Ruben est l’ami de Rory bien avant d’être le sien, et c’est ce que Swann se répète à chaque fois qu’il commence à ressentir un soupçon de culpabilité lorsqu’il se rend compte ne pas lui avoir parlé depuis un certain temps. En réalité, il n’y a rien de plus normal. Il reçoit les confessions de Rory et Rory reçoit les siennes, et ce depuis bien assez longtemps pour qu’il fasse partie intégrante de la famille, quoi que puisse en dire le désastre du dernier repas de famille survenu. En réalité, c’est depuis cette date que Swann ne lui a pas adressé la parole, occupé à panser les plaies de son fiancé devenu mari et à doucement réparer son cœur face au désastre de ce qui aurait dû se passer simplement, normalement, joyeusement. Il n’en a rien été et, bien que Swann n’ait pas été impacté de plein front, il l’a été au travers de Rory et de tout le temps dont ce dernier a eu besoin pour se remettre d’aplomb. Jamais l’anglais n’a jugé son petit-ami pour sa réaction, pas alors qu’il sait qu’il aurait eu la même à sa place, voire sans doute pire. Il admire sa famille et la pose sur un piédestal, les agissements de Ruben l’ayant balayée sans la moindre considération, le tout sous les aveux de Nina.

Ce sont toutes ces raisons réunies qui l’ont poussé à proposer au Hartfield de se retrouver pour boire un verre, et bien évidemment discuter autour. L’idée s’est jointe à son envie de participer autant que possible au mois des fiertés et aux différentes activités proposées, bien qu’il s’en tienne pour l’heure à passer au travers du village des associations, pour mieux trouver le stand de nourriture qui lui convient. Il est au moins convaincu d’avancer pas à pas, l’idée même de se rendre à un tel événement aurait été impossible il y a encore un an, et lui aurait donné la nausée un an plus tôt encore. Aujourd’hui, il aborde l’idée bien plus simplement et avec un optimisme nouveau. Aujourd’hui, tout va mieux, même pour Rory qui a su se remettre de ce dîner de famille, l’arrivée dans leur vie de leur fille autant que leur mariage ayant évidemment aidé à panser ses plaies. “Ruben.” Il l’apostrophe simplement, levant la main sans hausser le ton. La foule est compacte, Swann est surpris en premier lieu de l’avoir retrouvé aussi facilement. “Je ne pensais pas que tu sortirais du boulot à l’heure prévue, pour être honnête.” Il ajoute dans un sourire, connaissant la propension de son beau-frère à ne pas compter ses heures. “Ca veut dire que j’ai pas encore choisi entre le stand de soft et celui de cocktail. Ton niveau de fatigue en dit quoi ? Et l’idée que t’enchaînes par un autre shift ou pas, on en est où ?” Il lui a dit avoir un peu de temps, mais Swann le connait assez pour savoir qu’il n’aurait même pas pensé à lui préciser enchaîner deux larges amplitudes de travail comme si de rien n’était, sans doute un peu trop habitué à travailler comme un fou à ce niveau là. Parfois, l’anglais comprend un peu mieux comment tout peut parfois être aussi compliqué entre lui et Nina, mais il garde ses commentaires pour lui, ne voulant pas juger autrui.

