@Arthur Coventry

Il s’est déjà assuré de gagner la veste auprès de Donna, mais Arthur n’a pas besoin de savoir. Il prend sa mission à coeur et cela fait chaud au coeur de son ami que de le voir autant investi dans une tâche qui, il y a peu encore, lui aurait sûrement valu un rire franc et jugeur: vouloir acheter une veste qui appartenait à son fiancé il y a quelques semaines encore, quelle stupide idée. Entre-temps, pourtant, Rory a voulu en faire don à une association, et l’argent que Swann s’apprête à miser dessus sera reversé pour une bonne cause, alors il estime qu’ils n’ont pas perdu de temps. La pièce lui tient à cœur parce qu’il est sentimental et qu’il porte un affect particulier aux objets, sans doute trop, mais il n’a pas voulu interférer avec le choix de Rory de s’en séparer pour la bonne cause. Ce qu’il peut faire, en revanche, c’est s’assurer de faire bon usage de cet argent, pour que la pièce revienne ensuite dans leur maison et sans doute même sur les épaules de Swann plutôt que de Rory. Lui, à cette époque, jouait déjà le rôle d’un garçon bisexuel, et c’est une raison supplémentaire pour Swann s’être attaché à l’objet.

Autant que d’en avoir fait son excuse pour passer un peu de temps avec Arthur, qu’il apprend à redécouvrir maintenant que sa vie semble s’être améliorée et apaisée. Il reprend le droit chemin, et Swann est même certain qu’il apprend petit à petit à être véritablement heureux de sa vie à Brisbane, maintenant qu’il comprend ce que cette dernière peut lui apporter bien plus que tout ce qu’elle lui a enlevé. Il a tout pour être heureux ici, lui aussi. A dire vrai, il n’aurait aucune raison de ne pas l’être. “Avant toutes choses, j’ai quand même une requête.” Il l’annonce simplement, après avoir salué Arthur autant que le fait que sa tenue du jour lui aille à merveille. “Je suis pas la Banque d’Australie, alors on y va doucement sur les enchères, ok ?” Autrement dit: ils ne peuvent pas enchérir de dix mille dollars d’un coup simplement pour s’assurer la victoire. Elle serait sûrement leur, certes, mais ramener la veste chez lui serait soudainement le cadet des soucis de l’anglais. “Et… on le fait anonymement. Je veux pas qu’on sache que je mise sur un objet de mon fiancé.” Ce serait faire une bien mauvaise presse à Rory, il l’anticipe sans mal, et ce serait aussi risquer de lui supprimer toute surprise, parce qu’il anticipe déjà que son fiancé aurait eu à coeur de regarder le nom de l’acquisiteur de sa pièce, par curiosité au moins. S’il n’y a pas de nom, alors ils ne risquent rien, et ils peuvent se faufiler au cœur des enchères sans que cela ne soit rien d’autre qu’un jeu d’enfants amélioré.

Ce type d’évènement lui était familier, quelques célébrités qui vident leur placard pour lever des fonds et se donner bonne conscience, c’était le terrain de jeu d’Arthur depuis l’adolescence. Il en connaissait tous les rouages et, malgré l’heure matinale, allait se prêter au jeu pour aider Swann à obtenir le prix qui semblait lui avoir fait de l’œil. « Dose de caféine. » Il tendit le gobelet encore fumant du précieux liquide noir qu’il venait d’acheter pour une petite fortune au stand improvisé au fond de la salle. S’il lui était impossible de dissimuler ces cernes, Arthur essayait au moins de noyer sa fatigue dans une consommation excessive de café et autres boissons énergétiques. Il allait en avoir besoin pour être réactif dès que la vente aura démarré, ce genre d’évènement pouvant s’enchaîner à une vitesse folle. Il n’avait aucune idée des prix mis en vente et tandis la main vers l’un des présentoirs afin de récupérer le programme des festivités. Arthur se laissait toujours un peu trop prendre au jeu des enchères et il s’imaginait déjà repartir de là avec un totem à rajouter dans sa collection d’objets ridicules accumulés au fil des années. « Avant toute chose, j’ai quand même une requête. » Arthur détourna toute son attention vers Swann qui paraissait quelque peu nerveux tout à coup. « Je suis pas la Banque d’Australie, alors on y va doucement sur les enchères, ok ? Et… on le fait anonymement. Je veux pas qu’on sache que je mise sur un objet de mon fiancé. » Le sourire d’Arthur disparu dans une grimace digne d’un enfant à qui l’on venait de reprendre son jouet favori. « Eeeeet t’a ruiné tout le fun. » Il leva les yeux au ciel pour l’exagération. « Me lever aussi tôt et même pas avoir le droit de faire des folies. » Arthur ne connaissait aucune limite lorsqu’il s’agissait d’argent, il en avait toujours eu, n’avait jamais manqué de rien et toute sa vie on avait répondu au moindre de ses caprices par un chèque gravé de montant à plusieurs zéros. Il avait cependant conscience que ses excès s’éloignaient régulièrement de la réalité et il n’avait pas à cœur de ruiner Swann pour les dix prochaines années. « Combien tu veux y mettre au maximum ? » Il avait besoin de connaître le montant avant que l’enchère commence. « L’idéal c’est de laisser les gens s’emballer en premier et de contrer intelligemment sur la fin. » Arthur ne connaissait rien de la carrière de Rory, il avait vu l’un de ses films récemment sans que cela ne lui ait laissé un souvenir marquant, mais il savait que l’acteur était connu et que donc ce blouson allait être convoité. « S’il faut jouer un peu, je compléterai. » Il n’avait pas réellement compris pourquoi Swann n’avait tout simplement pas demandé à Rory de conserver le blouson dans le placard de leur dressing, mais Arthur avait compris que cela avait une certaine importance pour son ami et c’est bien tout ce qui importait.

