Avec le recul, Rhett se dit qu’il aurait pu présenter Evelyn à sa mère plus tôt. Il aurait peut-être dû, parce que certaines cases se doivent d’être cochées après quelques semaines et autres mois de relation. Simplement, tout ne s’est pas passé aussi facilement qu’il l’avait imaginé et les problèmes se sont rapidement assemblés et amassés, sans qu’il ne soit capable d’en contrôler le moindre d’entre eux. Pour cause, il a été la source de l’immense majorité, rendant leur relation mal balancée. Dire qu’il en a davantage souffert qu’Evelyn serait un mensonge dont il les préserve tous les deux, les mots ayant faits autant de mal que l’absence de l’un l’autre. Maintenant, pourtant, il pense sincèrement que tout est derrière eux et que tous les pas qu’ils font en avant sont pour le meilleur, seulement pour le meilleur. Après tout, il nourrit aussi et surtout l’impression que rien ne saurait être pire que ce qu’ils ont vécu, l’envie de reprendre sa consommation d’Oxycodone étant encore omniprésente. Il arrive à la vaincre, mais jamais à la faire taire.

Auprès d’Evelyn, les obstacles semblent un peu moins impossibles à franchir, et il a au moins le mérite de rapidement retrouver le sourire dès qu’il pose son regard sur elle et se rend compte de sa chance. Il n’est pas le genre de personne à laisser sa vie reposer sur l’idée de la “chance”, parce qu’il a travaillé dur pour en arriver là, mais il sait que son joli minois n’a pas tout le mérite de la relation qu’il entretient avec la Pearson. Et tout le reste, il ne le doit certainement pas à son éternelle maladresse. “Si jamais elle change d’avis sur les bijoux, on peut toujours partir avec en courant.” Il s’en amuse et dédramatise complètement la situation, conscient que les bijoux n’étaient qu’un prétexte de visite. Evelyn en a déjà vu d’autres, des bijoux sûrement bien plus précieux encore. Ils n’auraient rien à y gagner à s’enfuir en courant, sauf peut-être à éviter de se voir forcé d’avaler la quatrième part de gâteau de la soirée. Siobhan est la première à avoir proposé qu’Evelyn porte ses bijoux pour un mariage, cela prouve bien à quel point cela lui ferait plaisir et Rhett ne doute pas que sa petite-amie saura être parfaitement polie face à sa mère, comme elle l’est de toute façon en toutes circonstances.

Sur l’allée de graviers qui les mène à la petite maison de quartier de la petite ville pas très entraînante de Kilcoy, Rhett pose sa main sur la hanche opposée d’Evie, et embrasse sa tempe. Tout se passera bien, bien mieux qu’avec sa propre mère. Elles viennent de deux mondes parfaitement opposés. “Garrett mon garçon !” Ils n’ont pas eu le temps d’avancer jusqu’à la porte que la mère de famille l’ouvre déjà, impatiente de retrouver le premier né de ses enfants. Ses lèvres posent des baisers sonores contre ses deux jours, ses mains se posent contre ses épaules comme s’il était encore son petit garçon. “Et tu dois être Evelyn. Tu es ravissante.” Elle se garde de dire que son fils a toujours eu de bons goûts, commentaire auquel Nina avait eu droit en son temps. Evelyn a cependant le droit aux deux mêmes baisers, accueillie comme l’aurait été Ethel. “Toujours aussi en forme maman.” Il commente dans un sourire amusé, cette dernière les ayant invités à rentrer. D’un geste de la main, il propose à Evelyn de passer avant lui, certain qu’elle ne craint désormais plus du tout les réactions de sa mère, même s’il s’est appliqué à lui faire comprendre qu’elle n’a rien en commun avec la matriarche Pearson. “Raconte moi tes vacances en Suisse. Ruben ne m’a pas dit grand chose à ce sujet. Tu y étais aussi, Evelyn ? Il n’a même pas pensé à me ramener un peu de chocolat, je pense que toi tu y aurais pensé.” Elle la dédouane déjà, et pourtant elle a sûrement raison: si tout avait bien été des vacances, et si Evelyn avait été présente, alors elle aurait évidemment eu un cadeau en guise de souvenir. Pour autant, et comme sa petite-amie le découvre sur le fait accompli, Rhett n’a jamais eu à coeur de raconter à sa mère les véritables raisons de son séjour en Europe, et ni Ruben ni Ethel ne l’ont trahi non plus. “J’en oublie mes bonnes manières. Asseyez-vous. J’ai du jus frais et deux gâteaux. Prends celui que tu préfères, Evelyn, Rhett prendra après.” Le sourire qu’il adresse à sa petite-amie est désormais bien plus retenu qu’il l’était avant la mention de la Suisse, mais Rhett tente tout de même de donner le change. Sa mère est une personne simple et profondément altruiste, mais ce n’est pas pour autant qu’elle a toujours la version longue et complète des moments de son existence.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

"J’ai bien fait de ne pas mettre de talons." Le ton était donné, le sourire qu’elle adressa à Rhett suite à sa proposition de s’enfuir si sa mère changeait d’avis à propos des bijoux qu’elle tenait à lui prêter mettant l’accent sur le fait que, si la situation paraissait un peu stressante, Evie n’était pas nerveuse le moins du monde. Soulever l’absence de rencontre avec la mère Hartfield n’avait pas fait partie d’une stratégie quelconque de la part de la jeune femme, ça s’était inscrit dans un dialogue qui s’était joué par texto sans qu’elle n’espère que Rhett rebondisse dessus d’une manière ou d’une autre. Il l’avait fait pourtant, elle avait bien du mal à s’en désoler, ne trouvant pas ça tout à fait inopportun sans le juger nécessaire non plus. Mais ça se faisait, et puisque leur relation était repartie pour un tour,  et pour le meilleur l’espérait-elle sans non plus tomber dans le cliché de l’optimisme exacerbé, ce n’était pas une énormité de faire les choses dans l’ordre. Encore qu’elle ne savait pas bien quel ordre il fallait suivre, seulement elle était prête à apprendre aux côtés de Rhett s’il le fallait vraiment.
Partant du souvenir de la rencontre de Rhett avec sa propre mère, elle se disait au fond que rien ne pourrait être pire que ce moment-là, et qu’à défaut de tout à fait savoir s’y prendre dans ce genre de conjoncture, loin d’être rompue à l’exercice comme elle le lui avait avoué finalement, elle tomberait au moins sur une femme bienveillante qui n’avait pas attendu de rencontrer la compagne de son fils pour lui proposer des bijoux de sa collection. C’était sans doute une infime partie de la personnalité de la mère du jeune homme, elle la renseignait cependant par anticipation sur sa bienveillance, et il ne fallait que ça pour la rassurer et lui faire engager ce processus sans craindre rien d’autre que le bouquet qu’elle lui avait amené ne lui plaise pas.

