nice to meet you, where you been ?
@Cecilia Barker ☆ crédit/katesgifsrp

Evie ne craignait pas que le mariage de Rory et Swann ne se passe pas à merveille. En fait, c’était peut-être la première fois de sa carrière qu’elle était autant rassurée par la bonne tenue d’un événement. C’était sûrement parce que c’était le dernier, que voulant se laisser un peu de lest, plus invitée qu’organisatrice pour cette soirée, elle évitait de songer aux éventuels problèmes qui pouvaient leur tomber dessus, allez savoir. Elle gardait néanmoins un oeil sur tout ce qui se déroulait autour d’elle, n’ayant pas son pareil pour se faire discrète quand bien même Rhett lui rappelait qu’elle n’était pas là pour travailler, qu’elle était officiellement une convive — qui recevait pourtant des félicitations comme si c’était le sien de mariage, des éloges qu’elle repoussait par habitude, du genre à recentrer l’attention sur les vraies stars de la journée dont l’union était une évidence que personne ne remettait en cause. Tout était parfait, c’était ce qu’elle se disait en jetant un coup d’oeil à l’assemblée, la nostalgie voilant un instant son regard lorsqu’elle réalisa que c’était bien la dernière fois qu’elle pourrait se satisfaire d’un travail pareil pour le compte d’un couple aussi beau que celui que Rory et Swann formait. Sa gorge se serra juste un peu, le temps qu’on vienne l’alpaguer et que se tournant dans la foulée, les sourcils haussés par la surprise, elle s’inclina légèrement pour mieux entendre ce que lui disait la serveuse qu’elle avait en face d’elle.

Un léger rire et un mouvement de la main vinrent précéder la réponse qu’elle lui accorda tout de suite après "Je ne suis qu’une bonne fée, mais vous me flattez." Refusant le petit four qu’elle lui avait proposé, Evie dégagea son visage de la longue mèche de cheveux brune qui l’encadrait et posa ses yeux sur le profil parfait de la blonde qu’elle observa juste un instant pour lui dire sans attendre de réponse de sa part, son attention piquée "Cecilia, c’est bien ça ?" lui fit-elle, ses paupières se plissant en affrontant ses yeux le temps d’une oeillade rassurante, ses mots s’y joignant pour lui expliquer  avec bienveillance "Je me suis occupée de sélectionner les CVs des serveurs avant l’embauche. Je me souviens très bien de votre visage." Parce que si elle correspondait aux stéréotypes de l’australienne de base, d’une blondeur de blé, elle restait assez pâle pour qu’on n’oublie par ses traits ; et Evie était physionomiste, autant que Cecilia semblait flatteuse, et si ça la dérangea un peu sur le moment de recevoir autant de lauriers, elle ne repoussa pour autant pas la main qui la caressait dans le sens du poil, ayant sans doute besoin d’un peu de réconfort en cette ultime soirée pour elle "Est-ce que tout le monde est au courant que ce sera mon dernier mariage ?" Elle connaissait la réponse à cette question, elle la posait uniquement pour se laisser une marge de réponse et ravaler sa mélancolie contenue à ce propos.
Se tournant vers l’assemblée, elle laissa ses yeux vadrouiller en retenant un soupir, avant d’ajouter "Mais merci beaucoup, ça me touche que vous preniez le temps de venir me le dire." Sa main se tendit vers elle pour lui frôler l’épaule dans un geste de remerciement et d’affection contenue, sa tête opinant en même lorsqu’elle ajouta dans le même temps, son visage vrillant de quelques degrés pour que ses yeux restent fixés sur les invités qui gravitaient autour d’elles "Je n’ai pas eu beaucoup de travail en vérité. Rory et Swann avaient des idées très arrêtées sur ce qu’ils souhaitaient mettre en place, et ce sont des hommes de goût comme vous pouvez le constater." Ils étaient entourés d’amour, elle pouvait le constater rien qu’un étant là, restant à proximité pour ne pas trop s’imposer au milieu d’un parterre de proches dont elle ne faisait pas partie. Un moment, elle se laissa aller à quelques songes qui la faire rêvasser, et puis l’instant d’après, un sursaut lui permettant de reprendre pieds dans la réalité, elle demanda à Cecilia vers qui elle retourna la tête "Tout se passe bien chez les serveurs ? Le service me semble plutôt fluide, mais vous pouvez me mettre dans la confidence s’il y a des ragots à connaître sur les coulisses." Il y avait toujours des petits drames à gérer avec les serveurs, et elle ne pouvait pas s’en empêcher de vouloir au moins savoir ce qui se passait alors que Rory et Swann lui avaient bien dit de ne pas agir comme le chef d’orchestre de cette soirée, la sommant même qu’elle en avait assez fait, et que pour son dernier tour de piste, elle ne devait faire qu’une chose pour parfaitement les combler : en profiter.