« Dose de caféine. » Laquelle est éternellement bienvenue, peu importe l’heure de la journée. Swann accepte l’offrande dans un sourire, remerciant son ami d’un geste de la tête, avant de déjà prendre le temps de préciser ce qui lui semble important, à savoir qu’il ne peut pas se permettre d’enchérir de trop sur le blouson de Rory, ni même de révéler son nom au moment d’acter la vente. Cela ferait mauvaise publicité à son fiancé, et il a déjà bien trop de choses à gérer pour que Swann soit un boulet supplémentaire accroché à sa cheville. « Eeeeet t’a ruiné tout le fun. » Bien loin de s’en offusquer, il sourit de nouveau, connaissant par cœur son ami et ayant sans mal anticipé sa réponse. « Me lever aussi tôt et même pas avoir le droit de faire des folies. » - “Tu peux toujours faire ta propre enchère.” L’anglais souligne, ayant à cœur de ne pas brider son ami. Il peut enchérir des mille et des cents et donner son nom pour un autre lot, cela ne poserait aucun problème et au contraire, il contribuerait à défendre une bonne cause.

« Combien tu veux y mettre au maximum ? »
“Je te dirai si on atteint le plafond.”

Il lui demande simplement de ne pas enchérir plusieurs milliers de dollars à la première seconde, mais en retour Swann sait aussi qu’il a un peu trop à coeur de gagner cette enchère pour se montrer pleinement raisonnable. Il est en train de créer son cabinet et ce n’est pas le moment de faire une grosse dépense, surtout alors que les derniers frais du mariage devront être payés sous peu, et pourtant il s’agit d’une enchère qui n’aura lieu qu’une seule fois dans sa vie. « L’idéal c’est de laisser les gens s’emballer en premier et de contrer intelligemment sur la fin. » L’écouter parler stratégie amuse Swann, qui l’écoute sans avoir quoi que ce soit à redire. « S’il faut jouer un peu, je compléterai. » Doucement, simplement, il mouvoit déjà son visage de droite à gauche. “Non. C’est un caprice de ma part, tu n’as pas à compléter quoi que ce soit.” Il n’est pas en droit de demander de l’argent alors que son couple n’en manque pas.

“Tu as vu le blouson de Rory Craine ? Il est troop beau.”
“Le blouson ou Craine ?”
“Les deuuux.”
“T’as raison, il nous le faut trop.”

Habitué à ce genre de commentaire, Swann mime de ne rien avoir à faire de cette conversation et se contente de boire une gorgée de son café, son regard posé sur la scène où se tiendra bientôt l’enchère. “Pas d’esclandre non plus.” Il annonce à la seconde où son regard croise celui d’Arthur, qu’il connaît bien assez pour savoir que faire un commentaire le démange sans doute terriblement. “On a qu’à se poser un peu plus loin en attendant que ça commence.” Ce n’est pas une proposition mais bien un ordre, parce qu’il n’a pas à coeur d’entendre plus de commentaires au sujet du blouson de son fiancé, ou au sujet de son fiancé de façon plus générale. “Qu’est-ce que t’as rapporté chez toi jusqu’à aujourd’hui ?” Il n’est pas étranger aux enchères, mais c’est sûrement la première fois qu’il va aider à remporter la miser sur un tel objet, là où Swann imagine qu’il a plutôt tenté d’acquérir des objets bien plus flamboyants par le passé.

Arthur pris une gorgée de son café, trop fade à son goût, tout en continuant à observer la liste des objets qui seront mis en vente dans quelques minutes. Tout s’apparentait à la whishlist de quelques adolescentes hystériques cherchant à posséder le moindre objet ayant appartenu à leur idole. Rien n’attirait réellement son attention, si ce n’est cette guitare de Midas Sterling, peut-être. « Je te dirai si on atteint le plafond. » Arthur se contenta de hocher la tête ne voulant contredire les limites que s’était imposées Swann avant de venir ici. « Non. C’est un caprice de ma part, tu n’as pas à compléter quoi que ce soit. » Dommage, il aurait pu aligner quelques beaux billets qui auraient pu assurer à Swann de gagner sans même se soucier de rien, mais Arthur respectait la détermination de son ami à vouloir réussir par lui-même. De toutes les personnes qu’il avait pu fréquenter dans sa vie, Swann était le seul à n’avoir jamais cherché à tirer le moindre avantage de la fortune du Coventry. Cela étonnait encore Arthur, parfois, de se rappeler que Swann était son ami par volonté et non pas par intérêt déguisé. Arthur allait donc s’en tenir à siroter son café amer tout en restant à l’affût des enchères. Il était bien capable de si peu.

