Quand tu as vu qu’un numéro inconnu t’appelait, tu n’y fais pas attention. Pour de vrai, tu n’avais vraiment pas les yeux sur ton téléphone qui est éternellement silencieux. Les bips, la petite musique, le vibreur, que des choses qui te parasitent quand tu es lancée dans un de tes projets créatifs. Tu as toute une garde robe à refaire depuis que vous avez perdu la maison de Jordan. Ça t'apprendra à laisser traîner tes affaires par terre. Cependant, tu n’es jamais trop désolée ni très triste de voir tes vêtements être bousillés par la vie. Les plus précieux sont étonnament bien rangés et surtout, c’est la vie. Et une excuse supplémentaire pour créer toujours plus et toujours mieux. Alors t’es avec ton dé et tes épingles, couteau et petit fer contre un tissu qui va devenir une belle robe pour ton partenaire en vue de la pride. T’y vas au culot car tu as fait des croquis mais t’as choisi toute seule comme une grande sans rien lui demander. Que ce soit au niveau de la coupe, de la forme ou des matières. Ca sera la surprise totale avec le risque qu’iel te demande de modifier mais tant pis, c’est le jeu, tu prends le risque.
C’est quand tu te décides à prendre une pause que tu embarques ton téléphone avec toi pour y voir un message vocal. D’un numéro inconnu. Tu fronces des sourcils en activant ta boîte vocale tout en te dirigeant vers la cuisine pour te faire un café. C’est le matin, après tout. Enfin, il est plus proche de midi que de six heures mais quand même. Et là, la surprise d’entendre la voix de… Caleb ? Les questions arrivent et tu te demandes ce qu’il te veut pour t’appeler au point de te laisser un message… Jusqu’à ce que tu comprennes que quelque chose est arrivé. A Heather. Tu bug avant de te rappeler qu’elle t’a dit qu’il était son meilleur ami. Est toujours. Ce n’est pas pour rien que lui est au courant et pas toi. Tu as Will dans tes contacts d’urgence. En priorité, tout en haut, car il est toujours dans le coin et que c’est ton meilleur ami qui ne t’a jamais quitté, tout simplement. Ton coeur donne l’impression de dégringoler dans ta poitrine. Heather a eu un accident. Y’a un sentiment de déjà vu complètement pourri. Tu te retiens sur le comptoir pour ne pas flancher.
Quelques heures plus tard et après avoir envoyé quelques messages à Heather pour t’assurer qu’elle est bien réveillée et en vie pour que tu puisses aller la tuer toi-même, te voilà en train d’arriver au parking de l’hôpital. Franchement, quelle merde. Tu restes un moment derrière le volant, le cœur battant ; t’as beau faire de l’humour, il n’empêche que tu flippes. Tu sors de ton van pour aller enfin à la rencontre d’Heather mais une forme familière sur le perron devant la double porte de l’établissement te fait avoir une petite dérive. L’univers veut vraiment que tu l’entendes aujourd’hui. Tu regardes autour de toi - pourquoi, personne ne sait - avant de t’approcher de lui, les bras croisés et le visage fermé. “Salut Caleb.” Tu réalises que tu ne lui as même pas fait de retour concernant son message. Rude. Même pour lui, tu veux bien l’admettre. “Merci de m’avoir prévenu.” Lui aussi doit avoir le sentiment de déjà vu de merde. Une période que ni l’un ni l’autre ne préfère repenser. Mais c’est quand même bien là. Vous ne pouvez rien y faire.
