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Rosalie courait devant elle au sein des studios de tournage, envoyant des onomatopées ravies devant les gens qu'elle connaissait. Mabel n'était même pas sûre d'avoir déjà fait ça enfant. Quand sa mère l'emmenait voir son père, il fallait rester sage, ne pas bouger et juste montrer combien elle était une petite fille mignonne et bien éduquée.

Elle adressa des sourires rapides aux employés tout en dirigeant comme elle pouvait sa fille vers la petite pièce qui lui était attribuée pour se changer. Elle finit par y arriver, installant vite à sa fille de quoi jouer. Rosalie s'empara joyeusement des cubes de bois, dont un qu'elle commença à grignoter, signe qu'elle n'allait pas tarder à avoir une nouvelle poussée dentaire - pas vraiment une bonne nouvelle dans l'état actuel des choses et vu son emploi du temps des semaines à venir, mais Mabel commençait à avoir l'habitude de cacher ses cernes et de paraître fraîche en tournage ou en réunion.

La styliste vient l'aider à s'habiller, l'aidant à rentrer dans le corset de sa robe. Le reste, Mabel pouvait le faire seule, mais lasser ce corset était compliqué - et surtout, seule, elle ne l'aurait jamais serré autant. Certes, ça faisait ressortir sa poitrine, mais respirer dedans était un enfer, et elle commençait à regretter les soutien-gorges trop modernes pour la série.

Heureusement, Rosie semblait pleinement absorbée par son jeu, parce que Mabel se sentait incapable de se pencher ou de s'asseoir avec elle pour jouer. Déjà qu'assise, elle devait se tenir bien droite pour ne pas que les baleines du corset ne lui rentrent dans les côtes... Vraiment, un plaisir ces tenues d'époque !

Elle afficha pourtant un grand sourire en voyant Marley entrer. Elle n'était peut-être pas très confortable, mais discuter avec la maquilleuse lui redonnait déjà un peu d'énergie et de motivation pour affronter la matinée de tournage.

« Marley ! Ça devient un plaisir de te voir » dit-elle alors que Rosie tentait de saluer la maquilleuse en faisant un coucou du bras tenant le cube de bois - la scène était mignonne, et la jeune mère s'en voulut de ne pas avoir eu le temps de la filmer. « Ça va ? T'as l'air un peu plus pâle que d'habitude. »

Peut-être juste de la fatigue. Comme tout tournage, celui-ci dépassait un peu sur les heures de fin, et les maquilleurs devaient rester jusqu'au bout en cas de retouches à faire, notamment sur les teints qui finissaient pas briller sous les projecteurs. Marley faisait sans doute de gros horaires, et commençait à avoir besoin de repos.

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Marley avait eu énormément de mal à se lever ce matin-là. Vaseuse dès le réveil elle avait cru couver quelque chose. Elle avait pris sa température mais rien. Sans doute était-ce le manque de sommeil qui jouait sur son organisme. Depuis quelques jours maintenant, la métisse était prise de maux de tête et se surprenait à avoir des vertiges. Elle ne comprenait pas d'où cela pouvait provenir. Par le passé son hygiène de vie avait longtemps laissé à désirer. Elle enchaînait les soirées après au bar après de longues journées à travailler, mangeait n'importe quoi, n'importe quand, fumait cigarette sur cigarette. Depuis plusieurs semaines cependant, la jeune femme avait retrouvé un rythme normal et avait adopté un comportement plus sain. Il n'y avait plus de soirées jusqu'à pas d'heures, plus de verres en trop, plus de chips ou de biscuits vautrée sur le canapé. A l'inverse Marley s'astreignait à dormir au moins sept heures par nuit, à manger équilibré et lorsque son emploi du temps le lui permettait, elle allait même courir.

Depuis une semaine néanmoins, la jeune femme n'était pas au mieux de sa forme et se demandait sincèrement si elle n'était pas surmenée. Elle sauta le petit-déjeuner, peu désireuse d'engloutir le moindre aliment et se prépara pour filer sur le plateau de tournage. Lorsqu'elle arriva sur place, elle salua les autres techniciens sans grand enthousiasme puis se dirigea vers la loge de Mabel. Rapidement ses yeux se posèrent sur Rosie qui lui faisait des grands signes de la main. Marley se pencha au-dessus d'elle et lui déposa un baiser sur le front. « Marley ! Ça devient un plaisir de te voir » La maquilleuse fit mine de réfléchir avant de répondre : « Je crois bien que c'est réciproque. » et un léger rire lui échappa. Qui aurait pu parier là-dessus ? Personne et surtout pas les deux principales concernées. Alors que la jeune femme posait son matériel à côté de Mabel celle-ci sembla remarquer sa mine déconfite : « Ça va ? T'as l'air un peu plus pâle que d'habitude. » Elle se pinça les lèvres, regrettant de ne pas s'être davantage appliquée concernant son maquillage et haussa les épaules cherchant à dédramatiser la situation. « Je dors mal en ce moment. » Si Marley ne disait pas clairement ce qu'elle avait, elle ne mentait pas pour autant. Dernièrement ses nuits étaient agitées et elle se levait souvent le cœur au bord des lèvres. Peut-être faisait-elle une indigestion ?

Sentant un nouveau vertige la prendre, elle s'assit aux côtés de Mabel. Elle observa sa tenue, elle était magnifique mais tellement peu pratique. Un petit sourire étira ses lèvres lorsqu'elle lui dit taquine : « Avoue que tu n'en peux plus de ces corsets. Promis je ne dirai rien. » Elle ouvrit sa mallette à la recherche de la base pour faire le teint de l'actrice. Son nez se fronça lorsqu'elle ouvrit le pot et que l'odeur – pourtant habituellement agréable – la dégoûta quelque peu. Elle ne se formalisa pas plus longtemps là-dessus et commença à maquiller la jeune femme. « Je vois qu'on a la chance d'avoir une invitée surprise aujourd’hui. » commenta-t-elle en montrant d'un petit signe de tête Rosie qui jouait gentiment par terre.   

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La réponse de Marley lui attira un léger sourire. Difficile de croire, dix ans plus tôt, qu'elles finiraient un jour par s'entendre. A l'époque, elles avaient toutes deux de fort caractère et l'envie de percer dans leurs métiers respectifs, et Mabel, peu sûre d'elle, avait vu en Marley une rivale avec qui se mettre en compétition - un peu comme sa sœur Maddy, finalement. Mais aujourd'hui, alors qu'elles étaient toutes les deux plus sûres d'elles dans leur métier respectifs et dans leurs vies, tout se passait au mieux.