C’est un peu comme si le destin cherchait à venir titiller tous ses instincts sans lui offrir l’autorisation de jouer son meilleur rôle. « Pas d’esclandre non plus. On a qu’à se poser un peu plus loin en attendant que ça commence. » Swann avait bien repéré les deux jeunes femmes, mais il restait figé sur place, sans même s’offrir le luxe de pouvoir placer une réplique cinglante. Arthur, lui, en avait tout un tas en stock et elles venaient lui démanger les lèvres à chaque seconde. « Mais Swann… » Il sonnait comme un enfant frustré de ne pas pouvoir courir après ses instincts, traînant des pieds derrière Swann qui avait décidé de s’éloigner de la masse. Pour marquer son mécontentement, Arthur vint croiser ses bras sur son torse, gardant son regard résolument fixé sur les deux jeunes filles qui continuaient à s’éventer face à la perspective de toucher le blouson de Rory. « Qu’est-ce que t’as rapporté chez toi jusqu’à aujourd’hui ? » La question de Swann vint lui rappeler son âge et surtout son statut. Arthur se redressa sur son siège avant de tourner les yeux vers son voisin. « Des entreprises au bord de la faillite, des terrains en friche, des immeubles laissé à l’abandon… » La liste était longue et ne correspondait pas vraiment à des enchères pour le plaisir. Si Arthur n’avait jamais réellement apprécié tournoyer dans le monde des requins de l’immobilier, il avait tout de même un sens des affaires assez aiguisé pour que son père lui fasse pleinement confiance lors de ventes aux enchères importantes. Arthur savait analyser la foule pour enchérir au bon moment, il avait compris les mécanismes de ce genre d’événement et ne revenait jamais bredouille pour le plus grand bonheur de son paternel. Il venait de voir dans le regard de Swann que ce dernier s’attendait à des réponses bien plus banales. « Sinon quelques collections de vinyle, des meubles pour ma mère et ce vase chinois qui traînait dans l’entrée de mon appart. » Ce truc qu’il avait réussi à avoir pour une bouchée de pain et qu’il avait revendu le triple pour financer sa consommation lors de ces derniers mois dans la capitale anglaise. En somme, Arthur était un habitué des salles de ventes, même s’il n’avait pas pratiqué depuis un temps.

Les enchères débutèrent avec quelques minutes de retard et avec pour prémisse les objets les moins intéressants de la liste. Arthur se retrouva fasciné devant l’enchère interminable pour un tapis de yoga ayant servi à un pseudo influenceur. « T’as peut-être un business à ouvrir avec les vieux tee-shirts pas lavés de Rory. » qu’il glissa à Swann en ricanant. Arthur pouvait s’amuser d’un rien et c’est comme cela qu’il se mit à faire grimper les enchères lors de certaines ventes sans jamais avoir la moindre intention d’acheter quoi que ce soit. C’est comme cela qu’il a su faire grimper l’intérêt d’une bague en argent qui ne valait pas grand-chose et il continuait à s’amuser pour un script dont il n’avait rien à faire. « Une dernière. » qu’il annonça face au regard quelque peu réprobateur de Swann avant de baisser sa main et de laisser l’enchère finir de s’emballer jusqu’au gagnant. L’argent était collecté pour une bonne cause, ce n’est pas comme s’il faisait intentionnellement quelque chose de mal après tout.

« Le prochain objet nous viens tout droit du dressing de Rory Craine, avec ce blouson emblématique porté par le personnage de l’acteur dans le film Last Goodbye. Les enchères débutent à 350 dollars. » Au premier rang, les deux jeunes filles commencèrent à s’agiter sur leur siège, faisant naître un sourire de requin sur les lèvres d’Arthur. « T’es prêt ? » Cela allait sans dire, Swann avait déjà enroulé ses doigts autour de la petite pancarte qui allait lui servir à enchérir et son regard paraissait plus déterminé que jamais. L’enchère prit un petit élan au cours des premières relances faisant monter le prix au premier palier du millier de dollars sans que Swann ne s’effondre sur sa chaise. « 1 000 dollars pour la demoiselle au premier rang. » Annonça le commissaire-priseur sans que personne ne renchérisse immédiatement derrière. Arthur le sentait, la vente allait se conclure rapidement, personne ne semblant être prêt à déverser une fortune dans cette relique. « T’as encore rien dit. » Et sans réfléchir plus longtemps, parce que le terme plafond n’avait pas encore été évoqué, il attrapa le poignet de Swann pour lever son bras le plus haut possible. « 1 500 dollars pour messieurs. » Dans la seconde qui suivit, la fan hystérique fit monter l’enchère de 300 dollars supplémentaires. Arthur était prêt à proposer plus, mais Swann n’avait pas encore réagi et il avait promis de jouer dans les règles. « 1 800 dollars, personne pour 2 000 dollars ? » Arthur se tourna vers Swann ne voulant lui imposer une deuxième enchère plus conséquente. Il se retrouvait un simple spectateur. « 1 800 dollars, une fois… »

