Si Chad n'était pas mon cousin, il y a peut de chance que j'aurais pointé le bout de mon nez ici aujourd'hui. Je n'aime pas beaucoup les bains de foule, surtout ceux qui n'impliquent pas un concert ou une manifestation musicale quelconque. Mais lorsque ma mère au téléphone m'a subtilement glissé que Chad organisait un événement pour sa salle de sport en partenariat avec une association caritative, j'ai compris qu'elle attendait de moi que je soutienne l'initiative de mon cousin. Ma mère n'est pas si intolérante que sa sœur et, nul doute qu'elle se sent un peu mal de la façon dont les fêtes de fin d'année ont tourné suite au coming out de ce dernier. En tournage à l'autre bout du pays je n'ai pas pu être présent, mais les nouvelles vont vites chez les Taylor-Sterling. Ma tante et ma mère ont certainement passé des heures au téléphone et si la mère de Chad, en temps qu'ainée, a toujours eu une certaine influence sur sa soeur - au point que je doute qu'elle ait dit quoi que ce soit au téléphone ou invité Maggie à faire preuve de plus de tolérance - c'est certainement sa façon à elle d'aider Chad à sa façon.

Alors je suis là. Affublé d'un agent de sécurité au physique d'armoire à glace, j'ai été le premier inscrit à la course d'orientation organisé par ce dernier pour promouvoir sa salle de sport inclusive. J'ai fait de grands sourires pour les caméras, agité ma main pour saluer les autres participants et attendu qu'on tire au sort mon partenaire. Le pauvre diable ignore certainement qu'il passera toute la course à être approché par des pré-adolescente en plein rôle de groupies, et j'espère qu'il ne comptait pas réellement participer à l'événement pour gagner : nul doute que nous serons ralentis par ces distractions.

Le jeune homme n'a pas la carrure d'un grand sportif ou en tout cas pas d'un culturiste. Peut-être est-il là pour soutenir un proche ou bien la cause représentée par l'événement en général. Je m'approche de lui avec un sourire chaleureux, avant de lui tendre la main pour échanger une poignée de main qui l'est tout autant. « Je suis désolé. Je suis sûr que tu t'es pas inscrit à la course pour récolter autant d'attention... » Ceux qui la recherchent n'en connaissent simplement pas les dérives. « Midas. Et on risque certainement de nous demander au moins une photo avant le début de la course. » Que ce soit les fans ou les médias.

Le nom de son partenaire n’était pas inconnu à Swann. Evidemment qu’il connaît Midas Sterling, ou tout du moins que l’évocation de son nom au complet lui rappelle quelque chose: d’innombrables hits, une réputation qui n’est plus à faire. Ironiquement, il ne pensait pas troquer la célébrité de son mari pour en trouver une autre chez son partenaire de course d’orientation, mais il a fait bien assez de chemin pour que ce ne soit plus le moins du monde un problème pour lui. « Je suis désolé. Je suis sûr que tu t'es pas inscrit à la course pour récolter autant d'attention... » Il a observé avec un sourire les allers et venues des fans autant que ceux n’osant pas l’approcher, tout comme il a jeté un regard curieux à son garde du corps ne le lâchant pas, à l’air éternellement sévère. Néanmoins, Swann n’a pas pensé un seul instant à laisser la moindre faute reposer sur les épaules de Midas, comme le prouve la main qu’il lui tend pour le saluer. “Ne t’excuse pas pour avoir réussi dans ton domaine.” Il précise dans ton domaine, parce qu’il n’est pas de ceux qui pensent que la réussite se mesure à la popularité. En musique, pourtant, cela correspond à une condition sine qua non. “Je peux faire avec, je te promets.” Il ajoute néanmoins dans un sourire, ne voulant pas qu’il se sente coupable de quoi que ce soit. Pour vivre avec un acteur, c’est le genre d’aspects qui forgent son propre quotidien, éternel observateur silencieux de ce genre de scènes atypiques.

« Midas. Et on risque certainement de nous demander au moins une photo avant le début de la course. »
“Swann.”

