your hometown skeptics called it champagne problems
@Malone Constantine ☆ crédit/harley

"Je vous promets que je n’essaye pas de gagner le trophée des lieux de rendez-vous les plus improbables." Les mains levées devant elle, la défense d’Evelyn était suffisamment enthousiaste pour que son interlocuteur sache d’emblée qu’elle plaisantait. Pourtant, donner rendez-vous à quelqu’un qu’on connaissait à peine dans une boutique de meubles et de décorations, ce n’était pas assez commun pour que ça ne fasse pas sourire Malone — l’espérait-elle du moins — qu’elle accueillit donc en l’interceptant à l’entrée, s’approchant de lui avec le visage éclairé par une expression de joie à l’idée qu’il se soit contraint à venir malgré tout.
Il lui avait dit qu’elle pouvait utiliser son numéro quand elle le souhaitait. En dépit de la succession de choses qui se passaient pour elle en privé, entre anciens et nouveaux projets qui se télescopaient pour l’occuper jusqu’à tard le soir, elle était toujours en quête de réponses à propos de l’addiction de Rhett, bien que cette dernière soit un sujet passé relativement à la trappe ces derniers temps. Une partie d’elle craignait toujours le retour éminent de ses mauvaises habitudes, s’en voulant de ne pas tout à fait croire qu’il soit capable de s’en sortir sur le long terme, et pour cause. Malone lui avait bien redit que c’était une ombre qui planait constamment au-dessus de la tête de ceux qui étaient déjà une fois tombés dans ces travers : c’était une menace réelle qu’Evelyn tenait à prendre en compte sur la durée, et pour cette raison, elle se devait de savoir exactement ce qui pouvait bien passer par la tête d’un addict pour tenter d’anticiper un peu une potentielle redescente.

Ça n’expliquait pas tout à fait pourquoi elle lui avait donné rendez-vous ici, de fait après l’avoir accueilli, elle lui dit en toute transparence, ses bras s’agitant devant elle pour exposer une situation invisible, celle qu’elle lui expliqua sans délai "Je déménage, j’ai besoin de nouveaux meubles et j’avais prévu de me rendre ici ce matin." Elle passerait sur tout le couplet où elle s’était demandé si partager un café ou un repas avec le jeune homme ne les enfoncerait pas dans un malaise au bout d’un moment parce que c’était relativement intime comme concept pour parler de choses aussi sérieuses. Qui plus est, Evie avait moins à partager que Malone qui avait été dans la position de Rhett à un moment donné, c’était bien pour ça qu’elle lui faisait confiance pour l’aiguiller, l’épauler même un peu. Leur premier contact s’était bien déroulé passés les instants de gêne que la jeune femme avait ressenti, et bien qu’elle avait mis du temps à le recontacter finalement, les dernières discussions qu’elle avait eu avec Rhett lui avait fait réaliser que peut-être, c’était le moment d’établir véritablement son entreprise et de comprendre le raisonnement qui était le sien.

Est-ce que ça avait un rapport avec le sujet bébé entamé au mariage de Rory et Swann ? Très certainement, elle ne voulait pas prendre conscience en décalé que les questionnements de Rhett à ce sujet avait un rapport avec le besoin qu’il ressentait sans doute de combler quelque chose, de trouver un but pour se lever le matin. Elle avait l’impression que c’était déjà un le cas avec le match caritatif qu’ils organisaient en étroite collaboration depuis quelques temps maintenant, mais faire peser tout ça sur l’arrivée d’un enfant, c’était exclu, alors effectivement, ça avait été son signal d’alarme pour recontacter Malone vers qui elle tourna la tête pour ajouter dans un nouveau sourire "J’espère au moins que vous vous y connaissez un peu en meubles parce que je vais avoir besoin de conseils avisés." En vérité, elle n’avait besoin de personne pour ça Evie, elle savait ce qu’elle voulait, elle avait assez de goût pour meubler une maison sans l’aide de personne, mais l’excuse était toute trouvée, et la boutique était assez calme pour qu’ils tiennent une conversation sans craindre d’être ni interrompus ni écoutés.

your hometown skeptics called it champagne problems

@evelyn pearson

(c) ssoveia

***
Lorsqu’il lui avait laissé son numéro de téléphone, Malone était partie du principe qu’il s’appliquait à croire qu’effectivement, elle n’était pas la personne ayant besoin d’un coup de main mais se trouvait en contact proche avec quelqu’un pour qui c’était peut-être le cas. Ou tout du moins, qui présentait une condition ressemblant étrangement à celle de Constantine et que ce dernier pourrait effectivement lui procurer certaines explications que peu de personnes possédaient. Il  avait pris parti de la croire, parce-que Evie lui semblait sincère et surtout, qu’il n’était pas du genre  remettre la parole d’autrui de premier abord; il aurait aimé que le monde autour de lui le traire de cette façon à certaines périodes de sa vie où seule une main tendue lui manquait pour changer du tout au tout. Etant donné qu’il lui avait donné son numéro sans récupérer celui de la brune en retour, il n’avait pu prendre de ses nouvelles ou lui dire de nouveau de ne pas hésiter si elle désirait organiser une rencontre - puisqu’il était on ne pouvait plus sérieux lorsqu’il lui avait proposé, ce jour là dans l’annexe de l’église. Il s’était donc contenté de garder un oeil sur son téléphone de temps à autres pour ne pas manquer si elle venait à le recontacter.

Ce qui avait fini par effectivement être le cas… et il ne se serait jamais attendu à ce type de lieu de rencontre, s’il se devait d’être tout à fait honnête. « Je vous promets que je n’essaye pas de gagner le trophée des lieux de rendez-vous les plus improbables. » Haussant légèrement l’un de ses sourcils alors qu’il avançait vers elle, bien sur que malgré tout un petit sourire se faisait voir sur les lèvres de Malone. « Je vais avoir du mal à vous croire sur ce coup là. » Parce-qu’une boutique de meubles n’était pas forcément le premier lieu de rendez-vous qui lui venait en tête, voire même il ne faisait pas partie de la moindre liste si c’était pour s’y rendre avec une inconnue. C’était même plutôt le genre d’endroits où, ce qui lui semblait être au moins une vie auparavant, Malone avait l’habitude de se rendre avec sa femme - qui désormais vivait avec un autre et avait refait sa vie. Il tenta de ne pas s’attarder davantage sur cette partie là, reportant de nouveau son regard vers Evie qui semblait s’agiter quelque peu à ses côtés. « Je déménage, j’ai besoin de nouveaux meubles et j’avais prévu de me rendre ici ce matin. » Le regard du blond fit plusieurs allées et venues entre le magasin et le visage de la brune. « Plus facile à comprendre alors. » Même s’il ne comprenait pas nécessairement l’utilité de sa présence à lui, il entendait qu’elle ait besoin de se rendre sur place de son côté. « J’espère au moins que vous vous y connaissez un peu en meubles parce que je vais avoir besoin de conseils avisés. » A ces mots là, en revanche, il se permit un petit rire presque amusé. « Ma pauvre, si vous aviez pu voir l’intérieur de mon appartement avant de me donner rendez-vous, vous l’aurez pas fait justement. » Presque: il ajouta un petit rictus d’excuses. Disons que ce n’était pas du tout du genre de Malone de porter son intérêt sur ce type de détails: si c’était fonctionnel, c’était suffisant comme justification à ses yeux. Le canapé qu'il avait dans son salon était le même depuis des années et l’assise commençait à creuser à l’endroit où il s’asseyait tout le temps par habitude, et toutes ses tasses de café comportaient des traces de cuillers dans le fond. Mais il s’en fichait, parce-que pour lui c’était suffisant. « Mais j’ai des bras solides, alors si y’a besoin de porter quelque-chose, là je pourrais être utile. » Et ce fut sur ces mots là finalement qu’il montra d’une main l’entrée du magasin pour indiquer à Evie que, même si ses gouts en guise de décoration n’étaient pas les meilleurs de la région, il était prêt à se montrer utile et surtout à apporter son aide qu’importe la forme de cette dernière. Si cela était juste en soulevant un meuble pour le mettre dans le coffre d’une voiture, ou qu’importe, c’était toujours ça de pris.