« Mais Swann… » Ses mouvements de tête sont un nouveau non qui ne mérite pas de passer la barrière de ses lèvres. Il a très bien entendu les deux jeunes femmes et il sait qu’il en est de même pour Arthur, ce qui est la raison pour laquelle il a décidé de prendre les devants et déjà lui ordonner de ne pas aller plus loin. Si elles en venaient à comprendre qui ils sont, ce serait pire encore. « Des entreprises au bord de la faillite, des terrains en friche, des immeubles laissé à l’abandon… » Puisque cela ne ressemble en rien à la réponse que Swann s’attendait à entendre, ce dernier éclate de rire sans chercher à se retenir. “Tu me vends du rêve Arthur.” Qu’il répond donc à son tour avec une ironie évidente, rien de ce qu’il vient de citer ne pouvant réellement lui vendre du rêve. Il s’attendait à quelque chose de plus excentrique et excitant. « Sinon quelques collections de vinyle, des meubles pour ma mère et ce vase chinois qui traînait dans l’entrée de mon appart. » Voilà qui relève effectivement quelque peu le niveau de l’intérêt que Swann porte aux biens achetés par Arthur. Des vinyles et des vases, ce dont bien plus des objets du quotidien, tangibles et dont il comprend l’achat - même si en connaissant son ami, il anticipe déjà que les deux valaient leur pesant d’or.

« T’as peut-être un business à ouvrir avec les vieux tee-shirts pas lavés de Rory. »
“Je suis étonné que tu me proposes pas déjà l’idée des caleçons sales.”

Parce qu’ils vaudraient plus chers encore, pour des raisons parfaitement tordues et bizarres que Swann n’ose même pas imaginer, mais il ose encore répondre à son ami avec un sourire amusé. Il est heureux lorsque son fiancé se déleste de temps en temps d’un objet pour le donner à une oeuvre caritative, mais au-delà de ça il estime ne pas avoir son mot à dire et, surtout, ne pas avoir à mettre son nez dans toute cette histoire, surtout pas pour assouvir la curiosité de certains fans qui le sont sans doute un peu trop, justement. Mais le sujet ne semble de toute façon pas intéresser plus que ça l’attention vacillante du Coventry, un peu trop occupé à enchérir sur tous les autres lots proposés à la vente pour en avoir quoi que ce soit à faire de la garde robe de Rory. Et puisque Swann n’avait pas vocation à étendre la blague, cela l’arrange plutôt bien, lui qui observe de loin les prix grimper avec un certain amusement. Arthur sait que l’argent est reversé à une bonne cause et que cela excuse donc parfaitement son agissement.

Ce n’est qu’après plus d’une heure que le blouson de Rory est à son tour proposé à la vente, ce qui fait se redresser Swann contre sa chaise alors qu’il n’était sans doute pas loin de se laisser aller à une sieste - non que les enchères ne l’intéressent pas, mais il n’y trouve pas réellement son compte. « Le prochain objet nous vient tout droit du dressing de Rory Craine, avec ce blouson emblématique porté par le personnage de l’acteur dans le film Last Goodbye. Les enchères débutent à 350 dollars. » L’annonce du commissaire priseur va de pair avec le cri des deux jeunes femmes qu’ils connaissent déjà. De toute évidence, ni Swann ni Arthur n’en sont étonnés. 350 dollars. Le prix de mise en vente est raisonnable, ils peuvent sans doute s’en tirer sans que l’anglais ne doive se défaire d’un organe. « T’es prêt ? » - “Prêt.” Il annonce avec sérieux, son regard posé sur le blouson présenté au loin, comme si ce dernier risquait de s’évaporer dans la nature tel un Banksy. « 1 000 dollars pour la demoiselle au premier rang. » -  « T’as encore rien dit. » Les bras croisés, Swann entend à peine son ami lui parler. Il est concentré sur la vente et sur le prix montant petit à petit, perdu entre la joie que le nom de Rory puisse ramener de l’argent et la crainte d’avoir à dépenser plus que de raison à son tour. Le tout le pousse à se montrer muet, paradoxalement en retrait de la vente alors qu’il a pourtant à cœur de la remporter. Arthur le prend de court en levant sa pancarte, l’anglais se retrouvant bien plus étonné qu’en colère de la démarche, comme le prouvent les yeux ronds qu’il pose sur le profil du Coventry. « 1 500 dollars pour messieurs. [...] 1 800 dollars, personne pour 2 000 dollars ? [...] 1 800 dollars, une fois… » Son regard interroge celui d’Arthur une second supplémentaire, se maudissant un instant de ne pas simplement avoir parlé à son fiancé de son désir de garder le blouson souvenir. Le problème avec Swann, c’est qu’il associe un souvenir au moindre objet, même ceux avec lesquels il n’a jamais interragi. Rapidement, il lève à nouveau la pancarte, le cœur battant. “2000 dollars pour messieurs à nouveau.” Il annonce, avant de demander à l’assemblée si quelqu’un souhaite ajouter cent dollars, ce que les deux femmes du premier rang ne semblent pouvoir se permettre à en juger par leurs cris - qui peuvent aussi être des larmes, selon l’interprétation. “Adjugé à messieurs du fond !” La sentence tombe après plusieurs secondes et le coup de marteau finit d’achever les fans. “Tu crois qu’on pourrait avoir leurs noms ? Je demanderai à Rory de leur envoyer une carte, quelque chose.” L’agence a ces cartes avec un shooting de lui et il en signe de temps à autres pour contenter les demandes. Il pourrait cette fois-ci y ajouter un mot pour pallier leur tristesse, idée contre laquelle il est certain que son fiancé n’ira pas une fois qu’il aura eu vent de cette histoire. “Je sais pas comment tu fais pour aimer les enchères, c’est trop de stress.” Il avoue enfin, néanmoins soulagé d’avoir remporté le seul lot qu’il désirait. “Je vais annoncer à Rory que je lui offrirai un collier de pâtes pour notre anniversaire.” Et pour Noël, pour son anniversaire ensuite. Quoiqu’il exagère sans doute, mais peu importe. “Tu veux acheter un des lots restants ou t’avais simplement vocation à casser les pieds de tout le monde ?” Ils resteront si Arthur y trouve son compte mais sinon Swann n’a pas la moindre envie de s’éterniser dans la salle pleine de fans de tous les horizons et de tous les niveaux.