Accueillant le baiser de Rhett par une brève fermeture de ses yeux, elle le lui rendit en lui en donnant un sur le dos de sa main, et puis elle releva la tête en même temps que le minois de Siobhan se présenta à eux. Le premier réflexe d’Evie fût d’essayer de déterminer lequel des rejetons Hartfield lui ressemblaient le plus sans réussir parfaitement à se décider, se laisser embrasser sans chercher à se dérober, et lui tendant le bouquet qu’elle tenait à la main comme une élève qui vient dire merci à la maîtresse pour l’année passée en sa compagnie.
Les mères avaient le don de l’intimider, et ce n’était pas bien difficile de savoir pourquoi. Elle faisait bonne figure toutefois, et ne tarda pas à lui offrir en plus un sourire de sa collection "Pour vous. Rhett m’a dit de ne rien apporter, mais je suis bien élevée." Elle se maudit de le dire de cette façon, comme si elle devait lui prouver quelque chose, comme si elle n’était soudainement pas légitimement à sa place alors que les jours passants depuis les essayages de tenues pour le mariage de Rory et Swann, il était évident que s’il y en avait bien une qui était légitime aux côtés de Rhett, c’était elle.

Entrant dans la maison, Evie eut un autre réflexe, celui de jeter un oeil au-dessus de sa tête pour se figurer de l’environnement dans lequel elle avait mis les pieds. Le trajet jusqu’à Kilcoy avait amené son lot de questions auprès de Rhett qui y avait répondu sans faire de détour. Sa curiosité n’avait d’égal que sa volonté de ne pas faire de vagues, alors elle s’était assurée de connaître les sujets à ne pas soulever, les erreurs à ne pas commettre, les anecdotes auxquelles s’attendre. C’était chaleureux ici, ce fût la remarque qu’elle se fit lorsque ses yeux retrouvèrent le visage de la maîtresse de maison qui mit en avant les vacances en Suisse de son fils.
Ah. S’installant à la table désignée par Siobhan, Evelyn leva la tête vers Rhett lorsqu’ils s’assirent l’un à côté de l’autre avec un léger froncement de sourcils qui voulait peut-être bien dire tu t’es bien gardé de me demander de mentir à ce sujet, et le fit aussi naturellement que s’ils en avaient discuté, répondant dans la foulée, cherchant sa main sous la table pour la serrer entre ses doigts en même temps "Non, je n’ai pas pu y aller, j’avais beaucoup trop de travail. La prochaine fois promis, je lui rappellerai pour le chocolat." Ce n’était pas le bon moment pour lui faire une remarque quelconque à ce sujet. Du moins, elle attendit un peu avant de le faire, profitant que Siobhan veuille plutôt lui proposer du thé avec sa pâtisserie, se rappelant que Rhett lui avait parlé de ses quinze ans à Londres. Aussi, sautant sur sa courte absence pour se tourner vers lui et lui demander en connaissant déjà la réponse pourtant, elle tint à s’assurer que c’était officiellement quelque chose sur lequel ils devaient se montrer vague "Tu ne lui as rien dit pour ta cure ?" Est-ce qu’il lui avait dit pour le reste ? Est-ce qu’elle avait lu son livre ? Est-ce qu’elle lisait les journaux ? Evelyn n’ajouta rien, ses yeux trouvant ceux de Rhett pour les soutenir un temps, ses doigts toujours serrés sur sa main. Ses autres questions étaient sous-entendue dans celle qu’elle venait de murmurer à voix basse pour ne pas éveiller la curiosité de Siobhan.

Siobhan est l’heureuse propriétaire d’un bouquet de fleurs fraîches, et la connaissant Rhett sait déjà qu’elle en prendra infiniment soin en sa qualité de stéréotype de mère à l’âge grandissant et plus que jamais passionnée par la verdure à l’intérieur et l’extérieur de sa maison. "Pour vous. Rhett m’a dit de ne rien apporter, mais je suis bien élevée." Il lui a dit de ne rien apporter, mais il savait que ce serait bien un conseil qui passerait à la trappe sans que ce ne soit un problème. “Je t’avais dit que tu l’adorerais.” Qu’il adresse à sa mère. Son sourire se dépose sur la jeune femme qu’il laisse entrer la première dans la maison, sous le doux son des remerciements de Siobhan et diverses acclamations de bonheur alors qu’elle nomme une à une les différentes espèces. “Je vais te le mettre dans un vase.” Il commente à son tour, préférant s’en occuper lui-même plutôt que de laisser sa vieille mère risquer de faire tomber quoi que ce soit et se blesser au passage. Elle a le droit à des égards que peu reçoivent de la part du Hartfield, il faut bien l’avouer. A travers ses idées, lesdits égards prennent aussi la forme de censure, sa mère se retrouvant mise à l’écart de tout ce qui se passe à Brisbane, ou tout du moins de tout ce qui n’est pas une bonne nouvelle à annoncer à leur mère. Cela fonctionne pour lui, cela fonctionne pour Ruben et Ethel aussi - mais il faut bien l’avouer, il décroche la palme des problèmes. Il la décroche à tel un point qu’ils ont à peine le temps de prendre place autour de la table avant que tous n’arrivent tel un boomerang mal réglé.

Le sang du quarantenaire se glace lorsqu’elle évoque le sujet de la Suisse, elle qui semble si impatiente et heureuse à l’idée d’entendre les anecdotes de voyage de son fils. Sous la table, silencieusement, il laisse Evelyn gérer la situation alors qu’il répond à la pression de ses doigts contre les siens. "Non, je n’ai pas pu y aller, j’avais beaucoup trop de travail. La prochaine fois promis, je lui rappellerai pour le chocolat." - “Tu peux compter sur elle.” Il ajoute des détails à un mensonge qu’Evelyn tente autant que possible d’éviter, n’ayant pourtant d’autre choix que de sauter dedans à pieds joints. "Tu ne lui as rien dit pour ta cure ?" Il soutient son regard bien malgré lui, l’envie de prendre un cachet se faisant soudainement présente. S’il pouvait fuir la discussion, il l’aurait fait, mais il ne peut pas l’imposer à Evie ou à sa mère, alors il y fait face. “J’ai appris que Ben ne lui en avait pas parlé. On a décidé de continuer sur l’idée de vacances.” Ils veulent protéger leur mère, elle qui a bien trop d’espoir en ses rejetons pour qu’elle ne se retrouve pas totalement brisée de se rendre compte de la réalité des choses. “Elle n’est plus toute jeune, elle n’a pas besoin de tout savoir.” Il souffle, l’aspect désolé de ses propos se comprenant aisément au travers du ton qu’il emploie, bien loin de l’éternel flamboiement le caractérisant.