Elles se connaissaient donc assez pour que Mabel puisse voir que Marley avait l'air un peu malade. Elle hocha donc la tête quand la maquilleuse lui avoua mal dormir - elle n'était pas la seule, avec les horaires débordants qu'ils faisaient tous sur le tournage. Mabel était contente que la série se finisse avec l'hiver, parce qu'elle n'était pas sûre de tenir le rythme intense si Rosie avait de nouveau des rhumes tous les mois comme l'hiver précédent.

« Je déteste les corserts, vraiment. C'est pas possible qu'une femme ait inventé ça, c'est horrible pour respirer ! » chouina-t-elle.

Tout en regardant Marley s'asseoir. Ce que la maquilleuse ne faisait que rarement. Mabel était plus habituée à la voir tournoyer partout, de pinceaux dans les mains, en papotant de tout et de rien.

« Oui, je l'ai prise avec moi. J'avais personne pour la garder, et j'ai pas beaucoup de scènes aujourd'hui. On pourra passer du temps ensemble ! »

Rosalie, habituée à suivre sa mère un peu partout, n'était pas plus perturbée que ça du plateau de tournage. Elle était habituée aux employés, et savait rester calme dans son parc, tant qu'il y avait un adulte à proximité immédiate.

« T'es sûre que y a que le manque de sommeil ? T'es plus calme que d'habitude, et tu es assise ! Tu nous couverais pas queqlue chose ? Si c'est un rhume et que tu me le dis après avoir embrassé ma fille, je vais devoir te tuer ! »

Une petite menace, plus pour cacher l'inquiétude que Mabel ressentait pour celle qui devenait une amie, grimaçant devant ses pots de maquillage - une odeur qui devait lui être familière, après plus de dix ans à exercer ce métier. (Et aussi parce qu'elle appréhendait la prochaine maladie de sa fille, ne se souvenant que trop bien du dernier rhume, qui les avait conduites à l'hôpital pour quelques jours sous perfusion.)

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« Je déteste les corsets, vraiment. C'est pas possible qu'une femme ait inventé ça, c'est horrible pour respirer ! » Marley se mit à rire en entendant les remarques de l'actrice. Elle la regarda avec amusement et murmura : « Je vois qu'on a changé d'avis par rapport au début du tournage... ». Elle se souvenait parfaitement de la fois où la jeune femme lui avait dit qu'elle appréciait ce genre de vêtements parce que cela la mettait en valeur. Il fallait croire qu'après plusieurs semaines le manque de confort avait pris le dessus sur tout le reste. La métisse taquinait Mabel mais ne se moquait pas. Elle se doutait que ce genre de costume devait être un véritable calvaire.

Quand Mabel lui expliqua pourquoi Rosie était présente sur le plateau, la maquilleuse ne put s'empêcher de jeter un coup d'oeil attendri vers la petite fille. Elle était si mignonne. L'était-elle tout le temps ou Marley avait juste la chance de la voir dans ces bons jours ? « T'as bien fait. Tout le monde adore ta fille ici. » Et c'était vrai. Si les premiers jours certains techniciens avaient un peu grimacé à l'idée d'avoir un enfant dans les pattes, tout le monde avait rapidement changé d'avis en constatant que la petite était sage et que Mabel était toujours aussi efficace dans son travail. Lynch reporta son attention sur l'actrice et continua à lui mettre la base pour pouvoir la maquiller après. « T'es sûre que y a que le manque de sommeil ? T'es plus calme que d'habitude, et tu es assise ! Tu nous couverais pas queqlue chose ? Si c'est un rhume et que tu me le dis après avoir embrassé ma fille, je vais devoir te tuer ! » Marley se pinça les lèvres et esquissa un léger sourire. « Je te promets que ce n'est pas un rhume. Je me sens juste très fatiguée. » Elle se fit néanmoins la remarque qu'elle n'aurait peut-être pas dû embrasser la petite en entrant. Cela avait été un réflexe en la voyant lui faire de grands signes mais si elle couvait vraiment quelque chose et qu'elle le transmettait à la fillette, elle s'en voudrait terriblement.

Alors qu'elle avait fini d'étaler la base, on frappa à la porte de la loge. Comme tous les jours désormais, une assistante venait déposer du café ou du thé pour les deux jeunes femmes. Marley lui fit un sourire pour la remercier et alors que l'assistante sortait de la pièce la métisse se pencha pour prendre une tasse de café. A peine avait-elle porté le liquide jusqu'à ses lèvres qu'elle se sentit prise de haut-le-coeur. Elle posa vivement la tasse et se précipita vers une poubelle qui se trouvait dans le coin de la pièce. Incapable de se retenir elle se mit à vomir. C'était la deuxième fois qu'une telle chose se produisait, la première fois, elle était au téléphone avec Jackson.

Elle finit par se redresser, s'essuya la bouche et gênée par la situation se retourna penaude en direction de Mabel. « Je suis vraiment désolée pour ça Mabel... Je... » debout à quelques mètres d'elle, la brune ne savait ni quoi dire, ni comment agir. « Je ne sais pas où me mettre... Je devrais peut-être rentrer. » Elle aurait sans doute mieux fait de ne pas venir du tout pour commencer mais désormais c'était trop tard.

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« Les corsets c'est bien quand tu as juste à rester assise bien droite, à ne rien faire. Impossible de jouer avec Rosie quand je ne peux pas me plier pour être avec elle ! »

C'était peut-être pour ça que toutes ces aristocrates avaient des nourrices - impossible d'allaiter ou d'être assise sur le sol pour jouer à la voiture ou à la poupée quand on portait un vêtement limitant autant les mouvements ! Au moins, les femmes de plus basses classes sociales avaient des vêtements souples et bien plus confortables pour toutes les tâches de la vie quotidienne.

« Je sais pas comment elle fait pour être si sociable. Clairement, elle le tient pas de moi ! »

Mabel pouvait se révéler douée en société, mais ce n'était qu'un rôle. Elle était plus introvertie et préférait rester chez elle à jouer de la guitare ou danser dans son salon. Elle se forçait pourtant à fréquenter les soirées parce qu'elle faisait un métier public où il fallait être vue pour être contactée à propos de contrats intéressants. Rosie était plus solaire et souriante - bien plus ressemblante à Maddy, finalement.

Elle poussa un soupir de soulagement quand l'une des assistantes arriva avec leur café du matin, et elle attrapa rapidement sa tasse. L'odeur réconfortante du café chaud, il n'y avait rien de tel pour lui redonner le sourire. Un plaisir de courte durée, puisque l'inquiétude reprit le pas quand Marley se précipita au-dessus de la poubelle pour vomir. Mabel retint à grand peine une expression dégoûtée - des années de soirées très alcoolisées plus quelques mois de maternité ne l'avaient pas immunisée au vomi des autres.