« Je suis étonné que tu me proposes pas déjà l’idée des caleçons sales. »
« Ewh, un peu de dignité Swann. »

Arthur ne refusait jamais l’idée d’un quelconque business, mais il trouvait quelque chose de malsain dans l’exploitation du moindre fétichisme et il n’avait aucunement envie de fricoter avec ce genre de domaine. Non vraiment, il préférait ne pas se lancer dans ce genre de sujet et suggérer à Swann d’exploiter l’intimité de son futur mari. Il y avait des limites à ne pas franchir.

D’ailleurs, il n’avait encore absolument pas franchi les limites que c’était imposé Swann, mais ce dernier semblait complètement inerte depuis le début de la vente de l’objet de ses désirs et Arthur se décida à prendre les devants. La bataille se jouait contre les deux fans du premier rang, mais fidèle à sa parole il laissa le choix du dernier mot à son ami. Swann paraissait presque livide à la manière dont la somme avait grimpé en quelques minutes, mais Arthur en était persuadée personne n’irait mettre plus de deux mille dollars dans un blouson de cinéma après tout Rory n’était pas Léonardo DiCaprio. « 2000 dollars pour messieurs à nouveau. » Un sourire vint étirer ses lèvres en voyant le bras déterminé de Swann qui venait de se lever au-dessus de leurs têtes. Arthur retint son souffle en attendant les coups fatidiques du marteau du commissaire-priseur. « Adjugé à messieurs du fond ! » Arthur ne peut se retenir de lever sa paume en direction de Swann pour un high five victorieux. « Bien joué ! » Au final, il n’avait pas dépensé une fortune et la conclusion était venue assez rapidement, mais Swann paraissait presque chagriné du résultat. « Tu crois qu’on pourrait avoir leurs noms ? Je demanderai à Rory de leur envoyer une carte, quelque chose. » Surpris par l’empathie de Swann, il eut une seconde d’arrêt avant de hausser les épaules. « On s’en fout ! » qu’il annonça sans états d'âme. Tout le monde ne pouvait pas être gagnant dans une enchère et s’il était un peu étrange que Swann désire acheter un objet appartenant à l’homme qui partage sa vie, il n’allait tout de même pas commencer à vouloir récompenser tous les perdants. « Je sais pas comment tu fais pour aimer les enchères, c’est trop de stress. » - « Justement, c’est un pic d’adrénaline. » Arthur ne vivait que pour ce genre de moment, sentir son rythme cardiaque augmenté, jouer avec les limites de ce qui est acceptable et devoir anticiper les réactions des autres. Il pourrait faire cela tous les jours et ne jamais s’en lasser tant Arthur avait besoin de passer par tout un spectre d’émotions pour se sentir pleinement vivant. « Je vais annoncer à Rory que je lui offrirai un collier de pâtes pour notre anniversaire. » Arthur eut un éclat de rire. « Il va être heureux de savoir que c’est pour récupérer son blouson qu’il va devoir serrer la ceinture. » Il se doutait que Swann avait anticipé son achat et qu’en réalité il ne s’était pas mis dans des problèmes financiers pour quelque chose d’aussi dérisoire. Il l’espérait fortement en tout cas, ce n’était pas du genre de Swann que de faire quelque chose de complètement démesurer sans avoir assuré ses arrières auparavant. « Il sait que tu t’attaches au moindre objet ? » Il avait toujours été ainsi, à garder des morceaux de souvenirs de tout et de rien, Arthur avait toujours trouvé cela amusant.

« Tu veux acheter un des lots restants ou t’avais simplement vocation à casser les pieds de tout le monde ? » Arthur leva les yeux au ciel. « Je suis venu pour t’accompagner. » Joue les troubles fêtes n’avait été qu’un passe-temps jusqu’à ce que le blouson de Rory apparaisse à la vente. « J’ai quelque chose à te montrer, mais pas ici. » Il avait répondu présent pour Swann, mais Arthur avait également quelque chose à lui dire qui semblait bien plus important qu’une simple petite vente aux enchères. Pour cela, il préférait entraîner Swann loin de l’animation générale pour aller s’installer vers le petit stand de café qui complètement vide puisque l’attention des visiteurs était pleinement tournée vers la vente. De manière un peu nerveuse, Arthur plongea une main dans la poche de sa veste pour en sortir un petit jeton qui avait toute son importance. Il le fit tourner entre ses doigts avant de le déposer sur la table juste devant Swann. « Un mois sans toucher à rien. » Ces quelques mots furent prononcés d’une voix un peu tremblante, Arthur ayant perdu son assurance légendaire pour mieux laisser apparaître la fragilité qui caractérisait son parcours sur le chemin de la sobriété. « Je voulais te dire merci. » Tout simplement.