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Ne confirmant ou ne démentant pas la bonne chose qu’était la présence de Cecilia au sein de l’équipe de serveurs du mariage, Evie garda une mine presque mystérieuse lorsqu’elle lui posa la question. De toute façon, la discussion était déjà en train de bifurquer, lui ôtant l’occasion de lui assurer qu’en effet, il s’agissait là d’un point positif dont elle pouvait être flattée, encore que toutes les petites-mains qui rejoignaient le ballet des mariages qu’elle organisait étaient logées à même enseigne auprès de l’organisatrice qu’elle était. Ça lui tenait à coeur de traiter ses équipes à la hauteur de sa gentillesse qu’elle savait rendre ferme quand les circonstances le demandaient. Douceur et bienveillance étaient des méthodes de travail qui l’avaient menée loin, restait que son autorité était suffisamment marquée pour qu’on ne sous-estime pas qui elle était et qu’on se méfie même un peu d’elle en vérité.

Plus depuis quelques temps cependant, et c’était bien pour cette raison que souhaitant à tout prix éviter la déroute, Evelyn avait préféré conclure le chapitre de son affaire sur une note qui lui donnait encore l’opportunité de laisser un souvenir impérissable à ceux comptés parmi la liste des invités. Entre toutes les histoires dans lesquelles elle avait trempé plus ou moins de bonne volonté ces dernières années, sa réputation en avait pâtit sans devenir catastrophique au demeurant. Mais de toute évidence, elle faisait peur plus qu’elle ne faisait rêver, la fille Pearson. A croire qu’il y avait une malédiction au-dessus de sa tête, celle lancée pas la fée malveillante qui s’était penchée sur son berceau et qui avait décidé que sur quatre filles, elle serait celle à qui accorderait moins de crédit parce qu’elle campait sur ses idéaux plutôt que sur ceux qui venaient avec la couronne qu’on avait taché maintes fois de lui mettre sur la tête.
Si ce n’était que ça, elle se félicitait d’avoir la tête dure et de ne pas vouloir perdre de vue qui elle était pour des histoires d’héritage familial. Dans les faits en tout cas, ce n’était pas une mauvaise chose d’être crainte pour sa volonté de se faire une place par elle-même, mais la réalité était une chose difficile à dompter, et au lieu de s’obstiner, mettre la clé sous la porte lui paraissait plus engageant que de subir une humiliation graduelle face aux chiffres qui n’étaient pas toujours bons et aux clients qui venaient la trouver au compte-gouttes ; ce qui n’avait pas tardé d’être su en ville, ses soupçons se confirmant lorsque Cecilia opina du chef pour lui répondre qu’en effet, tout le monde savait qu’il s’agissait de son dernier mariage.

