Elle te regarde l’air de dire ’tu plaisantes?’ quand tu t’excuses et tu t’en veux. Tu t’en veux très fort. Pourquoi t’es allé par là Jordan ? Tu vois sur son visage que ce que tu racontes a un impact sur elle. Elle cogite. Tu essaies de t’expliquer du mieux que tu peux. Tu t’excuses encore car t’as pas l’air capable de faire du sens. T’as pas pensé que peut être c’est simplement parce que ça ne fait pas de sens ce que tu racontes Jordan ? C’est compliqué et c’est pas comme ça en trois minutes qu’on peut se faire comprendre sur un sujet pareil. Au final, ça t’aura permis de t’ouvrir un peu plus sur ce qui est au creux de toi. Ce dont tu ne parles jamais. “Je sais. Elle sait. Elle a des idées Birdie. Faut dire que le sujet a été légèrement mentionné par Maggie une fois. Est-ce que c’est la seule fois où elle a eu un peu plus de détails là dessus ? Est-ce que c’est là qu’elle a découvert en premier lieu ? Ca remonte à une année maintenant la mort de ton géniteur.

“T’as du mal à parler de certaines choses que t’as vécu et c’est okay. Mais ne pense pas que je sais toujours tout te concernant car je lis pas dans ton esprit.” Tu confirmes d’un hochement de tête et tu t’en veux toujours si fort d’avoir plombé de nouveau l’ambiance. Vous étiez passé à autre chose et vous retombez dedans. Tu manges ton brownie parce qu’il est devant toi. Tu n’as pas touché l’autre gâteau aux bonbons encore. Mais tu sais d’avance que tu iras demandé à ce qu’ils l’emballent pour que vous l’emportiez. Y’a plus rien qui passe dans ton estomac là. Même le brownie, c’est très dur. Y’a des larmes qui glissent sur tes joues que tu essuies aussitôt. C’est donc ça que ça fait quand tu frôles le sujet ? Ca te claque totalement le moral. Tu te sens mal. Tu te sens vulnérable un peu plus à chaque fois que le sujet est gratté. Tu te retrouves être le petit garçon qui n’a pas mérité un seul des traitements qu’il a reçu en grandissant. Tu détestes cette sensation au plus haut point. La vie était si simple quand Birdie ne savait rien de toi et pensait que tu étais la personne la plus confiante et stable de la planète. Quelle grosse blague. Tu fais du mieux que tu peux avec ce que tu as. Les larmes continuent de rouler sur tes joues et tu les effaces au plus vite. Tu n’es pas en train de sangloter, nope. Mais l’émotion est si grande en toi que les larmes glissent toutes seules. Tu restes silencieux, te blâmant d’absolument tout et même de l’avenir. Car évidemment le mariage va être un fiasco si tu ne fais que mettre du malaise entre vous deux avec tes conneries. Avec ton passé et tes ressentis Jordan. C’est une réalité, quoi qu’il en soit. Mais tu ne veux pas mettre ça sur les épaules de Birdie. « Je vais aller demander à ce qu’ils m’emballent les gâteaux. » Même le brownie tu viens d’abandonner. Tu veux pas manger sans envie. Tu le fais assez quotidiennement comme ça.

T’es focus sur ton cheesecake. T’es dans tes pensées. Il faut que t’essaie de ne pas trop te prendre la tête pour ça. Il n’y a aucune raison. Mais tu es dans une période où tu remets tout en question il faut croire. Ce n’est pas de ton ressort sur ce coup-là. Jordan a son jardin secret et tu respectes ça. Mais tout ce qui en découle te dérange. Tu as les yeux dans le vague en face de toi, fixant un point invisible alors que t’espère qu’un jour, ton fiancé.e pourra s’ouvrir à toi sur ce pan toujours aussi mystérieux de sa vie. « Je vais aller demander à ce qu’ils m’emballent les gâteaux. » Sa voix te ramène à la réalité. Tu tournes la tête vers lui. Si Jordan n’a plus faim de brownie, c’est qu’iel ne va pas bien. Tu n’as pas à te sentir coupable de ça non plus. Ce n’est pas toi qui as abordé ce sujet. Par contre, c’est toi qui a subi les conséquences de ce sujet. Mais au moins, tu as une petite vision sur ce qu’il se trame dans la tête de ton fiancé.e. Ce n’est pas forcément rose ni beau ni facile, tu l’as capté. “Okay.” Toi, tu vas le finir, ton cheesecake. Tu as toujours faim d’ailleurs, et c’est clairement pour compenser la tension qui s’est un peu réinstallée. Tu mords ta lèvre alors que tu observes Jordan. “It’s going to be okay, right ? I’m here for you. No matter what. Okay ?” Tu te l’ai tatoué et c’est un mantra que tu oublies de temps en temps. Il fait plaisir à entendre, t’es bien placée pour ça. Vous avez l’air tellement à cran ces derniers temps. C’est en grosse partie de ton ressort puisque c’est toi qui traîne tes mauvaises ondes depuis des semaines. Un jour Jordan te parlera. T’as envie de t’en convaincre. Mais tu ne fouteras pas de couteau sous la gorge. Ce n’est pas ton genre et c’est contre productif de toute façon.

