| No Words Needed [Lily #14] |
| | (#)Mar 25 Juil 2023 - 3:14 | |
| L’enfant gazouille, fait des bulles, envoie ses mains dans tous les sens pour attraper des libellules imaginaires. Ses petits doigts s’accrochent au moindre pli de tissu et le t-shirt de Joseph s’en retrouve souvent la proie. « Tu l’aimes, mon t-shirt. » Il constate à voix haute en soulevant délicatement les hanches d’Alice pour glisser une couche propre sous ses fesses poudrées.
Deux yeux de chat noir les fixent.
Ce sont ceux de Lily, dont Joseph sent la présence tel un présage. Elle ne dit pas un mot mais elle les observe, à l’entrée de la chambre. « Ta maman s’assure que j’fais pas d’bêtises. » Le garçon confie à Alice près de son oreille. Puis il recule son visage un peu avant de prononcer d’une voix plus portante, sans pour autant s’adresser à Lily : « Elle me fait pas confiance alors que j’ai déjà changé ta couche cinq fois. » Il fait claquer sa langue contre son palet, en feignant toujours de ne pas avoir aperçu la silhouette de la personne dont il parle. Mais il sait qu’elle sait, et elle sait qu’il sait. Il ne s’agit que d’un énième petit jeu. Un frère et une sœur ne grandissent jamais vraiment : ils prolongent leur jeunesse pour ne pas oublier les bons moments que l’innocence leur allouait. La présence d’Alice dans leur vie rend cette époque immortelle. La boucle a été bouclée. « Voilà. Comme neuve ! » Il s’exclame en pressant les petits bras dodus du bébé entre ses doigts. « Maintenant, promet-moi de ne pas chier dans les dix prochaines minutes. Attends au moins qu’sois parti. » Il attrape la main ouverte d’Alice pour la serrer et sceller le deal. « C’est un plaisir d’faire affaire avec vous. Vous êtes un client bien honorable. » Et il jette enfin un regard plaisantin vers Lily pour voir sa réaction. La même expression que d’habitude. Roulant les yeux vers le ciel, Joseph reporte son attention sur le petit être et s’attèle à lui enfiler son petit pyjama violet, non sans lui voler quelques pincées de joues de temps en temps. C’est tellement tentant. Elle ressemble à un marshmallow et elle sent le sucre maintenant qu’elle est toute propre. Il la soulève doucement pour l’asseoir, et elle garde la pose cinq, dix secondes, ses grands yeux bleus remplis d’étoiles, et elle retombe vers l’arrière. « D’ici quelques semaines, elle sera prête à intégrer une équipe de rugby. C’est une plaqueuse, celle-là. » Il annonce formellement en se retournant sur lui-même, faisant face à Lily, à qui il laisse la place pour retrouver sa fille. Quand il la contourne, il jette un regard à son ventre bien rond, se mord la lèvre inférieure, puis se dirige vers la salle de bains pour se laver les mains (et les poignets, et les avant-bras). Il commence à hériter des réflexes du concierge d’hôpital, dont l’hygiène doit être irréprochable. Un peu plus et il se prendrait pour un chirurgien.