« Tu sais, je connais pas beaucoup de virus qui te donnent des vertiges et des nausées devant des trucs que t'aimes habituellement. T'as pensé à faire un test de grossesse ? »

Est-ce qu'elles n'avaient pas parlé de maternité et de désir d'enfant, quelques mois plus tôt ? Marley n'avait pas semblé très pressé de se lancer dans cette aventure, préférant mettre en avant sa carrière - un choix que Mabel soutenait entièrement. Peut-être que quelque chose avait changé dans la vie de la maquilleuse ? Ou c'était juste un accident, comme pour Rosie.

« Pas de retard de règles ? Ou une super poitrine, meilleure que la mienne confinée dans son corset ? »

Ça avait été ses signes de grossesse, en plus des nausées "matinales" - même au plus fort de sa carrière de mannequinat, elle n'avait jugé que dix-neuf heures était matinal, mais ça ne l'avait pas empêché de vomir bien après le dîner quand elle était enceinte. Sans compter les brûlures d'estomac à partir du milieu du deuxième trimestre. Tant de petits maux que personne ne présentaient, mais qui l'avaient bien embêtée pendant ces neuf longs mois.

Elle se leva pour sortir une tasse d'un placard, et une bouteille d'eau fraîche du petit frigo qu'elle avait dans un coin de sa loge - elle l'avait eu pour conserver les plats de sa fille, mais cette réserve d'eau était bien appréciable quand elle devait refaire les scènes des centaines de fois et finissait la bouche sèche.

« Tu veux boire un peu ? Ça devrait mieux passer que le café » proposa-t-elle gentiment.

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Marley avait ri en entendant Mabel dire que sa fille était sociable et qu'elle ne tenait clairement pas cela d'elle. L'actrice et mannequin savait donner le change et paraître agréable aux yeux des autres – de plus en plus depuis qu'elle était devenue mère – mais cela restait un effort pour elle. Ce n'était pas une mauvaise personne, Marley s'en était rendue compte ces dernières semaines, c'était plus dans son tempérament de se tenir à l'écart et de ne pas s'étaler sur sa vie. Cela pouvait sembler paradoxal au vue de sa notoriété mais Lynch trouvait sa façon d'agir agréable. Mabel était une femme accessible et digne de confiance, elle s'en rendait compte un peu plus chaque jour.

La conversation fut stoppée net lorsque Marley fut prise de vomissements. Au-dessus de la poubelle, la maquilleuse ne savait clairement pu où se mettre. Elle n'osait pas bouger de peur de devoir régurgiter à nouveau. Piteuse, elle observait Mabel du coin de l'oeil, s'inquiétant soudainement de l'image qu'elle renvoyait. « Tu sais, je connais pas beaucoup de virus qui te donnent des vertiges et des nausées devant des trucs que t'aimes habituellement. T'as pensé à faire un test de grossesse ? » A cet instant là, les yeux de Marley s'écarquillèrent tandis qu'elle explosait littéralement de rire. Sa gorge la brûlait mais la métisse était bien trop occupée à se tenir les côtes pour pouvoir s'en soucier. Sa crise de rire n'en finissait pas, elle eut même du mal à articuler : « Mais qu'est-ce que tu racontes ?! ». Elle avait failli remercier Mabel qui était parvenue à détendre l'atmosphère et à lui changer les idées mais devant la mine sérieuse de la blonde, elle avait perdu peu à peu son sourire. Elle ne pouvait tout de même pas être sérieuse ? La métisse s'apprêtait à la détromper mais n'en eut pas le temps : « Pas de retard de règles ? Ou une super poitrine, meilleure que la mienne confinée dans son corset ? » Soudainement elle sentit sa tête tourner et eut besoin de s'asseoir. Elle se laissa tomber mollement dans un fauteuil et commença à réfléchir. Elle avait bien mal aux seins dernièrement pas cela lui arrivait fréquemment. La jeune femme avait une poitrine plutôt opulente et les douleurs n'étaient donc pas rares. Pour ce qui était de ses règles, elle fronça les sourcils. Cela faisait des mois qu'elle ne les avait pas mais cela était dû à son agression. Elle avait lu sur internet qu'un choc brutal pouvait perturber le cycle menstruel des femmes. « Non, ce n'est pas... » possible allait-elle dire avant que sa nuit passée avec Jackson lui revienne brutalement à l'esprit. Ses lèvres s'entrouvrirent et se mirent à trembler. Elle se releva vivement, commença à faire les cent pas dans la pièce. Ils s'étaient protégés non ? Elle avait beau se repasser la scène en boucle, il n'y avait pas l'ombre d'un préservatif à l'horizon. Etait-ce possible que ?... La jeune femme plaque une main contre sa poitrine, sentant ses jambes trembler. Sa respiration cardiaque avait drastiquement augmenté. Elle tourna la tête vers Mabel, lui lançant un regard paniqué. « Tu veux boire un peu ? Ça devrait mieux passer que le café » Elle prit maladroitement la tasse des mains de l'actrice et but une longue gorgée. Tétanisée elle murmura : « Il doit bien y avoir une autre explication non ? » Il devait y avoir autre chose. Elle ne pouvait tout bonnement pas être enceinte ! Pas alors qu'elle venait à peine de se remettre avec Jackson qui se trouvait actuellement à l'autre bout du monde, pas alors qu'il allait devenir père de son côté ! Elle finit la tasse et décidée à en avoir le cœur net elle dit à la jeune femme : « Il faut que je fasse un test. Maintenant. » Evidemment elle n'avait aucun test avec elle, mais elle trouverait bien une solution.

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Peut-être que Mabel n'aurait pas dû poser de questions si intimes - parce que même si Marley avait ri au début, elle était vite devenue toute pâle et paraissait désormais sur le point de s'évanouir. Pas le genre de réponse à laquelle l'actrice aurait pu s'attendre. Quoi que le malaise brusquement arrivé lui confirmait que même si Marley n'avait pas pensé à une grossesse devant ses nausées, il y avait quand même une possibilité qu'elle puisse être enceinte.

Elle se retrouva donc à essayer de faire boire la jeune femme pour l'aider à se remettre du choc, tout en surveillant Rosalie du coin de l’œil. Sa fille avait compris qu'il y avait un problème, et en bonne petite curieuse, elle essayait de se rapprocher. Heureusement que son parc la gardait en sécurité le temps que Mabel s'occupe de Marley et s'assure que la jeune femme allait bien.