La toute première chose que tu as fait ce matin c’est vérifier les horaires de visite pour être dans la chambre d’Heather dès la première heure. Tu n’as pas beaucoup dormi cette nuit et les poches sous tes yeux peuvent ne témoigner aisément. Lena n’a d’ailleurs pas arrêté de faire des réflexions à ce sujet-là tout au long de la matinée. Mais malgré ton côté un peu (beaucoup) susceptible tu ne lui en veux pas. C’est naïf. C’est enfantin. Ces quelques heures passées cette nuit avec Diana dans la salle d’attente des urgences n’a fait que te replonger dans les pires souvenirs de ta vie. Tu te rappelles de tout ce que tu ressentais alors que tu venais tout juste de te réveiller après une opération importante, quand tu attendais des nouvelles de Victoria. Tu n’avais aucun souvenir de l’accident. C’était le trou noir (et c’est encore le cas aujourd’hui, d’ailleurs.) Encore à moitié assommé par l’anesthésie tout ce qui t’importait c’était avoir de ses nouvelles. Tu ne savais pas si elle avait elle aussi eu besoin d’une opération. Tu ne savais pas si elle était dans la chambre d’à côté, si elle avait eu des blessures graves ou non. En bref, tu ne savais absolument rien mais pas une seule seconde l’idée de pouvoir potentiellement la perdre ne t’a traversé l’esprit. Pour toi elle allait s’en sortir tu n’en doutais pas le moins du monde. Mais pourtant il y avait tout de même une petite partie de toi qui sentait que quelque chose n’allait pas. Chaque membre du personnel soignant qui franchissait le pas de ta porte avait droit à la même question de ta part : « Est-ce que vous avez des nouvelles de ma femme ? Victoria Lefebvre ? » Ils te répondaient tous qu’ils ne savaient pas et qu’ils allaient se renseigner. Personne n’est revenu vers toi pour t’en dire plus après. Peut-être qu’ils ont appris qu’elle était en salle d’opération et que le pronostic vital n’était pas bon, et dans ce genre de moment c’est au médecin d’en parler à la famille, non ? Tu n’en sais rien. Tu supposes. Ça faisait longtemps que tu n’avais pas pensé à tout ça. À cette soirée en particulier. À cette nuit. C’est à peine si tu te souviens encore des heures avant l’accident. Un peu comme si ton inconscient avait préféré tout supprimer toutes les dernières heures de Victoria de ton esprit pour t’éviter une douleur supplémentaire qui est déjà extrêmement lourde.
Ces heures passées à l’hôpital te font penser que tu n’as pas été au cimetière depuis longtemps alors tu te gardes en tête de t’y rendre un peu plus tard. Mais pour le moment il est l’heure d’aller rendre visite à Heather. Tu restes avec elle un petit moment et c’est plutôt soulagé que tu fermes la porte de sa chambre. Soulagé mais pourtant extrêmement bouleversé. Mais au moins si aujourd’hui l’anxiété est forte, tu en connais la raison. Avant de reprendre la route pour cette fois partir sur la tombe de ta défunte première fiancée tu t’arrêtes juste devant l’entrée principale de l’hôpital pour fumer une cigarette. T’es perdu dans tes pensées et tu ne regardes absolument pas les personnes bouger autour de toi et ce n’est qu’en entendant une voix familière te parler que tu te reconnectes à la réalité. C’est Birdie. C’est toi qui l’as prévenu pour Heather. “Salut Caleb.” tu tires sur la cigarette avant de lui répondre par un simple petit. « hey » Pas de sourire – tu n’es pas d’humeur, et tu es aussi étonné qu’elle vienne te parler pour dire vrai. “Merci de m’avoir prévenu.” Tu te pinces les lèvres tout en tapotant doucement sur le cylindre que tu tiens entre les doigts. « Ne me remercie pas, c’est normal. » tu dirais bien qu’elle aurait fait la même chose pour toi, mais tu doutes que ce soit vrai. « On dirait bien que l’univers veut absolument qu’on se croise cette année. » C’est presque de l’humour que tu fais là. Yep. Tu fais un effort.
« Hey. » Si quelques mois avant, quelqu’un aurait dit à Birdie qu’elle se retrouverait à respirer le même air que Caleb sans avoir envie de l’étrangler sur place, elle n’y aurait pas cru. Si on lui avait rajouter qu’en plus, elle aurait en sentiment de reconnaissance envers lui, là, elle aurait carrément éclaté de rire en balayant cette prédiction de la main. Impossible n’est pourtant pas Cadburry et il est clair que c’est exactement ce qui est en train de se faire sentir en ce moment même. Au milieu de tous les autres ressentis plus négatifs encore car leur présence à l’hôpital n’est pas anodine du tout. Birdie sait à quoi Caleb doit penser car elle pense la même chose. Est-ce que le sujet va être évoqué ou pas ? Ça reste à voir. L’accident d’Heather est déjà bien assez frais et dramatique comme ça, même si l’anglaise est bien vivante dans son lit.