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@swann craine

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Haussant un sourcil, il reposa son regard dans celui de Nina, attendant qu’elle lui donne un peu plus d’explications pour qu’il puisse comprendre pleinement où elle voulait en venir. « Le verre, tu vas le boire avec qui ? » Dans toutes autres situations, bien sur que cette question n’aurait même pas réussi à soulever la moindre émotion chez Ruben - et c’était peut-être l’effet attendu en posant ici cette question. D’ordinaire, il en aurait ri et lui aurait dit qu’elle perdait la tête, qu’il pouvait lui faire un petit check-up un de ses quatre pour être sur qu’une démence avant l’heure ne soit pas en train de s’installer. Aujourd’hui, en moindre mesure bien sur, il prit la mouche. « Je vais boire un verre avec Swann. J’ai encore le droit, je crois ? » Il rangea avec un brin trop d’entrain les radiographies qu’il tenait en mains dans leur dossier, se levant dans la foulée de sa chaise. Il avait également parfaitement vu que des regards indiscrets s’élançaient vers eux, alors il calma ses ardeurs et son attitude, soupirant en silence, se rapprochant de la jeune femme pour lui attraper délicatement la main et y nouer ses doigts. « On s’est pas vus depuis une éternité, et c’est pas le mariage qui compte en vrai. Il m’a proposé de se rejoindre au Pride Festival, j’ai accepté. » Il fit une petite moue. « On devait aller diner, ce soir. Tous les deux. » Il ferma les yeux: c’était donc la raison de ses reproches. Pas autre chose qui faisait hurler son coeur à lui de peur. « T’as oublié. » - « Oui. J’ai oublié qu’on devait y aller aujourd’hui. J’ai accepté de revenir pour la garde de deuxième partie de nuit en plus derrière. » Quelle question: bien sur qu’il avait accepté. « Pardon. » Il se faisait petit, il se faisait penaud alors qu’il déposait délicatement un baiser sur la joue de Nina, avant de lui glisser à l’oreille: « Je me rattrape demain, si tu veux. » Promis, il se rattraperait le lendemain.

Ce fut donc dans un mélange d’émotions plutôt étrange que Ben arriva sur les lieux des festivités, traversant la foule comme s’il était chez lui; Swann lui avait dit qu’il était parti en recherche d’un endroit où ils pourraient manger et boire quelque-chose, alors il ne devait pas être bien loin. « Ruben. » Entendant son prénom, il se retourna pour faire signe à son beau-frère de la main et pour se frayer un chemin jusque lui. « Je ne pensais pas que tu sortirais du boulot à l’heure prévue, pour être honnête. » Au sourire du nouvellement Crain s’ajouta celui de Ruben, alors qu’il donna une accolade à l’anglais, secouant quelque peu la tête. « Je fais des efforts, maintenant, j’ai appris que ça plaisait pas quand je faisais passer tout le temps mon boulot avant les autres. » Cela lui avait été reproché, mais ce n’était en réalité pas pour cette raison qu’il faisait désormais les efforts; il avait simplement eu de la chance que sa journée se passe comme prévue, sans encombre ni urgence de dernière minute. « Ca veut dire que j’ai pas encore choisi entre le stand de soft et celui de cocktail. Ton niveau de fatigue en dit quoi ? Et l’idée que t’enchaînes par un autre shift ou pas, on en est où ? » Ce fut un petit rire spontané et honnête qui échappa des lèvres d’Hartfield à ce moment là. « Aoutch, je suis si prévisible que ça alors. » Lorsqu’il était question du boulot, il n’y avait même pas de question en réalité - même s’il faisait des efforts, il était tout à fait lucide sur son propre cas. « Mon niveau de fatigue va bien, mais je reprends la garde de milieu de nuit, donc un cocktail et après soft de mon côté. » Il fit un signe de tête en direction de l’une des cahutes installées plus loin, où un affichage semblait prometteur. « Sauf si ton niveau de fatigue à toi peut pas suivre le rythme. » Jeune papa, jeune marié, il n’avait qu’à décider de la raison.

« Je fais des efforts, maintenant, j’ai appris que ça plaisait pas quand je faisais passer tout le temps mon boulot avant les autres. » Swann force quelque peu son sourire, connaissant parfaitement la situation dont il est question, pour l’avoir lui-même vécue. Le temps que Rory alouait à son travail est ce qui les a séparés à l’époque, et il ne peut pas souhaiter un tel avenir pour Ruben et sa fiancée, qui ont déjà dû passer au travers de nombreuses épreuves. “Tu sais ce que j’en pense.” Qu’il se contente donc de souffler sans langue de bois, certain que Rory a déjà abordé le sujet avec son ami. Ce n’est pas une période de sa vie qu’il aborde avec bonheur, loin de là, mais elle n’est pas tabou pour autant. Après tout, elle fait justement partie de leur histoire. “C’est bien que tu fasses des efforts.” Et ça aussi il le pense, rajoutant un sourire plus sincère cette fois-ci, certain de voir Ruben changer pour le meilleur.