Elle eut un sourire aussi bien pour adoucir un peu ce que lui inspirait les rumeurs qui devaient courir à ce sujet que pour donner son assentiment à la jeune femme qui la remercia de lui avoir donné sa chance. Son sourire se changea d’ailleurs rapidement en petit rire quand se rendant compte que la blonde ne tarissait pas d’éloges à son sujet, elle lui fit avec humour "En revanche, vous êtes au courant que ce n’est pas moi qui m’occupe de votre fiche de paye ? Inutile de me flatter, c’est un montant fixe que vous recevrez à la fin de la prestation, je le crains." Elle savait gérer les compliments Evelyn. Elle estimait pourtant ne pas toujours être en droit de les recevoir tant son métier était devenu un extension de la personne qu’elle était. Il n’y avait guère d’effort à fournir pour ce qu’elle faisait, ça aussi elle le craignait, c’était d’un naturel aussi désarmant que la manière dont son corps était programmé pour respirer "Vous avez l’air de vous y connaître en organisation d’évènements, c’est un projet qui vous travaille ?" finit-elle par demander à la jeune femme, déplaçant le curseur de sa propre personne pour la placer au centre de la discussion et mieux se figurer de la raison pour laquelle elle semblait si qualifiée pour émettre une opinion aussi pointue sur la manière dont elle avait mené l’organisation du mariage qui se déroulait maintenant.
En partant à la pêche aux ragots, elle réussirait même peut-être à en savoir plus qu’elle ne le devrait. Leurs têtes se levant et leurs sourires s’étirant au fur et à mesure des apparitions inopinés des invités qui piochaient dans le plateau de petits-fours de Cecilia, il ne fallut pas bien longtemps à cette dernière pour lui rapporter ce qu’Evie savait plus ou moins déjà "J’y ai droit à chaque mariage à cette compétition. Vous savez quoi, tant que ça sert les intérêts des invités et que tout reste bon enfant, j’approuve et je suis même prête à fermer les yeux." Et elle l’assura avec un petit mouvement de tête, cette dernière restant tournée vers la jeune femme à qui elle finit par demander, la jaugeant sans en avoir l’air et observant son maintien en se disant qu’un port de tête comme celui-ci n’était pas uniquement induit par une formation stricte dans une école d’hôtellerie "Vous ne participez pas ?" Levant doucement ses mains devant elle, elle se défendit d’un quelconque soupçon que Cecilia serait en droit d’émettre à son encontre, leur rôle respectif au sein de ce mariage étant différent "Encore une fois, c’est une zone où les secrets sont bien gardés. Je saurais garder ma langue, surtout que la patronne est plutôt redoutable d’après ce qu’on raconte." C’était elle la patronne si ce n’était pas assez clair, et redoutable n’était que sa clémence, mais elle avait bien le droit de plaisanter.

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"On peut toujours s’arranger si vous acceptez que votre promotion soit composée de champagne hors de prix et de wedding cake d’exception." rétorqua Evie en lançant un petit regard en coin à Cecilia qui le lui rendit d’ailleurs, la laissant un instant perplexe sur l’idée qu’il était positif ou pas, ce regard. Elle n’en donnait pas l’air sous son air jovial et souriant, mais il y avait quelque chose chez cette femme qui transpirait quelque chose que l’organisatrice de mariage ne réussissait pas à comprendre. Soit elle avait assez roulé sa bosse pour se fondre dans la masse qu’était ce genre de soirée,  dénotant à peine en sachant bien se comporter, soit elle avait l’habitude de les côtoyer autrement qu’en faisant le service, mais ça inclurait un certain mode de vie qu’elle ne pouvait pas se permettre en tant que serveuse. Des raccourcis certes, on ne pouvait pas lui en vouloir ; elle n’était qu’une petite fille riche finalement Evie "Vous êtes donc une observatrice." fit-elle alors lorsque Cecilia lui répondit enfin. Elle ne savait pas si elle acceptait sa réponse parce que ça l’arrangeait de partager un point commun avec elle, ou juste parce que c’était plus simple pour elle ne pas verser dans l’inquisition.
Dans tous les cas, ça semblait satisfaire la curieuse qui vivait en elle, et qui s’installa définitivement quand elle ajouta un peu plus bas, faisant mine de protéger un secret qui n’en était pas vraiment un "Je ne sais pas le nombre de mariage auxquels vous avez participé jusque-là, mais j’aimerais avoir accès à vos souvenirs pour connaître toutes les histoires que vous avez à raconter." Elles pourraient même échanger si ça lui chantait, troquant une histoire contre une autre. Cecilia poursuivit après l’interruption d’Evelyn, et ce qu’elle entendit là, ça la fit froncer doucement les sourcils, puis affirmer un regard fixe dans sa direction en se félicitant presque d’avoir l’oeil aussi affuté pour se rendre compte quand elle était en présence de quelqu’un qui partageait quelque chose avec elle.

