conversation pourtant, qu’elle ait lieu ici la troublait. D’une part, il y avait Swann qui irradiait de bonheur depuis la baie vitrée de la terrasse et elle n’avait aucune envie qu’il les voit tous les deux, ne voulant pas lui laisser penser qu’ils allaient gâcher son moment. Ce n’était pas le but, bien au contraire, et c’était probablement la meilleure opportunité pour eux de s’obliger à parler avec toute la cordialité dont ils pouvaient faire preuve. De l’autre, il y avait Lucas, dont le simple sourire réussissait à lui faire oublier l’ensemble de ses problèmes et qui jouait à merveille le rôle qu’elle lui avait fait endosser ce soir. Greta se sentait coupable alors qu’ils n’étaient qu’amis, ses sentiments n’ayant été dévoilés qu’à Maze durant une soirée alcoolisée puis remis en question après une dispute liée à ce que l’ancien pompier était en train de subir. Mais il était là, comme toujours, en totale opposition avec un Arthur qui ne l’avait jamais vraiment été et qui l’avait abandonnée à ses rêves. L’entendre évoquer leur projet commun la blessait mais elle avait choisi de rester calme et composée. « Tu as meilleure mine que l’autre soir. C’est une bonne nouvelle, Arthur. » La blonde l’avait à peine regardé mais cela était suffisant. Elle avait compris en le voyant ce soir-là qu'il n’en avait pas fini avec la drogue et l’avait même pointé du doigt sans qu’il n’ait eu la force de rétorquer quoi que ce soit. Peut-être car il débutait alors un travail sur lui-même qui avait visiblement porté ses fruits. « Certains ont mieux réussi que d’autres ici. » avait-elle poursuivi en désignant le couple de la main tenant sa cigarette avec un sourire qui s’adressait à eux plus qu’à Arthur. « Comme quoi je les ai pas réalisés plus facilement sans toi, mes rêves. » Et elle s’était enfin tourné vers lui, pour simplement le regarder sans chercher à le fuir ou à lui faire dire ce qu’il n’avait pas envie de dire. Juste le regarder pour un court instant où elle s'imaginait que rien n’avait changé.

La musique et les rires s’échappant de la baie vitrée venait à lui rappeler que le monde n’avait pas cessé de tourner et que seul le silence semblait s’étirer entre eux. Arthur s’attendait à ce que Greta s’éloigne, qu’elle se redresse sans même lui adresser un regard ou la moindre parole. Il l’aurait probablement mérité, elle le lui avait déjà fait comprendre la dernière fois. Rien n’avait changé depuis, mais il avait osé poser une question, celle qui lui trottait dans un coin de la tête depuis le début de la soirée et si Arthur ne pouvait plus prétendre connaître les réactions de Greta sur le bout des doigts, il savait qu’elle était en train de chercher une réponse cinglante. « Je l’ai cru un jour, ouais. » Rien n’aurait dû l’étonner dans cette réponse, il avait demandé après tout et elle ne faisait que lui répondre. Bien sûr que Greta avait cru à tout cela, elle s’était accrochée à l’idée comme Arthur s’était laissé aspirer par son addiction. Cela devait être leur rêve en commun, pas un moyen de s’échapper pour elle et une obligation pour lui. Rien n’aurait dû se dérouler ainsi quand ils se prenaient encore à rêver dans leur appartement londonien. « C'était que des rêves de gamins. » C'est ainsi qu'il devait considérer tout cela, comme si Arthur n’avait aucun souvenir d’avoir réellement vécu tout cela au côté de Greta. Pourtant, tout lui était familier dans la position qu’avait pris la jeune femme contre le mur, à la manière qu’elle avait d’agiter sa cigarette pour tenter de dissimuler sa nervosité.

« Tu as meilleure mine que l’autre soir. C’est une bonne nouvelle, Arthur. » Elle n’avait toujours pas jeté un regard dans sa direction et pourtant c’était la première chose qui s’échappa d’entre ses lèvres. Un instant, Arthur sentit une colère monter en lui à l’idée même que Swann soit allé raconter quoi que ce soit à Greta, mais sa raison vint lui rappeler que s’il était encore capable de déchirer les attitudes de la blonde, elle était forcément en capacité de faire de même. A toute autre personne, Arthur aurait lancé une réplique cinglante puant l’arrogance dont il savait faire preuve avec ceux qui s’avéraient trop curieux, mais Greta n’était pas n’importe quelle autre personne. Arthur ne pourra jamais réellement décrire ce qu’il lui prit lorsqu’il se mit à murmurer la stricte vérité : « J’essaye d’aller mieux. » Dans la seconde qui suivit, il tira une longue taffe de sa cigarette, cachant son visage derrière un écran de fumées éphémères.

C’est le rire résonnant de Swann qui brisa à nouveau la tension entre eux, attirant leur regard vers la salle.  « Certains ont mieux réussi que d’autres ici. » Il n’était pas sûr de comprendre les sous-entendus qu’elle semblait vouloir dissimuler derrière une réplique et Arthur se contenta de sourire quelque peu. « Il le mérite. » Plus que n’importe qui d’autre, mais cela il préfère le taire. Swann se devait d’être heureux, il avait assez vécu pour cette vie, maintenant il avait le droit de se poser auprès de Rory et de démarrer la vie qui semblait lui avoir été destiné depuis toujours. Arthur s’apprêtait à faire une remarque sur Robin et le nouveau rôle de leur ami, mais Greta le prit de court. « Comme quoi je les ai pas réalisés plus facilement sans toi, mes rêves. » Les mots de la jeune femme vinrent le frapper en plein plexus, le regard qu’elle lui adressa par la suite eut la tâche de finir de venir lui couper la respiration. Greta ne se dérobait pas, ses yeux clairs cherchant ceux d’Arthur, probablement à la recherche d’excuses qu’il ne sera jamais en capacité de formuler. Il sentit sa gorge se serrer sous ce regard si familier, les paroles de Greta se jouant en boucle comme un rappel de tout ce qu’il n’avait pas su réussir pour elle. « C’était mieux comme ça G. » Arthur ne l’avait pas appelé ainsi depuis des années, mais le surnom glissa entre ses lèvres sans prévenir. Elle ne paraissait pas accepter la raison qu’il lui avait donnée la dernière fois, mais c’est bien la seule qu’Arthur avait à lui proposer. Il avait préféré la quitter plus que l’entraînée plus loin avec lui. Arthur avait continué à sombrer après cela, sans jamais trouver le moyen de se sortir de sa spirale infernale. Greta avait su aller de l’avant, en partant, en écrivant son livre et en publiant un second, il avait été voir après leurs retrouvailles. Il avait vu qu’elle avait su amasser un petit succès, elle avait réussi là où il n’avait eu de cesse d’échouer. « J’aurais fini par te faire du mal d’une manière ou d’une autre. » Arthur avait préféré partir comme un lâche plutôt que la trompée, plutôt que de faire traîner les choses au point où chacune de leur discussion allait finir en dispute. Il avait préféré conserver les bons souvenirs sans jamais s’en créer des mauvais. Dans chacun des silences qui suivirent, alors que leur regard soutenait celui de l’autre, Arthur insufflait toutes les excuses qu’il ne saura prononcer avec des mots. Son arrogance n’avait jamais eu de prise dans leur relation, avec Greta il lui arrivait d’être la meilleure version de lui-même, et il n’avait rien oublié de tout cela, mais l’addiction avait été plus forte, son esprit lui avait fait construire l’idée que Greta valait mieux que sa personne. Ne voulant laisser le silence s’étirer une seconde de plus, Arthur souffla une question au travers de sa fumée : « T’es venue accompagnée ? » Bien sûr qu’il le savait, il avait passé plusieurs minutes à l’observer. Il attendait à ce qu’elle lui apprenne sa vie merveilleuse au côté de ce mec, il attendait que tout tombe sous le sens et que la pression sur sa poitrine se fasse la malle.