TW : Abus physique et émotionnel sur enfant

“Okay.” Te lever et aller parler à une tierce personne te fait du bien. Les larmes ne coulent plus. Tu reprends ton calme. Tu te répètes des mots pour apaiser ton âme car tu le sais, ce qui est dit est dit, c’est trop tard pour retourner en arrière. Voilà, ton esprit logique commence son bout de chemin pour ne pas trop te miner. Tu te rassures tout seul. Elle va pas te quitter pour ça, non ? C’est qui tu es qui se révèle un peu plus à elle doucement doucement. Ton passé qui s’expose petit à petit et tu as beau retenir tout ça très fortement, visiblement ça sort tout seul. Birdie et toi ça se compte en années maintenant. Vous allez acheter une maison ensemble Jordan. Vous êtes unis et vous êtes fiancés. Il serait juste de donner un peu plus de détails sur ton passé. Qu’elle sache exactement qui tu es avant de passer toutes ces étapes immenses et que tu l’embarques avec ta personne et toute cette partie qu’elle ne connait pas de toi. Fuck… Parce que voilà maintenant tu réalises que c’est important. Vraiment.

Tu reviens à table avec ta boite en carton. “It’s going to be okay, right ? I’m here for you. No matter what. Okay ?” Tu confirmes d’un hochement de tête car ses mots te font du bien. Tu continues de cogiter sur tout ça, en silence. Tu cherches le contacte de Birdie, ta main sur sa cuisse dans le café ou ta main dans la sienne quand vous marcherez jusqu’au van.

C’est seulement lorsque vous aurez repris la route que tu prendras la parole. Il est tellement plus simple de parler quand tu sais qu’elle ne te regarde pas, ou du moins, qu’elle regardera plus la route que toi. « I just realise that it’s not fair to bound you for life with me when there’s some stuff I never mentioned… And… That they impact us… In lots of ways. » Parce que c’est qui tu es et les reactions eu tu peux avoir. « I’m not really sure which part are more important but… I’m not gonna give you anything detailed cos it’s not important… » Et pourtant ça l’est Jordan. C’est juste pas nécessaire de te faire subir ça alors que la généralité donnera une très bonne image. « I’ve been emotionally abused and neglected as a kid. » Ouf tu le dis pas souvent à voix haute ça. « My father didn’t want me there and he made me well aware of that. » Tu marques une pause. « I’ve been physically abused… He didn’t rape or stuff like that. But I could stay without eating for days and the opposite other times. He would force me to stay at the kitchen table until I’ve eaten all the food. And he was not joking. » T’es resté si longtemps à table certaines fois que tu finissais par te pisser dessus car tu avais interdiction de quitter la table avant d’avoir fini. Bons souvenirs de manger de force à patauger dans sa pisse.

« Could stay alone in the house for days because I’m just an inconvenience to their holidays. » Est-ce que Birdie à partir de là va joindre les deux bouts avec Harry Potter et pourquoi tu aimes autant ces bouquins ? « Almost drowned in the bath. He was driving very recklessly sometimes telling me he’s gonna crash us so I will join my mum. » C’est assez impressionnant là comment tu dis tout ça presque de manière détaché Jordan alors que tu étais en larmes juste avant. Tu es totalement dissocié de ce que tu racontes. Il n’y a pas d’autre solution possible pour en parler de toute manière. « When I was a teenager I would find any ways to not go back home and spend the night anywhere but there. He never was worried, he was probably relieved I was not around. » Tu soupires doucement. « Stuff like that… I could go on and on. » Tu laisses un moment passer. « I grew up knowing I should be dead instead of her and that I am absolutely worthless at every interactions I had with him. It’s hard to get these out of my brain. I know it’s not true. But you know… » C’est pas évident quand c’est ancré en nous.