Ils ont déjà vu leurs prénoms une première fois sur les papiers d’admission, mais il répète tout de même par politesse, avant de rapidement enchaîner. “Et… nous ? Ou te ?” Parce que la première option ne le dérange pas le moins du monde mais pour la seconde, il faut bien l’avouer, il aimerait autant qu’ils s’en occupent rapidement avec une seule photo et n’en parlent plus. Swann n’a rien contre l’idée de faire équipe avec lui, mais il n’a pas à cœur de devenir un pion médiatique. “Je pourrai prendre les photos, ça sera une side quest, c’est pas si grave.” Ils n’auront qu’à dire qu’ils ont une difficulté supplémentaire face aux autres équipes, et ceux uniquement parce qu’ils sont bien plus forts que les autres - évidemment, quoi d’autre ? “Je peux demander comme une personnalité publique se retrouve à un événement comme celui-ci ?” Les mains dans ses poches, il pose son regard sur Midas comme il l’aurait fait face à n’importe qui d’autre, incapable de le traiter différemment sous couvert de sa popularité. Au fond, il se doute que c’est ce dont le chanteur peut avoir envie, à moins qu’il ait un immense melon. En réalité, sa question est dénuée de tous sous-entendus et se veut seulement curieuse.

« Ne t’excuse pas pour avoir réussi dans ton domaine. Je peux faire avec, je te promets. » Le jeune homme, qui se présente et dit s’appeler Swann, a l’air tout à fait agréable et poli. Les choses auraient pu être pires, le moment aurait pu être désagréable ou, pire encore, j’aurais pu tomber avec une personne de sexe féminin ce qui n’aurait pas manqué d’enflammer les médias et qui serait certainement arrivé jusqu’à Jo. Suis-je un idiot de me nourrir de l’espoir qu’il reste des chapitres de notre histoire à écrire ? Suis-je un détraqué d’avoir envoyé un acheteur anonyme dépenser une petite fortune en mon nom à l’instant où j’ai appris que la robe de Jo – pas n’importe laquelle, celle de la finale de 2016 – avait été mise en vente aux enchères caritatives organisées par la même association que celle à laquelle j’ai confié ma guitare ? Suis-je fou d’être prêt à dépenser une petite fortune pour acquérir l’objet ? Je chasse ces idées noires, et serre chaleureusement la main du jeune homme tout en le prévenant de ce que cela risque d’impliquer, ma réussite.

« Et… nous ? Ou te ? » Il est assez transparent et facile à lire, et je comprends facilement l’alternative qui a sa préférence. « Je pourrai prendre les photos, ça sera une side quest, c’est pas si grave. » - « Certainement nous. Ils vont vouloir me présenter comme une personne comme les autres avec un partenaire tiré au sort. C’est idiot. » De mon côté, j’y suis habitué et résolu aux inconvénients induit par mes choix. J’ai à cœur de ne pas les imposer, lorsque c’est possible. « Ils sont assez insistants la plupart du temps. Le meilleur moyen qu’ils nous laissent tranquilles, c’est de leur donner ce qu’ils veulent. » Mais rapidement, je me reprends. « Si tu préfères l’éviter, je ferai ce que je peux. » Mais malheureusement, je ne maîtrise pas les paparazzis, personne ne les maîtrise, sinon ils ne nous pourriraient pas la vie à ce point.

« Je peux demander comme une personnalité publique se retrouve à un événement comme celui-ci ? » Il peut, et je suis même ravi qu’il me traite comme une personne normale et me fasse la conversation sans prendre des pincettes ou bégayer. Je suis bien tombé, de toute évidence. « Bien sûr, tu peux même me demander ce que tu veux. »  Je l’encourage d’un rire, soucieux de prouver que je n’ai rien de ces célébrités hautaines qui s’estiment trop bien pour se mélanger aux anonymes. « Mon cousin est le propriétaire de la salle de sport qui organise la course. Elle a ouvert il y a quelques mois, je me suis dit que je pouvais donner un peu de ma personne pour promouvoir autant son affaire que l’événement. »