Le faste, c’était comme le sang : ça coulait dans les veines sans qu’on n’y puisse rien, répondant à l’ordre des choses, et celles de Cecilia, Evelyn les voyait saillir sous sa peau diaphane. S’autorisant d’abord à prendre une coupe de champagne pour siroter une gorgée du bout des lèvres, c’est avec son regard toujours posé sur elle lui demanda, sérieuse et intriguée "Histoire familiale compliquée ?" Non pas que ça se faisait de raconter ses déboires familiaux au mariage des autres, mais quitte à sympathiser, autant que ça parte de névroses similaires histoire de ne pas se sentir trop seule "Bienvenue au club." lança-t-elle presque amusée, sa coupe de champagne levée devant son nez pour un toast improvisé ; bienvenue au club oui, autant pour l’histoire familiale compliquée que pour ce que Cecilia avait décrit à propos de ses prérogatives de jeune fille. Elle avait l’impression que ce qu’elle lui avait répondu était un copier-coller de ce qu’elle, elle aurait pu répondre si on lui avait posé la question en retour.
Bien sûr que durant un moment donné, la jeune femme se demanda de quel milieu exactement elle pouvait venir, de quelle famille surtout. Mais Evie avait passé quinze ans en dehors de l’Australie, et son talent pour éviter de côtoyer des individus susceptibles d’avoir des accointances avec sa propre famille étant ce qu'il était, elle préféra ne pas s'y arrêter, souriant plutôt à ce que la serveuse lui demanda "Disons que ça un peu plus de valeur sortant de votre bouche que de celle de n’importe qui." Ça ne voulait pas dire qu’elle s’attribuait le mérite de tout ce qui se passait aujourd’hui cependant et sur ça, elle pourrait même dégainer son arbre généalogique si ça lui faisait plaisir, rien ne la ferait changer d'avis.

Une autre gorgée de champagne après, et Evelyn toupilla sur elle-même pour jeter un coup d’oeil au ballet des serveurs dans l’espoir de surprendre le petit jeu auquel Cecilia faisait référence ; et auquel elle lui confessa participer d’un signe de tête. Croisant les bras sur sa poitrine, sa coupe de champagne tenue délicatement entre ses doigts, elle voulut lui adresser un regard sévère, la tête inclinée sur son épaule. Elle ne réussit qu’à laisser un léger rire lui échapper, entamant avant qu’elle ne le fasse "Je comprends, vous êtes en infériorité numérique. Il faut montrer de quel bois vous vous chauffez." Étonnamment, la blonde confirma son affirmation en se lançant dans un discours qui fit lever le menton à Evelyn et lui accorder de nouveau un regard scrutateur sans pour autant être insistant.
Elle scanna simplement les traits du visage de Cecilia à la recherche d’un défaut quelconque, d'une faille dans laquelle elle ne chercherait pas à se faufiler, mais qui l'intriguerait assez pour se demander d’où elle sortait exactement, et pourquoi c’était la première fois seulement qu’elle la rencontrait. Elle se rendit compte qu’elle la fixait depuis trop longtemps déjà, aussi sa tête se secoua doucement quand, dans un très léger sursaut, elle rompit le contact de ses yeux avec tout ce qui formait la personne qu’était Cecilia pour lui dire avec déférence , un rire filant d’entre ses lèvres qu’elle serra en guise d’excuse "Désolée, j’étais juste en train de me demander comment ça peut être la première fois qu’on se rencontre. J’ai déjà l’impression de vous connaître, c’est curieux comme impression." Parce qu’elles venaient clairement du même moule, qu’elles pensaient de la même façon, qu’elles parlaient de la même façon, et ça elle le basait sur le féminisme qui dégoulinait des mots que Cecilia venait de lui donner comme un cadeau qu’elle acceptait sans rechigner, sensible au principe de l’égalité pour ne pas se sentir tout de suite heurtée — de la bonne façon — par ce qu’elle lui disait. Terminant sa coupe de champagne avant de décroiser les bras, Evelyn lança un regard par-dessus son épaule pour vérifier si aucun des collègues de Cecilia n’était là à les espionner, et puis après avoir posé sa coupe vide, elle lui fit "Si je peux vous aider à les convaincre que leur chromosome y ne leur sert à rien, je suis votre alliée pour ce soir." Elle aurait aimé ajouter qu’il n’y avait pas que leur chromosome y qui ne leur servait à rien, mais il y avait des oreilles de moins de 18 ans qui traînaient dans les environs.