Ils étaient réunis ici comme ils l’avaient été en Angleterre mais le trio dansait maintenant sur des notes bien différentes. Swann s’épanouissait avec l’homme de sa vie et leur fille et ce bonheur qui se dessinait devant ses yeux l’empêchait de ressentir autre chose qu’une immense fierté, une joie intense même si elle ne pouvait s’empêcher de se dire qu’elle aurait dû l'écouter. Tout en subtilité, à l’époque, elle avait été mise en garde mais avait plongé corps et âme dans cette relation qui à l’époque semblait tout aussi belle que celle qui venait de se fixer dans le temps ce soir. « C'était que des rêves de gamins. » La blonde avait levé le menton et baissé les lèvres, bien peu sûre de s’accorder à cette affirmation parce qu’ils semblaient extrêmement matures et sûrs d’eux lors de ces discussions là. C’était même des moments où Arthur semblait être réellement lui-même ce qu’il avait oublié d’être à bien des étapes de sa vie dictée par son appartenance sociale puis, plus tard, par la drogue. « J’essaye d’aller mieux. » Une infime seconde, Greta avait eu l’impression d’être revenue à l’époque où ils étaient amoureux et elle lui avait lancé un sourire extrêmement sincère en le fixant intensèment dans les yeux avant de se ressaisir, quittant son regard pour fixer le sol. « Je pensais que tu n’avais fait l’effort que pour le mariage. » Parce qu’à leur dernière rencontre, ses pupilles trahissaient son état général et il avait été aisé de le repousser tant il ne ressemblait en rien à l’Anglais dont elle était tombée amoureuse. Ce soir, pourtant, appuyé contre le mur avec les manches de sa chemise retroussée sur ses avant-bras parce qu’il avait abandonné la veste de son costume, Arthur Coventry redevenait difficile à oublier. « Il le mérite. » Elle avait acquiescé, se retenant d’avouer tout haut qu’elle avait le sentiment qu’elle aurait mérité une vie à ses côtés. Greta avait le sentiment de faire un immense pas en arrière en le voyant déjà une seconde fois ici, comme si toutes ces années passées à le diaboliser pour mieux l’oublier s’envolait avec la fumée de leurs cigarettes.

Les rêves de Swann n’avaient pas été que des paroles, il était en train de les réaliser sous leurs yeux et ils semblaient bien ridicules, l’un à côté de l’autre à tenter de faire comme si tout allait bien. Alors elle n’avait cette fois-ci pas réussi à retenir ses mots et était venue contredire ce qu’il lui avait dit le soir d’avant, insinuant avoir mis fin à leur relation pour qu’elle poursuive ses rêves, elle ayant eu tous les maux du monde à accepter qu’il n’en ferait pas partie. « C’était mieux comme ça G. » Les frissons qui avaient parcouru sa peau l’avaient forcée à croiser les bras, comme elle l’aurait fait si la soirée avait rafraîchi l’atmosphère, mais il n’en était rien. « J’aurais fini par te faire du mal d’une manière ou d’une autre. » Quelque chose dans sa voix avait changé et son regard plongé dans le sien réussissait à lui faire accepter sa sincérité sans que cela ne rendent les mots plus faciles à entendre. « Je suis une grande fille, j’avais pas besoin que tu décides pour moi. » Son ton restait calme et composé, l’écrivaine ayant eu le temps de se refaire leur dernière discussion dans la tête pour envisager les meilleures choses à lui dire. « Parce que du mal, ouais, t’en as fait. Ca aurait pu se passer autrement. » Le regarder était sa seule option pour lui faire comprendre qu’il ne s’agissait plus de reproches, le temps les rendant bien moins légitimes, mais son point de vue sur ce qu’il s’était passée à l’époque quand elle n’avait eu aucune chance de le donner. « Et tu sais ce qui m’énerve le plus dans tout ça ? » Elle avait marqué un temps de pause, tirant sur sa cigarette dont elle n’aurait jamais pensé avoir autant besoin jusqu’à ce soir. « Ca a donné raison à beaucoup de monde.» A leurs amis communs qui n’avaient jamais cru en eux, à toutes ces personnes qui connaissaient Arthur comme celui qui jetait les femmes comme des mouchoirs. Les fameux “on t’avait prévenu” n’avaient pas tardé à tomber et étaient venus compliquer encore plus la période qui avait suivi le départ d’Arthur.

« T’es venue accompagnée ? » « Oui. Il s’appelle Lucas. C’est un mec bien. » Greta n’avait pas pris soin de préciser qu’ils étaient amis, lui donner l’impression qu’elle avait retrouvé le bonheur la mettant dans une position plus confortable. Il avait forcément vu la manière dont son rire sonnait un peu plus fort et son regard brillait à ses côtés parce qu’il avait fait renaître en elle des sentiments qu’elle n’espérait plus pouvoir ressentir. Pourtant, comme rattrapée par d’anciens démons, Greta devait à nouveau faire face à une addiction à la différence près que cette fois, elle pouvait jouer un rôle dans le sevrage de Lucas. « J’ai pas eu l’impression de voir quelqu’un à ton bras alors je vais pas poser la question. J’imagine qu’il y en a plus d’une qui voudrait rentrer avec toi, de toute façon. » avait-elle dit avec un léger rire, n’y voyant là aucune tentative de provoquer Arthur, mais plutôt l’occasion de se replonger dans cette fameuse soirée où ils avaient fait connaissance et où elle se sentait parfaitement détachée de ses agissements. A bien y réfléchir, cette période où ils étaient ensemble avait dû être compliquée à gérer pour lui parce que sa vie avait changé radicalement à ce moment-là. Malgré tout, jamais elle n’avait douté de sa fidélité et elle se demandait si la séparation n’aurait pas été plus simple s’il l’avait trompée. Greta regardait sa cigarette se consumer, comme un sablier qui leur indiquait le temps qui leur était imparti. Il était mince et si cela aurait dû être un soulagement pour l’écrivaine qui enfouissait encore tant de colère à son égard, elle se surprenait à vouloir poursuivre la discussion. « Tu sais, je suis étonnée que Swann ait consenti à nous réunir tous les deux au même endroit. » Un mouvement du pouce avait laissé tomber la cendre, lui prenant Il avait toujours été impartial et n’avait jamais pris le parti de l’un ou de l’autre et Greta s’était souvent imaginée combien sa position devait être difficile. Perdue dans ses pensées, le regard maintenant fixé sur les rois de cette journée, Greta avait fini par reconnaître les notes étouffées de la musique qui jouait à l’intérieur. Un léger rire s’était échappé de ses lèvres alors que l’ironie du moment devenait de plus en plus évidente. « Electric love… » avait-elle chantonné, attrapant une coupe de champagne sur le plateau d’un serveur passant par là pour en boire une gorgée lui permettant de reprendre le contrôle de ses émotions.