Il attendit qu’ils soient finalement à l’intérieur de la boutique pour reprendre la parole, prêt si véritablement besoin se trouvait à discuter meubles mais plutôt porté à converser sur des sujets qui avaient été mis en avant lors de leur précédente et seule rencontre. Malone ne souhaitait cependant pas faire peur à la brune, la brusquer ou que pouvait-il encore savoir; il ne savait pas si ce rendez-vous donné avait vocation à régler tous ses soucis ou si ce dernier ne ferait, au contraire, rien avancé mais aurait donné l’impression à Evie d’avoir pu compter sur quelqu’un. Alors, prudemment, Constantine s’osa à lancer les hostilités. « Vous dites déménager avec un sourire, je suppose que c’est donc une bonne nouvelle ? » Et puis, elle donnait rendez-vous à un inconnu avec cette justification: ça aurait été étrange si la nouvelle n’avait pas véritablement été bonne. « Les choses se sont arrangées pour vous et la personne qui vous est important pour vous ? » Il avait cru comprendre, à lire à travers les lignes, que la personne qu’avait mentionné la brune à demi-mots était plutôt d’ordre de relation amoureuse ou associée qu’autre chose; en tous cas, c’était de cette façon qu’il l’avait ressenti et un déménagement pourrait signifier que certaines choses entre eux avaient pu en venir à de meilleures bases. A peine eut-il terminé de poser sa question, que Malone se permit de lever une main dans le vide, accompagnant son geste rapidement de nouvelles paroles. « Si c’est trop indiscret, vous êtes pas obligée de répondre. » Parce-qu’il s’osait sur un terrain qui ne lui était pas forcément destiné, et il ne serait en rien vexé si elle lui indiquait qu’effectivement il dépassait une certaine limitée à se permettre ce type de questionnement.

your hometown skeptics called it champagne problems
@Malone Constantine ☆ crédit/harley

"Avouez quand même que c’est plus surprenant que si je vous avais invité à déjeuner." Une réplique qu’elle lança au jeune homme juste après, le pointant doucement du doigt avec une légère moue rieuse sur le visage. Ils pouvaient se permettre un peu de légèreté pour l’heure, leur premier contact avait été un peu lourd finalement. Evie n’était pas femme à se plaindre et à se complaire dans l’action de raconter sa vie sans se sentir coupable de le faire, alors l’approche était sans doute un peu galvaudée par son envie de ne pas d’emblée faire peser quelque chose de trop critique sur leur échange, mais elle instaurait au moins l’idée qu’elle ne lui avait pas demandé de venir pour pleurer sur son sort.
Déjà parce que ce n’était clairement pas dans ses habitudes, surtout parce que Malone devait en supporter assez, des gens en pleine détresse, pour qu’elle ne se sente d’humeur à en rajouter à sa besogne "Oui, j’imagine que vous vous êtes demandé ce que ça pouvait bien dire quand je vous ai envoyé l’adresse. Si je peux vous faire une autre promesse, c’est que ce n’est pas un traquenard." Certains hommes verraient en ce lieu de rendez-vous une tactique étrange pour faire une annonce qui le serait tout autant, mais il n’y avait rien de ça évidemment. Evelyn devait se rendre ici, c’était inscrit sur son planning serré, et comme elle était une femme qui maximisait son temps qui d’ailleurs, lui était très précieux, elle avait jugé bon de joindre l’utile à l’agréable. Malone était sauf.

Elle, peut-être un peu moins à en juger par l’annonce qu’il lui fit à propos de son manque de compétences en matière de meuble "Vous êtes en train d’essayer de me faire peur pour que je vous rende votre liberté ? J’ai peut-être bien sous-estimé votre grand coeur, Malone." Elle lui renvoya son léger rictus en même temps, et après avoir retiré son manteau pour le poser avec son sac sur une patère mise à la disposition des habitués, elle dégagea ses épaules de ses longs cheveux bruns pour entamer son chemin dans les allées étroites de cette boutique cossue, qu’elle connaissait depuis des années maintenant, et qui n’avait évidemment rien à voir avec les enseignes grands publics ; on parlait de meubles retapés et revendus cinq fois le prix d’origine, de trouvailles anciennes et de trésors d’un autre temps, certainement pas de meubles en kit "Faisons un tour de repérage avant de demander à vos muscles de travailler." Et elle l’invita à la suivre enfin alors que la conversation s’engagea naturellement, et ce sans qu’Evie n’eut à faire de gros efforts.

C’était un bon orateur, Malone, il savait comment amener les choses avec une délicatesse qu’elle lui enviait sûrement un peu, s’étant laissée happer par le factuel de sa profession — de son ancienne profession — pour se trouver aussi amène qu’il ne l’était. Elle opina quand il la questionna, ses doigts rencontrant une mèche de cheveux qu’elle coinça derrière son oreille en laissant ses yeux curieux dévaler l’allée qu’ils remontèrent à pas tranquilles "Ça l’est. J’ai longtemps vécu avec ma cousine quand je suis revenue au pays, mais ces derniers mois ont été un peu rudes pour toutes les deux, j’ai jugé que ce serait une bonne chose de couper le cordon avant qu’il ne cède tout seul dans les mauvaises conditions." C’était une façon bien poétique de le dire. L’attitude de Lara ces derniers temps lui sortait par tous les orifices au point qu’elle ne supportait plus tellement sa présence, c’était ça la vérité qu’elle ne dirait pas, trop classe pour ça "Ça va mieux, mais je n’emménage pas avec lui, si c’est ça le sens de votre question. J’emménage seule, dans une maison sans doute beaucoup trop grande pour moi, d’où l’idée de la combler avec des meubles hors de prix, ça me déculpabilisera." Ou pas. Elle avait toujours vécu dans des endroits trop grands pour elle, c’était le propre des gens riches, quand bien même elle se racontait des histoires en prétendant ne pas l’être autant que ça.
"Je crois qu’on a dépassé le stade du trop personnel depuis la dernière fois, non ?" Un ajout qu’elle fit en tournant la tête vers Malone et ce juste pour temporiser l’idée qu’elle, elle avait une question indiscrète à lui poser en retour "Je peux vous demander quelque chose de sûrement trop personnel, ou c’est un procédé à sens unique ?" Ses pas continuant d’eux-mêmes, elle finit par se positionner en légère avance devant Malone, toupillant sur elle-même pour d’abord faire le tour d’une commode ancienne sur laquelle elle finit par poser la main, l’admirant l’air de rien, avant d’enchaîner en relevant la tête pour croiser ses yeux, les siens se voilant d’un soupçon d’elle ne savait trop quoi quand elle fronça les sourcils en lui demandant enfin "Vous avez des enfants ?" La question était bateau, alors elle compléta dans la foulée du chemin qu’elle reprit à ses côtés "Ou est-ce que malgré tout, vous projetez d’en avoir ? C’est le genre de choses", de choses, elle s’en voulut d’utiliser ce terme, mais à défaut, elle ne s’arrêta pas dessus, et continua "qui auraient pu, ou qui pourraient, vous forcer à poursuivre vos efforts pour guérir sur la durée ?" Elle marqua une pause, se rendant compte au final qu’effectivement, cette question était un peu trop personnelle. De fait, imitant Malone qui lui avait fourni la possibilité d’échapper à ses interrogations tout à l’heure, elle lui dit avec un léger sourire qu’elle lui adressa en tournant de nouveau la tête dans sa direction "Si c’est trop indiscret, vous n’êtes pas obligé de répondre."