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"Vous me donnez déjà un autre rendez-vous ?" Un premier rendez-vous en l’occurence, celui se jouant pour l’heure n’étant que le fruit du hasard, n’est-ce pas ? Un léger sourire en coin anima le visage d’Evelyn, et sa tête se pencha très brièvement dans un signe annonciateur qu’elle n’éconduirait pas cette proposition bien au contraire "Je ne suis pas contre, il faudra qu’on en discute avant la fin de la soirée. Eventuellement qu’on échange nos coordonnées, mais c’est peut-être un peu trop tôt ?" Pour quoi, pour établir un moment, un endroit, une heure de rendez-vous ? Dans une poignée d’heures à peine, elle ne serait même plus cheffe de sa propre entreprise, un destin tout autre l’attendant au tournant, aussi elle avait bien le droit de décider encore un peu de ce qu’elle ferait pour combler le temps dont elle ne saurait plus quoi faire, assez ironique quand on savait qu’elle avait passé près de dix ans de sa vie à vouloir le contrôler.

Etait-ce vraiment les anecdotes de Cecilia qui intéressaient Evelyn, ou alors son histoire familiale qu’elle avait deviné un peu compliquée ? Elle ne saurait le dire sur le moment, mais c’était un plus à prendre en compte pour lui permettre de faire son analyse immédiate, elle qui se retrouvait curieusement intriguée par celle qui l’avait approchée sans vraiment craindre de faire remettre sur les rails quand son rôle n’était pas tant de faire la causette aux invités de la réception, mais bel et bien d’en assurer le service. Ça semblait compromis, Evie était beaucoup trop impliquée désormais pour la laisser filer, et bien qu’elle restait dans le cadre de celle qui savait bien se tenir, elle ne pouvait pas assurer qu’en effet, ce n’était pas l’idée qu’elles avaient en commun des histoires à faire pâlir les scénaristes de telenovelas qui la faisaient un temps se raccrocher à la possibilité de passer du temps avec cette illustre inconnue.
On cherche à se lier à ceux qui nous ressemblent, quelque chose qu’elle avait au contraire refusé de faire toute sa vie. Mais elle prenait de l’âge, Evelyn, et ses armes commençaient doucement, mais sûrement, à se baisser, la faisant manquer de vigilance et s’enfoncer dans des situations dont elle ne savait que s’extirper par dépit. Elle rit d’ailleurs à sa phrase, but une goutte en plus de son champagne, et releva avec malice "Encore un point commun, ça commence à devenir une évidence plus qu’un hasard." Un léger mouvement de sourcils, et elle se tourna vers la jeune femme qui la fit rire de nouveau "C’est surtout là qu’il faut parler de névroses bien trop installées pour nous donner le droit de postuler au rôle de la trentenaire saine d’esprit et droite dans ses chaussures à talons. La résilience, c’est un concept marketing, vous avez vu le nombre de livres qui sortent sur le sujet ? Même la famille royale Britannique s’y est mise." Oh, la londonienne d’adoption qu’elle était montra le bout de son nez qui se noya un instant dans une autre gorgée, sa tête se secouant avec un léger sourire. La résilience, quel concept prétentieux, qu’elle pensait sincèrement. Ce n’était pas une force de vouloir échapper à quelque chose de néfaste, c’était un besoin qu’elle avait personnellement fait passer avant tout le reste, loin de vouloir s’attribuer des lauriers pour quelque chose qu’on lui reprochait encore aujourd’hui d’ailleurs.

