Il est venu jusqu’au point de rendez-vous de la marche pour l’entamer avec Rory, évidemment, mais il lui semblait aussi nécessaire de faire son bout de chemin seul, que ce soit de façon allégorique ou purement terre à terre. Il retrouvera son mari dans peu de temps et n’estime pas avoir besoin de temps loin de lui ; simplement, cette journée est bien particulière pour lui et Swann a besoin de prendre le temps de se rendre compte de tout ce que cela représente, que ce soit à son échelle ou à celle du pays qui est aujourd’hui le sien. Il y a quelques années encore, les lois ne lui auraient pas permis d’épouser l’homme qu’il aime, ni même d’adopter leur merveilleuse fille. Il y a quelques années encore, il en était profondément malheureux et mal à l’aise, mais aujourd’hui il peut marcher au travers des arc-en-ciel arborés sur les visages, les vêtements, les pancartes et les drapeaux. S’il ne ressent pas le besoin de s’exprimer à un tel point, il n’en reste pas moins ému d’appartenir à une communauté aussi forte et prête à se battre pour vivre heureuse sans être cachée. Pour vivre heureux il faut vivre caché est une idée contre laquelle il a aujourd’hui un bon milliers d’arguments pour la détruire, parce que c’est justement ce que le poids du secret a failli faire sur sa personne.

D’une main encore quelque peu nerveuse, il replace une mèche bouclée contre son oreille, pour que cette dernière s’en déloge tout aussi rapidement. Son attention vacille soudainement lorsqu’il sent une pression contre son mollet, laquelle a pour réflexe d’attirer son regard. Lorsqu’il se rend compte qu’un s’agit d’une enfant tentant de se rattraper à lui pour ne pas tomber, il se baisse instinctivement pour tenter de l’empêcher de tomber à son tour. Le réflexe arrive trop tard mais, fort heureusement, il n’y a semble-t-il aucun dégât majeur à déplorer. « Pardooon ! » Accroupi et à la hauteur de l’enfant, Swann en oublie un instant la marche pour se focaliser sur la petite profondément polie. Naturellement, son regard se pose sur ses genoux qu’il craint de voir écorchés, et les paumes de ses mains qui peuvent avoir emmagasiné les conséquences de l’impact. Il sait outrepasser son droit en touchant le bout de ses doigts pour lui faire retourner les paumes de main en sa direction mais il la relâche aussitôt lorsqu’il constate qu’elle va très bien, sincèrement soulagé. “Ce n’est pas grave. Tu vas bien ? Je t’ai fait trébucher ? C’est moi qui suis désolé.” Il a peut-être entravé le chemin de l’enfant sans même s’en rendre compte, et il s’en veut évidemment d’avoir pu être la cause de sa chute, même s’il sait qu’ils ont un équilibre instable pendant de longues années. Des excuses ne coûtent rien, surtout face à un enfant aussi polie que l’inconnue l’est.

En canon, la jeune femme à ses côtés semble prendre le relais des mots de la petite. Naturellement, Swann l’associe donc à la mère de cette dernière sans se questionner davantage sur le sujet. « Vraiment désolée, elle n'a pas fait attention à là où elle marchait, » Swann s’apprête à reprendre le cours de ses propres paroles en lui assurant qu’il n’y a aucun mal et qu’elle n’a pas à s’excuser non plus, mais elle est plus rapide que lui dans le flot de paroles. « Vous voulez un drapeau sur la joue ? » Il esquisse un premier rire nerveux, pris de court par la proposition. Il s’attendait à recevoir des excuses qui n’ont pas lieu d’être, mais certainement pas ça. “Sur… la main peut-être ?” Swann propose, sa tenue simple et sobre dénotant parfaitement avec tous les efforts faits par le duo face à lui pour être dans le thème de la pride. Il n’est pas encore prêt pour ça et n’est pas même certain qu’il le sera un jour, son caractère dénotant à lui seul de ce genre d’idées. Mais il ne veut pas vexer l’inconnue, pas alors qu’il reconnaît un élan de bonne volonté de son côté. “Tu veux t’en occuper ?” Il propose à l’enfant dans un sourire, soucieux qu’elle ne se sente pas coupable d’un simple accrochage qui n’a jamais rien eu de grave. “Tu m’as l’air d’avoir de très bons goûts.” Il hoche la tête et mime de s’y connaître en la matière, simplement touché qu’elle se soit à son tour habillée particulièrement dans le thème, comme sa mère à son tour. “Mais ça c’est sans doute de famille.” Qu’il rajoute en posant son regard sur la mère, un sourire au coin des lèvres: elle non plus n’a pas à se sentir coupable de quoi que ce soit. Tout va bien, tout va parfaitement bien.

L’échange entre la jeune enfant et Swann est doux et simple. Parler aux plus jeunes est naturel pour lui, qui en a longtemps eu l’habitude dans le club des Junior qu’il a entraîné durant quelques années. Ils avaient quelques années de plus que la jeune fille face à lui, mais l’idée reste la même, surtout pour une personne telle que lui ayant une fibre paternelle particulièrement développée - et surtout depuis qu’il est enfin devenu père, pour de vrai, il y a seulement quelques semaines de ça. Il s’assure qu’elle ne se soit pas fait mal et se plie au jeu du maquillage arc-en-ciel sans tenter de s’en défiler, conscient que la petite ne comprendrait pas les raisons derrière son geste et pourrait prendre sa réaction pour une attaque personnelle. De toute évidence, lui faire de la peine est bien la dernière chose que Swann voudrait. « C'est moi qui ai choisi ma robe ! » qu’elle annonce après qu’il lui ait félicité les goûts, ce qui fait rire spontanément l’anglais. Evidemment qu’elle a choisi sa robe elle-même. “Tu aurais dû choisir ma tenue aussi dans ce cas.” Oh, il aurait été au bout du rouleau à l’idée d’être habillé avec autant de couleurs qu’elle, mais il sait que cela n’arrivera pas, raison pour laquelle il gratifie l’enfant de compliments qui font toujours du bien à entendre - à son âge, comme à tous les autres ensuite.