« C'est peut-être juste un virus étrange » tenta-t-elle de dire, même si elle n'y croyait que moyennement. « Il te suffit d'un test de grossesse pour t'assurer que c'est pas ça. »

Elle n'osa pas dire que la dernière fois qu'elle avait fait ce test, pour écarter les soupçons d'une grossesse, elle s'était retrouvé sept mois plus tard avec un nourrisson dans les bras. Elle se souvenait encore de sa terreur, presque deux ans plus tôt, devant ce petit plus rose qui était apparu lentement sur l'écran, alors qu'elle attendait, stressée et angoissée, assise sur le rebord trop froid de la baignoire.

« On peut aller demander dans la partie infirmerie, peut-être qu'il y a de quoi faire ces tests ? Ou envoyer quelqu'un en chercher au supermarché du coin ? »

Mabel disait "on", mais elle espérait grandement ne pas être celle qui ferait la demande. Elle n'avait pas besoin que les journaux people titrent sur une probable grossesse, alors qu'elle n'était même pas celle qui était concernée.

« Attends, j'ai une idée » finit-elle par dire, tout en tapotant sur son téléphone. « Je te dérange pas ? Ce sera pas long. J'aurai besoin d'un test de grossesse... Non pas pour moi, promis. Zéro chance pour le moment. C'est pour quelqu'un qui en aurait besoin rapidement ! »

Sa manager raccrocha en marmonnant qu'elle était effectivement trop détendue pour que ce soit elle - la grossesse de Rosalie avait été un coup de tonnerre dans sa vie tranquille, une bouffée d'angoisse, et une recrudescence de ses troubles alimentaires. Là, elle était certes détendue, même si elle avait une pointe d'inquiétude pour son amie, et la façon dont elle vivait les choses.

« Ma manager va nous en apporter un d'ici quelques minutes. Tu veux que je reste avec toi pendant que tu attends la réponse ? » demanda-t-elle.

Rosalie commençait à s'énerver dans son parc, et Mabel se leva pour lui donner quelques gâteaux. Pas très sain, mais ça restait la meilleure façon de détourner l'attention de sa fille le temps d'aider Marley à gérer les prochaines minutes. La manager de Mabel entra d'ailleurs à ce moment-là, jetant un œil à la scène avant de déposer deux tests de grossesse et de repartir - efficace et discrète, tout ce que Mabel aimait chez elle.

« Tu te sens prête à essayer ? » demanda-t-elle à Marley, toujours très pâle.

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Plus le temps passait et plus Marley se sentait devenir fébrile. Tout son corps tremblait littéralement alors qu'elle sentait des goûtes de sueur perler au niveau de ses tempes. Le regard hagard, elle cherchait un autre diagnostique à poser sur ses symptômes cependant lorsque Mabel avança de manière peu convaincue : « C'est peut-être juste un virus étrange » la métisse savait au fond d'elle que ce n'était pas le cas. Elle ne comprenait pas comment elle avait pu ignorer tous les signaux et passer à côté de cela. « Il te suffit d'un test de grossesse pour t'assurer que c'est pas ça. » La maquilleuse releva le regard en direction de l'actrice hochant la tête pour aller en son sens. Oui, il fallait qu'elle en ait le cœur net. Cela ne servait à rien de paniquer maintenant alors qu'il ne s'agissait que de suppositions. Elle se prit la tête entre les mains, réfléchissant à la manière la plus simple d'obtenir un test. Partir en plein milieu du tournage était impossible, son absence serait remarquée beaucoup trop rapidement et elle risquait d'avoir de sérieux problèmes. Il fallait que quelqu'un lui apporte un test. Mais qui ? Marley avait beau réfléchir elle ne savait pas qui elle pourrait contacter. Elle avait bien des amies proches mais elle n'avait aucune envie que celles-ci s'emballent ou que tout le monde soit au courant. Elle envisagea brièvement d'appeler Swann mais se ravisa. Elle ne pouvait pas se permettre de l'appeler au moindre problème. Mabel semblait aussi réfléchir de son côté puisqu'elle proposa : « On peut aller demander dans la partie infirmerie, peut-être qu'il y a de quoi faire ces tests ? Ou envoyer quelqu'un en chercher au supermarché du coin ? »
Marley secoua la tête de gauche à droite et se dépêcha de répondre : « Non, pas toi ! On sait très bien comment ça va finir après... » Dans la presse à scandales. Lynch était touchée que la mannequin se propose de l'aider, qu'elle semble investie et préoccupée par la situation. Leur relation avait définitivement évolué et aussi étrange que cela puisse paraître, elle considérait Mabel comme l'une de ses amies désormais. Finalement cette dernière eut une nouvelle idée puisqu'elle prit son téléphone et appela quelqu'un. « Qu'est-ce que... » Marley voulut l'interrompre, paniquée à l'idée qu'elle demande un test à un inconnu. Elle se tut néanmoins prenant conscience que l'actrice ne ferait plus rien qui pourrait la mettre dans l'embarras, ce temps-là était révolu. Un soupir de soulagement échappa à la brune lorsqu'elle comprit qu'il s'agissait de la manager de Mabel qui allait débarquer. Lorsqu'elle lui proposa de rester avec elle, elle se pinça les lèvres et murmura : « Je veux pas t'imposer ça mais... Je me sens pas d'affronter ça toute seule. » Elle se sentait pathétique et totalement ridicule mais cette fois-ci, incapable de cacher ses peurs et ses faiblesses, préférait admettre la vérité devant la blonde. La porte finit par s'ouvrir et deux tests apparurent non loin de Marley qui n'osait même pas les regarder. Mabel lui demanda si elle était prête et si la réponse était évidemment négative, Mal se leva tout de même. D'un pas tremblant elle saisit un test et se rendit dans les toilettes privés de la loge.

Le temps lui parut durer une éternité alors qu'elle fixait obstinément le bâton de plastique. « Je suis censée attendre combien de temps ? » demanda-t-elle à travers la porte. Si ça continuait ainsi, ses nerfs allaient lâcher. Finalement un hoquet de stupeur jaillit hors de ses lèvres lorsqu'elle vit une croix apparaître. « Jarni ! » C'était fou comme les vieux jurons utilisés par son père lui revenaient en mémoire lorsqu'elle était en état de panique. Elle sortit des toilettes, le test entre les doigts, les larmes aux yeux et le souffle coupé demanda à Mabel : « La croix c'est ?... » Elle savait, oui elle savait. Mais elle avait besoin de l'entendre, il fallait que quelqu'un lui annonce à voix haute qu'elle était enceinte afin que son cerveau enregistre l'information.  