« On s’en fout ! » Evidemment. Il n’attendait pas à ce qu’Arthur fasse preuve de compassion à son tour mais Swann se promet d’en parler à Donna, pour qu’elle puisse peut-être y faire quelque chose de son côté. Elle n’agira pas par bonté d’âme mais bien parce qu’il le lui demande et qu’il est bien rare qu’elle refuse d’accéder à une demande de Rory, ou de son fiancé par extension. Après tout, elle a toujours été bonne pour eux. « Il va être heureux de savoir que c’est pour récupérer son blouson qu’il va devoir serrer la ceinture. » L’anglais éclate d’un rire sincère à son tour: cette situation ne fait que peu de sens, c’est un fait. Pour autant, il connaît bien assez Rory pour savoir que ce dernier ne lui en voudra pas le moins du monde et qu’il sera sans doute touché à son tour que Swann se soit prêté au jeu des enchères plutôt que de simplement utiliser son passe-droit et lui demander de garder le blouson. Il n’aurait eu aucun mal à le faire et Rory à accepter dans la foulée, éternellement soucieux de son bonheur. « Il sait que tu t’attaches au moindre objet ? » - “Tu penses qu’il aurait pu ne pas le remarquer ?” Il demande dans un sourire, ses mots ne portant aucun reproche. Arthur est pourtant bien placé à son tour pour savoir à quel point Swann a le don de s’attacher au moindre objet, qu’il rattache aussitôt à un souvenir qui lui tient à cœur - et Dieu sait qu’ils sont nombreux, les souvenirs qui lui tiennent à cœur.

Simplement, Swann finit par demander à Arthur s’il souhaite personnellement enchérir sur des objets ou s’ils peuvent disposer de l’endroit, éternellement soucieux de ne pas attirer davantage l’attention et surtout que son visage soit associé à quelque chose de familier. « Je suis venu pour t’accompagner. » La réponse lui convient parfaitement, raison pour laquelle il hoche la tête et prend déjà la tangente pour quitter la salle d’enchères. « J’ai quelque chose à te montrer, mais pas ici. » Son ami semble plutôt calme mais une certaine panique monte en flèche dans le cœur de l’anglais qui ne sait plus du tout à quoi s’attendre et qui, malgré lui, ne peut que s’empêcher d’imaginer le pire. Il n’a aucune idée d’à quoi s’attendre et ne sait quoi faire de cette information, raison pour laquelle il se contente de suivre Arthur à pas de lou, son regard ne quittant jamais la silhouette de son ami de toujours. Lorsqu’ils se retrouvent dans une salle calme et reculée du reste, Arthur n’attend pas davantage avant de sortir une pièce de sa poche, laquelle Swann associe rapidement à son symbolisme, ce qui est la raison pour laquelle il ne tarde pas avant d’afficher un large sourire. « Un mois sans toucher à rien. » Swann s’empare doucement de la pièce pour l’observer de plus près, non pour vérifier les dires de son ami mais bien parce qu’il est curieux de découvrir à quoi elle peut ressembler. « Je voulais te dire merci. » - “Et moi félicitations.” Il pose enfin son regard sur le profil de son ami et souligne le tout d’un nouveau sourire profondément fier et heureux. Il tend son bras pour brièvement poser sa main dans le dos de son ami, qu’il tapote brièvement pour ne pas lui imposer de le prendre dans ses bras alors qu’il n’en a sûrement que peu envie. Rapidement, il ouvre sa main pour qu’Arthur reprenne son bien, durement gagné. “C’est quoi la prochaine étape ?” Il veut savoir quand est-ce qu’Arthur pourra gagner une pièce supplémentaire et le rendre un peu plus fier encore ; et se porter encore mieux de son côté. “Je te trouve changé, tu sais. Que tu vas vraiment mieux.” Ses efforts ne se résument pas à une simple pièce, voilà ce qu’il en pense surtout. “Je suis fier de toi.” Il ajoute d’un ton plus bas, plus confessionnel aussi. Il n’a que rarement eu la possibilité de prononcer de tels mots face à Arthur mais aujourd’hui ils sont parfaitement les bienvenus.

« Tu penses qu’il aurait pu ne pas le remarquer ? » Tout se jouait sur le ton de la plaisanterie et ce n’est sans aucune animosité, mais simplement au sein d’une complicité retrouver qu’Arthur s’empressa d’ajouter avec nonchalance : « Il paraît que l’amour rends aveugle. » Le tout accompagné d’un haussement d’épaule tenant à faire rappeler qu’il ne s’était jamais senti concerné par ce dicton quelque peu vieillissant. En réalité, Arthur appréciait de voir Swann ainsi. S’il avait jugé la nature de ses relations au premier abord, il ne pouvait nier que son ami semblait apaisé et véritablement heureux après des années d’errance qui avait failli le mener à sa perte.

