@Andréa Fernandèz Garcia

Il est absolument hors de question qu’il s’habille en drag ou même qu’il participe d’une quelconque façon au Queen’s ball, mais pour autant il souhaite y participer à sa façon: de loin, dans l’ombre. C’est très bien d’être loin et dans l’ombre, après tout. En tout cas, pour lui, c’est tout ce dont il a envie. Rory s’occupe de Robin, il gère différentes réunions depuis chez eux et Swann lui laisse par la même occasion toute l’amplitude et le silence dont il a besoin pour se concentrer sur son travail. De son côté, cela lui permet aussi de faire une pierre deux coups en profitant de cette soirée libre pour proposer à Andréa de sortir. Après tout, il lui a offert sa danse le soir du mariage, mais il se dit qu’elle pourrait nourrir l’envie d’en partager une autre auprès de son ancien colocataire, ce que ce dernier aurait à son tour envie de partager avec elle. Le mariage était simple et parfait, mais elle continue d’être son amie et il tente de profiter au maximum de chaque instant pour lui proposer qu’ils le passent ensemble. Qui plus est, il connaît bien assez Andréa pour savoir qu’elle est ouverte d’esprit, sans pour autant être confrontée personnellement à la question LGBT. Elle n’en a pas besoin pour rejoindre le bal, où tout le monde est évidemment le bienvenu.

En réalité, Swann l’aurait invitée quoi qu’il en soit, mois des fiertés ou non. Il aurait pu trouver un bar ou un café, peu importe, et ils auraient passé des heures à rattraper le temps perdu, comme s’ils ne s’étaient pas retrouvés il y a peu de temps. “Tu peux participer si tu veux, mais je te le dis de suite: ça sera pas mon cas.” Il sourit, comme toujours, mais ses mots sont plus sérieux que jamais: il ne cherche pas à se voir enrôlé dans le spectacle, certain que cela raviverait toutes les peurs sur lesquelles il travaille depuis des années plutôt que de lui faire le moindre bien. Il est heureux d’observer tous les efforts de ces inconnus, oui, mais il se contente de les observer. Quelque peu nerveusement, ses doigts s'attardent sur le pendentif cruciforme offert par sa mère le jour du mariage: il le porte pour lui faire plaisir bien plus que toute autre chose, lui-même n'étant pas croyant (et sa mère non plus, aux dernières nouvelles). Elle a tenté de faire au mieux mais avec toute la maladresse qui est toujours la sienne, voilà tout. “Je me disais que c’était une belle occasion pour te proposer de sortir.” Sans doute aussi parce qu’il la connaît assez pour savoir qu’elle aime beaucoup l’ambiance festive, et qu’il n’aurait pas voulu lui imposer une seconde marche en compagnie de son chien à travers les marais. Et de toute façon, il est heureux de sortir lui aussi, non qu’il regrette l’adoption de sa fille mais il faut avouer qu’il est ravi de voir autre chose que des couches et des biberons. Il sera tout aussi ravi de la retrouver, elle autant que son mari, d’ici quelques maigres heures à peine. “Et tu es toujours en beauté, je savais que tu serais dans le thème sans faire le moindre effort.” Elle est toujours sur son trente et un, Andréa, et Swann est heureux de connaître une amie toujours aussi belle et gracieuse, peu importe les circonstances. “Tout s’est bien passé au mariage ? J’ai pas eu le temps de te parler autant que je l’aurais voulu.” Les invités étaient nombreux bien qu’ils aient réduits la liste autant que possible et Swann a tenté autant que possible de parler à chacun d’eux pour qu’ils ne se sentent pas mis de côté, et pourtant il n’existe pas un monde dans lequel il aurait pu leur donner autant d’attention que ce qu’il aurait voulu. Andréa ne fait pas exception à la règle, et il s’est contenté de poser son regard sur elle à quelques reprises, s’étant parfois étonné d’observer le ton monter avec l’invité de Zoya et cette dernière, ce qui le pousse à poser la question par curiosité autant que par souci. En réalité, oui, une part de lui craint que la soirée ne se soit pas passée aussi bien qu’il l’aurait voulu, et que cela aurait dû l’être. “Tu connais l’invité de Zoya ?” Il n’est pas étonné qu’elle connaisse cette dernière, mais en ce qui concerne son invité, il n’en pense pas davantage, ne le connaissant pas lui-même. Tout semble différent pour Andréa, et il a à coeur d’élucider ce mystère.