Dans le couloir, sa vision intercepte un rectangle blanc en carton posé au milieu d’un meuble d’appoint. Il ne l’avait jamais vu auparavant et c’est pour cette raison qu’il s’arrête devant et qu’il l’attrape entre son pouce et son index. Scrutant sa surface fibreuse complètement vide, il la retourne, s’étonne de découvrir l’adresse de Lily ainsi qu’un timbre légèrement de travers dans le coin supérieur droit. Il glousse. Il s’agit d’une carte postale on ne peut plus impersonnelle dénuée de message. Pourquoi Lily l’aurait-t-elle gardé ? Elle maintient sa maison propre et ordonnée, se débarrasse du moindre bidule futile. Si la carte était accompagnée d’une publicité ou d’un magazine, elle aurait trouvé le chemin de la corbeille en moins de deux. « Chelou. » Il marmonne pour lui-même, réalisant que Lily se trouvait à quelques mètres de lui, dans le salon. Il a attiré son attention en levant la voix. « La carte postale, j’veux dire. Quelqu’un a payé un timbre pour t’dire absolument rien. » Le prix des timbres, il le connait. Quand il était jeune et fauché, il passait les rues au peigne fin pour trouver de quoi s’en payer. À la fin, ça n’aura servi à absolument rien puisque l’échange épistolaire s’était fait à sens unique. Lunatique, il se sert de la carte comme éventail en rejoignant Alice et Lily dans le salon. @Lily Keegan |
| | | | (#)Lun 31 Juil 2023 - 17:18 | |
| Elle grimace quand Alice s’accroche au t-shirt de son oncle, pas certaine qu’il soit propre, pas certaine qu’il n’ait pas traîné dans Dieu sait quelle substance illégale non plus. Mais elle sait qu’elle lavera Alice avec grand soin quand elles ne seront plus qu’entre elles et qu’elle passera le pain de savon entre ses doigts boudinés, lui parlant en même temps pour qu’elle ne trouve pas le temps trop long. « Ta maman s’assure que j’fais pas d’bêtises. Elle me fait pas confiance alors que j’ai déjà changé ta couche cinq fois. » Ils n’en sont pas encore au nombre de fois où il s’est enfoncé une aiguille dans le bras alors effectivement, Lily ne lui fait pas confiance. Il semble remonter la pente, certes, mais il a beaucoup de chemin à faire. Elle serre un peu plus les bras, son ventre l’empêchant pourtant d’y ajouter une véritable force. Il est plus gros qu’il ne l’était à la même époque pour Alice, et c’est une raison supplémentaire de son côté pour abhorrer cette nouvelle grossesse. « Maintenant, promet-moi de ne pas chier dans les dix prochaines minutes. Attends au moins qu’sois parti. » - “Langage, Jo.” Elle ne veut pas qu’il prenne l’habitude d’avoir de tels mots autour d’Alice, surtout pas alors que Noah est aussi dans la maison et qu’il prépare doucement mais sûrement sa crise d’adolescence: elle ne risque pas de vouloir lui donner des armes en ce sens. Ses pensées voguent ailleurs lorsqu’il finit par jouer un instant avec sa fille, et elle l’attrape machinalement contre elle lorsqu’il s’éclipse dans la salle de bains. Déjà, mère et fille prennent plutôt le chemin du salon, où Alice finira par statuer dans peu de temps qu’il est l’heure de manger.
Le pas de Joseph se fait entendre après quelques secondes, avant de retomber dans le silence. Il s’est arrêté et elle ne s’en inquiète pas, bien consciente qu’il pourrait exister un bon millier de raisons à cela. Alice est dans ses bras, et c’est tout ce qui importe. « Chelou. » Elle souffle déjà. Qu’est-ce qu’il a encore trouvé, Jo ? « La carte postale, j’veux dire. Quelqu’un a payé un timbre pour t’dire absolument rien. » Elle aurait détourné le regard si elle ne savait pas parfaitement ce dont il parle. Au lieu de ça, et dos à lui, elle prend le temps de longuement rouler les yeux en direction du ciel, pour mieux fermer les paupières ensuite. Des cartes postales, elle n’en a pas beaucoup. Des cartes postales vides, encore moins. “Remets la où tu l’as trouvé.” Elle aboie sans lui apporter de réponse à la seconde où elle se rend compte de ce qu’il fait de l’objet, s’en servant ni plus ni moins d’éventail. “Si tu veux