Il dérobe leurs mains de dessous la table pour embrasser le dos de la main d’Evie. “Je vais changer de sujet.” Il promet, n’ayant pas à coeur de lui imposer des mensonges face à sa mère. Siobhan ne sait pas qu’elle vient de mettre le doigt sur un sujet particulièrement sensible, et il ne lui en tient pas rigueur à elle non plus. Simplement, chaque sujet est sensible, bien plus qu’il ne voudrait l’admettre. “Maman ? Et si on montrait les photos de famille à Evie ?” A cette époque là, quand ils étaient tous hauts comme trois pommes, tout allait parfaitement bien. A travers les pièces, elle accepte l’offre avec plaisir et retrouve rapidement place près d’eux, son arrivée doublée des différentes effluves de pâtisseries et de thé, qu’elle laisse Evelyn choisir au sein d’une boîte immense. “Tu veux lui prouver qu’il y a un moment de ta vie où tu n’avais pas de pattes d’oies Garrett ?” Son humour n’a rien d’une véritable attaque, mais il a toujours ce dont d’être quelque peu pinçant, quand bien même Rhett se contente d’y répondre par un rire presque sincère. Il y a de ça, oui. “Evie prendra moins Ben au sérieux quand elle aura vu ses goûts vestimentaires d’avant.” C’est un éternel duel entre les frères, comme toujours, et Rhett se garde bien de parler de sa coupe de cheveux hasardeuse du temps de son adolescence.

Précautionneusement, il sort de l’armoire le premier tome de nombreux albums de famille, soigneusement rangés et garnis par sa mère autant que son père. “Tu as une fratrie Evelyn ? Mon fils me l’a peut-être dit, mais je ne m’en souviens plus. Je serai heureuse de voir à quoi tu ressemblais enfant, tu devais être particulièrement mignonne.” Et elle est en train de s’imaginer à quoi pourraient ressembler ses petits-enfants, Rhett lit en elle comme dans un livre ouvert. “Vous ne partirez pas d’ici sans une photo d’ailleurs, je veux pouvoir montrer à mes amies de Scrabble à quoi ressemble ma belle-fille.” Face aux amies de Scrabble, personne ne peut lutter, pas même un grand garçon comme Garrett qui se contente d’hocher la tête et d’accepter son sort. Au milieu de la table, il ouvre la première page de l’album, montrant les premières années du premier né de la famille: Jackson.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Difficile de ne pas être curieuse dans ce genre de circonstances. Evelyn ne connaissait pas Rhett aussi attentionné avec autrui, et ce sans lui trouver des travers de mufle non plus. Seulement, il était égal à l’image qu’on se faisait des sportifs dans son genre : plutôt stoïque, et en toutes circonstances, ce qui n’était pas une critique puisqu’elle-même savait garder ses émotions pour elle sans pour autant se juger froide, ou pas tout à fait en tout cas. Là, elle la voyait, l’affection dans les yeux du grand-garçon qu’il était, et ça lui réchauffait le coeur sans qu’elle ne trouve la foi de le lui faire remarquer tout de suite, attendrie certes, ses yeux brillants quand elle les posait sur lui, consciente toutefois que s’en émouvoir sur le moment risquerait bien de la faire passer pour bien plus niaise qu’elle ne l’était.

Finalement, elle n’eut pas à l’être étant donné que, rapidement laissés seuls par Siobhan, Evie voulut s’assurer qu’elle n’avait pas mal compris l’échange qu’ils venaient d’avoir et qui lui avait fait réaliser qu’elle n’était pas au courant pour son fils. Il n’avait pas besoin de lui expliquer pourquoi, même s’il le fit de façon sommaire sans qu’Evelyn ne pense une seule seconde à le lui reprocher. Encore une fois, si sa préférence aurait été d’être prévenue en amont, elle ne put s’empêcher de penser que c’était en vérité une attention très délicate à l’encontre de celle qui l’avait élevé. Elle ne pouvait pas aller à contre-courant de son désir de la laisser dans l’ignorance, alors elle ne fit qu’opiner du chef en répétant seulement "On reste sur l’idée des vacances." Grimpant dans le train de faux-semblants sans aucune hésitation, sans même songer que ce n’était pas une entrée en matière très engageante pour une première rencontre. Mais elle n’avait définitivement plus rien à prouver lorsqu’il s’agissait de se placer aux côtés de Rhett. Qu’importe ce qu’elle risquait.

Rhett dénoua leurs mains sous la table simplement pour déposer un baiser sur celle d’Evie qui n’émit aucune autre parole lorsqu’il lui assura qu’il changerait de sujet. Elle releva seulement la tête vers Siobhan au moment où elle refit son apparition sous la requête de son fils qui savait clairement commet la combler "J’aimerais beaucoup voir vos photos de famille. Encore plus si j’ai droit à quelques anecdotes qui vont avec." Parfait petit couple qui s’accordait sans même essayer. C’était une partition facile à reprendre, Evelyn le réalisait seulement maintenant que l’hôtesse de maison lança une pique à son fils. Difficile à croire qu’il y avait encore à peine quelques jours de ça, ils se cherchaient des excuses pour pouvoir se voir sans dépasser les limites inexistantes d’une pseudo-pause.
La jeune femme tourna la tête vers lui pour lui assurer, une main se tendant dans sa direction pour se poser sur sa joue et flatter du pouce les dites pattes d’oie mentionnées par sa mère "Elles se voient à peine, je te le promets." Les siennes, à force de froncer le nez comme elle le faisait tout le temps, risquaient de bientôt entériner l’âge qu’elle commençait à prendre. Mais elle n’en avait strictement rien à faire "Comment ça ? Ruben n’est pas né avec une blouse blanche sur le dos ?" Feignant la surprise après avoir choisi un Earl Grey sans se faire prier, elle s’insérait plutôt bien dans la dynamique de la mère et du fils, et encore une fois, sans se sentir obligée de quoi que ce soit.