Swann n’est pas à l’aise, certes, mais il se sent au moins à sa place, et ce sentiment l’emporte sur les autres comme le démontre le sourire timide mais existant qui persiste sur son visage. « Le contraire m’aurait étonné. Je suis juste contente d’être ici avec toi. Pour le reste, on fait comme tu veux. » Il la remercie pour la patience qu’elle use à son égard, bien conscient que son choix n’est pas partagé pour Andréa, qui n’a aucun mal à se retrouver sous le feu des projecteurs. “Mes choix n’ont pas à être les tiens, tu sais. Je sais applaudir très fort.” Il propose à demi-mots qu’elle participe au concours si elle le souhaite mais se contente de lui sourire à ce sujet, sans la pousser à rien à nouveau. Ils peuvent passer une soirée simple, il en serait tout aussi heureux, tant que cela ne frustre pas son amie. « J’aurais pu pousser l’extravagance un rien plus loin. » Ses compliments ne suffisent pas à son amie et il la reconnaît bien là, éternelle insatisfaite de l’image qu’elle donne autant que des choses du quotidien. Il ajoute un rire poli, pensant évidemment qu’elle est déjà parfaite telle qu’elle est, et qu’elle l’aurait été tout autant si elle avait poussé plus loin la touche de maquillage et vêtements. « Je te retourne le compliment. D’ailleurs Rory m’a chargée de tenir tous tes futurs prétendants à distance. » - “Il m’a dit qu’il pouvait être territorial maintenant qu’on est mariés, je vois qu’il prend ça à coeur.” Et quand bien même Rory a effectivement eu ce mot à son égard, il ne le pensait pas réellement, tout comme le ton de voix de Swann ne porte pas la moindre mention de sérieux, chose qu’Andréa sait à son tour. “Mais je vois qu’il a très bien compris le mémo disant que tu es toujours dans les parages, par contre.” Cette fois-ci, il le note avec un certain bonheur, éternellement heureux de la présence d’Andréa à ses côtés et ce depuis qu’il est arrivé sur le sol australien.

C’est justement parce qu’il nourrit l’impression de la connaître depuis toujours qu’il a à cœur de la rendre heureuse, elle plus que quiconque, mais aussi de s’assurer qu’elle se sent à l’aise et à sa place, notamment le jour de son mariage. Il n’a pas été aussi présent qu’il l’aurait voulu pour ses invités, alors il tente de se tenir au courant avec un brin de retard. « Tout s’est bien passé. Heureusement que j’avais prévu une réserve de mouchoirs, vous êtes parvenus à me faire pleurer plus d’une fois. » Chose dont il ne pourrait pas réellement s’excuser, ces larmes-ci ayant la particularité d’exister sans la moindre tristesse. A dire vrai, et sans que ce ne soit une surprise pour Andréa, Swann y est aussi allé de sa larmichette à quelques reprises, ce qui le mettrait dans une bien mauvaise position pour oser se moquer de l’émotivité de son amie. Au lieu de ça, il passe brièvement sa main dans son dos qu’il caresse avec un certain amusement. Son mariage lui semble déjà remonter à si loin. “Je parle pas des tiennes et tu parles pas des miennes, deal ?” Aucune larme ne sera évoqué entre eux et cela fait donc qu’elles n’ont jamais existé, n’est-ce pas ?

Néanmoins, la curiosité du blond ne sait s’arrêter là et il se doit de poser une autre question lui restant sur le bout de la langue, sans qu’il n’en pense davantage pour autant. Pour l’instant, aussi. Ainsi, il ne tarde pas à la questionner au sujet de l’invité de Zoya, qui reste assez énigmatique à ses yeux bien que cette dernière le leur ait brièvement présenté. « C’est Mickey, mon beau-frère. Enfin, ex-beau-frère. » Il hoche la tête, le prénom lui donnant la pièce du puzzle qui lui manquait pour connaître l’histoire du divorce. « Zoya sait parfaitement que la séparation entre lui et Ali n’est pas encore officiellement actée. Elle sait aussi à quel point on a tous été affectés. Et elle décide quand même de se pointer avec lui, sous mes yeux. » Il comprend la colère d’Andréa mais ne peut pas se ranger de son côté en oubliant Zoya au passage. Il y a sûrement des pour et des contre de chaque côté, voilà tout ce qu’il en dit pour l’instant. “Ils sont restés combien de temps ensemble ?” L’anglais tâte le terrain, il tente d’en apprendre plus sur une situation qu’il ne connaît que très peu, bien qu’il puisse comprendre pourquoi le comportement de Zoya agace Andréa ; tout comme en retour il comprend qu’aux yeux de Zoya, il est un homme en instance de divorce et donc célibataire. “Tu crois qu’ils risquent de ne pas se séparer, au final ?” Risque-t-il à demander, sans pour autant oser le terme divorce. Cela ferait trop rapidement écho à sa propre histoire, qu’il refuse imaginer terminer de la sorte. « Mais tout va bien, il n’y a pas eu d’esclandre et j’ai passé une excellente soirée. » Elle rajoute rapidement comme pour le rassurer et l’attention a beau le toucher sincèrement, il en ressort pourtant avec un rire franc. Swann se soucie que le mariage se soit bien passé pour tout le monde mais il jure ne pas être un enfant pour autant: il est capable d’entendre les points négatifs s’il y en a. “Je crois que si tu avais décidé de te disputer avec elle, tout le monde l’aurait su.” Elles ont toutes les deux un fort caractère, cela n’est pas une surprise pour quiconque. “Tu lui as reparlé depuis ? Et tu savais qu’ils allaient venir ensemble ?” Il est curieux, oui, mais il veut surtout savoir comment aborder le problème pour tenter au mieux d’en ressortir le positif.