your hometown skeptics called it champagne problems

@evelyn pearson

(c) ssoveia

***
« Avouez quand même que c’est plus surprenant que si je vous avais invité à déjeuner. » Il eut un petit rire. « C’est vrai que jamais j’aurais pu le deviner. » Lorsqu’il lui avait laissé son numéro de téléphone en lui précisant qu’il ne fallait pas qu’elle hésite à le contacter, il ne s’était pas un seul instant dit que cela allait être pour trouver des meubles pour son nouvel appartement; Malone ne faisait déjà pas ce type de sorties pour lui seul, alors il n’avait pas anticipé le faire pour un tiers qu’il connaissait à peine. « Oui, j’imagine que vous vous êtes demandé ce que ça pouvait bien dire quand je vous ai envoyé l’adresse. Si je peux vous faire une autre promesse, c’est que ce n’est pas un traquenard. » Il lui jeta un petit regard de côté. « Je peux m’estimer chanceux alors. » Il parlait pour rien dire en réalité: si elle avait eu besoin d’un coup de main pour quoi que ce soit, il lui aurait donné ce dernier sans même y réfléchir à deux fois. En tous cas, il lui aurait prêté ses bras pour transporter les colis - mais malheureusement, son aide ne se serait pas étendue à un autre domaine, n’ayant aucune compétence en décoration d’intérieur; il n’y avait qu’à voir l’état de son propre appartement pour se rendre compte de ça. « Vous êtes en train d’essayer de me faire peur pour que je vous rende votre liberté ? J’ai peut-être bien sous-estimé votre grand coeur, Malone. » Ce fut un nouveau petit rire qui l’anima. « Je suis qu’un homme malheureusement. » Avec ses qualités mais surtout se défauts - elle croiserait ces derniers assez rapidement, pas besoin de faire un exposé de façon pressée.

Ils entrèrent, et avec l’habitude qui semblait être sienne Evie retira son manteau pour le suspendre dans la foulée; il n’y avait donc pas besoin de jeter un coup d’oeil autour d’eux pour que Malone comprenne que c’était surement la première et la dernière fois qu’il entrait dans ce type d’établissement. Pour suivre l’exemple autant que le mouvement il en fit de même. « Faisons un tour de repérage avant de demander à vos muscles de travailler. » Il fit un mouvement de la main pour la laisser ouvrir la marche, n’ayant rien à lui apprendre dans le domaine de l’ameublement.

Celui dans lequel il naviguait avec bien plus d’aise, et celui pour lequel Evie l’avait contacté initialement, était loin de tout ce domaine; mais avec une habitabilité qu’il avait acquise avec la pratique, Malone réussit à amener d’un sujet à l’autre la conversation vers un point plus proche de ce que à quoi il avait songé la conversation ressembler. Il approchait également un terrain bien plus personnel, il en était tout fait conscient - alors il laissa la porte de sortie grande ouverte au cas où la brune ne désire pas répondre aux questions qu’il pouvait oser poser à haute voix. « Ça l’est. J’ai longtemps vécu avec ma cousine quand je suis revenue au pays, mais ces derniers mois ont été un peu rudes pour toutes les deux, j’ai jugé que ce serait une bonne chose de couper le cordon avant qu’il ne cède tout seul dans les mauvaises conditions. » Doucement alors, il hocha la tête; parfois effectivement ne pas laisser les choses s’envenimer était surement la meilleure des solutions. Ce n’était pas celle qu’il se trouvait lui-même apte à adopter la plupart du temps, mais il reconnaissait l’intelligence du geste. « Ça va mieux, mais je n’emménage pas avec lui, si c’est ça le sens de votre question. J’emménage seule, dans une maison sans doute beaucoup trop grande pour moi, d’où l’idée de la combler avec des meubles hors de prix, ça me déculpabilisera. » Malone étira un petit sourire poli: bien sur que c’était le sens de sa question, autant pour sa curiosité personnelle que pour savoir dans quel type de contexte ils allaient mettre ensemble les pieds pour la suite de leur discussion. « Ca reste une belle étape de vie. » Pour sur que si on lui laissait le choix, lui retournerait auprès de sa femme et reprendrait ses marques à ses côtés - mais parfois, se retrouver seul permettait de faire le point sur certaines choses de votre vie.

« Je crois qu’on a dépassé le stade du trop personnel depuis la dernière fois, non ? » - « Je préfère toujours demander. J’ai pour habitude d’être entouré de personnes bien moins stables et mesurées que vous. » Les toxicomanes étaient plutôt du genre instables en période de sevrage, alors il avait appris à prendre des pincettes quand cela pouvait être nécessaire. « Je peux vous demander quelque chose de sûrement trop personnel, ou c’est un procédé à sens unique ? » Même si elle ne posait pas exactement son regard sur lui en cet instant, Malone secoua quelque peu son visage. « C’est à double sens. » C’était on ne pouvait plus légitime.

« Vous avez des enfants ? » C’était incroyable à quel point cette question pouvait être autant personnelle qu’elle pouvait presque sembler tant banale pour bien du monde. Parler de ses progénitures était devenu un sujet autant tabou que normalisé; et c’était là un point sur lequel Malone n’avait jamais trop su sur quel pied danser. Lorsque son fils était né, il abordait le sujet avec un sourire qui éblouissait toute la ville. Avec le temps, ce dernier s’était terni et avait pris différentes teintes - une étant amère, bien sur. « Ou est-ce que malgré tout, vous projetez d’en avoir ? C’est le genre de choses qui auraient pu, ou qui pourraient, vous forcer à poursuivre vos efforts pour guérir sur la durée ? » Un léger silence s’installa entre eux, alors que Malone ne détournait pourtant pas son regard de celui d’Evie, penchée de l’autre côté de la commode qui semblait lui faire de l’oeil depuis les dernières minutes mine de rien. « Si c’est trop indiscret, vous n’êtes pas obligé de répondre. » Dans sa situation, ça l’était quelque peu - dans une discussion normale, cela n’avait pas la même allure. Mais la question ne se posait pas réellement à ses yeux: il était apte à répondre, il n’y avait aucune honte dans les paroles qu’il allait prononcer, et surtout il savait d’avance que leur conversation serait bien plus personnelle que n’importe quelle autre rencontre avec une inconnue. Alors il jouait franc jeu, il mettait cartes sur table. « Oscar. Il va avoir dix ans cette année. » Une esquisse de sourire traversa son visage. « Et si c’était à refaire, je le referai sans hésiter. »

Soupirant longuement, il finit par décrocher son regard de celui de la brune, s’éloignant quelque peu, prétendant s’intéresser à d’autres objets ici et là - il restait à portée de voix mais s’éloignait quelque peu pour contenir ses ressentis pour lui. « Il avait à peine un an quand je suis devenu addict. Et au début, sa présence a pas du tout influencé mon comportement. » Il se rappelait de toutes ces nuits où Annie le réveillait en pleures parce-qu’il n’avait pas entendu le petit pleurer alors qu’elle n’était pas présente à la maison, de tous ces moments où il n’en pouvait plus de savoir qu’il pouvait le mettre en danger aussi - dans un ordre ou dans un autre selon les périodes et les moments de sa consommation excessive. « Quand j’ai pris l’initiative de devenir sobre - » C’était une jolie façon de dire les choses. « -, ma femme m’a interdit de le voir tant que j’arrivais pas à tenir. Là en revanche, ça m’a aidé. Et maintenant, même si je sais que je devrais pas faire ça comme je le fais quand même: c’est pour lui que j’arrive à tenir. » Malone haussa brièvement les épaules, remontant enfin son regard dans celui de la brune. La légèreté de leur discussion n’aura pas duré longtemps.

your hometown skeptics called it champagne problems
@Malone Constantine ☆ crédit/harley

"Vous me jugez donc plus stable et mesurée que ces personnes dont vous parlez ? Vos propos n’engagent que vous, Malone." S’amusant de ces propos-là en catimini, Evie retourna à l’observation des meubles qui croisèrent leur chemin s’en s’étendre davantage sur ce que ça voulait vraiment dire. Elle ne s’estimait pas plus stable que quiconque au contraire ; elle avait un talent non-négligeable pour cacher ses failles, son apparence et son attitude reflétant rien de moins qu’une perfection induite par le milieu dans lequel elle avait été élevée et dans lequel elle avait évoluée, elle n’était pas moins névrosées que ceux qui l’assumez. Mesurée en revanche, elle l’était, mais ce n’était pas sur ça qu’elle avait été tenté de reprendre Malone, mais bel et bien sur la première partie de sa phrase. Peu importait, déjà elle se sentait d’humeur à le questionner, et elle le fit, parce que c’était pour cette raison qu’il était là, n’est-ce pas ? Un parfait, murmuré après qu’il lui eut confirmé qu’elle pouvait se permettre de lui poser des questions en retour, et elle se lança avec toute la mesure — donc — dont elle était capable.