Suivant le trajet de Rhett des yeux lorsqu’il alla chercher les albums-photos de sa mère, Evie prit une gorgée de son thé qu’elle avala rapidement pour s’intéresser aux paroles de Siobhan qui n’avait pas son pareil pour mettre les gens à l’aise ; même si en entendant le mot belle-fille sortir de sa bouche, elle eut l’impression que des étapes étaient en train d’être grillées. Inutile d’en faire toute une histoire, pas vrai ? "J’ai trois soeurs, je suis l’avant-dernière." Un léger rire fila quand elle enchaîna sur les affirmations de la mère de Rhett, une main se levant devant elle pour repousser une longue mèche de cheveux d’abord, mettre l’emphase sur ses mots ensuite, son sourire ne la quittant pas "Je n’étais pas une enfant très gracieuse, non. Enfin tout le monde m’a toujours dit que j’étais très mignonne, mais j’ai revu de vieilles photos, et je peux vous assurer que c’était un mensonge. J'ai compris que le sens critique reste plutôt aléatoire dans ma famille." Tu parles d’un mensonge éhonté, là encore, puisque chez les Pearson, la critique était une seconde nature. Pour autant, elle se souvenait très bien de son père en particulier qui ne tarissait pas d’éloges sur les joues rondes de sa fille et le petit bouton de rose qu’était son nez. Mais Kai n’avait jamais caché que c’était elle sa préférée, c’était sans doute pour ça qu’elle était tant mise de côté depuis sa disparition "Je vous ferai une sélection pour la prochaine fois, histoire que vous vous fassiez une opinion par vous-même." conclut-elle en penchant doucement la tête sur le côté, croisant le regard de Rhett quand il se réinstalla à ses côtés sans imaginer un instant qu’il puisse soupçonner sa mère de vouloir mettre des visages sur ses potentiels petits enfants.

S’appliquant à porter son attention sur la page de l’album que Rhett venait d’ouvrir, Evelyn pinça les lèvres en comprenant que le petit silence qui s’installa soudain était le résultat de l’évidence qu’elle n’eut pas besoin de soulever en posant la question tout haut : il s’agissait de Jackson. Elle avait aperçu des clichés de lui la première fois qu’elle s’était rendue chez Rhett à l’époque, et ils n’en avaient plus vraiment reparlé depuis. Evie n’avait jamais eu le coeur de lui poser des questions, de toute façon elle avait trouvé ses réponses dans le livre du jeune homme vers qui elle retendit la main pour attraper la sienne sous la table alors qu’elle se risquait à dire, très délicate comme toujours "Mon père est mort quand j’étais petite." Annonce pénible à faire pour une première rencontre, mais ce n’était pas sans bonnes intentions comme le prouvèrent ses mots suivants qu’elle prononça en comblant l’espace vide des doigts de Rhett avec les siens "Ce que je veux dire très maladroitement, c’est que je sais que c’est difficile de se replonger dans les souvenirs. De mon côté, je le fais rarement… pour ne pas dire jamais, si je dois être très honnête avec vous." avoua-t-elle avec un léger sourire à l’encontre de la mère de Rhett, attendant de capter son regard pour ajouter comme si elle ne s’était pas interrompue, marquant ses mots avec un léger haussement d’épaules "Alors on peut ne pas le faire et passer directement aux clichés de Rhett avec de la purée de carotte autour de la bouche ou qui gambade en petite tenue dans le jardin si vous voulez. Je comprendrais." Probablement mieux que personne à ce sujet.

On reste sur l’idée de vacances, et ils en parleront plus tard si elle le veut. Rhett n’évitera pas la discussion, il le lui promet, mais dire que le moment est mal choisi pour en parler ne serait pas une preuve de mauvaise foi de sa part, pas alors que sa mère déambule autour d’eux avec toute la joie qui est la sienne. En une seconde, ses mots prennent la forme de pseudo reproches, ou tout du moins d’un amusement qui n’est pas égal chez son fils, un peu trop habitué à vanter son physique, surtout maintenant qu’il n’est plus question de revenir la gueule cassée après le moindre match. Il est un poil vexé, c’est un fait, mais il surjoue aussi quand Evie prend le temps de s’occuper de lui: c’est tout autant un fait. "Elles se voient à peine, je te le promets." - “Je vais acheter des crèmes.” Il l’annonce par un sourire, mais cela a tout de véridique: il va vraiment acheter des crèmes anti-âge, se délogeant pour une fois de tous les stéréotypes de l’homme sportif par excellence. Il tient à son physique et à la régularité de ses traits, pour lui-même bien plus que par besoin de plaire. "Comment ça ? Ruben n’est pas né avec une blouse blanche sur le dos ?" - “Ah si, il en avait une même quand il déterrait les verres de terre du jardin. Toute une aventure.” Il attrape la perche dès qu’il peut se moquer un minimum de son frère, c’est évident, et c’est d’autant plus évident que sa qualité d’aîné lui permet de ne jamais manquer d’histoires à raconter. Il a plusieurs années d’avance et autant de souvenirs que son frère n’a pas, ce qui le met dans l’incapacité de remettre en question ses paroles. Il déterrait les verres du jardin ; c’est maintenant un fait. “Rhett, tu l’aidais à trouver les plus grands.” Sa mère revient mettre l’église au centre du village, soulignant qu’il n’était pas un frère si terrible qu’on pourrait le penser, à l’époque au moins.

Pas à pas, sa mère s’intéresse à Evelyn. Elle loue sa beauté (argument contre lequel Rhett ne risque pas d’aller, évidemment) et elle cherche à en savoir plus sur elle, sur sa vie, sur sa fratrie. Le sportif retrouve le silence, s’exprimant uniquement au travers du sourire qu’il pose tour à tour sur les femmes de sa vie. L’atmosphère perd beaucoup de sa douceur lorsque l’album s’ouvre pour afficher le visage de Jackson, son petit frère ne sachant faire autre chose qu’afficher un sourire triste à sa vue, et ce même après tout ce temps. "Mon père est mort quand j’étais petite." Il serre doucement ses doigts contre ceux d’Evelyn, encore. Le moment le nécessite, et elle la laisse expliquer la situation comme elle le peut, comme elle le veut. Elle a perdu son père, il a perdu un frère, et il ne tente pas un seul instant de classer les deux situations pour savoir laquelle requiert le plus d’appitoiment. Face à elle, il observe surtout les réactions de sa mère, qui continue de penser que perdre un enfant n’est en rien dans l’ordre naturel des choses. Et là encore, personne ne pourrait lui donner tort: elle n’aurait jamais dû avoir à enterrer son fils. “Rhett a toujours fait les bons choix, malgré ce qu’on en pensait de notre côté. Mais pour une fois, je suis d’accord avec lui.” Elle n’a pas aimé voir son enfant chéri s’envoler à l’autre bout du monde pendant de nombreuses années, elle ne l’a jamais caché. Mais d’un point de vue sentimental, elle appréciait Jenna à l’époque, et elle semble aussi apprécier Evelyn aujourd’hui, ce qui n’est pas une surprise mais tout de même un soulagement pour le Hartfield: il n’avait pas à cœur de se battre contre sa mère. Il n’aurait pas rompu avec Evelyn si jamais elle ne s’était pas trouvée dans ses petits papiers, mais le fait de ne pas avoir à se poser la question rend toute la situation bien plus simple à gérer. “Je suis désolée pour ton père, toutes mes condoléances.” Elle a une politesse simple et délicate, Siobhan, et un sourire qui l’est tout autant alors qu’elle présente ses condoléances sans chercher à en savoir plus, ni à prolonger le sujet. Elle pleure un enfant, mais elle en a trois autres encore qu’elle ne risque pas d’oublier. Pour eux et pour elle, la vie continue.