Greta venait de lui accorder un sourire qu’il ne pensait jamais avoir la chance de revoir un jour dans sa vie, ce sourire qu’il avait tant aimé, éclatant d’une sincérité qui n’existait qu’entre eux. Cela n’avait duré qu’une courte seconde, tel un mirage qui rendit le prochain coup plus violent encore. « Je pensais que tu n’avais fait l’effort que pour le mariage. » Les mots de Greta vinrent leur heurter de plein de fouet venant remettre en doute le moindre effort entamé depuis des semaines. Bien sûr qu’elle allait remettre en doute son chemin de guérison, elle qui l’avait retrouvé avec les pupilles dilatées et le cœur agité. Arthur avait eu pour habitude de laisser glisser les remarques de ceux qui pensaient tout connaître des addictions, mais les mots de Greta savaient se faufiler au-delà de son armure. Déstabilisé, il finit par baisser les yeux pour mieux fixer ses chaussures sur le sol. « J’ai rien pris depuis trois semaines. » Aux yeux des autres cela pouvait paraître insignifiant, mais Arthur espérait que Greta allait comprendre que son parcours se voulait sérieux et qu’il bataillait encore violemment contre son addiction. Il n’était jamais sûr de gagner le combat, il lui arrivait encore des trébuché, mais chaque petite victoire venait à lui faire croire que cette fois, il serait capable de s’en sortir. « Je sais même pas pourquoi je te dis ça. » qu’il finit par marmonner dans sa barbe, conscient de n’avoir aucun compte à tenir auprès de la jeune femme. Sûrement parce qu’à une époque, c’est son avis à elle qui comptait le plus aux yeux d’Arthur.

Ce qu’il avait initié comme une simple conversation entre deux fumeurs, et anciennes connaissances, était lentement en train de se transformer en une conversation qu’Arthur ne voulait pas avoir dans ces circonstances (ou tout court). Ce n’était ni le moment, ni le lieu, pour revisiter leur rupture, mais Greta semblait avoir tant de choses à dire qu’il fut bien incapable de la retenir. « Je suis une grande fille, j’avais pas besoin que tu décides pour moi. » Arthur ne pouvait la blâmer pour avoir interprété les choses de cette manière, il avait pris une décision sans jamais lui en parler auparavant. Il était parti sans se retourner, en laissant une lettre qui ne justifiait rien, mais qui lui avait donné l’illusion d’offrir un semblant de conclusion à la jeune femme. Arthur avait agi comme un lâche en pensant encore être un prince. « Parce que du mal, ouais, t’en as fait. Ça aurait pu se passer autrement. » Il se prit sa douleur en pleine figure, tout ce qu’il n’avait jamais voulu imaginer, tout ce qu’il avait enfoui profondément depuis toutes ces années écoulées. A l’époque Arthur s’était refusé à penser ce que ses actions allaient provoquer, il avait passé des semaines entières à se persuader que c’était le mieux à faire, que Greta serait bien plus heureuse sans lui et qu’elle allait enfin pouvoir avancer quand il ne faisait que la tirer vers l’arrière avec son comportement destructeur. « T’aurais su me convaincre de rester si on en avait parlé. » Arthur était parti sans rien dire, parce qu’il n’aurait jamais eu le courage de s’en aller si Greta avait été en face de lui. Elle s’était certainement persuadé qu’il l’avait berné durant toutes ces années, mais Arthur avait réellement aimé Greta, comme il n’a jamais aimé personne depuis. Il s’était convaincu que partir la protégerait, mais qu’il devait le faire comme un lâche pour ne pas avoir à voir le cœur de Greta se briser face à lui. « Et quoi ? On aurait fait une overdose à deux ? » La vie d’Arthur n’avait été qu’une spirale sans fin après cette séparation, il y avait eu la trahison d’un de ses meilleurs amis, le divorce sanglant de ses parents et l’agression qu’avait subie Charlotte. Tout s’était insinué dans sa vie pour concocter la parfaite bombe à retardement et à chaque fois Arthur s’était au moins félicité d’avoir tenu Greta loin de toute cette noirceur. « Et tu sais ce qui m’énerve le plus dans tout ça ? » Il avait une vague idée. « Ça a donné raison à beaucoup de monde. » Arthur haussa les épaules en ricanant. « Tant que je reste le méchant dans l’histoire. » Il n’avait jamais voulu que ce soit Greta qui prenne le blâme, il avait accepté que tout le monde se fasse un avis tranché, il avait lui aussi entendu toutes les rumeurs que certains s’étaient amusés à lancer. Arthur avait protégé Greta, il se le répétait depuis des années.

Ne voulant laisser la conversation s’envenimer sur des souvenirs du passé, inconscient de la bombe qu’il avait lâchée entre-temps, Arthur s’empressa de changer le ton. « Oui. Il s’appelle Lucas. C’est un mec bien. » Arthur se retint de ricaner à la précision du mec bien. Greta faisait tant d’effort pour déguiser les reproches qu’elle semblait avoir accumulé au fil des années. « Je suis heureux pour toi. » Arthur ne jouait aucun jeu, il était sincèrement content pour elle. Elle méritait de vivre une relation paisible et il n’était personne pour faire la moindre remarque sur son compagnon. Il en crevait d’envie, mais il ne le ferait pas. « J’ai pas eu l’impression de voir quelqu’un à ton bras alors je vais pas poser la question. J’imagine qu’il y en a plus d’une qui voudrait rentrer avec toi, de toute façon. » Cette fois son rire s’échappa en dehors de sa volonté. « On reprend du début alors, je suis l’idiot qui saute tout ce qui bouge et t’es la fille rangée ? » La coïncidence était un peu trop belle pour ne pas être souligné. A l’époque, ils avaient su se rencontrer autour d’un tel cliché, faisant sauter les barrières dans un bar perdu au fond d’une ruelle londonienne. Arthur se souvenait de cette soirée avec une certaine pointe de nostalgie quand bien même Greta semblait déterminée à tout lui faire payer au prix fort. « Tu sais, je suis étonnée que Swann ait consenti à nous réunir tous les deux au même endroit. » - « Y’a encore quelques semaines, j’étais même pas invité. » Il ne l’avait dit à personne, mais le dire à Greta semblait tomber sous le sens. Arthur était en train de se maudire, incapable de filtrer la moindre de ses paroles auprès de la blonde. Il avait perdu ses habitudes à n’être qu’un être empli d’arrogance et de dédain pour les autres. Avec Greta il redevenait juste ce gamin de Londres. « Je lui ai assuré qu’on saurait se tenir. » Pour Swann ils allaient faire un effort, c’est bien pour cela qu’aucun n’avait approché l’autre avant d’être à l’écart, loin de l’attention générale et à l’abri des regards.