éplucher ma correspondance, alors il te faut un mandat.” Elle ne rigole qu’à moitié, un peu trop jusqu’au coup dans une bataille judiciaire de l’ombre avec Eliot. Lily ne lui dira rien, parce qu’elle sait quel genre de réaction il aura lorsqu’il comprendra qui lui a envoyé ce bout de carton. “Je suis sérieuse, Jo. Ne l’abîme pas.” Parce qu’elle y tient, à cette stupide carte postale, et parce qu’elle ne pourrait pas lui pardonner de l’égratigner plus que le service postal du pays ne l’a déjà fait. “Ça ne te regarde pas.” Leurs chemins se sont séparés il y a longtemps, elle ne lui doit plus rien. |
| | | | (#)Dim 6 Aoû 2023 - 5:05 | |
| “Langage, Jo.” Tant mieux si c’est ce qu’il a fait de pire. Son langage est la dernière chose qu’il arrivera à corriger parce que les mots sont tous et chacun tatoués dans sa matière grise. Le reste, il s’en est occupé du mieux qu’il le pouvait et si quelques années auparavant il ne se serait pas fait confiance pour tenir un enfant dans ses bras, aujourd’hui il n’a plus peur de ne pas être à la hauteur. Alice l’adore : ça se voit dans ses gros yeux bleus qui le fixent avec intensité et curiosité tandis qu’il termine de ramasser les serviettes humides qu’il a utilisées. « Excuse-moi Alice, j’ai dit des mauvais mots qu’tu dois pas répéter sinon ta maman te punira. » Il murmure à l’oreille de la petite pour que Lily n’entende pas cette fois. C’est leur petit secret. Elle n’a rien compris, elle ne s’en souviendra pas, alors c’est le secret le mieux gardé que la Terre n’ait jamais porté. Son travail terminé, il peut remettre le bébé gloussant à sa génitrice et se diriger vers la salle de bains pour se laver les mains religieusement – c’est tout ce qu’il fera religieusement.
Il emprunte le couloir central, celui qu’il arpente souvent et qu’il connait bien assez pour se rappeler chaque détail de sa décoration. Au mur, les mêmes photographies encadrées. Au sol, le même tapis centré. Par-dessus, le meuble d’appoint contenant multiple livres rangés en fonction de leur taille. Seulement, il y a une nouveauté aujourd’hui et il s’agit d’un carré blanc orné d’un petit timbre et d’une adresse. Il prononce sa réflexion à voix haute, s’étonne sans vraiment peser ses mots car il pense qu’il ne s’agit que d’un oubli de Lily, et il rejoint sa sœur en utilisant la carte postale comme un éventail. “Remets la où tu l’as trouvé.” Son ton austère surprend Joseph. Il se sent comme un chien mal élevé qui aurait détruit le canapé en le mâchouillant. N’obéissant pas aussitôt, car ce n’est pas dans ses gênes, il observe les traits crispés de sa sœur en l’interrogeant du regard. “Si tu veux éplucher ma correspondance, alors il te faut un mandat.” Il y jette un autre coup d’œil, à cette fameuse correspondance qui vient de gagner plusieurs points d’intérêt. Alors ce n’est pas une paperasse oubliée. Lily l’a volontairement préservée. C’est précieux. Les coins abimés sont le résultat de la maltraitance postière, les doigts de la jeune femme n’y sont pour rien. Réflexe idiot : Joseph renifle le papier. Ça sent le papier. “Je suis sérieuse, Jo. Ne l’abîme pas.” Jeunes, ils se disputaient des jouets, les tiraient dans tous les sens pour les briser à la fin. Il n’a pas l’intention de s’adonner à un tel duel, mais sa curiosité est piquée et il en faudra plus pour qu’il chasse la carte postale de ses pensées. « Okay, okay. » Il bredouille en se dirigeant vers le comptoir de la cuisine pour y poser l’objet fragile. Il n’arrive pas à s’en détacher l’œil. Même les gazouillements d’Alice ne captent plus son attention, lui qui adore voir ses sourires décorés de minuscules dents asymétriques. “Ça ne te regarde pas.” Plus elle insiste et plus il a besoin de savoir. Il scrute toujours la plume de l’écrivain qui a inscrit l’adresse. L’encre n’a pas coulé. Aucune bavure. Le travail est propre. Il n’a pas l’impression que les lettres ont été gravées par la main d’une femme. Il s’agit peut-être d’un préjugé, mais la calligraphie n’est pas gracieuse.