« Ne me remercie pas, c’est normal. » Birdie n’est pas forcément de cet avis. “La normalité n’est pas la même pour tout le monde.” Elle pense à Diana qui n’a envoyé à aucun moment de messages, que ce soit d’une façon ou d’une autre. Qu’importe si elle n’a pas son numéro, elle aurait pu se débrouiller si elle l’avait voulu. Mais venant de Diana, évidemment que la vipère s’est tut. « On dirait bien que l’univers veut absolument qu’on se croise cette année. » L’oiseau hausse brièvement les sourcils. “Je préférais la rencontre surprise à Bayside que ça.” Ses épaules sont toujours autant affaissées avant qu’elle ne pointe sa cigarette du menton. “T’en as une ? J’ai oublié mon paquet dans la voiture.” Même si elle en a fini une il y a dix minutes, voir Caleb avec lui donne envie. Une dépendance qui ressort naturellement pendant les moments de stress chez la jeune femme. “Je me rappelais pas que tu fumais.” Ça ne va pas avec le personnage il faut dire mais qu’importe ; elle est bien placée pour savoir qu’il ne faut pas se fier aux apparences. “Elle va bien ?” Une micro pause avant qu’elle ne précise. “Heather.” Certes, elle a eu un échange de sms avec elle mais physiquement, elle ignore dans quelle condition physique son amie se trouve actuellement. Quitte à être prévenue plus tard, Birdie préfère avoir un temps de préparation psychologique à ce qui l’attend - elle espère n’entendre qu’un poignet cassé.
Tu ne t’attendais pas à te retrouver face à Birdie aujourd’hui. Ce qui est peut-être un peu bête de ta part puisque c’est bien toi qui l’a prévenu pour l’accident de Heather. T’as encore un peu de mal à réaliser que vous avez cette amie en commun. Et pas seulement. Heather qualifie la blonde comme étant sa meilleure amie. Un peu comme si l’univers et le karma voulaient te faire un doigt d’honneur permanent. Il fut un temps où Birdie et toi, vous vous entendiez bien. Sans pour autant qu’elle fasse partie de ton cercle d’amis proches, mais elle avait sa place dans celui de ta défunte fiancée. “La normalité n’est pas la même pour tout le monde.” Tu as bien conscience que la Cadburry n’en aurait pas fait de même pour toi. Tu doutes plutôt fortement qu’elle aurait eu la gentillesse de prendre son téléphone pour te prévenir que ta meilleure amie a eu un accident de voiture. Elle a d’ailleurs sûrement supprimé ton numéro. Mais c’est ok. Tu ne lui en veux pas. Tu serais de toute façon plutôt mal placé pour te montrer rancunier envers elle. T’as plutôt tendance à vouloir te faire tout petit. En revanche tu es surpris qu’elle ne te demande pas comment l’actrice et toi vous vous connaissez. “Je préférais la rencontre surprise à Bayside que ça.” Tu ne peux que la plussoyer sur ce point-là mais tu te contentes simplement de le faire en silence. “T’en as une ? J’ai oublié mon paquet dans la voiture.” Tu cales ta cigarette entre les lippes pour venir sortir une cigarette de ton paquet et le lui donner avant de l’allumer et de tirer à nouveau sur la tienne. “Je me rappelais pas que tu fumais.” Peut-être parce que tu fumais beaucoup moins quand vous vous connaissiez. C’est Alex qui t’a fait fumer ta première cigarette quand tu avais à peu près vingt ans. « Oh ça fait…treize ou quatorze ans que je fume. Mais je fumais moins à l’époque. » Victoria n’aimait pas ça. Tu as envie d’ajouter cette précision à ta phrase mais tu n’oses pas. À vrai dire tu as peur de mentionner la belle française avec Birdie, tu ne sais pas comment elle pourrait réagir et tu n’as pas franchement envie qu’elle te saute au cou. Peut-être que ça se passerait bien, tu te dis. Mais n’empêche que tu n’oses pas et que tu gardes cette précision pour toi. Birdie doit de toute façon savoir que son amie n’aimait pas