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Demander un test de grossesse n'était même pas la chose la plus improbable qu'elle ait jamais demandé à sa manager, vu avec quelle facilité cette dernière accepta d'aller en chercher sans poser plus de questions. Ou elle avait juste intégré que Mabel n'en faisait qu'à sa tête, et attendait-elle juste de savoir le problème exact avant de commencer à le gérer.

« Je reste avec toi. Je sais combien c'est flippant, et combien ça paraît long d'attendre le résultat. »

Elle se revoyait relire vingt fois la notice, et trouver que cinq minutes paraissaient une éternité, en fixant l'écran bien trop petit du test. Et elle avait eu son mari avec elle à l'époque, qui avait essayé de la détendre et de lui changer les idées. Elle pouvait comprendre que Marley craigne de se retrouver seule, et angoisse à l'idée de ce que le test allait indiquer.

Elle laissa la maquilleuse allait s'isoler aux toilettes, prenant ces quelques minutes pour aller jouer avec Rosie. Juste histoire de s'assurer que sa fille allait bien, et resterait calme le temps qu'il faudrait. Parce que Marley ne semblait pas exactement ravie d'avoir à passer ce test - très différente de Penny, qui avait annoncé sa seconde grossesse avec ravissement, ou Rosalie Craine qui souriait en lui confiant essayer d'avoir un deuxième enfant. La jeune femme n'avait pas besoin d'avoir un bambin criant et pleurant dans ses oreilles au moment de découvrir à quel point sa vie allait changer.

« Cinq minutes. Qui vont te paraître très longues » répondit Mabel quand Marley sortit des toilettes.

Plus pâle qu'à son habitude, l'air un peu hagard. La panique et le choc se reflétaient sur son visage - et Mabel comprenait entièrement. Elle attrapa délicatement le bout du test pour confirmer qu'il y avait bien une croix rose sur l'écran. Pas de doute, pas de couleur pâle se mêlant au blanc du fond, mais un rose pigmenté et vibrant.

« C'est positif Marley, tu es enceinte. »

Mabel n'osa pas les félicitations, pas très sûre de ce que son amie pensait de tout ça. Ou de ce qu'elle voulait faire maintenant qu'elle avait la certitude d'être enceinte. Elle se contenta donc de doucement tirer Marley vers le canapé, préférant que la jeune femme soit assise si elle devait avoir des vertiges ou une perte de conscience sous le choc de la nouvelle.

« Tu devrais prendre rendez-vous avec une gynécologue pour savoir où tu en es et quelles sont tes options » reprit-elle, pas très sûre de comment conseiller Marley.

Elle, elle n'avait eu qu'à appeler sa manager, encore à moitié en pleurs, pour que cette dernière lui trouve des rendez-vous et réorganise son planning. Elle ne savait pas vraiment qui il fallait appeler et quand, s'étant contenté de suivre ce qu'on lui indiquait.

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Debout face à Mabel, Marley avait l'impression que la scène qu'elle vivait n'était pas réelle. Son corps était si lourd que le moindre pas lui demandait un effort considérable. Son esprit quant à lui semblait flotter au-dessus de la pièce, c'était comme si son âme s'était dissociée de son être. L'actrice prit le test entre ses doigts et finit par confirmer les doutes de la maquilleuse : « C'est positif Marley, tu es enceinte. » Son cœur loupa un battement tandis qu'elle fermait les yeux. Enceinte. Elle. C'était à n'y rien comprendre. Elle ne savait pas comment réagir ni ce qu'elle devait ressentir. Devait-elle sauter de joie ? S'effondrer ? Pleurer ? Toutes ces émotions se bousculaient en elle alors que Mabel l'amenait avec délicatesse jusqu'au canapé. La maquilleuse se laissa faire, peu consciente de ce qui l'entourait. Elle s'assit sur le sofa, les yeux dans le vide. Son silence et son manque de réaction durent inciter la blonde à se montrer douce et sur la réserve. Il n'y eut aucune félicitation, aucun cri, sourire, aucune célébration, juste des gestes d'une extrême prudence et douceur. Finalement la mannequin reprit la parole : « Tu devrais prendre rendez-vous avec une gynécologue pour savoir où tu en es et quelles sont tes options » A cet instant Marley tourna la tête et regarda son amie dans les yeux pour la première fois depuis qu'elle avait effectué son test. Ses options ? Elle comprenait où Mabel voulait en venir. Allait-elle garder cet enfant ou non ? Mènerait-elle sa grossesse à termes ou l'arrêterait-elle pendant qu'il en était encore temps. « Je vais pas y arriver. » articula-t-elle avec difficulté. L'inflexion dans sa voix, la désocclusion avec laquelle elle prononçait les consonnes, les tressaillements dans sa voix laissaient entendre que Lynch pouvait craquer à tout moment.

Elle se massa longuement les tempes, cherchant à mettre de l'ordre dans ses pensées. Soudainement elle écarquilla les yeux, ses lèvres se mirent à trembler alors qu'elle commençait à paniquer : « Comment je vais lui dire ? Il n'est même pas là ! ». Jackson. Son seul et unique amour. Celui avec qui tout pouvait être idyllique comme infernal. Ils venaient à peine de se redonner une chance et voilà qu'elle tombait enceinte. Il était parti tout l'été au Botswana pour connaître ses origines, des milliers de kilomètres les séparaient. Autre ombre au tableau, l'agent allait déjà devenir père, d'une autre femme. De Louisa.

L'attention de Marley fut attirée par une main qui tirait sur la jambe de son pantalon. Elle baissa la tête et découvrit Rosie qui la regardait avec ses grands yeux. La métisse déglutit avec difficulté, passa hasardeusement une main dans les boucles de la fillette et chuchota : « J'suis pas prête... ». Le serait-elle un jour ? Elle en doutait sincèrement. Elle n'avait jamais envisagé sérieusement de devenir mère mais voilà qu'aujourd'hui elle était mise devant le fait accompli.  

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Mabel garda un œil sur Marley, surveillant les réactions de la jeune femme. Pour l'instant, elle y devinait surtout le choc, presque l'envie de nier aussi - ou peut-être qu'elle projetait un peu trop ce qu'elle avait elle-même ressenti la dernière fois qu'elle avait fait un test de grossesse. Dans tous les cas, elle s'efforçait de gommer les réactions qu'elle-même avait, ne voulant pas influencer Marley dans un sens ou dans un autre. La maquilleuse avait le droit de vivre ce moment avec ses propres envies et ses propres peurs, surtout que Mabel n'était qu'une amie et pas le parent de cet éventuel enfant - ses émotions n'avaient donc rien à faire là-dedans.