Et le silence qu’il lui imposa le temps de quelques secondes, Evelyn le trouva un peu gênant. Elle se sentit coupable de se lancer aussi vite, aussi fort, dans un gros morceau de vie qu’il ne voudrait peut-être pas partager avec elle, et regretta rien qu’un instant d’avoir sûrement manqué d’un peu de délicatesse en rentrant directement dans le vif du sujet qui la taraudait. Ils ne s’étaient vus qu’une seule fois, ils ne se connaissaient pas, ne partageaient rien d’autre que les faveurs du hasard qui s’était dressé devant eux pour les faire se rencontre au coeur d’un moment qui n’aurait jamais dû exister si Evie n’avait pas eu à coeur de comprendre Rhett, de l’épauler aussi dans la mesure du possible. Elle faillit s’excuser, voyant l’ange qui passa entre eux prendre ses aises, et ne pas s’en aller — quand enfin, il rouvrit la bouche pour lui apporter une réponse qu’elle accueillit avec un léger mouvement de tête, cette dernière finissant par se baisser alors qu’elle disait, sincère "C’est un joli prénom." Classique, comme elle les aimait. Malone n’était donc pas du même acabit qu’elle, à camper sur ses positions concernant les enfants, et s’étant jeté à corps perdu dans l’expérience de la paternité il y avait dix ans de ça. Ça ne changeait pas l’image qu’elle avait de lui, si tant était qu’elle en avait vraiment une d’ailleurs, mais ça ouvrait une porte sur d’autres questionnements plus personnels qui ne la concernaient qu’elle et Rhett, et qu’elle fit passer comme un moyen relativement habile d’apprendre à comprendre ce qui poussait quelqu’un avec un égoïsme notoire à vouloir s’occuper de quelqu’un d’autre. Elle le vit sourire, et ça lui fit se dire qu’il était sûrement le genre de père à avoir le visage qui s’illumine lorsqu’il parlait de sa progéniture — ça lui vrilla un peu l’estomac d’y songer, et elle s’enfonça à son tour dans une sorte de silence qui la rendit encore plus attentive à ce qu’il ajouta ensuite.

Elle remua pour s’échapper du coin de la boutique qu’elle avait investi, nota mentalement la référence de la commode sur laquelle elle avait posé les mains et les yeux, et se positionna aux côtés de Malone pour l’écouter parler "C’était un bébé attendu, ou le contraire ?" osa-t-elle demander, la tête légèrement inclinée, se disant que, même si elle regrettait ses questions, ils n’en étaient plus à ça près finalement. La nuance avait son importance, même si Malone ne la soulèverait sans doute pas ; attendre un bébé et se laisser surprendre par son arrivée, ça changeait souvent tout. Pour lui, ça n’avait visiblement pas eu d’impact, et il avait plongé tête baissé dans ses démons, mais pour d’autres, les enjeux étaient différents. Elle pensait à Rhett, elle ne pensait qu’à lui à ce moment-là, encore plus quand Malone mentionna sa femme, et qu’elle lui demanda dans la foulée "Vous êtes toujours mariés aujourd’hui ?" Coinçant une mèche de cheveux derrière son oreille en continuant de marcher, elle ne le regarda pas quand elle lui posa la question, occupée à regarder autour d’elle, et à prendre soin des informations qu’il partageait avec elle avec une franchise qui lui faisait du bien et la rassurait sur l’idée qu’elle dépassait une limite en le questionnant de cette façon. Il ne semblait pas gêné, c’était quelque chose qui était assez clair pour que ça la détende un peu "Donc j’avais raison, c’est devenu une motivation ?" Même si Evelyn trouvait ça drôlement cruel de faire peser un statut aussi dur sur les épaules d'un enfant "Ça a duré combien de temps, le fait de ne pas être autorisé à le voir ?" Et là, elle tourna la tête vers lui pour croiser ses yeux, ces derniers le dévisageant sans vraiment le vouloir, elle était juste très attentive quand elle lui demanda "Comment ça se passe avec lui aujourd’hui ?" Avec eux, aurait-elle pu dire en incluant l’épouse de Malone.

your hometown skeptics called it champagne problems

@evelyn pearson

(c) ssoveia

***
« Vous me jugez donc plus stable et mesurée que ces personnes dont vous parlez ? Vos propos n’engagent que vous, Malone. » Il esquissa un petit sourire amusé. « Sans vouloir vous vexer, c’est pas très compliqué de l’être. » Parce-que même s’il s’était rangé du bon côté, désormais, bien sur qu’il continuait de côtoyer des personnes ayant un penchant pour l’illégalité; c’était là dans son rôle d’aidant que de continuer d’être malgré tout sur ce type de devant de scène. Pour son propre bien, et pour la stabilité de son addiction, il aurait du rester éloigné - mais il savait aussi à quel point beaucoup trop de personnes avaient besoin d’un coup de main à travers leurs épreuves.

La suite de leur conversation prit un tournant bien plus sérieux, et ce n’était pas là quelque-chose de surprenant: Malone avait toujours su que c’était de cette façon que leur échange finirait par se produire. Les questions d’Evie étaient personnelles, et bien qu’il eut un moment de pause s’apparentant à un d’hésitation sans que ce soit le cas, le jeune homme finit bien sur par répondre. Parler d’Oscar avait ce gout doux-amer en bouche, tant il arrivait à lui associer autant e bons que de mauvais souvenirs. « C’est un joli prénom. » Mais dès lors qu’il parlait de son fils, malgré tout ça, Malone avait ce sourire qu’il ne savait avoir pour personne d’autre. « Merci. » - « C’était un bébé attendu, ou le contraire ? » Elle était sortie du coin où son attention avait été attirée par quelques meubles intéressants, et leurs pas se poursuivaient dans la boutique. Les yeux de Constantine auraient beau tomber sur des pièces qui lui paraissaient pas mal - il n’irait pas jusqu’à dire jolies, il n’avait pas assez de gout pour ça -, il avait rapidement vu les étiquettes que certains affichaient et avait rapidement compris qu’il ne ferait qu’observer ici. De toutes façons, il n’était pas là pour ça, mais pour apporter des réponses aux questions de la brune. « Pas vraiment. » Cela semblait un peu trop radical comme réponse, il reprit alors rapidement. « Disons que Anna - ma femme - est tombée enceinte très rapidement après qu’on se soit mariés. » Il plissa légèrement le bout du nez un instant. « On voulait des enfants, donc il est attendu, mais il est arrivé très vite. » Et à partir du moment où ils avaient appris qu’Anna attendait leur premier enfant, Malone avait été le plus heureux des hommes. Lui qui avait toujours eu une relation très compliquée avec toute sa famille était bien content de démarrer la sienne de son côté. « Vous êtes toujours mariés aujourd’hui ? » - « Sur le papier, oui. » Si seulement les choses étaient aussi simples. « Elle m’a quitté peu de temps avant que je fasse mon overdose, parce-que je devenais trop dangereux pour eux. Elle a refait sa vie depuis. » Samuel - que ce prénom pouvait lui donner des frissons le long de la colonne.