Il aurait reconnu la patte d’Alfie sans problème si le cerveau de ce dernier ne s’était pas fait retourner dix fois dans sa boîte crânienne. Il n’a jamais vu son écriture depuis l’incident. Il a perdu certains morceaux de lui.
« Très bien, garde tes secrets ! » Il s’exclame en délaissant enfin le carton, contournant le comptoir, s’arrêtant au réfrigérateur pour choper une pomme dans un tiroir. « J'espère juste qu'c'est pas une autre histoire d'adultère. » Il décolle la petite étiquette de la chair du fruit, croque une généreuse bouchée, se dirige vers la poubelle, soulève le couvercle, jette l’étiquette, s’immobilise, fronce les sourcils. Oh. Ce serait idiot de sa part de penser qu’il ne s’agit que d’une coïncidence, ces trois emballages de barres chocolatées.
Tim Tam, Violet Crumble et Kit Kat.
« T’avais faim, dis donc. Trois barres chocolatées en même temps. Ça t’donne la dent sucrée, d’être enceinte. » Il annonce d’une voix absente, incapable de détacher son regard des emballages. Ses méninges tournent et brûlent. Les battements de son cœur se sont accélérés. Il n’arrive pas à faire du sens avec l’image qui se projette dans sa rétine. Pourquoi… Pourquoi… La dernière fois qu’il a vu ces trois papiers ensemble, c’est quand il les a lui-même jetés avec colère après avoir décidé de rayer Alfie de sa vie. Impossible pour lui de faire le lien entre la carte postale et cette découverte. Il tente de faire du sens dans cette histoire et de trouver une explication raisonnable mais il se heurte constamment à un mur. Il a l’air idiot, le pied posé sur la pédale de la poubelle et la pomme posée contre ses lèvres, figée dans le temps.
@Lily Beauregard |
| | | | (#)Jeu 10 Aoû 2023 - 0:56 | |
| Elle ne le lâche pas du regard tant que ses doigts n’ont pas laissé la carte tranquille. Elle ne veut pas qu’il puisse abîmer cette carte d’une quelconque façon, même alors qu’il ignore l’identité de l’expéditeur. De façon plus claire et plus simple, elle ne peut pas lui faire confiance, même pour une tâche aussi simple que celle de laisser tranquille un bout de carton estampillé d’un timbre du bout du monde à la langue inconnue. « Très bien, garde tes secrets ! » Il a beau le dire, elle a besoin de la confirmation visuelle pour autoriser ses muscles à se détendre un minimum. « J'espère juste qu'c'est pas une autre histoire d'adultère. » Lily se retient de toutes ses forces de ne pas mettre un terme à leur échange et le renvoyer d’où il vient, de l’autre côté de la porte d’entrée et à même la rue. Pour Alice, elle fait des efforts, mais elle jure qu’il s’agit là du dernier dont elle puisse être capable. “J’espère que tu apprendras un jour où est ta place.” Pas dans sa cuisine, et pas non plus à ses côtés pour oser lui donner des conseils conjugaux alors qu’elle sait de source sûre que son seul allié se situe dans sa main droite.