Après avoir insisté pour obtenir le maquillage de la main de sa mère, la plus jeune s’applique de tout son cœur d’enfant à tirer le plus joli trait qui soit sur la main de l’anglais, dont il serre le poing et tend le dos de cette dernière pour lui faciliter la tâche. A la seconde où la tâche est accomplie, elle se gratifie d’un houra solennel et sortant du cœur. « Voilààà ! » Et telle une enfant, déjà, elle change de sujet sans s’en offusquer ni trouver cela étrange. « Tu t'appelles comment ? Moi c'est Ella ! » - “Moi c’est Swann. Ravi de te rencontrer, Ella.” Il lui tend la main, pour qu’ils se la serrent tels des adultes, avant de relever son regard en direction de la mère qui l’interpelle. Rapidement, il se relève tout court, pour se retrouver à sa hauteur. « Vous êtes seul ? Vous voulez rester avec nous ? » Son regard sonde les environs, comme pour s’assurer que Rory n’est pas aux alentours et qu’il est en train de lui fausser compagnie. “Je dois rejoindre mon mari bientôt.” Il marque une pause, encore trop peu habitué au terme de mari, surtout pas auprès d’une inconnue. “Mais je peux rester un peu avec vous. Volontiers. Ella, et… ?” Sa main désigne la petite avant de se poser sur sa mère, demandant de façon sous-entendue son prénom sans chercher à se montrer trop étouffant ou curieux. Au contraire, il cherche simplement à être poli. “Vous êtes venues toutes les deux ?” Il cherche à savoir s’il doit s’attendre à voir le petit groupe devenir bien plus grand, ce qui ne serait pas nécessairement pour lui plaire. “Elle est très polie. Vous l’avez bien éduquée.” Il souffle un peu plus bas, parlant au sujet d’Ella sans chercher à ce qu’elle les entende pour autant. La jeune enfant est bien élevée et d’un bon coeur évident, sa mère devrait être fière d’elle et cela doit être souligné, selon ses propres idées du moins.

Il ne tardera pas avant de retrouver Rory, évidemment, mais il n’a pas à cœur de déjà laisser derrière lui le duo mère-fille alors qu’il doit à cette dernière tout un maquillage appliqué avec soin sur sa main. Il a au moins l’impression de leur devoir ça, quelques minutes d’une conversation qui ne mènera sûrement nulle part mais suffit à leur faire plaisir à tous. « Eve, enchantée. » Eve. Il enregistre l’information et hoche la tête poliment pour signifier qu’il l’a bel et bien entendue. Eve est un joli prénom, et il se surprend à le noter dans un coin de son esprit pour le moment où Rory et lui pourront à nouveau se permettre de parler prénom de bébé.

A la question de savoir si elles sont venues seulement toutes les deux, Eve lui offre une réponse dont il aurait dû se douter mais qu’il n’a pas vue venir pour autant. « Oui, c'est notre sortie mère-fille traditionnelle de juin, » Son regard se repose sur la petite Ella et il se demande quel âge elle peut avoir, autant que depuis quand elle peut se rendre à la Pride alors que ce n’est que la première fois pour lui, du haut de sa trentaine dépassée. Tant mieux pour elle si elle n’y voit rien d’étrange, dérangeant, ou sujet à la honte. Il offre un sourire à son tour, ne voulant pas laisser le duo penser un seul instant qu’il juge leur tradition. Loin de là. « Vous avez l'air très à l'aise avec elle, ce n'est pas le cas de tout le monde. » Il ne comprend pas, la toute jeune Ella lui semblant pourtant facile à vivre. Sans doute que son avis est biaisé alors qu’il ne la connaît que depuis quelques minutes à peine. « Vous travaillez avec des enfants ? » Il l’a fait pendant un temps mais ce n’est plus le cas depuis presque deux ans, maintenant. Le souvenir reste douloureux pour lui, à la façon dont on lui a montré la porte sans retenue, mais aujourd’hui il peut se permettre de parler d’autres choses, bien plus belles et bien plus simples aussi. “J’ai une fille aussi, c’est sans doute pour ça.” Il esquive la question mais offre à Eve la réponse qu’elle pouvait attendre, son sourire grandissant inéluctablement à la mention de Robin. “Mais elle n’a que quatre mois, alors elle ne sait pas encore faire d’aussi jolis maquillages qu’Ella.” Il rajoute, son ton de voix un peu plus fort pour que la petite puisse l’entendre vanter ses mérites en la matière. Pour l’heure, Robin en est encore très loin mais elle a bien le temps de grandir. “On voulait pas lui imposer une longue journée vue son âge.” Il ajoute à l’attention d’Eve, justifiant l’absence de sa fille à la Pride. En réalité, il ne voudra pas qu’elle les rejoigne l’année prochaine non plus et sans doute pas celle d’après encore. Ils laisseront Robin faire son choix quand elle sera en âge de le comprendre, et ils l’aimeront de la même manière peu importe qu’elle décide de les accompagner ou non. A leurs yeux, pourtant, elle est la seule à pouvoir décider de son implication. “Mais Ella a l’air d’aimer la parade, je me trompe ?” Il ne lui reproche pas d’avoir emmené sa fille avec elle, surtout alors que cette dernière semble ravie de participer à l’événement.