« Donc j’avais raison, c’est devenu une motivation ? » - « C’en est devenue une. Au début, quand je vivais encore avec eux, j’étais pas assez solide pour que ce soit le cas. » Mais frôler la mort remettait souvent les choses en perspectives. « Ça a duré combien de temps, le fait de ne pas être autorisé à le voir ? » Si jusque maintenant, Malone avait répondu à toutes les questions d’Evie sans buter sur la moindre d’entre elles, celle qu’elle venait d’émettre était un brin plus complexe; elle le ramenait quelques années en arrière, alors qu’il traversait la période la plus compliquée de sa vie. Parce-que si l’addiction était compliquée pour les proches pendant qu’elle était active, pour le principal concerné, c’était devenir sobre qui représentait la partie ardente. « Un an. » Pendant lequel il imaginait chaque jour à quoi le visage de son fils pouvait désormais ressembler, jour après jour. « Et un quand vous essayez de devenir sobre, et que vous pouvez pas voir votre principale source de motivation, c’est long. » Mais il avait toujours su que cela vaudrait le coup, parce-que son fils méritait de grandir en ayant à ses côtés ses deux parents - en bonne santé et en vie, qui plus était; encore une fois, Malone ne connaissait que trop bien la configuration inverse et il ne conseillait cela à personne. « Comment ça se passe avec lui aujourd’hui ? » Il inspira longuement, fit plonger ses mains dans ses poches. « J’ai toujours aucun droit de garde sur Oscar, parce-que Anna s’accroche trop pour que ça reste comme ça. Plus il grandit, plus j’ai l’impression qu’il arrive à comprendre quel type de père j’ai été pour lui, parce-qu’il devient de plus en plus distant. » En d’autres termes: les choses n’étaient pas que joie et amour, entre les deux Constantine. « Quand il était plus petit, c’était plus facile. Il connait pas… Il est pas au courant de mes travers, mais je sais qu’il peut le sentir. J’ai presque hâte qu’il soit en âge de comprendre pour lui expliquer et pour plus avoir à me cacher. »

Clignant finalement rapidement des paupières, il remonta son regard vers Evie. « Et vous n’êtes pas ma psy, je dérape pardon. » Il tentait d’étirer un sourire amusé, mais il était facile de voir que ce type de sujets - bien qu’il en parlait facilement - le touchait particulièrement. « J’espère que je vous fais pas peur surtout. C’est pas mon but. » Parce-qu’elle était venue vers lui avec ses propres doutes et interrogations, il n’était pas question qu’il accentue ces derniers sans s’en apercevoir. Il était supposé apporter des solutions, pas lui faire découvrir de nouveaux potentiels problèmes là où elle ne les avait peut-être pas encore imaginé. Il pinça quelque peu ses lèvres. « Vous êtes dans une situation similaire, pour que mes réponses vous intéressent ? »

your hometown skeptics called it champagne problems
@Malone Constantine ☆ crédit/harley

"Ça a été une bonne surprise." résuma Evelyn avec ses propres mots, cherchant sans doute à aider Malone à déterminer exactement ce qu’avait été la naissance de son fils à l’époque. Elle pouvait à peine se mettre dans ses chaussures à ce moment-là, mais elle tachait de le faire tout de même pour mieux se figurer du ressenti qui avait été le sien. Les enfants ne constituaient pas un objectif de vie pour Evie, et si elle comprenait plus ou moins pourquoi c’était un désir qui surgissait chez ses comparses, chez elle ce n’était pas un terrain fertile dont elle prenait soin pour maximiser ses chances à un moment où un autre. Le mariage non plus ne faisait pas partie de ses objectifs, et en ça il fallait voir une déformation professionnelle plus qu’une idée arrêtée. Il y avait encore deux ans de ça, s’engager lui faisait peur, et aujourd’hui, elle se saignait aux quatre veines pour guérir son couple des mauvaises passes qui avaient jalonné l’année qui venait de s’écouler. Rien n’était immuable en vérité, même la question des enfants restaient relativement ouverte même si elle prétendait le contraire en campant sur des positions fermes, plus effrayée qu’autre chose à l’idée de léguer ses névroses à des petits êtres qui n’avaient rien demandé "Je suis désolée." Elle détestait ça, Evelyn. Les excuses prononcées après coup d’un drame, ou d’une mauvaise nouvelle, mais elle l’était vraiment d’entendre l’histoire de la séparation de Malone d’avec sa femme. Le schéma restait relativement le même à chaque fois, pensa-t-elle en songeant que les arguments de Rhett, lorsqu’ils avaient décidé de faire une pause, ressemblaient presque à ceux de Malone qui parla d’être dangereux pour sa famille. Ça lui fit mal au ventre de se dire que la finalité de leur histoire aurait pu être la même s’ils n’avaient pas réussi à se relever de tout ça ; mais le chemin était encore long, c’était bien pour ça qu’elle faisait tant d’effort pour avoir toutes les cartes en mains, et anticiper le pire histoire de l’éviter.

"Je me rends compte que je fais remonter des souvenirs douloureux. Vous pouvez m’envoyer sur les roses si vous ne voulez pas répondre à mes questions, je comprendrais sans me vexer." Un léger sourire en direction de Malone qui, de nouveau prit le temps de la réflexion pour lui répondre, et Evie opina du chef à sa réponse "C’est long, un an." consentit-elle à lui dire ce qu’il savait sûrement déjà. Il le lui confirma d’ailleurs juste après, l’admettant sans mal "Vous étiez quand même entouré à cette époque ?" Par sa famille, par ses amis ? Elle l’espérait en tout cas, parce qu’elle l’avait observé en étant à proximité de Rhett : la solitude était une plaie supplémentaire à celle qu’il avait taché d’éponger et avec laquelle il se complaisait pour ne pas avoir à admettre qu'il avait besoin qu’on l’aide. Curieusement, ça la toucherait davantage de savoir que Malone avait vécu tout ça seul, sans soutien "Mais vous le voyez quand même aujourd’hui, malgré le refus d’Anna de vous le laisser sur une longue période ?" Encore une fois, elle trouvait ça cruel de faire payer un mal comme l’addiction à quelqu’un qui essayait de s’en sortir, mais en même temps, elle comprenait la radicalité de ce genre de décision. Ça ne restait pas moins dur, elle pouvait le lire sur le visage du jeune homme qu’elle regardait par intermittence, ne voulant pas le fixer trop longtemps pour qu’il ne se sente pas mal à l’aise.

Naturellement, sa main trouva son épaule quand il s’excusa, ses doigts la serrant avec un sourire sincère qu’elle lui renvoya en lui disant "Je vous pose des questions personnelles, c’est comme si je vous incitais à déraper. Je peux gérer, soyez rassuré." C’était une façon de lui dire qu’il n’avait pas à s’en faire, qu’elle acceptait qu’il se confie et que sa vulnérabilité, elle en prendrait soin comme il prenait soin de son besoin de réponse — c’était donnant-donnant. Elle récupéra sa main, la passa dans ses yeux et fit glisser son regard sur les rangées qu’ils dépassèrent d’un pas lent "Il m’en faut plus que ça pour avoir peur, ne vous en faites pas." Et encore une fois, c’était elle qui posait des questions, c’était qu’elle était prête à recevoir des réponses qui ne seraient pas toujours faciles à entendre. Elle était moins prête à recevoir des questions néanmoins. C’était de bonne guerre, mais tout de suite, elle se sentit un peu moins à l’aise, et fit la même chose que Malone tout à l’heure : elle prit son temps pour lui répondre avant de se lancer "Pas vraiment. Disons que la question des enfants a été soulevée plusieurs fois chez moi ces derniers temps." Pas chez elle en l’occurence, aussi elle se corrigea "Je n’en veux pas, je n’en ai jamais voulu. Mon partenaire non plus à dire vrai. Jusqu’à récemment." Elle secoua la tête, un soupir lui échappant en même temps "Et je sais que sa volonté derrière ça n’est pas seulement liée à une envie soudaine de pouponner. Je sais que c’est lié à des objectifs qu’il se fixe sûrement, et ça me fait un peu peur de faire peser cette pression sur les épaules d’un enfant." Elle ne voulait pas Malone se fourvoie, et qu’il y voit un jugement de son propre vécu, alors elle ajouta, ses mains s’agitant doucement devant elle pour marquer son point "C’est déjà tellement difficile d’être parent et de bien élever un enfant. Je ne veux pas ça ajoute une difficulté supplémentaire au risque que cet enfant nous déteste quand il sera en âge de comprendre dans quelle condition il est né, et ce qu’on attendait de lui quand on a décidé de l’avoir." Elle se rendait compte que ça faisait quasiment écho à ce que lui avait dit Malone quelques instants plus tôt "Et à vous entendre, c’est exactement ce qui risque d’arriver et oui, peut-être que ça me fait un peur finalement." Ça la fit rire vaguement, plus gênée que Malone à l’idée de mettre en avant ses faiblesses.