Joseph a beau s’immobiliser face à la poubelle, elle ne s’en fait pas pour autant. Peut-être qu’il fait une crise au cerveau dûe à des années de consommation de drogue ; cela n’aurait rien d’une surprise. Mais puisqu’il parle clairement dès l’instant qui suit, son cerveau semble aller aussi bien que possible. « T’avais faim, dis donc. Trois barres chocolatées en même temps. Ça t’donne la dent sucrée, d’être enceinte. » - “Je sais même pas de quoi tu parles, Jo.” Elle souffle, incapable de trouver les liens dans son discours et le soupçonnant surtout de ne pas prendre le temps d’en trouver. Il passe d’un sujet à un autre sans discontinuer et Lily a du mal à accepter une attitude qu’elle associe plutôt à des enfants qui apprennent encore à s’exprimer convenablement. Ses pas l’amènent dans la cuisine pour attraper le biberon d’Alice, elle se penche au-dessus de la poubelle pour avoir une confirmation visuelle sur les mots de son frère. “Des enfants se sont sûrement amusés à les mettre dans la boîte aux lettres. Je ne mangerais jamais ce genre de choses.” Elle relate, elle s’explique. Lily tient trop à sa parfaite dentition et sa ligne (paradoxalement mise à mal par son ventre gonflé) pour oser toucher à des bonbons de la sorte. Il y aurait en réalité bien plus de chances qu’ils aient été mangés par Ezra ou Noah plutôt qu’elle. “Ils ne vont pas te manger, Jo, tu peux refermer la poubelle.” Finit-elle par ajouter face à l’inaction de son frère, n’ayant aucun mal à continuer ses va-et-vient dans sa cuisine de son côté. Le lait en poudre est ajouté au fond du biberon, l’eau est versée par-dessus, et Alice s’agite doucement en comprenant qu’elle s’apprête à manger. |
| | | | (#)Jeu 24 Aoû 2023 - 3:29 | |
| “J’espère que tu apprendras un jour où est ta place.” La répartie, sanguinaire et irascible, vient lui retrousser le nez alors qu’il examine sa sœur ainsi que les mots qu’elle vient d’employer, flottant au-dessus de sa tête. Elle se croit toujours plus importante que lui, n’est-ce pas ? Le ton qu’elle emploie l’infantile, le réduit même à un esclave, mais aucun des termes qu’elle pourrait lui adresser ne lui dressera les poils sur les bras. Il la connait. Elle sort les griffes lorsqu’elle a peur de perdre le contrôle. Et, autour de Joseph, elle le perd souvent. Elle ne peut pas le promener de droite à gauche comme elle le sent, ses ordres lui passent bien au-dessus de la tête, même il s’amuse de la voir s’entêter à préserver le pouvoir qu’elle n’a pas sur lui. Il n’entre pas dans son petit jeu. Pour lui, il ne s’agit que d’assurer les arrières de sa seule famille, malgré le fait qu’elle ne l’interprète pas ainsi. Ce n’était qu’un conseil qu’il lui a glissé, après tout : ne gâche pas toute ton histoire avec Ezra pour une affaire de jolis yeux battant. « La dernière fois qu’j’ai lu ces mots, c’t’ait dans un roman historique traitant de violence conjugale. Il a très mal vieilli. » Qu’il fredonne en continuant son chemin vers la cuisine pour déposer la mystérieuse carte postale anonyme. Lily ne s’est visiblement pas adaptée aux temps modernes. Ses valeurs sont figées à une époque où certains en dominent d’autres grâce à leur statut social. Joseph espère qu’Alice arrivera à faire la part des choses en grandissant, et qu’elle trouvera d’autres influences ailleurs que dans la maisonnée. Heureusement, Ezra ne lui avait pas paru aussi radical.
La péripétie aurait pu se terminer ainsi : un frère et une sœur qui se tirent les cheveux, une énigme irrésolue et une porte qui se ferme en claquant. Mais, dans la poubelle, un nouveau rébus subsiste, composé de trois emballages de barres chocolatées. “Je sais même pas de quoi tu parles, Jo.” Ce n’est peut-être pas elle qui les a mis là. Il ne remet pas sa parole en question. Ça ne leur apporterait rien de bon, et ça ne l’aiderait pas à trouver cette réponse qu’il cherche. Silencieux, il continue de scruter ce trésor à la valeur inestimable jusqu’à ce que Lily entre dans sa bulle, son parfum fruité venant rivaliser contre l’odeur de détritus. “Des enfants se sont sûrement amusés à les mettre dans la boîte aux lettres. Je ne mangerais jamais ce genre de choses.” Haussant un sourcil, il détache enfin son regard du chocolat pour fixer Lily avec insistance. « La boîte aux lettres ? » Étaient-ils emballés ? Joints à une lettre ? Abandonnés ainsi, orphelins ? Lily ne comprend visiblement pas ce qu’il se passe, mais les éléments font enfin sens dans le crâne de Joseph, qui ne referme pas la poubelle sans avoir pris le temps de récupérer les emballages. Il pose la Kit Kat, la Violet Crumble et la Tim Tam sur le comptoir et retire son pied de la pédale. Suspendu au-dessus d’eux, alors que Lily se prend pour un pendule en balayant l’air dans la pièce, courant dans tous les sens pour retrouver son quotidien de mère occupée, il souffle ton son air pour en ravaler un meilleur.