Le regard perdu sur Greta, déterminé à réapprendre chacune des réactions de la jeune femme, Arthur ne prêtait guère attention à tout ce qui les entourait. « Electric Love… » Il lui fallut une seconde supplémentaire pour reconnaître les notes de musique et cette chanson qu’il n’avait pas entendue depuis des années. La tension qui émanait entre eux se mélangeait entre des reproches jamais réellement admis et des souvenirs qui prenaient petit à petit le dessus. Arthur se laissa happer par la nostalgie que représentait cette chanson, se surprenant à chantonner les paroles. « Baby, you're like lightning in a bottle. » Combien de fois est-ce qu’ils avaient danser comme des idiots au milieu de l’appartement de Greta sur cette chanson ? Combien de fois est-ce qu’Arthur avait embrassé ses lèvres au rythme de cette mélodie ? Il se tourna vers Greta, son regard plongé dans celui de la blonde, leur corps un peu trop proche sans qu’il ne puisse expliquer comment cela s’était produit. Tout était en train de se dire par le regard entre eux, dans une danse vieille comme le monde, des habitudes qu’ils avaient toujours eu l’un envers l’autre. Le monde parut s'arrêter de tourner, seule la musique venant s'installer autour d'eux, Arthur ne pensait plus à leur conversation tendu, à ce que Greta venait de lui dire. Ses yeux glissèrent vers les lèvres de Greta, par réflexe, parce que quelque chose en lui le titillait à aller voir si elles avaient toujours le même goût.

Il y avait eu une période où voir Arthur heureux était probablement plus important que son propre bonheur. Il lui avait fallu du temps pour admettre que rien de cela n’était sain et qu’elle avait eu tendance à s’oublier pour pouvoir être présente pour lui. A l’époque en tout cas, Greta avait eu l’impression de faire ce qu’il fallait et que tout cela vaudrait la peine mais tout ce qu’elle avait réussi à obtenir était un stupide morceau de papier et quelques mots griffonnés à la va-vite. « J’ai rien pris depuis trois semaines. » La nouvelle avait pourtant eu le même effet qu’elle aurait dû avoir lorsqu’ils étaient encore ensemble. C’était une bonne nouvelle, peu importe de qui elle venait, et l’empathie de Greta avait toujours tendance à prendre le dessus. « Je sais même pas pourquoi je te dis ça. » Elle avait haussé les épaules, comme si la réponse était évidente, banale. « Parce que t’avais pris l’habitude de tout me dire. » Et le voir en faire de même ce soir participait à cet étrange sentiment de retour dans le passé. C’était un exercice difficile que de se retrouver seule avec lui et la situation avait été bien plus facile à gérer dans la boîte de nuit quand il était encore loin d’être clean et lui montrait qu’il avait sûrement eu raison de partir. Ce soir, sa voix était douce, son regard empli de ce qui ressemblait à de la nostalgie et Greta choisissait presque de le croire. Bien sûr, elle n’était pas d’accord sur comment les choses s’étaient passées et lui avait dit haut et fort mais en faisant la comparaison entre ces deux soirs, il était aisé de comprendre le casse-tête que cet homme représentait.

« T’aurais su me convaincre de rester si on en avait parlé. » Le petit rire qui s’était échappé de ses lèvres témoignait de son étonnement. Aujourd’hui plus que jamais il lui était difficile de croire qu’Arthur Coventry ait pu se laisser manipuler par quiconque.  Même si l'idée qu’elle ait pu avoir les arguments nécessaires pour le garder redorait un tantinet son ego, c’était surtout de la tristesse qu’elle ressentait à cette pensée, une opportunité qu’elle n’avait jamais eu. « Et quoi ? On aurait fait une overdose à deux ? » Greta avait fait un pas en avant pour jeter sa cigarette et, machinalement, en avait sorti une seconde de son paquet qu’elle avait ensuite tendu à Arthur. Comme un vieux réflexe. Ce sujet était probablement le plus difficile à aborder, encore plus que celui de son cœur brisé. « Ou j’aurais pu t’aider à te sortir de là bien avant. Mais mieux vaut tard que jamais. » avait-elle répondu alors qu’elle avait encore le visage plongé dans son sac à main à la recherche de ce briquet qu’elle n’avait jamais possédé. Il s’était remis face à elle. « Oh. C’est vrai, merci. » avait-elle dit en riant légèrement, laissant Arthur l’aider pour la seconde fois de la soirée. Ils étaient maintenant face à face et jonglaient entre confidences, reproches et nostalgie, la blonde tentant de garder son calme en se concentrant toujours sur l’image de la réception qui se jouait en face d’elle. Et elle avait pris une direction moins périlleuse, évoquant la façon dont il avait donné à ses détracteurs ce qu’ils voulaient : le voir échouer. « Tant que je reste le méchant dans l’histoire. » Cette sincérité dans la voix d’Arthur, elle ne l’avait plus entendue depuis longtemps. Elle s’était rejouée les jours ayant précédé son départ pour comprendre si elle aurait pu l’anticiper et la réponse était positive. Arthur s’était élevé à ses côtés, passant du garçon fêtard aux remarques désobligeantes à son meilleur ami, son confident et à l’homme avec qui elle aurait voulu finir ses jours. Mais quelques jours avant, il avait retrouvé ce regard fuyant, ces sourcils froncés à la moindre remarque et ce ton un peu plus brusque qu’il ne l’était d’ordinaire. Greta aurait pu savoir, se refusait à y croire. Pour beaucoup il était effectivement le méchant de l’histoire mais elle était la mieux placée pour savoir combien cette façade ne le représentait pas. « Ils peuvent te donner le rôle du méchant parce qu’ils t’ont pas connu comme moi je t’ai connu. J’aurais aimé pouvoir t’attribuer le rôle du méchant et avancer, mais c’était pas possible. » Il était resté l’homme qu’elle aimait encore longtemps après son départ et ce soir, il se comportait comme cet Arthur là. Et elle réussissait à le voir malgré Lucas qui riait franchement assis à table, attendant qu’elle revienne de cette pause cigarette qui semblait durer des heures. « Je suis heureux pour toi. » Greta était loin de vivre une nouvelle histoire d’amour, quelque chose qu’elle craignait depuis cette rupture, quelque chose qu’elle s’était tout de même autorisée avant de se retrouver face à un mur et, toujours, aux mêmes problèmes d’addiction. « On reprend du début alors, je suis l’idiot qui saute tout ce qui bouge et t’es la fille rangée ? » Ses lèvres s’étaient pincées avant de répondre et Greta avait replacé une mèche de ses cheveux derrière son oreille.  « On est là où on est supposés être. Probablement » La réponse était vague, le langage corporel suffisait à indiquer qu’elle n’était pas totalement sincère et que Lucas n’était qu’un ami, parce qu’ils avaient raté leur chance. Brisant de nouveau le silence, la blonde s’était étonnée qu’ils soient là ce soir, ensemble, réunis par un Swann qui leur faisait étrangement confiance. « Y’a encore quelques semaines, j’étais même pas invité. » Elle avait levé le menton, confirmant qu’elle comprenait la subtilité avec laquelle il mentionnait que son invitation tenait à sa consommation. Swann avait soigné son cœur brisé à l’époque, il faisait probablement de même avec l’addiction d’Arthur et l’idée l’emplissait de toujours plus de tendresse envers son ami. « Je lui ai assuré qu’on saurait se tenir. » Elle avait ri avant que le silence ne revienne les entourer.