“Des photos de purée tu disais ? J’ai bien pire.” Son humour reprend de pair avec un regard en coin en direction de sa belle-fille, jeté comme si Rhett n’existait plus. Elle tourne quelques pages, laissant Evie y poser son regard durant quelques secondes, pour finalement mieux s’arrêter des années plus tard dans la chronologie, à une époque où le garçon arborait une coupe mulet immanquable, des dents tout sauf droites, et des oreilles particulièrement visibles. En d’autres mots, il n’avait rien de l’homme qu’il est aujourd’hui, et la vue de cette photo lui provoque un rire franc, quoique pas bien fier. “Donc tu m’as menti quand tu as dit avoir jeté cette photo ?” - “Evidemment.” La connaissant, elle en a même fait des copies. “Tu la veux, Evelyn ? Quand il recommencera à jouer au grand garçon agaçant, tu pourras toujours lui rappeler ce moment de sa vie.” Siobhan connaît le caractère parfois difficile de son fils et elle propose à Evelyn de s’armer en conséquence, Rhett n’ayant certainement pas son mot à dire au coeur de cet échange. Cette photo est sa balle en argent contre le loup garou qu’il est ; ni plus, ni moins. Sans tenter de faire entendre ce qu’il a à dire, il pose sa main contre la nuque de la brune, se frayant un chemin sous ses mèches pour caresser doucement sa peau, lui laissant comprendre qu’il ne se vexera pas d’une alliance entre elles. “Prends la, ne sois pas timide. Et je vais vous laisser feuilleter la suite, j’ai des bijoux à retrouver il me semble.” Ethel lui a avoué que sa mère avait tenté une ultime fois de les lui proposer, ce qu’elle a refusé. Maintenant, Evie vient sûrement de passer avec brio la maigre épreuve lui accordant le droit de les porter, comme s’ils étaient véritablement les bijoux de la Couronne et rien de moins.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Elle aurait pu rebondir sur les révélations de Rhett à propos de la passion pour les vers de terre de Ruben en affirmant que ça ne l’étonnait absolument pas venant de lui. A un autre moment, elle aurait cherché à savoir s’il les disséquait aussi sans aucune pitié, ce qui l’aurait placé en bonne position pour collectionner les signaux d’alertes de la triade de McDonald, seulement là elle ne tenait pas à insulter Siobhan en soupçonnant l’un de ses rejetons d’être un sociopathe. Elle se contenta donc de sourire, le coin de ses yeux plissés tant c’était sincère, à couver l’envie presque brutale d’en savoir plus sur l’enfance de Rhett sans même savoir qu’elle en avait besoin jusqu’ici. En vérité, elle se rendait compte que si elle croyait le connaître, il y avait des choses dont ils ne parlaient pas. Leur enfance respective restait relativement hors du champ de leur discussion, probablement parce que celle d’Evie avait été pénible selon ses propres limites, et que ces derniers mois surtout, parler d’autres choses que de l’addiction de Rhett ou de leurs problèmes de couple ça avait monopolisé toutes leurs pensées, toutes leurs conversations. Il fallait y remédier, elle avait de plus en plus l’envie de connaître Rhett au travers de ses proches, au travers de ce qu'il avait à lui apprendre de sa vie, et pas en se référant uniquement à ce qu’il avait raconté de son histoire à Greta qui avait su tout transcrire assez fidèlement pour qu’il s’y retrouve : elle voulait l’entendre de sa bouche, et enfin savoir qui était vraiment Rhett Hartfield.

Cette rencontre aurait au moins cet effet-là sur elle, de confirmer que si elle s’engageait dans cette histoire, si elle persistait à lui accorder crédit et confiance malgré tous les signaux d’alerte qu’elle avait reçu au cours des mois écoulés, ce n’était pas pour rien. Elle dut se perdre un instant dans ses pensées puisqu’après avoir donné son petit discours à Siobhan, elle fut interdite par ce qu’elle lui répondit à propos des choix de Rhett. Ses sourcils se froncèrent très doucement, et avec bienséance, sentant les doigts de Rhett se refermer autour des siens, elle demanda à sa mère avec un léger sourire "Pardon, mais à propos de quoi vous êtes d’accord avec lui ?" Si elle ne voulait pas passer pour une idiote, elle venait très certainement d’échouer. Au moins les condoléances qu’elle lui présenta après coup eurent le don de lui faire garder le silence et baisser la tête après qu’elle se soit astreinte à déglutir en lui rendant la politesse sans que ce soit pas sincère cependant, lui disant en retour "Et je suis désolée pour votre fils." Mais là encore, ce fût tout, et elle compta sur la bonhommie de Siobhan pour replacer le conversation dans le bon sens, la manière qu’elle eut de rebondir sur ses propos lui indiquant qu’elle avait bien fait de la rassurer à propos du caractère non-obligatoire de partager des souvenirs douloureux avec elle.

Il y en avait d’autres à partager "Oh mon dieu." La réaction d’Evelyn face au cliché que lui présenta Siobhan fut d’ouvrir très légèrement la bouche et de se pencher plus encore sur l’album qu’elle finit par tourner dans sa direction pour mieux observer le petit Rhett Hartfield. Elle ne rit pas, elle s’en garda bien même si la main que Rhett porta à sa nuque était un signe évident qu’il ne s’offusquerait pas. En revanche, elle lui dit en tournant la tête dans sa direction, ne pouvant cacher sa malice "Je sais ce que que tu vas me détester de te le dire, mais c’est certainement ma photo préférée de toi — non, je ne peux pas l’accepter, je m’en voudrais tellement de vous priver de cette pépite que vous gardez dans vos albums. Je vais me contenter d’en prendre un cliché avec mon téléphone." Dans le but tellement puéril d’en faire son prochain fond d’écran pour une durée illimitée. Pinçant les lèvres pour éviter de donner l’air de trop apprécier la position de Rhett sur l’instant, elle grossit un peu son regard en le regardant "C’est seulement maintenant que j’apprends pour la coupe mulet ? Garrett." Le petit bruit qu’elle fit avec sa langue en secouant la tête était le signe évident de sa fausse déception qu’elle marqua avec un plissement de paupières, ses yeux ne quittant pas les siens avant qu’elle ne s’autorise à laisser un rire lui échapper pendant que Siobhan les prévenait qu’elle les laissait un instant pour aller chercher les bijoux que Rhett avait promis à Evie.
Elle lui sourit lorsqu’elle fila, s’autorisant à jeter de nouveau un oeil à la photo de Rhett, un reste de doux rire fusant brièvement de ses lèvres, pour laisser un court silence s’installer. Elle lui demanda finalement pour le rompre, et se rassurer en même temps "Je crois que ça veut dire que je ne m’en sors pas trop mal, hm ?" S’inclinant dans sa direction pour capturer brièvement ses lèvres avec les siennes, elle lui caressa la joue juste après en voulant s’assurer, son nez effleurant le bout du sien avant qu’elle ne prenne du recul pour le regarder "Est-ce que ça va ?" Elle s’était inquiétée de la réaction de la maîtresse de maison face au cliché de son fils décédé d’abord, mais attendre d’Evie qu’elle ne s’inquiète pas de celle de son frère, c’était très mal la connaître. Pour autant, elle lui fit savoir que "C’est juste pour m’en assurer. On n’est pas obligés d’en parler maintenant." Histoire qu’il ne se sente forcé de rien. Risquant une porte de sortie facile à envisager lorsqu’elle détourna la tête pour s’intéresser de nouveau à l’album, elle en tourna une page du bout des doigts pour tomber sur un cliché d’un petit garçon en tenu d’Adam en train de barboter gaiement dans son bain. Evie ferma les yeux en accusant un faux choc qui lui fit dire dans un murmure très rapide, ses deux mains se levant devant elle pour repousser l’évidence — ou l’effroi d’être confrontée à ce genre de souvenirs "Je t’en supplie, ne me dis pas que c’est Ruben."