Et Arthur avait encore bien des choses à confier à Swann. Le lieu n’était probablement pas idéal pour ce genre de confession, mais s’il se devait d’attendre plus longtemps, Arthur allait finir par garder la pièce au fond de sa poche. Il lui était encore difficile d’évoquer son chemin vers la rédemption et Arthur eu soudainement le besoin de vider son sac, dans la minute. Seul Swann pouvait comprendre son urgence et surtout saisir la véritable importance de cette petite pièce qu’il venait de faire glisser entre ses doigts. « Et moi félicitations. » Arthur baissa la tête, à mille lieux du garçon qui avait pour habitude de chercher le moindre compliment, il murmura un faible remerciement. « C’est quoi la prochaine étape ? » - « Je sais pas vraiment. » Arthur s’était pleinement engagé dans le processus, il n’y avait plus aucun doute là-dessus, mais tout lui paraissait complexe. « Parler aux réunions ? » Il n’avait toujours pas franchi cette étape-là. S’il mettait un point d’honneur à se présenter selon le planning que lui avait transmis Malone, Arthur restait constamment en retrait du groupe. Incapable de trouver sa voix ou ne serait-ce que le moindre intérêt dans le fait de partager son histoire, Arthur restait étrangement silencieux à chaque nouvelle rencontre. « Je te trouve changé, tu sais. Que tu vas vraiment mieux. » Surpris par les paroles de Swann, il releva la tête dans sa direction. Avait-il véritablement changé ? Arthur n’en avait pas réellement la sensation. Certes, il ne passait plus son temps en boîte de nuit et ses idées s’alignaient bien plus facilement, mais à côté de cela, bien des choses avaient commencé à se développer. « Je suis fier de toi. » Touché par les mots employés, Arthur baisse à nouveau le regard. Il n’était pas certain de mériter autant d’acclamations. « Je vais pas te mentir Swann, c’est juste un début. » Si auparavant Arthur tenait Swann à distance de tout cela, aujourd’hui, il avait à cœur d’être parfaitement honnête avec la seule personne sur cette terre qui continuait à lui dévouer tout son intérêt. « Quand la journée est longue ou… Frustrante ? Que j’ai mal dormi ou quoi, mon premier réflexe, c’est de fouiller mes poches et tous mes tiroirs dans l’espoir de mettre la main sur quelque chose. » Arthur était encore en proie à des crises de manque, certaines plus violentes que d’autres, mais surtout, il n’était pas sûr d’aimer la personne qu’il était en train de devenir sans la cocaïne. Cette ombre de lui-même en proie à des crises d’anxiété inexpliquées et qui avait bien du mal à fonctionner normalement. « J'essaye de m'occuper l'esprit, je travaille comme un malade, mais ça finit toujours par revenir dans mes pensées. » En réalité, l’euphorie liée à la prise de stupéfiant, la sensation de pleine puissance et de contrôle, les idées qui fusent par centaines, lui manquait plus que tout le reste. C’est un mélange de tout cela qui l’avait fait replonger aussi rapidement la première fois. « Je sais pas ce qui te fait penser que je vais mieux, parce que moi, je n'ai pas l’impression d’aller bien. Du tout. » Il ne s’était pas imaginé le dire ainsi. Arthur n’avait même pas envisagé d’en dire autant à Swann, mais les mots lui avaient échappés dans cette dynamique de confession qu’il avait lui-même instauré.

« Je sais pas vraiment. Parler aux réunions ? » C’est sans nul doute une étape importante, en effet, mais puisque Swann n’a jamais assisté à des réunions du genre et ne compte pas l’addiction (à la drogue, du moins) dans son catalogue, il ne sait pas grand chose. Il tente de comprendre, il tente d’être assez empathique pour anticiper la suite, mais il a besoin d’Arthur pour y arriver. “Ça me semble être une bonne idée.” Il ajoute dans un sourire compatissant. Parler n’a jamais été un problème pour Arthur, d’aussi loin qu’il s’en souvienne et surtout du temps de l’université. Swann n’est pas naïf et il sait bien que la situation est parfaitement différente en cet instant, mais il sait aussi que son ami est fort et courageux: il y arrivera.