Comme un incroyable coup du sort, c’était cette chanson-là qui avait suivi toutes les autres, se mettant à jouer alors que leurs regards étaient plongés l’un dans l’autre, à l’exact moment où les mots leur manquaient. « Baby, you're like lightning in a bottle. » Son sourire avait été difficilement contrôlable alors qu’elle se revoyait dans ses bras pendant qu’ils dansaient joyeusement au milieu du salon sur ce même air. C’est peut-être à cette pensée qu’ils s’étaient rapprochés, sans le réaliser, Greta sentant ses joues rosir en constatant cette proximité et les pupilles d’Arthur qui fixaient ses lèvres. Elle en mourrait d’envie, mais cela aurait été une erreur. Pour tout ce chemin parcouru depuis son cœur brisé. Pour Lucas. Les secondes passaient et leurs visages se rapprochaient sans qu’elle ne puisse réellement contrôler quoique ce soit… « Mais ne serait-ce pas le roi de la journée ? Félicitations, Swann ! » Greta avait brisé cette tension en se dirigeant vers Swann qui venait d’apparaître dans son champ de vision et elle l’avait enlacé, se retenant presque de le remercier de toujours tomber au meilleur moment.

Il les a rejoint avec une certaine boule au ventre. Après avoir vu Arthur puis Greta sortir par la même porte, il en a évidemment déduit qu’ils allaient finir par se rencontrer et, s’il a laissé faire le destin durant un temps, il n’a pas su laisser les minutes s’égrainer davantage alors qu’il continue de craindre une possible confrontation entre les anciens amants. Il existe un monde dans lequel ils arrivent à se parler à se retrouver, mais Swann craint de plus en plus que ce ne soit pas le leur et qu’ils soient voués à revivre encore et encore des éternelles disputes sans fin. Ainsi, après avoir pris congé de certains de ses proches, c’est avec un verre de champagne à la main qu’il balbutie avoir besoin d’un peu d’air. Une fois dehors, pourtant, l’océan n’accueille pas son regard et ce dernier se pose seulement sur la pelouse, occupé à retrouver deux silhouettes familières.

Evidemment, ils n’ont rien su faire d’autre que se retrouver, comme toujours, et le coeur de l’anglais se retrouve soulagé de ne pas les retrouver en train de se battre, que ce soit verbalement ou physiquement. « Mais ne serait-ce pas le roi de la journée ? Félicitations, Swann ! » Elle le repère à des kilomètres à la ronde et il se retrouve sans le vouloir sous le feu des projecteurs, la jeune femme déjà en route pour le rencontrer alors qu’Arthur reste en retrait, recevant pourtant le regard soucieux de son ami. Les bras de Swann accueillent pourtant l’accolade de Greta, à qui il dépose un baiser contre la joue. “Tu es ravissante.” Il l’a sûrement dit à tous ses invités et pourtant il n’en pense pas moins, chacun ayant fait l’effort de s’habiller merveilleusement pour le jour de son mariage. “J’interromps quelque chose ? Je... cherchais juste Brownie.” C’est faux, et son mensonge est aussi évident qu’un nez au milieu de la figure. De toute évidence, il cherche à dire tout et n’importe quoi ne ressemblant pas à “je ne vous faisais pas confiance alors je suis venu vérifier que tout allait bien”, ce qui serait aussi infantilisant que pourtant véridique, malheureusement. Le chien de la famille, pourtant à l’intérieur de la salle de réception, se retrouve utilisé comme la parfaite excuse sans même le savoir. “Je pensais pas vous voir tous les deux dehors.” Il avoue ensuite, chacun des deux protagonistes pouvant aisément comprendre le sous-entendu de cette nouvelle annonce. “Ça va ?” Une main contre le dos de Greta, c’est à elle qu’il le demande d’abord, puisqu’elle s’est précipitée dans ses bras comme s’il était le Salut en personne. Néanmoins, loin de juger une discussion à laquelle il n’a pas participé, son regard se dépose ensuite vers Arthur, sous-entendant que la question est la même pour lui. Son ami a fourni des efforts remarquables ces dernières semaines, il ne doute pas un seul instant qu’il aurait cherché à tout foutre en l’air à la seconde même où il aurait retrouvé Greta, même si Swann est bien placé pour savoir à quel point retrouver une personne qu’on a un jour aimé peut parfois être difficile. Fort heureusement pour lui, il a enfin épousé sa Personne. Peut-être qu’il en sera de même un jour pour les deux personnes face à lui, qui sait.

La raison aurait voulu qu’Arthur s’éloigne après avoir gentiment prêté son briquet, au mieux échanger quelques banalités, mais rien de plus. Greta faisait partie de son passé, celui qu’il essayait tant bien que mal d’enterrer, mais l’attraction était présente, il avait envie de rester à ses côtés et sa langue se déliait sans difficulté. « Parce que t’avais pris l’habitude de tout me dire. » Il baissa les yeux sur ses chaussures vernis, déstabilisé par la véracité de ces quelques mots et la réalisation d’un manque dont il ignorait l’existence. À une époque, Arthur s’était laissé aller à partager avec Greta, il s’était vu apprécier le fait d’avoir quelqu’un à ses côtés, mais ses vieilles habitudes avaient fini par l’emporter. Il n’avait pas su tout dire, il avait préféré fuir. « Ou j’aurais pu t’aider à te sortir de là bien avant. Mais mieux vaut tard que jamais. » Elle assenait les vérités tout en fouillant dans son sac comme une désespérée à la recherche d’un bien qui roulait encore entre les doigts d’Arthur. « Je voulais pas que l’on m’aide. » Il profitait de la courte distraction pour ajouter ses cartes au jeu sans avoir à croiser le regard de Greta. Arthur avait encore tant de mal à admettre son addiction, à accepter de traiter tout cela comme un problème et non pas une distraction éphémère. Il se refusait à quémander, persuader qu’il allait pouvoir s’en sortir seul quand en parler à Swann avait déjà été le résultat d’heures d’angoisses et de doutes. Arthur n’avait besoin de personne pour s’en sortir, c’est ce qu’il s’efforçait de croire et c’est toute son arrogance qu’il mettait en œuvre pour le faire entendre aux autres. Il n’était pas un cas de charité, mais il ne ferait pas perdurer la conversation, son briquet s’allumant dans un craquement pour venir enflammer le bout de leurs cigarettes. « Oh. C’est vrai, merci. » Elle venait de rire et il se surprit à sourire face à cette sonorité d’un autre temps.