"Pardon, mais à propos de quoi vous êtes d’accord avec lui ?"
“A propos de toi, Evelyn. Tu es une bonne personne.”

Et Rhett reste silencieux face au jugement que sa mère porte sur leur relation, ne pouvant que tomber d’accord avec ses propos: Evelyn est une bonne personne, c’est évident à ses yeux depuis bien longtemps. Il porte un sourire en direction de la jeune femme au centre de toutes les discussion, ce que même l’ego de l’ancien champion arrive à supporter sans faire d’efforts. Sa mère ne poserait pas de problème et ne serait en rien une épreuve, comme l’avait été la rencontre avec celle d’Evelyn, et il avait raison d’anticiper que tout se passerait simplement et joyeusement, à la seule exception de l’évocation de Jackson au coeur des souvenirs de l’album de famille. Fort heureusement, Siobhan sait donner le change et tout faire pour que la discussion ne s’assombrisse pas de trop, comme en témoigne l’évocation de la photo préférée de son sportif préféré: un horrible cliché vieux de trente ans. "Oh mon dieu." La photo mérite au moins une réaction de la sorte, à n’en pas douter, et la gêne de Rhett a su s’estomper avec le temps, laissant aujourd’hui place à un amusement (mince mais existant) qu’il prouve à travers les caresses de ses doigts contre la nuque de la brune. Il peut au moins dire qu’il s’est physiquement amélioré, depuis. Il prend la pose lorsqu’elle compare la photo à la personne et mime d’être fier comme un paon alors qu’il ne l’est de toute évidence pas le moins du monde. "Je sais ce que que tu vas me détester de te le dire, mais c’est certainement ma photo préférée de toi — non, je ne peux pas l’accepter, je m’en voudrais tellement de vous priver de cette pépite que vous gardez dans vos albums. Je vais me contenter d’en prendre un cliché avec mon téléphone." - “Si tu avais accepté la photo, j’aurais au moins malencontreusement pu la brûler sur un feu de joie.” Rhett mime de s’en offusquer et de s’exaspérer de la réponse de sa compagne là où, de toute évidence, il n’en est rien. Siobhan accepte de précieusement garder la photo pour la montrer plus tard, avec l’éternel même entrain qui la caractérise. "C’est seulement maintenant que j’apprends pour la coupe mulet ? Garrett." Elle se retient d’en rire, avec un self control dont Rhett trouvera toujours le moyen de s’étonner, même après tout ce temps. Elle est remarquable, Evie, et il le note même au cœur d’une discussion qui ne vole pourtant pas bien haut. “Je me devais de préserver les apparences.” Il annonce dans un sourire amusé, de toute évidence pas fier de cette époque de son existence et surtout des choix capillaires allant avec.

La mère de famille leur laisse le temps de respirer en utilisant la quête de bijoux comme excuse toute trouvée, laissant le couple souffler sans même s’en rendre compte. Aussi avenante est-elle avec Evelyn, la relation n’en reste pas moins complexe dans sa seule description. "Je crois que ça veut dire que je ne m’en sors pas trop mal, hm ?" La gestion de ses priorités le fait répondre à son baiser avant de le faire par les mots, geste qu’il prolonge de quelques maigres secondes à peine, se montrant raisonnable - selon son propre jugement. “Elle t’adore.” Il ne cherche pas à utiliser la voie de l’humour et de l’ironie, pas sur ce sujet là. Evie s’en sort admirablement bien et Siobhan le laisse facilement comprendre, rendant à son tour Garrett plus heureux que jamais de cet échange. "Est-ce que ça va ? C’est juste pour m’en assurer. On n’est pas obligés d’en parler maintenant." La main qu’elle a déposée contre sa joue se retrouve réchauffée par celle que Rhett pose à son tour dessus dans l’objectif de la rassurer. “Ça va, ça va. On fait avec.” Il n’y a rien de plus à en dire: Jackson est mort et il ne reviendra pas, peu importe à quel point Rhett le souhaiterait. Il est un adulte qui apprend lentement à faire le deuil de son frère, et Evelyn n’a pas à s’en inquiéter outre mesure. La phase la plus difficile est passée, maintenant le temps doit faire le reste, et elle n’a surtout pas à s’en inquiéter, comme le démontre le baiser qu’il pose contre sa tempe avant de reprendre sa place.