"C’est donc officiel, on sera amenées à se revoir ?" Parce que Cecilia remettait en avant l’idée, et qu’elle ne déplaisait pas à Evie qui se permit de la dévisager sans vraiment le faire en vérité, simplement troublée par cette impression qu’elle avait d’être face à un miroir sans trouver ça désagréable a demeurant "Moi qui pensais que vous étiez intéressée par mon expérience en tant que cheffe d’entreprise, me voilà déçue en me rendant compte que je vais simplement combler votre appétit insatiable de récits croustillants sur la haute société de Brisbane. J’étais à ça de croire au coup de foudre — déformation professionnelle, sans aucun doute, mais la frustration est réelle, Cecilia." Tour à tour, déclamant sa tirade, Evelyn lui avait attribué une moue boudeuse, un froncement de sourcils, puis un clin d’oeil qui se termina par la bascule du reste de son verre droit dans son gosier qu’elle reposa finalement pour dégager ses épaules de ses longs cheveux lisses, et s’intéresser au combat féministe de sa comparse qui finit de la mettre entièrement dans sa poche.
"Disons que je suis une femme depuis longtemps." Vraiment, les traits d’esprit d’Evie, toute une masterclass "Et que le débat autour de si oui ou non on se doit  de revendiquer notre féminisme me semble un peu contre-productif. On ne devrait pas avoir à statuer sur le principe de l’égalité, ça devrait être acquis dès le plus jeune âge par chacun, un peu comme la lecture ou l’écriture." Reposant ses yeux sur les serveurs dans leur ligne de mire, elle murmura pour terminer "Ça veut dire que je suis d’accord avec vous et qu’en effet, il y a des causes qui méritent qu’on se batte pour elles." Un nouveau clin d’oeil lui échappa, et parce qu’elle n’avait pas pu ignorer le petit air intrigué de Cecilia lorsqu’elle s’était placé de son côté à l’instant-même où elle avait fait éclater son côté militante, elle lui demanda avec un léger sourire en biais "Sur une échelle de 1 à 10, à combien vous attendiez vous à tomber sur une idiote quand vous m’avez félicitée pour l’organisation de tout ça ? Je ne me vexerais pas, je vous le promets." Et pour l’assurer, elle plaça une main sur son coeur, non sans sourire encore et encore.

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Prévisible, Evie l’était sûrement dans une moindre mesure. Elle ne savait pas si Cecilia était du genre à anticiper les actions de son auditoire, mais à cet instant précis, sans doute ne serait-elle pas surprise de voir l’organisatrice de mariage glisser une main dans son corsage, en tirer une carte de visité estampillée de son nom et de ses coordonnées pour lui tendre sans plus de cérémonie, un léger sourire remontant sa pommette du côté où sa bouche se fendit doucement "Faites-en bon usage, c’est un tirage qui ne se fera plus dans moins de temps qu’il n’en faut pour le dire." Effectivement, puisque dès le lendemain, elle ferait changer ses cartes de visite pour les remettre au goût du jour, et retirer toute indication de sa profession actuelle. Elle était collector, celle qu’elle donnait à la jeune femme qui continuait de parler.