Oh. My. God. Jordan. Personne n’a vu ces révélations venir aussitôt, même pas toi.

Tant que Jordan gardera une main sur toi, c’est que ça va. Tu lui sers la sienne pour lui assurer que t’es là, lui rappeler que tu es capable d’être ses épaules aussi si y’a besoin. Mais tu ne diras rien de plus car il n’y a rien à rajouter. « I just realise that it’s not fair to bound you for life with me when there’s some stuff I never mentioned… And… That they impact us… In lots of ways. » Apparemment si ? Une fois installée derrière ton volant et le pied contre l’accélérateur pour se remettre en route, ton fiancé.e a décrété que c’était le moment de discuter ? « I’m not really sure which part are more important but… I’m not gonna give you anything detailed cos it’s not important… » T’as le coeur qui bat fort parce que… Est-ce qu’iel va… Parler ? « I’ve been emotionally abused and neglected as a kid. » Tu ne t’y attendais pas. A avoir cette conversation là maintenant de suite après les montagnes russes déjà subitent tantôt. Jordan a dit qu’iel n’allait pas donner de détails mais t’as déjà peur. Et t’es aussi choquée. Surprise, étonnée. Tous les mots fonctionnent mais ne semblent pas assez forts pour la situation.

Et c’est le déroulement. Il n’y a pas de détails, qu’iel disait, et pourtant, iel en donne. Beaucoup. Trop. Ça te donne le vertige et la boule à la gorge. Tu avais bien compris que Jordan ne comptait pas dans l’existence de Sullivan Fisher. Ils ne partagent qu’un nom de famille et qu’une partie de leur sang, après tout. Mais Sullivan Fisher est encore pire que ce que tu pensais. Il t’a donné une mauvaise image de son vivant et t’en as une encore plus négative qui apparaît. Le terme te paraît faible comparé à l’histoire que tu entends. Tu comprends d’où vient sa difficulté à manger. C’est comme si tout s’éclairait. Toi qui pensais que ce n’était qu’une question de goût. C’est pire. Bien pire que ça. « Almost drowned in the bath. He was driving very recklessly sometimes telling me he’s gonna crash us so I will join my mum. » Ton cœur et tes poumons se serrent sous la cruauté de ces mots. Tu lui en veux de te dire tout ça alors que tu conduits. Tu n’as pas le choix pour le moment que de garder le focus sur la route alors que t’aurais juste envie de le prendre contre toi. Certes, ça ne changera rien à ce qu’iel a vécu. Mais ça te ferait du bien. De constater que Jordan est plus en sûreté avec toi.

Ta main va contre sa cuisse. Pour le soutenir et montrer que tu l’entends. Comment un parent peut être aussi cruel avec son enfant ? « I grew up knowing I should be dead instead of her and that I am absolutely worthless at every interactions I had with him. It’s hard to get these out of my brain. I know it’s not true. But you know… » T’as juste envie de pleurer. T’es plus sensible que d’habitude. Et puis, c’est violent ce que Jordan vient de te dire. T’as envie de pleurer pour lui car ce n’est pas juste, ce n’est pas correct. Personne n’a rien fait, n’a rien dit. Sullivan Fisher avait une femme, non ? Il a refait sa vie, si tu te rappelles ? Et elle n’a rien dit ? Ca te fout en colère en plus de tristesse. “For what it's worth, I’m so sorry you had to endure all that shit. I can’t understand how people could let that happen… How a father can do that to his kid. I’m…” Tu secoues la tête avant d’aller chercher sa main que tu portes à tes lippes. Tu n’as pas besoin de lui dire certaines choses car Jordan est assez conscient.e, et suivi.e, pour le savoir tout.e seul.e comme un.e grand.e. “Je comprends mieux les comparaisons avec Harry Potter.” Que tu dis tristement en frottant ta main contre sa cuisse. “Je suis reconnaissante que tu m’en ai parlé. J’aurai pas pensé que ça serait arrivé maintenant mais j’avais espéré qu’un jour, peut-être.” Tu reprends un souffle à pleins poumons. “Thank you for trusting me.”

Tu ne te rends pas compte de l’étendue des détails que tu donnes car ce n’est qu’un grain de sable dans le désert pour toi. Tu as été succinct. Tu ne t’inquiètes bizarrement pas du fait que Birdie soit en train de conduire alors que tu lui lances toutes ces grosses informations au visage. Conduire est une seconde nature chez elle. Tu as confiance en elle et puis si vous mourrez ensemble, c’est pas mal aussi comme plan. Tu apprécies de sentir sa main sur ta cuisse. Elle n’est pas repoussée, c’est un premier constat. Un constat qui est important.