la fumée de cigarette. À savoir si elle s’en souvient. “Elle va bien ? Heather.” Tu hoches doucement la tête et c’est après avoir tiré une dernière fois sur le cylindre que tu lui réponds. « Pas trop mal. Quelques côtes cassées, enfin elle n’a rien de grave. Je pense qu’elle a eu de la chance dans son malheur. » Toi aussi tu avais eu quelques côtes cassées, sauf que c’était bien plus grave puisqu’elles étaient venues perforer tes poumons qui se sont noyés dans du sang t’empêchant de respirer. T’as bien failli en mourir et durant un long moment tu as détesté l’univers de t’avoir sauvé. Tu n’es plus dans ce genre de pensées aujourd’hui. Tu te décales un peu pour venir écraser ta cigarette dans le cendrier prévu à cet effet. « Tu ne me demandes pas comment Heather et moi on se connait ? » Tu finis quand même par lui demander, ta curiosité prend le dessus. Tu as appris il y a quelques mois que les deux filles se connaissent mais tu ne sais pas encore que Birdie l’a découvert il y a peu elle aussi.
« Oh ça fait…treize ou quatorze ans que je fume. Mais je fumais moins à l’époque. » A l’époque. Comme une période donnée et définie que Caleb ne précise pas mais que Birdie comprend très bien. Elle sait très bien de quelle époque il parle. Celle-là même où ils se voyaient et se fréquentaient parce que Victoria avait été là et qu’elle avait illuminé tout son monde par sa simple présence. Autant que Birdie a du mal à croire avoir été amie avec quelqu’un comme Caleb, autant elle trouve toujours cela incensé qu’il soit proche d’Heather. L’univers est parfois fourbe et il a décrété que les mettre sur le trajet de l’autre était une bonne idée. Est-ce que c’est un signe ? Une façon de demander à Birdie de déposer les armes et de passer à autre chose ? Oh, jamais elle ne pourra oublier Victoria. Jamais son cœur se remettra de la perte de la belle française, restant ainsi figée dans le temps dans un espace idéalisé que Bird affectionne particulièrement. Oui, elle idôlatre Victoria plus qu’elle n’a jamais idôlatré personne et elle a conscience que c’est sûrement dû au fait que son amie est partie trop vite, trop tôt. Elles auraient dû continuer à vivre d’autres aventures mais le destin avait d’autres projets, qu’importe si ça blesse autant de personnes dans le processus. Alors cette époque-là, ça ravive des souvenirs. “Tu m’étonnes… Vic me faisait la guerre. Elle aimait pas l’odeur.” Elle se rappelle très bien. Birdie prenait toujours soin de fumer sur le balcon quand elle était chez eux. Mais à l’extérieur, elle faisait ce qu’elle voulait. Au grand drame de Victoria.
Des années après, voilà que l’ironie souhaite qu’ils se retrouvent en fumant une clope. Birdie tire sur la sienne que Caleb lui a tendu, en profitant pour prendre la température sur l’état de votre amie commune - encore une. Pas une française, cette fois, mais pas loin. « Pas trop mal. Quelques côtes cassées, enfin elle n’a rien de grave. Je pense qu’elle a eu de la chance dans son malheur. » Les yeux dans le vague, Birdie a presque un vertige. Mais tout va bien. Heather va bien, il n’y a rien eu de grave. Elle peut râler, geindre, courir jusqu’au premier starbuck qu’elle croisera. « Tu ne me demandes pas comment Heather et moi on se connait ? » La Cadburn revient dans la réalité du monde en levant ses prunelles claires sur Caleb. “Je le sais déjà, Heather m’a dit.” Elle gratte son cou tout en tirant une latte. “On est passées devant ton resto une fois et je lui ai demandé. Je savais pas avant ce moment que vous vous connaissiez.” Le monde est petit et bizarrement foutu parfois. “J’étais loin de penser que vous pourriez être amis. Au delà de vos caractères bien sûr.” C’est juste l’ironie de l’univers qui la bute.