Et qu’elle continuait de regarder, cette fois-ci, les paupières plissées pour faire le point sur ses expressions "J’ai choisi le mien depuis longtemps." fit-elle alors, le débat se recentrait sur la famille royale Britannique. L’une de ses épaules se haussa, son nez se fronça en même temps quand elle ajouta "Je  ne sais pas trop ce que ça dit de moi, mais je me place souvent du côté des opprimés." Dire que Harry et Megan étaient des opprimés, ça restait une exagération éhontée de tout ce qu’impliquait cette histoire de trahison familiale, mais ça résonnait en elle bien plus fort que prévu. Et peut-être que la ressemblance qu’on lui trouvait avec Megan y jouait un peu aussi, allez savoir. Elle eut un rire en entendant Cecilia parler de livre, et pendant qu’à ce moment, elle tenait toujours sa flûte de champagne, elle la pointa d’un petit doigt lest, sa bouche marquant un signe appréciatif du côté inverse à un sourire "Dans le fond, je crois que c’est ringard de sortir un bouquin. Il faut vivre avec son temps, ce qui fonctionne vraiment ces derniers temps, ce sont les podcasts." Et elle voyait le tableau d’ici Evelyn, même si elle n’y croyait pas vraiment. Le principe était tout bonnement auto-centré, il fallait beaucoup s’aimer pour accepter de parler dans un micro de sujet divers et variés, mais ça l’amusait d’y songer, et d’apporter même un peu de fantaisie à ce fantasme mis sur pied en duo avec une femme qu’elle venait à peine de rencontrer "Il faudra absolument masquer nos voix et se trouver des noms de code. Vous savez quoi ? Ce sera le sujet de notre prochain rendez-vous, nos futurs noms de code pour notre futur podcast." affirma-t-elle sans rougir, terminant son champagne dans la foulée. Cecilia avait pourtant d’autres projets pour leur prochain rendez-vous, et parce que les siens n’étaient qu’une farce finalement, elle se réinséra bien vite dans le sérieux induit par les mots de la blonde pour les oublier et lui faire après l’avoir écouté "Je vais trop vite en besogne, c’est ça ? Pardon, c’est l’enthousiasme de tomber sur quelqu’un comme vous." Avec autant de classe et d’esprit, disons que ce n’était pas tous les jours donné à Evelyn de faire la causette avec quelqu’un qui avait son standing, quand bien même elle était serveuse. L’histoire derrière tout ça, elle était persuadée qu’elle valait d’être racontée, et rien que pour ça, elle était curieuse d’apprendre à la connaître, Cecilia.

Le rire qu’elle laissa filer suite à la boutade d’Evelyn lui servit d’encouragement pour continuer, et visiblement, trouver grâce auprès de la jeune femme "On fera ça en parallèle de notre podcast, vendre des t-shirts avec des phrases motivantes et une philosophie de vie à suivre. Non vraiment, Cecilia, on tient quelque chose." Elle qui peinait à se projeter dans son avenir imminent, obligée de se raccrocher à l’entreprise familiale pour espérer rebondir ensuite, elle venait de mettre sur pied un projet en moins de deux. Ah, si seulement c’était aussi facile que ça, la vie. Son regard trouva celui de la jeune femme, sa gratitude à l’entente des mots qu’elle prononça faisant briller ses yeux d’une lueur un peu différente de ces dernières minutes où la malice s’était installée. La tête penchée sur le côté, elle lui dit, sa tête se secouant finalement à la positive en même temps "Si j’ai l’opportunité de me lancer dans la bataille, vous serez la première à qui je penserais." Vraiment, elle ne disait même pas ça pour la flatter, ou pour continuer à sauter gaiement sur le tapis de la flagornerie. En vérité, elle sembla même se vexer un peu de la note si basse attribuée à son intellect lorsqu’elle questionna Cecilia sur l’image qu’elle avait d’elle avait d’oser lui adresser la parole "Wouah, c’est dans ces moments-là que je suis heureuse d’avoir essuyé tellement d’affronts que j’y suis devenue hermétique. C’est si violent, Cecilia." avança-t-elle pour la blague encore une fois, lui souriant juste après — et ses yeux furent soudainement happés par Rhett au loin "Je crois que je vais devoir vous laisser." La hiérarchie dans sa liste de priorités venait subitement de changer, et même si la dernière phrase que Cecilia lui offrit comme conclusion à leur discussion la toucha, elle devait admettre que, face à Rhett, son poids était moindre. Alors bien sûr, elle lui répondit avec sincérité, bien sûr ses yeux trouvèrent les siens, et bien sûr que, dans un autre monde où les contacts physiques étaient son mode de communication, elle lui aurait touché l’épaule pour laisser sa trace et marquer son intention de la revoir, mais à la place, elle lui dit seulement "J’ai été enchantée, vraiment."