Ainsi, Swann passe à autre chose, lui ayant promis qu’ils prendraient le temps de boire un verre, le mois des fiertés n’apparaissant que comme une excuse face à tout le reste. « Aoutch, je suis si prévisible que ça alors. » Il n’est pas tant prévisible que ça, non, mais son quotidien se répète étrangement et se résume à beaucoup de fatigue, de café et de pression. Tout ceci aurait rendu fou Swann il y a bien longtemps, mais cela s’avère être le moteur dont Ruben a au contraire besoin pour se sentir vivre. « Mon niveau de fatigue va bien, mais je reprends la garde de milieu de nuit, donc un cocktail et après soft de mon côté. » Un cocktail et un soft ce sera, donc, et il suit le pas de son ami pour les mener à un stand qui semble avoir attiré son attention. « Sauf si ton niveau de fatigue à toi peut pas suivre le rythme. » - “Robin fait presque ses nuits déjà, j’ai pas à me plaindre.” C’est peut-être l’un des rares avantages à l’avoir adopté à trois mois et ne pas l’avoir connu dès sa naissance: ils sont passés outre les premières semaines particulièrement difficiles de la vie de bébé. Ils ont une dette de sommeil, comme tout parent, mais Swann n’ose pas se comparer aux autres couples à ce niveau bien précis. “Tu sauves des vies au milieu de la nuit et moi je change des couches, mais je m’aligne sur le cocktail puis le soft.” Il n’a de toute façon jamais été un grand buveur et, pour des raisons d'éthique personnelle, il ne veut pas rentrer chez lui en sentant l’alcool. Il ne veut pas que ce soit une odeur que son mari lui associe, pour dire vrai. “Tu as parlé à qui, au sujet de ton travail ? Nina ?” Il n’est pas certain que ce soit elle qui ait fait changer d’avis Ruben quant au temps alloué à son travail, même si une immense partie de son coeur voudrait le croire, parce qu’elle reste malgré tout sa fiancée et qu’ils devraient pouvoir se dire ce genre de choses, autant qu’être capable de chambouler leur quotidien pour l’autre.

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« Tu sais ce que j’en pense. » Reportant son regard sur Swann, il plissa légèrement le bout du nez. « Ouais, je sais. » Il n’était pas sans ignorer les problèmes et les différentes phases par lesquelles le couple était passé, ayant été présent tout au long de ces dernières auprès de Rory. « C’est bien que tu fasses des efforts. » Si le sourire de l’anglais était un brin plus sincère en cet instant, pensant ses mots et appuyant sur le point positif du comportement de Ben, ce dernier n’était pas autant certain de tout ça; si bien que son sourire à lui put paraitre bien moins authentique.

Enchainer sur d’autres sujets permit de rebondir rapidement sans qu’aucun malaise n’ait le temps d’être perçu pour le moment. Il ne s’était pas imaginé être attendu plutôt en retard qu’à l’heure pour l’occasion, mais avec un peu plus de discernement en sa possession le jeune chirurgien pouvait comprendre que c’était là l’image qu’il renvoyait; il était naturellement ponctuel, mais l’impossibilité de prévoir les urgences à l’hôpital et son incapacité à refuser du travail supplémentaire ne faisaient pas bon ménage pour confirmer ce trait de caractère, malheureusement. Il ne prenait pas la mouche pour si peu, sur le coup, c’était donc tant mieux pour tout le monde alors qu’il indiquait un stand à Swann du menton vers lequel ils pouvaient se diriger. « Robin fait presque ses nuits déjà, j’ai pas à me plaindre. » Un petit sourire amusé étira les lèvres de Ben. « Pourquoi je suis même pas étonné que cette petite soit déjà presque parfaite. » Peut-être parce-qu’il l’avait déjà rencontré et qu’il n’en fallait pas bien plus pour comprendre que c’était le cas; et puis, avec les pères qu’elle avait, c’était là suite logique des choses que Robin soit également adorable à souhait. « Tu sauves des vies au milieu de la nuit et moi je change des couches, mais je m’aligne sur le cocktail puis le soft. » - « Crois moi que de nous deux, t’es celui qui va le plus t’amuser je pense. » Il adorait son métier, mais il savait aussi que de prendre les gardes au pied levé comme il l’avait fait aujourd’hui pour le reste de la nuit n’était pas le plus amusant, car il n’était pas forcément présent uniquement pour sa propre spécialité mais le plus souvent pour combler le manque de personnel. Et la bobologie n’était vraiment pas son domaine de prédilection - en revanche, les patients le remerciaient quand c’était lui qui s’occupait de pratiquer les points de suture avec précision sur des zones délicates et visibles par la suite.