Il est fier de lui et n’a aucune honte à le dire. Il ne pèse pas davantage ses mots et les prononce, aussi simplement que cela, parce qu’il juge qu’Arthur a véritablement besoin de les entendre et qu’il ne sait pas si d’autres le lui diront à sa place. « Je vais pas te mentir Swann, c’est juste un début. » Il hoche la tête, compréhensif. “Je sais Arthur. Mais c’est important de te rendre compte des choses quand tu franchis une étape.” Il pourra faire un pas en arrière ensuite, c’est probable, mais cela ne le fera pas oublier à quel point il prend sur lui pour en arriver jusque là. Swann aussi a connu des hauts et des bas dans sa capacité, ou non, à gérer ses différents états d’esprit et surtout ses conséquences sur son corps et tout particulièrement ses poignets. Il a fait des pas en avant, il en a fait d’autres en arrière, et aujourd’hui il sait que le soutien de ses proches et ce qu’il a toujours eu de plus précieux pour lui donner de la force et du courage. « Quand la journée est longue ou… Frustrante ? Que j’ai mal dormi ou quoi, mon premier réflexe, c’est de fouiller mes poches et tous mes tiroirs dans l’espoir de mettre la main sur quelque chose. » Il ressent le besoin d’expliquer le fond de sa pensée et Swann hoche la tête en silence, n’ayant évidemment pas vocation à le couper, surtout pas alors qu’il sait à quel point les confessions de son ami sont rares et précieuses. Arthur est toujours quelqu’un de fermé et secret, ce qui ne changera sans doute jamais. “C’est normal, tu le sais ça ? C’est pas un échec.” Il veut que son ami le sache, il veut qu’il comprenne que ce n’est pas parce qu’il ressent l’envie de consommer que tous ses efforts sont un échec: une addiction ne peut pas se traiter du jour au lendemain, peu importe à quel point il en a envie. « J'essaye de m'occuper l'esprit, je travaille comme un malade, mais ça finit toujours par revenir dans mes pensées. » A nouveau, le blond hoche la tête et pose même brièvement sa main contre l’épaule d’Arthur, son sourire en demi-teinte. Il fait beaucoup d’efforts et Swann le voit, mais Arthur lui-même ne semble pas se rendre compte de tout ce à quoi il arrive.

« Je sais pas ce qui te fait penser que je vais mieux, parce que moi, je n'ai pas l’impression d’aller bien. Du tout. »
“Tu vas mieux, Arthur. Je t’assure que tu vas mieux.”

Il ne s’en rend peut-être pas compte, mais Swann le voit bien: il est plus calme, plus réfléchi. Toute son attitude est différente à la seconde même où il arrête de consommer et elle le devient un peu plus encore lorsque le temps s’écoule et qu’il reste loin de toute drogue. Un jour, Arthur s’en rendra compte à son tour, ou tout du moins c’est ce que Swann espère pour lui. “Sois plus indulgent avec toi-même, ok ?” Des mots qu’on a dit à Swann à l’époque et dont il ne comprend l’importance que maintenant, ce qui le pousse à le répéter à Arthur. Un jour, il en comprendra l’importance à son tour, il l’espère.

« Je sais Arthur. Mais c’est important de te rendre compte des choses quand tu franchis une étape. » La voix de Swann se veut toujours aussi rassurante quand Arthur se sent déjà agité par le tournant que la conversation est en train de prendre. Certes, c’est lui qui était à l’initiative d’un tel tournant dans leur après-midi, mais Arthur était toujours aussi mal à l’aise lorsqu’il s’agissait de dresser le bilan de son début de sobriété. Il avait au moins le sentiment de pouvoir être pleinement honnête auprès de son ami. « C’est normal, tu le sais ça ? C’est pas un échec. » C’est ce que tout le monde cherchait à lui faire comprendre, mais Arthur avait du mal à trouver le positif dans toutes les épreuves qu’il était en train de traverser. Il avait simplement la sensation de devoir combattre une addiction tout en s’interdisant de tomber dans une autre. Tout n’était qu’un combat constant qui venait de l’épuiser. « J’essaye de le comprendre, je t’assure. » Il se devait de tout remettre en question, d’oublier les injonctions avec lesquelles il avait grandi. Arthur ne se voyait que comme un échec constant, incapable de s’en tenir à ses études, incapable de terminer son internat, obligé de s’en résoudre à retourner dans les jupons de son père sans jamais se trouver une perspective de carrière et par-dessus tout, incapable de se défaire de ses démons. Avoir l’esprit clair ne le faisait pas se sentir mieux, au contraire, toutes ses pensées ne dressaient qu’une conclusion lucide et terne de ces dernières années écoulées. Un constant qu’un Arthur sous cocaïne n’avait pas le temps d’analyser. « Tu vas mieux, Arthur. Je t’assure que tu vas mieux. » Swann paraissait si sûr de lui. Persuadé, que son ami était sur la bonne voie et que tout finirait par s’améliorer. Arthur lui enviait presque son optimisme sans faille. Il se contenta de lui adresser un maigre sourire. Au moins, il avait déjà tenu un mois et il n’avait pas réellement envie d’abandonner ses efforts, bien au contraire. Arthur n’était sûr de rien quant à son avenir, mais il n’avait pas l’intention de tout détruire. « Sois plus indulgent avec toi-même, ok ? » Il hocha la tête, incapable d’en dire plus ou de se projeter sur le long terme. Au moins, il avait acquiescé avant que sa main ne vienne se refermer sur l'avant-bras de Swann dans un remercîment silencieux mais on ne peut plus sincère.

Arthur n’avait pas à cœur de ruiner la journée, il avait fait son annonce, Swann l’avait soutenu sans faille une fois encore. C’est tout ce dont il avait besoin pour continuer. Un peu de soutien. Alors comme pour fêter ça, mais aussi parce qu’il n’avait pas envie de se retrouver seul chez lui, Arthur invita son ami de toujours à partager un déjeuner une fois le butin de Swann récupérer.