« Certainement nous. Ils vont vouloir me présenter comme une personne comme les autres avec un partenaire tiré au sort. C’est idiot. » Swann fronce déjà le bout de son nez, de toute évidence bien moins à l’aise à l’idée de faire partie du spectacle plutôt que de se contenter de prendre les photos. Pour autant, il voit ça comme un nouveau défi à relever pour apprendre et aller de l’avant, ce qui est une raison suffisante pour ne pas déjà prendre la poudre d’escampette. Il peut le faire. Midas a l’air d’être une bonne personne. Il ne lui force pas la main et semble gêné à son tour, ce n’est pas une grotesque mise en scène - ou disons simplement que ce n’en est pas une de sa part. “C’est la comm’. Je comprends.” Donna est bien moins intransigeante à ce sujet pour Rory, mais il a regardé assez de séries télévisées pour savoir qu’il n’en est pas de même pour tout le monde. « Ils sont assez insistants la plupart du temps. Le meilleur moyen qu’ils nous laissent tranquilles, c’est de leur donner ce qu’ils veulent. » Dans un sourire triste, Swann reprend. “Si je comprends bien, t’es pas le genre de personne qui a cherché à être célèbre pour recevoir de l’attention, alors ?” Il est devenu célèbre parce qu’il est incroyablement doué dans son domaine, voilà tout ce que l’anglais comprend. « Si tu préfères l’éviter, je ferai ce que je peux. » - “Non t’en fais pas, c’est bon.” Il lui servira d’alibi pour prouver qu’il se mêle au commun des mortels. Cela n’amènera aucune conséquence négative sur son couple ou l’image de son mari, c’est tout ce qu’il prend en compte.

Après une question qui aurait pu être jugée trop personnelle, Midas le rassure et se montre étrangement humain et terre à terre, repoussant comme si de rien n’était l’idée qu’il est une star planétaire. « Mon cousin est le propriétaire de la salle de sport qui organise la course. Elle a ouvert il y a quelques mois, je me suis dit que je pouvais donner un peu de ma personne pour promouvoir autant son affaire que l’événement. » Trouvant le geste particulièrement louable, Swann hoche la tête. “J’ai raison d’avoir bon espoir que tu t’entraînes aussi dans cette salle ?” Il se moque de ses habitudes sportives en tant que tel, il cherche simplement à s’assurer qu’ils pourront rattraper le temps perdu à prendre des photos ci et là durant la course. “On peut essayer de se concentrer sur la course, jusqu’à ce qu’on nous arrête déjà ?” Il ajoute dans un sourire, prouvant ainsi qu’il n’en tient pas rigueur à Midas, appuyant même la faute sur un on inexistant. Déjà, sans attendre réellement sa réponse, il ouvre la carte qui leur a été donnée pour tenter de découvrir et comprendre le parcours. “Mais hey, Midas ? T’es plutôt cool comme cousin.” Peu de personnes auraient fait l’effort de se donner pour faire de la publicité à un membre de leur famille, surtout aussi éloigné, alors ce Midas est sans nul doute une bonne personne.

« C’est la comm’. Je comprends. » Gêné, même si le prénommé Swann affirme comprendre, je frotte l’arrière de ma nuque de mon bras, bien loin des clichés de la célébrité sure d’elle et qui pue l’assurance. Je n’aime pas les conflits. Je cherche toujours à faire au mieux pour tout le monde et si le jeune homme ne veut pas être pris en photo je ferais de mon mieux, mais préfèrerait ne pas avoir à faire preuve de fermeté avec les paparazzis et journaliste. (Spoiler alert, ça n’est encore jamais arrivé). « Si je comprends bien, t’es pas le genre de personne qui a cherché à être célèbre pour recevoir de l’attention, alors ? » - « Non. » Je secoue la tête, heureux d’avoir été cerné correctement. « Je crois pas qu’on puisse dire que j’ai cherché à devenir célèbre tout court, en fait. Je voulais faire ce que j’aimais. » Vivre de la musique, écrire mes textes et me partager mes chansons avec tout ceux qui voudraient bien les écouter. Jamais je ne me suis attendu à devenir l’homme et la personnalité publique que je suis actuellement. « Non t’en fais pas, c’est bon. » Soulagée, je hoche la tête et pousse un soupir de soulagement. Déjà, je vois les regards curieux converger vers nous et je n’ai pas envie de me demander qui est prêt à sortir un appareil photo. Le changement de conversation est donc accueilli avec soulagement de mon côté.