« Tu as parlé à qui, au sujet de ton travail ? Nina ? » Sorti de ses pensées, Ben secoua d’abord lentement sa tête un instant. « Enfin, pas directement. » Il prit place dans la petite file qui attendait de pouvoir commander au bar, plongea ses mains dans ses poches. « Disons qu’à lire entre les lignes, j’ai compris que revenir habiter chez moi voulait aussi dire que je devais faire des efforts pour y être présent. » Oh, Ruben ne doutait pas que Rory avait du expliquer à Swann ce qu’il avait lui, malheureusement, appris sur le tard quand au lieu où avait séjourné pendant de long mois le plus jeune des frères Hartfield. « J’avais perdu l’habitude. » Autant d’être chez lui que de devoir faire des efforts, là où pendant des mois il s’était contenté de profiter de n’avoir de comptes à rendre à personne pour faire des horaires à rallonge et passer bien plus de fois à dormir dans la chambre de garde que n’importe où ailleurs. Finalement, il remonta son regard pour le loger dans celui de Swann. « Parce-qu’elle vous en a parlé, elle ? » Ce n’était pas une accusation, loin de là; simplement une véritable curiosité.

« Pourquoi je suis même pas étonné que cette petite soit déjà presque parfaite. » Son propre sourire répond à celui de son beau-frère, évidemment. Il serait bien le dernier à se montrer raisonnable et objectif dès qu’il s’agit de parler de sa famille: leur fille est une petite Merveille, cela va de soi. Elle a longtemps été attendue et cela se ressent dans toutes les attentions qu’ils ont à son égard autant que la façon dont ils parlent d’elle, même si Swann tente de faire au mieux pour ne pas noyer ses amis sous l’amour dégoulinant qu’il porte à Robin. Preuve en est, il prend aussi le temps de s’intéresser à Ruben sans que cela ne soit forcé pour autant, et bien au contraire. Il fait partie de sa vie depuis des années et quand bien même les deux hommes n’ont jamais été particulièrement proches, Ruben compte pour l’anglais, à commencer parce qu’il compte pour Rory aussi.

Oui, il a parlé à Nina au sujet de son travail. Ou presque. Rapidement, le chirurgien apporte des nuances à sa réponse. « Enfin, pas directement. » - “C’est à dire ?” Il sait que Ruben aurait continué l’explication par lui-même, mais il ne peut s’empêcher d’afficher toutes les questions qui sont les siennes. Ses pas s’accordent sur ceux du médecin, près duquel il se place en attendant que la file les fasse avancer jusqu’au stand. « Disons qu’à lire entre les lignes, j’ai compris que revenir habiter chez moi voulait aussi dire que je devais faire des efforts pour y être présent. » Idée contre laquelle Swann ne trouve rien à redire, parce qu’il pense effectivement que son retour dans le lit conjugal doit aller de pair avec des efforts de sa part, et sans doute de celle de Nina aussi. Cependant, il peine à comprendre pleinement l’attitude et les réactions du brun à ses côtés, nourrissant l’impression tenace que faire des efforts ne l’enchante en rien, même alors qu’il a tout à y gagner, à commencer par un mariage viable. “Ca n’a pas l’air de te réjouir.” Il commente, espérant que Ruben lui donnera de plus amples explications sans qu’il n’ait à lui tirer les vers du nez, Swann détestant déjà une telle idée. « J’avais perdu l’habitude. » Mais ce n’est pas ce dont le blond parle. Il existe une énorme différence entre ne plus avoir l’habitude d’une chose, et ne pas être enclin à la réaliser. Swann comprend que la vie du chirurgien a changé du tout au tout lorsqu’il est allé vivre pour un temps sur le canapé de son frère, mais il aurait cru que cette période difficile aurait au moins eu pour mérite de lui mettre du plomb dans le crâne.