your hometown skeptics called it champagne problems

@evelyn pearson

(c) ssoveia

***
« Ça a été une bonne surprise. » Il eut un petit sourire. « Ca a été une bonne surprise oui. » Il ne saurait qualifier Oscar autrement, pour dire vrai. « Je suis désolée. » Pour son mariage, cette fois-ci; son sourire se fit mois aisé pour cette partie là de son histoire personnelle. « Merci. » C’était le moins qu’il puisse avancer. « J’aurais préféré que ça soit autrement, mais bon. » Il n’avait pas le choix, il l’avait cherché, c’était mieux comme ça - les suites de cette phrase étaient nombreuses mais aucune d'entre elles ne seraient prononcées par Malone aujourd’hui. Disons que Evie se ferait sa propre opinion sur la situation, et elle n’était pas réellement obligée d’entendre celle du jeune homme. S’il n'y avait que lui, il ferait tout pour regagner la confiance et le coeur d’Anna; il savait pertinemment que les choses étaient bien plus complexes que cela. « Je me rends compte que je fais remonter des souvenirs douloureux. Vous pouvez m’envoyer sur les roses si vous ne voulez pas répondre à mes questions, je comprendrais sans me vexer. » Doucement, il secoua sa tête de gauche à droite. « Je le ferai pas, et je savais ce que je risquais en acceptant de vous rejoindre aujourd’hui. » Elle ne l’avait pas caché, qu’elle avait en réserve des questions d’ordre personnel; Malone savait parfaitement dès le début que bien sur certains souvenirs seraient plus ou moins agréables à partager. Mais c’était là quelque-chose à laquelle il s’était habitué avec le temps: cela ne rendait pas l’évocation de certaines parties de son passé moins douloureuse, mais au moins il savait à quoi s’attendre.

« C’est long, un an. » - « Très long. » - « Vous étiez quand même entouré à cette époque ? » Il resta un instant les lèvres pincées avant de répondre. « En partie. Disons que je m’entends pas très bien, même encore aujourd’hui, avec tous mes frères et soeur. Et que j’avais repoussé beaucoup de monde à l’époque, prétextant que j’avais besoin de personne. » Il laissa le silence faire sa place un instant. « Je voulais surtout pas qu’ils assistent à ma descente aux enfers je pense, avec le recul. » Car même si Malone n’avait su seul stopper cette dernière, il n’avait pas besoin que d’autres le regardent faire. « Mais vous le voyez quand même aujourd’hui, malgré le refus d’Anna de vous laisser sur une longue période ? » Un hochement de tête de la part de Constantine put être vu avant même qu’Evie n’ait le temps de terminer sa phrase. « Pas aussi souvent et aussi librement que je le voudrais, mais oui je le vois. Je l’emmène à l’école et au sport certains jours, je passe des après-midi avec lui. Dernièrement, il a eu le droit de rester dormir chez moi: je peux vous dire que j’étais content. » Et même s’il ajoutait un trait d’humour au ton emprunté pour prononcer ces paroles, il était facile de comprendre qu’il l’avait véritablement été, content.

A force de s’entendre parler et surtout raconter sa vie, ses doutes, ses ressentis, Malone finit par se ressaisir dans un petit rire: il avait l’habitude d’échanger, de discuter et de se livrer, mais il s’était aujourd’hui prêté à l’exercice peut-être un brin trop facilement: la brune ne l’avait pas invité à ses côtés pour subir ça. La main qu’elle posa sur son épaule à la suite de ses mots eut le don de le réconforter - même s’il ne pensait pas particulièrement avoir besoin de l’être initialement -, et lui retirer une pointe de culpabilité qui s’était immiscée rapidement en lui. « Je vous pose des questions personnelles, c’est comme si je vous incitais à déraper. Je peux gérer, soyez rassuré. » Il étira un petit sourire: tant qu’il ne l’effrayait pas avec le récit de sa propre vie, ils pourraient peut-être tous deux s’en sortir finalement. « Il m’en faut plus que ça pour avoir, ne vous en faites pas. » Oh, il avait plus en réserve - il se contenterait de ne pas souligner cette partie là de la réalité.

Il préféra finalement détourner l’attention et surtout le sujet de la conversation vers Evie, en lui demandant de façon directe si elle était concernée par une situation similaire pour être autant intéressée par ses réponses à lui. Il s’aperçut, bien sur, de l’hésitation de la brune - alors il se saisit de l’instant que prenait cette dernière pour se permettre un commentaire qui ferait, sans aucun doute, écho au sien. « Vous avez aussi le droit de m’envoyer voir ailleurs, promis. » Le genre de conversation qu’ils pouvaient avoir se trouvaient plus souvent être donnant-donnant, mais ce n’était en aucun cas une obligation: si elle préférait recevoir les informations que les donner, il se plierait à l’exercice dans tous les cas. « Pas vraiment. Disons que la question des enfants a été soulevée plusieurs fois chez moi ces derniers temps. Je n’en veux pas, je n’en ai jamais voulu. Mon partenaire non plus à dire vrai. Jusqu’à récemment. » D’où sa curiosité quand au fait que Malone soit lui père; il avait bien rapidement compris que c’était cette personne là qui chamboulait ses certitudes, assez pour qu’elle pousse la curiosité à lui poser des questions à lui en tous cas. « Et je sais que sa volonté derrière ça n’est pas seulement liée à une envie soudaine de pouponner. Je sais que c’est lié à des objectifs qu’il se fixe sûrement, et ça me fait un peu peur de faire peser cette pression sur les épaules d’un enfant. » Il pinça les lèvres, et finit par hocher la tête légèrement: il comprenait. Les situations n’étaient pas tout à fait similaires, mais il comprenait parfaitement là où elle voulait en venir. « C’est déjà tellement difficile d’être parent et de bien élever un enfant. Je ne veux pas ça ajoute une difficulté supplémentaire au risque que cet enfant nous déteste quand il sera en âge de comprendre dans quelle condition il est né, et ce qu’on attendait de lui quand on a décidé de l’avoir. Et à vous entendre, c’est exactement ce qui risque d’arriver et oui, peut-être que ça me fait un peur finalement. » Le sourire qu'il lui adressa ensuite se fit timide, mais tenta au maximum d’être rassurant. « Vous vous interrogez sur la situation déjà, c’est bien plus que ce que font d’autres adultes. »

Il finit par ralentir ses pas pour complètement les stopper à la suite, finissant par pivoter sur ses talons pour faire face à Evie. Ses sourcils se fronçaient un brin, mais plus parce-qu’il tentait d’analyser son point de vue d’une façon la plus juste possible, en comparant forcément avec le sien. « Oscar était déjà né quand j’ai plongé dans l’addiction. » Peut-être était évident à travers son histoire, mais il trouvait cela important de le mentionner avec clarté. « Et quand j’ai pas su m’empêcher de le faire, de m’enfoncer dans mes travers, j’ai effectivement décidé sans m’en rendre compte de faire peser un poids sur ses épaules, c’est vrai. » C’était là des choses dont il avait déjà discuté avec les psychologues, et c’était à cause de toute cette partie là qu’il travaillait encore dur aujourd’hui sur ses habitudes de vie. « Vous vous posez bien plus de questions que j’ai pu m’en poser alors que j’avais déjà un enfant. Promis, vous vous retrouverez pas dans ma situation. Ce sera pas facile, parce-que vivre avec un addict c’est jamais simple. » Il le savait pour vivre avec lui-même au quotidien, et à travers le regard de ses proches le reste du temps. « Mais vous avez toutes les cartes en mains pour que ça se passe mieux que ça a pu être le cas pour moi, j’ai l’impression. » Et promis, le petit sourire qu’il lui adressa, encourageant, n’était pas monté de toutes pièces mais était là le plus sincère qu’il possédait.