“Tu m’étonnes… Vic me faisait la guerre. Elle aimait pas l’odeur.” Et tu ne peux pas t’empêcher de sourire doucement en entendant la précision de Birdie. Sourire en parlant de Victoria n’a pas toujours été possible pour toi bien au contraire. Pendant de nombreuses années mentionner son prénom suffisait à te faire fondre en larmes et te faire replonger dans une tristesse si profonde qui te terrifie encore aujourd’hui. Aujourd’hui le deuil est fait mais ça ne veut pas dire que tu l’as oublié pour autant. Tu as vécu quelque chose de beau avec elle. Un amour sincère et très fort. On ne peut pas dire que tu n’aimes pas ta femme. Clairement pas. Tu es fou amoureux d’Alex, et tu as même un peu tendance à l’idolâtrer un petit peu trop. À la mettre sur un piédestal et ton amour pour elle t’a parfois empêché de voir ses quelques défauts. Donc oui, tu aimes ta femme. Mais il y aura pourtant toujours une place pour Victoria dans ton cœur. Un peu comme si tu l’aimais encore. Et c’est sûrement un peu vrai dans un sens. Victoria sera toujours une femme importante pour toi, qu’on le veuille ou non. Tu penses à elle encore tous les jours ou presque. Des petits détails, des souvenirs qui reviennent à la surface. Des sentiments qui sont presque restés intacts bien qu’ils aient réussi à laisser place à une autre femme dans ta vie – et tu remercieras toujours la vie de t’avoir laissé cette seconde chance. Que tu ne penses toujours pas mériter, d’ailleurs. « Caleb, chéri, si tu veux pouvoir m’embrasser ce soir il va falloir que tu lâches cette cigarette. » Ton imitation de la jolie blonde est quasiment parfaite. Tu reprends volontairement son french accent que tu as toujours trouvé terriblement adorable. Ses petites fautes de grammaire ou de conjugaison qui te faisaient toujours rire. Et c’est d’ailleurs avec un mélange de nostalgie et d’amusement que tu imites Victoria, sans trop savoir si tu as le droit ou non de parler d’elle avec Birdie. Mais il faut dire que c’est plutôt elle qui a abordé ta défunte fiancée en premier.
Ce n’est pas la première fois que l’univers met la Cadburry sur ton chemin cette année. C’est peut-être un signe. Un petit coup de pouce du destin pour vous aider à communiquer sans que la blonde n’ait encore d’arracher tes jolies bouclettes de ton crâne. Mais en même temps tu ne penses pas mériter son pardon. “Je le sais déjà, Heather m’a dit.” Après avoir tiré une dernière latte, tu acquiesces doucement d’un signe de tête sans un mot de plus. “On est passées devant ton resto une fois et je lui ai demandé. Je savais pas avant ce moment que vous vous connaissiez.” Tu écrases ton mégot dans le cendrier prévu à cet effet et l’étonnement de Birdie quant à son amitié avec Heather te fait doucement rire. En même temps quand on vous regarde tous les deux il n’y a absolument rien qui puisse vous lier. “J’étais loin de penser que vous pourriez être amis. Au delà de vos caractères bien sûr.” Doucement, tu passes une main dans tes cheveux. Tu n’es pas le seul à l’aise face à la Cadburry et c’est un geste simple, mais qui le prouve tout de même. « Bizarrement j’ai toujours eu tendance à bien m’entendre avec des personnes qui ne me ressemblent pas du tout. » Et la preuve, même si Birdie et toi qu’étiez pas les meilleurs amis du monde, le courant passait très bien entre vous à l’époque. « Et toi, tu l’as connu comment ? » Heather. Tu parles bien entendu d’Heather et tu oses d’ailleurs poser ton regard sur la Cadburry en lui posant cette question.