« Parce-qu’elle vous en a parlé, elle ? »
“Non, non.”

Son regard ne reste qu’un instant dans celui de Ruben, avant de rapidement s’en déloger. “Pas à moi, du moins. Je sais pas pour Rory.” Ils se disent tout, absolument tout, mais les confessions de leurs proches et leurs familles ne sont pas incluses d’office dans ce pacte. “Je te pose la question parce que j’ai l’impression que tu n’aurais pas changé d’avis si personne ne t’avait dit qu’il y avait un problème.” Mais cela reste une simple impression, nourrie par les idées qu’il se fait lui-même, mais certainement pas les confessions que Nina pourrait avoir au sujet de son fiancé. Sur ce sujet, Swann ne sait rien et sans doute qu’il ne veut rien savoir non plus, n’ayant aucune envie de se retrouver au milieu de sa belle-soeur et de son beau-frère, de la soeur de Rory et de son meilleur ami. Il n’envie pas cette place, pas le moins du monde.

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Le sourire de Swann n’avait d’égal en cet instant que l’éclat que portaient ses yeux, et il n’était en rien une surprise que ce soit le cas. Ruben connaissait l’envie de ses amis de devenir parents, et de les voir réaliser leur rêve le comblait de bonheur également mais n’était rien comparé à celui que eux pouvaient ressentir.

« C’est à dire ? » Ce n’était en rien une surprise qu’un brin plus d’informations pour compléter la première partie de sa réponse allait être nécessaire; ce n’était pas tout à fait compréhensible qu’il en ait parlé à Nina mais qu’il n’en ait pas parlé en même temps, là où pourtant la réponse ne demandait initialement aucune nuance de gris. Mais Ben ne pouvait pas avouer à haute voix que ce retour chez lui ne s’accompagnait pas des attentes espérées, parce-qu’il passait encore trop de temps dehors comme s’il n’était pas engagé dans une relation sérieuse et long terme avec Nina; il ne pouvait pas préciser que leurs problèmes étaient toujours les mêmes, et que malgré tous les efforts, il n’avait pas l’impression qu’ils pourraient s’en sortir véritablement un jour, une partie de la jeune femme lui annonçant toujours des reproches dans le moindre regard en coin qu’elle lui adressait. Oh, les choses étaient reparties de plus belles, au moins sur les premières semaines où il était rentré chez eux. Mais il avait l’impression qu’en comparaison du temps qu’il avait passé en exile, ce dernier s’était écourté bien plus rapidement. « Ca n’a pas l’air de te réjouir. » Se mordant l’intérieur de la joue, il retint de justesse un soufflement railleur. Il n’avait plus l’habitude de devoir composer à deux, mais surtout de devoir remettre en question ses actions à longueur de temps. « Et j’avais oublié qu’avec les efforts venaient les sacrifices aussi, peut-être. » Il inspira longuement, peut-être brin de trop pour que cela soit sain d’ailleurs, avant de tourner son visage et d’esquisser un semblant de sourire en direction de Swann. « Mais c’est ce qu’on fait pour les gens qu’on aime: on fait des compromis, on fait des sacrifices. » Ses épaules se soulèvent et retombèrent mollement. Dans sa vie, Ben n’avait jamais prévu de faire le moindre sacrifice pour personne - mais ne pas le faire dans cette situation reviendrait à se mettre une balle dans le pied, faisant plus de dégâts que si la balle était restée dans le pistolet.