L’un à côté de l’autre, à partager une cigarette, la scène lui était ô combien familière. Il résidait une certaine facilité à juste se tenir là, à se laisser entraîner dans une conversation trop profonde pour le lieu et l’instant. Comme si chacun avait trop retenu durant toutes ces années et que le flot de paroles se devait de s’écouler avant que les remparts ne se renferment et que la distance ne s’impose à nouveau. « Ils peuvent te donner le rôle du méchant parce qu’ils t’ont pas connu comme moi je t’ai connu. J’aurais aimé pouvoir t’attribuer le rôle du méchant et avancer, mais c’était pas possible. » Arthur releva les yeux vers Greta, trouvant toute la sincérité de ses mots lentement dessiné sur les traits de son visage. Elle ne mentait pas, lui servant simplement une vérité qui n’était pas facile à entendre quand dans les sous-entendus se cachait des sentiments qu’Arthur avait préféré enfouir depuis longtemps. Il pouvait le voir maintenant, qu’elle avait souffert de son départ, qu’il n’avait pas pensé aux véritables conséquences et Arthur ne voulait pas se tourner vers ce chemin, entamer une réflexion à laquelle il n’était clairement pas prêt, il n’en était simplement pas capable, préférant se refermer peu à peu. « On est là où on est supposés être. Probablement » Arthur retint un rire décomposé, il savait encore lire entre les silences et les soupirs, elle cherchait à se rassurer. « Probablement. » Greta jouait sur l’impression que l’on aurait d’elle tandis qu’Arthur se vouait, encore et toujours, à vouloir échapper à cette image qui lui collait à la peau. Avaient-ils vraiment été destinés à ne durer qu’un temps ? Arthur ne cessait de se poser la question depuis leur rencontre fortuite dans cette boîte de nuit.

Il faut croire que le destin se voulait taquin à laisser une musique du passé venir s’infiltrer au milieu de ce silence qui s’étirait ne laissant place qu’à un jeu de regard auquel ils avaient déjà trop joué. Leurs sourires trahissaient le film de souvenirs en communs, des soirées passés à refaire le monde sans souci du lendemain. Un bonheur lointain dans lequel Arthur avait subitement envie de replonger. D’une manière inexpliquée, il s’était encore rapproché, laissant le parfum de Greta lui chatouiller les narines tandis que ses prunelles parcouraient le visage de la jeune femme à la recherche de la moindre autorisation. La tension se faisait palpable, un pas encore et il pourrait poser sa main sur sa hanche. Le monde s’était arrêté de tourner, il n’existait plus que Greta et tous les souvenirs qu’elle représentait, l’illusion d’un passé aux souffrances modérées. Arthur voulait retrouver cette sensation électrisante d’un simple touché, l’ivresse d’un rapprochement magnétique qui ne s’explique dans aucune logique. Yeux dans les yeux, Arthur repensa aux paroles échangées, à ce qu’il avait fait et la manière dont il serait prêt sous-entendre à demi-mots à quel point il avait pu merder. Il allait basculer, faisant fi de toute bonne raison et volonté. « Mais ne serait-ce pas le roi de la journée ? Félicitations, Swann ! » Le charme fut rompu dans un éclat de voix assourdissant, Greta s’éloignant, laissant un Arthur avec ses confessions au bord des lèvres et le cœur dans le vide.

« Tu es ravissante. » Arthur prit une seconde pour souffler, le dos tourné à ses amis. Le moment était passé, il n’avait plus envie de parler, plus réellement envie qu’on l’approche également, mais Swann était juste là et il ne pouvait pas l’ignorer. En une inspiration, Arthur vint coller un sourire de circonstances à ses lèvres, laissant son regard traîner sur le sol plutôt que croiser les yeux de Swann, qu’il savait empli d’interrogation. « J’interromps quelque chose ? Je... cherchais juste Pizza. » Le mensonge était évident et Arthur n’avait plus la patience de prétendre a quoi que ce soit. « Je pensais pas vous voir tous les deux dehors. » Il leva les yeux au ciel. « Subtile Swann comme toujours. » Arthur s’efforça d’y ajouter un rire, son regard visser sur les arbustes au loin. « On faisait que discuter. » Il était gêné, conscient de s’être fait prendre la main dans le sac, dans une situation qui n’avait pas lieu d’être. Il se refusait de lever la tête, ne voulant pas lire tout ce que le visage de Greta serait capable de lui dire. Elle avait fui l’instant si rapidement, prenant le premier prétexte qui lui était offert et Arthur n’était plus sûr de comprendre ce qui venait de se dérouler. Désormais, il voulait partir et vite, mais tout le retenait dans cet instant. « Ça va ? » Swann paraissait marcher sur des œufs, soucieux de l'ambiance qui semblait régner entre ses deux amis, et Arthur haussa les épaules, ses doigts venant inconsciemment pincer le creux de son coude. Ce n’avait été qu’un moment perdu, il n’allait tout de même pas se laisser à penser qu’une dose de poudre pourrait tout changer ou apaiser. « Alors, tes premières impressions en tant qu’homme marié ? » Tout était prétexte à détourner l’attention sans jamais chercher à blesser Swann. Arthur se faisait violence quand tout ce qu’il désirait était de partir loin d’ici, de ne jamais recroiser le regard envoûtant de Greta et de trouver n’importe quel moyen d’enfouir profondément le moindre sentiment.