« Caleb, chéri, si tu veux pouvoir m’embrasser ce soir il va falloir que tu lâches cette cigarette. » Caleb n’a pas le charme ni l’accent parfait de Victoria mais il s’en rapproche beaucoup. T’as un bref sourire amusé - incroyable, un vrai miracle ça aussi - alors que tu reconnais bien des propos que la française a sûrement dû dire à son fiancé à l’époque. “Malheureusement, ça nous aura pas servi de leçon.” Tu soulignes en relevant brièvement ton mégot que tu portes à tes lèvres. Tu brûles ton capital santé, tu en as conscience, mais tu n’es pas non plus considérée comme une grosse fumeuse. Tu peux t’en passer pendant plusieurs jours sans en ressentir le manque, exactement comme l’herbe. Tu es une fumeuse occassionnelle et tu savais que si tu fumais en présence de Victoria, tu allais en entendre parler pendant longtemps. Mais cela ne vous a pas empêché de continuer malgré tout.
Il faut dire qu’aujourd’hui est une journée particulièrement stressante vu ce qu’il s’est passé. Malgré le fait qu’Heather n’ait pas trop de séquelles de ce qu’a pu t’avoir dit Caleb, ça sonne toujours de façon puissante d’apprendre qu’un proche a eu un accident de voiture. D’autant que tu as déjà perdu trop de proches dans les mêmes circonstances. Deux, c’est déjà énorme. « Bizarrement j’ai toujours eu tendance à bien m’entendre avec des personnes qui ne me ressemblent pas du tout. » Tu mords ta lèvre avant de tirer une taffe, le regard fuyant vers le paysage rural qui se dresse devant vous. Tu as bien compris le sous entendu, il faudrait être stupide pour ne pas l’entendre. « Et toi, tu l’as connu comment ? » T’as un petit sourire en te rappelant de la situation cocasse de la rencontre. “Par hasard, dans les studios ABC. Elle filmait pour une série ou un film, je sais plus trop, et je suis tombée sur la salle des costumes. Là où elle devait aller aussi pour se changer pour une autre scène.” Tu n’étais pas vraiment dans la salle des costumes par hasard, non, tu voulais voir de près à quoi les tenues ressemblaient. Vu ton attrait pour la couture et la création, ça n’a rien de surprenant. “Le feeling a bien matché et voilà.” Tu vas lui épargner les détails dont Caleb n’a pas besoin - mais dont il peut se douter s’il connaît aussi bien que ça sa meilleure amie et un peu ta propre personne.
Dans le tabac tu y trouves comme une sorte d’apaisement. Ou bien serait-ce un moyen de parfois décharger ta frustration et ta colère ? De retenir toutes les émotions que tu ne t’autorises pas à exprimer ? Sûrement un petit mélange de tout ça, mais on note que quand tu te disputes avec ta femme le nombre de cigarettes que tu fumes quotidiennement sont encore plus élevées. Plus d’une fois tu as essayé d’arrêter, mais sans succès. Ce qui est assez étonnant lorsqu’on sait qu’il y a plusieurs années, notamment quand tu étais avec Victoria tu étais loin d’être un grand fumeur. La différence étant que la française ne fumait pas, bien au contraire elle détestait son odeur et nombreuses sont les fois où elle te faisait la morale concernant les effets néfastes du tabac sur ta santé. Elle ne voulait pas que tu meures jeune. Ironique quand on sait que c’est la belle française qui est partie bien trop tôt, avant même de passer le cap des trente ans. “Malheureusement, ça nous aura pas servi de leçon.” Clairement pas. Et puis il faut aussi dire qu’il y a un moment où tu cherchais clairement à te bousiller la santé. Que ce soit en fumant, ou en ne suivant pas avec rigueur les séances de kiné respiratoires des suites de l’accident, en te nourrissant trop peu ou en ayant l’alcool un peu trop facile. Mais tout ça n’a été que le début de ta descente aux enfers. Aujourd’hui tu vas beaucoup mieux et quand on te voit il est presque difficile à croire