Elle se contenta juste de donner des faits pour aiguiller Marley sur la suite, lui laissant entendre qu'il faudrait prendre rendez-vous avec un gynécologue pour officialiser tout ça. Et sans doute pour obtenir une date de conception, vu que la jeune femme lui avait confié ne pas être tout à fait régulière au niveau de ses règles, ce qui n'allait pas l'aider à établir d'elle-même depuis quand elle portait la vie.

« Tu veux qu'on le fasse ensemble ? »

Elle ne se voyait pas laisser Marley gérer le marasme d'un début de grossesse seule, surtout quand la jeune femme semblait si incapable de choisir ou de dire quoi que ce soit. Bien que l'état de choc ne soit sans doute que passager, le temps de digérer cette information à laquelle elle ne s'attendait pas, Mabel savait qu'il fallait vite prendre rendez-vous afin de ne pas être trop tardive en cas d'un éventuel arrêt de grossesse. Afin d'avoir toutes les cartes en main au moment de faire son choix final.

« Tu as un moyen de le joindre ? »

Mabel avait beau chercher, elle ne se souvenait pas avoir vu Marley au bras d'un homme en particulier. Il fallait aussi dire que si elles s'étaient rapprochées ces derniers mois, elles n'avaient jamais été amies avant et la mannequin n'avait aucune idée de la vie privée de sa maquilleuse, à part quelques informations échangées ça et là pendant qu'elles travaillaient ensemble. De ce qu'elle avait pu comprendre, Marley voyait quelqu'un, sans que ce ne soit forcément exclusif ou très sérieux.

« T'es pas obligée de te décider toute de suite » reprit-elle, se mordillant la lèvre.

Elle avait essayé de ne pas trop influencer Marley, mais le sujet de la maternité était tellement compliqué pour elle ces derniers mois. Elle avait tant refusé de voir son corps changer qu'elle en avait détesté sa grossesse, et avait eu peur de ne pas aimer son bébé. Et finalement, Rosalie avait fait chavirer toute sa vie, avec son grand sourire, ses boucles blondes et ses petites fossettes.

« Tu sais, je me sens jamais prête avec Rosie. Je m'habitue à peine à mon nouveau-né que c'est déjà un bambin qui vadrouille partout, et maintenant que j'ai des repères sur cet enfant qui court partout et cherche les pires bêtises, il faudrait que je me prépare à ce qu'elle apprenne à communiquer, et surtout à refuser ! »

Il était si loin, son nouveau-né lové contre elle, peinant à relever la tête seul et incapable de se retourner. Rosalie savait maintenant marcher et courir, et tentait désespérément de monter sur toute chaise à sa portée, même s'en savoir pleinement s'assurer seule. La quitter des yeux quelques secondes pouvait amener à une catastrophe - ou plus simplement à un accident domestique que Mabel ne se pardonnerait jamais.

« Je ne crois pas qu'on puisse être parent, et être prêt » reprit-elle, un léger sourire aux lèvres. « Ce qui importe, c'est ton ressenti, tes envies, la façon dont tu vois ton avenir. Avec ou sans cet enfant, et s'il arrive, avec ou sans son père. »

Elle aurait peut-être dû envisagé elle-même un peu plus cette deuxième partie - mais elle avait été si sûre que Rosie aurait toujours été un père, et qu'elle serait celle qui partirait. Visiblement, elle n'était pas bien douée pour se projeter dans l'avenir...

« Si tu veux, je peux me débrouiller pour t'accompagner aux rendez-vous, ou juste si tu as besoin de parler... Je suis pas psychologue, ou quoi que ce soit, mais je sais un peu par quoi tu passes. »

La situation était peut-être différente, mais Mabel savait à quel point la maternité était un ouragan qui changeait durablement les choses. Pour le meilleur comme pour le pire.

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    @Mabel Griffiths    ft. Marley Lynch

TW. Mention d'avortement.

Le choc était tel que Marley ne parvenait plus à réfléchir. Les mots de Mabel résonnaient en boucle dans son esprit. Elle était enceinte. Un petit être grandissait en elle. Comment avait-elle fait pour ne pas s'en rendre compte ? Comment avait-elle fait pour ignorer tous les signaux ? Etait-elle si aveugle ou stupide ? Elle n'avait pas eu ses règles depuis des semaines, avait eu des nausées, ne supportait plus certaines odeurs, était écoeurée par certains plats, ressentait quelques douleurs au niveau de la poitrine. N'importe quelle femme aurait compris ce qui se tramait mais pas Marley. Cela signifiait-il qu'elle n'était pas faite pour être mère ? Peut-être n'avait-elle pas l'instinct maternel ? Elle ferma les yeux, tenta d'inspirer maladroitement pour enrayer la crise d'angoisse qui semblait poindre le bout de son nez. Finalement elle souleva ses paupières lorsque Mabel lui proposa : « Tu veux qu'on le fasse ensemble ? » Ses lèvres se mirent à trembler alors qu'elle retenait de toutes ses forces le torrent de larmes qui menaçait de s'abattre à tout moment. Elle attrapa la main de Mabel, ses doigts se resserrèrent autour des siens tandis qu'elle hochait timidement la tête. Habituellement elle aurait refusé une telle proposition, bien trop fière et têtue pour se débrouiller seule mais il était clair que dans cette situation elle n'avait pas les épaules pour affronter tout cela par elle-même. Lorsqu'elle lui demanda : « Tu as un moyen de le joindre ? » Marley se pinça les lèvres. Plus ou moins oui. Pour le moment il avait encore du réseau et elle arrivait à l'avoir au téléphone mais bientôt le portable laisserait place aux lettres. Dans tous les cas, Lynch ne se voyait pas lui annoncer une telle nouvelle au téléphone. Elle détourna le regard et murmura : « Il est au Botswana... Je peux pas lui annoncer au téléphone. » Il n'en était tout simplement pas question. La relation qu'elle entretenait avec Jackson passait énormément par le non verbal. C'étaient leurs échanges de regards, leurs gestes qui parlaient pour eux. Coupés du contact visuel, Marley ne pourrait décemment déceler ce que ressentait son compagnon. Elle avait besoin de se trouver face à lui pour pouvoir décrypter le moindre battement de cils, le moindre frémissement de lèvres.