Si de telles questions pouvaient être légitimes de la part de Swann, une partie de Ruben ne sut faire autrement que de demander s’il s’interrogeait de la sorte parce-que Nina était venue tuer parler de leur vie conjugale, à Rory et lui, à un moment donné. « Non, non. Pas à moi, du moins. Je sais pas pour Rory. » Il savait parfaitement pour son mari si ça avait été le cas, Ben les connaissait assez pour savoir qu’ils se seraient partagé ce type d’information. Mais si elle n’était pas venue les voir, il peinait un peu plus à comprendre comment il avait pu en arriver à de tels questionnements - chose que l’anglais dut rapidement comprendre, car il enchaina sans attendre de questionnement ou quoi que ce soit de la part du brun. « Je te pose la question parce que j’ai l’impression que tu n’aurais pas changé d’avis si personne ne t’avait dit qu’il y avait un problème. » Et à ces mots là, il ne sut retenir un petit rire - malgré lui, bien sur, et de ceux qui vous font secouer la tête et éviter le regard de votre interlocuteur pendant une bonne poignée de minutes pour la suite. « J’aurais pas changé d’avis, si le problème avait pas été mis en avant d’une façon ou d’une autre. » C’était surement ce qui pouvait être déconcertant avec Ben, parfois, c’était qu’il restait - malgré le double-jeu qu’il risquait quotidiennement en à côté, cela allait de soi - franc lorsque les questions lui étaient posées; effectivement, s’il n’avait pas compris dans les sous-entendus et le comportement de Nina qu’il se devait de faire des efforts maintenant qu’elle en avait fait en amont de son côté, il ne les aurait pas ajouté à son comportement et peut-être que Swann et lui auraient une discussion bien différente en ce moment. « C’était pas dans les plans initiaux, de devoir faire des efforts. J’essaie d’apprendre à m’adapter. » Pour sa propre survie plutôt que pour toute autre raison, mais il pouvait se permettre de laisser Swann interpréter comme il le souhaitait ses paroles plutôt que de lui donner des indices. « Tu vas me dire qu’il serait peut-être temps de m’en rendre compte, après autant de temps en couple. » Il aurait surement raison - dans un monde où cela s’appliquait à l’état d’esprit de Ben.

L’état du couple de Ruben ne regarde pas Swann, pas frontalement du moins, mais il ne sait faire autrement que nourrir un certain souci à la façon dont les deux époux arrivent plus ou moins à s’entendre. Il s’en fait pour eux, de ne pas trouver leur bonheur ni leur équilibre, et sans doute aussi qu’il s’en fait pour son propre couple, toujours quelque peu apeuré à l’idée qu’il se retrouve un jour dans une telle impasse avec Rory, sans vouloir croire que ce soit possible. Il ne veut pas l’imaginer, tout simplement. « Et j’avais oublié qu’avec les efforts venaient les sacrifices aussi, peut-être. Mais c’est ce qu’on fait pour les gens qu’on aime: on fait des compromis, on fait des sacrifices. » Le sourire qu’il prolonge en sa direction permet à Swann d’être quelque peu rassuré, mais rien au niveau où il aurait pu l’espérer. Il répond par un autre à son tour, avant de reporter son regard sur les quelques personnes avant eux dans la file. “Tant que tu restes heureux malgré tout.” Ils font des compromis et des sacrifices pour ceux qu’ils aiment, oui, mais l’anglais estime qu’il existe toujours une limite à ne pas franchir, celle où les sacrifices prennent plus de place que le bonheur que la vie de couple suscite. Et il espère que Ruben est encore loin de cette ligne, même s’il craint que ce ne soit pas le cas. « J’aurais pas changé d’avis, si le problème avait pas été mis en avant d’une façon ou d’une autre. » L’anglais enfonce silencieusement ses mains dans ses poches, ayant effectivement anticipé la teneur de la réponse de Ruben. Il est du genre à changer de trajectoire uniquement lorsqu’il voit le mur face à lui, jamais avant, jamais s’il peut s’empêcher un tel effort.