que tu es passé par tout ça. Tu n’en parles pas beaucoup, peut-être parce que mettre des mots sur tout ce que tu as ressenti durant cette période est compliqué. Tu ne peux pas t’empêcher de te dire qu’il est dommage que Birdie et toi ne soyez pas restés en bons termes, vous auriez pu vous soutenir à ce moment-là. Parce qu’au moins, elle, elle pouvait te comprendre. À peu près. Parce que perdre une amie et sa future femme n’est sûrement pas dévastateur au même point mais vous avez un point commun : votre affection ou amour pour la défunte. Sauf que Birdie t’en as voulu – et à juste titre, raison pour laquelle tu ne lui en as jamais tenu rigueur – même si disons-le-nous : Victoria n’aurait jamais voulu voir cette petite guerre entre vous. Ça, t’en es persuadé. “Par hasard, dans les studios ABC. Elle filmait pour une série ou un film, je sais plus trop, et je suis tombée sur la salle des costumes. Là où elle devait aller aussi pour se changer pour une autre scène. Le feeling a bien matché et voilà.” Et puis voilà. Le reste tu le connais, Heather t’en a parlé avant même que vous ne compreniez que sa meilleure amie en question était la Birdie que tu as connu il fut un temps – et avec qui tu as toi aussi couché une fois au passage. « En tout cas Diana n’y est pas donc tu devrais être tranquille. » Toi tu n’as absolument rien contre la rouquine qui au contraire s’est toujours montrée agréable avec toi mais tu sais qu’entre l’actrice et la Cadburry l’entente n’est pas parfaite. Bien au contraire même. Détail mentionné par Heather et qui ne t’avait pas plus étonné que cela. Un léger blanc s’installe. Toi qui n’es pas le plus bavard du monde, en général ce n’est pas quelque chose qui te dérange mais là c’est différent. Le malaise ente vous est toujours présent et tu ne sais clairement pas sur quel pied danser avec Birdie. Être en présence de quelqu’un qui connaissait elle aussi ta défunte fiancée pourrait te donner l’occasion d’évoquer sa mémoire, et tu sais que ça te ferait du bien sauf que Birdie n’a certainement pas envie d’en parler avec toi. Tu oses tout de même quelque chose, le regard fuyant. « La dernière fois en faisant des cartons je suis retombé sur des albums de Victoria. Il y a quelques photos de vous deux, si ça t’intéresse je pourrais les passer à Heather pour qu’elle te les donne. » Tu pourrais très bien lui donner toi-même aussi, mais les chances pour que Birdie veuille te revoir de façon volontaire sont proches de zéro.
Autant dire que cette rencontre reste aussi choquante que surprenante. Non, le plus choquant est surtout le calme apparent que t’as l’air d’avoir en sa présence. Il fut une époque où tu lui en aurais mis dix dans la tronche. C’est bien pour ça que tu t’es épargnée la sale étape de l’enterrement. Tu n’as jamais pu te rendre aux enterrements de tes proches, Victoria inclus. Tu l’as aussi épargné à Caleb ; ce dernier s’en serait pris dans les dents encore plus avec toi dans la foule. Après tout, tu ne doutes pas que la famille de la française a dû réserver un accueil plutôt froid au brun. Donc dans le fond, tu as fait preuve d’altruisme. Et d’auto-préservation. Tu n’avais pas envie de t’emballer à un moment aussi important et dévastateur. Tu comptais sur le karma pour se venger.
« En tout cas Diana n’y est pas donc tu devrais être tranquille. » Ah. Tes iris vont de droite à gauche et vice versa plusieurs fois d’affilés alors qu’un bref sourire se forme. Epatant, non ? “Bon à savoir.” T’en conclus qu’Heather a informé Caleb de ton désamour avec la rouquine. Peu qu’il savait que cette dernière allait quand même rencontrer ton chemin dans la journée quoiqu’il arrive. “Les nouvelles fusent vite.” Que t’ajoute en croisant les bras, sans critique mais en simple constat.