« T'es pas obligée de te décider toute de suite » Lynch déglutit avec difficulté, comprenant parfaitement où l'actrice voulait en venir. Garder ou non le bébé. Un frisson parcourut son échine alors qu'elle se demandait sincèrement quelle décision pourrait être la meilleure. Présentement, elle ne se sentait absolument pas prête à être mère et n'en ressentait pas l'envie. Mais dans quelques semaines ? Quelques mois ? Quelques années ? Si un jour elle se réveillait avec l'envie de porter la vie mais qu'elle ne le pouvait plus ? Etait-elle prête à prendre un tel risque ? Elle s'imaginait avancer jusqu'à la clinique pour avorter, y aurait-il des gens avec des pancartes pour l'empêcher d'agir ? Y aurait-il parmi la foule des gens contre l'avortement, des antivax, des croyants qui lui souhaiteraient de finir en enfer ? Passerait-elle pour une meurtrière aux yeux de tous ? Pire, que penserait Jackson de tout cela s'il venait à l'apprendre ? Elle savait au fond d'elle qu'avorter signerait la fin définitive de son histoire d'amour avec l'agent. Elle n'était pas prête à perdre tout cela, elle n'était pas non plus sûre de pouvoir assumer une telle décision. La maquilleuse se sentait prise au piège, que ce soit d'un côté comme de l'autre, elle avait l'impression qu'aucune décision n'était la bonne.

Le silence dont faisait preuve Marley encouragea la blonde à poursuivre. Elle lui expliqua qu'elle non plus ne s'était pas sentie prête lorsqu'elle avait eu Rosie, qu'elle apprenait encore tous les jours, que tout allait très vite mais que l'on s'y faisait. Marley écoutait attentivement, les yeux posés sur la petite tête bouclée qui se trouvait à ses pieds. Elle ne releva la tête que lorsque Mabel évoqua l'éventualité où elle élèverait son enfant seule, sans Jackson à ses côtés. Sûre d'elle, elle affirma : « Je ne le ferai pas sans lui. » Ca elle, en était certaine. Cet embryon était le fruit de leur amour et elle ne se voyait clairement pas s'occuper de cet enfant sans Jackson à son bras. La question qu'elle devait se poser était de savoir si elle allait le garder ou non. Ses doigts glissèrent distraitement sur son ventre alors que Mabel lui proposait de l'accompagner à ses rendez-vous ou d'être l'épaule sur laquelle elle pourrait se reposer. Les larmes montèrent instantanément aux yeux de la métisse qui depuis la première fois depuis qu'elle savait qu'elle était enceinte semblait enfin relâcher la pression. Sans s'en rendre compte, elle se mit à pleurer. « Je te remercie Mabel » parvint-elle à balbutier. Elle se pencha vers la jeune femme et se laissa aller dans ses bras, sa tête enfouie dans son épaule. C'était tout sauf professionnel mais il n'était plus question de professionnalisme depuis bien longtemps maintenant.

Au bout de quelques minutes, Marley se redressa et essuya son visage. « Je suis désolée » murmura-t-elle. Elle finit par se relever, but une longue gorgée d'eau et invita l'actrice à s'installer. « C'est pas tout mais avec tout ça... J'ai même pas fait ton maquillage. » Cela paraissait dérisoire mais Lynch comptait bien honorer son contrat. Elle esquissa un mince sourire qui se voulait rassurant alors qu'au fond d'elle elle sentait qu'elle s'effondrait tel un château de cartes. Devant le regard de Mabel elle lui dit : « Je prendrai rendez-vous en sortant d'ici... » Chez quel gynécologue ? Elle n'en avait pas la moindre idée mais il était clair qu'il fallait qu'elle s'occupe de tout ça. Elle hésita et quelque peu gênée acheva : « Peut-être que j'aurai besoin de toi... Au moins le temps qu'il revienne. » Ses joues s'empourprèrent. Elle se trouvait parfaitement stupide mais elle espérait que Mabel ne se sentirait pas utilisée ou qu'elle ne la prendrait pas pour une opportuniste. La réalité était que Marley était bel et bien seule et que pour une fois, elle avait besoin d'être entourée.  

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Marley lui avait toujours semblé forte et inébranlable. C'était étrange de la voir si défaite et perdue, si prête à accepter n'importe quelle aide - bien que Mabel aime se voir un peu plus qu'une aide concernant leur relation actuelle. Et en même temps, sa propre expérience de la grossesse lui soufflait que c'était normal. Entre la fatigue du premier trimestre, les changements hormonaux et la surprise de cette grossesse qui semblait tout sauf programmée, Marley avait effectivement de quoi traverser une montagne russe d'émotions.

« Tu sais quand il revient ? »

Le père du bébé devait avoir un métier bien particulier pour aller au Botswana. Sans doute quelque chose dans l'armée, ou peut-être de l'humanitaire, les deux seules raisons qui pouvaient expliquer aux yeux de Mabel qu'un Australien se retrouve aux confins de l'Afrique.

Le problème, de toute façon, était surtout qu'il n'était pas aux côtés de Marley pour le moment. Que la jeune femme préfère qu'il soit physiquement présent pour lui annoncer la grossesse était compréhensible. Mais suivant la durée de son absence, certaines décisions seraient hors délai. Ce qui était un choix, finalement. Et pas de ceux dans lesquels la mannequin s'aventurerait à mettre son nez.

Elle préféra laisser Marley se laisser aller contre elle, la berçant doucement. Un mouvement presque inconscient, même si habituellement, elle avait une toute petite Rosie qui pouvait encore se lover contre son torse quand elle était triste ou fatiguée, plutôt qu'une adulte. Mais si la maquilleuse en avait besoin, Mabel pouvait bien ressortir les mouvements les plus maternels qu'elle avait pour lui assurer qu'elle n'était pas seule.

« Laisse les larmes couler, tu en as besoin » chuchota-t-elle juste, caressant légèrement les cheveux de la jeune femme et se retenant de lui embrasser le front. « Je te laisse pas seule pour affronter tout ça. »

Il fallut quelques minutes à Marley pour se redresser et tenter de sécher ses larmes. Manifestement un peu moins nerveuse et à bout qu'au début de leur conversation, donc les pleurs l'avaient au moins un peu aidée à évacuer tout ce qui n'allait pas.

« Mon maquillage est moins important que tout ça, Marley. Et on sait toutes les deux que tu es capable de miracles en très peu de temps ! »

Combien de fois Mabel avait-elle ruiné les maquillages de Marley en faisant tout ce qu'il ne fallait pas, à quelques minutes de monter sur le podium pour défiler ? Si elle comprenait que la maquilleuse préfère prendre son temps, elle était aussi capable de travailler vite et bien - et Mabel pourrait toujours argumenter que ça allait d'une façon ou d'une autre avec la scène qu'elle allait tourner.