Greta n’avait rien prévu de tout ça pour la simple et bonne raison qu’encore quelques semaines auparavant, elle le pensait à l’autre bout de la planète, à vivre la vie dont il avait toujours rêvé après avoir trouvé une raison d’avancer dans la bonne direction. Réaliser à quel point elle s’était trompée, constater qu’il était tout proche d’elle depuis elle ne savait combien de temps, qu'il n’entamait sa guérison que maintenant, suffisait à lui faire perdre totalement pied. « Je voulais pas que l’on m’aide. » Alors sa décision avait été d’autant plus égoïste, il l’avait abandonnée parce qu’il souhaitait s’en sortir seul et le résultat était loin d’être celui escompté. Si il l’avait réellement aimé, alors, il l’aurait laissée être présente pour lui, lui donner une raison d’abandonner la drogue et de poursuivre le chemin ensemble. Greta continuait à douter, malgré cette sincérité dans sa voix et son regard qui la déstabilisaient au point de baisser la garde et de mettre de côté la colère qu’elle avait ressentie pendant tout ce temps. « Probablement. » Ils n’étaient sûrs de rien, en témoignaient des retrouvailles qu’aucun d’eux n’aurait pu prévoir. Elle n’expliquait pas ce qui la poussait à être attirée vers lui, comme si elle le rencontrait pour la première fois et que la suite n’aurait aucune conséquence. Tout était réuni pour que Greta oublie tout le reste, les pleures, la façon dont elle avait tout abandonné pour tirer un trait sur leur histoire, les dires de ceux qui avaient parié que leur couple ne fonctionnerait pas. Elle avait oublié jusqu’à la présence de Lucas alors même que le sentiment de culpabilité qui suivrait serait probablement bien plus fort que tous les autres. Ils étaient ensemble et cela ressemblait à une évidence, un sentiment décuplé par cette musique qu'ils avaient écouté trop de fois pour ne pas les replonger dans leurs vieux souvenirs. Arthur et Greta auraient pu se laisser emporter par ce moment mais le destin avait voulu que Swann choisisse ce moment pour arriver, intentionnellement ou non. La jeune femme avait dû se séparer d'Arthur, renoncer à un moment qu'elle aurait probablement regretté mais dont elle mourrait d'envie. Tout arrêter, juste à temps avant d’aller trop loin devant un témoin qui aurait eu bien trop de choses à dire sur le sujet. Ils étaient si proches de tant de révélations et elle s’était retrouvée devant cette opportunité qu’elle avait toujours désiré, une nouvelle fois, et celle-ci s’était consumée au rythme d’une cigarette. L’obligation de mettre un terme à la discussion avait été compliquée parce qu’elle le savait, Arthur ne serait sûrement plus jamais enclin à prononcer les mots qu’elle rêvait d’entendre.

« Tu es ravissante. » « On avait pas d’autres options ce soir, pas vrai ? » Ils étaient tous superbes, Greta ayant choisi une robe bleu à fleurs, se résignant à porter encore une fois une création de ses parents après avoir écumé les boutiques sans trouver la robe de ses rêves. C’était important, ce jour comptait énormément pour elle et elle avait cherché le moindre indice que laissait paraître le faire-part de Rory et Swann pour adapter sa tenue à l’esthétique du mariage. Les préparatifs avaient été presque aussi excitants que le jour J, son maquillage ayant par miracle réussi à tenir après les larmes versées durant la cérémonie. « J’interromps quelque chose ? Je... cherchais juste Brownie. » Greta ne savait pas ce qu’il avait vu et il était difficile de sonder un Swann qui n’avait plus laissé retomber ses lèvres depuis ce fameux oui prononcé quelques heures plus tôt. Elle ne savait pas s’il était là par hasard, s’il les avait vus. Après tout, il n’aurait probablement pas quitté sa fête et son mari pour venir les surveiller ? Arthur avait cependant mis fin à son questionnement. « Subtile Swann comme toujours. » Elle avait baissé le visage pour rire, comme une adolescente qui n’aurait pas voulu que ses parents la surprennent avec son petit-ami. C’était probablement ce à quoi cela ressemblait, ils étaient face à face, à une proximité déconcertante, et elle avait agi avec bien trop de fougue et lui était resté un temps trop important à leur tourner le dos pour que toute cette scène semble banale. C’était un peu honteuse qu’elle accordait à Swann le spectacle d’une sorte de complicité avec Arthur, un constat qui la replongeait forcément à ce jour-là à l’aéroport où elle avait pleuré dans ses bras. La situation était compliquée mais elle pourrait être gérée plus tard, pas ce soir, pas le plus beau jour de sa vie. « On faisait que discuter. » L’écrivaine avait lancé un rapide coup d’oeil vers lui, s’assurant qu’il n’énonçait pas là sa version des faits, qu’il n’avait pas simplement eu le sentiment de vivre une simple discussion. Qu'il était conscient qu'il y avait eu plus que ça. Elle aurait aimé être aussi subtile que Swann, évitant que celui-ci ne les regarde tour à tour, tentant de comprendre ce qui était réellement en train de se passer. « Ça va ? » « On est au mariage du meilleur des amis, qu’est ce qui pourrait ne pas aller, franchement Swann ? » Son sourire était sincère, Greta n’avait aucun mal à annoncer aller bien même s’il était évident que l’affirmation était bien plus difficile pour Arthur. Il se tenait là, à côté d’elle, sa nervosité était palpable et elle avait sauté sur l’occasion pour lui venir en aide sans réellement s’en rendre compte. « Alors, tes premières impressions en tant qu’homme marié ? » Elle s’était rapidement tournée vers Arthur avant de porter à nouveau son attention sur Swann, un visage familier, rassurant, et qui ne lui faisait pas se poser des milliards de questions. « Je sais pas si tu as vu mais j’ai réussi à n’utiliser qu’un seul mouchoir pendant l’échange de voeux. A quel point t’es fier ? » Et la discussion continuait comme s’ils n’étaient jamais partis de Londres. Ils reformaient ce même trio, avec quelques années supplémentaires leur ayant permis de grandir, de mûrir même si seul Swann s’était éloigné de ses démons du passé. C’était finalement tout ce qui importait à ce moment-là, qu’il soit heureux. Arthur et Greta n’étaient que des seconds rôles et auraient tout le temps pour revenir sur ce qu’il venait de se passer plus tard, du moins elle l’espérait et c’était un comble de vouloir le revoir avant même de l’avoir quitté alors qu’elle avait tout fait pour l’oublier.

« Subtile Swann comme toujours. » Il esquisse un sourire désolé. « On faisait que discuter. » Subtile Arthur, comme toujours qu’il s’amuse intérieurement sans pour autant vouloir lancer les hostilités de façon verbale. Greta semble accueillir la présence de Swann avec bienveillance et sans doute même avec soulagement, là où Arthur ne semble pas être sur la même longueur d’onde, à en juger par son regard absent autant que le dos qu’il leur tourne, toujours aussi doué dans le rôle de l’adolescent boudeur. Swann ne sait quoi en penser et surtout il ne veut justement pas y penser davantage, refusant de faire planer une ombre trop sombre le jour de son mariage. Egoïstement, il préfère pour une fois repousser le problème à demain, si problème il y a justement.