« C’était pas dans les plans initiaux, de devoir faire des efforts. J’essaie d’apprendre à m’adapter. » Il ne dit pas essayer de s’adapter, il dit essayer d’apprendre à s’adapter, et aux yeux de l’anglais cela ne fait que repousser un peu plus le problème. Ruben est têtu. Il est une bonne personne pour Nina, ou du moins il a su l’être à un moment donné, mais bon sang qu’un âne aurait tout à apprendre de lui. « Tu vas me dire qu’il serait peut-être temps de m’en rendre compte, après autant de temps en couple. » Il aurait pu le lui dire s’il n’était pas aussi soucieux d’empêcher le couteau de remuer dans la plaie. “Je vais rien te dire du tout. Si vous arriviez à fonctionner sans jusque-là, c’est ce qui importe.” Il ne veut pas non plus chercher à savoir ce qui a changé au cœur de leur équilibre précaire pour que rien de toute ceci ne soit plus suffisant. Il n’est pas de nature curieuse, pas sur ce genre de sujets du moins, et il est surtout profondément convaincu que cela ne le regarde en rien. “Beaucoup de choses sont différentes dans mon couple maintenant, en comparaison des débuts. J’imagine qu’il faut s’adapter, mais ça n’a rien de mauvais.” Cela peut l’être selon les changements dont il est question, évidemment, mais ce n’est pas nécessairement négatif. Au contraire, Swann est bien plus heureux aujourd’hui qu’il n’aurait pu aspirer à l’être il y a sept ans, et pour cela il a dû passer par des phases ô combien difficiles et parfois même jugées invivables, au sens propre du terme. “Ça va toujours, avec Nina ? Je veux dire… l’année passée a dû être difficile pour vous deux, vous avez peut-être besoin de temps pour vraiment vous retrouver.” Parce qu’il repousse évidemment l’idée que leurs sentiments puissent s’être évaporés au coeur de la tempête. Ça, il n'a pas le coeur à le dire, ni même le sous-entendre.

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« Tant que tu restes heureux malgré tout. » Oh d’une certaine façon il l’était, heureux; le problème étant que pour parvenir à cet état là, il comptait sur bien d’autres paramètres que simplement sa vie de couple avec Nina - et c’était là où le bas blessait. Il avait déjà toujours eu tendance à se reposer beaucoup, voire presque exclusivement, sur sa carrière pour en venir à dire qu’il était heureux mais ces derniers temps, malgré les efforts, cela n’évoluait pas beaucoup et surtout pas dans la bonne direction. « Je vais rien te dire du tout. Si vous arriviez à fonctionner sans jusque-là, c’est ce qui importe. » Jusque-là étant tout relatif comme point, également. Ruben étira tout de même un petit sourire en direction de Swann, ce dernier tentant de faire de son mieux dans ses paroles pour être adapté dans la conversation. Il était fort probable qu’il n’en pense pas moins, mais au moins il avait la prétention de faire comme si ce n’était pas tout à fait le cas.

« Beaucoup de choses sont différentes dans mon couple maintenant, en comparaison des débuts. J’imagine qu’il faut s’adapter, mais ça n’a rien de mauvais. » Il n’y avait qu’à regarder l’anglais pour comprendre que dans son cas, cela fonctionnait effectivement. Le couple qu’il formait avec Rory avait bien évolué au fil des années, surtout ces deux dernières, et cela n’était rien d’une mauvaise nouvelle pour eux bien au contraire. Ce n’était simplement pas la façon dont les choses évoluaient chez tout le monde. « Ça va toujours, avec Nina ? Je veux dire… l’année passée a dû être difficile pour vous deux, vous avez peut-être besoin de temps pour vraiment vous retrouver. » D’un revers de la main et d’un petit sourire, Ben écarta les inquiétudes de son ami. « T’en fais pas pour nous Swann. » Il ne répondit pas réellement à la question, il ne mit pas réellement de mot sur l’année passée et sur tout le reste; effectivement, elle avait été difficile, effectivement ils avaient besoin de temps pour se retrouver, mais pourtant même en ayant ce dernier entre les mains, les choses n’étaient pas sur la voie de la résolution parfaite - la faute à Ruben, peut-être pas seul mais en grande partie, il le savait même s’il ne l’admettait pas à haute voix.

Attrapant de quoi boire une fois que leur commande fut prise et complétée, il fit un signe de tête à Swann pour qu’ils aillent s’asseoir un peu plus loin sur l’une des tables disponibles au milieu des stands. « Parlons de toi plutôt. » Faisant tinter son verre contre celui du nouvellement Craine, il étira un sourire plus détendu cette fois-ci. « Je saiiiiis que je l’ai déjà dit, mais félicitations pour le mariage. C’était une super journée. » Une super soirée, une super tout en réalité; mais il n’y avait rien d’étonnant à celui, cela reflétait ce qu’étaient les deux tourtereaux. « Vous étiez super beaux aussi. » Personne ne pouvait discuter ce point là non plus. « Comment se passe vos premières semaines en tant que jeunes mariés ? Vous avez choisi la date pour la lune de miel du coup ? » Ruben savait que cette étape là allait être suivie par les deux amoureux, mais la dernière fois qu’il avait eu l’occasion d’en discuter avec Rory, la date n’avait pas été établie puisque tant d’imprévus étaient arrivés entre temps, dont l’arrivée d’une enfant dans leur foyer - ce qui n’était pas rien et représentait surtout du travail et du temps disponible nécessaire en plus. Ils ne pouvaient plus simplement se préoccuper de partir quand et comme bon leur chantait, l’organisation bien plus complexe qu’elle n’avait pu l’être à un moment donné.