« Compte sur moi pour les rendez-vous ou tout ce dont tu auras besoin. C'est pas le genre de trucs qu'on a envie de gérer seule, vraiment. »

Les professionnels de santé donnaient beaucoup trop d'informations à ces premiers rendez-vous, surtout sans doute aux femmes dont c'était la première grossesse. Deux ans après, Mabel était presque incapable de se rappeler de ce qu'on avait pu lui dire, tant elle était encore sous le choc de la grossesse et ne savait pas vraiment quoi faire de tout ce qu'on pouvait lui dire.

« Et si tu as des questions, ou besoin d'avis, ou ne ne sais quoi, hésite pas à demander. Je suis pas sûre d'être la personne qui y répondra le mieux, mais je peux essayer de t'aider. »

Toujours ce syndrome de l'imposteur et ce sentiment de mal faire, alors que sa fille allait avoir un an et demi. Mabel avait toujours du mal à accepter pleinement son rôle de mère, effrayée de se rater et de faire autant de mal à sa fille qu'on avait pu lui en faire...

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« Tu sais quand il revient ? » Marley avait secoué la tête de gauche à droite. Non, elle l'ignorait. Il lui avait dit qu'il partirait durant quelques semaines, un mois au minimum. Sur le moment elle s'était dit que cela serait gérable, qu'il lui manquerait mais que les semaines passeraient vite. Désormais elle regrettait amèrement qu'il soit parti sans véritablement lui donner de date de retour. Comment allait-elle faire sans lui à ses côtés ? Combien de temps parviendrait-elle à lui cacher une telle chose ? Trop de questions qui la bouleversaient et qui lui donnaient le tournis. Il ne fallait pas qu'elle pense au fait que Jackson se trouve à des milliers de kilomètres d'elle sinon il n'y avait aucun doute : elle allait faire une véritable crise d'angoisse. Incapable néanmoins de se contrôler davantage, la métisse s'était effondrée dans les bras de l'actrice. Il n'y avait plus d'amour propre, plus de fierté ou d'orgueil mal placé, Marley laissait couler le trop plein d'émotions qu'elle ressentait. Elle sentit les doigts de Mabel dans ses cheveux, et lentement l'actrice se mit à la bercer comme s'il s'agissait d'une enfant qui venait de se faire mal. « Laisse les larmes couler, tu en as besoin » Elle n'avait même pas besoin de le lui dire, la maquilleuse était tout bonnement incapable de se retenir. « Je te laisse pas seule pour affronter tout ça. » La douceur et la prévenance dont faisait preuve Mabel lui réchauffaient le cœur. Peu à peu, la brune retrouva ses esprits. Les larmes cessèrent et les battements de son cœur reprirent un rythme plus modéré. Elle parvint finalement à se redresser, à sécher son visage déformé sans doute par la peine et la peur.  

Debout la jeune femme cherchait à s'occuper, à penser à tout sauf à cette petite graine qui poussait en elle. Elle n'avait pas envie de s'attarder dessus, plus envie de réfléchir à ce qu'elle allait faire de cette information. Il fallait qu'elle soit active, qu'elle reprenne le contrôle de son corps et de ses émotions. La seule technique qu'elle connaissait était celle de travailler. Ce fut pour cette raison qu'elle se tourna vers son amie – car oui, Mabel faisait incontestablement partie de ses amies – pour l'inviter à s'asseoir afin qu'elle puisse faire ce pour quoi elle était venue : son job. « Mon maquillage est moins important que tout ça, Marley. Et on sait toutes les deux que tu es capable de miracles en très peu de temps ! » La jeune femme baissa le regard en se mordant la lèvre. Bien sûr qu'elle était capable de miracles, bien sûr que Mabel était au courant. Combien de fois avait-elle dû la maquiller en panique parce qu'il leur restait trop peu de temps ? Elle finit par murmurer : « Il faut que je m'occupe les mains... Et l'esprit. » La confession était douloureuse. Jamais Marley ne s'était sentie si vulnérable, jamais elle n'avait fait preuve d'autant de fragilité devant la blonde.

Elle fut rassurée lorsque l'actrice lui assura qu'elle serait là dès qu'elle aurait besoin d'elle et qu'elle était prête à l'accompagner à ses rendez-vous médicaux, au moins le temps que Jackson revienne. Elle esquissa un léger sourire reconnaissant, écoutant attentivement la suite : « Et si tu as des questions, ou besoin d'avis, ou ne ne sais quoi, hésite pas à demander. Je suis pas sûre d'être la personne qui y répondra le mieux, mais je peux essayer de t'aider. » Par pur réflexe Marley leva les yeux au ciel. Bien sûr Mabel n'était pas parfaite et n'avait pas la science infuse, mais ne se rendait-elle pas compte de tout ce qu'elle faisait pour elle ? Etrangement Marley avait une confiance aveugle, ce qu'elle ne se priva pas de lui dire : « J'ai toute confiance en toi Mabel. Je sais qu'il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse... » elle marqua une courte pause, chercha un peu plus d'air puis poursuivit : « … J'ai juste besoin qu'on me tienne la main. » au sens propre comme au sens figuré. Elle avait besoin de savoir qu'elle n'était pas seule dans cette histoire et que les craintes qu'elle pouvait ressentir étaient parfaitement normales.

Finalement Mabel se plaça sur le fauteuil et Marley put commencer son travail. Il lui restait peu de temps devant elle, mais elle était tellement habituée qu'elle aurait pu la maquiller les yeux fermés. Alors qu'elle déposait du rouge sur les lèvres de la jeune femme elle murmura : « J'espère que je serai aussi courageuse et forte que toi. » Elle ignorait tout de sa vie ou presque, mais elle voyait avec quelle force de caractère elle parvenait à mener de front son travail et sa vie de mère. Elle semblait inébranlable et Marley espérait qu'elle gérerait les choses au moins à moitié aussi bien qu'elle. Alors qu'elle venait tout juste de terminer son maquillage, la porte s'ouvrit et un assistant fit signe à Mabel que c'était à son tour. Marley remit Rosie dans son parc, une nourrice vint s'occuper de la fillette et alors que l'actrice sortait, Marley lui dit : « Encore merci Mabel. Pour tout. Je t'appellerai. ». La porte se referma sur la jeune blonde et la métisse en profita pour ranger ses affaires, glissant le test de grossesse positif dans sa mallette où étaient gravés les mots d'amour de Jackson. Une nouvelle vie commençait pour Lynch, mais quelle vie ?

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