Au ça va de l’anglais, justement présent pour s’assurer qu’il n’existe aucun malaise, ils ont tous deux des réponses bien différentes à proposer. « On est au mariage du meilleur des amis, qu’est ce qui pourrait ne pas aller, franchement Swann ? » Greta joue parfaitement le jeu, invitée modèle, et Arthur se contente de rester Arthur, justement. « Alors, tes premières impressions en tant qu’homme marié ? » Un tu devrais essayer est ce qu’il retient difficilement, se mordant l’intérieur de la lèvre pour se forcer à garder le silence. “Ma réponse est trop niaise pour qu’elle puisse te plaire.” Il pense à tous les synonymes de bonheur et il sait que son ami aurait tout pour rouler les yeux au ciel avec encore moins que cela. Pour autant, Swann n’en pense pas moins et ses premières impressions en tant qu’homme marié sont bien plus belles encore que tout ce qu’il aurait pu imaginer. « Je sais pas si tu as vu mais j’ai réussi à n’utiliser qu’un seul mouchoir pendant l’échange de vœux. A quel point t’es fier ? » Sa réponse aurait cependant pu plaire à Greta, l’éternelle romantique dont il garde son bras posé autour des épaules, cette amie de toujours qu’il est heureux d’avoir pu retrouver au bout du monde. “Je t’ai entendu renifler tout du long.” Il ajoute avec humour, pourtant loin d’avoir gardé les yeux secs durant la cérémonie à son tour - et ça, Greta le sait pertinemment. Il est touché qu’elle l’ait autant été à son tour et lui est surtout reconnaissant de son éternelle amitié autant que de son soutien, comme le prouve le baiser qu’il dépose sans un commentaire de plus contre sa tempe. Ses yeux se ferment lorsque ses lèvres se posent contre sa peau durant une seconde puis une autre. “Mais tu t’en es bien sortie. Je te soupçonne de déjà avoir de l’expérience dans les mariages d’amis.” Et évidemment, cela n’a rien d’un véritable reproche.

“Tu as vu ma mère, Arthur ?” Elle a fait le chemin depuis Londres, à la plus grande surprise de Swann - laquelle est pourtant à relativiser face à la surprise qu’elle se soit surtout bien tenue. “Elle a dit que tu étais, je cite, “toujours aussi pète-sec qu’à l’époque mais moins boutonneux maintenant au moins”, donc je crois qu’elle a félicité ton glow up d’adulte.” Son visage se fend d’un sourire simple, Arthur ayant presque autant l’habitude que lui des commentaires doux amers de sa mère. Venant d’elle, tout cela a d’un immense compliment, qu’elle distribue difficilement. “Je venais vous dire qu’on va bientôt amener la pièce montée. Si vous voulez voir ça.” Son regard passe de Greta à Arthur, ne voulant pas s’imposer davantage à leurs côtés, mais en voulant pas non plus les laisser de nouveau en tête à tête si cela constitue une gêne pour eux.

Swann les surveillait, Swann était venu les séparer et Arthur n’appréciait pas réellement de se faire fliquer comme un adolescent par sa mère. Il aurait voulu juste quelques minutes de plus en tête-à-tête avec Greta, juste pour voir, juste pour savoir où cela allait les mener, cette étincelle qui était venue imploser entre eux. Maintenant, il ne lui restait plus qu’à imaginer ce qui aurait pu se passer, la connerie dans laquelle ils ont failli plonger tête baissée. La raison venait brouiller le désir qu’il avait ressenti, lui rappelant que tout cela n’avait pas raison d’être, mais Arthur s’était fait prendre la main dans le sac et la frustration venait le gagner peu à peu. Soudainement, il n’avait plus envie de s’amuser, il aurait aimé qu’on le laisse tranquille plutôt que lui forcer la main dans une conversation mondaine. « On est au mariage du meilleur des amis, qu’est ce qui pourrait ne pas aller, franchement Swann ? » Greta sortait son meilleur jeu d’actrice, à trop en faire, elle venait souligner un malaise qui ne devrait même pas avoir lieu d’exister. La conversation entre les trois amis paraît tendue, comme forcer à l’extrême, pour encore prétendre à une entente cordiale entre les trois à manière égale. Tout est prétexte à détourner le sujet même quand les questions se veulent vide de sens. « Ma réponse est trop niaise pour qu’elle puisse te plaire. » Arthur se retint à peine de lever les yeux au ciel, bien sûr que Swann venait étaler son bonheur, il n’allait pas lui en vouloir, mais tout avait une saveur différente. Il préféra s’abstenir de tout commentaire, son attention bien autrement focalisée sur le bras que Swann était venu enrouler, de manière protectrice, autour des épaules de Greta. Arthur se sentait mis à distance, comme si son ami lui rappelait qu’il n’avait aucunement le droit d’approcher. « Je sais pas si tu as vu, mais j’ai réussi à n’utiliser qu’un seul mouchoir pendant l’échange de vœux. À quel point t’es fier ? » - « Je t’ai entendu renifler tout du long. Mais tu t’en es bien sortie. Je te soupçonne de déjà avoir de l’expérience dans les mariages d’amis. » Arthur était prêt à se moquer ouvertement, mais le geste d’affection de Swann envers Greta le stoppa dans son élan. Il savait pertinemment que Swann était ainsi, à aimer partager avec ses proches, mais Arthur n’était plus en capacité de réfléchir intelligemment, frustré d’avoir vu sa conversation coupé à court et de se retrouver avec deux personnes qui lui rappelait que sa place ne devrait pas être ici. Il avait envie de fuir, mais son regard restait fixé sur Greta.

« Tu as vu ma mère, Arthur ? » Il hocha la tête pour marquer la positive. Arthur avait été surpris de tomber nez à nez avec la mère de Swann qu’il n’avait pas vu depuis des années. « Elle a dit que tu étais, je cite, “toujours aussi pète-sec qu’à l’époque, mais moins boutonneux maintenant au moins”, donc je crois qu’elle a félicité ton glow up d’adulte. » N’importe qui d’autres aurait pu se trouver vexer d’une telle réflexion, mais Arthur avait été habitué par le sarcasme de cette femme. « Wow… J’ai une touche avec ta mère Swann ? » Quand Arthur était vexé, ou plutôt dans ce cas précis, incapable de comprendre ses propres émotions, il devenait blessant, cherchant à envoyer la moindre pique sans raison apparente. « Je devrais l’invité à danser. » Comme pour souligner son propos, il se mit sur la pointe des pieds, prétendant être à la recherche de la mère de son ami. « Je venais vous dire qu’on va bientôt amener la pièce montée. Si vous voulez voir ça. » Le message était bien passé, Greta n’avait probablement aucunement l’intention de poursuivre la moindre conversation avec Arthur et Swann n’avait aucun désir à la laisser rien que tous les deux. Il ne lui restait que ce goût d’inachevé qui venait jouer sur son humeur. « Garde-moi une part, je reviens. » Il avait besoin d’air, sans non plus fuir la cérémonie, Arthur préféra s’engager dans le couloir qui menait aux toilettes.