Avec l’aisance qui est la sienne, Evelyn change de sujet et en amorce un nouveau, les moqueries au sujet du benjamin de la fratrie trouvant toujours preneures aux yeux de Rhett. "Je t’en supplie, ne me dis pas que c’est Ruben." - “Je te le dis pas, mais…” Il souffle dans un sourire. Evidemment qu’il n’y a que Ruben pour se balader tout nu sans la moindre retenue ni gêne, et ce n’est pas dû seulement au jeune âge qu’il a sur la photo. “Il trouve encore le moyen d’être mignon cet imbécile.” La fausse amertume du ton de sa voix dénote du mince sourire qu’il affiche en posant son regard sur l’image, sans doute nostalgique d’un temps où tout était bien plus simple. Nostalgique, aussi, de regarder grandir son tout petit frère pour qu’il devienne simplement un petit frère. “Garrett, j’entends !” Sermonne sa mère en haussant la voix uniquement pour se faire entendre depuis l’autre pièce, de laquelle elle revient rapidement, cette fois-ci les boîts à bijoux en main. “Tu en as sûrement vu de bien plus beaux, Evelyn, mais j’aime beaucoup ces bijoux là. J’ai failli les porter le jour de mon mariage.” La connaissant, Rhett sait qu’elle ne fait pas un sous-entendu d’un genre ou d’un autre, simplement qu’elle tente d’expliquer sa démarche et la raison du sourire qu’elle affiche dès qu’elle repense aux bijoux. “Je t’ai sorti le collier, le bracelet et les boucles d’oreille mais tu peux faire ton choix. Ou n’en choisir aucun s’ils ne sont pas à ton goût, je ne me vexerai pas.” Elle promet, et Rhett est le premier à prendre les devants en sortant le collier, premier promis, de son écrin pour le montrer à Evelyn et lui demander d’un signe de la tête si elle veut qu’il le lui attache. Elle peut les essayer, ils sont là pour ça, et cela ne l’engage absolument à rien: Siobhan l’a dit et répété et Rhett pourrait en faire de même au besoin. “Dis oui, sinon c’est à moi qu’elle va finir par le proposer.” Placé derrière elle, il la supplie dans un murmure amusé, quoique persuadé que Ruben serait le premier de ses garçons à recevoir une telle proposition, pour des raisons évidentes.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Tu es une bonne personne. Oh, ça, sembla dire le petit mouvement vers le bas que fit la tête d’Evelyn lorsqu’elle accueillit ce qui ressemblait drôlement à un compliment de la part d’une femme qu’elle cherchait sans doute à impressionner sans même s’en rendre compte, gardant un souvenir morose de la fois où avec Rhett, ils avaient été pris en embuscade par la volonté de la sienne, de mère, de faire de leur couple une raison suffisante de faire parler d’elle et de sa cause. Tout était différent ici, et ça la rendait heureuse tout en la rendant péniblement consciente de la différence qu’il y aurait toujours entre les deux modes de fonctionnements de leur famille — sans qu’elle n’éprouve de la jalousie ou quoi que ce soit d’aussi critique que ça, se surprenant en revanche à beaucoup apprécier et à espérer que le temps faisant son oeuvre, elle pourrait prétendre à rester un bout de temps au contact de la bienveillance à laquelle elle avait droit après une rencontre seulement.
Qui resterait un meilleur souvenir pour elle que la rencontre de Rhett avec sa mère, c’était certain, et pas uniquement parce que tout se passait bien, mais parce qu’elle avait droit à un voyage gratuit à Memory Land "Je ne t’aurais jamais laissé faire une chose pareille. En fait je suis même à deux doigts de vouloir accepter de l’emprunter à ta mère pour la faire agrandir et l’exposer dans mon nouveau salon." C’est la mine faussement offusquée de Rhett qui la fit ajouter ça alors qu’elle ne pensait pas un traitre mot de ce qu’elle avançait là, tenant juste à garder une bonne ambiance malgré le moment de flottement provoqué par la mention de Jackson. Rhett s’était échiné à préserver les apparences, mais Evie garderait en mémoire qu’il avait assez confiance en elle pour ne pas vouloir le faire plus longtemps, exposant ses moments les moins glorieux pour qu’elle se rende compte de ce qu’il y avait sous ces apparences justement.

Siobhan partie, le baiser qu’ils échangèrent fût bref. La réponse de Rhett à la première question d’Evie lui fit lui demander en retour sans pour autant que ce ne soit sérieux à ce moment-là, scannant son expression avec malice pour rester sur une bonne ligne et ne pas en déroger "Si elle m’avait détestée, est-ce que tu aurais tenté de trouver une excuse pour me quitter  juste après ?" Connaissant Rhett et son esprit de contradiction, elle connaissait déjà la réponse ; comme elle connaissait déjà plus ou moins la réponse à la question qu’elle lui posa juste après. Sur ça, ils étaient similaires au moins, leur manie de ne pas vouloir s’étendre sur ce qu’ils ressentaient quand ça partait d’un sentiment de tristesse et de morosité. Mais au moins, Evie était rassurée sur l’idée que ça ne minait pas autant Rhett que elle, ça l’aurait miné de devoir confronter l’image de son père sans y avoir été préparée.

Reprenant sa main quand il embrassa sa tempe, reposant son regard sur l’album-photo et ayant confirmation que le petit garçon sous ses yeux était Ruben, elle essaya de trouver un penchant positif à cette vision "Remarque, j’aurais de quoi le menacer s’il continue à me détester." Ce qu’elle ne ferait jamais, c’était aussi évident que Rhett se fit réprimander par sa mère de loin avant qu’elle ne revienne avec ses boîtes à bijoux, et que son enthousiasme poussa Evelyn à laisser de côté les clichés de Ruben pour la regarder manipuler ses trésors avec la délicatesse d’une maman qui ne se rendait certainement pas tout à fait compte de ce qu’elle disait. J’ai failli les porter le jour de mon mariage "Ils vous viennent de quelqu’un de votre famille ?" demanda-t-elle pour ne pas s’arrêter sur l’idée que peut-être, cette confession était une perche tendue qu’elle ne se sentait pas de saisir aussi tôt "Rhett m’a dit que vous essayez de les faire porter à Ethel depuis un moment maintenant." Est-ce qu’elle avait tenté de les faire porter à la fiancée de Ruben ? La question, elle n’osa pas la poser, suivant des yeux les doigts délicats de Siobhan qui lui présentait les bijoux comme le ferait un conservateur de musée ; avec gracilité et douceur, ses yeux brillants en lui disant de quoi était composée cette parure, faisant dire à Evie "Il ne manque plus que la bague." Et à propos de ça non plus, il n’y avait aucun sous entendu, mais Evelyn n’était pas une maman qui ne se rendait pas compte de la portée de ses mots.
Assez rapidement, son regard se portant par commodité sur les bijoux qu’elle se permit de venir frôler avec le bout de ses doigts avant que Rhett ne s’empare du collier, elle ajouta en fronçant le nez "Mais j’ai des tas de bagues déjà, je pense que j’en trouverais une ou deux qui ira parfaitement avec le reste." Heureusement qu’elle avait du sang froid ; qu’elle perdit peut-être un peu en donnant son assentiment à Rhett lorsqu’il l’interrogea du regard pour lui proposer de lui attacher le collier. Elle sentit son souffle sur sa nuque en se tournant pour qu’il le fasse, et eut un léger sourire en l’entendant lui murmurer près de son oreille, ses doigts trouvant le bijou  en même temps quand elle le sentit sur sa peau "Bien sûr que c’est un oui." C’était étrange que soudain, tout ce qu’elle disait lui donnait l’impression d’avoir un sens caché quand il n’en était rien en vérité. Pour palier cette impression, elle plaça convenablement le collier sur son cou lorsque Rhett l’attacha pour de bon, et se tourna avant toute chose vers lui pour lui demander presque sérieusement, dégageant ses épaules de ses cheveux dans le même temps "Dis-moi, qu’est-ce que ça donne ?" Il lui dirait qu’il n’était pas le plus aguerri en la matière, alors elle ajouta pour expliciter la raison pour laquelle elle lui demandait à lui, et pas à sa mère qui avait sans doute plus de légitimité à lui donner un avis éclairé "Tu as vu ma robe, tu peux me dire si ce sera accordé." Est-ce qu’elle avait vraiment fini par lui montrer le rendu de sa robe portée d’ailleurs ? Elle ne s’en souvenait même plus, mais ce n’était peut-être pas le moment de se perdre dans ces songes-là alors que Siobhan était à quelques mètres à peine de là.