your hometown skeptics called it champagne problems
@Malone Constantine ☆ crédit/harley

Il savait ce qu’il risquait en rejoignant Evelyn aujourd’hui, oui, ce n’était pas pour autant que ça devait être plus évident de conter ses travers en étant aussi ouvert, aussi bienveillant aussi. Il faudrait qu’elle pense à le remercier autrement qu’en le forçant à l’accompagner faire du repérage de mobilier et en faisant remonter à la surface des souvenirs dont il accuserait peut-être le coup ensuite, une fois qu’il retrouverait le confort de son chez lui, confiné dans un espace sans femme ni fils. Elle s’en voulut tout de même, bien que ses intentions n’étaient pas mauvaises, et qu’en quête de réponses, elle se tournait vers la seule personne susceptible de lui en apporter de vraies, c’était peut-être bien pour cette raison que, la suite de leur conversation venant, elle se montrerait plus ouverte à l’idée de lui expliquer les tenants et les aboutissants de son interrogatoire. Elle le lui devait, à Malone. Il dirait sûrement que non, elle pouvait presque anticiper son discours, mais être ainsi au contact de quelqu’un qui avait le partage facile, ça avait le don de la faire réfléchir sur tout le mystère qu’elle faisait autour d’elle. Finalement, il n’y avait pas de mal à être ostensible sur son expérience, sur ses sentiments. Malone l’était, il n’était pas moins digne. C’était même tout le contraire. Elle l’admirait, vraiment.

"Je peux comprendre ça." fit-elle avec un léger sourire quand il lui avoua ne pas très bien s’entendre avec ses frères et soeurs "Vous êtes une grande famille ? Une confession valait une question, c’était une monnaie d’échange à taux variable qu’elle gardait dans sa manche Evie, tandis que son visage se rembrunissait en prenant sens du reste de son discours que là encore, elle pouvait comprendre sans avoir beaucoup à se forcer ; il était similaire à celui de Rhett qui se cachait derrière sa force de caractère pour ne pas avouer ses difficultés. Le cliché parfait de l’homme fier, mais pas que : il tenait à ses proches, il voulait les épargner, mais bien souvent, l’égoïsme relatif à ses actes provoquait le contraire, et ce qu’il craignait finissait tant bien que mal à se passer. Elle pinça les lèvres "Je sais que la personne dont je vous parle voit les choses de cette façon alors, encore une fois, je ne suis pas une experte, j’ai encore des tas de choses à apprendre, mais je crois que quelque part, repousser vos proches, c’était surtout pour les protéger." Si elle pouvait le rassurer, elle le ferait, même si c’était un peu maladroitement. Le sourire qu’elle lui donna quand Oscar revint dans la discussion, il ne l’était pas en revanche, maladroit "Il a dû l’être aussi. Ça compte ce genre de choses pour les enfants." J’imagine, mais elle n’avait pas besoin de le dire. Elle avait été une enfant, elle avait perdu son père pour de vrai. Evelyn, elle savait à quel point c’était important en effet.

"Je ne le ferai pas." Elle eut un très léger rire qui s’amenuisa dans le mouvement de tête qu’elle fit vers le bas, son menton frôlant brièvement sa poitrine. Ses traits se froncèrent, son sourire ne disparut pas cependant, lorsqu’elle lui avoua "J’ai besoin d’être un peu poussée pour ce genre de choses parfois, je ne sais pas me confier comme vous le faites. Si je devais parler un peu trivialement, je dirais même que je suis un peu coincée sur la question." De nouveau, elle rit doucement. Mais elle allait essayer, et elle le fit finalement, se dérobant au regard de Malone au rythme de leurs pas dans les allées de la boutique. Parler de ce qu’elle ressentait à propos de Rhett, de ses réflexions à propos des enfants, ce n’était pas quelque chose dont elle pensait avoir besoin. Elle savait compartimenter, elle savait prendre sur elle, mais la pression était telle depuis quelques mois maintenant que le faire lui donna l’impression d’un poids allégé sur ses épaules. D’autant que Malone semblait saluer la manière dont elle résonnait, et si elle n’avait pas souvent besoin qu’on abonde dans son sens, elle devait avouer que cette fois-là, ça lui fit du bien d’être soutenue et comprise dans ce qu’elle partageait.

Ses mains se croisèrent devant elle, ses doigts joints entre eux, elle écouta Malone reprendre ; il la surprit en se plaçant en face d’elle, et le regard qu’ils échangèrent à ce moment-là, il était assez fixe pour que se laissant narrer la suite de ses mots, elle n’eut pas envie de s’y soustraire "Le problème, ce n’est pas tant que je me pose ces questions. Je ne suis pas celle qui souffre d’addiction, je suis —" Elle marqua une pause, désolée de devoir utiliser ce terme, mais à défaut d'un autre, c’était encore celui qui expliquait le mieux les choses "Je suis un dommage collatéral. J’essaye d’être davantage une passerelle, de l’aider à considérer les choses d’un point de vue plus neutre, mais j’ai conscience que si lui, ne se pose pas ces questions, chercher des réponses, ça ne rime à pas grand-chose finalement." Vulgairement, elle pourrait dire à Malone qu’au plus profond d’elle, elle redoutait qu’une fois qu’ils auraient le bébé que Rhett lui demandait, quand il aurait puisé tout ce qu’il y avait à puiser dans l’idée même de s’en occuper, il la laisserait se débrouiller. Un bébé-pansement, qu’importait ce que ça pansait, ça restait une appellation terrible. Elle haussa les épaules, ses yeux toujours plantés dans ceux de Malone "Non, c’est vrai que ce n’est pas simple." avoua-t-elle alors qu’il remettait en exergue la difficulté de tout ça, et de nouveau, elle tendit la main pour frôler son épaule et lui dire, sincère "Merci de vouloir me rassurer. Vous le faites plutôt bien, c’est juste que mes angoisses ont la dent dure et que je tiens à lui." À Rhett évidemment, et il n’y avait aucun espèce de honte chez elle à l’avouer à ce moment-là.

your hometown skeptics called it champagne problems

@evelyn pearson

(c) ssoveia

***
« Je peux comprendre ça. Vous êtes une grande famille ? » Il plissa dans un petit sourire le bout de son nez. « Deux frères, une soeur. Tous plus jeunes que moi. » Peut-être était-ce sa façon à lui de souligner à demi-mots qu’en étant placé en tête de fratrie, il n’avait pas été le meilleur des exemples pour les petits venus après lui. Bien sur, ils s’en étaient tous les trois mieux sortis que lui, mais ce n’était pas pour autant qu’il n’avait su leur montrer la voie une trop grande partie de leur vie d’adulte en devenir. Et puis, il ne fallait pas oublier qu’il n’avait pas été très présent - pour des raisons toutes plus ou moins éloignées de l’addiction. Simplement: il avait manqué à son devoir à trop de niveaux pour ne pas s’en vouloir. « Je sais que la personne dont je vous parle voit les choses de cette façon alors, encore une fois, je ne suis pas une experte, j’ai encore des tas de choses à apprendre, mais je crois que quelque part, repousser vos proches, c’était surtout pour les protéger. » Il esquissa un fin sourire sans amusement. « Vous avez malheureusement surement raison. » Malheureusement, parce-que c’était la partie la plus compliquée à faire comprendre au reste des personnes autour de vous: que c’était là une décision égoïste, certes, mais que le fondement de cette dernière n’était pas mauvais. L’égoïsme avait cependant tendance à prendre la place de tout le reste.