T’étais sur le point de rentrer dans l’hôpital et donc de laisser Caleb mais - « La dernière fois en faisant des cartons je suis retombé sur des albums de Victoria. Il y a quelques photos de vous deux, si ça t’intéresse je pourrais les passer à Heather pour qu’elle te les donne. » Tu le regardes avec surprise, les paupières qui l’observent en s’abaissant plusieurs fois d’affilés tel Bambi face au chasseur. “Oh, euh… Bien sûr, ouais, ça m’intéresse.” Tu ne dis jamais non pour des souvenirs de tes proches. Encore moins avec Victoria. Tu as une boite à chaussures déjà bien remplie mais ça ne te dérange pas de la remplir un peu plus. “Merci.” Que t’ajoute avec un petit hochement de tête. Puis tu regardes la porte d’entrée. “Bon, je vais y aller. Autant en profiter que… Diana ne soit pas encore là.” Prononcer son prénom t’arrache la figure, oui oui. “Merci encore de m’avoir prévenu.” Tu lui fais un bref petit sourire poli avant d’entrer dans l’hôpital. Enfin, avant - “Elle est quelle chambre ?” Un détail.
“Bon à savoir.” Tu ne connais pas les détails de sa relation avec Diana. Tout ce que tu sais repose sur ce que Heather t’a dit il y a quelque temps : que les deux femmes ne s’apprécient pas et si tu ne connais pas très bien Diana, il fut un temps, Birdie et toi, vous vous connaissiez plutôt pas mal et tu te souviens ne pas avoir été étonné d’apprendre cela. “Les nouvelles fusent vite.” Et avec cette simple réflexion pourtant plutôt simple et qui ne semble même pas être bourrée de reproches suffit tout de même à te faire grimacer. Tu en viens même à te culpabiliser en te demandant si tu n’aurais pas mieux fait de garder cette réflexion pour toi. Mais qu’on se le dise, il ne faut pas grand-chose pour que tu te culpabilises. Tu manques tellement de confiance en toi qu’en un claquement de doigts tu peux te détester d’avoir prononcé certains mots. Peut-être aussi pour ça que tu n’es pas la personne la plus bavarde qui existe.
“Oh, euh… Bien sûr, ouais, ça m’intéresse.” Sa réponse n’est clairement pas une surprise. Ce qui aurait été en revanche surprenant aurait été d’entendre Birdie refuser un souvenir de Victoria. Vous n’êtes pas en merveilleux termes mais tu n’oublies pas que la blonde appréciait beaucoup ta fiancée à l’époque et que les deux jeunes femmes étaient assez proches. Tu hoches doucement la tête. « Je les donnerai à Heather pour qu’elle te les passe alors. » tu conclues simplement. “Merci.” Est-ce que c’est un petit sourire que l’on peut voir s’étirer doucement sur tes lippes ? oui. On dirait bien. Il est léger voire même à peine visible mais pourtant présent, et c’est assez important pour être notifié. Et retenu. “Bon, je vais y aller. Autant en profiter que… Diana ne soit pas encore là.” Tu sens bien que prononcer le prénom de la petite-amie de ta meilleure-amie semble avoir été une épreuve extrêmement compliquée à relever pour Birdie, et cette constatation t’arrache un léger rire sincèrement amusé. “Merci encore de m’avoir prévenu.” Deux remerciements en moins de cinq minutes ? Ainsi qu’un léger sourire à ton encontre ? Est-ce qu’il va neiger ? Non. Il ne neige jamais en Australie, mais tu es presque étonné de l’approche aimable de Birdie à ton encontre. T’as pas l’impression de le mériter, raison pour laquelle tu balaies ses remerciements d’un geste de la main. C’est normal pour toi. Mais ça c’est parce que tu es d’une extrême gentillesse, tout le monde ne l’aurait pas prévenu. “Elle est quelle chambre ?” « 317. Troisième étage. » C’est à ton tour de lui offrir un sourire poli avant de tourner les talons pour retrouver ta voiture.
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