“For what it's worth, I’m so sorry you had to endure all that shit. I can’t understand how people could let that happen… How a father can do that to his kid. I’m…” Toi aussi tu comprends pas avec ton oeil adulte à présent. La seule fois où tu as demandé de l’aide à l’école, à un adulte, on ne t’a pas écouté. Ca t’a tellement brisé d’avoir la confirmation que tu n’es pas important, tu n’as plus jamais cherché à demander de l’aide à une grande personne. La main de Birdie vient dans la tienne et vient y déposer un baiser. Ca te fait du bien. Tu es aussi content.e que les contacts soient limités puisqu’elle conduit. Tu comprends son empathie, mais en même temps, tu ne veux pas en faire un truc qui serait hors proportion. Tu veux contenir tout ça. Sûrement le diminuer même si tu sais que c’est tout sauf ‘pas grand chose’ ce que tu viens de lui dire. “Je comprends mieux les comparaisons avec Harry Potter.” Comme Harry Potter, c’est quand tu t’es fait des vrais amis que tu as commencé à retrouver confiance en certaines personnes. Eux en premier. “Je suis reconnaissante que tu m’en ai parlé. J’aurai pas pensé que ça serait arrivé maintenant mais j’avais espéré qu’un jour, peut-être.” Tu vas frotter tes yeux car t’es plutôt fatigué. Tellement d’émotions sur ce trajet. « Je confirme que ça n’était pas prévu. » Un peu comme toutes les grosses conversations ou décisions. Tu préfères que ce soit comme ça.

“Thank you for trusting me.” I do. Tu serres doucement sa main. « You deserve to know before buying a house with me… » Surtout quand tu es toujours autant sujet à être triggered à différents niveaux. Tu lâches sa main le temps d’ouvrir la boîte avec les gâteaux que tu n’as pas mangé plus tôt. Maintenant, tu en as envie. Une fois que tu as visuel sur les gâteaux, tu retournes prendre la main de Birdie dans la tienne. « Tu veux un bout ? » Tu demandes car tu sais combien ça apaise son âme le sucre et tu juges que vous en avez besoin tous les deux là. Quelque chose te dit également qu’elle n’a pas du trop faire attention à apprécier le gâteau un peu plus tôt vu comment la conversation à tourner. Tu apprécies de pouvoir lui donner une occasion de se rattraper. De vous rattraper tous les deux.

« Je confirme que ça n’était pas prévu. » Rien n’est prévu en général. Ça arrive sans crier garde et vous vous prenez ça à la gueule sans parfois savoir comment réagir. Il y avait un voile sur le passé de Jordan que tu n’as jamais osé gratter car tu as compris que c’était un sujet sensible l’an dernier. Entre les discussions avec Maggie et les brèves paroles que Jordan pouvaient avoir à l’encontre de son géniteur, tu avais bien capté que quelque chose n’allait pas. Et puis, autant toi tu parles librement de ton enfance, autant ton fiancé.e est bien plus sur la retenue. Chose que tu as respecté mais que tu espèrais qui change rapidement.

Mais tu ne t’attendais pas à maintenant, là, ici, en conduisant pour aller à un mariage après avoir toi-même fait une mini crise. « You deserve to know before buying a house with me… » Tu fronces légèrement des sourcils tout en lâchant un bref ricanement. “Même si tu me l’avais dit après que ce soit fait, j’aurai pas pris mes jambes à mon cou.” Tu ne sais pas trop vers où Jordan peut se diriger avec cette réflexion mais si tu as tenu jusqu’à maintenant, avec les hauts et les bas, les tensions et les disputes, ce n’est pas pour fuir une fois la vérité sur son enfance révélée. D’autant que ce n’était absolument pas de sa faute donc il n’y a pas de corrélation à ton sens.

Ton partenaire lâche ta main et t’en es presque déçue avant de le voir choper la boîte avec ses gâteaux. C’est bon signe. Et iel reprend ta main. Ton sourire retrouve sa place sur tes lippes. « Tu veux un bout ? » Tu hoches la tête avec une petite moue. “Je veux bien. J’aurai dû en reprendre un pour le trajet.” Tu y as pensé et ton esprit a divagué, t’as oublié. Comme à chaque fois. “Vivement qu’on arrive.” T’adore conduire mais là, ça commencerai presque à faire long.