Il nourrit l’impression de pouvoir parler sans censure avec Andréa. Elle a toujours été celle à qui il pouvait tout dire, même au cœur d’une vie en Australie rythmée par le mensonge sur son couple: auprès d’Andréa, ce dernier n’a pas tenu longtemps, et cela a au moins permis à Swann de ne pas garder trop de pensées pour lui. En retour, elle sait pouvoir se confier, parce que ce sont bien sur ces bases que s’est créée leur amitié. Et qu’elle perdure, aujourd’hui encore. « Je risque probablement de céder à l’appel de la danse à un moment ou l’autre, mais pour le reste, c’est avec toi que je passe ma soirée. » Elle prévient et prend des pincettes, un geste qu’il accueille sans se braquer. “Une danse, je peux te l’accorder.” Il n’a pas de problème à se laisser aller à une danse, il statue simplement ne pas vouloir participer davantage aux festivités du mois des fiertés. “A moins que tu aies un autre partenaire en tête.” Il lève les deux mains et se rend déjà, un sourire amusé au coin des lèvres. Si tel est le cas, alors il se contenterait volontiers de la laisser s’amuser comme elle l’entend.

En attendant, pourtant, il reste un sujet qu’il ne sait passer sous silence plus longtemps, comme le prouve les minutes qui suivent et la question qu’il finit par lui poser, ramenant leurs pensées au jour du mariage. « Un peu plus de cinq ans. » Il hoche la tête lorsqu’Andréa précise la longévité du couple en question. Cinq ans, un mariage et un enfant. Ce n’est pas rien. Pas le genre de relation qui peut être oubliée simplement parce que cela semblerait parfois plus simple. « C’est compliqué tu sais. Je pense qu’ils s’aiment encore et que tout espoir n’est pas perdu pour eux. » Il pose un regard désolé sur Andréa, elle qui continue de nourrir beaucoup d’espoirs sur ce couple, de toute évidence. Swann, de son côté, les connaît trop peu pour pouvoir donner un avis éclairé à son tour. « Ils n’ont toujours pas signé les papiers du divorce. Mickey porte encore son alliance, Aliyah nage en eaux troubles. Je suis persuadée qu’il y a encore quelque chose à sauver. » - “Je pense surtout que c’est difficile de tourner la page sur une si grande histoire.” Ils voient encore l’image de l’un l’autre dans leur fille, comment pourraient-ils passer à autre chose et oser signer des papiers leur faisant avouer l’échec cuisant d’une relation en laquelle ils ont cru au point de vouloir s’unir pour la vie ? Il est fraîchement marié et comprend un peu trop bien ce qu’ils peuvent ressentir, au final. “Mais… c’est à eux de gérer ça, Andréa.” Swann souffle doucement, remontant son regard dans celui de la brune. Il ne pense pas à mal et elle le sait, mais il veut aussi qu’elle comprenne qu’elle ne peut pas se mettre entre eux simplement parce qu’elle a espoir qu’ils trouvent le moyen de réparer les morceaux. Parfois, ce n’est plus possible, et les sentiments ne sont pas les seuls à devoir entrer en jeu.

« Je ne savais même pas qu’ils se voyaient. Je sais qu’il multiplie les conquêtes et Zoya n’est pas une sainte non plus, il y a de quoi perdre le fil. » - “Tu es sûre qu’ils se fréquentent ? Ils ne sont pas juste… amis ?” Les doutes s’entendent à même sa voix. Il doute que Zoya ait invité un simple ami à un tel événement, tout comme il doute qu’elle aurait invité quiconque n’a pas une importance particulière à ses yeux. Il ne croit pas en sa propre théorie mais il tente tout de même, incapable d’incriminer une amie au profit d’une autre. « Je t’avoue que j’attendais de redescendre avant de discuter avec elle. Et une part de moi espère aussi qu’elle fera le premier pas. » Il n’est pas étonné de la forme de sa réponse, habitué à l’observer camper sur ses positions. Et de l’autre côté, il est habitué à voir Zoya en faire de même, ce qui le laisse déjà penser que cette histoire n’est pas prête d’être solutionnée. “Je dis peut-être ça parce que Mickey n’est pas mon ami, mais s’il a bel et bien une relation avec Zoya, il le fait en toutes connaissances de causes. C’est son mariage qui est en jeu, pas celui de Zoya.” En d’autres mots, il pense qu’elle se trompe de cible. Si cible il devait y avoir, idée contre laquelle Swann se positionne.