"Si elle m’avait détestée, est-ce que tu aurais tenté de trouver une excuse pour me quitter juste après ?"
“Tu ne t’en serais pas sortie aussi facilement.”

Il aurait été triste que ce soit le cas, même s’il a de toute façon bien du mal à imaginer un monde dans lequel sa mère aurait pu détester Evelyn. Elle a déjà détesté des amies ramenées par Ruben, parce qu’elle ne les sentait pas, mais elle a toujours eu raison en fin de compte. A propos d’Evelyn, il n’était évidemment pas question qu’elle ne la sente pas. Elle est dans sa vie depuis assez longtemps maintenant pour que Rhett puisse oser dire qu’il la connaît plutôt bien, et jamais il n’a relevé un seul indice laissant penser le contraire. Pour autant, il n’aurait pas quitté Evelyn pour si peu, et il y a fort à parier qu’il n’aura toujours pas à cœur de se séparer d’elle même si le ‘si peu’ se transformait en ‘beaucoup’.

Lorsqu’elle repose son regard sur l’album photo, c’est un commentaire tout différend qu’elle ajoute. "Remarque, j’aurais de quoi le menacer s’il continue à me détester." Et il sait qu’elle n’a pas vocation à créer un malaise ou même un quelconque problème, mais il est plutôt évident pour lui d’esquisser un sourire triste suite à cette remarque. Evelyn a bien assez de problèmes avec sa propre famille pour que sa fratrie ne s’y ajoute ensuite - et par fratrie, il n’est en réalité question que de Ruben, Evie ayant été adoptée par Ethel depuis qu’il a commencé à parler d’elle. “Je te donnerai d’autres armes, je m’y connais en “Ruben me déteste”.” qu’il ajoute simplement, pour tenter de lui faire comprendre qu’elle n’est pas seule dans cette histoire.

"Ils vous viennent de quelqu’un de votre famille ?" - “Mon mari me les a offerts après avoir oublié notre anniversaire.” Elle l’annonce dans un sourire qui laisse comprendre qu’elle ne lui en tient pas rigueur, et sans doute même qu’elle aurait pu passer l’éponge sans une parure coûteuse. Mais il faut croire que les hommes de la famille Hartfield règlent tous les problèmes de la même manière: avec des bijoux. "Rhett m’a dit que vous essayez de les faire porter à Ethel depuis un moment maintenant." Elle raconte que oui, tout comme elle raconte qu’Ethel a malheureusement hérité de son caractère incroyablement têtu et qu’elle n’en a jamais rien eu à faire des bijoux. Au fond, Siobhan n’est pas étonnée, elle est sans doute simplement un peu triste de ne pas pouvoir léguer ses affaires à sa famille: pour ça, Evie vient combler les vides de son cœur. "Il ne manque plus que la bague." Siobhan comprend le sous-entendu bien plus simplement que Rhett ne le fait, dont le regard quelque peu interdit se pose sur le profil d’une Evie occupée à regarder ailleurs. “Tu as sûrement essayé d’en donner une ou deux à Ethel en vain, non ?” Il esquive et tente de relever avec humour en s’adressant à sa mère. Si Evelyn veut une bague, ils iront lui en acheter une, mais puisque leur plus grosse dispute remonte à ce soir où il a souligné (à sa façon) ne pas vouloir d’enfants, il ne veut pas imaginer le moment où il souligner de nouveau à sa façon ne pas vouloir se marier non plus. Il l’aime et là n’est pas le problème, simplement il estime que ce n’est pas pour lui.

Rhett donne de sa personne pour qu’elle puisse se rendre compte du rendu du collier sur sa peau ; pour qu’elle puisse aussi annoncer à Siobhan qu’elle accepte le cadeau pour enfin apaiser le cœur de sa mère. Il ne lui imposera pas même de réellement porter les bijoux le jour du mariage, de toute façon certain qu’Evie en prendrait soin même s’ils venaient à rester chez elle. "Dis-moi, qu’est-ce que ça donne ? Tu as vu ma robe, tu peux me dire si ce sera accordé." Il sourit comme un adolescent en pensant à la robe qu’il n’a justement pas vu bien longtemps, mais ce n’est pas le genre de commentaire qu’il oserait faire devant sa propre mère. “Heureusement qu’il n’y a pas de mariée, parce que tu lui aurais volé la vedette.” Ce qui n’est sans doute pas la meilleure chose à dire à une Evelyn qu’une telle idée aurait tout pour horrifier, elle qui au contraire n’a pas vocation à éclipser qui que ce soit, et encore moins à se montrer malpolie lors d’un mariage qu’elle organise elle-même. Son dernier mariage. “Je veux dire, ça te va très bien. Vraiment très bien.” Il tente de se rattraper sans avoir de grands commentaires à donner. Il a au moins évité de dire ‘c’est joli’, et c’est un grand effort venant de lui. “Tu as un joli port de cou, il y a d’autres colliers auxquels je pense. Mais il vous faudra revenir, je dois les retrouver.” Restée un pas en arrière et surtout les lèvres closes, Siobhan observe la scène en silence, ce qui venant d’elle signifie qu’elle est d’accord avec ce qu’il se passe sous ses yeux. L’invitation est déjà donnée pour une prochaine fois, signe qu’Evelyn lui plaît invariablement, sans que cela ne soit une surprise. “Tu pourras revenir sans Rhett, si jamais il t’agace un peu trop à parler rugby, la porte t’est ouverte. Je connais mon fils, il sait comment être horripilant.” De la bouche de Siobhan Hartfield, il n’y a pas meilleur signe de confiance qu’à partir du moment où elle commence à critiquer (avec justesse) ses propres rejetons. Elle les aime, mais elle les a élevé toute leur vie, ce qui représente bien assez de temps pour connaître tous leurs défauts.

Armé d’un sourire conquis, Rhett passe son bras dans le dos de la brune, pour mieux laisser sa main reposer contre sa hanche. “Elle t’adore. Et moi aussi.” Il souffle une nouvelle fois contre sa tempe, pas dupe au point de croire que sa mère ne l’aura pas entendu. Cela lui importe peu, en réalité, et il est simplement heureux à l’idée que l’après-midi se passe aussi simplement qu’il l’avait prévu et espéré.