« J’ai raison d’avoir bon espoir que tu t’entraînes aussi dans cette salle ? » J’éclate de rire, en secouant la tête alors que le jeune homme ouvre sa carte. « Non, malheureusement. » L’endroit est trop public comme quelqu’un comme moi. Je sais qu’Amos s’y remet en forme, l’envie ne manque donc pas. « J’ai un coach personnel par contre. Mais on peut pas dire que ce soit ce que je préfère. » Entretenir un corps parfait et une musculature développée est malheureusement un inconditionnel de mon statut de popstar, mais je ne m’y plie que par obligation, pas par réel amour du sport. « Mais question cardio je devrais m’en sortir. Toi ? » Pourquoi participe-t-il à ce genre d’événement d’ailleurs ? Pour la cause ou pour la course en elle-même ? « On peut essayer de se concentrer sur la course, jusqu’à ce qu’on nous arrête déjà ? » - « Je vais pas te dire non. » Me prêter au jeu des photographe n’est pas quelque chose que j’attends avec hâte. « Mais hey, Midas ? T’es plutôt cool comme cousin. » Je prends le compliment avec un grand sourire. « Merci. J’essaie, même si c’est pas toujours facile la famille. » Je n’ai jamais eu le moindre différent avec Chad, mais Olive en est bien plus proche que moi-même. « Bon si j’en crois ce plan du parc… » Et les dessins grossiers des points de repérage. « Faut qu’on marche jusqu’au point d’eau au milieu du parc, puis qu’on marche 78 pas direction nord-ouest. Tu sais utiliser une boussole ? » Il y en a une dans le pochon en tissu qui nous a été fourni au départ.

Le monde des célébrités n’est pas le sien et ne le sera jamais, mais Swann est aujourd’hui capable de l’appréhender avec certaines connaissances qui sont les siennes, autant qu’une expérience parfois douloureuse de la curiosité maladive et intrusive des journalistes et autres curieux. « Je crois pas qu’on puisse dire que j’ai cherché à devenir célèbre tout court, en fait. Je voulais faire ce que j’aimais. » L’idée est plaisante. Naïve et utopiste aussi, sans doute, mais assez plaisante pour que l’anglais sourisse timidement face aux mots du chanteur qui ne peut pas faire deux pas sans que le garde du corps sorte de son ombre. Ils sont loin du monde de la musique, et pourtant il ne le lâche pas. « Mais question cardio je devrais m’en sortir. Toi ? » - “Je m’en sors.” Il assure et rassure. Il ne se rend pas à Everybody, il a encore moins de coach personnel, mais il a au moins l’amplitude nécessaire pour sortir anonymement de chez lui et aller courir en ville et aux alentours, comme beaucoup d’autres personnes encore. Il n’est pas un immense sportif non plus, mais à eux deux ils devraient pouvoir s’en sortir sans trop de mal.

Soucieux de ne pas rester planté au même endroit trop longtemps (pour ne pas donner à ses fans du grain à moudre), Swann propose plutôt qu’ils se penchent sur le plan du parcours et leur stratégie pour s’en sortir aussi bien que possible durant la course. Avant cela, pourtant, il précise une dernière fois que Midas lui semble être une bonne personne pour donner autant de lui pour son cousin, pour qui la publicité sera sans doute particulièrement bienvenue. « Merci. J’essaie, même si c’est pas toujours facile la famille. » Mots que l’anglais comprend sans mal et auxquels il compatie aisément. La famille n’est pas toujours facile, et sa popularité aide encore moins, évidemment. « Bon si j’en crois ce plan du parc… Faut qu’on marche jusqu’au point d’eau au milieu du parc, puis qu’on marche 78 pas direction nord-ouest. Tu sais utiliser une boussole ? » Il ne jette pas un regard à la carte plus longtemps, croyant aisément les mots du chanteur sans chercher à les vérifier. Il a l’air sûr de lui, et Swann ne veut pas perdre davantage de temps: la course est faite en équipe, et une équipe doit se faire confiance. “J’ai appris aux scouts. Même si c’était y’a… vingt ans. Donne moi une minute.” Et il triture rapidement l’engin autant qu’il tourne sur lui même, tentant de raviver des souvenirs enfouis dont il n’a jamais ô grand jamais eu besoin durant sa vie d’adulte. Après quelques secondes, il pense avoir compris le fonctionnement, qui n’est évidemment pas sorcier. “Ok. Nord ouest. Par là.” Le point d’eau devrait se dessiner sous leurs yeux d’ici quelques maigres minutes et, avec lui, le début de la véritable course. Avec un peu de chance, ses fans n’arriveront pas à les suivre de trop près et Midas sera un peu plus libre. Avec beaucoup de chance.