Sec, il fait : « Pourquoi Alfie t’a envoyé une carte postale ? » Et ses yeux interrompent le mouvement de Lily, tandis qu’il lui demande sans un mot de ne pas le prendre pour un con et de simplement suivre le courant de la discussion telle qu'il l'impose.
@Lily Beauregard |
| | | | (#)Mar 5 Sep 2023 - 19:03 | |
| « La dernière fois qu’j’ai lu ces mots, c’t’ait dans un roman historique traitant de violence conjugale. Il a très mal vieilli. » A défaut de savoir écrire convenablement, il sait au moins lire, et elle ne peut pas le lui retirer. Ses mots la frôlent sans la toucher et c’est à peine si elle lui dédie un regard pour lui signifier qu’elle l’a entendu. Elle ne se sent pas concernée par des reproches qu’il cache sous des informations futiles: s’il continue sur ce même rythme, lui aussi vieilliera très mal, et c’est encore s’il arrive à vieillir, justement.
Il change de sujet uniquement pour faire une fixette sur des emballages de bonbons sans que Lily n’arrive à comprendre pourquoi il agit ainsi. Elle le lui dit: elle ne sait pas d’où ils proviennent et de toute façon la réponse à cette question n’a aucune sorte d’importance. Des courriers se perdent parfois et d’autres, les enfants jettent leurs emballages où ils le peuvent. Cela fait partie des petites choses du quotidien que plus personne ne prend la peine de souligner, à force. « La boîte aux lettres ? » Il tique sur l’utilisation du mot et elle finit par remonter brièvement son regard dans le sien. Pourquoi est-ce qu’il semble donner une importance nouvelle au moindre détail ? Elle ne répond pas, certaine qu’il l’a bien entendue. Lorsqu’il pousse sa fixette jusqu’à sortir les emballages de la poubelle, elle souffle bruyamment. Ne manquerait plus que Joseph devienne un toqué ou, pire encore, un collectionneur. S’il avait une maison, il aurait sûrement le syndrome de Diogène, tiens. « Pourquoi Alfie t’a envoyé une carte postale ? » Après l’avoir laissé gérer seul ses questions existentielles avec les bonbons, elle se fige instantanément à l’évocation du prénom d’Alfie. Pas un seul instant elle ne cherche à nier, consciente que c’est peine perdue.
« Comment tu le sais ? » Elle se moque bien de répondre à sa question, évidemment. Elle veut savoir comment elle a été prise la main dans le sac, justement pour que cela n’arrive jamais à nouveau et, surtout, pour qu’Ezra lui-même n’en sache rien. Elle n’a rien dit à personne et, aussi simplement que cela, elle ne comprend pas comment des bonbons ont pu faire réfléchir son frère au point où il en vienne à une telle conclusion. Une conclusion aussi juste, surtout. « Alfie est mon ami et je ne tire pas sur mes amis. C’est aussi simple que ça. » Il est un peu plus que son ami, sans être beaucoup plus, mais c’est une nuance qu’elle veut se garder d’ajouter, sans doute parce que Joseph en a eu un aperçu et qu’elle n’a pas à coeur de lui décrire le tableau dans son enfance. Il n’a jamais été bien placé pour cela, il n’a jamais été celui à recueillir ses confessions, et aujourd’hui il est l’homme qui souhaite voir Alfie mort: cela ne fait toujours pas de lui le bon pour accueillir ses aveux, donc. « Et remets ces emballages dans la poubelle, bon sang. » Il ne manquerait plus qu’ils salissent le plan de travail. Elle a autre chose à faire avec deux enfants à charge. |
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