« T’en fais pas pour nous Swann. » Ce genre de phrase est le parfait moyen pour que l’anglais continue de s’en faire, justement, mais il ne cherche pas à imposer un débat entre eux. Il souffle faiblement et concède de passer à autre chose, sans pour autant avoir l’impression d’avoir fait avancer la discussion pour autant. Il faut qu’il accepte qu’ils ne sont pas tous faits du même bois. « Parlons de toi plutôt. » Il n’est pas naïf et se rend bien compte que parler de lui sera plus simple pour Ruben et surtout bien moins casse gueule, mais l’anglais ne moufte pas pour autant. Sans le moindre esprit de contradiction, il sait déjà qu’il parlera de ce dont Ruben a envie de parler - dans la limite du raisonnable évidemment. En attendant la suite, il picore l’apéritif, souhaitant au moins profiter du repas hors de prix réservé à de tels événements éphémères.

« Je saiiiiis que je l’ai déjà dit, mais félicitations pour le mariage. C’était une super journée. » Parler de Rory est évidemment son talon d’Achille qui le pousse à sourire peu importe le contexte véritable derrière, mais le fait qu’il soit surtout question du mariage pousse un peu plus encore le nouveau Craine à se réjouir. “Je suis contente que tu aies pu en profiter.” Même s’il a surtout profité du buffet des boissons et autres cocktails, de toute évidence. Ce détail n’est pas resté loin de la vue des mariés. « Vous étiez super beaux aussi. » Ne s’étant pas préparé à cette remarque pourtant ô combien naturelle de la part du Hartfield, il esquisse un rire simple mais franc. Cette fois-ci, il se garde de le remercier par simple pudeur, même s’il tombe d’accord avec lui sur un point: Rory était super beau. « Comment se passent vos premières semaines en tant que jeunes mariés ? Vous avez choisi la date pour la lune de miel du coup ? » - “On veut partir en Amérique du Sud mais on a du mal à trouver une date pour le moment. Robin restera ici et on a encore du mal à se faire à l’idée de la laisser, même si elle sera bien entourée.” Ils savent qu’un voyage ne serait pas adapté à un enfant de son âge, et ils veulent aussi profiter de leur lune de miel en amoureux, ce qui pousse Robin à rester à Brisbane et eux à vouloir attendre un peu qu’elle soit plus grande et, de ce fait, un peu moins difficile à faire garder par leurs proches - même si la fratrie de Rory sera sans doute toute désignée pour ces quelques jours. Elle est un nourrisson demandant beaucoup d’attention, comme n’importe quel autre enfant de son âge, alors ils préfèrent encore qu’elle gagne en autonomie avant de partir: leur mariage ne risque pas de battre de l’aile d’ici là. “On est ensemble depuis tellement longtemps que ça change pas grand chose, finalement… Mais j’ai mes premiers papiers au nom de Craine, et ça par contre c’est important pour moi.” Il avoue dans un sourire ému, le fait qu’il ait pris le nom de son mari n’étant un secret pour personne, la décision ayant été prise il y a de nombreux mois de cela. A ses yeux, il n’y avait rien de plus naturel. “Un jour je te poserai la même question, tu peux déjà réfléchir à ta réponse.” Il ajoute un clin d’oeil, appuyant un peu plus encore le couteau dans la plaie sans même le savoir. En attendant un jour qui n’arrivera sûrement jamais, il fait tinter son verre contre celui de Ruben, soucieux de passer à autre chose et d’arrêter de le malmener avec ses questions sans doute trop personnelles.