« Il a dû l’être aussi. Ça compte ce genre de choses pour les enfants. » - « Surement. Je l’espère très fort. »
[color#de9dac]« Je ne le ferai pas. »[/color] Il esquissa un sourire encore un brin davantage amusé. « J’ai besoin d’être un peu poussée pour ce genre de choses parfois, je ne sais pas me confier comme vous le faites. Si je devais parler un peu trivialement, je dirais même que je suis un peu coincée sur la question. » Malone ne sut faire autrement que d’ajouter malgré tout un petit rire à ce moment là, secouant quelque peu sa tête de droite à gauche. « Si vous pensez que c’est naturel chez moi, c’est que j’ai fait un bon bout de chemin alors. » Parce-qu’il n’avait pas tout le temps été comme ça, de son côté; la route avait été longue. « Avant mon overdose, et avant que je me retrouve à devoir parler devant des groupes d’inconnus de mon addiction, je savais pas me confier. Mais comme pour tout: on s’habitue à peu près à tout lorsque c’est une question de survie. » Dans son cas, ça tenait littéralement pour une question de survie: s’il replongeait une fois de plus, il était à peu près sur de ne pas réussir à s’en relever. « C’est pas aussi radicale pour vous, mais vous pourrez vous habituer à le faire aussi, je suis sur. » Elle se posait déjà les bonnes questions, alors il n’y avait aucune raison aux yeux de Constantine qu’elle n’arrive pas à évoluer dans la bonne direction, et pour les bonnes raisons surtout. « Le problème, ce n’est pas tant que je me pose ces questions. Je ne suis pas celle qui souffre d’addiction, je suis — » Il haussa quelque peu un sourcil, comprenant qu’elle hésitait sur un terme; il ne pressa rien cependant, elle tentait au mieux. « Je suis un dommage collatéral. J’essaye d’être davantage une passerelle, de l’aider à considérer les choses d’un point de vue plus neutre, mais j’ai conscience que si lui, ne se pose pas ces questions, chercher des réponses, ça ne rime à pas grand-chose finalement. » Peut-être que le petit sourire presque amusé était de trop, mais il était la réaction primaire du jeune homme: elle avait tiqué pour le mot dommage collatéral, mais pourtant c’était ce qui décrivait le mieux la situation dans son ensemble. « Il est pas seul au moins. » Il releva son regard vers elle. « Je sais que ça parait bête et que c’est pas la première chose à laquelle on pense quand on est pas le problème principal. » Oh, Evie avait hésité à utiliser des termes, lui ne se gênait pas. « Mais inconsciemment, de savoir qu’on a des gens qui sont prêts à nous aider… ça fait une différence. Je dis pas que c’est une solution miracle - ça l’est pas, parfois c’est même pas suffisant pour que ça change quoi que ce soit -, mais ça peut jouer dans la balance. »

« Non, c’est vrai que ce n’est pas simple. » Il était presque désolé d’en arriver avec elle à une conclusion de la sorte, mais c’était malheureusement l’entière vérité: l’addiction était une sale bête qui rongeait beaucoup de choses sur son passage, et les proches en faisaient partie. « Merci de vouloir me rassurer. Vous le faites plutôt bien, c’est juste que mes angoisses ont la dent dure et que je tiens à lui » - « Il a de la chance de vous avoir. » Malone ne jalousait pas leur situation, il soulignait quelque-chose qui serait important pour le couple par la suite. « Vous arrivez à en discuter avec lui, ou pas du tout encore ? » Lentement, il haussa un sourcil sur son visage. « Vous dites avoir des difficultés pour vous confier. C’est pareil avec lui ? » Une fois encore, il n’y avait aucun jugement dans sa voix ou dans ses paroles, il tentait de tacher d’adopter le meilleur comportement à l’aide qui lui avait été demandée.

your hometown skeptics called it champagne problems
@Malone Constantine ☆ crédit/harley

"Je ne vous connais pas depuis longtemps." Pour réussir à mesurer le chemin parcouru. Elle ne remettrait pas sa parole en doute dans tous les cas, elle sentait qu’elle pouvait lui faire confiance, et que se faire mousser au sujet des efforts qu'il avait fait, ce n’était pas son genre "Comme quoi tout est possible, même les plus réfractaires finissent pas s’y faire. Vous êtes fort." ajouta-t-elle en le pensant, ne s’imaginant pas une seconde avoir la force de caractère de Malone, même si sa survie était en jeu. Evelyn, elle avait tendance à se laisser emporter, pas à creuser pour se donner les moyens de remonter à la surface, ne le faisant qu’à la limite d’une situation inextricable, prise au piège — en matière de sentiments en tout cas, ça avait toujours été le cas. Elle n’aimait pas l’introspection, ça la forçait à être trop centrée sur ce qu’elle dissimulait sous le vernis impeccable des convenances, et elle n’aimait pas ça "Je suis touchée que vous croyez autant en moi. Si j’avais su, je vous aurais emmené faire les boutiques de meubles bien avant, mon ego va ressortir d’ici plus gonflé que jamais." Elle préférait prendre les choses de ce côté-là, avec une note d’humour, que d’avouer qu’elle était très touchée par les certitudes de Malone. Elles ne lui semblaient pas galvaudées d’ailleurs, mais bel et bien authentiques, et encore une fois, ça lui faisait du bien.

Comme ça lui faisait du bien d’entendre que sa quête de réponses n’était pas vaine, et qu’à un moment où un autre, Rhett serait susceptible de l’accueillir comme un cadeau plutôt que comme un affront. C’est vrai que tout ce qu’elle faisait pour lui ces derniers temps, il en était tenu à l’écart, mais c’était uniquement parce qu’au fond, elle redoutait qu’il lui reproche de prendre les choses de cette façon quand il considérait que c’était son problème. C’était certainement un tort de la part d’Evie d’en faire une affaire personnelle, mais Rhett n’était pas n’importe qui à ses yeux, et elle espérait qu’il conserverait cette place particulière pour un moment encore. Finalement, sa démarche était un peu égoïste elle aussi : elle voulait l’aider pour le garder le plus longtemps possible auprès d’elle et continuer à construire un avenir qu’il lui disait souvent vouloir passer à ses côtés "J’espère qu’un jour où l’autre, il comprendra ce que j’ai essayé de faire en cherchant des réponses. Là, je ne suis pas sûre qu’il soit capable de le saisir, mais c’est pas grave." fit-il avait un léger sourire, s’en remettant à son pragmatisme sans trop se forcer, n’essayant pas de récolter tous les lauriers.

Les encouragements de Malone étaient bénéfiques pour Evelyn qui se se sentit pas moins gênée d’en recevoir. Elle fronça le nez lorsqu’il lui dit que Rhett avait de la chance de l’avoir et dut prendre sur elle pour ne pas objecter, ayant toujours l’impression de ne pas faire les choses assez bien. Elle tentait de se rattraper, c’était avant tout pour ça qu’elle s’était engagé dans cette démarche de mieux comprendre ce qu’il vivait, s’étant trop de fois cassées les dents à vouloir se montrer arrangeante quand il fallait visiblement se montrer un peu plus ferme. Elle ne savait pas si elle y arriverait, mais elle était plus que prête à essayer. La question qu’il lui posa ensuite, elle la laissa un instant perplexe, et puis parce qu’elle lui devait bien des réponses, elle lui en donna tout de même "Pas vraiment, il est un peu fermé et je n’ai pas envie de le bousculer. D’autres membres de son entourage le font beaucoup mieux que moi, je n’ai pas envie de tenir ce rôle-là." À tort, sans aucun doute "Je n’ai pas grand-chose à confier au fond, je suis un livre ouvert." Une façon détournée d’admettre que oui, même avec Rhett, ça pouvait être un peu compliqué de se confier parce qu’elle n’avait jamais été de ce genre-là, qu’elle estimait que ses problèmes ne devaient pas être ceux des autres, mais aussi parce que, si elle devait être tout à fait honnête, il n’y avait pas tellement de place pour ses confessions au sein de leur couple, mais ça elle préféra le taire. A la place, elle eut un léger rire, se détourna un instant pour reprendre sur elle et ensuite faire au jeune homme "Il faudrait qu’on s’y mette très sérieusement à cette recherche de meubles, sinon je crains que cette maison va rester vide un moment encore."

rp terminé.